CONVENTION FISCALE
AVEC LA MONGOLIE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 396, 1996-1997)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la Mongolie en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière
d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole). [Rapport n°
251 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin,
secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention fiscale en vue
d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune, qui a été signée à Paris le 18 avril 1996, s'inscrit dans le processus
de démocratisation de la société mongole et de libéralisation de l'économie
engagé dans ce pays depuis 1990.
Au moment où la négociation de cette convention a débuté, la Mongolie évoluait
dans un environnement économique particulièrement difficile, dû au passage, que
je viens d'évoquer, d'une économie planifiée à une économie de marché et à
l'effondrement de son ancien allié soviétique avec lequel la Mongolie se
trouvait dans un état de dépendance totale.
La transition économique mongole a suivi quatre axes : réforme fiscale,
libération des prix, restructuration bancaire et privatisation des entreprises
publiques. Ce programme, également destiné à attirer les investisseurs
étrangers, se heurte à certaines limites structurelles dont la persistance
d'une très forte inflation - plus de 50 % - l'obsolescence de l'appareil
productif, le mauvais état des finances de l'Etat - déficits publics de près de
18 % du PIB - et une forte dette extérieure.
La Mongolie a bénéficié d'une aide importante de l'Union européenne de 10
millions d'écus en 1996-1997, et ses échanges se recentrent désormais vers
l'Europe avec laquelle la Mongolie effectue maintenant 25 % de son commerce
extérieur.
La France est un partenaire commercial marginal de la Mongolie - 0,4 % - la
seule entreprise française ayant développé une stratégie d'implantation dans
cet Etat étant Alcatel. Pourtant, plusieurs secteurs sont potentiellement
porteurs pour l'industrie française : les télécommunications, les transports,
l'énergie, l'agroalimentaire mais également le tourisme, comme l'ont confirmé
des missions récentes.
La conclusion d'une convention fiscale avec cet Etat qui, pour l'heure, paraît
être d'un intérêt limité, ne pourra qu'inciter nos entreprises à être plus
présentes sur ce marché, même si la difficulté de financer des projets,
eux-mêmes souvent mal identifiés, peut être un handicap.
Les principes posés par la convention vous sont largement connus, puisqu'ils
s'inspirent pour l'essentiel du modèle de convention fiscale de l'Organisation
de coopération et de développement économiques. Il est à relever néanmoins la
mise en place d'un mécanisme de crédit d'impôt fictif en matière de dividendes,
d'intérêts et de redevances, dispositif classique dans les conventions fiscales
conclues par la France avec les pays en développement.
Ce dispositif, très attractif pour les sociétés françaises disposant de
filiales en Mongolie, a été encadré dans le temps - dix ans à compter de
l'entrée en vigueur de la convention - et dans son champ d'application : il ne
concerne que les produits ayant fait l'objet en Mongolie d'une incitation
fiscale en vue de la promotion du développement économique du pays.
J'aimerais conclure en soulignant la qualité de nos relations politiques avec
cet Etat : le président Otchirbat s'est rendu en visite en France en avril
1996, un ambassadeur de France non résident a été nommé en octobre 1996 à
Oulan-Bator et les échanges parlementaires sont - comme vous le savez -
fréquents, le groupe d'amitié du Sénat s'étant rendu sur place en juillet
1996.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le Gouvernement vous recommande
d'autoriser l'approbation de la convention fiscale franco-mongole du 18 avril
1996.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Emmanuel Hamel,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
C'est avec tristesse que je prends la parole car j'imagine à quel point mes
collègues se sentent frustrés de ne pas avoir le privilège d'entendre notre
collègue M. Jacques Chaumont dont la connaissance de la Mongolie, notamment, et
de tous les problèmes internationaux est si grande, ce qui fait de lui un
orateur si apprécié du Sénat. Mais ses obligations internationales le privent
aujourd'hui de la possibilité de présenter lui-même son rapport et je le fais
avec confusion et un sentiment d'humilité comparant ses énormes moyens aux
miens, moi qui n'ai pas encore le privilège et l'honneur de connaître la
Mongolie.
Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation de la convention,
signée à Paris le 18 avril 1996, entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la Mongolie en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts
sur le revenu et sur la fortune.
En Mongolie, engagée depuis 1989 dans un processus de démocratisation
réconfortant et positif, les deux premières élections libres de 1990 et de 1992
ont maintenu au pouvoir l'ancien parti unique, puis l'opposition démocratique a
remporté successivement les élections présidentielles de 1993, avec l'élection
de M. Otchirbat, et législatives de juin 1996.
Des réformes économiques libérales importantes ont été engagées par le nouveau
gouvernement mongol depuis 1990.
Les néo-communistes qui ont reconquis la présidence en mai 1997 ne remettent
pas en question les réformes démocratiques ni même le choix en faveur de
l'économie de marché dans un pays riche d'avenir, ayant plus de 4 600
kilomètres de frontières avec la Chine et 3 600 kilomètres avec la Russie.
La Mongolie traverse actuellement une période de cohabitation, car son
Gouvernement dépend uniquement du Parlement monocaméral, le Grand Khoural,
tandis que son président, élu au suffrage universel pour quatre ans, dispose
d'un veto législatif sans pouvoir dissoudre le Parlement. Ainsi sont les
équilibres institutionnels subtils de la Constitution mongole.
Dois-je rappeler, mais vous le savez tous, que dès 1253, Louis IX, Saint
Louis, roi de France, envoyait déjà deux émissaires français, dont un moine
franciscain André de Longjumeau, à la cour des souverains mongols ; que la
Mongolie a été reconnue par la France comme un Etat indépendant en avril 1965 ;
que la politique extérieure mongole a cessé, depuis 1990, de s'aligner sur
celle de la Russie ; que le président Otchirbat, que vous avez évoqué tout à
l'heure dans votre discours d'introduction, monsieur le secrétaire d'Etat, a
honoré la France d'une visite fort appréciée du 17 au 21 avril 1996, année de
la nomination d'un ambassadeur à Oulan-Bator ?
La dynamique et éminente ministre de l'environnement du précédent
gouvernement, Mme Corinne Lepage, s'est rendue l'an dernier, au mois de mars,
au nom du Gouvernement de la France, en Mongolie où elle a reçu un accueil
mémorable.
La qualité de nos relations avec le peuple mongol et la République mongole a
été brillamment concrétisée l'an dernier par la visite en France du ministre
des affaires étrangères mongoles M. Altangerel. Déjà en 1991, le secrétaire
d'Etat aux affaires étrangères de la France, M. Alain Vivien, s'était rendu en
Mongolie pour lui dire l'espoir de la France en son renouveau et en son
expansion.
L'activité du groupe d'amitié sénatorial France-Mongolie, que vous avez à
juste titre évoquée, monsieur le secrétaire d'Etat, est exemplaire. N'est-elle
pas l'un des symboles, l'un des signes de l'amitié et de la sympathie de la
France pour le Gouvernement mongol, sa démocratie et son noble peuple à la si
grande histoire et dont les progrès au troisième millénaire sont certains et
seront grands, symboliques de la vitalité asiatique ?
Rendons hommage, un hommage mérité, à notre éminent collègue Hubert
Durand-Chastel qui a beaucoup contribué au rétablissement de relations
diplomatiques normales et confiantes entre nos deux pays, la Mongolie et la
France.
La Mongolie compte moins de 2,5 millions d'habitants, pour une superficie
trois fois supérieure à la nôtre : plus de 1,5 million de kilomètres carrés.
Son économie, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, est en
voie de développement, mais le produit national brut par habitant est encore
inférieur à 400 dollars.
L'aide soviétique, qui a cessé en 1990, représentait 30 % du PNB de la
Mongolie jusqu'en 1989. Sans elle, la Mongolie, par ses remarquables efforts,
connaît une significative croissance, avec un taux de 6 % en 1997, et dégage un
excédent extérieur.
Les relations bilatérales entre la France et la Mongolie ont longtemps
souffert de ses relations préférentielles, pour ne pas dire exclusives, avec
l'Union soviétique et le COMECON.
A la suite de la visite officielle en France du président Otchirbat en avril
1996, un ambassadeur non résident a été nommé à Oulan-Bator en octobre 1996. La
présente convention fiscale, dont la négociation a été engagée dès 1991, a été
signée à l'occasion de cette visite.
La France est un partenaire commercial encore, hélas ! marginal de la
Mongolie, ainsi que vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire
d'Etat, dont elle ne représente que 0,4 % des parts de marché. Ce pourcentage
correspond à des flux commerciaux annuels de l'ordre de 35 millions de
francs.
La seule entreprise française réellement implantée en Mongolie ainsi que vous
l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, en la citant, ce qui est un
honneur pour elle, est Alcatel, qui a bénéficié en 1992 d'un protocole
bilatéral de 20 millions de francs qui lui a permis de remporter par la suite
200 millions de francs de marchés. Quelques entreprises françaises sont
également présentes en Mongolie dans le domaine des transports.
L'aide financière française prend la forme de dons. Leur volume est, à notre
regret, limité. Le protocole de 10 millions de francs signé en 1995 a été
complété en mars 1997 par un protocole de 20 millions de francs, destiné aux
projets d'infrastructures. Puisse cette majoration n'être qu'une étape, un
progrès vers un soutien français plus actif à la croissance économique de la
Mongolie.
La convention fiscale conclue entre la Mongolie et la France est pour
l'essentiel fidèle au modèle de l'OCDE et ne s'en écarte que sur des points
mineurs ou interprétatifs.
Le paragraphe 3 de l'article 11 relatif à l'imposition des intérêts prévoit
que ceux-ci sont exonérés dans l'Etat de la source lorsqu'ils sont perçus ou
payés par l'Etat contractant, une de ses collectivités locales ou une de ses
personnes morales de droit public. Cette disposition s'appliquera notamment aux
prêts de la COFACE.
Le point 4 du protocole annexé précise que la rémunération des services
techniques de conseil et d'ingénierie est considérée comme un revenu et non pas
comme une redevance. En effet, certains Etats ont une interprétation extensive
de la notion de redevance, car celle-ci peut être imposée dans l'Etat de la
source même en l'absence d'établissement stable.
L'article 17 prévoit que, lorsque les activités des artistes et des sportifs
sont financées essentiellement par les fonds publics d'un Etat, leurs revenus
ne sont imposables que dans cet Etat. Cette clause, dérogatoire au modèle de
convention de l'OCDE, est traditionnelle dans les conventions signées par la
France.
L'article 23, relatif à l'élimination des doubles impositions, prévoit un
mécanisme de crédit d'impôt fictif du côté français. Ainsi, une entreprise
pourra déduire de son impôt en France l'impôt qu'elle aurait dû payer en
Mongolie, même si elle en est par ailleurs exonérée. Ce dispositif est encadré
: d'une part, il ne s'applique que dans le cadre d'un régime d'incitation
fiscale destiné à favoriser le développement économique de la Mongolie, d'autre
part, il n'est prévu que pour une période de dix ans éventuellement
renouvelable.
La présente convention fiscale, au regard de la faiblesse actuelle des
relations économiques entre la France et la Mongolie, répond autant à des
considérations d'ordre diplomatique et de sympathie réciproque qu'à des
intérêts commerciaux, dans l'attente et l'espoir de leur prochain développement
pour l'intérêt commun de la Mongolie et de la France.
Il s'agit là d'un texte qui participe au rétablissement de relations
diplomatiques normales entre la France et la Mongolie et qui est aussi de
nature à accompagner le développement économique de ce pays ami.
C'est pourquoi la commission des finances propose au Sénat d'autoriser
l'approbation de cette convention, la voyant comme une étape sur la voie de
l'élargissement du renforcement et de l'intensification des relations
politiques, économiques, culturelles et techniques, amicales pourrais-je
ajouter, entre la Mongolie et la France qui, vous le savez, porte au peuple
mongol l'estime et la sympathie qu'il mérite.
(Applaudisements.)
M. le président.
Peut-être aurez-vous l'envie de découvrir la Mongolie, monsieur Hamel...
M. Emmanuel Hamel,
rapporteur.
Je rends hommage au dynamisme de Gengis Khan !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie en
vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude
fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole), signée à Paris le 18 avril 1996 et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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