INSCRIPTION D'OFFICE DES PERSONNES ÂGÉES DE DIX-HUIT ANS SUR LES LISTES ÉLECTORALES

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 408, 1996-1997) relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. [Rapport n° 417 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exercice de la citoyenneté n'a rien d'automatique. C'est d'abord le fruit de l'instruction, le témoignage de la compréhension des mécanismes mêmes qui fondent la démocratie. Inscrire dans les esprits et dans les coeurs des jeunes générations l'attachement à la France et à la République, développer l'instruction civique à tous les niveaux de l'éducation, tels sont, sans aucun doute, les meilleurs moyens d'améliorer la participation des jeunes citoyens à la vie publique.
Au moins avons-nous le devoir d'encourager cette participation, et spécialement de rendre aussi aisée qu'il est possible l'inscription de tous les citoyens sur les listes électorales. En effet, si la République ne se résume pas au suffrage universel, celui-ci est, pour la souveraineté populaire, le moyen de s'exprimer : c'est d'abord le fait de se rendre aux urnes lors des consultations qui marque le désir de chacun de prendre sa part de citoyen à la vie publique.
Or, l'expérience nous a montré récemment que nombre de jeunes électeurs se trouvèrent surpris et empêchés de participer à une grande consultation nationale, faute d'avoir pu être inscrits à temps sur les listes électorales. Ce sont des situations de ce type qu'il convient de réduire ou de faire disparaître, et tel est l'objet du présent projet de loi.
M. le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, le 19 juin dernier, avait pris l'engagement de faire en sorte que « l'inscription de chaque citoyen sur les listes électorales soit rendue automatique l'année de sa majorité ». Le Président de la République avait également formé un voeu analogue lors de propos télévisés tenus au début de l'année.
Nous voici donc au pied du mur : il convient d'ancrer dans la réalité de notre ordre juridique ces dispositions nouvelles.
Les principes auxquels je viens de faire allusion semblent rencontrer une large approbation.
Votre rapporteur, M. Christian Bonnet, a bien voulu rappeler, dans son rapport écrit, l'esprit dans lequel la commission des lois du Sénat a abordé l'étude de ce projet de loi. Je l'en remercie.
Je voudrais, en premier lieu, préciser les objectifs que vise le Gouvernement à travers ce texte.
Aujourd'hui, vous le savez, l'inscription sur les listes électorales, qui est obligatoire, ne comporte aucun caractère automatique et demeure subordonnée à une demande expresse des citoyens. Il s'agit, toutefois, d'une obligation qui reste sans sanction en cas d'inobservation. L'on peut dire qu'il n'est pas de citoyenneté sans effort et sans abnégation, cela est vrai, mais faut-il pour autant exiger de chacun qu'il accomplisse une formalité quelquefois longue et difficile ?
L'état de fait que nous constatons, joint à l'évanescence progressive, que je déplore, de l'instruction civique dans les programmes de l'éducation nationale, n'a guère encouragé les jeunes majeurs à effectuer les démarches d'inscription auprès de leur mairie ; chacun d'entre vous le sait. C'est pourquoi le Gouvernement vous propose d'édicter des dispositions propres aux jeunes gens atteignant l'âge de dix-huit ans, et permettant leur inscription automatique sur les listes électorales.
Ces mesures sont particulières aux nouveaux citoyens atteignant l'âge de la majorité. Elles s'inscrivent donc dans notre droit électoral sans en changer les fondements essentiels, mais elles permettront, de manière pragmatique, de répondre à des situations de fait où des jeunes se sont trouvés hors d'état d'accomplir leur devoir civique, faute d'information ou d'initiative suffisante.
Il s'agit non pas, j'y insiste, de conférer la qualité d'électeur à ces jeunes gens, puisque cette qualité leur est conférée par la Constitution, mais seulement d'accomplir la formalité administrative qui leur permettra de remplir leur devoir d'électeur dans leur commune.
Le principe d'égalité est tout à fait respecté. En effet, le Conseil constitutionnel admet parfaitement que des situations différentes soient traitées différemment. Or, comme l'indique excellemment M. Bonnet dans son rapport, le fait d'atteindre dans l'année l'âge de la majorité constitue bien une différence d'avec les autres électeurs, laquelle justifie un traitement particulier, à savoir l'inscription d'office, l'objet de cette mesure étant la recherche de la plus large participation de tous les électeurs aux différents scrutins.
A cette fin, il convient de définir une méthode simple et transparente.
La volonté de simplicité a conduit à faire des commissions administratives existantes l'instance compétente pour procéder à l'inscription d'office.
Chaque commission administrative - il y en a une par bureau de vote - est composée de trois membres, à savoir un représentant du maire, un délégué désigné par le préfet et un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance, ainsi qu'en dispose l'article L. 17 du code électoral. La diversité de cette composition est gage d'un contrôle pluraliste efficace.
Je dois vous préciser que, pour ce qui me concerne, j'ai rappelé aux préfets, par une circulaire en date du 30 juin 1997, l'intérêt qui s'attache à la nomination de ces représentants. Il convient de veiller à la composition pluraliste des commissions et à la qualité de ceux qui ont à accomplir ces tâches bénévoles mais indispensables au bon fonctionnement de la démocratie.
Les commissions administratives pourront procéder aux inscriptions d'office, non point de leur propre initiative ou sur la base de renseignements qu'elles auraient d'elles-mêmes recueillis, car vous mesurez bien à quels risques de fraudes nous exposerait une telle démarche, mais sur la foi des informations que leur transmettront les services de l'Institut national de la statistique et des études économiques. Je préciserai dans un instant comment ces informations seront réunies.
Les commissions administratives procéderont donc à l'ensemble des inscriptions - j'insiste bien sur ce point - c'est-à-dire aussi bien celles qui résultent des démarches volontaires effectuées par les citoyens dans les conditions habituelles que celles qui concernent les jeunes électeurs ayant atteint l'âge de dix-huit ans depuis la dernière clôture définitive des listes électorales ou atteignant cet âge avant la prochaine clôture définitive de ces listes, sous réserve, bien entendu, qu'ils répondent aux autres conditions prescrites par la loi.
L'unité administrative et le regroupement au sein des seules commissions administratives de l'ensemble des opérations d'inscription, d'office ou volontaires, est un gage de simplicité.
Je ne vous dissimulerai pas pour autant que de nombreux obstacles d'ordre technique s'opposent à la réussite de cette entreprise.
Dois-je ici faire observer que ce sont ces difficultés qui avaient, en d'autres temps, conduit à reporter la mise en oeuvre d'un principe dont les plus hautes autorités de l'Etat avaient pourtant souligné l'intérêt ?
En effet, comment peut-on recenser, par commune, tous les jeunes Français atteignant ou devant atteindre l'âge de dix-huit ans ?
Le répertoire national de l'Institut national de la statistique et des études économiques ne nous renseigne nullement sur la commune de résidence. Or, entre le lieu de naissance et le lieu de domicile, au long de dix-huit années, de nombreux changements ont pu se produire.
Le recensement effectué pour le service national sera donc notre premier outil. Je rappelle que tous les garçons sont tenus de se faire recenser dans leur mairie à l'âge de dix-sept ans. Cela donne lieu à l'établissement d'un fichier fiable et complet, qui ne réunit que les jeunes de nationalité française. Le recensement, comme l'accomplissement des obligations du service national, constitue l'une des marques maîtresses de la nationalité.
Dès après le vote du présent projet de loi par le Parlement, les services du ministère de la défense pourront communiquer à l'INSEE les informations nominatives portant, aux termes du présent texte, « exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et adresse ». Les actes réglementaires qui seront pris après consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sont d'ores et déjà en cours de préparation ; ils permettront d'étendre à l'inscription sur les listes électorales les finalités du recensement, et d'ajouter l'INSEE et les commissions administratives au nombre des destinataires des informations dont j'ai rappelé la nature.
Ainsi, dès les premiers jours de novembre 1997, c'est-à-dire d'ici à deux mois, les communes devraient bénéficier de cette importante source d'information.
En second lieu, les fichiers gérés par les organismes de base de l'assurance maladie seront mis à contribution. Ils ont le mérite d'enregistrer les jeunes filles, à la différence du recensement. Comme vous le savez, le droit de vote est accordé aux femmes depuis 1946 dans notre pays. (Sourires.)
Ces fichiers ne sont pas aujourd'hui homogènes. Certains, étant fondés sur la qualité d'« ouvrant droit », recensent les parents, mais rarement les jeunes majeurs jouissant de la qualité d'« ayants droit » et, à ce titre, simplement rattachés à l'identification de leurs parents. Des traitements appropriés seront nécessaires dans certains cas. Il est vrai que d'autres fichiers, tel celui de la Mutualité sociale agricole, permettent en revanche de sélectionner rapidement les informations visées par le présent projet de loi. Mais, surtout, la constitution, à partir du 1er janvier 1998, du répertoire national interrégimes d'assurance maladie répondra complètement à nos voeux. Les services du ministère de l'emploi et de la solidarité estiment qu'en juillet 1998 des renseignements exhaustifs pourront être transmis à l'INSEE.
Le mécanisme retenu vise à garantir la confidentialité des informations. C'est donc l'Institut national de la statistique et des études économiques, dont vous connaissez déjà la rigueur et la précision dans la tenue des fichiers électoraux, qui se voit confier la charge de réunir les informations provenant aussi bien du recensement pour le service national que des organismes servant des prestations de base des régimes d'assurance maladie. Après croisement de ces informations, l'INSEE transmettra aux communes les listes de jeunes majeurs dont l'inscription d'office sera possible : il s'agira des communes désignées par les jeunes majeurs eux-mêmes, soit lors du recensement, soit lors de leur plus récent contact avec leur régime d'assurance maladie. En effet, le présent projet de loi prévoit, dans son article 1er, que le lieu d'inscription d'office est la commune où se trouve le domicile réel de la personne concernée. La jurisprudence définit ce domicile réel comme celui du principal établissement.
Cependant, il convenait de faire droit au souhait de certains jeunes gens d'être inscrits en un autre lieu que celui de leur domicile réel. Il peut en aller ainsi du lieu où ils poursuivent leurs études, du lieu où ils auraient récemment établi leur domicile, quittant celui de leurs parents. Cette possibilité demeurera et, en cas de double inscription, l'INSEE ne manquera pas de les signaler, comme il le fait déjà, pour qu'il soit mis fin à ces irrégularités dans les conditions du droit commun.
Ce mécanisme fiable ne saurait, je le souligne, dispenser les commissions administratives de procéder aux vérifications qui sont rendues nécessaires par la loi.
Ainsi en va-t-il de la nationalité. Si, comme je vous l'ai dit, les informations issues du recensement emportent preuve de la nationalité française, il n'en va pas de même des fichiers de l'assurance maladie. Il reviendra alors aux commissions administratives de convoquer les jeunes gens et les jeunes filles dont l'identification aura ainsi été enregistrée afin de se présenter en mairie pour justifier de leur nationalité. Ce sera particulièrement vrai dans les villes. Ce sera moins vrai dans les villages.
Cette convocation indispensable n'est en rien contraire au principe de l'inscription d'office : elle permettra à ces jeunes de connaître la possibilité d'inscription d'office qui leur est offerte, dès lors du moins qu'ils auront apporté la preuve de leur nationalité. Cette condition remplie, l'automaticité joue donc pleinement pour les jeunes inscrits à partir du fichier de l'assurance maladie.
Je veux dire enfin un mot de la période transitoire, celle qui concerne la révision en cours des listes électorales, révision ouverte depuis le 1er septembre dernier et qui se poursuit jusqu'au 31 décembre 1997.
L'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans n'atteindra l'exhaustivité qu'au cours de l'année prochaine, c'est-à-dire au moment où les organismes de base de l'assurance maladie et la constitution du répertoire national interrégime d'assurance maladie fourniront à l'INSEE des informations complètes. Vous comprenez parfaitement qu'à la date du 23 septembre il soit impossible de garantir, dans les quelques semaines qui nous séparent de la clôture des listes électorales, l'exhaustivité de l'inscription d'office des jeunes.
Donc, pour cette période transitoire, je le dis à travers vous à tous les jeunes ayant atteint l'âge de dix-huit ans en 1997, et je vous prie d'être auprès d'eux mon porte-parole,...
M. Jean-Jacques Hyest. Inscrivez-vous !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... rendez-vous dans votre mairie, parce que cette année encore cette formalité est nécessaire. L'année prochaine elle ne le sera pratiquement plus, si ce n'est pour les contrôles d'usage. Mais, pour 1997, il faut encore une dernière fois accomplir cette démarche. J'espère que le message sera reçu.
Ce sera une précaution superfétatoire dans un an pour les jeunes inscrits d'office par le mécanisme que j'ai déjà décrit. Toutefois, ce sera une démarche nécessaire pour tous ceux dont l'état actuel de l'informatique ne permet pas de connaître l'identité et l'adresse. La France, mesdames, messieurs les sénateurs, est loin d'être un pays « fiché » comme on le décrit quelquefois à tort ! Nous le voyons bien aujourd'hui.
Nous devons cependant ouvrir dès à présent cette période transitoire. Pourquoi ? Parce que en votant cette loi le Parlement ouvrira dès à présent la voie au processus d'inscription d'office qui, en quelques mois, deviendra opératoire grâce à l'amélioration des données transmises à l'INSEE.
Ainsi, le recensement des jeunes filles qui sera organisé à compter du 1er janvier 1999 améliorera considérablement la fiabilité de l'ensemble des informations dont disposeront les commissions administratives.
J'ai bien noté que la commission des lois du Sénat estime dès lors qu'il conviendrait peut-être de différer l'inscription d'office à la date de généralisation du recensement.
Cependant, deux raisons me paraissent devoir y être opposées :
Tout d'abord, cette proposition reporterait l'effectivité de l'inscription d'office à l'an 2000, car je vous rappelle que le recensement complet des jeunes garçons et des jeunes filles commencera au 1er janvier 1999. Or, d'ores et déjà, un nombre important de jeunes gens en 1997, et la quasi-totalité en 1998, pourront bénéficier de l'inscription d'office. Pourquoi donc ne pas le faire ? Ouvrons dès aujourd'hui ce processus évolutif qui bénéficiera à plusieurs centaines de milliers de nouveaux électeurs.
Ensuite, en votant dès à présent ce projet de loi, vous ouvrirez pour les jeunes ayant atteint l'âge de majorité en 1997 un droit à l'inscription d'office qu'ils pourront faire valoir, même après la clôture de la liste et jusqu'au jour du scrutin, devant le juge d'instance.
Cette possibilité est le second argument que je souhaitais vous apporter. L'article L. 34 du code électoral vise ainsi « les personnes indûment omises des listes électorales par suite d'une erreur matérielle ». Nous ne verrons plus, ainsi, les scènes auxquelles nous avons pu assister récemment, à savoir des jeunes qui voulaient voter mais ne le pouvaient pas.
Le rattrapage de ceux qui ne figureront pas dans les informations transmises à l'INSEE sera donc possible. Une classe d'âge - dois-je vous le rappeler ? - représente 2 % des électeurs, soit environ 750 000 jeunes gens répartis sur tout le territoire. Il s'agit donc d'effectifs raisonnables et nous ne devons pas surestimer les charges liées à ce processus, ni au rattrapage possible jusqu'au jour du scrutin par décision du juge d'instance, sur le fondement du projet de loi que je vous invite à voter.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas nier les difficultés objectives qui se présentent sur notre chemin. Mais je les crois surmontables, et, surtout, j'ai le sentiment qu'elles se dissiperont avec le temps, et de manière rapide.
Il ne s'agit nullement d'une baguette magique pour éveiller le civisme chez les jeunes. Il faut pour cela, je l'ai maintes fois exprimé et je le répète aujourd'hui, inscrire dans l'esprit et dans le coeur des jeunes générations l'amour de la République, le sens de l'intérêt général, le respect de la loi, la connaissance de la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs, car elle fait de chaque citoyen un membre du souverain, la nation définie comme communauté de citoyens.
C'est d'abord l'affaire de l'école ; vous connaissez mon attachement à l'instruction civique. C'est là que se trouvent les clés d'un esprit civique retrouvé.
Mais que à tout le moins les formalités nécessaires à l'accomplissement de ce devoir soient rendues plus commodes : tel est l'objet de ce projet de loi qui répond au voeu exprimé depuis les horizons politiques les plus divers, mais que le Gouvernement, auquel j'appartiens, a voulu d'emblée faire entrer dans la réalité. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, face au projet de loi dont nous sommes saisis, je vous propose d'évoquer successivement son objectif, sa compatibilité avec les principes généraux de notre droit public, ses modalités, avant d'aborder, enfin, ses conséquences, qu'elles soient heureuses, neutres, ou qu'elles appellent une correction que proposera la commission.
J'évoquerai donc tout d'abord l'objectif. A coup sûr, il est louable. Ne s'agit-il pas de favoriser la participation des jeunes à la vie de la cité, de faciliter l'accession à la majorité civique d'environ 750 000 Français qui accèdent chaque année à la majorité civile ?
Aujourd'hui, l'inscription sur les listes électorales est, certes, obligatoire, mais - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - elle suppose une demande de l'intéressé, souvent alerté par sa mairie - vous le savez comme moi - même si la loi ne prévoit aucune sanction en cas d'inobservation de cette obligation.
Les études conduites par plusieurs organisations sérieuses, comme l'INSEE, le Centre national de la recherche scientifique ou le Centre d'études de la vie politique française, permettent de situer entre 5 et 10 % le phénomène de l'auto-exclusion civique dont l'origine est très diverse : la négligence, l'indifférence, l'hostilité, l'ignorance, singulièrement de la part de ceux que, depuis un livre de René Lenoir, on qualifie d'« exclus ». Monsieur le ministre, vous avez à très juste titre - et je sais à quel point vous êtes attaché à cette notion d'instruction civique - noté qu'il y avait aussi parmi ces causes l'évanescence de l'instruction civique que vous avez défendue lorsque vous étiez en poste rue de Grenelle.
Une telle procédure est-elle possible en droit ? Au regard du droit public, la réponse est « oui ». Avant la loi du 31 décembre 1975, la commission administrative pouvait déjà procéder à l'inscription d'office, mais cela pouvait entraîner le risque de double inscription, éventuellement frauduleuse, d'où les sanctions de 100 000 francs d'amende et d'un an d'emprisonnement qui avaient été prévues par le texte.
Quelle innovation apporte le projet de loi ? Seuls sont concernés les jeunes atteignant dix-huit ans. A ce propose, notre excellent collègue M. de Cuttoli a marqué qu'il ne concernait pas les Français établis hors de France. L'inscription s'effectuerait à partir de deux fichiers tenus pour fiables, et non à partir des informations dont dispose la commission administrative, tandis que seraient maintenues la procédure d'inscription sur demande pour les électeurs potentiels âgés de plus de dix-huit ans et la possibilité, ouverte par l'article L. 11 du code électoral, de s'inscrire au lieu de son domicile réel ou là où l'on figure depuis cinq ans sur les rôles de l'une des contributions locales directes, ou encore là où un fonctionnaire public est amené à résider obligatoirement, ou, enfin, au lieu de résidence qui est le sien depuis six mois.
Au regard du droit constitutionnel, il n'y a pas davantage d'obstacle. Il n'y a pas d'innovation dans les obligations, l'inscription étant réputée obligatoire et le vote ne l'étant toujours pas.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs décidé en 1991, à propos de la refonte des listes électorales en Corse, terre d'élection du contentieux électoral, que l'inscription sur une liste est susceptible d'affecter le lieu d'exercice du droit de vote, mais pas l'exercice de ce droit.
Le Conseil constitutionnel a également décidé que la loi pouvait traiter de manière différente des situations différentes, et ces différences entre les jeunes atteignant dix-huit ans et les autres adultes sont bien évidemment appelées à s'harmoniser au fil des années.
Venons-en maintenant aux modalités de l'inscription d'office telles que les prévoit le projet de loi.
J'aborderai d'abord l'identification. Elle devrait s'opérer à travers les deux fichiers tenus pour les plus fiables et dont la couverture est la plus large.
Le premier est celui de recensement, établi en application du code du service national. Ce fichier a l'inconvénient de ne pas intégrer les jeunes filles. Cet inconvénient sera bientôt gommé. En revanche, ce fichier présente un avantage majeur : il ne recèle aucune ambiguïté sur la nationalité. Ce fichier, vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre, emporte preuve de la nationalité française.
Le second fichier est celui des organismes qui servent les prestations de base des régimes obligatoires de l'assurance maladie.
Le projet de loi prévoit que l'INSEE collecte, corrige en tant que de besoin et transmet aux commissions administratives ces renseignements, lesquelles doivent les détruire soit à l'expiration des délais de recours, soit, en cas de recours, lorsque la décision de justice est devenue définitive, toutes ces opérations s'effectuant bien évidemment dans le respect des règles relatives au traitement des informations telles qu'elles sont prévues par la loi de 1978.
Ceux qui s'apercevraient qu'ils n'auraient pas été inscrits, pour une raison indépendante de leur volonté, auront la possibilité d'invoquer l'article L. 34, auquel vous avez fait allusion, en mobilisant le juge d'instance, jusqu'au jour du scrutin.
J'en viens au lieu d'inscription. Vous en avez parlé vous-même en évoquant la notion de « domicile réel », étant observé que le domicile « sécurité sociale » ou « INSEE » peut être différent du domicile réel, lieu du principal établissement, avez-vous rappelé.
Après le temps de l'exposé vient celui du commentaire. Le projet de loi en son état actuel engendrerait deux types de conséquences qu'il convient de distinguer.
En premier lieu, il entraîne des effets ressortissant à la sociologie électorale. La commission des lois estime qu'il aboutira en effet à un gonflement arithmétique du taux des abstentions. Le désintérêt pour la chose publique étant souvent, hélas ! je le déplore avec vous, l'apanage de la jeunesse, tout laisse à penser que bien des non-inscrits d'aujourd'hui seront des abstentionnistes de demain.
Cet accroissement sera lui-même générateur de deux phénomènes : un nombre plus élevé de seconds tours du fait de l'exigence d'un seuil de 25 % des électeurs inscrits pour ceux-là mêmes qui auraient obtenu la majorité dès le premier tour et un relèvement en quelque sorte mécanique du nombre des voix requises pour pouvoir se maintenir au second tour. Vous connaissez comme moi le taux de 12,5 % des inscrits pour les élections législatives, et celui de 10 % des inscrits pour les élections cantonales.
Mais tout cela découle du principe même de l'inscription d'office que la commission n'entend pas remettre en cause. Aussi bien aucun amendement à l'article 1er n'est-il, en son sein ou hors son sein, proposé au suffrage de la Haute Assemblée.
Il en va tout différemment des dispositions prévues à l'article 2 pour l'application de ce principe. Satisfaisantes peut-être du point de vue de Sirius, elles ne le sont pas - mais alors, pas du tout ! - au regard des praticiens, qui les estiment inutilement complexes et dispendieuses, alors que vous les voulez - je reprends les termes mêmes dont vous vous êtes servi à l'instant, monsieur le ministre - « simples et transparentes ».
L'un des commissaires a d'ailleurs souligné qu'aucune étude comparative, aucune estimation financière n'avait été diligentée. L'étude d'impact ne peut faire autrement que de signaler l'augmentation des charges supportées par les mairies et les administrations publiques, augmentation des charges que vous m'avez paru, dans votre propos, minimiser quelque peu, monsieur le ministre.
En un temps où les maires, unanimes par-delà leurs légitimes convictions, se disent comme emportés par l'avalanche de textes législatifs et réglementaires dont la maîtrise est impossible et l'application tout autant, l'article 2 aboutirait à coup sûr à alourdir les tâches des commissions administratives et des services dans les agglomérations de quelque importance.
« Pitié pour les maires ! », s'écriait récemment M. Jean-Louis Bianco, stigmatisant dans un article vengeur cette déferlante de textes à la rédaction desquels il a sans doute participé au sein d'un cabinet ou comme ministre de l'équipement avant d'en découvrir, une fois élu, toute la perversité.
Dans le cas présent, la commission s'est émue des difficultés auxquelles allaient devoir faire face, outre certaines administrations publiques, les élus et les fonctionnaires territoriaux, les membres des commissions administratives des villes n'ayant pas une connaissance des habitants telle que celle que peuvent avoir une bonne trentaine de milliers de communes, celles sans doute que vous avez qualifiées de villages à l'instant : Bobigny n'est pas Etriché, ni Chanteloup-les-Vignes, Cuxac-Cabardès.
Considérant que les fichiers de sécurité sociale sont à la fois lacunaires - les ayants droit n'y figurent pas toujours, comme vous l'avez noté, monsieur le ministre - et redondants - l'INSEE n'estime-t-il pas à quelque 20 % les doublons qu'il conviendrait dès lors de supprimer ? - considérant qu'ils ne portent pas de mention de nationalité, considérant dès lors que les vérifications entraîneraient en aval les démarches et les contrôles que l'on a précisément voulu écarter en amont, la commission vous proposera, mes chers collègues, de supprimer à l'article 2 toute référence aux fichiers des organismes servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie et de se fonder, pour la mise en oeuvre de l'inscription d'office, sur le seul fichier de recensement établi en application du code du service national, fichier qui ne peut couvrir, comme je l'ai déjà mentionné après vous, monsieur le ministre, que les seuls nationaux.
Un second amendement vous sera proposé aux termes duquel les dispositions emportant inscription d'office sur les listes électorales n'entreront en vigueur « qu'à compter du jour où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement en application du code du service national ».
L'Assemblée nationale ayant hier soir, par un heureux concours de circonstances, retenu la date toute proche du 1er janvier 1999 pour l'entrée en vigueur de cette disposition, la commission s'en est trouvée confortée ce matin dans sa résolution.
Approuvant le geste en direction des jeunes initié en mars dernier par M. le Président de la République et aujourd'hui accompli par le Gouvernement, la commission vous proposera donc, mes chers collègues, d'alléger sa mise en oeuvre pour ne pas risquer d'en gommer, par des difficultés d'application, les effets positifs recherchés par ses auteurs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».
« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
Consacrée par les articles III et VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la notion de citoyenneté s'est affirmée dès le début de la Révolution française, en même temps que le principe de l'Etat-nation.
La nation est constituée à partir de la volonté populaire d'appartenir à la même communauté politique. C'est en elle que réside le principe de toute souveraineté, et c'est d'elle qu'émane toute autorité politique légitime.
Mettant un terme aux longs débats qui agitèrent le XIXe siècle et une partie du XXe siècle entre souveraineté nationale et souveraineté populaire, les constituants de 1946 ont consacré le principe selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple français ». Et l'article 3 de la Constitution de 1958 ajoute que celui-ci « l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Dès lors, le corps électoral occupe une place essentielle dans le fonctionnement des institutions politiques.
Il constitue le premier des organes de l'Etat, puisque sa volonté est décisive et que, par l'élection, tous les autres organes émanent de lui directement ou indirectement.
En outre, il dispose du pouvoir de les contrôler par ses représentants et de celui de trancher les conflits qui peuvent s'élever entre les pouvoirs constitués. Il est, selon l'expression du professeur Burdeau, « l'agent d'exercice par excellence de la souveraineté nationale ».
Cependant, l'assimilation du corps électoral à la nation n'est jamais complète. Elle comporte des restrictions de droit et de fait.
Les restrictions de droit résultent des conditions mises à l'attribution de la qualité d'électeur, conditions qui doivent être posées par la loi.
Le droit de vote figurant au premier rang des libertés publiques, la compétence législative pour en régler l'exercice s'impose.
D'ailleurs, dans sa décision du 18 novembre 1982 relative à la loi modifiant le régime électoral des conseils municipaux, le Conseil constitutionnel a posé comme règle que les conditions et restrictions imposées au droit de vote dans tout suffrage de caractère politique ne peuvent se fonder que sur des critères objectifs : « La qualité de citoyen assure le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu. »
Par conséquent, en l'état actuel de la législation, les conditions mises à la jouissance du droit de vote sont de deux types : les conditions liées à la personne et une condition de forme, à savoir l'inscription sur les listes électorales.
Les conditions liées à la personne sont des conditions d'âge, de capacité et de nationalité, traditionnelles en droit français. Il n'y a donc pas lieu de s'y appesantir, sauf à faire deux observations qui me paraissent importantes pour la suite de notre débat.
Tout d'abord si le droit de vote ne peut être attribué qu'à ceux qui ont le discernement nécessaire pour l'exercer - c'est la capacité - il s'agit aussi d'un honneur qui se mérite, de sorte que les personnes ayant subi certaines condamnations doivent en être privées.
Par ailleurs, la condition de nationalité matérialise le lien qui existe entre le vote et la citoyenneté, considération à ne pas négliger pour le contrôle du dispositif qui nous est proposé.
Quant à la condition de forme requise pour jouir du droit de vote, il s'agit de l'inscription sur les listes électorales. Il n'est en effet possible d'exercer le droit de vote que si l'on est inscrit sur la liste électorale tenue dans une commune.
La question qui nous occupe aujourd'hui est celle du mécanisme d'inscription sur les listes électorales que vous entendez modifier par ce projet de loi, monsieur le ministre.
Encore faut-il rappeler qu'en vertu de l'article L. 9, alinéa 1er, du code électoral l'inscription sur les listes électorales est obligatoire. Certes, cette formule est une fausse précision. Il va de soi que la commission est tenue d'inscrire sur la liste électorale les personnes qui en ont formulé la demande et en remplissent les conditions, et qu'elle commettrait une illégalité en ne le faisant pas.
Mais, jusqu'à présent, cette inscription demeure subordonnée à la demande de l'électeur et ne saurait avoir lieu d'office, comme l'ont affirmé tant le Conseil d'Etat que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Dans ces conditions, autant dire que l'inscription ne constitue nullement une obligation pour l'électeur et que la formule de l'article L. 9 du code électoral revêt à son égard un caractère purement moral.
C'est pourquoi, partageant le souhait exprimé le 10 mars dernier par le Président de la République de trouver les moyens permettant que les jeunes « se sentent un peu plus concernés par la vie de la cité », le Gouvernement a déposé ce projet de loi. Celui-ci tend à permettre l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales, en vue - ai-je pu lire - de « faire participer les jeunes, en particulier les jeunes des quartiers, à la vie démocratique ».
Cet objectif me conduit à formuler trois remarques.
Tout d'abord, il s'agit de substituer une logique administrative, que recouvre l'inscription automatique, à un acte de volonté.
Comment ne pas y voir une sorte d'inversion des responsabilités, la responsabilité collective prenant le pas sur l'initiative individuelle ?
A cet égard, je partage pleinement les observations que M. le rapporteur, notre excellent collègue Christian Bonnet, a formulées.
M. Emmanuel Hamel. Plus qu'excellent... Exceptionnel ! (Sourires.)
M. Bernard Plasait. J'en conviens !
Puisse cela ne pas présager d'éventuelles modifications dans le domaine de l'acquisition de la nationalité, comme on a pu l'entendre ici ou là !
Certes, on estime le phénomène de la non-inscription à environ 10 % de l'ensemble de la population en âge de voter, M. Philippe Ardant citant, dans un article récent, le taux de 7,3 % du corps électoral potentiel en 1995, soit, tout de même, près de trois millions de citoyens !
Sans entrer dans une querelle de chiffres, je reconnais qu'un tel comportement est la manifestation du peu d'intérêt que portent un certain nombre de membres de la communauté nationale à cette forme de participation, pourtant essentielle, à la vie politique.
Et, s'il s'agit bien souvent d'une négligence ou d'une mauvaise information sur les démarches à effectuer, cela peut aussi relever d'un choix délibéré, celui de ne pas participer à la vie démocratique. Ce choix, il ne faut certes pas l'encourager, mais il existe : c'est une faculté de refus, un espace de liberté, qui est à la fois une conséquence mais aussi une condition de cette liberté.
Ensuite, comment ne pas s'interroger sur les inéluctables incidences d'une telle automaticité ? En effet, l'inscription d'office sur les listes électorales comporte deux conséquences logiques. D'une part, comme l'a très justement relevé le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, elle ne manquera pas de relancer le débat sur la reconnaissance du vote blanc. D'autre part, elle conduira à poser, à plus ou moins brève échéance, la question du vote obligatoire.
Ces deux points me paraissent d'une grande importance car, par ce texte, monsieur le ministre, vous ouvrez une boîte de Pandore : au sein de l'Union européenne, notre pays ne pourra rester longtemps insensible à l'exemple de ses partenaires qui, tels l'Espagne, le Luxembourg ou la Belgique, ont rendu le vote obligatoire ; sans parler de l'Italie, où le vote n'est pas obligatoire mais où l'abstention est inscrite en mairie, ce qui expose l'électeur qui n'a pas voté un certain nombre de fois à la déchéance de son droit de vote.
La Grèce a, quant à elle, opté pour des représailles « administratives », la délivrance d'un passeport étant, par exemple, subordonnée à la présentation de la carte d'électeur, sur laquelle est mentionnée la date du dernier vote. L'abstentionniste risque d'essuyer un refus s'il ne peut se justifier, ce qui rend évidemment le système très dissuasif.
Cette idée de rendre le vote obligatoire en France fait aujourd'hui son chemin, puisque chacun d'entre nous, mes chers collègues, a été récemment destinataire d'un document émanant d'un comité national qui en fait une ardente promotion.
Partant du constat, au demeurant facile à établir, que le premier parti de France est devenu celui des abstentionnistes, ce comité voit, entre autres avantages, au vote obligatoire celui « que l'on puisse voter "blanc" si l'on ne peut vraiment pas choisir, mais que ces "blancs" seront, au besoin, inclus dans le décompte des bulletins ».
Il n'est, dès lors, plus possible d'en douter, reconnaissance du vote blanc et vote obligatoire sont intimement liés.
Enfin, troisième observation, inscrire d'office de nouveaux électeurs ne garantit pas une participation électorale sensiblement plus élevée. Bien au contraire, on peut craindre qu'en la matière le remède ne soit pire que le mal.
Vous ne nous avez pas démontré, monsieur le ministre, comment et pourquoi les « électeurs non inscrits » d'aujourd'hui ne viendront pas grossir les bataillons des « abstentionnistes » de demain.
Nous savons bien que, lorsque des candidats sont élus avec un fort taux d'abstention, d'autres affectent rapidement de mettre en doute leur légitimité. Il y a là un danger.
Pis, on ne peut que prévoir un accroissement mécanique du nombre de seconds tours dans des circonscriptions où un candidat aurait pourtant obtenu, dès le premier tour, la majorité des suffrages exprimés.
Outre ces appréciations sur les objectifs mêmes du texte, il importe de bien mesurer les difficultés juridiques et pratiques que celui-ci ne manquera pas de poser.
En premier lieu, apparaît de toute évidence la question des sources d'information permettant l'identification des jeunes gens sur le point d'atteindre leur majorité. Mais je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tout à l'heure à ce sujet par M. le rapporteur.
En second lieu, il me paraît tout aussi nécessaire de porter une particulière attention aux indispensables vérifications, tant en ce qui concerne le lieu de l'inscription d'office que les conditions requises pour être électeur.
Enfin, je ne peux que partager les craintes qui ont déjà été exprimées par les précédents orateurs quant aux risques de voir la responsabilité des maires encore engagée, alors qu'ils agissent en qualité de représentants de l'Etat.
Aussi, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous pouvez, étant donné que l'étude d'impact est fort discrète sur ce point, nous apporter quelques précisions sur le coût financier de ce dispositif, sauf à envisager un nouvel accroissement des charges des services municipaux.
Pour ma part, je suivrai les avis éclairés - car nourris par l'expérience - de notre éminent collègue M. Christian Bonnet.
Mais ce ne sera pas sans avoir répété ma très profonde conviction. Oui, il faut s'attacher à ce que les jeunes gens se sentent plus concernés par la vie de la cité, mais il est tout aussi nécessaire de prendre garde à ce qu'un jeune Français ne devienne pas citoyen sans le savoir : ce serait un péché grave contre l'idée que nous avons de la nation, du rôle du citoyen et de la démocratie.
Dans Notre Jeunesse , Charles Péguy écrivait : « Des hommes ont vécu sans nombre, héroïquement, saintement, des hommes ont souffert, des hommes sont morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles ait le droit d'accomplir cette formalité truquée. Ce fut un terrible, un laborieux, un redoutable enfantement. Ce ne fut pas toujours du dernier grotesque... Les élections sont dérisoires. Mais il y a élection. » Et c'est parce que l'élection est la clé de la démocratie que devenir citoyen électeur ne peut être une formalité banale et purement administrative. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis interrogé sur la justification du dépôt d'un tel projet de loi. Certes, une promesse en ce sens figurait effectivement dans la déclaration de politique générale présentée le 19 juin dernier par M. le Premier ministre, et M. le Président de la République avait lui aussi évoqué cette éventualité précédemment.
En guise d'explication, il nous a été indiqué que de nombreux jeunes n'avaient pu participer aux élections législatives consécutives à la dissolution. Force m'est cependant de vous faire observer que ce texte ne résoudra rien du tout puisqu'en tout état de cause la clôture des listes électorales interviendra le 31 décembre et que, quelle que soit l'organisation choisie, ceux qui auront atteint l'âge de dix-huit ans et qui voudront voter entre la clôture des listes électorales et la date de l'élection devront utiliser la procédure habituelle, en faisant intervenir le juge d'instance. Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, cette procédure a en effet toujours existé : les jeunes qui ont atteint l'âge de dix-huit ans depuis le 31 décembre et qui veulent participer aux élections, que celles-ci soient prévues à l'avance ou qu'elles soient consécutives à une dissolution, doivent saisir le juge pour être inscrits sur les listes électorales.
Faut-il alors déduire du dépôt de ce texte - mais cela deviendrait, dans ce cas, extrêmement compliqué ! - que les commissions administratives devraient siéger en permanence et inscrire les jeunes au fur et à mesure qu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans ? Ce serait tout à fait impossible et parfaitement contraire à nos habitudes et au droit actuel !
Ce n'est donc pas pour cette raison que l'on prévoit l'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales, mais parce qu'on estime que, dans la mesure où ils ne le font pas spontanément, il faut leur faciliter l'exercice de leur vie de citoyen. Permettez-moi cependant de vous dire que, à force de faciliter la vie des citoyens, je crois que l'on responsabilise de moins en moins les uns et les autres !
Quoi qu'il en soit, puisque la promesse avait été faite, il faut l'honorer. Je n'y suis d'ailleurs pas hostile en théorie, dans la mesure où, si le vote est un droit, c'est aussi un devoir. Pourquoi donc ne pas inscrire tout le monde d'office ?
La difficulté, cependant, c'est que l'on ne peut pas le faire aisément puisqu'on ne connaît pas le domicile de la plupart des intéressés. De plus - permettez-moi de faire référence à quelques notions de droit - vous parlez de domicile réel. Or, juridiquement, le domicile est le lieu du principal établissement. Il peut y avoir un domicile fiscal, un domicile de secours, voire beaucoup d'autres domiciles, mais, en droit, le domicile, c'est le lieu du principal établissement. Et l'on oublie aussi de dire que le code civil prévoit déjà que les citoyens, pour indiquer leur domicile, doivent à la fois signaler leur départ à la municipalité et faire connaître la commune dans laquelle ils élisent domicile. Si le domicile n'a pas été déclaré, c'est donc l'intention qui permet au juge de déterminer le domicile. Pour ces différentes raisons, j'aurais préféré que le texte vise le domicile tout court, et non le domicile « réel ». Cela aurait été beaucoup plus clair pour tout le monde.
Quoi qu'il en soit, même si l'on admet l'inscription automatique des jeunes de dix-huit ans, il faut savoir que leur recensement pose déjà des difficultés réelles : les garçons doivent se rendre à la mairie à l'âge de dix-sept ans pour être recensés, mais, la plupart du temps, ils ne savent pas qu'ils doivent remplir cette obligation. Les services de recrutement doivent donc retrouver les intéressés à partir du fichier de l'INSEE, où ne figure que le lieu de naissance. Et je ne parle ici que des jeunes garçons, qui ont des obligations en matière de service national ! Quant aux jeunes filles, à partir de 1999, si j'ai bien compris les travaux qu'a menés hier soir l'Assemblée nationale, elles seront elles aussi conduites à se faire recenser, mais on aura les mêmes difficultés pour les joindre !
Par conséquent, la proposition de M. le rapporteur me paraît faciliter le processus : tout le monde devant se faire recenser à dix-sept ans, l'année suivante, les jeunes seront inscrits automatiquement sur les listes électorales. La boucle est bouclée : on fait recenser les jeunes filles, ce qui n'était pas une obligation pour elles, et les garçons continuent à se faire recenser. On sait alors qu'ils sont français et, une année après, ils sont inscrits sur les listes électorales. Voilà un projet tout simple, j'en suis d'accord.
Cela étant, monsieur le ministre, vous ne nous avez pas proposé ce système et vous avez prôné, pour mettre en oeuvre le plus rapidement possible cette réforme, l'utilisation des fichiers de la sécurité sociale, fichiers qui, vous l'avez vous-même reconnu, ne sont pas parfaits.
Au demeurant, ces fichiers ne comportent pas d'indication sur la nationalité. Heureusement, d'ailleurs, car, s'agissant de sécurité sociale, il convient de ne pas se fonder sur ce critère, mais sur la seule qualité de cotisant. Ne donnons pas des idées à certains !
En outre, ces fichiers sont extrêmement divers : qu'en est-il, par exemple, du fichier de la mutualité sociale agricole, ou du fichier de la caisse autonome du Sénat ? Suffit-il de se référer aux ayants droit des sénateurs en matière de sécurité sociale pour recenser l'ensemble de leurs enfants dès lors qu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans ? Et, comme il existe de nombreuses caisses autonomes, cela rend la tâche d'autant plus difficile.
Quoi qu'il en soit, je crois en conclusion que, si l'on veut rendre cette réforme pertinente et éviter quelle ne complique la tâche de l'administration, de l'INSEE ou des mairies, mieux vaut attendre le recensement. C'est ce que nous propose M. le rapporteur, et c'est le dispositif que mon groupe votera. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec timidité que j'aborde ce débat : mon propos se limitera à un point qui, en termes arithmétiques, n'est pas le plus important, à savoir l'inscription sur les listes électorales des jeunes Français établis hors de France.
Ce point, qui a été évoqué par M. le rapporteur, figure non dans le projet de loi lui-même, mais dans son exposé des motifs. Je tiens toutefois à souligner devant le Sénat que c'est probablement la première fois - ou l'une des premières fois - qu'un projet de loi vise spécifiquement les Français de l'étranger. Il est vrai que, ne siégeant au Sénat que depuis vingt-quatre ans, je peux avoir des lacunes en la matière.
M. Emmanuel Hamel. Un quart de siècle !
M. Charles de Cuttoli. Je vous remercie donc de votre intention, monsieur le ministre, et je vous en félicite au nom des compatriotes que je représente.
L'exposé des motifs de ce projet de loi précise qu'il est impossible, dans l'immédiat, de prévoir l'inscription d'office des Français de l'étranger sur les listes électorales, en raison des particularités liées à cette inscription.
Tout d'abord, et c'est le premier point qui vient à l'esprit, parce qu'ils n'ont pas de domicile réel en France.
Ensuite, parce que plusieurs options leur sont offertes. Ils sont, certes, soumis aux dispositions de l'article 11 du code électoral, mais l'article 12 du même code leur permet de s'inscrire sur les listes électorales d'autres communes que celle de leur lieu de résidence, telles que la commune de leur lieu de naissance ou celle de leur dernier domicile.
Enfin, parce que à l'étranger, ils votent surtout par procuration dans les consulats.
Je tiens cependant à donner une précision. Il n'y a que deux occasions pour lesquelles on peut effectivement voter à l'étranger, où l'on peut avoir des listes électorales distinctes de celles des communes françaises. La première c'est l'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; mais cela n'entre pas tout à fait dans le cadre de ce projet pour l'excellente raison qu'en l'espèce la liste électorale pour les bureaux de vote n'est autre que la liste d'immatriculation établie - je l'ai rappelé - dans les ambassades et les consulats. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'inscrire obligatoirement puisque tel est le cas pour tout le monde, sauf refus d'inscription.
L'autre liste électorale, c'est la liste des centres de vote. Que sont les centres de vote ? Créés par une loi du 31 janvier 1976, dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur à cette même tribune, ils ne fonctionnent, pour des raisons pratiques, que pour les grandes élections : celle du Président de la République, les référendums et les élections au Parlement européen. L'inscription sur les listes de ces centres de vote est d'ailleurs facultative.
Dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, s'agissant de l'inscription des jeunes Français de l'étranger, l'aveu a été fait dans l'exposé des motifs qu'en raison de ces particularités que j'ai rappelées tout à l'heure il était impossible de proposer dès maintenant une solution au Parlement, qu'on allait donc consulter.
Consulter qui ? Bien entendu, l'assemblée qui est toute désignée pour l'être en raison de son caractère largement représentatif, à savoir le Conseil supérieur des Français de l'étranger, assemblée importante, extrêmement sérieuse, travaillant beaucoup, élue au suffrage universel direct dans les ambassades et dans les consulats, et présidée de droit par le ministre des affaires étrangères. Elle offre donc toutes les garanties pour donner un avis pertinent.
Qu'a dit le Conseil supérieur des Français de l'étranger dans cet avis qui lui a été demandé par le Gouvernement et qu'il a rendu il y a quelques jours ? Si vous n'en avez pas eu connaissance, monsieur le rapporteur, je le tiens à votre disposition.
Le Conseil supérieur des Français à l'étranger ne peut évidemment pas demander l'inscription d'office sur les listes électorales des communes françaises ; il ne peut demander cette inscription d'office que sur les seules listes qui sont chez lui, celles qu'il connaît, c'est-à-dire celles des centres de vote à l'étranger. Mais il assortit cette demande de deux conditions.
Premièrement, ces jeunes Français de l'étranger qui pourraient être inscrits d'office sur les listes des centres de vote - listes facultatives, ce qui juridiquement peut encore poser un certain nombre de petits problèmes - pourraient être inscrits également sur le territoire métropolitain sur d'autres listes de vote, exactement comme, en France, on peut être inscrit non seulement sur la liste de la commune du domicile réel mais également sur d'autres listes, pour une option.
Deuxièmement - c'est un particularisme - le Conseil supérieur des Français de l'étranger a émis le voeu que le jeune âgé de dix-huit ans puisse refuser son inscription d'office sur la liste d'un centre de vote.
Pourquoi ce droit de refus ? Cela paraît à première vue peu républicain, peu démocratique, même si le vote n'est pas obligatoire, comme le souhaitent nombre de nos collègues.
La raison en est qu'à l'étranger les conditions sont particulières. Un certain nombre de Français de l'étranger sont des doubles nationaux. Ils ne veulent pas, pour toutes sortes de raisons, que cette double nationalité soit connue. Bien entendu, dans les pays européens, tout au moins ceux qui ne sont pas signataires de la convention du Conseil de l'Europe de Strasbourg de 1963 ou de la future convention sur la nationalité qui va être ratifiée le 7 novembre prochain, il n'y a guère de problèmes. En revanche, dans certains pays d'Amérique du Sud, d'Asie ou d'Afrique, on peut à l'évidence, vouloir éviter de faire connaître cette double nationalité, car il pourrait en résulter un certain nombre de désagréments, voire, dans certains cas, des risques extrêmement sérieux.
Or, ces listes électorales, contrairement à celles des fichiers d'immatriculation, sont publiques : elles sont affichées par les consulats ; les représentants des candidats ont le droit de s'en faire délivrer une photocopie. Voilà pourquoi il serait bon qu'il y ait cette possibilité de refus.
Alors, si le Gouvernement - je me permets d'attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre - décide de poursuivre son action en faveur des Français de l'étranger s'agissant de la garantie de leurs droits, conformément au souhait du Conseil supérieur des Français de l'étranger, c'est-à-dire de les inscrire d'office sur les listes des centres de vote, deux possibilités s'offrent à vous.
Premièrement, vous pouvez, bien entendu, déposer un projet de loi organique, car on ne peut, par un simple amendement, dans ce débat, amender un texte qui concerne des centres de vote liés à l'élection du Président de la République, elle-même régie par une loi organique.
Deuxièmement - je le dis un peu en souriant - vous pourriez peut-être plus simplement obtenir de l'Assemblée nationale l'examen - je suis persuadé que si cela lui était demandé M. le ministre des relations avec le Parlement se ferait un plaisir d'inscrire le texte à l'ordre du jour prioritaire - d'une proposition de loi présentée par l'ensemble des sénateurs des Français de l'étranger, dont j'ai été le rédacteur et le rapporteur, et qui a été votée par le Sénat le 13 juin 1996. Entre autres dispositions, cette proposition de loi prévoit non pas l'inscription d'office des jeunes Français à l'étranger, mais des facilités. En effet, pour un jeune Français de l'étranger perdu dans la brousse nigérienne, aller saisir le juge d'instance du premier arrondissement de Paris sans passer par le consulat pose évidemment un certain nombre de problèmes ! Je me permets donc de suggérer que l'Assemblée nationale amende ce texte, monsieur le ministre.
Je souhaite ne pas avoir abusé trop longtemps des instants du Sénat, que je remercie de son attention. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'idée est généreuse, l'intention est louable : tout ce qui peut favoriser l'éveil à la citoyenneté et son plein exercice doit être entrepris.
Mais ne nous voilons pas la face ! La faisabilité immédiate de cette intention est complexe sur les plans technique et administratif. Elle soulève, au-delà même du principe, bien d'autres questions que nous ne pouvons passer sous silence.
Le 10 mars dernier, lors d'un entretien télévisé, le Président de la République s'est ému de la faible participation des jeunes à la vie de la cité. Afin d'y remédier, il avait demandé au ministre de l'intérieur la mise à l'étude de la possibilité d'inscrire automatiquement sur les listes électorales les jeunes majeurs de dix-huit ans, qui auraient donc dû recevoir automatiquement leur carte électorale.
C'est le Président de la République, M. Jacques Chirac, qui a remis la participation des jeunes aux élections au devant de l'actualité en dissolvant, de manière impromptue, l'Assemblée nationale, privant de nombreux jeunes « oublieux » de l'exercice de leur droit de vote. Ces derniers ont été pris de vitesse : ils n'avaient pas l'âge de voter en 1995 et 1996, et ils ne pensaient pas voter, selon le calendrier électoral, avant 1998.
La loi, quant à elle, leur interdisait la participation aux dernières élections législatives, faute de ne pouvoir rouvrir à cette période l'inscription sur les listes électorales. Ces jeunes se sont sentis frustrés.
Dans sa déclaration de politique générale, soulignant la portée que représente la participation des jeunes à la vie démocratique, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, a annoncé le dépôt d'un projet de loi relatif à l'inscription automatique de chaque citoyen sur les listes électorales l'année de sa majorité. C'est le respect d'un engagement pris devant la jeunesse de notre pays et la manifestation de l'intérêt que le Gouvernement lui accorde.
Sans engager une querelle d'antériorité, je me dois de rappeler qu'en 1995, pendant la campagne des élections présidentielles, le candidat Lionel Jospin avait pris l'engagement de cette inscription d'office des jeunes sur les listes électorales. Il l'a repris dans sa déclaration de politique générale, et je crois que, faisant écho à la demande de M. Président de la République, nous ne pouvons qu'être satisfaits de la prise en compte de ces engagements.
Il est notoire - nous le savons tous - que les jeunes n'apprécient guère l'accomplissement des tâches administratives dont l'aboutissement n'est jamais sûr. Si l'inscription à l'université ou la recherche d'un emploi leur paraissent indispensables, vitales, en est-il de même pour l'inscription sur les listes électorales, pourtant obligatoire ? La possession d'une carte d'électeur - c'est un fait ! - leur apparaît parfois accessoire au regard des difficultés quotidiennes qu'ils vivent. La confiance de certains jeunes dans les institutions s'est, hélas ! atténuée ; leur scepticisme grandit face à la difficulté, pour les pouvoirs publics, de résoudre leurs problèmes.
Les récentes études consacrées à cette catégorie de la population révèlent une réelle dégradation de la situation des jeunes, dont la précarité a nécessairement des conséquences sur les autres aspects de leur vie personnelle et sociale.
Il est essentiel de conforter le pacte républicain qu'évoquait le Premier ministre dans sa déclaration du 19 juin 1997. Toute mesure de nature à favoriser le renforcement du tissu social et la participation électorale ne peut être considérée qu'avec intérêt.
Louable dans son objectif, simple dans son principe, l'inscription d'office des jeunes majeurs n'est pas sans soulever un certain nombre de difficultés pratiques. Dans son excellent rapport, M. Bonnet a dressé une liste non exhaustive des problèmes que son application soulève. Je n'ai donc pas à les rappeler.
Cependant, je veux mettre l'accent sur le point suivant : la procédure d'inscription d'office ne garantit nullement une participation électorale plus élevée et risque même d'entraîner des effets pervers. Je fais miennes, par ailleurs, les remarques de notre rapporteur sur l'accroissement du nombre de seconds tours et sur les difficultés qu'auront bien des candidats pour se maintenir à ce second tour.
C'est pourquoi j'attire tout particulièrement votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'accompagner le nouveau dispositif de campagnes d'information civique, afin de rappeler à chacun l'accomplissement de son devoir électoral. Connaissant votre conception de la République et de la citoyenneté, j'imagine que cette question vous « interpelle », comme l'on dit aujourd'hui. C'est peut-être aussi une chance, car vous êtes l'un des plus avertis pour veiller à ce que rien ne vienne dénaturer ces valeurs citoyenne et républicaine.
La nécessité de délivrer une pédagogie permanente pour une citoyenneté moderne et active est traitée fort justement dans l'excellent rapport sur Les nouvelles techniques d'information et de communication : de l'élève au citoyen de mon ami et de notre collègue Franck Sérusclat : « L'apprentissage de la citoyenneté nécessite un long parcours : il prend le départ dès les premières années de la scolarité. Il est d'une lente progressivité, les rôles des enseignants et des parents y sont souvent mêlés, au risque parfois de se contredire. Etre un citoyen est d'autant plus difficile que les capacités à acquérir sont diverses. Il ne suffit pas d'être inscrit le moment venu sur une liste électorale et de déposer un bulletin de vote dans l'urne, même si cet objectif est essentiel : le droit majeur de tout citoyen est le droit de vote. »
C'est la raison pour laquelle je vous demande instamment, monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour accompagner ce nouveau dispositif, faute de quoi ce projet de loi manquerait son objectif, à savoir faire des jeunes gens et des jeunes filles des citoyens actifs - j'insiste sur ce terme - prenant leur destin en mains.
Je rappelle que M. le Premier ministre indiquait dans sa déclaration de politique générale que « la mission d'instruction dévolue à l'école devait également comprendre l'apprentissage du civisme pour faire naître et vivre durablement un profond sentiment d'attachement aux valeurs républicaines au premier rang desquelles... l'adhésion à une citoyenneté active et responsable... ». A cet effet, il a demandé au ministre de l'éducation nationale de prendre des mesures pour que soient enseignées et pratiquées non seulement l'instruction civique, mais aussi la morale civique.
Une telle démarche est parfaitement cohérente avec celle qui est contenue dans le projet de loi portant la réforme du service national, en cours d'adoption, en ce qui concerne le rôle dévolu à l'éducation nationale. L'inscription d'office et l'objectif qui est fixé n'ont de sens que si les conditions d'éducation civique sont remplies.
Certes, des contradictions peuvent apparaître. M. Bonnet ne souligne-t-il pas dans son rapport écrit : « On pourrait trouver singulier de dispenser les jeunes majeurs d'une formalité "en amont" - la demande d'inscription - tout en les invitant "en aval", à déférer à de nouvelles procédures de contrôle. Le principe d'automaticité ayant guidé l'élaboration du projet de loi pourrait en paraître quelque peu contredit. »
La mise en place d'un nouveau fichier est toujours délicate, surtout lorsque les données sont extraites de fichiers établis à d'autres fins. L'informatique n'est pas infaillible, nous le savons, et c'est parce que nous sommes conscients des difficultés soulevées par ce texte que nous espérons qu'elles s'atténueront dans les meilleurs délais.
Dans l'immédiat, il serait utile que le Gouvernement lance une vaste campagne d'information et de sensibilisation, par tous moyens appropriés - et ils sont nombreux - en direction des jeunes et, plus largement, en direction de tous ceux qui n'ont pas encore rempli cette obligation. Pour que la conscience citoyenne soit toujours en éveil, l'inscription automatique doit être un complément de l'acte civique volontaire et non son substitut.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste approuve la démarche, l'intention affichée et la finalité de ce projet de loi. Derrière son apparente simplicité se cache en fait une multitude d'observations et de questions. Nous nous devions de les formuler.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que toutes dispositions ont été ou seront prises pour que ce projet de loi entre en vigueur dès l'année 1998. Acceptons-en l'augure ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en rendant automatique l'inscription des jeunes gens atteignant leur majorité sur les listes électorales, ce texte vise à inciter les jeunes à exercer leur droit de vote et, par là même, à les impliquer davantage dans la vie politique. Nous n'avons pas la naïveté de penser que cette simple mesure suffira à atteindre cet objectif, mais cette décision est très positive et propre à lever certains obstacles.
La faible participation des jeunes aux récents scrutins est un sérieux problème pour le fonctionnement de nos institutions. L'édifice républicain en est affaibli et c'est un défi à relever pour les responsables politiques de tous bords.
Si, au fil des ans, 8 % à 10 % des électeurs français potentiels ne sont pas inscrits sur les listes électorales, ce taux est de 15 % à 20 % chez les dix-huit - vingt-cinq ans et de 25 % chez les seuls dix-huit ans.
Si la situation des jeunes est évidemment diverse, il y a quelques grands points communs. Les frustrations et les angoisses face à une hypothétique insertion dans la société, la précarité qui est devenue une norme, l'éreintant parcours pour arracher des diplômes qui ne sont plus les passeports de naguère nourrissent l'incertitude du lendemain et se prêtent mal aux projections citoyennes.
Mais on sait que les jeunes sont plus nombreux à s'inscrire sur les listes lorsque des échéances électorales fortes suivent.
Lequel d'entre nous n'a pas rencontré des jeunes gens désolés d'être privés de la possibilité de voter en juin dernier, et se plaignant d'avoir été surpris par l'anticipation de l'échéance ? Quelque 800 000 jeunes gens nés entre juin 1977 et mars 1979 n'étaient pas inscrits et n'ont pu participer aux scrutins de mai et juin derniers. Inscrits, auraient-ils pour autant voté ? Le doute est permis pour un nombre non négligeable d'entre eux, mais la proportion de jeunes aurait été à coup sûr beaucoup plus importante.
Pour autant, faut-il faire la moue devant l'inscription automatique et regretter que cette dernière ne résulte pas d'un acte volontaire ?
Ces réactions sont à mes yeux très discutables. Une distinction s'impose entre le peu d'empressement - c'est un euphémisme - à aller s'inscrire à la mairie de son domicile et l'intérêt porté par les jeunes aux grands choix de société, voire à leur traduction électorale. Pour les jeunes, l'acte citoyen se vit dans la quotidienneté. Tout n'est pas chez eux que légèreté ou imprévoyance. Il faut prendre garde aux propos trop moralisateurs. Je ne connais pas de grands rassemblements de jeunes où chacun ait décidé d'y participer longtemps à l'avance. N'y a-t-il pas des engouements de dernière heure propre à cette catégorie d'âge ?
N'est-ce pas beaucoup plus qu'hier le lot de nos sociétés et le rôle que les médias y tiennent ? Les événements exceptionnels, musicaux, religieux ou sportifs ne se contruisent-ils pas dans un présent et un concret fortement médiatisés ?
Ne demandons pas plus à l'engagement citoyen et politique que ce que les jeunes peuvent entendre. Les pratiques citoyennes ont été bousculées et ne se transmettent plus par tradition. Contribuons à les rebâtir plutôt qu'à les détruire. Nous sommes donc, comme vous le constatez, de fervents partisans de la mesure que nous allons très certainement adopter tout à l'heure.
En simplifiant la procédure, ce texte constitue donc une avancée de citoyenneté. La question du lien entre les jeunes et la politique n'en demeure pas moins sur le fond.
Au-delà du principe de l'inscription automatique des jeunes sur les listes électorales, le problème à résoudre n'est pas d'abord chez les jeunes, mais il est dans le contenu des politiques qu'on leur propose, dans la confiance qu'on leur porte, dans le respect de leurs aspirations.
En effet, que signifie la citoyenneté pour ceux qui n'ont pas d'horizon, qui sont sans emploi et sans reconnaissance sociale ?
Les jeunes connaissent les expériences vécues par leurs aînés. Ils ressentent l'amertume de ces dernières années et déplorent l'impuissance des politiques antérieures à faire bouger une situation dans le sens de leurs intérêts.
S'il est vrai que, pour la plupart d'entre eux, la politique est synonyme de discrédit, ils éprouvent néanmoins une réelle attente, une demande de politique qui se fait autrement.
L'INSEE a publié lundi matin une étude intitulée Les intermittences du vote, qui dresse un bilan de la participation de 1995 à 1997. Elle fait apparaître que, si la participation des jeunes inscrits atteint d'emblée une valeur élevée, l'ardeur du néophyte cède vite la place au désenchantement.
La consultation nationale des jeunes en 1994 a montré leur volonté affichée d'être associés aux décisions.
Comme le notait le sociologue Michel Fize : « Les jeunes de France ... veulent être écoutés, conseillés, soutenus dans leurs initiatives, aidés dans la réalisation de leurs projets. Ils défendent plus qu'on ne croit les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. Ils sont sensibles aux grandes causes humanitaires, s'indignent des préjugés raciaux, de la montée des intolérances. »
Monsieur le ministre, au-delà du projet de loi d'aujourd'hui, nous entendons le message du Gouvernement, comme un engagement fort à ne pas décevoir la jeunesse.
J'ajoute à cette opinion générale sur le projet de loi quelques remarques complémentaires.
Je tiens à souligner ici les différences supplémentaires qui résulteront de l'inscription automatique des jeunes de nationalité française, alors que les jeunes nés de parents étrangers devront, en l'état actuel de la législation sur la nationalité, manifester leur volonté d'être français à l'âge de dix-huit ans et se trouveront, une nouvelle fois, en décalage avec leurs camarades d'études ou de quartier.
C'est un sérieux problème à prendre en considération lors des futurs débats sur le code de la nationalité.
Nous pensons, par ailleurs, monsieur le ministre - ce n'est certes pas l'objet du texte, mais quelques engagements forts peuvent être pris à l'occasion de sa discussion - que ce projet de loi a besoin d'être accompagné de grandes campagnes d'information en direction des jeunes bien avant qu'ils n'atteignent leur majorité.
Enfin, ce texte va entraîner indiscutablement des frais supplémentaires pour les collectivités locales. Cela suscite une certaine inquiétude chez les maires, qui voient là non seulement un accroissement de leur responsabilité, mais aussi un surcoût pour les services municipaux et les commissions administratives chargés d'effectuer les vérifications préalables nécessaires à toute inscription.
Comme M. le rapporteur de la commission des lois, j'estime que tout allégement de la mise en oeuvre de cette loi est le bienvenu, mais tout retard dans son application affaiblirait le signe fort que nous adressons à la jeunesse. Ce serait à mes yeux une erreur.
Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, estimant que ces mesures peuvent contribuer à éveiller l'esprit civique chez les jeunes et à les faire pleinement participer à la vie de la cité, voteront pour ce projet de loi qui répond à une réelle attente. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 72 % au Blanc-Mesnil, 73 % à Châteauroux, 74 % à Mulhouse et 75 % à Epinay-sur-Seine, tels furent certains des taux d'abstention enregistrés aux élections cantonales partielles qui se sont tenues en fin de semaine dernière.
S'il était jusqu'alors constant que l'intérêt pour la chose politique accusait un net recul, c'est sa totale disparition que nous pouvons aujourd'hui déplorer.
Monsieur le ministre, dans la commune d'Epinay-sur-Seine, ce sont 22 131 personnes qui, un jour, ont fait la démarche de s'inscrire sur les listes électorales. Pourtant, sur ce nombre, seuls 5 441 électeurs se sont rendus dimanche aux urnes. Comment attendre de ceux qui, en infraction à l'article L. 9 du code électoral, n'ont pas souhaité s'inscrire sur les listes électorales, qu'une fois inscrits d'office ils participent aux élections ?
Puisque je viens d'évoquer l'article L. 9, je relève avec étonnement que sa modification n'est pas envisagée dans le projet de loi. Avouez, mes chers collègues, que la rédaction du futur code électoral sera pour le moins paradoxale. Un article L. 11-1 nouveau rendra l'inscription sur les listes électorales automatique, tandis que l'article L. 9 continuera d'affirmer son caractère obligatoire. Mon collègue M. Bernard Plasait s'est d'ailleurs exprimé sur ce sujet.
Mes chers collègues, voter est certes un droit, mais c'est également un devoir. S'inscrire sur les listes électorales constitue une démarche positive qui, pour celui qui y procède, exprime l'adhésion à l'engagement démocratique de notre société.
A contrario , le fait de ne pas agir de la sorte, s'il ne reflète pas nécessairement un « antidémocratisme », traduit néanmoins un profond désintérêt pour la citoyenneté.
Pour ma part, je réfute vivement les arguments tendant à faire reconnaître le manque d'information comme l'une des causes de non-inscription sur les listes électorales. Quelles que soient les conditions de vie des jeunes majeurs, leur niveau d'études ou leur milieu socioculturel, tous connaissent parfaitement les prérogatives liées à la majorité, à commencer par le permis de conduire.
S'il ne s'agissait que d'un manque d'information, il serait alors simple et efficace de mener une campagne de publicité qui saurait parer à cette carence.
La principale cause du phénomène que nous cherchons à combattre est la négligence. Je crains, à l'instar de notre collègue Jean-Paul Delevoye, que l'inscription automatique ne soit en fait la marque d'une « déresponsabilisation collective » des citoyens.
Je ne suis pas opposé à l'inscription automatique sur les listes électorales. Toutefois, je n'y suis favorable que si elle s'accompagne de l'obligation de participer au scrutin, sans quoi elle aura seulement pour effet d'accroître l'abstention.
Par ailleurs, chacun sait que la baisse des taux d'inscription et de participation est liée à un désintérêt pour la classe politique. Par souci d'honnêteté, il est indispensable de prendre en compte ce phénomène dans le résultat des élections et c'est pourquoi je suis convaincu qu'il convient d'intégrer les votes blancs parmi les suffrages exprimés.
Enfin, si l'on veut redresser le taux de participation électorale, il faut s'en donner tous les moyens, notamment en facilitant le vote par procuration.
J'aurai l'occasion d'évoquer plus longuement ces sujets en défendant les amendements que j'ai déposés et qui tendent à rendre le vote obligatoire, à valider les bulletins blancs et à faciliter le vote par procuration.
La majorité de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ce texte. J'attendrai pour ma part que mes amendements soient discutés avant de faire connaître ma position (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le minisre, mes chers collègues, les Français de l'étranger veulent être des citoyens à part entière. Aussi ont-ils souhaité de tout temps participer, malgré leur éloignement, aux consultations électorales en France.
A cet égard, la décision la plus importante a été celle qui leur a permis de voter dans les consulats et dans les ambassades pour les élections du Président de la République. C'est la loi organique du 31 janvier 1976. Vous faisiez d'ailleurs partie, monsieur le rapporteur, du gouvernement qui a permis cette remarquable avancée.
Voilà donc plus de vingt ans que nos compatriotes de l'extérieur peuvent exercer le droit de voter au loin, dans leur pays de résidence. Mais, en même temps, pour ce qui concerne les élections municipales, cantonales et les législatives, ils votent d'une autre façon, directement en France, en s'inscrivant sur les listes de leur commune de naissance ou de rattachement et en exerçant leur droit de vote par procuration.
Nous abordons ici une première difficulté. Pour l'assimilation complète des Français de l'étranger à ceux de France, on parle d'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Pour nos compatriotes de l'extérieur, de quelle liste s'agit-il ? Celle de France ? Celle de l'étranger ? Les deux à la fois ? On pense surtout, bien sûr, aux listes constituées à l'étranger.
Le Gouvernement a bien vu cette difficulté. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il a tenu à signaler que : « la situation particulière des Français établis hors de France n'est, pour l'instant, pas couverte par le dispositif, car cette question a paru soulever des problèmes de nature juridique et d'ordre matériel ».
Cela est évident, notre rapporteur, M. Christian Bonnet, l'a signalé tant à la tribune tout à l'heure que dans son rapport écrit.
Lors de l'examen de ce texte à la commission des lois et, il y a un instant, à cette tribune, notre excellent collègue Charles de Cuttoli soulignait que « le projet de loi n'avait pu inclure le cas des Français de l'étranger en raison des conditions particulières de leur inscription ». Il ajoutait qu'il jugeait « impossible de leur appliquer telles quelles les dispositions du projet de loi du fait de la spécificité des règles régissant le vote des Français résidant hors de France, certaines relevant du domaine de la loi organique ».
M. de Cuttoli est un expert en la matière. Il a lui-même rappelé - je ne révèle donc pas un secret - qu'il siège au Sénat et à la commission des lois depuis 1974. Depuis cette date, il a toujours été rapporteur des questions juridiques concernant les Français de l'étranger. Non seulement il en a été le rapporteur, mais il a également été l'initiateur de plusieurs autres textes, notamment de propositions de loi sur ce sujet.
Il faut rappeler à cet égard la dernière en date : notre proposition de loi votée ici même, le 13 juin 1996.
M. Charles de Cuttoli. Vous êtes donc un autre expert !
M. Jacques Habert. Sans doute ! (Sourires.)
Cette proposition de loi a été cosignée par tous les sénateurs des Français établis hors de France, mais elle n'a jamais été examinée en séance à l'Assemblée nationale. C'est peut-être la première chose à faire, monsieur le ministre, pour aller plus loin dans la voie indiquée par le Gouvernement.
Pourquoi ne soumettez-vous pas au vote de l'Assemblée nationale cette proposition de loi ? Cela réglerait déjà bien des questions. De surcroît, cela peut être fait immédiatement, contrairement au projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Mais revenons à ce projet. L'exposé des motifs, qui est d'une grande clarté, se poursuit ainsi : « Compte tenu de ces difficultés, le Gouvernement a donc décidé de saisir le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui examinera cette question lors de sa prochaine session plénière afin que puisse être, le cas échéant, amendé le présent projet de loi, voire envisagé un texte organique pour ce qui concerne l'élection du Président de la République. »
Je dois dire, mes chers collègues, que cela a été fait avec une remarquable dextérité. En effet, le projet de loi a été déposé ici, à la présidence du Sénat, le 28 août 1997. Le même jour, le Gouvernement adressait ce texte au ministre des affaires étrangères, président du Conseil supérieur des Français de l'étranger, en demandant qu'il soit immédiatement étudié par le conseil, convoqué le 1er septembre pour sa 50e session plénière.
Efficacité notable, dont je félicite tous les artisans, nous avons pu, au conseil, nous saisir immédiatement de ce texte. Dès le lendemain, la commission des droits, présidée par Mme Gabrielle Théry-Monseu, avocate d'une grande distinction qui réside à Bruxelles, examinait ce projet de loi.
Très vite, la commission découvrait l'intérêt de ce texte et les possibilités qu'il offrait. En même temps, elle en discernait toutes les difficultés et certains inconvénients.
Cependant, il est évident que l'inscription d'office des jeunes âgés de dix-huit ans présenterait à l'étranger des avantages certains. Vous connaissez la dispersion de nos compatriotes : certains se trouvent à 1 000 kilomètres, voire 2 000 kilomètres du consulat le plus proche. Par conséquent, l'automaticité d'inscription serait un excellent moyen de détendre et de resserrer la communauté française en montrant immédiatement à nos compatriotes qu'ils ont le droit de vote.
Dans certains pays européens, en Grande-Bretagne par exemple, lorsqu'un étudiant âgé de plus de dix-huit ans, qu'il soit Français ou originaire d'un autre pays européen, arrive là-bas, il est informé qu'il peut immédiatement voter lors des élections municipales de la ville où se trouve son collège ou son établissement.
Certains élargissements pourraient donc être envisagés à cet égard, mais, évidemment, le problème est différent. Cependant, des solutions pourraient être trouvées sur le plan européen.
En même temps, ce texte présenterait des inconvénients qui ont été énumérés par M. de Cuttoli et sur lesquels je ne reviendrai pas. Je pense, par exemple, au problème de la double nationalité.
Oui, les difficultés existent. La démarche du Gouvernement était donc justifiée, il fallait être prudent en la matière. Toutes les dispositions nouvelles doivent être examinées de près.
Cependant, désireuse d'offrir aux jeunes Français de l'étranger toutes les facilités possibles pour voter, la commission des droits du Conseil supérieur des Français de l'étranger a décidé de proposer un voeu, qui a été voté à l'unanimité le 4 septembre 1997, c'est-à-dire à peine une semaine après la transmission du texte. Ce voeu demande « que le projet de loi soit amendé en vue de l'étendre aux jeunes Français établis hors de France en les inscrivant d'office, après une information préalable, sur la liste du centre consulaire dont ils dépendent, sans préjudice de leur faculté de s'inscrire dans une commune en France ou de refuser leur inscription. »
Notons que les trois options possibles ont été énumérées, ce qui montre la complication, la complexité de cette situation. Néanmoins, le souhait de nos compatriotes français à l'étranger n'en est pas moins clairement exprimé.
Sur le fond, tout le monde est d'accord : il faut faire le maximum pour permettre l'inscription de tous les jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales. Mais pour le moment, il semble sage de ne retenir de ce voeu - malgré tout notre désir de le satisfaire aussi vite que possible - que la phrase qui suggère une « information préalable ».
C'est la route que nous devons suivre, en accord avec le Gouvernement, et par une concertation avec la commission des lois du Sénat et les experts de la direction des Français à l'étranger du ministère des affaires étrangères dont plusieurs, que je salue, assistent d'ailleurs à cette séance.
Voilà donc ce qui va être fait. Nous devrions, dès les informations réunies, trouver rapidement un texte convenable. Car, pour nous, le but est clair : il faut que toutes les facilités soient données aux jeunes Français de l'étranger pour qu'ils puissent, dès l'âge de dix-huit ans, comme tous ceux de France, être inscrits sur les listes électorales, afin de participer comme eux à la vie et à l'avenir de la nation.
Tel est bien l'esprit de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle, pour ce qui me concerne et au nom du groupe que je représente, je voterai ce texte, amendé sans doute par certaines des propositions que va nous faire à juste titre notre commission des lois, et en attendant les autres amendements qu'espèrent les Français à l'étranger. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles de Cuttoli. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un troisième sénateur des Français de l'étranger qui prend la parole sur ce texte. Ce n'est pas tout à fait un hasard.
Nous sommes particulièrement sensibles au maintien dans la communauté nationale de jeunes qui sont souvent nés à l'étranger. Je ne répéterai pas les propos tenus par mes deux éminents collègues qui m'ont précédée de longue date dans cet hémicycle, mais je rappelle que près de 30 % des Français immatriculés dans les consulats ont moins de 18 ans. Il s'agit d'une population jeune. Ces 300 000 jeunes Français doivent vraiment, comme l'a dit mon collègue Jacques Habert, pouvoir devenir citoyens dans les mêmes conditions que leurs compatriotes de l'Hexagone et des départements et territoires d'outre-mer. L'égalité républicaine le veut, mais c'est aussi l'intérêt de la France.
En effet, qui sont les jeunes Français que nous évoquons ?
Pour un petit tiers, il s'agit d'enfants d'expatriés qui, du fait de leur carrière, sont amenés à passer quelques années dans tel ou tel pays. Ces enfants gardent des liens étroits avec la France. Le français continue d'être la langue de communication familiale. Ils fréquentent des écoles françaises et ils reviennent souvent en vacances en France.
En revanche, pour les deux autres tiers, soit environ 200 000 enfants immatriculés dans les consulats, il s'agit de jeunes issus de familles durablement installées à l'étranger, parfois depuis plusieurs générations. Les enfants sont nés à l'étranger et sont français par filiation, le plus souvent à l'égard d'un seul de leurs parents.
Ces jeunes doivent rester français. Ils le restent d'abord parce que leurs parents les immatriculent. Un premier indice fort de l'attachement de leur famille à l'appartenance française est cette immatriculation au consulat, qui n'est pas obligatoire, et qu'une proportion considérable de Français à l'étranger néglige, puisqu'on évalue à 600 000 le nombre des Français qui ne sont pas immatriculés à l'étranger.
Si ce lien administratif et civique avec la France existe pour ces familles durablement installées à l'étranger, les liens linguistiques, culturels et affectifs peuvent être beaucoup plus lâches, surtout en Union européenne et sur le continent américain.
En effet, la majorité de ces enfants français fréquente une école du pays d'accueil, par choix culturel ou par commodité, ou souvent parce que l'école française est trop éloignée, beaucoup trop coûteuse, trop marquée socialement, trop élitiste.
Leur maîtrise de la langue française est variable ; leur connaissance de la France aussi. Combien parmi eux n'y sont jamais allés en raison du coût du voyage et de la perte des attaches familiales de leurs parents ?
Leur inscription d'office sur les listes électorales est bonne ; elle démontrerait à ces jeunes gens que la France tient à eux et qu'elle les considère comme des Français à part entière. Ainsi, par la pratique du vote, leur sentiment d'appartenance nationale serait renforcé.
Il est un aspect de ce problème qui a été analysé dans le rapport sous un angle négatif, me semble-t-il, alors que, pour moi, il constitue une raison de plus pour inscrire ces jeunes sur les listes électorales : les deux tiers d'entre eux sont binationaux.
Il faut considérer, en effet, que la binationalité ou la plurinationalité est intrinsèquement liée à l'expatriation, surtout quand celle-ci devient émigration.
Pour ces jeunes, ce n'est pas la conséquence d'un choix, c'est un état de fait : à leur naissance, ils ont deux ou trois nationalités ; naître d'un père français et d'une mère espagnole au Venezuela. c'est naître avec trois nationalités.
Ce phénomène est de plus en plus fréquent, de mieux en mieux compris et accepté par les Etats, à défaut de l'être par les opinions publiques. Or, pour la France, il est essentiel de comprendre que sa présence à l'étranger dépend de ces Français binationaux, particulièrement aptes, si l'on a su conforter leur appartenance française, à établir des relations fructueuses entre notre pays et le monde extérieur.
Contrairement à ce qui a lieu d'habitude, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, ô miracle ! a été saisi de ce texte.En effet, monsieur le ministre, si cette saisine est prévue dans les textes, elle est tellement rarement mise en oeuvre qu'il faut saluer le fait. Je profite de cette occasion pour vous indiquer que nous souhaitons vivement que le conseil soit également saisis du texte sur la nationalité. Il ne l'avait pas été en 1993, ce qui avait suscité quelques remous au sein du conseil.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a ainsi émis à l'unanimité le souhait que les dispositions de ce projet de loi soient étendues aux jeunes Français de l'étranger avec les aménagements dont mes collègues vous ont fait part, concernant l'information préalable et la possibilité donnée aux jeunes de refuser cette inscription dans les rares pays où leur sécurité serait en cause et où l'inscription sur les listes électorales risquerait de les mettre en danger.
L'essentiel est que les jeunes se sentent accueillis dans la communauté nationale et soient incités à accomplir leur devoir civique, qu'ils deviennent des citoyens actifs et non de ces citoyens passifs que le principe de désuétude exclurait un jour de notre nationalité. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Habert applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'excellent rapport de M. Bonnet et les interventions des divers orateurs, je peux relever qu'un accord assez général se manifeste sur les travées du Sénat en faveur de l'inscription d'office des jeunes majeurs sur les listes électorales. Je tiens à saluer cet accord de principe.
Tout le reste n'est qu'affaire de modalités ou de calendrier et méritera d'être examiné de manière objective. C'est d'ailleurs le style de votre maison d'agir ainsi.
Les arguments allant à l'encontre de l'inscription d'office ne m'ont pas paru réellement convaincants. Je le dis très cordialement à ceux qui se sont exprimés en ce sens.
M. Hyest a avancé l'argument selon lequel le recrutement ne serait pas complet. Evidemment, rien n'est parfait, mais, s'il n'est pas complet, il est tout de même assez général. Pour sa part, votre commission des lois propose d'attendre que les jeunes filles soient également prises en compte pour rendre applicable la loi.
La méthode que propose le Gouvernement consiste à croiser les fichiers ; nous pensons que les choses iront constamment en s'améliorant.
Quant à la surcharge des services municipaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense qu'il ne faut pas l'exagérer : une classe d'âge représente 2 % de l'électorat. On peut penser que, spontanément, au moins la moitié des jeunes s'inscriront d'eux-mêmes. Par conséquent, la surcharge sera inférieure à 1 % du total ; ce n'est quand même pas considérable !
J'ai entendu l'argument de M. Plasait sur le risque de substituer à l'initiative individuelle une responsabilité collective. Ce discours me plaît, il montre que la citoyenneté implique effort et mobilisation de chacun. Mais, à vrai dire, croyez-vous que ce soit au niveau de l'accomplissement d'une formalité administrative que l'on doive surtout inciter à l'effort ? Ne s'agirait-il pas plutôt de susciter un effort de la conscience ? C'est cela qui caractérise vraiment la citoyenneté.
Je ne crois pas beaucoup au risque de gonfler les chiffres de l'abstentionnisme. L'objectif de ce projet de loi est surtout de faire voter des électeurs qui, sans lui, ne voteraient pas. Il aura pour résultat, qu'on le veuille ou non, d'augmenter le nombre des électeurs qui voteront, et cela seul compte.
M. Hyest a prétendu que le projet de loi n'aurait aucune incidence sur les recours possibles devant le juge. Ce n'est pas exact. Lors de la dernière consultation électorale, un jeune n'était pas fondé à se présenter devant le juge pour demander à voter. Si ce projet de loi est adopté, il pourra le faire.
On nous a suggéré d'attendre. Est-ce vraiment opportun ? Ne serait-ce pas compris comme un signe négatif, ainsi que l'ont dit MM. Allouche et Duffour ?
Un engagement a été pris vis-à-vis de la jeunesse, et par le Président de la République et par le Premier ministre, par les deux majorités qui se sont succédé. Comment voulez-vous que les jeunes comprennent, après de tels engagements solennels, que rien ne s'ensuive. N'est-il pas temps de passer aux actes ?
Certes, nous n'obtiendrons pas 100 % d'inscrits du premier coup. D'ailleurs, y parviendrons-nous jamais ? Si les critiques faites à l'imperfection de tel ou tel fichier sont fondées, peut-être en y remédiant parviendrons-nous presque à la perfection ; de toute façon, vous le savez bien, la perfection n'est pas de ce monde !
Le problème des Français de l'étranger a été évoqué successivement par MM. de Cuttoli, Habert et Mme Cerisier-ben Guiga.
Ces trois sénateurs, qui représentent nos compatriotes résidant hors de France, ont émis le voeu qu'il soit davantage tenu compte de l'avis du Conseil supérieur des Français de l'étranger. En effet, ce dernier a souhaité que « ce projet de loi soit amendé en vue de l'étendre aux jeunes Français établis hors de France en les inscrivant d'office après une information préalable sur la liste du centre de vote consulaire dont ils dépendent sans préjudice de leur faculté de s'inscrire dans une commune de France ou de refuser leur inscription ». Tels sont les termes de l'avis qui vient d'être rendu.
Si j'ai bien compris, vous êtes tous trois d'accord pour qu'un amendement en ce sens soit adopté. Je pense que cela serait souhaitable, sous réserve que soit ménagée à chacun la possibilité de s'inscrire en France même, de façon à pouvoir participer aux élections municipales, cantonales et régionales.
M. Charles de Cuttoli. Dans un autre texte, monsieur le ministre. Dans celui-ci, c'est impossible ! La loi organique ne le permet pas.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il faudra étudier cette question et voir si cette disposition peut être inscrite dans la loi.
Le problème de la double nationalité a été évoqué. Il ne faut pas que la double nationalité soit un obstacle à cette inscription.
Madame le sénateur, vous avez souhaité que le Conseil supérieur des Français de l'étranger soit également saisi du projet de loi sur la nationalité. Je transmettrai votre voeu à Mme la ministre, garde des sceaux.
MM. Allouche et Duffour ont beaucoup insisté sur la nécessité d'organiser une bonne information de la jeunesse. Cela suppose quelques moyens. Comme le disait votre rapporteur, nous n'y consacrerons jamais autant d'argent que France Télécom en aura consenti pour la mise sur le marché de ses actions. C'est fort probable et c'est regrettable, mais c'est ainsi. En tout cas, il faudra mobiliser les moyens dont nous disposons. Les gouvernements, les maires, les préfets, le centre d'information civique...
M. Guy Allouche. Et les recteurs !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Tout à fait et même les inspecteurs d'académie !
... devront veiller à cette sensibilisation des jeunes, qui, je le rappelle, devront accomplir cette année encore un certain nombre de formalités.
J'ai bien entendu la suggestion relative au vote obligatoire formulée par M. Joly.
Monsieur le sénateur, se poserait alors un problème de constitutionnalité dans la mesure où la Constitution définit le vote comme un droit. Or, le droit, c'est le droit de voter ou de ne pas voter.
Par ailleurs, comment sanctionnerait-on le non-vote ? Les maires devraient-ils transmettre la liste des abtentionnistes ?
Vous êtes maire, me semble-t-il... (M. Joly fait un signe de dénégation.) Vous ne l'êtes plus, mais vous avez cette expérience. Vous savez donc combien les maires répugneraient à transmettre au juge du tribunal d'instance la liste des abstentionnistes. C'est normal, puisqu'ils sont élus par leurs administrés.
En outre, la culture républicaine - on l'a vu à maintes reprises - est aux antipodes de tout ce qui pourrait ressembler à de la délation.
Par conséquent, j'émets quelques réserves sur cette proposition. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.
Refuser d'appliquer rapidement la loi si elle est votée serait, je le répète, un signe négatif fort adressé à la jeunesse. Je vous invite en revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, à adresser à la jeunesse un signe fort de confiance, d'intérêt, marquant la volonté clairement manifestée par la représentation nationale de faire en sorte que les jeunes soient plus nombreux à voter dès cette année.
Au-delà du symbole, vous donnerez à plusieurs centaines de milliers d'entre eux la possibilité de s'inscrire, dès cette année, sur les listes électorales et de pouvoir exercer leur droit de vote aux prochaines élections locales.
Vous prouverez ainsi votre volonté d'aller de l'avant.
J'ose espérer que le Sénat, dans sa sagesse, ne voudra pas retarder un mouvement qu'il sait inéluctable. (Applaudissements.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

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