SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Eloge funèbre de François Giacobbi, sénateur de Haute-Corse
(p.
1
).
MM. le président, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Suspension et reprise de séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
3.
Conférence des présidents
(p.
3
).
4.
Election de sénateurs
(p.
4
).
5.
Organisme extraparlementaire
(p.
5
).
6.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
6
).
7.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
7
).
8.
Rappel au règlement
(p.
8
).
MM. Emmanuel Hamel, le président.
9.
Inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes
électorales.
- Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
9
).
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ;
Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Bernard Plasait,
Jean-Jacques Hyest, Charles de Cuttoli, Guy Allouche, MichelDuffour, Bernard
Joly, Jacques Habert, Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Article 1er. - Adoption (p.
10
)
Article 2 (p.
11
)
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre,
Jean-Jacques Hyest, Guy Allouche, Michel Duffour. - Adoption.
Amendements n°s 4 et 5 de M. Ostermann. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 (p. 12 )
Amendement n° 1 de M. Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur, le ministre, Guy
Cabanel, Guy Allouche. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur, le ministre, Guy
Allouche. - Rejet.
Amendement n° 3 de M. Joly. - MM. Bernard Joly, le rapporteur, le ministre,
Jacques Habert. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption
de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 13 )
MM. Yvon Collin, Guy Allouche, Alain Gérard, François Trucy, Jacques Habert, le
ministre, Emmanuel Hamel, Michel Duffour, Jean-Jacques Hyest.
Adoption du projet de loi.
10.
Nomination de membres de commissions
(p.
14
).
11.
Transmission de projets de loi
(p.
15
).
12.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
16
).
13.
Ordre du jour
(p.
17
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
ÉLOGE FUNÈBRE DE FRANÇOIS GIACOBBI,
SÉNATEUR DE HAUTE-CORSE
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge de François Giacobbi.
(MM.
les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
C'est avec une profonde émotion que j'évoquerai devant vous le parcours de
François Giacobbi, disparu le 5 mars dernier. Le destin de ce républicain
vigilant, homme de courage et de générosité, était étroitement lié à celui de
la Corse, dont il partageait les espoirs et les tourments et qu'il a
représentée au sein de notre assemblée durant plus de trente ans.
Lorsque François Giacobbi voit le jour le 19 juillet 1919 dans la maison
familiale de Venaco, il est l'héritier et le dépositaire d'une longue
tradition. Des idées républicaines ont valu l'exil à l'un de ses ancêtres sous
le Second Empire. Son grand-Père, sénateur, compte parmi les fondateurs de la
IIIe République. Son père, Paul, fera partie des « Quatre-vingts », ces
parlementaires qui refuseront le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
L'itinéraire politique de François Giacobbi sera frappé au coin de ce
républicanisme intransigeant.
Etudiant à Paris, le jeune homme se destine à la carrière d'avocat. Ses études
de droit interrompues par la guerre, il s'engage dans la Résistance et combat
pour la liberté dans les maquis du Midi et du Vercors. C'est dans l'action
qu'il reprend à son compte avec foi et ardeur le patriotisme familial. A la
même époque, son père est condamné à mort par l'armée d'occupation pour son
activité dans la Résistance. Pudique, François Giacobbi n'évoquait guère cette
période, mais ses camarades de maquis sont les témoins d'un courage dont il ne
s'est jamais départi.
A la Libération, François Giacobbi exerce le métier de journaliste au
Télégraphe
, à l'
Action automobile
et à
Paris-Match
. De
retour en Corse après avoir repris ses études, il s'inscrit comme avocat au
barreau de Corte.
Il entre en politique en 1951, au conseil municipal de sa ville natale et
comme conseiller général du canton de Vezzani. C'est le début d'une longue et
brillante carrière, tout entière dévouée à la cause de la Corse et de ses
habitants, lesquels lui renouvelleront maintes fois leur confiance, dans les
assemblées locales comme au Parlement.
Appelé à la mairie de Venaco à la suite du décès de son père en 1951, François
Giacobbi ne quittera ce mandat que trente ans plus tard. Elu président du
conseil général de Corse, puis du conseil général de Haute-Corse, il assumera
cette fonction durant trente-trois ans. François Giacobbi présidera aussi le
conseil régional avant de siéger à l'assemblée de Corse.
De toute l'oeuvre accomplie par l'élu local, c'est sans doute de la création
du parc naturel régional, fruit de ses efforts, qu'il était le plus fier.
François Giacobbi fut un des premiers à promouvoir une idée encore neuve, la
protection de la nature, menacée en Corse par la récurrence des incendies et
par une urbanisation incontrôlée. Président de la fédération des parcs naturels
de France, président d'honneur des parcs européens, il voit son action
énergique couronnée par le prix de l'institut Goethe, la plus haute distinction
mondiale pour la protection de l'environnement.
En 1956, François Giacobbi est élu à l'Assemblée nationale. Le nouveau député
de Corse, membre du parti radical-socialiste, est bientôt appelé au
Gouvernement, comme sous-secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil dans les
cabinets Bourgès-Maunoury et Gaillard, où il est chargé des relations avec le
Parlement.
En 1958, il fait campagne en faveur de la nouvelle Constitution. Secrétaire
général du parti radical-socialiste de 1960 à 1969, il anime la scène politique
nationale de sa forte présence.
Elu sénateur en 1962, François Giacobbi siège à la commission des affaires
culturelles, avant de rejoindre la commission des lois. Il y déploie ses
talents de juriste et fait entendre sa voix, pour affirmer sa foi dans les
valeurs de la République. Toujours au coeur des débats de principe, François
Giacobbi est très écouté de ses collègues, qui le portent à la vice-présidence
de la commission.
Passionné par les questions de sécurité, il prend une part active aux travaux
de deux commissions de contrôle, l'une sur la lutte contre le terrorisme en
1983, l'autre sur les services du ministère de l'intérieur en 1991. Confronté
au malaise de la population corse, il réprouve sans équivoque la violence, dont
il condamne toutes les manifestations. Il fait entendre ses convictions, sans
détour.
Ardent défenseur de la Constitution, François Giacobbi est convaincu que «
l'audace et la modernité consistent non pas à la réformer, mais à l'appliquer
», tout particulièrement lorsque la Corse est en question.
Chacun se souvient ici de son intervention à la tribune lors du débat sur le
statut de l'île en 1991. Il combat pied à pied l'inscription dans la loi des
termes : « peuple corse composante du peuple français ». Le Conseil
constitionnel lui donnera raison.
J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de m'en entretenir longuement avec
lui. Il m'expliquera, avec la fougue et la passion qui le caractérisaient, les
raisons de sa virulence. Dans la violence qui a meurtri la Corse ces dernières
années, il voit le spectre de la haine liberticide que, jeune maquisard, il a
tant combattue. Voilà ce que fait revivre en lui ce débat qui divise les fils
de la Corse, sa terre. L'amour de la liberté, qu'il a failli payer de sa vie,
avec un grand courage, justifie sa passion oratoire et ses prises de position,
dont la clarté est respectée sur tous les bancs.
L'avenir, pour lui, est ailleurs. Il passe par la promotion d'une réelle
égalité des chances. « Les Corses revendiquent non pas le droit à la
différence, mais le droit à la ressemblance », affirme-t-il. Et il défendra
cette idée, avec le franc-parler dont il était coutumier.
L'appartenance de la Corse à la République est, pour lui, un principe
intangible qui ne souffre aucune concession. « Lorsque, élu de la Corse, je
m'exprime à cette tribune, dit-il, c'est en ma qualité de représentant du
peuple français tout entier. »
François Giacobbi combat avec la même vigueur et la même conviction toute
atteinte aux droits du Parlement, à ses yeux trop souvent négligés. Il voit
dans la représentation nationale un rempart contre la démagogie et la
concentration du pouvoir. Il dénonce l'inflation législative, source de
complexité et de confusion pour le citoyen. Il défend avec fermeté le
bicamérisme, tout particulièrement les prérogatives du Sénat dans la procédure
de révision de la Constitution. Pour lui, la République ne se conçoit pas sans
le Sénat, comme il l'a montré en intervenant avec force dans le débat
constitutionnel de 1969.
Homme de conviction, homme de caractère, François Giacobbi manifestait la même
aisance dans les actions de terrain que dans le combat national.
Sa curiosité intellectuelle, son énergie, confortées au spectacle de la
montagne corse dont il ne se lassait jamais, ouvraient un champ inépuisable à
de multiples activités qu'il pratiquait en amateur éclairé. Passionné de sport,
il était à ses heures poète et musicien.
Fidèle à ses amis autant qu'à ses principes, il savait faire partager son
amour de la Corse, de ses habitants, de ses paysages. Ses collègues de la
commission des lois ont pu apprécier la chaleur de son hospitalité et s'en
souviennent encore.
François Giacobbi nous a quittés, mais les valeurs politiques et personnelles
qu'il incarnait demeurent.
Au nom du Sénat, j'assure de notre solidarité ses enfants, sa famille et ses
amis du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. Je rends
hommage à la mémoire d'un homme généreux qui aura toujours posé en préalable
les principes de la République.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais, au nom du Gouvernement, m'associer à l'hommage rendu
aujourd'hui à François Giacobbi. Puis-je ajouter que je reçois cette mission
avec une réelle émotion et comme un grand honneur ; on sait les liens qui
m'unissaient à votre collègue disparu, dont la personnalité, la stature ont
compté dans mon existence comme elles ont marqué tous ceux qui l'ont connu.
L'intelligence vive, l'esprit de synthèse, la verve et l'éloquence, tous les
domaines lui étaient ouverts au lendemain d'une guerre exemplaire dans les
maquis du Sud-Est. Il devient journaliste, mais deux générations de
parlementaires l'ont précédé et il entre en politique en 1951 dans un
engagement total où il révélera une vertu supplémentaire et rare : le
caractère.
Ce caractère, qui avait conduit son père Paul, qui fut lui-même ministre, à
refuser en 1940 - ils étaient peu nombreux - les pleins pouvoirs au maréchal
Pétain, François Giacobbi le démontrera tout au long de sa vie.
Vous avez rappelé, monsieur le président, cette carrière d'un demi-siècle,
riche de tant de fonctions brillamment remplies, au Gouvernement de la France,
dans les ministères Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard, en charge des relations
avec le Parlement, mais aussi dans les mandats locaux en Corse, où ce jacobin
proclamé assumera pleinement la décentralisation qu'il appelait de ses voeux ;
il y témoignera d'un esprit novateur dans les domaines les plus divers comme la
protection de l'environnement - vous y avez fait allusion, monsieur le
président - où, précurseur, son action pour les parcs naturels lui vaudra la
grande distinction internationale qu'est la médaille Goethe.
Vous avez évoqué le bref passage à l'assemblée nationale et, bien sûr, les
trente-cinq années passées au Sénat où son travail, sa compétence, la force de
ses interventions sont dans toutes les mémoires.
Si sa longévité politique lui faisait prêter quelque habileté manoeuvrière,
François Giacobbi répondait en riant : « Le comble du machiavélisme, c'est la
ligne droite ». En effet, il fut d'abord un homme de constance dans ses choix,
dans sa fidélité à son parti, dans sa fidélité à l'idéal républicain dont, féru
d'histoire et de droit constitutionnel, il avait une conception exigeante et
longuement méditée.
Il était fier du message universel et humaniste de la France.
Lorsque surviendront, dans cette Corse qu'il connaît en profondeur et qu'il
aime passionnément, les troubles que l'on sait, il affirmera le premier que
l'avenir de l'île et même la sauvegarde de son identité culturelle passent par
la démocratie, hors de toute violence, dans le cadre républicain un et
indivisible.
Le combat pour la République en Corse est d'ailleurs, à ses yeux, un combat
pour la République, tout simplement. Il le mènera jusqu'à son dernier souffle,
avec un courage et une pugnacité extraordinaires, qui lui vaudront, bien sûr,
quelques farouches oppositions mais aussi le respect unanime, et l'Histoire
dira combien il lui est dû que l'essentiel ait été préservé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la République a
perdu, avec François Giacobbi, un grand serviteur. Le Gouvernement salue sa
mémoire et adresse à sa famille l'expression de sa profonde et amicale
sympathie.
M. le président.
Mes chers collègues, conformément à la tradition, en signe de deuil, nous
allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
vingt-cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
A. -
Mercredi 24 septembre 1997,
à quinze heures et le soir :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de MM. Charles Descours, Claude Huriet et plusieurs de leurs collègues,
relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité
sanitaire des produits destinés à l'homme (n° 413, 1996-1997).
La conférence des présidents avait fixé :
- au mardi 23 septembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à cette proposition de loi ;
- à trois heures, la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session ordinaire et les inscriptions de parole
devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 23
septembre.
B. -
Jeudi 25 septembre 1997,
à neuf heures trente et à quinze heures
:
Suite des conclusions de la commission des affaires sociales sur la
proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du
contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
C. -
Mardi 30 septembre 1997,
à dix heures, à seize heures et le soir
:
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes (n° 423,
1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 29 septembre à dix-huit heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session ordinaire et les inscriptions de parole
devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 29
septembre.
D. -
Mercredi 1er octobre 1997,
à quinze heures et, éventuellement, le
soir :
1° Ouverture de la session ordinaire de 1997-1998 ;
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi relatif au développement d'activités pour
l'emploi des jeunes.
E. -
Jeudi 2 octobre 1997,
à dix heures, à seize heures trente et,
éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 425,
1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er octobre, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
F. -
Mardi 7 octobre 1997,
à dix heures trente et à seize heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant réforme du service national (n° 426, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 octobre à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé le 23 septembre et les inscriptions de parole devront être
faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 6 octobre.
G. -
Mercredi 8 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi portant réforme du service national ;
A quinze heures :
2° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
Les candidatures à cette commission devront être déposées par les groupes au
secrétariat du service des commissions le mardi 7 octobre, avant dix-sept
heures ;
Ordre du jour prioritaire
3° Suite du projet de loi portant réforme du service national.
H. -
Jeudi 9 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales
non gouvernementales (n° 338, 1996-1997) ;
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention pour la
protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes
et deux appendices) (n° 386, 1996-1997) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section
internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et
l'Espagne (façade méditerranéenne) (n° 201, 1996-1997) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la
convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des
collectivités aux autorités territoriales (ensemble trois déclarations) (n°
371, 1996-1997) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 342,
1996-1997) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue
d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic
international (n° 341, 1996-1997) ;
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales (n° 219, 1996-1997) ; 8° Projet de loi autorisant la
ratification de l'accord européen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de
l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part (n°
388, 1996-1997) ;
9° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République de Lituanie, d'autre part (n° 392, 1996-1997) ;
10° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République de Lettonie, d'autre part (n° 393, 1996-1997) ;
11° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République d'Estonie, d'autre part (n° 394, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces trois projets de loi, n°s 392, 393 et 394.
A quinze heures :
12° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de question devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
13° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
4
ÉLECTION DE SÉNATEURS
M. le président. En application des articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du 21 septembre 1997 MM. Jean Arthuis, Michel Barnier et Jean-Pierre Raffarin ont été proclamés élus sénateurs respectivement de la Mayenne, de la Savoie et de la Vienne. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
5
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre par
laquelle il demande au Sénat de bien vouloir désigner un sénateur appelé à
siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
En application de l'article 9 du règlement, j'invite la commission des
affaires économiques à présenter une candidature pour un sénateur appelé à
siéger, en remplacement de M. Jean-Marie Rausch, démissionnaire, au sein de la
commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport, établi
en application de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la
protection de l'environnement, sur le fonctionnement pour l'année 1996 du fonds
de modernisation de la gestion des déchets.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
7
DÉMISSION DE MEMBRES
DES COMMISSIONS ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Henri Weber, comme membre de la
commission des affaires culturelles, et de celle de M. René Rouquet, comme
membre de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats
proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
8
RAPPEL AU RE`GLEMENT
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Au risque d'exaspérer les membres de la conférence des présidents et les
présidents de commission ou de délégation présents dans l'hémicycle, je crois
devoir signaler qu'il est extrêmement regrettable à mon humble avis, que nous
persistions dans la concomitance des séances publiques et des réunions de
commissions.
En effet, des citoyens sont présents dans les tribunes, et ils en repartiront
avec le sentiment que nous nous adonnons au péché de l'absentéisme, alors que
nous travaillons ailleurs. Ainsi, M. Genton est là pour en attester, la
délégation du Sénat pour l'Union européenne siégera cet après-midi à partir de
dix-sept heures. Devons-nous rester dans l'hémicycle ou nous rendre à cette
réunion ? De même, demain se tiendront plusieurs réunions de la commission des
finances : faut-il y participer ou être présents en séance publique ?
Un effort doit être véritablement accompli pour mettre fin à cette
impossibilité apparente d'organiser nos travaux, de telle sorte que les
commissions ne se réunissent pas alors que se déroule la séance publique. En
effet, c'est l'image du Parlement qui souffre de cette pratique.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je
transmettrai bien évidemment vos remarques à M. le président du Sénat, mais
faut-il rappeler que ce n'est pas la première fois que nous évoquons ce
problème,...
M. Charles de Cuttoli.
Il faut trouver une solution !
M. le président.
... ici même et à l'Assemblée nationale.
J'espère que les propositions que vous pourrez faire nous permettront de
trouver plus facilement cette solution que nous recherchons tous, quelles que
soient nos positions respectives sur l'échiquier politique, depuis de
nombreuses années.
9
INSCRIPTION D'OFFICE DES PERSONNES ÂGÉES DE DIX-HUIT ANS SUR LES LISTES
ÉLECTORALES
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet
de loi (n° 408, 1996-1997) relatif à l'inscription d'office des personnes âgées
de dix-huit ans sur les listes électorales. [Rapport n° 417 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, l'exercice de la citoyenneté n'a rien d'automatique. C'est d'abord
le fruit de l'instruction, le témoignage de la compréhension des mécanismes
mêmes qui fondent la démocratie. Inscrire dans les esprits et dans les coeurs
des jeunes générations l'attachement à la France et à la République, développer
l'instruction civique à tous les niveaux de l'éducation, tels sont, sans aucun
doute, les meilleurs moyens d'améliorer la participation des jeunes citoyens à
la vie publique.
Au moins avons-nous le devoir d'encourager cette participation, et
spécialement de rendre aussi aisée qu'il est possible l'inscription de tous les
citoyens sur les listes électorales. En effet, si la République ne se résume
pas au suffrage universel, celui-ci est, pour la souveraineté populaire, le
moyen de s'exprimer : c'est d'abord le fait de se rendre aux urnes lors des
consultations qui marque le désir de chacun de prendre sa part de citoyen à la
vie publique.
Or, l'expérience nous a montré récemment que nombre de jeunes électeurs se
trouvèrent surpris et empêchés de participer à une grande consultation
nationale, faute d'avoir pu être inscrits à temps sur les listes électorales.
Ce sont des situations de ce type qu'il convient de réduire ou de faire
disparaître, et tel est l'objet du présent projet de loi.
M. le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, le 19
juin dernier, avait pris l'engagement de faire en sorte que « l'inscription de
chaque citoyen sur les listes électorales soit rendue automatique l'année de sa
majorité ». Le Président de la République avait également formé un voeu
analogue lors de propos télévisés tenus au début de l'année.
Nous voici donc au pied du mur : il convient d'ancrer dans la réalité de notre
ordre juridique ces dispositions nouvelles.
Les principes auxquels je viens de faire allusion semblent rencontrer une
large approbation.
Votre rapporteur, M. Christian Bonnet, a bien voulu rappeler, dans son rapport
écrit, l'esprit dans lequel la commission des lois du Sénat a abordé l'étude de
ce projet de loi. Je l'en remercie.
Je voudrais, en premier lieu, préciser les objectifs que vise le Gouvernement
à travers ce texte.
Aujourd'hui, vous le savez, l'inscription sur les listes électorales, qui est
obligatoire, ne comporte aucun caractère automatique et demeure subordonnée à
une demande expresse des citoyens. Il s'agit, toutefois, d'une obligation qui
reste sans sanction en cas d'inobservation. L'on peut dire qu'il n'est pas de
citoyenneté sans effort et sans abnégation, cela est vrai, mais faut-il pour
autant exiger de chacun qu'il accomplisse une formalité quelquefois longue et
difficile ?
L'état de fait que nous constatons, joint à l'évanescence progressive, que je
déplore, de l'instruction civique dans les programmes de l'éducation nationale,
n'a guère encouragé les jeunes majeurs à effectuer les démarches d'inscription
auprès de leur mairie ; chacun d'entre vous le sait. C'est pourquoi le
Gouvernement vous propose d'édicter des dispositions propres aux jeunes gens
atteignant l'âge de dix-huit ans, et permettant leur inscription automatique
sur les listes électorales.
Ces mesures sont particulières aux nouveaux citoyens atteignant l'âge de la
majorité. Elles s'inscrivent donc dans notre droit électoral sans en changer
les fondements essentiels, mais elles permettront, de manière pragmatique, de
répondre à des situations de fait où des jeunes se sont trouvés hors d'état
d'accomplir leur devoir civique, faute d'information ou d'initiative
suffisante.
Il s'agit non pas, j'y insiste, de conférer la qualité d'électeur à ces jeunes
gens, puisque cette qualité leur est conférée par la Constitution, mais
seulement d'accomplir la formalité administrative qui leur permettra de remplir
leur devoir d'électeur dans leur commune.
Le principe d'égalité est tout à fait respecté. En effet, le Conseil
constitutionnel admet parfaitement que des situations différentes soient
traitées différemment. Or, comme l'indique excellemment M. Bonnet dans son
rapport, le fait d'atteindre dans l'année l'âge de la majorité constitue bien
une différence d'avec les autres électeurs, laquelle justifie un traitement
particulier, à savoir l'inscription d'office, l'objet de cette mesure étant la
recherche de la plus large participation de tous les électeurs aux différents
scrutins.
A cette fin, il convient de définir une méthode simple et transparente.
La volonté de simplicité a conduit à faire des commissions administratives
existantes l'instance compétente pour procéder à l'inscription d'office.
Chaque commission administrative - il y en a une par bureau de vote - est
composée de trois membres, à savoir un représentant du maire, un délégué
désigné par le préfet et un délégué désigné par le président du tribunal de
grande instance, ainsi qu'en dispose l'article L. 17 du code électoral. La
diversité de cette composition est gage d'un contrôle pluraliste efficace.
Je dois vous préciser que, pour ce qui me concerne, j'ai rappelé aux préfets,
par une circulaire en date du 30 juin 1997, l'intérêt qui s'attache à la
nomination de ces représentants. Il convient de veiller à la composition
pluraliste des commissions et à la qualité de ceux qui ont à accomplir ces
tâches bénévoles mais indispensables au bon fonctionnement de la démocratie.
Les commissions administratives pourront procéder aux inscriptions d'office,
non point de leur propre initiative ou sur la base de renseignements qu'elles
auraient d'elles-mêmes recueillis, car vous mesurez bien à quels risques de
fraudes nous exposerait une telle démarche, mais sur la foi des informations
que leur transmettront les services de l'Institut national de la statistique et
des études économiques. Je préciserai dans un instant comment ces informations
seront réunies.
Les commissions administratives procéderont donc à l'ensemble des inscriptions
- j'insiste bien sur ce point - c'est-à-dire aussi bien celles qui résultent
des démarches volontaires effectuées par les citoyens dans les conditions
habituelles que celles qui concernent les jeunes électeurs ayant atteint l'âge
de dix-huit ans depuis la dernière clôture définitive des listes électorales ou
atteignant cet âge avant la prochaine clôture définitive de ces listes, sous
réserve, bien entendu, qu'ils répondent aux autres conditions prescrites par la
loi.
L'unité administrative et le regroupement au sein des seules commissions
administratives de l'ensemble des opérations d'inscription, d'office ou
volontaires, est un gage de simplicité.
Je ne vous dissimulerai pas pour autant que de nombreux obstacles d'ordre
technique s'opposent à la réussite de cette entreprise.
Dois-je ici faire observer que ce sont ces difficultés qui avaient, en
d'autres temps, conduit à reporter la mise en oeuvre d'un principe dont les
plus hautes autorités de l'Etat avaient pourtant souligné l'intérêt ?
En effet, comment peut-on recenser, par commune, tous les jeunes Français
atteignant ou devant atteindre l'âge de dix-huit ans ?
Le répertoire national de l'Institut national de la statistique et des études
économiques ne nous renseigne nullement sur la commune de résidence. Or, entre
le lieu de naissance et le lieu de domicile, au long de dix-huit années, de
nombreux changements ont pu se produire.
Le recensement effectué pour le service national sera donc notre premier
outil. Je rappelle que tous les garçons sont tenus de se faire recenser dans
leur mairie à l'âge de dix-sept ans. Cela donne lieu à l'établissement d'un
fichier fiable et complet, qui ne réunit que les jeunes de nationalité
française. Le recensement, comme l'accomplissement des obligations du service
national, constitue l'une des marques maîtresses de la nationalité.
Dès après le vote du présent projet de loi par le Parlement, les services du
ministère de la défense pourront communiquer à l'INSEE les informations
nominatives portant, aux termes du présent texte, « exclusivement sur les nom,
prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et adresse ». Les actes
réglementaires qui seront pris après consultation de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés sont d'ores et déjà en cours de préparation ;
ils permettront d'étendre à l'inscription sur les listes électorales les
finalités du recensement, et d'ajouter l'INSEE et les commissions
administratives au nombre des destinataires des informations dont j'ai rappelé
la nature.
Ainsi, dès les premiers jours de novembre 1997, c'est-à-dire d'ici à deux
mois, les communes devraient bénéficier de cette importante source
d'information.
En second lieu, les fichiers gérés par les organismes de base de l'assurance
maladie seront mis à contribution. Ils ont le mérite d'enregistrer les jeunes
filles, à la différence du recensement. Comme vous le savez, le droit de vote
est accordé aux femmes depuis 1946 dans notre pays.
(Sourires.)
Ces fichiers ne sont pas aujourd'hui homogènes. Certains, étant fondés sur la
qualité d'« ouvrant droit », recensent les parents, mais rarement les jeunes
majeurs jouissant de la qualité d'« ayants droit » et, à ce titre, simplement
rattachés à l'identification de leurs parents. Des traitements appropriés
seront nécessaires dans certains cas. Il est vrai que d'autres fichiers, tel
celui de la Mutualité sociale agricole, permettent en revanche de sélectionner
rapidement les informations visées par le présent projet de loi. Mais, surtout,
la constitution, à partir du 1er janvier 1998, du répertoire national
interrégimes d'assurance maladie répondra complètement à nos voeux. Les
services du ministère de l'emploi et de la solidarité estiment qu'en juillet
1998 des renseignements exhaustifs pourront être transmis à l'INSEE.
Le mécanisme retenu vise à garantir la confidentialité des informations. C'est
donc l'Institut national de la statistique et des études économiques, dont vous
connaissez déjà la rigueur et la précision dans la tenue des fichiers
électoraux, qui se voit confier la charge de réunir les informations provenant
aussi bien du recensement pour le service national que des organismes servant
des prestations de base des régimes d'assurance maladie. Après croisement de
ces informations, l'INSEE transmettra aux communes les listes de jeunes majeurs
dont l'inscription d'office sera possible : il s'agira des communes désignées
par les jeunes majeurs eux-mêmes, soit lors du recensement, soit lors de leur
plus récent contact avec leur régime d'assurance maladie. En effet, le présent
projet de loi prévoit, dans son article 1er, que le lieu d'inscription d'office
est la commune où se trouve le domicile réel de la personne concernée. La
jurisprudence définit ce domicile réel comme celui du principal
établissement.
Cependant, il convenait de faire droit au souhait de certains jeunes gens
d'être inscrits en un autre lieu que celui de leur domicile réel. Il peut en
aller ainsi du lieu où ils poursuivent leurs études, du lieu où ils auraient
récemment établi leur domicile, quittant celui de leurs parents. Cette
possibilité demeurera et, en cas de double inscription, l'INSEE ne manquera pas
de les signaler, comme il le fait déjà, pour qu'il soit mis fin à ces
irrégularités dans les conditions du droit commun.
Ce mécanisme fiable ne saurait, je le souligne, dispenser les commissions
administratives de procéder aux vérifications qui sont rendues nécessaires par
la loi.
Ainsi en va-t-il de la nationalité. Si, comme je vous l'ai dit, les
informations issues du recensement emportent preuve de la nationalité
française, il n'en va pas de même des fichiers de l'assurance maladie. Il
reviendra alors aux commissions administratives de convoquer les jeunes gens et
les jeunes filles dont l'identification aura ainsi été enregistrée afin de se
présenter en mairie pour justifier de leur nationalité. Ce sera
particulièrement vrai dans les villes. Ce sera moins vrai dans les villages.
Cette convocation indispensable n'est en rien contraire au principe de
l'inscription d'office : elle permettra à ces jeunes de connaître la
possibilité d'inscription d'office qui leur est offerte, dès lors du moins
qu'ils auront apporté la preuve de leur nationalité. Cette condition remplie,
l'automaticité joue donc pleinement pour les jeunes inscrits à partir du
fichier de l'assurance maladie.
Je veux dire enfin un mot de la période transitoire, celle qui concerne la
révision en cours des listes électorales, révision ouverte depuis le 1er
septembre dernier et qui se poursuit jusqu'au 31 décembre 1997.
L'inscription d'office des jeunes de dix-huit ans n'atteindra l'exhaustivité
qu'au cours de l'année prochaine, c'est-à-dire au moment où les organismes de
base de l'assurance maladie et la constitution du répertoire national
interrégime d'assurance maladie fourniront à l'INSEE des informations
complètes. Vous comprenez parfaitement qu'à la date du 23 septembre il soit
impossible de garantir, dans les quelques semaines qui nous séparent de la
clôture des listes électorales, l'exhaustivité de l'inscription d'office des
jeunes.
Donc, pour cette période transitoire, je le dis à travers vous à tous les
jeunes ayant atteint l'âge de dix-huit ans en 1997, et je vous prie d'être
auprès d'eux mon porte-parole,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Inscrivez-vous !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... rendez-vous dans votre mairie, parce que
cette année encore cette formalité est nécessaire. L'année prochaine elle ne le
sera pratiquement plus, si ce n'est pour les contrôles d'usage. Mais, pour
1997, il faut encore une dernière fois accomplir cette démarche. J'espère que
le message sera reçu.
Ce sera une précaution superfétatoire dans un an pour les jeunes inscrits
d'office par le mécanisme que j'ai déjà décrit. Toutefois, ce sera une démarche
nécessaire pour tous ceux dont l'état actuel de l'informatique ne permet pas de
connaître l'identité et l'adresse. La France, mesdames, messieurs les
sénateurs, est loin d'être un pays « fiché » comme on le décrit quelquefois à
tort ! Nous le voyons bien aujourd'hui.
Nous devons cependant ouvrir dès à présent cette période transitoire. Pourquoi
? Parce que en votant cette loi le Parlement ouvrira dès à présent la voie au
processus d'inscription d'office qui, en quelques mois, deviendra opératoire
grâce à l'amélioration des données transmises à l'INSEE.
Ainsi, le recensement des jeunes filles qui sera organisé à compter du 1er
janvier 1999 améliorera considérablement la fiabilité de l'ensemble des
informations dont disposeront les commissions administratives.
J'ai bien noté que la commission des lois du Sénat estime dès lors qu'il
conviendrait peut-être de différer l'inscription d'office à la date de
généralisation du recensement.
Cependant, deux raisons me paraissent devoir y être opposées :
Tout d'abord, cette proposition reporterait l'effectivité de l'inscription
d'office à l'an 2000, car je vous rappelle que le recensement complet des
jeunes garçons et des jeunes filles commencera au 1er janvier 1999. Or, d'ores
et déjà, un nombre important de jeunes gens en 1997, et la quasi-totalité en
1998, pourront bénéficier de l'inscription d'office. Pourquoi donc ne pas le
faire ? Ouvrons dès aujourd'hui ce processus évolutif qui bénéficiera à
plusieurs centaines de milliers de nouveaux électeurs.
Ensuite, en votant dès à présent ce projet de loi, vous ouvrirez pour les
jeunes ayant atteint l'âge de majorité en 1997 un droit à l'inscription
d'office qu'ils pourront faire valoir, même après la clôture de la liste et
jusqu'au jour du scrutin, devant le juge d'instance.
Cette possibilité est le second argument que je souhaitais vous apporter.
L'article L. 34 du code électoral vise ainsi « les personnes indûment omises
des listes électorales par suite d'une erreur matérielle ». Nous ne verrons
plus, ainsi, les scènes auxquelles nous avons pu assister récemment, à savoir
des jeunes qui voulaient voter mais ne le pouvaient pas.
Le rattrapage de ceux qui ne figureront pas dans les informations transmises à
l'INSEE sera donc possible. Une classe d'âge - dois-je vous le rappeler ? -
représente 2 % des électeurs, soit environ 750 000 jeunes gens répartis sur
tout le territoire. Il s'agit donc d'effectifs raisonnables et nous ne devons
pas surestimer les charges liées à ce processus, ni au rattrapage possible
jusqu'au jour du scrutin par décision du juge d'instance, sur le fondement du
projet de loi que je vous invite à voter.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas nier
les difficultés objectives qui se présentent sur notre chemin. Mais je les
crois surmontables, et, surtout, j'ai le sentiment qu'elles se dissiperont avec
le temps, et de manière rapide.
Il ne s'agit nullement d'une baguette magique pour éveiller le civisme chez
les jeunes. Il faut pour cela, je l'ai maintes fois exprimé et je le répète
aujourd'hui, inscrire dans l'esprit et dans le coeur des jeunes générations
l'amour de la République, le sens de l'intérêt général, le respect de la loi,
la connaissance de la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de
devoirs, car elle fait de chaque citoyen un membre du souverain, la nation
définie comme communauté de citoyens.
C'est d'abord l'affaire de l'école ; vous connaissez mon attachement à
l'instruction civique. C'est là que se trouvent les clés d'un esprit civique
retrouvé.
Mais que à tout le moins les formalités nécessaires à l'accomplissement de ce
devoir soient rendues plus commodes : tel est l'objet de ce projet de loi qui
répond au voeu exprimé depuis les horizons politiques les plus divers, mais que
le Gouvernement, auquel j'appartiens, a voulu d'emblée faire entrer dans la
réalité.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, mes chers collègues, face au projet de loi dont nous sommes saisis,
je vous propose d'évoquer successivement son objectif, sa compatibilité avec
les principes généraux de notre droit public, ses modalités, avant d'aborder,
enfin, ses conséquences, qu'elles soient heureuses, neutres, ou qu'elles
appellent une correction que proposera la commission.
J'évoquerai donc tout d'abord l'objectif. A coup sûr, il est louable. Ne
s'agit-il pas de favoriser la participation des jeunes à la vie de la cité, de
faciliter l'accession à la majorité civique d'environ 750 000 Français qui
accèdent chaque année à la majorité civile ?
Aujourd'hui, l'inscription sur les listes électorales est, certes,
obligatoire, mais - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - elle suppose
une demande de l'intéressé, souvent alerté par sa mairie - vous le savez comme
moi - même si la loi ne prévoit aucune sanction en cas d'inobservation de cette
obligation.
Les études conduites par plusieurs organisations sérieuses, comme l'INSEE, le
Centre national de la recherche scientifique ou le Centre d'études de la vie
politique française, permettent de situer entre 5 et 10 % le phénomène de
l'auto-exclusion civique dont l'origine est très diverse : la négligence,
l'indifférence, l'hostilité, l'ignorance, singulièrement de la part de ceux
que, depuis un livre de René Lenoir, on qualifie d'« exclus ». Monsieur le
ministre, vous avez à très juste titre - et je sais à quel point vous êtes
attaché à cette notion d'instruction civique - noté qu'il y avait aussi parmi
ces causes l'évanescence de l'instruction civique que vous avez défendue
lorsque vous étiez en poste rue de Grenelle.
Une telle procédure est-elle possible en droit ? Au regard du droit public, la
réponse est « oui ». Avant la loi du 31 décembre 1975, la commission
administrative pouvait déjà procéder à l'inscription d'office, mais cela
pouvait entraîner le risque de double inscription, éventuellement frauduleuse,
d'où les sanctions de 100 000 francs d'amende et d'un an d'emprisonnement qui
avaient été prévues par le texte.
Quelle innovation apporte le projet de loi ? Seuls sont concernés les jeunes
atteignant dix-huit ans. A ce propose, notre excellent collègue M. de Cuttoli a
marqué qu'il ne concernait pas les Français établis hors de France.
L'inscription s'effectuerait à partir de deux fichiers tenus pour fiables, et
non à partir des informations dont dispose la commission administrative, tandis
que seraient maintenues la procédure d'inscription sur demande pour les
électeurs potentiels âgés de plus de dix-huit ans et la possibilité, ouverte
par l'article L. 11 du code électoral, de s'inscrire au lieu de son domicile
réel ou là où l'on figure depuis cinq ans sur les rôles de l'une des
contributions locales directes, ou encore là où un fonctionnaire public est
amené à résider obligatoirement, ou, enfin, au lieu de résidence qui est le
sien depuis six mois.
Au regard du droit constitutionnel, il n'y a pas davantage d'obstacle. Il n'y
a pas d'innovation dans les obligations, l'inscription étant réputée
obligatoire et le vote ne l'étant toujours pas.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs décidé en 1991, à propos de la refonte
des listes électorales en Corse, terre d'élection du contentieux électoral, que
l'inscription sur une liste est susceptible d'affecter le lieu d'exercice du
droit de vote, mais pas l'exercice de ce droit.
Le Conseil constitutionnel a également décidé que la loi pouvait traiter de
manière différente des situations différentes, et ces différences entre les
jeunes atteignant dix-huit ans et les autres adultes sont bien évidemment
appelées à s'harmoniser au fil des années.
Venons-en maintenant aux modalités de l'inscription d'office telles que les
prévoit le projet de loi.
J'aborderai d'abord l'identification. Elle devrait s'opérer à travers les deux
fichiers tenus pour les plus fiables et dont la couverture est la plus
large.
Le premier est celui de recensement, établi en application du code du service
national. Ce fichier a l'inconvénient de ne pas intégrer les jeunes filles. Cet
inconvénient sera bientôt gommé. En revanche, ce fichier présente un avantage
majeur : il ne recèle aucune ambiguïté sur la nationalité. Ce fichier, vous
l'avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre, emporte preuve de la
nationalité française.
Le second fichier est celui des organismes qui servent les prestations de base
des régimes obligatoires de l'assurance maladie.
Le projet de loi prévoit que l'INSEE collecte, corrige en tant que de besoin
et transmet aux commissions administratives ces renseignements, lesquelles
doivent les détruire soit à l'expiration des délais de recours, soit, en cas de
recours, lorsque la décision de justice est devenue définitive, toutes ces
opérations s'effectuant bien évidemment dans le respect des règles relatives au
traitement des informations telles qu'elles sont prévues par la loi de 1978.
Ceux qui s'apercevraient qu'ils n'auraient pas été inscrits, pour une raison
indépendante de leur volonté, auront la possibilité d'invoquer l'article L. 34,
auquel vous avez fait allusion, en mobilisant le juge d'instance, jusqu'au jour
du scrutin.
J'en viens au lieu d'inscription. Vous en avez parlé vous-même en évoquant la
notion de « domicile réel », étant observé que le domicile « sécurité sociale »
ou « INSEE » peut être différent du domicile réel, lieu du principal
établissement, avez-vous rappelé.
Après le temps de l'exposé vient celui du commentaire. Le projet de loi en son
état actuel engendrerait deux types de conséquences qu'il convient de
distinguer.
En premier lieu, il entraîne des effets ressortissant à la sociologie
électorale. La commission des lois estime qu'il aboutira en effet à un
gonflement arithmétique du taux des abstentions. Le désintérêt pour la chose
publique étant souvent, hélas ! je le déplore avec vous, l'apanage de la
jeunesse, tout laisse à penser que bien des non-inscrits d'aujourd'hui seront
des abstentionnistes de demain.
Cet accroissement sera lui-même générateur de deux phénomènes : un nombre plus
élevé de seconds tours du fait de l'exigence d'un seuil de 25 % des électeurs
inscrits pour ceux-là mêmes qui auraient obtenu la majorité dès le premier tour
et un relèvement en quelque sorte mécanique du nombre des voix requises pour
pouvoir se maintenir au second tour. Vous connaissez comme moi le taux de 12,5
% des inscrits pour les élections législatives, et celui de 10 % des inscrits
pour les élections cantonales.
Mais tout cela découle du principe même de l'inscription d'office que la
commission n'entend pas remettre en cause. Aussi bien aucun amendement à
l'article 1er n'est-il, en son sein ou hors son sein, proposé au suffrage de la
Haute Assemblée.
Il en va tout différemment des dispositions prévues à l'article 2 pour
l'application de ce principe. Satisfaisantes peut-être du point de vue de
Sirius, elles ne le sont pas - mais alors, pas du tout ! - au regard des
praticiens, qui les estiment inutilement complexes et dispendieuses, alors que
vous les voulez - je reprends les termes mêmes dont vous vous êtes servi à
l'instant, monsieur le ministre - « simples et transparentes ».
L'un des commissaires a d'ailleurs souligné qu'aucune étude comparative,
aucune estimation financière n'avait été diligentée. L'étude d'impact ne peut
faire autrement que de signaler l'augmentation des charges supportées par les
mairies et les administrations publiques, augmentation des charges que vous
m'avez paru, dans votre propos, minimiser quelque peu, monsieur le ministre.
En un temps où les maires, unanimes par-delà leurs légitimes convictions, se
disent comme emportés par l'avalanche de textes législatifs et réglementaires
dont la maîtrise est impossible et l'application tout autant, l'article 2
aboutirait à coup sûr à alourdir les tâches des commissions administratives et
des services dans les agglomérations de quelque importance.
« Pitié pour les maires ! », s'écriait récemment M. Jean-Louis Bianco,
stigmatisant dans un article vengeur cette déferlante de textes à la rédaction
desquels il a sans doute participé au sein d'un cabinet ou comme ministre de
l'équipement avant d'en découvrir, une fois élu, toute la perversité.
Dans le cas présent, la commission s'est émue des difficultés auxquelles
allaient devoir faire face, outre certaines administrations publiques, les élus
et les fonctionnaires territoriaux, les membres des commissions administratives
des villes n'ayant pas une connaissance des habitants telle que celle que
peuvent avoir une bonne trentaine de milliers de communes, celles sans doute
que vous avez qualifiées de villages à l'instant : Bobigny n'est pas Etriché,
ni Chanteloup-les-Vignes, Cuxac-Cabardès.
Considérant que les fichiers de sécurité sociale sont à la fois lacunaires -
les ayants droit n'y figurent pas toujours, comme vous l'avez noté, monsieur le
ministre - et redondants - l'INSEE n'estime-t-il pas à quelque 20 % les
doublons qu'il conviendrait dès lors de supprimer ? - considérant qu'ils ne
portent pas de mention de nationalité, considérant dès lors que les
vérifications entraîneraient en aval les démarches et les contrôles que l'on a
précisément voulu écarter en amont, la commission vous proposera, mes chers
collègues, de supprimer à l'article 2 toute référence aux fichiers des
organismes servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance
maladie et de se fonder, pour la mise en oeuvre de l'inscription d'office, sur
le seul fichier de recensement établi en application du code du service
national, fichier qui ne peut couvrir, comme je l'ai déjà mentionné après vous,
monsieur le ministre, que les seuls nationaux.
Un second amendement vous sera proposé aux termes duquel les dispositions
emportant inscription d'office sur les listes électorales n'entreront en
vigueur « qu'à compter du jour où les nationaux des deux sexes seront soumis à
l'obligation de recensement en application du code du service national ».
L'Assemblée nationale ayant hier soir, par un heureux concours de
circonstances, retenu la date toute proche du 1er janvier 1999 pour l'entrée en
vigueur de cette disposition, la commission s'en est trouvée confortée ce matin
dans sa résolution.
Approuvant le geste en direction des jeunes initié en mars dernier par M. le
Président de la République et aujourd'hui accompli par le Gouvernement, la
commission vous proposera donc, mes chers collègues, d'alléger sa mise en
oeuvre pour ne pas risquer d'en gommer, par des difficultés d'application, les
effets positifs recherchés par ses auteurs.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le
principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul
corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément
».
« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit
de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
Consacrée par les articles III et VI de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789, la notion de citoyenneté s'est affirmée dès le début de
la Révolution française, en même temps que le principe de l'Etat-nation.
La nation est constituée à partir de la volonté populaire d'appartenir à la
même communauté politique. C'est en elle que réside le principe de toute
souveraineté, et c'est d'elle qu'émane toute autorité politique légitime.
Mettant un terme aux longs débats qui agitèrent le XIXe siècle et une partie
du XXe siècle entre souveraineté nationale et souveraineté populaire, les
constituants de 1946 ont consacré le principe selon lequel « la souveraineté
nationale appartient au peuple français ». Et l'article 3 de la Constitution de
1958 ajoute que celui-ci « l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum ».
Dès lors, le corps électoral occupe une place essentielle dans le
fonctionnement des institutions politiques.
Il constitue le premier des organes de l'Etat, puisque sa volonté est décisive
et que, par l'élection, tous les autres organes émanent de lui directement ou
indirectement.
En outre, il dispose du pouvoir de les contrôler par ses représentants et de
celui de trancher les conflits qui peuvent s'élever entre les pouvoirs
constitués. Il est, selon l'expression du professeur Burdeau, « l'agent
d'exercice par excellence de la souveraineté nationale ».
Cependant, l'assimilation du corps électoral à la nation n'est jamais
complète. Elle comporte des restrictions de droit et de fait.
Les restrictions de droit résultent des conditions mises à l'attribution de la
qualité d'électeur, conditions qui doivent être posées par la loi.
Le droit de vote figurant au premier rang des libertés publiques, la
compétence législative pour en régler l'exercice s'impose.
D'ailleurs, dans sa décision du 18 novembre 1982 relative à la loi modifiant
le régime électoral des conseils municipaux, le Conseil constitutionnel a posé
comme règle que les conditions et restrictions imposées au droit de vote dans
tout suffrage de caractère politique ne peuvent se fonder que sur des critères
objectifs : « La qualité de citoyen assure le droit de vote et l'éligibilité
dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une
raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à
préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu. »
Par conséquent, en l'état actuel de la législation, les conditions mises à la
jouissance du droit de vote sont de deux types : les conditions liées à la
personne et une condition de forme, à savoir l'inscription sur les listes
électorales.
Les conditions liées à la personne sont des conditions d'âge, de capacité et
de nationalité, traditionnelles en droit français. Il n'y a donc pas lieu de
s'y appesantir, sauf à faire deux observations qui me paraissent importantes
pour la suite de notre débat.
Tout d'abord si le droit de vote ne peut être attribué qu'à ceux qui ont le
discernement nécessaire pour l'exercer - c'est la capacité - il s'agit aussi
d'un honneur qui se mérite, de sorte que les personnes ayant subi certaines
condamnations doivent en être privées.
Par ailleurs, la condition de nationalité matérialise le lien qui existe entre
le vote et la citoyenneté, considération à ne pas négliger pour le contrôle du
dispositif qui nous est proposé.
Quant à la condition de forme requise pour jouir du droit de vote, il s'agit
de l'inscription sur les listes électorales. Il n'est en effet possible
d'exercer le droit de vote que si l'on est inscrit sur la liste électorale
tenue dans une commune.
La question qui nous occupe aujourd'hui est celle du mécanisme d'inscription
sur les listes électorales que vous entendez modifier par ce projet de loi,
monsieur le ministre.
Encore faut-il rappeler qu'en vertu de l'article L. 9, alinéa 1er, du code
électoral l'inscription sur les listes électorales est obligatoire. Certes,
cette formule est une fausse précision. Il va de soi que la commission est
tenue d'inscrire sur la liste électorale les personnes qui en ont formulé la
demande et en remplissent les conditions, et qu'elle commettrait une illégalité
en ne le faisant pas.
Mais, jusqu'à présent, cette inscription demeure subordonnée à la demande de
l'électeur et ne saurait avoir lieu d'office, comme l'ont affirmé tant le
Conseil d'Etat que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Dans ces conditions, autant dire que l'inscription ne constitue nullement une
obligation pour l'électeur et que la formule de l'article L. 9 du code
électoral revêt à son égard un caractère purement moral.
C'est pourquoi, partageant le souhait exprimé le 10 mars dernier par le
Président de la République de trouver les moyens permettant que les jeunes « se
sentent un peu plus concernés par la vie de la cité », le Gouvernement a déposé
ce projet de loi. Celui-ci tend à permettre l'inscription d'office des
personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales, en vue - ai-je pu
lire - de « faire participer les jeunes, en particulier les jeunes des
quartiers, à la vie démocratique ».
Cet objectif me conduit à formuler trois remarques.
Tout d'abord, il s'agit de substituer une logique administrative, que recouvre
l'inscription automatique, à un acte de volonté.
Comment ne pas y voir une sorte d'inversion des responsabilités, la
responsabilité collective prenant le pas sur l'initiative individuelle ?
A cet égard, je partage pleinement les observations que M. le rapporteur,
notre excellent collègue Christian Bonnet, a formulées.
M. Emmanuel Hamel.
Plus qu'excellent... Exceptionnel !
(Sourires.)
M. Bernard Plasait.
J'en conviens !
Puisse cela ne pas présager d'éventuelles modifications dans le domaine de
l'acquisition de la nationalité, comme on a pu l'entendre ici ou là !
Certes, on estime le phénomène de la non-inscription à environ 10 % de
l'ensemble de la population en âge de voter, M. Philippe Ardant citant, dans un
article récent, le taux de 7,3 % du corps électoral potentiel en 1995, soit,
tout de même, près de trois millions de citoyens !
Sans entrer dans une querelle de chiffres, je reconnais qu'un tel comportement
est la manifestation du peu d'intérêt que portent un certain nombre de membres
de la communauté nationale à cette forme de participation, pourtant
essentielle, à la vie politique.
Et, s'il s'agit bien souvent d'une négligence ou d'une mauvaise information
sur les démarches à effectuer, cela peut aussi relever d'un choix délibéré,
celui de ne pas participer à la vie démocratique. Ce choix, il ne faut certes
pas l'encourager, mais il existe : c'est une faculté de refus, un espace de
liberté, qui est à la fois une conséquence mais aussi une condition de cette
liberté.
Ensuite, comment ne pas s'interroger sur les inéluctables incidences d'une
telle automaticité ? En effet, l'inscription d'office sur les listes
électorales comporte deux conséquences logiques. D'une part, comme l'a très
justement relevé le président de la commission des lois, M. Jacques Larché,
elle ne manquera pas de relancer le débat sur la reconnaissance du vote blanc.
D'autre part, elle conduira à poser, à plus ou moins brève échéance, la
question du vote obligatoire.
Ces deux points me paraissent d'une grande importance car, par ce texte,
monsieur le ministre, vous ouvrez une boîte de Pandore : au sein de l'Union
européenne, notre pays ne pourra rester longtemps insensible à l'exemple de ses
partenaires qui, tels l'Espagne, le Luxembourg ou la Belgique, ont rendu le
vote obligatoire ; sans parler de l'Italie, où le vote n'est pas obligatoire
mais où l'abstention est inscrite en mairie, ce qui expose l'électeur qui n'a
pas voté un certain nombre de fois à la déchéance de son droit de vote.
La Grèce a, quant à elle, opté pour des représailles « administratives », la
délivrance d'un passeport étant, par exemple, subordonnée à la présentation de
la carte d'électeur, sur laquelle est mentionnée la date du dernier vote.
L'abstentionniste risque d'essuyer un refus s'il ne peut se justifier, ce qui
rend évidemment le système très dissuasif.
Cette idée de rendre le vote obligatoire en France fait aujourd'hui son
chemin, puisque chacun d'entre nous, mes chers collègues, a été récemment
destinataire d'un document émanant d'un comité national qui en fait une ardente
promotion.
Partant du constat, au demeurant facile à établir, que le premier parti de
France est devenu celui des abstentionnistes, ce comité voit, entre autres
avantages, au vote obligatoire celui « que l'on puisse voter "blanc"
si l'on ne peut vraiment pas choisir, mais que ces "blancs" seront,
au besoin, inclus dans le décompte des bulletins ».
Il n'est, dès lors, plus possible d'en douter, reconnaissance du vote blanc et
vote obligatoire sont intimement liés.
Enfin, troisième observation, inscrire d'office de nouveaux électeurs ne
garantit pas une participation électorale sensiblement plus élevée. Bien au
contraire, on peut craindre qu'en la matière le remède ne soit pire que le
mal.
Vous ne nous avez pas démontré, monsieur le ministre, comment et pourquoi les
« électeurs non inscrits » d'aujourd'hui ne viendront pas grossir les
bataillons des « abstentionnistes » de demain.
Nous savons bien que, lorsque des candidats sont élus avec un fort taux
d'abstention, d'autres affectent rapidement de mettre en doute leur légitimité.
Il y a là un danger.
Pis, on ne peut que prévoir un accroissement mécanique du nombre de seconds
tours dans des circonscriptions où un candidat aurait pourtant obtenu, dès le
premier tour, la majorité des suffrages exprimés.
Outre ces appréciations sur les objectifs mêmes du texte, il importe de bien
mesurer les difficultés juridiques et pratiques que celui-ci ne manquera pas de
poser.
En premier lieu, apparaît de toute évidence la question des sources
d'information permettant l'identification des jeunes gens sur le point
d'atteindre leur majorité. Mais je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tout
à l'heure à ce sujet par M. le rapporteur.
En second lieu, il me paraît tout aussi nécessaire de porter une particulière
attention aux indispensables vérifications, tant en ce qui concerne le lieu de
l'inscription d'office que les conditions requises pour être électeur.
Enfin, je ne peux que partager les craintes qui ont déjà été exprimées par les
précédents orateurs quant aux risques de voir la responsabilité des maires
encore engagée, alors qu'ils agissent en qualité de représentants de l'Etat.
Aussi, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous pouvez, étant
donné que l'étude d'impact est fort discrète sur ce point, nous apporter
quelques précisions sur le coût financier de ce dispositif, sauf à envisager un
nouvel accroissement des charges des services municipaux.
Pour ma part, je suivrai les avis éclairés - car nourris par l'expérience - de
notre éminent collègue M. Christian Bonnet.
Mais ce ne sera pas sans avoir répété ma très profonde conviction. Oui, il
faut s'attacher à ce que les jeunes gens se sentent plus concernés par la vie
de la cité, mais il est tout aussi nécessaire de prendre garde à ce qu'un jeune
Français ne devienne pas citoyen sans le savoir : ce serait un péché grave
contre l'idée que nous avons de la nation, du rôle du citoyen et de la
démocratie.
Dans
Notre Jeunesse
, Charles Péguy écrivait : « Des hommes ont vécu
sans nombre, héroïquement, saintement, des hommes ont souffert, des hommes sont
morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles ait le droit
d'accomplir cette formalité truquée. Ce fut un terrible, un laborieux, un
redoutable enfantement. Ce ne fut pas toujours du dernier grotesque... Les
élections sont dérisoires. Mais il y a élection. » Et c'est parce que
l'élection est la clé de la démocratie que devenir citoyen électeur ne peut
être une formalité banale et purement administrative.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis
interrogé sur la justification du dépôt d'un tel projet de loi. Certes, une
promesse en ce sens figurait effectivement dans la déclaration de politique
générale présentée le 19 juin dernier par M. le Premier ministre, et M. le
Président de la République avait lui aussi évoqué cette éventualité
précédemment.
En guise d'explication, il nous a été indiqué que de nombreux jeunes n'avaient
pu participer aux élections législatives consécutives à la dissolution. Force
m'est cependant de vous faire observer que ce texte ne résoudra rien du tout
puisqu'en tout état de cause la clôture des listes électorales interviendra le
31 décembre et que, quelle que soit l'organisation choisie, ceux qui auront
atteint l'âge de dix-huit ans et qui voudront voter entre la clôture des listes
électorales et la date de l'élection devront utiliser la procédure habituelle,
en faisant intervenir le juge d'instance. Comme vous l'avez dit vous-même,
monsieur le ministre, cette procédure a en effet toujours existé : les jeunes
qui ont atteint l'âge de dix-huit ans depuis le 31 décembre et qui veulent
participer aux élections, que celles-ci soient prévues à l'avance ou qu'elles
soient consécutives à une dissolution, doivent saisir le juge pour être
inscrits sur les listes électorales.
Faut-il alors déduire du dépôt de ce texte - mais cela deviendrait, dans ce
cas, extrêmement compliqué ! - que les commissions administratives devraient
siéger en permanence et inscrire les jeunes au fur et à mesure qu'ils
atteignent l'âge de dix-huit ans ? Ce serait tout à fait impossible et
parfaitement contraire à nos habitudes et au droit actuel !
Ce n'est donc pas pour cette raison que l'on prévoit l'inscription d'office
des jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales, mais parce qu'on estime
que, dans la mesure où ils ne le font pas spontanément, il faut leur faciliter
l'exercice de leur vie de citoyen. Permettez-moi cependant de vous dire que, à
force de faciliter la vie des citoyens, je crois que l'on responsabilise de
moins en moins les uns et les autres !
Quoi qu'il en soit, puisque la promesse avait été faite, il faut l'honorer. Je
n'y suis d'ailleurs pas hostile en théorie, dans la mesure où, si le vote est
un droit, c'est aussi un devoir. Pourquoi donc ne pas inscrire tout le monde
d'office ?
La difficulté, cependant, c'est que l'on ne peut pas le faire aisément
puisqu'on ne connaît pas le domicile de la plupart des intéressés. De plus -
permettez-moi de faire référence à quelques notions de droit - vous parlez de
domicile réel. Or, juridiquement, le domicile est le lieu du principal
établissement. Il peut y avoir un domicile fiscal, un domicile de secours,
voire beaucoup d'autres domiciles, mais, en droit, le domicile, c'est le lieu
du principal établissement. Et l'on oublie aussi de dire que le code civil
prévoit déjà que les citoyens, pour indiquer leur domicile, doivent à la fois
signaler leur départ à la municipalité et faire connaître la commune dans
laquelle ils élisent domicile. Si le domicile n'a pas été déclaré, c'est donc
l'intention qui permet au juge de déterminer le domicile. Pour ces différentes
raisons, j'aurais préféré que le texte vise le domicile tout court, et non le
domicile « réel ». Cela aurait été beaucoup plus clair pour tout le monde.
Quoi qu'il en soit, même si l'on admet l'inscription automatique des jeunes de
dix-huit ans, il faut savoir que leur recensement pose déjà des difficultés
réelles : les garçons doivent se rendre à la mairie à l'âge de dix-sept ans
pour être recensés, mais, la plupart du temps, ils ne savent pas qu'ils doivent
remplir cette obligation. Les services de recrutement doivent donc retrouver
les intéressés à partir du fichier de l'INSEE, où ne figure que le lieu de
naissance. Et je ne parle ici que des jeunes garçons, qui ont des obligations
en matière de service national ! Quant aux jeunes filles, à partir de 1999, si
j'ai bien compris les travaux qu'a menés hier soir l'Assemblée nationale, elles
seront elles aussi conduites à se faire recenser, mais on aura les mêmes
difficultés pour les joindre !
Par conséquent, la proposition de M. le rapporteur me paraît faciliter le
processus : tout le monde devant se faire recenser à dix-sept ans, l'année
suivante, les jeunes seront inscrits automatiquement sur les listes
électorales. La boucle est bouclée : on fait recenser les jeunes filles, ce qui
n'était pas une obligation pour elles, et les garçons continuent à se faire
recenser. On sait alors qu'ils sont français et, une année après, ils sont
inscrits sur les listes électorales. Voilà un projet tout simple, j'en suis
d'accord.
Cela étant, monsieur le ministre, vous ne nous avez pas proposé ce système et
vous avez prôné, pour mettre en oeuvre le plus rapidement possible cette
réforme, l'utilisation des fichiers de la sécurité sociale, fichiers qui, vous
l'avez vous-même reconnu, ne sont pas parfaits.
Au demeurant, ces fichiers ne comportent pas d'indication sur la nationalité.
Heureusement, d'ailleurs, car, s'agissant de sécurité sociale, il convient de
ne pas se fonder sur ce critère, mais sur la seule qualité de cotisant. Ne
donnons pas des idées à certains !
En outre, ces fichiers sont extrêmement divers : qu'en est-il, par exemple, du
fichier de la mutualité sociale agricole, ou du fichier de la caisse autonome
du Sénat ? Suffit-il de se référer aux ayants droit des sénateurs en matière de
sécurité sociale pour recenser l'ensemble de leurs enfants dès lors qu'ils
atteignent l'âge de dix-huit ans ? Et, comme il existe de nombreuses caisses
autonomes, cela rend la tâche d'autant plus difficile.
Quoi qu'il en soit, je crois en conclusion que, si l'on veut rendre cette
réforme pertinente et éviter quelle ne complique la tâche de l'administration,
de l'INSEE ou des mairies, mieux vaut attendre le recensement. C'est ce que
nous propose M. le rapporteur, et c'est le dispositif que mon groupe votera.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec
timidité que j'aborde ce débat : mon propos se limitera à un point qui, en
termes arithmétiques, n'est pas le plus important, à savoir l'inscription sur
les listes électorales des jeunes Français établis hors de France.
Ce point, qui a été évoqué par M. le rapporteur, figure non dans le projet de
loi lui-même, mais dans son exposé des motifs. Je tiens toutefois à souligner
devant le Sénat que c'est probablement la première fois - ou l'une des
premières fois - qu'un projet de loi vise spécifiquement les Français de
l'étranger. Il est vrai que, ne siégeant au Sénat que depuis vingt-quatre ans,
je peux avoir des lacunes en la matière.
M. Emmanuel Hamel.
Un quart de siècle !
M. Charles de Cuttoli.
Je vous remercie donc de votre intention, monsieur le ministre, et je vous en
félicite au nom des compatriotes que je représente.
L'exposé des motifs de ce projet de loi précise qu'il est impossible, dans
l'immédiat, de prévoir l'inscription d'office des Français de l'étranger sur
les listes électorales, en raison des particularités liées à cette
inscription.
Tout d'abord, et c'est le premier point qui vient à l'esprit, parce qu'ils
n'ont pas de domicile réel en France.
Ensuite, parce que plusieurs options leur sont offertes. Ils sont, certes,
soumis aux dispositions de l'article 11 du code électoral, mais l'article 12 du
même code leur permet de s'inscrire sur les listes électorales d'autres
communes que celle de leur lieu de résidence, telles que la commune de leur
lieu de naissance ou celle de leur dernier domicile.
Enfin, parce que à l'étranger, ils votent surtout par procuration dans les
consulats.
Je tiens cependant à donner une précision. Il n'y a que deux occasions pour
lesquelles on peut effectivement voter à l'étranger, où l'on peut avoir des
listes électorales distinctes de celles des communes françaises. La première
c'est l'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; mais cela
n'entre pas tout à fait dans le cadre de ce projet pour l'excellente raison
qu'en l'espèce la liste électorale pour les bureaux de vote n'est autre que la
liste d'immatriculation établie - je l'ai rappelé - dans les ambassades et les
consulats. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'inscrire obligatoirement
puisque tel est le cas pour tout le monde, sauf refus d'inscription.
L'autre liste électorale, c'est la liste des centres de vote. Que sont les
centres de vote ? Créés par une loi du 31 janvier 1976, dont j'avais l'honneur
d'être le rapporteur à cette même tribune, ils ne fonctionnent, pour des
raisons pratiques, que pour les grandes élections : celle du Président de la
République, les référendums et les élections au Parlement européen.
L'inscription sur les listes de ces centres de vote est d'ailleurs
facultative.
Dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, s'agissant de
l'inscription des jeunes Français de l'étranger, l'aveu a été fait dans
l'exposé des motifs qu'en raison de ces particularités que j'ai rappelées tout
à l'heure il était impossible de proposer dès maintenant une solution au
Parlement, qu'on allait donc consulter.
Consulter qui ? Bien entendu, l'assemblée qui est toute désignée pour l'être
en raison de son caractère largement représentatif, à savoir le Conseil
supérieur des Français de l'étranger, assemblée importante, extrêmement
sérieuse, travaillant beaucoup, élue au suffrage universel direct dans les
ambassades et dans les consulats, et présidée de droit par le ministre des
affaires étrangères. Elle offre donc toutes les garanties pour donner un avis
pertinent.
Qu'a dit le Conseil supérieur des Français de l'étranger dans cet avis qui lui
a été demandé par le Gouvernement et qu'il a rendu il y a quelques jours ? Si
vous n'en avez pas eu connaissance, monsieur le rapporteur, je le tiens à votre
disposition.
Le Conseil supérieur des Français à l'étranger ne peut évidemment pas demander
l'inscription d'office sur les listes électorales des communes françaises ; il
ne peut demander cette inscription d'office que sur les seules listes qui sont
chez lui, celles qu'il connaît, c'est-à-dire celles des centres de vote à
l'étranger. Mais il assortit cette demande de deux conditions.
Premièrement, ces jeunes Français de l'étranger qui pourraient être inscrits
d'office sur les listes des centres de vote - listes facultatives, ce qui
juridiquement peut encore poser un certain nombre de petits problèmes -
pourraient être inscrits également sur le territoire métropolitain sur d'autres
listes de vote, exactement comme, en France, on peut être inscrit non seulement
sur la liste de la commune du domicile réel mais également sur d'autres listes,
pour une option.
Deuxièmement - c'est un particularisme - le Conseil supérieur des Français de
l'étranger a émis le voeu que le jeune âgé de dix-huit ans puisse refuser son
inscription d'office sur la liste d'un centre de vote.
Pourquoi ce droit de refus ? Cela paraît à première vue peu républicain, peu
démocratique, même si le vote n'est pas obligatoire, comme le souhaitent nombre
de nos collègues.
La raison en est qu'à l'étranger les conditions sont particulières. Un certain
nombre de Français de l'étranger sont des doubles nationaux. Ils ne veulent
pas, pour toutes sortes de raisons, que cette double nationalité soit connue.
Bien entendu, dans les pays européens, tout au moins ceux qui ne sont pas
signataires de la convention du Conseil de l'Europe de Strasbourg de 1963 ou de
la future convention sur la nationalité qui va être ratifiée le 7 novembre
prochain, il n'y a guère de problèmes. En revanche, dans certains pays
d'Amérique du Sud, d'Asie ou d'Afrique, on peut à l'évidence, vouloir éviter de
faire connaître cette double nationalité, car il pourrait en résulter un
certain nombre de désagréments, voire, dans certains cas, des risques
extrêmement sérieux.
Or, ces listes électorales, contrairement à celles des fichiers
d'immatriculation, sont publiques : elles sont affichées par les consulats ;
les représentants des candidats ont le droit de s'en faire délivrer une
photocopie. Voilà pourquoi il serait bon qu'il y ait cette possibilité de
refus.
Alors, si le Gouvernement - je me permets d'attirer votre attention sur ce
point, monsieur le ministre - décide de poursuivre son action en faveur des
Français de l'étranger s'agissant de la garantie de leurs droits, conformément
au souhait du Conseil supérieur des Français de l'étranger, c'est-à-dire de les
inscrire d'office sur les listes des centres de vote, deux possibilités
s'offrent à vous.
Premièrement, vous pouvez, bien entendu, déposer un projet de loi organique,
car on ne peut, par un simple amendement, dans ce débat, amender un texte qui
concerne des centres de vote liés à l'élection du Président de la République,
elle-même régie par une loi organique.
Deuxièmement - je le dis un peu en souriant - vous pourriez peut-être plus
simplement obtenir de l'Assemblée nationale l'examen - je suis persuadé que si
cela lui était demandé M. le ministre des relations avec le Parlement se ferait
un plaisir d'inscrire le texte à l'ordre du jour prioritaire - d'une
proposition de loi présentée par l'ensemble des sénateurs des Français de
l'étranger, dont j'ai été le rédacteur et le rapporteur, et qui a été votée par
le Sénat le 13 juin 1996. Entre autres dispositions, cette proposition de loi
prévoit non pas l'inscription d'office des jeunes Français à l'étranger, mais
des facilités. En effet, pour un jeune Français de l'étranger perdu dans la
brousse nigérienne, aller saisir le juge d'instance du premier arrondissement
de Paris sans passer par le consulat pose évidemment un certain nombre de
problèmes ! Je me permets donc de suggérer que l'Assemblée nationale amende ce
texte, monsieur le ministre.
Je souhaite ne pas avoir abusé trop longtemps des instants du Sénat, que je
remercie de son attention.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'idée est
généreuse, l'intention est louable : tout ce qui peut favoriser l'éveil à la
citoyenneté et son plein exercice doit être entrepris.
Mais ne nous voilons pas la face ! La faisabilité immédiate de cette intention
est complexe sur les plans technique et administratif. Elle soulève, au-delà
même du principe, bien d'autres questions que nous ne pouvons passer sous
silence.
Le 10 mars dernier, lors d'un entretien télévisé, le Président de la
République s'est ému de la faible participation des jeunes à la vie de la cité.
Afin d'y remédier, il avait demandé au ministre de l'intérieur la mise à
l'étude de la possibilité d'inscrire automatiquement sur les listes électorales
les jeunes majeurs de dix-huit ans, qui auraient donc dû recevoir
automatiquement leur carte électorale.
C'est le Président de la République, M. Jacques Chirac, qui a remis la
participation des jeunes aux élections au devant de l'actualité en dissolvant,
de manière impromptue, l'Assemblée nationale, privant de nombreux jeunes «
oublieux » de l'exercice de leur droit de vote. Ces derniers ont été pris de
vitesse : ils n'avaient pas l'âge de voter en 1995 et 1996, et ils ne pensaient
pas voter, selon le calendrier électoral, avant 1998.
La loi, quant à elle, leur interdisait la participation aux dernières
élections législatives, faute de ne pouvoir rouvrir à cette période
l'inscription sur les listes électorales. Ces jeunes se sont sentis
frustrés.
Dans sa déclaration de politique générale, soulignant la portée que représente
la participation des jeunes à la vie démocratique, le Premier ministre, M.
Lionel Jospin, a annoncé le dépôt d'un projet de loi relatif à l'inscription
automatique de chaque citoyen sur les listes électorales l'année de sa
majorité. C'est le respect d'un engagement pris devant la jeunesse de notre
pays et la manifestation de l'intérêt que le Gouvernement lui accorde.
Sans engager une querelle d'antériorité, je me dois de rappeler qu'en 1995,
pendant la campagne des élections présidentielles, le candidat Lionel Jospin
avait pris l'engagement de cette inscription d'office des jeunes sur les listes
électorales. Il l'a repris dans sa déclaration de politique générale, et je
crois que, faisant écho à la demande de M. Président de la République, nous ne
pouvons qu'être satisfaits de la prise en compte de ces engagements.
Il est notoire - nous le savons tous - que les jeunes n'apprécient guère
l'accomplissement des tâches administratives dont l'aboutissement n'est jamais
sûr. Si l'inscription à l'université ou la recherche d'un emploi leur
paraissent indispensables, vitales, en est-il de même pour l'inscription sur
les listes électorales, pourtant obligatoire ? La possession d'une carte
d'électeur - c'est un fait ! - leur apparaît parfois accessoire au regard des
difficultés quotidiennes qu'ils vivent. La confiance de certains jeunes dans
les institutions s'est, hélas ! atténuée ; leur scepticisme grandit face à la
difficulté, pour les pouvoirs publics, de résoudre leurs problèmes.
Les récentes études consacrées à cette catégorie de la population révèlent une
réelle dégradation de la situation des jeunes, dont la précarité a
nécessairement des conséquences sur les autres aspects de leur vie personnelle
et sociale.
Il est essentiel de conforter le pacte républicain qu'évoquait le Premier
ministre dans sa déclaration du 19 juin 1997. Toute mesure de nature à
favoriser le renforcement du tissu social et la participation électorale ne
peut être considérée qu'avec intérêt.
Louable dans son objectif, simple dans son principe, l'inscription d'office
des jeunes majeurs n'est pas sans soulever un certain nombre de difficultés
pratiques. Dans son excellent rapport, M. Bonnet a dressé une liste non
exhaustive des problèmes que son application soulève. Je n'ai donc pas à les
rappeler.
Cependant, je veux mettre l'accent sur le point suivant : la procédure
d'inscription d'office ne garantit nullement une participation électorale plus
élevée et risque même d'entraîner des effets pervers. Je fais miennes, par
ailleurs, les remarques de notre rapporteur sur l'accroissement du nombre de
seconds tours et sur les difficultés qu'auront bien des candidats pour se
maintenir à ce second tour.
C'est pourquoi j'attire tout particulièrement votre attention, monsieur le
ministre, sur la nécessité d'accompagner le nouveau dispositif de campagnes
d'information civique, afin de rappeler à chacun l'accomplissement de son
devoir électoral. Connaissant votre conception de la République et de la
citoyenneté, j'imagine que cette question vous « interpelle », comme l'on dit
aujourd'hui. C'est peut-être aussi une chance, car vous êtes l'un des plus
avertis pour veiller à ce que rien ne vienne dénaturer ces valeurs citoyenne et
républicaine.
La nécessité de délivrer une pédagogie permanente pour une citoyenneté moderne
et active est traitée fort justement dans l'excellent rapport sur
Les
nouvelles techniques d'information et de communication : de l'élève au
citoyen
de mon ami et de notre collègue Franck Sérusclat : «
L'apprentissage de la citoyenneté nécessite un long parcours : il prend le
départ dès les premières années de la scolarité. Il est d'une lente
progressivité, les rôles des enseignants et des parents y sont souvent mêlés,
au risque parfois de se contredire. Etre un citoyen est d'autant plus difficile
que les capacités à acquérir sont diverses. Il ne suffit pas d'être inscrit le
moment venu sur une liste électorale et de déposer un bulletin de vote dans
l'urne, même si cet objectif est essentiel : le droit majeur de tout citoyen
est le droit de vote. »
C'est la raison pour laquelle je vous demande instamment, monsieur le
ministre, quels moyens le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour accompagner
ce nouveau dispositif, faute de quoi ce projet de loi manquerait son objectif,
à savoir faire des jeunes gens et des jeunes filles des citoyens actifs -
j'insiste sur ce terme - prenant leur destin en mains.
Je rappelle que M. le Premier ministre indiquait dans sa déclaration de
politique générale que « la mission d'instruction dévolue à l'école devait
également comprendre l'apprentissage du civisme pour faire naître et vivre
durablement un profond sentiment d'attachement aux valeurs républicaines au
premier rang desquelles... l'adhésion à une citoyenneté active et
responsable... ». A cet effet, il a demandé au ministre de l'éducation
nationale de prendre des mesures pour que soient enseignées et pratiquées non
seulement l'instruction civique, mais aussi la morale civique.
Une telle démarche est parfaitement cohérente avec celle qui est contenue dans
le projet de loi portant la réforme du service national, en cours d'adoption,
en ce qui concerne le rôle dévolu à l'éducation nationale. L'inscription
d'office et l'objectif qui est fixé n'ont de sens que si les conditions
d'éducation civique sont remplies.
Certes, des contradictions peuvent apparaître. M. Bonnet ne souligne-t-il pas
dans son rapport écrit : « On pourrait trouver singulier de dispenser les
jeunes majeurs d'une formalité "en amont" - la demande d'inscription
- tout en les invitant "en aval", à déférer à de nouvelles procédures
de contrôle. Le principe d'automaticité ayant guidé l'élaboration du projet de
loi pourrait en paraître quelque peu contredit. »
La mise en place d'un nouveau fichier est toujours délicate, surtout lorsque
les données sont extraites de fichiers établis à d'autres fins. L'informatique
n'est pas infaillible, nous le savons, et c'est parce que nous sommes
conscients des difficultés soulevées par ce texte que nous espérons qu'elles
s'atténueront dans les meilleurs délais.
Dans l'immédiat, il serait utile que le Gouvernement lance une vaste campagne
d'information et de sensibilisation, par tous moyens appropriés - et ils sont
nombreux - en direction des jeunes et, plus largement, en direction de tous
ceux qui n'ont pas encore rempli cette obligation. Pour que la conscience
citoyenne soit toujours en éveil, l'inscription automatique doit être un
complément de l'acte civique volontaire et non son substitut.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste approuve la
démarche, l'intention affichée et la finalité de ce projet de loi. Derrière son
apparente simplicité se cache en fait une multitude d'observations et de
questions. Nous nous devions de les formuler.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que toutes dispositions ont été ou
seront prises pour que ce projet de loi entre en vigueur dès l'année 1998.
Acceptons-en l'augure !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en rendant
automatique l'inscription des jeunes gens atteignant leur majorité sur les
listes électorales, ce texte vise à inciter les jeunes à exercer leur droit de
vote et, par là même, à les impliquer davantage dans la vie politique. Nous
n'avons pas la naïveté de penser que cette simple mesure suffira à atteindre
cet objectif, mais cette décision est très positive et propre à lever certains
obstacles.
La faible participation des jeunes aux récents scrutins est un sérieux
problème pour le fonctionnement de nos institutions. L'édifice républicain en
est affaibli et c'est un défi à relever pour les responsables politiques de
tous bords.
Si, au fil des ans, 8 % à 10 % des électeurs français potentiels ne sont pas
inscrits sur les listes électorales, ce taux est de 15 % à 20 % chez les
dix-huit - vingt-cinq ans et de 25 % chez les seuls dix-huit ans.
Si la situation des jeunes est évidemment diverse, il y a quelques grands
points communs. Les frustrations et les angoisses face à une hypothétique
insertion dans la société, la précarité qui est devenue une norme, l'éreintant
parcours pour arracher des diplômes qui ne sont plus les passeports de naguère
nourrissent l'incertitude du lendemain et se prêtent mal aux projections
citoyennes.
Mais on sait que les jeunes sont plus nombreux à s'inscrire sur les listes
lorsque des échéances électorales fortes suivent.
Lequel d'entre nous n'a pas rencontré des jeunes gens désolés d'être privés de
la possibilité de voter en juin dernier, et se plaignant d'avoir été surpris
par l'anticipation de l'échéance ? Quelque 800 000 jeunes gens nés entre juin
1977 et mars 1979 n'étaient pas inscrits et n'ont pu participer aux scrutins de
mai et juin derniers. Inscrits, auraient-ils pour autant voté ? Le doute est
permis pour un nombre non négligeable d'entre eux, mais la proportion de jeunes
aurait été à coup sûr beaucoup plus importante.
Pour autant, faut-il faire la moue devant l'inscription automatique et
regretter que cette dernière ne résulte pas d'un acte volontaire ?
Ces réactions sont à mes yeux très discutables. Une distinction s'impose entre
le peu d'empressement - c'est un euphémisme - à aller s'inscrire à la mairie de
son domicile et l'intérêt porté par les jeunes aux grands choix de société,
voire à leur traduction électorale. Pour les jeunes, l'acte citoyen se vit dans
la quotidienneté. Tout n'est pas chez eux que légèreté ou imprévoyance. Il faut
prendre garde aux propos trop moralisateurs. Je ne connais pas de grands
rassemblements de jeunes où chacun ait décidé d'y participer longtemps à
l'avance. N'y a-t-il pas des engouements de dernière heure propre à cette
catégorie d'âge ?
N'est-ce pas beaucoup plus qu'hier le lot de nos sociétés et le rôle que les
médias y tiennent ? Les événements exceptionnels, musicaux, religieux ou
sportifs ne se contruisent-ils pas dans un présent et un concret fortement
médiatisés ?
Ne demandons pas plus à l'engagement citoyen et politique que ce que les
jeunes peuvent entendre. Les pratiques citoyennes ont été bousculées et ne se
transmettent plus par tradition. Contribuons à les rebâtir plutôt qu'à les
détruire. Nous sommes donc, comme vous le constatez, de fervents partisans de
la mesure que nous allons très certainement adopter tout à l'heure.
En simplifiant la procédure, ce texte constitue donc une avancée de
citoyenneté. La question du lien entre les jeunes et la politique n'en demeure
pas moins sur le fond.
Au-delà du principe de l'inscription automatique des jeunes sur les listes
électorales, le problème à résoudre n'est pas d'abord chez les jeunes, mais il
est dans le contenu des politiques qu'on leur propose, dans la confiance qu'on
leur porte, dans le respect de leurs aspirations.
En effet, que signifie la citoyenneté pour ceux qui n'ont pas d'horizon, qui
sont sans emploi et sans reconnaissance sociale ?
Les jeunes connaissent les expériences vécues par leurs aînés. Ils ressentent
l'amertume de ces dernières années et déplorent l'impuissance des politiques
antérieures à faire bouger une situation dans le sens de leurs intérêts.
S'il est vrai que, pour la plupart d'entre eux, la politique est synonyme de
discrédit, ils éprouvent néanmoins une réelle attente, une demande de politique
qui se fait autrement.
L'INSEE a publié lundi matin une étude intitulée
Les intermittences du
vote,
qui dresse un bilan de la participation de 1995 à 1997. Elle fait
apparaître que, si la participation des jeunes inscrits atteint d'emblée une
valeur élevée, l'ardeur du néophyte cède vite la place au désenchantement.
La consultation nationale des jeunes en 1994 a montré leur volonté affichée
d'être associés aux décisions.
Comme le notait le sociologue Michel Fize : « Les jeunes de France ... veulent
être écoutés, conseillés, soutenus dans leurs initiatives, aidés dans la
réalisation de leurs projets. Ils défendent plus qu'on ne croit les valeurs
républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. Ils sont sensibles aux
grandes causes humanitaires, s'indignent des préjugés raciaux, de la montée des
intolérances. »
Monsieur le ministre, au-delà du projet de loi d'aujourd'hui, nous entendons
le message du Gouvernement, comme un engagement fort à ne pas décevoir la
jeunesse.
J'ajoute à cette opinion générale sur le projet de loi quelques remarques
complémentaires.
Je tiens à souligner ici les différences supplémentaires qui résulteront de
l'inscription automatique des jeunes de nationalité française, alors que les
jeunes nés de parents étrangers devront, en l'état actuel de la législation sur
la nationalité, manifester leur volonté d'être français à l'âge de dix-huit ans
et se trouveront, une nouvelle fois, en décalage avec leurs camarades d'études
ou de quartier.
C'est un sérieux problème à prendre en considération lors des futurs débats
sur le code de la nationalité.
Nous pensons, par ailleurs, monsieur le ministre - ce n'est certes pas l'objet
du texte, mais quelques engagements forts peuvent être pris à l'occasion de sa
discussion - que ce projet de loi a besoin d'être accompagné de grandes
campagnes d'information en direction des jeunes bien avant qu'ils n'atteignent
leur majorité.
Enfin, ce texte va entraîner indiscutablement des frais supplémentaires pour
les collectivités locales. Cela suscite une certaine inquiétude chez les
maires, qui voient là non seulement un accroissement de leur responsabilité,
mais aussi un surcoût pour les services municipaux et les commissions
administratives chargés d'effectuer les vérifications préalables nécessaires à
toute inscription.
Comme M. le rapporteur de la commission des lois, j'estime que tout allégement
de la mise en oeuvre de cette loi est le bienvenu, mais tout retard dans son
application affaiblirait le signe fort que nous adressons à la jeunesse. Ce
serait à mes yeux une erreur.
Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen, estimant que ces mesures peuvent contribuer
à éveiller l'esprit civique chez les jeunes et à les faire pleinement
participer à la vie de la cité, voteront pour ce projet de loi qui répond à une
réelle attente.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 72 % au
Blanc-Mesnil, 73 % à Châteauroux, 74 % à Mulhouse et 75 % à Epinay-sur-Seine,
tels furent certains des taux d'abstention enregistrés aux élections cantonales
partielles qui se sont tenues en fin de semaine dernière.
S'il était jusqu'alors constant que l'intérêt pour la chose politique accusait
un net recul, c'est sa totale disparition que nous pouvons aujourd'hui
déplorer.
Monsieur le ministre, dans la commune d'Epinay-sur-Seine, ce sont 22 131
personnes qui, un jour, ont fait la démarche de s'inscrire sur les listes
électorales. Pourtant, sur ce nombre, seuls 5 441 électeurs se sont rendus
dimanche aux urnes. Comment attendre de ceux qui, en infraction à l'article L.
9 du code électoral, n'ont pas souhaité s'inscrire sur les listes électorales,
qu'une fois inscrits d'office ils participent aux élections ?
Puisque je viens d'évoquer l'article L. 9, je relève avec étonnement que sa
modification n'est pas envisagée dans le projet de loi. Avouez, mes chers
collègues, que la rédaction du futur code électoral sera pour le moins
paradoxale. Un article L. 11-1 nouveau rendra l'inscription sur les listes
électorales automatique, tandis que l'article L. 9 continuera d'affirmer son
caractère obligatoire. Mon collègue M. Bernard Plasait s'est d'ailleurs exprimé
sur ce sujet.
Mes chers collègues, voter est certes un droit, mais c'est également un
devoir. S'inscrire sur les listes électorales constitue une démarche positive
qui, pour celui qui y procède, exprime l'adhésion à l'engagement démocratique
de notre société.
A contrario
, le fait de ne pas agir de la sorte, s'il ne reflète pas
nécessairement un « antidémocratisme », traduit néanmoins un profond désintérêt
pour la citoyenneté.
Pour ma part, je réfute vivement les arguments tendant à faire reconnaître le
manque d'information comme l'une des causes de non-inscription sur les listes
électorales. Quelles que soient les conditions de vie des jeunes majeurs, leur
niveau d'études ou leur milieu socioculturel, tous connaissent parfaitement les
prérogatives liées à la majorité, à commencer par le permis de conduire.
S'il ne s'agissait que d'un manque d'information, il serait alors simple et
efficace de mener une campagne de publicité qui saurait parer à cette
carence.
La principale cause du phénomène que nous cherchons à combattre est la
négligence. Je crains, à l'instar de notre collègue Jean-Paul Delevoye, que
l'inscription automatique ne soit en fait la marque d'une «
déresponsabilisation collective » des citoyens.
Je ne suis pas opposé à l'inscription automatique sur les listes électorales.
Toutefois, je n'y suis favorable que si elle s'accompagne de l'obligation de
participer au scrutin, sans quoi elle aura seulement pour effet d'accroître
l'abstention.
Par ailleurs, chacun sait que la baisse des taux d'inscription et de
participation est liée à un désintérêt pour la classe politique. Par souci
d'honnêteté, il est indispensable de prendre en compte ce phénomène dans le
résultat des élections et c'est pourquoi je suis convaincu qu'il convient
d'intégrer les votes blancs parmi les suffrages exprimés.
Enfin, si l'on veut redresser le taux de participation électorale, il faut
s'en donner tous les moyens, notamment en facilitant le vote par
procuration.
J'aurai l'occasion d'évoquer plus longuement ces sujets en défendant les
amendements que j'ai déposés et qui tendent à rendre le vote obligatoire, à
valider les bulletins blancs et à faciliter le vote par procuration.
La majorité de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social
européen votera ce texte. J'attendrai pour ma part que mes amendements soient
discutés avant de faire connaître ma position
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le minisre, mes chers collègues, les Français
de l'étranger veulent être des citoyens à part entière. Aussi ont-ils souhaité
de tout temps participer, malgré leur éloignement, aux consultations
électorales en France.
A cet égard, la décision la plus importante a été celle qui leur a permis de
voter dans les consulats et dans les ambassades pour les élections du Président
de la République. C'est la loi organique du 31 janvier 1976. Vous faisiez
d'ailleurs partie, monsieur le rapporteur, du gouvernement qui a permis cette
remarquable avancée.
Voilà donc plus de vingt ans que nos compatriotes de l'extérieur peuvent
exercer le droit de voter au loin, dans leur pays de résidence. Mais, en même
temps, pour ce qui concerne les élections municipales, cantonales et les
législatives, ils votent d'une autre façon, directement en France, en
s'inscrivant sur les listes de leur commune de naissance ou de rattachement et
en exerçant leur droit de vote par procuration.
Nous abordons ici une première difficulté. Pour l'assimilation complète des
Français de l'étranger à ceux de France, on parle d'inscription d'office des
personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Pour nos
compatriotes de l'extérieur, de quelle liste s'agit-il ? Celle de France ?
Celle de l'étranger ? Les deux à la fois ? On pense surtout, bien sûr, aux
listes constituées à l'étranger.
Le Gouvernement a bien vu cette difficulté. Dans l'exposé des motifs du projet
de loi, il a tenu à signaler que : « la situation particulière des Français
établis hors de France n'est, pour l'instant, pas couverte par le dispositif,
car cette question a paru soulever des problèmes de nature juridique et d'ordre
matériel ».
Cela est évident, notre rapporteur, M. Christian Bonnet, l'a signalé tant à la
tribune tout à l'heure que dans son rapport écrit.
Lors de l'examen de ce texte à la commission des lois et, il y a un instant, à
cette tribune, notre excellent collègue Charles de Cuttoli soulignait que « le
projet de loi n'avait pu inclure le cas des Français de l'étranger en raison
des conditions particulières de leur inscription ». Il ajoutait qu'il jugeait «
impossible de leur appliquer telles quelles les dispositions du projet de loi
du fait de la spécificité des règles régissant le vote des Français résidant
hors de France, certaines relevant du domaine de la loi organique ».
M. de Cuttoli est un expert en la matière. Il a lui-même rappelé - je ne
révèle donc pas un secret - qu'il siège au Sénat et à la commission des lois
depuis 1974. Depuis cette date, il a toujours été rapporteur des questions
juridiques concernant les Français de l'étranger. Non seulement il en a été le
rapporteur, mais il a également été l'initiateur de plusieurs autres textes,
notamment de propositions de loi sur ce sujet.
Il faut rappeler à cet égard la dernière en date : notre proposition de loi
votée ici même, le 13 juin 1996.
M. Charles de Cuttoli.
Vous êtes donc un autre expert !
M. Jacques Habert.
Sans doute !
(Sourires.)
Cette proposition de loi a été cosignée par tous les sénateurs des
Français établis hors de France, mais elle n'a jamais été examinée en séance à
l'Assemblée nationale. C'est peut-être la première chose à faire, monsieur le
ministre, pour aller plus loin dans la voie indiquée par le Gouvernement.
Pourquoi ne soumettez-vous pas au vote de l'Assemblée nationale cette
proposition de loi ? Cela réglerait déjà bien des questions. De surcroît, cela
peut être fait immédiatement, contrairement au projet de loi que nous examinons
aujourd'hui.
Mais revenons à ce projet. L'exposé des motifs, qui est d'une grande clarté,
se poursuit ainsi : « Compte tenu de ces difficultés, le Gouvernement a donc
décidé de saisir le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui examinera
cette question lors de sa prochaine session plénière afin que puisse être, le
cas échéant, amendé le présent projet de loi, voire envisagé un texte organique
pour ce qui concerne l'élection du Président de la République. »
Je dois dire, mes chers collègues, que cela a été fait avec une remarquable
dextérité. En effet, le projet de loi a été déposé ici, à la présidence du
Sénat, le 28 août 1997. Le même jour, le Gouvernement adressait ce texte au
ministre des affaires étrangères, président du Conseil supérieur des Français
de l'étranger, en demandant qu'il soit immédiatement étudié par le conseil,
convoqué le 1er septembre pour sa 50e session plénière.
Efficacité notable, dont je félicite tous les artisans, nous avons pu, au
conseil, nous saisir immédiatement de ce texte. Dès le lendemain, la commission
des droits, présidée par Mme Gabrielle Théry-Monseu, avocate d'une grande
distinction qui réside à Bruxelles, examinait ce projet de loi.
Très vite, la commission découvrait l'intérêt de ce texte et les possibilités
qu'il offrait. En même temps, elle en discernait toutes les difficultés et
certains inconvénients.
Cependant, il est évident que l'inscription d'office des jeunes âgés de
dix-huit ans présenterait à l'étranger des avantages certains. Vous connaissez
la dispersion de nos compatriotes : certains se trouvent à 1 000 kilomètres,
voire 2 000 kilomètres du consulat le plus proche. Par conséquent,
l'automaticité d'inscription serait un excellent moyen de détendre et de
resserrer la communauté française en montrant immédiatement à nos compatriotes
qu'ils ont le droit de vote.
Dans certains pays européens, en Grande-Bretagne par exemple, lorsqu'un
étudiant âgé de plus de dix-huit ans, qu'il soit Français ou originaire d'un
autre pays européen, arrive là-bas, il est informé qu'il peut immédiatement
voter lors des élections municipales de la ville où se trouve son collège ou
son établissement.
Certains élargissements pourraient donc être envisagés à cet égard, mais,
évidemment, le problème est différent. Cependant, des solutions pourraient être
trouvées sur le plan européen.
En même temps, ce texte présenterait des inconvénients qui ont été énumérés
par M. de Cuttoli et sur lesquels je ne reviendrai pas. Je pense, par exemple,
au problème de la double nationalité.
Oui, les difficultés existent. La démarche du Gouvernement était donc
justifiée, il fallait être prudent en la matière. Toutes les dispositions
nouvelles doivent être examinées de près.
Cependant, désireuse d'offrir aux jeunes Français de l'étranger toutes les
facilités possibles pour voter, la commission des droits du Conseil supérieur
des Français de l'étranger a décidé de proposer un voeu, qui a été voté à
l'unanimité le 4 septembre 1997, c'est-à-dire à peine une semaine après la
transmission du texte. Ce voeu demande « que le projet de loi soit amendé en
vue de l'étendre aux jeunes Français établis hors de France en les inscrivant
d'office, après une information préalable, sur la liste du centre consulaire
dont ils dépendent, sans préjudice de leur faculté de s'inscrire dans une
commune en France ou de refuser leur inscription. »
Notons que les trois options possibles ont été énumérées, ce qui montre la
complication, la complexité de cette situation. Néanmoins, le souhait de nos
compatriotes français à l'étranger n'en est pas moins clairement exprimé.
Sur le fond, tout le monde est d'accord : il faut faire le maximum pour
permettre l'inscription de tous les jeunes de dix-huit ans sur les listes
électorales. Mais pour le moment, il semble sage de ne retenir de ce voeu -
malgré tout notre désir de le satisfaire aussi vite que possible - que la
phrase qui suggère une « information préalable ».
C'est la route que nous devons suivre, en accord avec le Gouvernement, et par
une concertation avec la commission des lois du Sénat et les experts de la
direction des Français à l'étranger du ministère des affaires étrangères dont
plusieurs, que je salue, assistent d'ailleurs à cette séance.
Voilà donc ce qui va être fait. Nous devrions, dès les informations réunies,
trouver rapidement un texte convenable. Car, pour nous, le but est clair : il
faut que toutes les facilités soient données aux jeunes Français de l'étranger
pour qu'ils puissent, dès l'âge de dix-huit ans, comme tous ceux de France,
être inscrits sur les listes électorales, afin de participer comme eux à la vie
et à l'avenir de la nation.
Tel est bien l'esprit de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle, pour
ce qui me concerne et au nom du groupe que je représente, je voterai ce texte,
amendé sans doute par certaines des propositions que va nous faire à juste
titre notre commission des lois, et en attendant les autres amendements
qu'espèrent les Français à l'étranger.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Charles de Cuttoli.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un
troisième sénateur des Français de l'étranger qui prend la parole sur ce texte.
Ce n'est pas tout à fait un hasard.
Nous sommes particulièrement sensibles au maintien dans la communauté
nationale de jeunes qui sont souvent nés à l'étranger. Je ne répéterai pas les
propos tenus par mes deux éminents collègues qui m'ont précédée de longue date
dans cet hémicycle, mais je rappelle que près de 30 % des Français immatriculés
dans les consulats ont moins de 18 ans. Il s'agit d'une population jeune. Ces
300 000 jeunes Français doivent vraiment, comme l'a dit mon collègue Jacques
Habert, pouvoir devenir citoyens dans les mêmes conditions que leurs
compatriotes de l'Hexagone et des départements et territoires d'outre-mer.
L'égalité républicaine le veut, mais c'est aussi l'intérêt de la France.
En effet, qui sont les jeunes Français que nous évoquons ?
Pour un petit tiers, il s'agit d'enfants d'expatriés qui, du fait de leur
carrière, sont amenés à passer quelques années dans tel ou tel pays. Ces
enfants gardent des liens étroits avec la France. Le français continue d'être
la langue de communication familiale. Ils fréquentent des écoles françaises et
ils reviennent souvent en vacances en France.
En revanche, pour les deux autres tiers, soit environ 200 000 enfants
immatriculés dans les consulats, il s'agit de jeunes issus de familles
durablement installées à l'étranger, parfois depuis plusieurs générations. Les
enfants sont nés à l'étranger et sont français par filiation, le plus souvent à
l'égard d'un seul de leurs parents.
Ces jeunes doivent rester français. Ils le restent d'abord parce que leurs
parents les immatriculent. Un premier indice fort de l'attachement de leur
famille à l'appartenance française est cette immatriculation au consulat, qui
n'est pas obligatoire, et qu'une proportion considérable de Français à
l'étranger néglige, puisqu'on évalue à 600 000 le nombre des Français qui ne
sont pas immatriculés à l'étranger.
Si ce lien administratif et civique avec la France existe pour ces familles
durablement installées à l'étranger, les liens linguistiques, culturels et
affectifs peuvent être beaucoup plus lâches, surtout en Union européenne et sur
le continent américain.
En effet, la majorité de ces enfants français fréquente une école du pays
d'accueil, par choix culturel ou par commodité, ou souvent parce que l'école
française est trop éloignée, beaucoup trop coûteuse, trop marquée socialement,
trop élitiste.
Leur maîtrise de la langue française est variable ; leur connaissance de la
France aussi. Combien parmi eux n'y sont jamais allés en raison du coût du
voyage et de la perte des attaches familiales de leurs parents ?
Leur inscription d'office sur les listes électorales est bonne ; elle
démontrerait à ces jeunes gens que la France tient à eux et qu'elle les
considère comme des Français à part entière. Ainsi, par la pratique du vote,
leur sentiment d'appartenance nationale serait renforcé.
Il est un aspect de ce problème qui a été analysé dans le rapport sous un
angle négatif, me semble-t-il, alors que, pour moi, il constitue une raison de
plus pour inscrire ces jeunes sur les listes électorales : les deux tiers
d'entre eux sont binationaux.
Il faut considérer, en effet, que la binationalité ou la plurinationalité est
intrinsèquement liée à l'expatriation, surtout quand celle-ci devient
émigration.
Pour ces jeunes, ce n'est pas la conséquence d'un choix, c'est un état de fait
: à leur naissance, ils ont deux ou trois nationalités ; naître d'un père
français et d'une mère espagnole au Venezuela. c'est naître avec trois
nationalités.
Ce phénomène est de plus en plus fréquent, de mieux en mieux compris et
accepté par les Etats, à défaut de l'être par les opinions publiques. Or, pour
la France, il est essentiel de comprendre que sa présence à l'étranger dépend
de ces Français binationaux, particulièrement aptes, si l'on a su conforter
leur appartenance française, à établir des relations fructueuses entre notre
pays et le monde extérieur.
Contrairement à ce qui a lieu d'habitude, le Conseil supérieur des Français de
l'étranger, ô miracle ! a été saisi de ce texte.En effet, monsieur le ministre,
si cette saisine est prévue dans les textes, elle est tellement rarement mise
en oeuvre qu'il faut saluer le fait. Je profite de cette occasion pour vous
indiquer que nous souhaitons vivement que le conseil soit également saisis du
texte sur la nationalité. Il ne l'avait pas été en 1993, ce qui avait suscité
quelques remous au sein du conseil.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a ainsi émis à l'unanimité le
souhait que les dispositions de ce projet de loi soient étendues aux jeunes
Français de l'étranger avec les aménagements dont mes collègues vous ont fait
part, concernant l'information préalable et la possibilité donnée aux jeunes de
refuser cette inscription dans les rares pays où leur sécurité serait en cause
et où l'inscription sur les listes électorales risquerait de les mettre en
danger.
L'essentiel est que les jeunes se sentent accueillis dans la communauté
nationale et soient incités à accomplir leur devoir civique, qu'ils deviennent
des citoyens actifs et non de ces citoyens passifs que le principe de désuétude
exclurait un jour de notre nationalité.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Habert applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, après l'excellent rapport de M. Bonnet et les interventions des
divers orateurs, je peux relever qu'un accord assez général se manifeste sur
les travées du Sénat en faveur de l'inscription d'office des jeunes majeurs sur
les listes électorales. Je tiens à saluer cet accord de principe.
Tout le reste n'est qu'affaire de modalités ou de calendrier et méritera
d'être examiné de manière objective. C'est d'ailleurs le style de votre maison
d'agir ainsi.
Les arguments allant à l'encontre de l'inscription d'office ne m'ont pas paru
réellement convaincants. Je le dis très cordialement à ceux qui se sont
exprimés en ce sens.
M. Hyest a avancé l'argument selon lequel le recrutement ne serait pas
complet. Evidemment, rien n'est parfait, mais, s'il n'est pas complet, il est
tout de même assez général. Pour sa part, votre commission des lois propose
d'attendre que les jeunes filles soient également prises en compte pour rendre
applicable la loi.
La méthode que propose le Gouvernement consiste à croiser les fichiers ; nous
pensons que les choses iront constamment en s'améliorant.
Quant à la surcharge des services municipaux, mesdames, messieurs les
sénateurs, je pense qu'il ne faut pas l'exagérer : une classe d'âge représente
2 % de l'électorat. On peut penser que, spontanément, au moins la moitié des
jeunes s'inscriront d'eux-mêmes. Par conséquent, la surcharge sera inférieure à
1 % du total ; ce n'est quand même pas considérable !
J'ai entendu l'argument de M. Plasait sur le risque de substituer à
l'initiative individuelle une responsabilité collective. Ce discours me plaît,
il montre que la citoyenneté implique effort et mobilisation de chacun. Mais, à
vrai dire, croyez-vous que ce soit au niveau de l'accomplissement d'une
formalité administrative que l'on doive surtout inciter à l'effort ? Ne
s'agirait-il pas plutôt de susciter un effort de la conscience ? C'est cela qui
caractérise vraiment la citoyenneté.
Je ne crois pas beaucoup au risque de gonfler les chiffres de
l'abstentionnisme. L'objectif de ce projet de loi est surtout de faire voter
des électeurs qui, sans lui, ne voteraient pas. Il aura pour résultat, qu'on le
veuille ou non, d'augmenter le nombre des électeurs qui voteront, et cela seul
compte.
M. Hyest a prétendu que le projet de loi n'aurait aucune incidence sur les
recours possibles devant le juge. Ce n'est pas exact. Lors de la dernière
consultation électorale, un jeune n'était pas fondé à se présenter devant le
juge pour demander à voter. Si ce projet de loi est adopté, il pourra le
faire.
On nous a suggéré d'attendre. Est-ce vraiment opportun ? Ne serait-ce pas
compris comme un signe négatif, ainsi que l'ont dit MM. Allouche et Duffour
?
Un engagement a été pris vis-à-vis de la jeunesse, et par le Président de la
République et par le Premier ministre, par les deux majorités qui se sont
succédé. Comment voulez-vous que les jeunes comprennent, après de tels
engagements solennels, que rien ne s'ensuive. N'est-il pas temps de passer aux
actes ?
Certes, nous n'obtiendrons pas 100 % d'inscrits du premier coup. D'ailleurs, y
parviendrons-nous jamais ? Si les critiques faites à l'imperfection de tel ou
tel fichier sont fondées, peut-être en y remédiant parviendrons-nous presque à
la perfection ; de toute façon, vous le savez bien, la perfection n'est pas de
ce monde !
Le problème des Français de l'étranger a été évoqué successivement par MM. de
Cuttoli, Habert et Mme Cerisier-ben Guiga.
Ces trois sénateurs, qui représentent nos compatriotes résidant hors de
France, ont émis le voeu qu'il soit davantage tenu compte de l'avis du Conseil
supérieur des Français de l'étranger. En effet, ce dernier a souhaité que « ce
projet de loi soit amendé en vue de l'étendre aux jeunes Français établis hors
de France en les inscrivant d'office après une information préalable sur la
liste du centre de vote consulaire dont ils dépendent sans préjudice de leur
faculté de s'inscrire dans une commune de France ou de refuser leur inscription
». Tels sont les termes de l'avis qui vient d'être rendu.
Si j'ai bien compris, vous êtes tous trois d'accord pour qu'un amendement en
ce sens soit adopté. Je pense que cela serait souhaitable, sous réserve que
soit ménagée à chacun la possibilité de s'inscrire en France même, de façon à
pouvoir participer aux élections municipales, cantonales et régionales.
M. Charles de Cuttoli.
Dans un autre texte, monsieur le ministre. Dans celui-ci, c'est impossible !
La loi organique ne le permet pas.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Il faudra étudier cette question et voir si
cette disposition peut être inscrite dans la loi.
Le problème de la double nationalité a été évoqué. Il ne faut pas que la
double nationalité soit un obstacle à cette inscription.
Madame le sénateur, vous avez souhaité que le Conseil supérieur des Français
de l'étranger soit également saisi du projet de loi sur la nationalité. Je
transmettrai votre voeu à Mme la ministre, garde des sceaux.
MM. Allouche et Duffour ont beaucoup insisté sur la nécessité d'organiser une
bonne information de la jeunesse. Cela suppose quelques moyens. Comme le disait
votre rapporteur, nous n'y consacrerons jamais autant d'argent que France
Télécom en aura consenti pour la mise sur le marché de ses actions. C'est fort
probable et c'est regrettable, mais c'est ainsi. En tout cas, il faudra
mobiliser les moyens dont nous disposons. Les gouvernements, les maires, les
préfets, le centre d'information civique...
M. Guy Allouche.
Et les recteurs !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Tout à fait et même les inspecteurs d'académie
!
... devront veiller à cette sensibilisation des jeunes, qui, je le rappelle,
devront accomplir cette année encore un certain nombre de formalités.
J'ai bien entendu la suggestion relative au vote obligatoire formulée par M.
Joly.
Monsieur le sénateur, se poserait alors un problème de constitutionnalité dans
la mesure où la Constitution définit le vote comme un droit. Or, le droit,
c'est le droit de voter ou de ne pas voter.
Par ailleurs, comment sanctionnerait-on le non-vote ? Les maires devraient-ils
transmettre la liste des abtentionnistes ?
Vous êtes maire, me semble-t-il...
(M. Joly fait un signe de
dénégation.)
Vous ne l'êtes plus, mais vous avez cette expérience. Vous
savez donc combien les maires répugneraient à transmettre au juge du tribunal
d'instance la liste des abstentionnistes. C'est normal, puisqu'ils sont élus
par leurs administrés.
En outre, la culture républicaine - on l'a vu à maintes reprises - est aux
antipodes de tout ce qui pourrait ressembler à de la délation.
Par conséquent, j'émets quelques réserves sur cette proposition. Mais nous
aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements.
Refuser d'appliquer rapidement la loi si elle est votée serait, je le répète,
un signe négatif fort adressé à la jeunesse. Je vous invite en revanche,
mesdames, messieurs les sénateurs, à adresser à la jeunesse un signe fort de
confiance, d'intérêt, marquant la volonté clairement manifestée par la
représentation nationale de faire en sorte que les jeunes soient plus nombreux
à voter dès cette année.
Au-delà du symbole, vous donnerez à plusieurs centaines de milliers d'entre
eux la possibilité de s'inscrire, dès cette année, sur les listes électorales
et de pouvoir exercer leur droit de vote aux prochaines élections locales.
Vous prouverez ainsi votre volonté d'aller de l'avant.
J'ose espérer que le Sénat, dans sa sagesse, ne voudra pas retarder un
mouvement qu'il sait inéluctable.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, après l'article L. 11 du code électoral, un
article L. 11-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 11-1.
- Sans préjudice de l'application des dispositions de
l'article L. 11, sont inscrites d'office sur la liste électorale de la commune
de leur domicile réel les personnes qui remplissent la condition d'âge depuis
la dernière clôture définitive des listes électorales ou la rempliront avant la
prochaine clôture définitive de ces listes, sous réserve qu'elles répondent aux
autres conditions prescrites par la loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article L. 17 du code électoral, un article
L. 17-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 17-1. -
Pour l'application des dispositions de l'article L.
11-1, les autorités gestionnaires des fichiers du recensement établi en
application du code du service national et des fichiers des organismes servant
les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie
transmettent aux commissions administratives les informations nominatives
portant exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de
naissance et adresse des personnes remplissant la condition d'âge mentionnée
audit article. Les informations contenues dans les fichiers sont transmises aux
commissions administratives par l'intermédiaire de l'Institut national de la
statistique et des études économiques.
« Les commissions administratives font détruire les informations qui leur sont
transmises soit à l'expiration des délais des recours prévus aux articles L. 20
et L. 25, soit, dans le cas où un recours a été introduit, après l'intervention
de la décision définitive.
« Les règles relatives au traitement des informations nominatives prévues au
présent article sont fixées dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du
6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés. »
Par amendement n° 6, M. Bonnet, au nom de la commission, propose :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par cet
article pour l'article L. 17-1 du code électoral, de supprimer les mots : « et
des fichiers des organismes servant les prestations de base des régimes
obligatoires d'assurance maladie, ».
II. - En conséquence, de remplacer dans cette même phrase les mots : « des
fichiers du recensement » par les mots : « du fichier du recensement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer l'accord de la commission
des lois sur le principe mais sa répugnance à entrer dans un dispositif dont la
complexité a été soulignée par différents orateurs.
J'ai noté au passage une phrase de notre excellent collègue M. Allouche : «
Une multitude d'observations et de questions se dissimulent derrière
l'apparente simplicité de ce texte. » J'ai entendu M. Duffour nous dire que «
tout allégement serait le bienvenu ». C'est précisément un tel allégement que
la commission propose au Sénat.
Nous ne pouvons pas, à l'extérieur, joindre nos voix au choeur des élus
protestant contre la prolifération de textes qui allongent la durée des
procédures tout en surchargeant les finances de leur collectivité et, ici, nous
déjuger en votant des projets porteurs de complexités inutiles.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La surcharge, monsieur le ministre, vient toujours des cas
marginaux. Mais c'est cette surcharge qui est insupportable. Elle concerne en
particulier la détermination de la nationalité, qui est automatiquement donnée
par le fichier du recensement national, mais pas par les fichiers des
différentes caisses versant les prestations de base de l'assurance maladie.
J'observe d'ailleurs que l'étude d'impact est très nette à cet égard. Je ne
veux pas lasser la Haute Assemblée en revenant sur des points dont mon rapport
écrit fait largement état, mais je rappelle que cette étude souligne la
complexité du dispositif d'application de ce texte.
Il faut savoir, monsieur le ministre - je cite de bons auteurs ! - « donner du
temps au temps ». Mieux vaut parfois attendre quelque peu plutôt que de courir
le risque de contribuer à l'échec d'une mesure mise trop hâtivement en
application. Il y a des exemples : les certificats d'hébergement, la
collégialité des juges d'instruction, toutes mesures votées dans l'enthousiasme
et l'inconscience des uns et des autres.
Nous n'avons pas envie de récidiver ni de compliquer encore la tâche de nos
élus.
Un signe n'est pas fort s'il s'accompagne d'un raté.
Le Président de la République et le Premier ministre se sont accordés sur le
principe ; ils n'en ont pas fixé les modalités de mise en oeuvre. Il revient
précisément au Parlement, et singulièrement au Sénat, d'alléger la tâche des
élus dont les sénateurs sont les représentants.
A partir du moment où vous aurez satisfaction sur le principe et sur le fait
que l'application de cette disposition interviendra dès que le recensement
prendra en compte les jeunes gens des deux sexes, je ne vois pas pourquoi,
monsieur le ministre, vous pourriez vous opposer plus longtemps à l'amendement
de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je crois avoir répondu par avance aux objections
de M. le rapporteur. J'ignorais cependant qu'il faisait désormais siens les
principes de François Mitterrand. C'est une conversion tardive ! Mais tout
arrive !
(Sourires.)
Toutefois, s'agissant du principe que vous avez évoqué, je crois qu'il faut
l'appliquer avec discernement et je serai plus pragmatique que vous : il est
des occasions où il faut savoir aller vite, et celle-ci en est une parce que
les plus hautes autorités de l'Etat se sont engagées publiquement. Si c'était
si difficile, elles n'auraient pas dû s'engager ainsi. Comme elles l'ont fait,
il faut passer à l'acte, et je vous propose de le faire, avec les moyens du
bord.
Il est vrai que le fichier du recensement sera complet en 1999.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est demain !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Certes, mais, de toute façon, il ne nous
dispensera pas d'effectuer le croisement avec le fichier de l'assurance maladie
: que deux précautions valent mieux qu'une et, comme M. Hyest l'avait observé
tout à l'heure,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'ai pas dit cela, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'ai compris que, selon vous, il était très
difficile pour un jeune de dix-sept ans de savoir qu'il devait se faire
recenser à la mairie, que cela posait de nombreux problèmes et qu'il y avait
quelquefois des ratés.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, j'ai dit qu'il y avait de toute façon une formalité à
accomplir puisqu'un avis est publié et que les jeunes doivent ensuite se faire
recenser. Or un certain nombre d'entre eux ne défèrent pas à cet avis, d'où un
énorme travail pour les services du recrutement, qui doivent retrouver tous les
jeunes. Ils y parviennent presque toujours, et cela vaut d'ailleurs mieux pour
les intéressés car, si ces derniers ne sont retrouvés qu'après trois ou quatre
ans, ils doivent accomplir leur service national - tant que celui-ci existe - à
ce moment-là, et ce n'est pas très agréable.
Il est certain que, demain, la tâche sera encore plus ardue pour ces services
dans la mesure où la conscription n'existera plus.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Quoi qu'il en soit, deux précautions valent
mieux qu'une. Mieux vaut croiser les données des deux fichiers, et le
Gouvernement pense qu'il faut s'attaquer au problème très rapidement.
Les difficultés sont réelles - je n'ai pas cherché à les dissimuler - mais
elles sont appelées à s'amenuiser très vite.
Par conséquent, le travail qui aura été accompli au cours de cette année
n'aura pas à être repris l'année suivante.
C'est, au fond, une attitude psychologique. Vous faites vôtre, monsieur le
rapporteur, la maxime de l'ancien Président de la République en ce domaine.
Fort bien, mais moi, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d'être
un petit peu moins mitterrandiens...
M. Emmanuel Hamel.
Vous nous demandez de reculer ?
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... et un peu plus...
M. Jean-Jacques Hyest.
Chiraquiens ?
(Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... offensifs, l'un n'empêchant d'ailleurs pas
l'autre.
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Notre opposition à cet amendement n'a rien de farouche, car ce que nous
rappelait à l'instant M. le rapporteur n'est pas faux. Je le remercie
d'ailleurs au passage d'avoir bien voulu citer l'une des phrases que j'ai
prononcées tout à l'heure à la tribune. Il ne faut pas se voiler la face : des
difficultés existent, c'est certain ; elles sont d'ordre technique et
administratif.
En commission, nous avions initialement suivi notre excellent collègue
Jean-Paul Delevoye, qui avait proposé que nous donnions mandat à notre
rapporteur pour rechercher une voie dans le sens d'un recensement général
rendant la mesure applicable au 1er janvier 1999, ce recensement pouvant
s'effectuer tout au long de l'année 1998. Cette idée n'a toutefois pas été
retenue. Il est vrai que la réforme du service national telle que l'a votée
l'Assemblée nationale offre, avec le recensement obligatoire des jeunes gens et
des jeunes filles à partir de 1999, une nouvelle possibilité. Cependant, comme
l'a relevé M. le ministre, la prise en compte de ce recensement des jeunes gens
et des jeunes filles ne sera effective qu'en l'an 2000. Cela représente donc
deux ans de plus !
Or il y a, en quelque sorte, urgence. Des engagements ont été pris et la
jeunesse sait maintenant, parce que cela a été rendu public et rappelé, que
l'inscription automatique va être effective. Il serait fâcheux que, lors des
prochaines élections, certains, s'imaginant qu'ils sont automatiquement
inscrits, n'accomplissent pas les formalités et, de ce fait, ne puissent
finalement pas voter.
Sans méconnaître les obstables à surmonter, je crois que le ministère de
l'intérieur peut tout mettre en oeuvre pour appliquer cette disposition dans
les meilleurs délais. Monsieur le ministre, vous nous assurez que toutes les
dispositions ont été prises ou vont l'être pour que cette disposition soit
effective au 1er janvier 1998 ; j'en accepte l'augure. C'est un défi qui est
lancé de part et d'autre : il faut le relever !
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
J'ai déjà fait connaître notre position.
M. le rapporteur a évoqué l'un de mes propos, rappelant que j'étais partisan
d'un allégement de modalités de mise en oeuvre de ce texte. Mais je crois que
M. le ministre fait preuve de compréhension au regard des difficultés que nous
soulignons.
En même temps, il rappelle, et je le suis pleinement, que la jeunesse a besoin
de signes forts. Si nous donnions l'impression, si peu que ce soit, de «
traîner les pieds » devant la mesure proposée, je pense que ce signe serait
brouillé. Je voterai donc contre l'amendement de la commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Ostermann propose, dans la première phrase du premier
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 17-1 du code
électoral, de remplacer le mot « transmettent » par les mots : « sont tenus de
transmettre ».
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 6, je retire cet amendement,
monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
Par amendement n° 5, M. Ostermann propose, dans la première phrase du premier
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 17-1 du code
électoral, après les mots : « informations nominatives », d'insérer les mots :
« régulièrement mises à jour ».
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Joly propose d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 54 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 54. -
La participation au scrutin est obligatoire.
« La violation de l'alinéa précédent entraîne la condamnation, par le tribunal
d'instance dans le ressort duquel se trouve la commune d'inscription et sur
saisine du maire de cette commune, au paiement d'une amende civile de 500
francs.
« Le tribunal pourra toutefois ne pas prononcer cette condamnation si
l'intéressé établit qu'il se trouvait dans l'impossibilité de participer au
scrutin et de voter par procuration. »
« II. - L'article L. 55 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 55. -
Le scrutin ne dure qu'un seul jour ; il a lieu un
dimanche. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
J'ai déjà eu l'occasion, au cours de la discussion générale, d'aborder la
question du vote obligatoire. La défense de cet amendement me donnera
l'occasion de développer mon propos.
D'emblée, je reconnais que la disposition que je vous demande de bien vouloir
introduire dans la loi est susceptible de heurter certains. Une telle réaction,
à mon sens, ne peut que céder devant l'examen des motifs.
Tout d'abord, il est possible d'obliger les électeurs à se rendre aux urnes
sans que le fondement et le fonctionnement de la démocratie s'en trouvent
altérés. En effet, il était jusqu'alors obligatoire de s'inscrire sur les
listes électorales ; or, à ma connaissance, cette mesure n'a jamais soulevé de
critiques particulières. Aussi la notion d'obligation ne me semble-t-elle pas
constituer une objection dirimante.
Pour ce qui concerne la condamnation à une amende civile, je conçois qu'une
telle mesure puisse susciter des réserves. Toutefois, comment s'assurer qu'une
obligation se trouvera remplie si elle n'est pas sanctionnée ? Il s'agit d'un
corollaire.
Je rappelle que l'actuel article L. 9 du code électoral dispose, dans son
premier alinéa : « L'inscription sur les listes électorales est obligatoire. »
Reconnaissez, monsieur le ministre, que, si ce texte de loi avait été
effectivement respecté, vous n'auriez pas été amené à venir nous présenter ce
projet de loi aujourd'hui !
Aussi, pour que l'obligation de vote ne connaisse pas le même sort que
l'article L. 9, je propose que cette mesure soit assortie d'une sanction
financière ayant le caractère d'une amende civile. Incomplète, la démarche
serait inopérante.
Je ne suis pas particulièrement attaché au montant proposé, mais il m'a semblé
que celui-ci devait être suffisamment dissuasif pour que la mesure s'avère
efficace.
Mes chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir que le système que je vous
propose d'adopter est celui que plusieurs pays européens ont choisi et qui, je
crois, fonctionne aujourd'hui sans encombre.
Monsieur le ministre, vous m'avez demandé par quel moyen on pouvait rendre le
vote obligatoire, mais vous n'avez pas répondu à mon observation concernant les
taux d'abstention, et cela m'étonne de vous, qui êtes si attaché à une
république citoyenne.
S'agissant du moyen de rendre le vote obligatoire, je vous rappelle que, dans
d'autres circonstances, une amende peut être prononcée à l'encontre de ceux qui
ne remplissent pas leurs obligations citoyennes. Je citerai en particulier le
cas des délégués sénatoriaux ainsi que celui des jurés. En effet, en vertu de
l'article L. 288 du code de procédure pénale, « tout juré qui, sans motif
légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a été notifiée est condamné par
la cour à une amende. »
Pour différent que soit leur objet, la participation à un jury d'assises tout
comme le vote sont des devoirs inhérents à la citoyenneté et je ne vois pas au
nom de quoi le manquement au premier pourrait être sanctionné tandis que le
manquement au second ne le serait pas.
En ayant terminé avec les arguments juridiques qui plaident en faveur de mon
amendement, je souhaite aborder brièvement la question de l'incidence pratique
de la mesure que je propose d'adopter.
Il est bien évident que je ne souhaite pas voir les électeurs contraints de
mobiliser une journée entière pour se rendre aux urnes. Il me semble au
contraire important de concilier les impératifs familiaux, de loisirs et de
repos dominical avec la participation au scrutin. C'est la raison pour laquelle
j'ai également déposé un amendement visant à faciliter l'exercice du vote par
procuration.
En dehors de ces aspects juridiques et pratiques, d'autres considérations
militent en faveur de ma démarche.
Il me semble utile de rappeler l'importance que les textes fondateurs de la
République française confèrent au vote. Qu'il s'agisse de la Déclaration des
droits de l'homme de 1789 ou de la Constitution de 1958, la place accordée à
l'exercice du droit de vote est prépondérante.
Le choix par les citoyens de leurs représentants constitue l'essence même de
la République. La solennité dont la Constitution revêt cet exercice
démocratique empêche qu'il puisse y être dérogé.
On peut tout à fait concevoir qu'un électeur rejette l'ensemble des
candidatures qui lui sont proposées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
j'ai également déposé un amendement visant à ce que les bulletins blancs ne
soient plus assimilés aux bulletins nuls.
Refuser de participer au scrutin, c'est refuser d'assumer les responsabilités
propres à chaque individu, sans lesquelles tout projet de société se révèle
irréalisable. Croyez-vous sain, mes chers collègues, qu'un département soit
administré grâce aux seuls suffrages du quart des électeurs inscrits ?
L'abstention est un phénomène dangereux, qu'il convient d'enrayer avant que la
démocratie ne s'en trouve affectée. Mon amendement constitue la seule façon d'y
mettre fin.
L'histoire de notre pays est remplie des noms de ceux qui, au péril de leur
vie, ont lutté pour que leurs descendants puissent librement choisir ceux qui
les gouvernent. Aujourd'hui encore, à travers le monde, des peuples se battent
pour adopter un régime politique semblable au nôtre.
Nous ne pouvons tolérer que cette prérogative, parfois chèrement payée, tombe
en désuétude par simple négligence.
Telle sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir adopter
mon amendement.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du
RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a estimé que cet amendement n'entrait pas à
proprement parler dans le cadre du sujet dont nous débattons aujourd'hui. Au
demeurant, même dans le cas contraire, je crois qu'elle y aurait été
hostile.
M. Delevoye n'a pas hésité à dire, comme je crois l'avoir indiqué dans mon
rapport écrit, qu'il redoutait que le projet de loi n'amène un jour, tôt ou
tard, à poser la question du vote obligatoire. Pour sa part, il rejetait par
avance ce principe.
De surcroît, M. le ministre nous a indiqué que cela posait un problème de
constitutionnalité. En outre, sur un plan pratique, nous savons tous que les
maires sont peu enclins à la dénonciation.
Pour conclure, la commission des lois n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'aimerais faire plaisir à M. Joly, mais je
pense qu'il a tort d'estimer que l'instauration du vote obligatoire pourrait se
substituer à la réhabilitation du civisme, de l'acte citoyen par excellence
qu'est l'acte de voter. Je ne crois pas que l'on pourrait intéresser davantage
notre peuple aux questions qui touchent à son destin en l'obligeant par la loi
à se rendre aux urnes : cette analyse me paraît superficielle.
D'ailleurs, croyez-vous que les pays voisins où le vote est obligatoire se
caractérisent forcément par un degré supérieur d'intérêt de la population pour
la politique ?
Si l'on veut réhabiliter la politique, il faut donner à nos débats une hauteur
de ton, et définir les enjeux véritables. Il faut que les hommes politiques,
qui tiennent leur mandat du suffrage universel, aient l'audace de parler selon
leur conscience, aient la rigueur de pousser leurs raisonnements jusqu'à leurs
dernières conséquences et mettent leurs actes en accord avec leurs paroles.
Cela seul pourra rendre aux citoyens l'estime qu'ils devraient avoir pour une
activité qui est à coup sûr noble, dès lors qu'elle tend à la recherche de
l'intérêt général.
En outre, votre proposition se heurte, monsieur Joly, je vous l'ai déjà dit
tout à l'heure et je vous le répète, à un argument de constitutionnalité. En
effet, l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à
laquelle le préambule de la Constitution fait référence, dispose : « La loi est
l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir
personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
Voter est donc un droit. Mais qu'est-ce qu'un droit ? Pour Littré, le droit
est une « faculté reconnue, naturelle ou légale, d'accomplir ou de ne pas
accomplir un acte ».
Or transformer ce droit en une obligation serait aller à l'encontre du
préambule de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen.
J'observe d'ailleurs qu'en Belgique, puisque vous avez évoqué le cas de ce
pays, où le vote est en effet obligatoire, cette obligation est inscrite dans
la constitution belge. Pour aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur le
sénateur, il faudrait donc envisager une révision constitutionnelle, afin de
faire figurer cette obligation dans la Constitution.
(M. Joly opine.)
Je ne reviendrai pas sur le fait que les sanctions sont difficiles à mettre en
oeuvre. J'ai parlé des maires, mais croyez-vous qu'il serait beaucoup plus
facile à un préfet de les appliquer ? Cela ne correspond absolument pas à notre
culture.
Tout en déplorant comme vous le niveau élevé, malheureusement traditionnel, de
l'abstention aux élections cantonales, je vous invite plutôt à emprunter le
sentier, certes rocailleux, difficile et malaisé, qui peut nous conduire à une
véritable réhabilitation de la politique. Il s'agit de faire en sorte que,
aussi bien dans leurs analyses que dans leur comportement, les hommes
politiques auxquels le peuple français a accordé sa confiance s'en montrent
tout simplement dignes.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
En ce qui concerne l'instauration éventuelle du vote obligatoire, la
proposition de M. Joly reflète effectivement l'inquiétude de ceux qui pensent
que l'inscription automatique et sans motivation véritable des jeunes
atteignant l'âge de dix-huit ans n'abourira qu'à majorer le taux d'abstention
et risquera, dans certains endroits, au moins dans un premier temps, d'apporter
un trouble supplémentaire, par des conditions d'élections qui paraîtront
parfois plus ridicules encore qu'elles ne le sont actuellement lors de certains
scrutins cantonaux ou partiels.
Par ailleurs, vous avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre, le fait
que nous risquions d'être contraints d'emprunter la voie de la réforme
constitutionnelle.
A cet égard, je citerai l'article L. 318 du code électoral, qui a déjà
institué un vote obligatoire en France pour les élections sénatoriales.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas pareil !
M. Guy Cabanel.
Le cas est différent, certes, parce que les délégués des conseils municipaux
pour les élections sénatoriales ont le plus souvent fait acte de candidature.
Mais tous les conseillers municipaux, dans les communes comptant 9 000
habitants et plus, sont délégués de droit, et ils n'ont pas le droit de ne pas
voter. S'ils s'abstiennent, ils risquent une amende de quatre-vingts francs.
Je reconnais que le problème n'est pas simple, mais je me demande si
l'amendement n° 1 présenté par M. Joly est réellement anticonstitutionnel.
En effet, même si l'on admet qu'il est en contradiction avec le préambule de
la Constitution et avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il
reste à souligner que les préambules sont des éléments d'inspiration
constitutionnelle, et non pas des textes constitutionnels régulièrement
adoptés.
Personnellement, sans faire de l'instauration du vote obligatoire un motif de
passion, je voterai l'amendement n° 1 de M. Joly.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je ne voterai pas l'amendement n° 1, pour une raison à mon sens toute simple :
la question soulevée est trop importante pour pouvoir être réglée par le biais
d'un amendement.
En effet, le vote obligatoire mérite un long débat. Certes, il est exact que,
compte tenu du nombre assez élevé des abstentionnistes, bien des Français
s'interrogent sur l'opportunité de l'instituer. La réflexion est engagée sur ce
thème, mais nous ne réglerons pas cette question aujourd'hui, au détour d'un
amendement.
Prenons l'exemple des délégués des conseils municipaux aux élections
sénatoriales. Il est heureux, monsieur Cabanel, que nos anciens aient,
sagement, rendu leur vote obligatoire.
En effet, nous sommes élus au second degré, par des élus. Il serait donc grave
que ceux-ci, qui ont été élus parce que des citoyens ont fait leur devoir
civique, ne se déplacent pas pour aller désigner les parlementaires que nous
sommes.
Par conséquent, cette obligation me paraît en la circonstance naturelle. Quand
on a été élu grâce au concours des citoyens, il est normal qu'à son tour on
accomplisse son devoir électoral. C'est ainsi que j'interprète l'obligation de
vote pour les élections sénatoriales.
Je voudrais dire aussi qu'il ne faut pas noircir un tableau qui est déjà gris.
Il est vrai que nous sommes unanimes pour regretter que le taux d'abstention
soit parfois élevé. Il faut savoir que ce chiffre varie suivant la nature de
l'élection. C'est ainsi que les élections municipales mobilisent les électeurs,
de même que, dans certains cas, les élections présidentielles. Tenons compte de
ces données.
A mon sens, ce n'est pas en rendant le vote obligatoire que nous réussirons à
convaincre les Français de faire preuve de davantage de civisme : puisque la
politique n'est guère magnifiée en ce moment, il nous appartient d'agir auprès
de nos compatriotes pour les intéresser à nos idées et pour les inciter à
voter.
Dans le climat politique actuel, je ne crois pas que nous y parviendrons par
l'instauration du vote obligatoire, et je crains que certains électeurs ne
perçoivent une telle disposition comme une contrainte pure et simple.
Vous avez d'ailleurs eu raison, monsieur Joly, de déposer, à côté de
l'amendement n° 1 sur le vote obligatoire, un amendement n° 2 concernant le
vote blanc, car ils vont de pair.
En tout état de cause, il nous est difficile de soutenir l'amendement n° 1.
M. le président.
Personne ne demande plus laparole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Joly propose d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« 1° Il est inséré, après le premier alinéa de l'article L. 58 du code
électoral, un alinéa ainsi rédigé :
« Il sera mis à la disposition des électeurs des bulletins blancs de même
format que les bulletins des candidats. Le maire doit recevoir et tenir à la
disposition des électeurs ces bulletins blancs, sur cette même table, pendant
toute la durée du vote. »
« 2° Le troisième alinéa de l'article L. 65 du même code est complété par une
phrase ainsi rédigée :
« Les bulletins blancs sont décomptés et proclamés séparément des bulletins
nuls dans le résultat du scrutin. »
« 3° Le début du premier alinéa de l'article L. 66 du même code est modifié de
la façon suivante :
« Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante...
(Le reste sans changement.) »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
L'amendement que je propose au Sénat d'adopter a pour objet d'assimiler les
bulletins blancs à des suffrages exprimés, et non plus à des bulletins nuls.
Je sais que cette mesure est attendue par nombre de nos concitoyens, qui
n'admettent pas que leur choix ne soit pas pris en considération, ce qui
constitue incontestablement une cause majeure d'abstention.
En effet, de nombreux électeurs qui souhaitent se prononcer de la sorte ne se
rendent pas aux urnes, parce qu'ils savent pertinemment que leur vote n'aura
pas plus d'incidence qu'une abstention. Pourtant, l'électeur qui se déplace
pour déposer un bulletin blanc dans l'urne accomplit son devoir de citoyen, au
même titre que celui qui opère un choix parmi les différents candidats : sa
démarche est volontaire, consciente et réfléchie.
Pourquoi, dès lors, ne pas prendre en compte ce type de manifestation
républicaine ? C'est à dessein que j'emploie cette expression, dans la mesure
où la faculté offerte à tout citoyen de voter blanc est inscrite dans la
loi.
En effet, le code électoral impose aux communes dont les bureaux de vote sont
équipés d'une machine à voter de faire en sorte que cet appareil permette de
comptabiliser les votes blancs.
Le libre exercice de la démocratie suppose incontestablement la possibilité,
pour un citoyen, de rejeter l'ensemble des candidatures qui lui sont
présentées. Or cette possibilité ne peut s'exercer que grâce au vote blanc, et
c'est la raison pour laquelle celui-ci doit être pris en considération. Dans le
cas contraire, le résultat électoral ne correspond pas à la réalité des
suffrages.
J'ajoute, monsieur le ministre, qu'une telle mesure constituerait une arme
efficace dans la lutte contre les extrémismes. En effet, de nombreux sondages
ont prouvé q'une partie importante des voix accordées aux formations défendant
de telles options traduisait une volonté de sanctionner l'ensemble de la classe
politique. Le « vote-sanction » n'est pas antidémocratique en soi, mais il ne
saurait profiter aux partisans de valeurs qui ne sont pas celles de la
République.
Aussi suis-je convaincu qu'un grand nombre d'électeurs qui apportent leur
soutien à des formations extrémistes agiraient différemment si, demain, ils
pouvaient manifester un vote contestataire efficace, quoique neutre.
Certains d'entre nous ont déjà songé au bien-fondé d'une telle disposition.
C'est ainsi que, en 1994, notre collègue Edouard Le Jeune avait déposé une
proposition de loi visant aux mêmes fins.
Parce qu'elle est plus juste, parce qu'elle concourra à lutter contre
l'ascension des extrémismes et parce qu'elle permettra de tarir partiellement
l'abstentionnisme, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir
adopter cette mesure.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a estimé que le vote blanc n'avait pas plus de
signification que l'abstention, et qu'il s'agissait d'un amendement en quelque
sorte hors sujet.
Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Encore une fois, j'aimerais faire plaisir à M.
Joly, ne serait-ce que parce qu'il est franc-comtois comme moi et que, par
conséquent, il n'est pas fondamentalement mauvais...
(Sourires.)
Cependant, je voudrais souligner que le vote blanc ne fait pas du tout
partie de la tradition française, de notre tradition républicaine. Vous
semblez, monsieur Joly, méconnaître le fait que la prise en compte du vote
blanc et le dépôt sur les tables de bulletins blancs ne changeraient rien pour
les élections à la représentation proportionnelle.
Par ailleurs, en cas de scrutin majoritaire à deux tours, la disposition que
vous proposez compliquerait les choses, et surtout aboutirait à rendre plus
difficiles les élections au premier tour. La prise en compte des votes blancs
jouerait toujours au détriment du candidat arrivé en tête et pourrait, à la
limite, conduire à des impasses juridiques, dans la mesure où le total des
bulletins blancs représenterait la majorité absolue des suffrages au premier
tour, ou leur majorité relative au second tour. On pourrait donc, dans certains
cas, constater la vacance du ou des sièges à pourvoir.
J'en viens à l'élection du Président de la République. Vous avez évoqué la
lutte contre M. Le Pen.
Pour lutter efficacement contre M. Le Pen, il faut s'attaquer au chômage,
mieux assurer l'emploi, relever les principes de la citoyenneté, rendre
confiance dans la République, rendre à chaque Français la fierté de la France
comme communauté de citoyens, ...
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... c'est-à-dire comme modèle de nation
exemplaire. C'est cela qui fera reculer M. Le Pen, beaucoup plus que la mise à
disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote.
M. Le Pen aurait pu bloquer l'élection présidentielle de 1995, en donnant au
second tour à son électorat la consigne de voter blanc. Imaginez ce que cela
aurait pu signifier. Un candidat aurait pu être élu objectivement par défaut,
avec une majorité relative.
Lors d'un référendum, un projet doit être adopté à la majorité des suffrages
exprimés. Organiser le vote blanc serait faire en sorte que, dans certains cas,
les bulletins blancs pourraient l'emporter sur le oui.
Comptabiliser des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés pourrait aller
à l'encontre de la volonté de neutralité que peuvent exprimer certaines
personnes qui votent blanc. Les électeurs qui votent blanc ne le font pas tous
pour les mêmes raisons. Certains rejettent le système politique. Mais faut-il
aller dans ce sens ?
Ne faut-il pas plutôt conduire les électeurs à choisir ? Dans la vie, il faut
faire des choix. Il ne s'agit pas de trancher entre les bons et les méchants.
On peut le dire entre nous, même si, au fond de soi, chacun s'estime meilleur
que l'autre, mais c'est une notion très relative.
Par conséquent, ne perdez pas de vue, monsieur le sénateur, qu'une élection a
d'abord pour finalité de désigner des élus, et que cela seul compte en
définitive. Ne compliquez donc pas les choses à plaisir, si je puis dire, et ne
cherchez pas la formule d'Archimède qui rendrait cette désignation beaucoup
plus difficile.
Telle est la position du Gouvernement. Je regrette de devoir indiquer qu'il
est plutôt hostile à l'amendement.
M. Christian Bonnet.
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission considère qu'un vote nul par un bulletin barré
vaut tout aussi bien le rejet du système.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
La reconnaissance du vote blanc comme expression du suffrage est une
proposition très souvent avancée, mais qui pose de nombreux problèmes.
Je rappelle à la Haute Assemblée que le Centre d'information civique a
organisé plusieurs colloques et travaux sur cette question, qui n'ont pas
abouti parce que les inconvénients de cette disposition sont bien supérieurs
aux avantages que l'on pourrait en attendre.
La règle selon laquelle les bulletins blancs ne sont pas comptabilisés parmi
les suffrages exprimés est constante dans notre droit électoral.
Il convient tout d'abord d'établir nettement la signification qu'on doit
accorder aux bulletins blancs. La personne qui prend soin de confectionner
elle-même et à l'avance son bulletin blanc pour l'insérer ensuite dans
l'enveloppe électorale manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir
électoral en même temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou
aucune des listes en présence. Qu'en serait-il de cette volonté de neutralité
si les bulletins blancs étaient comptabilisés parmi les suffrages exprimés ?
Ainsi, pour l'élection présidentielle, l'article 7 de la Constitution prévoit
que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages
exprimés ». Dans le régime actuel, si cette condition n'est pas réalisée au
premier tour, elle l'est obligatoirement au second, puisque ne peuvent alors se
présenter que « les deux candidats qui, le cas échéant, après retrait de
candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de
suffrages au premier tour ». On conçoit aisément que si les bulletins blancs
entrent dans le décompte des suffrages exprimés, donc dans le calcul de la
majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du
candidat arrivé en tête, son élection étant ainsi rendue plus difficile. Mais,
résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des
candidats n'obtienne la majorité absolue, surtout si les deux adversaires ne
sont séparés que par un nombre de voix relativement réduit.
Dans l'état actuel de notre droit électoral, une telle réforme risquerait,
dans certains cas, d'aller à l'encontre de la volonté de neutralité manifestée
par les électeurs qui auraient déposé un bulletin blanc dans l'urne.
Mon cher collègue, je vais vous faire un aveu. Voilà quelque temps, j'étais
partisan de la prise en compte du vote blanc, mais je me suis rendu à
l'évidence, j'ai compris la difficulté de cette opération pour aujourd'hui
penser que, étant donné la tradition française, la culture française, il y a
encore beaucoup de travail avant d'arriver à cette maturité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Joly propose d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« 1° Le I de l'article L. 71 du code électoral est ainsi rédigé :
« I. - Les électeurs absents de leur commune d'inscription le jour du scrutin.
»
« 2° Le III de ce même article est abrogé.
« 3° Un décret en Conseil d'Etat déterminera les mesures réglementaires ayant
pour vocation de faciliter le vote par procuration. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le ministre, j'ai pris connaissance, avec joie, de votre volonté de
me faire plaisir : il ne reste plus qu'un amendement pour vous donner
l'occasion de le faire...
(Sourires.)
En l'occurrence, il s'agit de faciliter le vote par procuration.
Cette mesure constituait un complément fort utile à l'amendement concernant le
vote obligatoire que j'ai présenté mais qui n'a, hélas ! pas été adopté. Cet
amendement présentant toutefois un caractère autonome, il demeure
particulièrement opportun.
Aujourd'hui, nombreux sont les électeurs qui, sachant qu'ils ne pourront pas
participer au scrutin, tentent de voter par procuration. J'emploie sciemment le
verbe « tenter » car cette démarche s'avère si difficile que nombreux sont ceux
qui y renoncent.
En premier lieu, l'électeur doit établir qu'il prend ses vacances ou que des
obligations dûment constatées l'empêchent de prendre part au scrutin. S'il est
malade, il doit le prouver en présentant un certificat médical justifiant qu'il
est dans l'impossibilité matérielle de se rendre au bureau de vote.
Par la suite, il doit se rendre au tribunal, au commissariat ou à la mairie,
ce qui implique souvent qu'il doive quitter son lieu de travail pour régler ces
formalités.
Monsieur le ministre, lorsque les élections ont lieu pendant les beaux jours,
comme ce fut le cas pour l'élection du Président de la République qui s'est
tenue pendant le pont du 8 Mai, nombreux sont les électeurs qui, partant en
week-end, ne se trouvent pas dans l'un des cas prévus par le décret du 12
février 1976.
En effet, les Français qui rejoignent leur famille ou des amis, ou qui se
rendent dans leur maison de campagne pour la fin de semaine ne sont ni en
vacances, ni malades, et dès lors toute procuration est impossible à
obtenir.
C'est la raison pour laquelle je propose qu'il soit mis fin au système actuel
qui paralyse l'exercice du droit de vote et favorise l'abstentionnisme.
Ne pourrait-on pas tout simplement admettre que les électeurs absents de leur
commune le jour du scrutin puissent voter par procuration sans être contraints
à justifier leur absence ?
La fin d'une procédure décourageante aurait incontestablement pour effet
d'augmenter le nombre des votants lors des prochaines élections.
Je ne crois pas qu'il soit raisonnable d'opposer le problème de la fraude à
mon amendement. A l'heure actuelle, celui qui cherche à frauder n'a aucune
difficulté à fournir une pièce justificative, un contrat de location ou une
réservation hôtelière.
Monsieur le ministre, votre projet de loi a pour objet de relever le taux de
participation. Mon amendement y concourt. C'est la raison pour laquelle je vous
demande, mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a examiné l'objet tel qu'il a été rédigé par
l'auteur de l'amendement. Il dispose : « Cet amendement peut être considéré
comme la conséquence de l'amendement visant à rendre le vote obligatoire. » Il
précise ensuite : « Dans l'hypothèse où la Haute Assemblée admettrait le
caractère nécessaire du vote obligatoire... ». Le principe du vote obligatoire
n'ayant pas été adopté par notre assemblée, la commission considère que cet
amendement ouvrirait la porte à tous les abus. Elle ne peut se prononcer,
quelque regret qu'elle en ait, en faveur de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je dirai à M. Joly que cet amendement, là
encore, contrevient au principe qui est posé par la Constitution et selon
lequel un vote doit être égal et secret. Vous percevez bien que la
généralisation du vote par procuration serait une atteinte portée à ce secret
du vote et il faut donc encadrer strictement cette procédure. Toutefois, je ne
tiens pas à argumenter sur ce terrain.
Monsieur le sénateur, bien que je ne vous l'aie pas promis, je vais vous faire
plaisir.
D'abord, je veux rendre hommage à votre esprit de système. En effet, vous avez
très bien vu que de l'inscription d'office - ici vous avez fait un petit saut,
épistémologiquement parlant - on pouvait déduire le vote obligatoire - c'est à
cela que vous tenez ; du vote obligatoire, vous avez déduit le vote blanc, et
du vote blanc la généralisation du vote par procuration. Tout cela constitue un
système parfaitement cohérent, et cette logique en elle-même est satisfaisante
pour l'esprit.
Toutefois, tous les autres amendements que vous avez déposés ayant été
rejetés, vous devriez pousser votre logique, qui, je le répète, est
remarquable, jusqu'au bout et, par conséquent, retirer cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Aux termes de son objet même, cet amendement serait une conséquence d'une
disposition précédente portant sur le vote obligatoire. Personnellement, je ne
pense pas qu'il soit une conséquence du vote obligatoire.
Cet amendement soulève, certes, une véritable question. Cependant, il ne
s'agit pas, monsieur le ministre, de généraliser le vote par procuration. Il
faut lutter pour faire en sorte que les procurations soient plus faciles. En
effet, pour ceux qui voyagent ou qui vivent à l'étranger et pour certains
autres de nos concitoyens, quand une consultation est organisée pendant un long
week-end, par exemple, il est extrêmement difficile de voter.
Je peux citer le cas, dans ma famille, d'une personne hospitalisée à laquelle
on a dû envoyer des gendarmes en uniforme pour chercher la procuration, bien
que j'aie entrepris les démarches huit jours plus tôt. La procédure est
extrêmement compliquée. On pourrait alléger le dispositif du vote par
procuration et le rendre un peu plus facile.
Je voterai l'amendement de M. Joly afin de donner un signal. Il est en effet
trop difficile d'établir les procurations.
Cette disposition permettrait d'augmenter le nombre de votants, de réduire le
nombre des abstentionnistes. Il convient de faciliter la procuration quand elle
est établie de bonne foi par deux personnes qui, de toute évidence, veulent
simplement voter.
Je souhaiterais que cette proposition soit prise en compte afin que nous
puissions y réfléchir au cours de la navette.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cette banalisation me paraît ouvrir la voie à toutes les
fraudes, à toutes les industries. Vous verrez se répandre dans les campagnes
des personnes qui viendront ramasser les procurations. J'ai déjà eu à constater
et à déplorer que le vote par procuration soit parfois accordé de manière trop
restrictive, mais de là à une généralisation, sûrement pas !
M. Jacques Habert.
Ce n'est pas une généralisation !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 2, un article additionnel rédigé comme suit :
« Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur à compter du jour
où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement en
application du code du service national. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence relatif à la date
d'entrée en vigueur du présent projet de loi. Comme je l'ai dit, une heureuse
coïncidence veut que, la nuit dernière, l'Assemblée nationale ait fixé une date
d'application au 1er janvier 1999, qui devrait faciliter ce report.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
J'ai déjà fait connaître la position du
Gouvernement. Donner et retenir ne vaut : le Gouvernement émet donc un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 2.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes
de ce débat, je souhaite confirmer la satisfaction de la majorité des membres
du groupe du Rassemblement démocratique et social européen de voir aboutir
l'inscription d'office des jeunes gens de dix-huit ans sur les listes
électorales. En effet, le projet de loi dont nous avons discuté cet après-midi
rencontre, à mon avis, au moins dans son principe, un certain consensus dans la
mesure où il renforce indirectement un élément essentiel dans l'exercice de la
citoyenneté, celui du droit de vote.
Fidèle à un engagement pris par le Premier ministre au mois de juin dernier,
vous avez proposé, monsieur le ministre, un dispositif, qui, pour ma part, me
paraît répondre à son objectif.
Quelques orateurs jugent le mécanisme d'inscription complexe et difficile à
mettre en place. Mes chers collègues, il me semble que notre pays dispose des
moyens administratifs suffisants pour soutenir cette entreprise que je ne
considère pas comme insurmontable.
Si la plus grande rigueur est employée, dans le respect des libertés et des
droits des personnes qui feront l'objet d'une inscription d'office, la
démocratie française a tout à gagner du projet de loi.
J'ai aussi entendu que l'inscription volontaire sur les listes électorales
était une initiative individuelle importante et que le fait de la rendre
automatique risquait de déresponsabiliser la collectivité.
Au contraire, c'est à mon avis le vote lui-même qui est une démarche
individuelle positive, et l'inscription sur les listes est une formalité
pouvant apparaître, à certains, comme une tracasserie administrative.
Inscrits d'office, les jeunes, selon qu'ils exerceront ou non leur droit de
vote, choisiront de vivre la démocratie de façon active ou passive.
Même si l'inscription d'office se révélait peu influente sur les taux
d'abstention aux élections - je ne l'espère pas - nous ne serions pas
coupables, avec les mesures aujourd'hui proposées, de n'avoir rien tenté pour
aider les jeunes à renouer avec les institutions représentatives de notre
pays.
Compte tenu de l'avis que je viens d'exposer au nom de la majorité des
sénateurs du RDSE, j'invite ces derniers à voter en faveur du présent projet de
loi.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai
annoncé, au cours de la discussion générale, que le groupe socialiste était
favorable au projet de loi, à sa philosophie, et je n'ai pas caché que ce texte
présentait des difficultés d'ordre technique et administratif. Il aurait donc
été logique que les sénateurs socialistes votent ce texte.
Néanmoins, compte tenu de l'adoption par la Haute Assemblée de deux
amendements, dont l'un prévoit l'entrée en vigueur de la loi à compter du jour
où les nationaux des deux sexes seront soumis à l'obligation de recensement,
c'est-à-dire en l'an 2000, les membres du groupe socialiste, favorables à
l'application aussi immédiate que possible de ce dispositif, ne pourront pas
voter ce texte en l'état.
Il nous est difficile de voter pour ; nous ne pouvons voter contre, dans la
mesure où l'idée est généreuse et où nous ne sommes pas hostiles à ce texte ;
enfin, il n'est pas facile de s'abstenir. Par conséquent, mes chers collègues,
le groupe socialiste ne prendra pas part au vote !
M. Jean-Jacques Hyest.
Un vote blanc ou un vote nul ?
M. le président.
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous venons d'examiner a été conçu pour encourager les jeunes à
participer à la vie civique, répondant ainsi notamment au souhait exprimé par
M. Jacques Chirac, Président de la République.
Nous ne pouvons qu'en approuver le principe. Toutefois, comme l'a excellemment
démontré M. le rapporteur et comme les débats l'ont souligné, le mécanisme
proposé par le Gouvernement était peu fiable et source de complications
administratives et de difficultés juridiques.
En effet, le premier inconvénient tenait à la fiabilité toute relative des
fichiers de sécurité sociale à partir desquels l'INSEE demanderait aux communes
l'inscription d'office d'un jeune et qui ne comportent pas, bien entendu, de
renseignements sur sa nationalité.
Le second inconvénient, parfaitement mis en évidence par M. le rapporteur,
était l'alourdissement des tâches des commissions administratives. En effet, il
était à craindre un risque de fraude dans les inscriptions. C'est ce qui avait
d'ailleurs conduit à la suppression des inscriptions d'office prévues par la
loi de 1975. Le rapport d'impact du ministère de l'intérieur est sur ce point
éloquent.
De plus, la charge de travail pour les services municipaux ne manquerait pas
d'augmenter. Là encore, le rapport d'impact du ministère de l'intérieur ne
cache rien des problèmes auxquels les communes seront confrontées.
Vous avez également eu raison, monsieur le rapporteur, de mettre en évidence
le caractère singulier du dispositif proposé, qui dispense les jeunes majeurs
d'une formalité en amont, la demande d'inscription, tout en les invitant en
aval à déférer à de nouvelles procédures de contrôle.
En conséquence, nous ne pouvons que nous réjouir de la proposition formulée
par M. le rapporteur et adoptée par le Sénat, qui tend, d'une part, à éviter le
recours aux fichiers de la sécurité sociale et, d'autre part, à fixer l'entrée
en vigueur de la loi à compter du jour où les nationaux des deux sexes seront
soumis à l'obligation de recensement.
Cette solution aura le mérite, d'une part, de limiter le nombre de contentieux
dans lesquels la responsabilité des maires risquait une fois de plus d'être
engagée alors que ces derniers agissaient dans cette matière en qualité
d'agents de l'Etat et, d'autre part, de dispenser les communes des contrôles en
aval.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles les membres du groupe du
Rassemblement pour la République voteront ce projet de loi tel qu'il a été
amendé. Ils le feront en étant toutefois conscients du fait que l'éveil à la
citoyenneté pourra être atteint non par une simple mesure d'inscription
d'office sur les listes électorales, mais par une véritable politique de
sensibilisation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de
ce débat sur le projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes
âgées de dix-huit ans sur les listes électorales, nous émettons le souhait que
la portée du texte soit bien celle qui est escomptée, c'est-à-dire la
participation et l'intérêt accrus des jeunes pour la vie politique de leur
pays. Notre excellent rapporteur, M. Christian Bonnet, a exposé les incidences
de telles dispositions, et nous nous félicitons de l'adoption des amendements
qu'il a proposés au nom de la commission des lois.
Ainsi, à l'impact du texte sur les jeunes et à la simplification
administrative qui en découle pour eux s'ajoute un système cohérent, qui
alourdira cependant - nous en sommes conscients - le travail des
collectivités.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte tel
qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
répéterai pas les raisons que nous avons de voter ce texte, m'associant aux
excellents propos tenus à l'instant par MM. Yvon Collin, Alain Gérard et
François Trucy.
Je souhaite simplement vous dire, monsieur le ministre, que les sénateurs
représentant les Français établis hors de France ont noté la promesse ou la
demi-promesse que vous leur avez faite, en tout cas l'espérance que vous leur
avez donnée, d'inclure peut-être dans le projet de loi - il ne s'agit en effet
que d'un article additionnel - les jeunes Français de l'étranger. Nous pensons
en effet qu'ils peuvent l'être.
Notre concertation, nos hésitations, nos consultations étaient nécessaires.
Les représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère de
l'intérieur, les commissions saisies au fond, tant au Sénat qu'à l'Assemblée
nationale, sont maintenant à même, à mon avis, d'élaborer en quelques jours ou
en quelques semaines un texte pour cet article additionnel que, à juste raison,
vous avez considéré comme possible, monsieur le ministre.
Nous l'espérons fermement en tout cas. Il est temps maintenant de nous mettre
à l'oeuvre, et nous disposons d'ailleurs de textes déjà parfaitement au point.
Sous réserve de votre accord, cette concertation pourrait avoir lieu. Si, comme
nous l'espérons, telle est votre volonté, les jeunes Français de l'étranger
pourraient être placés dans ce texte sur un pied d'égalité avec les jeunes
Français de France.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je tiens à répondre très précisément à M.
Habert, ainsi qu'aux autres représentants des Français de l'étranger.
Un avis vient d'être rendu par le Conseil supérieur des Français de
l'étranger, et je vous ai indiqué que le Gouvernement était prêt à en tenir
compte.
Néanmoins, il résulte des informations que j'ai recueillies qu'un article
additionnel ne suffirait pas à régler les problèmes nombreux que pose l'avis du
Conseil supérieur des Français de l'étranger, et que plusieurs lois, dont des
lois organiques, devraient être modifiées. Je crains, par conséquent, qu'un
projet spécifique ne soit nécessaire pour régler cette question. Cela mérite
étude. Permettez que je consulte les juristes avant de vous donner une réponse
définitive. Nous allons en tout cas nous mettre au travail, monsieur le
sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me
soit permis de dire que je ne peux pas en conscience, compte tenu de mon idée
de la démocratie, de la République, voter ce texte. En effet, selon moi, la
démocratie est, certes dans le respect du bien public, la liberté, l'autonomie
de la personne ; c'est le choix volontaire assumé en conscience de ses
conséquences.
La démocratie, ce n'est pas l'inscription d'office du citoyen sur une liste,
ce n'est pas le fait de subir les conséquences d'une action administrative, ce
n'est pas l'engrenage dans une société qui impose ses choix. L'exercice de la
citoyenneté ne doit rien avoir d'automatique. Qui dit automaticité dans ce
domaine contredit, dans mon esprit, la liberté, le choix, l'acte volontaire.
Puisque la République, c'est la liberté, puisque la démocratie, ce doit être
le choix libre, je ne pourrai, si grandes qu'aient été les améliorations
apportées à ce texte à la suite des interventions toujours remarquables du
rapporteur, M. Christian Bonnet, voter ce texte visant à l'inscription d'office
des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales. Je vous
rappellerai d'ailleurs, mes chers collègues, que le mot « élection » vient du
latin« eligere », qui signifie non pas imposer, mais choisir.
Je suis donc pour le choix, pour la liberté et non pour l'automaticité.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous avons voté contre l'amendement n° 7 présenté par la commission et adopté
par la majorité du Sénat. Nous restons dans le même état d'esprit et sommes
persuadés que cette loi doit être appliquée au plus vite. Nous espérons que la
sagesse prévaudra en ce domaine.
J'ai été très étonné d'entendre certains collègues argumenter leur vote
positif à partir de la question du fichier et manifester une sorte de
contentement à l'idée que l'étape pourrait être reculée.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Pour notre part, gens de symbole, nous considérons ce projet de loin
comme important et positif, et nous le voterons donc, mais avec les réserves
que j'ai exprimées précédemment.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
A une exception près, tout le monde était d'accord, me semble-t-il, sur le
principe de l'inscription d'office. D'ailleurs, on pourrait fort bien admettre
que tous les citoyens soient inscrits sur les listes électorales. Mais le
droit, ce n'est pas cela, c'est le droit de voter ou de ne pas voter, et nous
avons eu un long débat à ce sujet.
Il est vrai que c'est une démarche administrative. On pourrait d'ailleurs
demander l'inscription d'office. Par conséquent, n'en faisons pas un débat
théorique.
Donc une promesse a été faite ; il faut la tenir. Simplement, monsieur le
ministre, nous souhaitons que cette promesse soit vraiment tenue et, pour ce
faire, il faut que le système soit réalisable et réaliste.
Or, je suis convaincu - M. le rapporteur l'a dit beaucoup mieux que moi - que
les croisements de fichiers ne permettent pas, aujourd'hui, d'avoir une
fiabilité suffisante. En effet, les fichiers de la sécurité sociale, notamment,
ne sont pas faits pour déterminer la nationalité. Bien souvent, ils ne
comportent ni le nom, ni le prénom, ni l'âge des ayants droit.
Face à une impossibilité totale, nous avons donc essayé de trouver un système
qui soit fiable. D'où le recours au recensement des jeunes pour le service
national, qui donne de façon sûre la nationalité et le domicile.
Puisque l'on s'est fixé un objectif, essayons de l'atteindre, mais faisons-le
de manière sérieuse et réaliste. Il ne faut pas faire trop de lois symboliques
car, ensuite, lorsqu'elles sont mal appliquées, cela se retourne contre le
législateur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà, tout simplement, ce que nous avons voulu faire, et voilà pourquoi, avec
mon groupe, je voterai le projet de loi tel qu'amendé par la commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour
la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission
des affaires économiques et du Plan.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. René Rouquet membre de la commission des affaires culturelles en
remplacement de M. Henri Weber, démissionnaire ;
- M. Henri Weber membre de la commission des affaires économiques et du Plan
en remplacement de M. René Rouquet, démissionnaire.
11
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme du service
national.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 426, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la
République hellénique à la convention d'application de l'accord de Schengen du
14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux,
de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à
la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à
Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne par
l'accord signé à Paris le 27 novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la
République portugaise par les accords signés à Bonn le 25 juin 1991.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 427, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la
République d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen du
14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux,
de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à
la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à
Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne, le
Royaume d'Espagne et la République portugaise, et la République hellénique par
les accords signés respectivement le 27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6
novembre 1992.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 428, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- projet de règlement (CE) du Conseil concernant l'interruption de certaines
relations économiques avec l'Angola afin d'amener l'UNITA à remplir les
obligations qui lui incombent dans le processus de paix.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-924 et
distribuée.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 24 septembre 1997, à quinze heures :
Discussion des conclusions du rapport (n° 413, 1996-1997) de M. Claude Huriet,
fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition (n° 329,
1996-1997) de MM. Charles Descours, Claude Huriet, Maurice Blin, Guy Cabanel,
Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Mme Annick
Bocandé, MM. Louis Boyer, Dominique Leclerc, Bernard Seillier et Jean-Pierre
Fourcade relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la
sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Avis (n° 418, 1996-1997) de M. Gérard César, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes (n° 423,
1996-1997) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 29 septembre 1997, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 septembre 1997, à
dix-huit heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 425, 1996-1997)
:
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 1er octobre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 23 septembre 1997 à la suite des
conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 24 septembre 1997 :
A
15 heures
et le soir :
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de MM. Charles Descours, Claude Huriet et plusieurs de leurs collègues relative
au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire
des produits destinés à l'homme (n° 413, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 23 septembre 1997, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à cette proposition de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session ordinaire et les inscriptions de parole
devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 23
septembre 1997.)
Jeudi 25 septembre 1997 :
A
9 h 30
et à
15 heures :
Suite des conclusions de la commission des affaires sociales sur la
proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du
contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Mardi 30 septembre 1997 :
A
10 heures,
à
16 heures
et le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes (n° 423,
1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 29 septembre 1997, à 18 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé au début de la session ordinaire et les inscriptions de parole
devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 29
septembre 1997.)
Mercredi 1er octobre 1997 :
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
1° Ouverture de la session ordinaire de 1997-1998.
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi
des jeunes.
Jeudi 2 octobre 1997 :
A
10 heures,
à
16 h 30
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (n° 425,
1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 1er octobre 1997, à 17
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de
loi.)
Mardi 7 octobre 1997 :
A
10 h 30
et à
16 heures :
Ordre du jour prioritaire
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
portant réforme du service national (n° 426, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 6 octobre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel
il a été procédé le 23 septembre 1997 et les inscriptions de parole devront
être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 6 octobre
1997.)
Mercredi 8 octobre 1997,
à
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi portant réforme du service national ;
A
15 heures :
2° Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
(Les candidatures à cette commission devront être déposées par les groupes
au secrétariat du service des commissions le mardi 7 octobre 1997, avant 17
heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite du projet de loi portant réforme du service national.
Jeudi 9 octobre 1997 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales
non gouvernementales (n° 338, 1996-1997).
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention pour la
protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes
et deux appendices) (n° 386, 1996-1997).
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
du Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section
internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et
l'Espagne (façade méditerranéenne) (n° 201, 1996-1997).
4° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la
convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des
collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois déclarations) (n° 371,
1996-1997).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Croatie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 342,
1996-1997).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue
d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic
international (n° 341, 1996-1997).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales (n° 219, 1996-1997).
8° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres,
agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de
Slovénie, d'autre part (n° 388, 1996-1997).
9° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République de Lituanie, d'autre part (n° 392, 1996-1997).
10° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République de Lettonie, d'autre part (n° 393, 1996-1997).
11° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République d'Estonie, d'autre part (n° 394, 1996-1997).
(La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces trois projets de loi, n°s 392, 393 et 394.)
A
15 heures :
12° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
13° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL
(Application de l'article 29, alinéa 3
bis,
du règlement)
En application de l'article 29, alinéa 3
bis,
du règlement du Sénat, M.
le ministre des relations avec le Parlement a présenté à la conférence des
présidents du mardi 23 septembre 1997 la communication suivante :
Monsieur le président,
Madame, Messieurs les membres de la conférence des présidents,
J'ai l'honneur de vous communiquer, en application de l'article 29, alinéa
3
bis,
du règlement du Sénat, le calendrier prévisionnel de travail du
Sénat des six premiers mois de la session et leur période de discussion.
Comme il est d'usage et conformément à la décision du Conseil constitutionnel
du 15 décembre 1995, j'assortirai ce calendrier des réserves relatives au
caractère indicatif de cette programmation, qui ne saurait lier le Gouvernement
dans l'exercice de ses prérogatives mentionnées à l'article 48, premier alinéa,
de la Constitution.
I. - TEXTES DE LOIS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE INSCRITS À L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE
DU SÉNAT ET DONT LA DISCUSSION EST SUSCEPTIBLE D'ÊTRE ACHEVÉE AVANT LA FIN DE
1997
Première quinzaine d'octobre :
- projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes
;
- projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier ;
- projet de loi portant réforme du service national ;
- troisième lecture du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et
les cultures marines.
Deuxième quinzaine d'octobre :
- éventuellement, deuxième lecture du projet de loi organique relatif à
l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres
que les ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales ;
- projet de loi modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la
convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et
organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par
application d'une loi étrangère ;
- lecture de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur
les listes électorales.
Première quinzaine de novembre :
- projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
Deuxième quinzaine de novembre, première quinzaine de décembre :
- projet de loi de finances pour 1998 (20 novembre-9 décembre).
Deuxième quinzaine de décembre :
- projet de loi de finances rectificative pour 1997 ;
- éventuellement, diverses conventions.
II. - TEXTES DE LOI SUSCEPTIBLES D'ÊTRE EXAMINÉS
AU SÉNAT SANS ADOPTION DÉFINITIVE AVANT LA FIN DE 1997
Deuxième quinzaine d'octobre :
- projet de loi renforçant la prévention et la répression des atteintes
sexuelles commises sur les mineurs et des infractions portant atteinte à la
dignité de la personne ;
- projet de loi portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement
européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des
acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un
droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers ;
- proposition de loi portant réforme du mode de vote des budgets régionaux.
Première quinzaine de novembre :
- projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la
propriété intellectuelle.
Deuxième quinzaine de décembre :
- projet de loi relatif à la nationalité et modifiant le code civil ;
- projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et à
l'asile ;
- éventuellement, diverses conventions.
III. - TEXTES DE LOI SUSCEPTIBLES D'ÊTRE DISCUTÉS AU SÉNAT
EN JANVIER, FÉVRIER ET MARS 1998
Outre les textes évoqués
supra
dont l'examen pourrait se poursuivre en
1998, le Gouvernement envisage d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire du
Sénat les textes suivants :
- projets de loi relatifs au cumul des mandats et au renforcement des
incompatibilités ;
- projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions ;
- projet de loi relatif au droit du licenciement ;
- projet de loi relatif à la création d'une instance indépendante compétente
en matière de déontologie des forces de sécurité ;
- projet de loi relatif à la création d'une instance indépendante chargée de
se prononcer sur les demandes de levée du secret défense ;
- projet de loi relatif à la partie Législative du livre VII du code rural
;
- deuxième lecture de la proposition de loi relative au renforcement de la
veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés
à l'homme ;
- deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.
IV. - SONT SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ADOPTÉS DÉFINITIVEMENT
À LA FIN DU MOIS DE FÉVRIER 1998 LES TEXTES SUIVANTS
Projet de loi relatif à la nationalité et modifiant le code civil ;
Projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France, et à
l'asile ;
Proposition de loi portant réforme du mode de vote des budgets régionaux ;
Proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du
contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;
Projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.
Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute
considération.
Signé : Daniel Vaillant
ORDRE DE CLASSEMENT DES ORATEURS
POUR LE PREMIER DÉBAT ORGANISÉ
PAR LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Session ordinaire de 1997-1998)
Tirage au sort effectué le 23 septembre 1997
en application de l'article 29
bis
du règlement
1. Groupe du Rassemblement pour la République.
2. Groupe de l'Union centriste.
3. Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun
groupe.
4. Groupe des Républicains et Indépendants.
5. Groupe socialiste.
6. Groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
7. Groupe communiste républicain et citoyen.
NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 23 septembre 1997, le Sénat a nommé :
- M. René Rouquet membre de la commission des affaires culturelles, en
remplacement de M. Henri Weber, démissionnaire ;
- M. Henri Weber membre de la commission des affaires économiques et du Plan,
en remplacement de M. René Rouquet, démissionnaire.
ÉLECTION DE SÉNATEURS
En application des articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du 21 septembre 1997, MM. Jean Arthuis, Michel Barnier et Jean-Pierre Raffarin ont été proclamés élus sénateurs respectivement de la Mayenne, de la Savoie et de la Vienne.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE
(55 membres au lieu de 54)
Ajouter le nom de M. Jean Arthuis.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS
(42 membres au lieu de 41)
Ajouter le nom de M. Jean-Pierre Raffarin.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(87 au lieu de 86)
Ajouter le nom de M. Michel Barnier.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Stérilisation volontaire des sujets sains
33.
- 19 septembre 1997. -
M. Franck Sérusclat
interroge
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la question de la stérilisation volontaire des sujets sains. Une telle
intervention est actuellement impossible à pratiquer en France, une
jurisprudence de 1920 condamnant cette pratique comme une mutilation
volontaire. Pourtant, il s'agit, pour certaines femmes, du seul moyen de
contraception. L'impossibilité découlant de la jurisprudence aboutit alors à
des grossesses non désirées et à des interruptions volontaires de grossesse.
C'est également le mode de contraception le plus utilisé dans le monde. Le
Comité consultatif national d'éthique a indiqué, dans un rapport n° 50 du 3
avril 1996, que trois solutions sont envisageables, sans montrer de préférences
pour l'une d'entre elles : soit interdire toute stérilisation volontaire, soit
n'en pratiquer que sur proposition du corps médical, soit, enfin, laisser la
possibilité à toute personne d'utiliser cette méthode contraceptive après
information et temps de réflexion. Il lui demande quelle est sa position sur ce
sujet et s'il ne serait pas souhaitable, face à une question à laquelle les
réponses de la société apparaissent très divisées, de permettre à chacun de
choisir en conscience la solution qui emporte sa faveur.
Prévention des accidents liés aux médicaments
34.
- 19 septembre 1997. -
M. Franck Sérusclat
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la volonté de mettre en oeuvre une politique globale de prévention en
matière d'alcool au volant, mais aussi d'accidents liés aux médicaments. Ces
derniers sont nombreux et meurtriers, dans la mesure où les Français figurent
parmi les plus grands consommateurs de psychotropes et détiennent le triste
record pour les médicaments antidépresseurs. Cette consommation, alliée à celle
de l'alcool, entraîne une polytoxicomanie qui a des conséquences importantes
sur la vigilance au volant jusqu'à être à l'origine d'accidents mortels. Ne
devrait-il pas être envisagé de mener une grande campagne d'information et de
prévention, à l'instar de celles réalisées dans les pays nordiques, afin que
nos concitoyens soient réellement conscients des dangers qu'ils font courir aux
autres, mais également à eux-mêmes ? Par ailleurs, il semble indispensable
d'accentuer la formation des médecins qui prescrivent ces médicaments et
n'informent pas assez leurs patients des dangers encourus. Enfin, une
modification du conditionnement des produits neuroleptiques avec une mise en
garde claire et forte pourrait également s'avérer une mesure efficace. Il
demande au secrétaire d'Etat à la santé s'il compte prochainement engager une
politique dans ces directions, afin de continuer à faire baisser le nombre
d'accidents de la circulation.
Réglementation du droit de passage
sur le domaine public routier
35.
- 19 septembre 1997. -
M. Jean-Paul Delevoye
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
sur les conditions de mise en oeuvre des articles L. 47 et L. 48 du code des
postes et télécommunications par le décret n° 97-683 du 30 mai 1997, en ce qui
concerne les droits de passage sur le domaine public routier. Se pose en
particulier le problème du montant de la redevance maximale annuelle que les
communes seront autorisées à demander aux différents opérateurs à partir du 1er
janvier 1998, et des éléments techniques qui ont conduit à la fixation de ce
montant, soit 15 centimes par mètre linéaire. En effet, ce montant très faible
a été fortement minoré par rapport aux estimations initiales, de l'ordre de 1
franc par mètre linéaire, et cela sans qu'aucune explication n'ait été donnée
aux communes. Dans le même temps, le montant des redevances pour l'occupation
des autoroutes est resté identique aux estimations initiales, soit 10 francs et
20 francs par mètre linéaire. D'autre part, la notion « d'artère » introduite
par le décret en droit français, en matière de calcul de cette redevance, reste
insuffisamment précise et sujette à interprétation. Elle mérite donc d'être une
bonne fois pour toutes précisée. Enfin, l'instauration d'une autorisation
tacite d'occupation du domaine public en l'absence d'une réponse de la
collectivité territoriale concernée dans le délai de deux mois, quelle que soit
la taille de celle-ci, pose avec acuité le problème de la préservation de
l'intégrité du domaine public. Il lui demande donc de bien vouloir lui répondre
avec précision sur les deux premiers points et de lui indiquer les perspectives
de son action sur le troisième point, ainsi que sur la nécessaire concertation
avec les collectivités locales.
Difficultés d'accès aux fonds structurels européens
36.
- 19 septembre 1997. -
M. Michel Doublet
rappelle à
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes
que les collectivités qui souhaitent mobiliser les financements communautaires
doivent faire face à un véritable labyrinthe bureaucratique. En effet, les
procédures communautaires conjuguées aux réglementations françaises,
représentent un véritable parcours du combattant, d'autant plus que les
services instructeurs ont souvent une méconnaissance de l'ensemble du
dispositif, et qu'il faut aller glaner çà et là les informations indispensables
au montage des dossiers, sachant que les délais de financement sont
relativement longs. Il convient de rappeler que dans le budget 1997 de l'Union
européenne, les crédits d'engagement des fonds structurels représentent un
objectif de dépenses s'élevant à 28,6 milliards d'écus, soit un tiers du budget
communautaire. Leur mobilisation passe par des actions dont l'initiative
appartient soit à l'Etat membre, soit à la commission. Une fois les fonds
répartis, cette manne passe par l'administration nationale. Cette programmation
du sommet vers la base induit inévitablement des dysfonctionnements, les
difficulté de l'accès aux financements résidant le plus souvent dans l'opacité
des conditions d'attribution. Pour prendre un exemple concret, s'agissant du
Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pour la
réalisation de travaux d'hydraulique agricole et d'aménagement du marais du
département de Charente-Maritime, le pourcentage des crédits effectivement
perçus par rapport aux crédits demandés et votés est de l'ordre de 52 %. En
conséquence, il souhaiterait connaître quelles sont les intentions du
Gouvernement pour oeuvrer dans le sens d'une clarification, d'une plus grande
souplesse et d'une plus grande rapidité dans l'étude des dossiers par les
services de l'Etat, et principalement des directions régionales de
l'environnement (DIREN).
Débits de boissons en milieu rural
37.
- 19 septembre 1997. -
M. Georges Mouly
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat au budget
sur le problème régulièrement posé de la réglementation des débits de boissons
en milieu rural. Compte tenu des nombreuses contraintes actuellement en
vigueur, ce transfert se révèle toujours difficile alors que, dans les
villages, le café demeure souvent de nos jours le dernier lieu de vie. Il lui
demande donc s'il entend réformer cette réglementation ou tout au moins
l'assouplir, ce qui permettrait d'aller au-delà des lois de 1987 et 1995.
Situation de l'emploi dans le Mantois
38. - 19 septembre 1997. - M. Dominique Braye appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'emploi industriel dans le Mantois, suite à l'annonce d'un plan de restructuration à l'usine Sulzer de Mantes-la-Ville (78) qui conduirait à la suppression de 238 postes, soit 130 à 140 licenciements secs. L'entreprise Sulzer, qui produit des moteurs destinés à la construction navale et aux centrales électriques, subit aujourd'hui la loi de la mondialisation de ce marché et le nouvel actionnaire principal - un groupe finlandais - a décidé une restructuration interne de la production. Cette restructuration intervient dans un contexte local bien particulier. Ces dernières années, le tissu industriel s'y est gravement détérioré : 800 emplois détruits (Porcher, Driver Harris, Seratherm...) contre seulement une centaine de nouveaux emplois créés. Cette situation désastreuse obère lourdement les résultats attendus de la mise en place du Grand Projet urbain dont l'agglomération mantaise est bénéficiaire. Aujourd'hui les efforts acharnés des élus locaux pour créer de nouveaux emplois et les conditions d'un redémarrage économique du Mantois paraissent ainsi largement compromis. Face à cette situation dramatique, il est bien évident que ces mêmes élus locaux se mobilisent et mettent à la disposition du personnel licencié l'ensemble des structures ad hoc qu'ils ont mises en place : mission pour l'insertion socioprofessionnelle du Mantois (MISPROM) et comité d'expansion économique du Mantois. Pourtant il est absolument nécessaire que des mesures exceptionnelles soient prises par le Gouvernement, en particulier grâce à un effort significatif d'aménagement du territoire. En conséquence, il lui demande donc quelles mesures il compte prendre pour rendre rapidement le Mantois éligible à la prime d'aménagement du territoire (PAT), afin de contrebalancer de manière décisive cet effondrement de l'emploi industriel dans l'agglomération, et ainsi de redonner espoir à des acteurs locaux rudement éprouvés par l'ampleur des problèmes socio-économiques du Mantois.