M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 5, présentée par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard, les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 236, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Mélenchon, auteur de la motion.
M. Jean-Luc Mélenchon. M. le ministre a eu raison de conclure son intervention à l'issue de la discussion générale comme il l'a fait et de bien tracer la frontière qui nous sépare dans ce dossier.
Renonçant ainsi aux amalgames, à la vérité, insupportables, auxquels certains d'entre vous, mes chers collègues, s'étaient d'abord livrés - M. le ministre lui-même n'a pas su résister à la tentation de suggérer qu'en ces matières les socialistes disent une chose et en font une autre -, il a eu raison de déclarer que nous n'avons rien en commun sur ce sujet.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est vrai !
M. Michel Mercier. Heureusement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous accusons, en mesurant la gravité de notre propos, d'avoir, depuis les lois Pasqua, Méhaignerie, aujourd'hui avec la loi Debré,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce sont les lois de la République !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... ouvert en France l'ère des persécutions de masse contre les étrangers (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)...
M. Gérard Braun. C'est inadmissible !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et, comme nous l'avons montré, contre les étrangers en situation régulière et, par contamination, comme je vais le montrer dans un instant, contre les Français d'origine étrangère.
Alors, et que cela soit dit dans cette enceinte pour ceux qui ne l'auraient pas compris...
M. Jean Delaneau. C'est délirant !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... en lisant et en écoutant la presse : si une majorité se dégage en notre faveur en 1998,...
M. Jean Delaneau. Ce n'est pas parti pour cela !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... comme l'a dit et répété notre premier secrétaire, M. Lionel Jospin, nous abrogerons votre loi et nous réviserons l'ensemble du dispositif concernant l'entrée et le séjour des immigrés sur notre territoire (Applaudissements sur les travées socialistes)...
M. Jean Delaneau. M. Rocard applaudit ! Il espère peut-être être le futur Premier ministre !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... de même que les conditions d'accès à la nationalité française en rétablissant intégralement le droit du sol. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mais si, un instant, j'accepte d'entrer dans vos raisons - M. le ministre a eu des mots très émus pour dire que nous nous livrions, en particulier mon ami Robert Badinter, à une assimilation intolérable entre l'immigration clandestine et l'immigration régulière - et d'admettre que ce texte ne concerne que l'immigration clandestine, alors on peut se demander - et c'est le premier objet de ma demande de renvoi en commission - par immigration clandestine, de quoi parlons-nous ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, de quels chiffres parlons-nous ? En effet, dans ce domaine nous ne savons rien.
Il y a bien un rapport déposé par MM. Dubuisson et Léonard à l'Assemblée nationale, qui ont confirmé leurs propos dans Le Figaro du 9 mai 1996 et qui chiffrent à 800 000 le nombre d'immigrés clandestins, ce qui induirait, selon un chiffrage qui confère au tout un air pimpant de vérité, 41,6 milliards de francs de moins-values fiscales. Ce dernier chiffre a été repris par M. le ministre au cours du débat à l'Assemblée nationale, validant ainsi toute la démonstration.
S'agit-il de 800 000 personnes ou bien, selon M. Jean-Pierre Philibert, de 300 000 à 500 000 personnes ? Voilà deux estimations variant du simple au double !
On peut en chercher ailleurs. Le Monde, citant le Bureau international du travail, fait état de 350 000 personnes. La direction du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins parle de 180 000 personnes. Son patron, Robert Broussard, que personne ne prend pour un plaisantin, a confirmé le chiffre dans une interview à La Vie catholique. Vous voyez que nous avons cherché nos sources partout ! (Rires et exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux. Vous avez de bonnes lectures, monsieur Mélenchon, sauf que cela ne s'appelle plus La Vie catholique !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dès lors, mes chers collègues, je vous demande de mesurer la gravité de la question : sommes-nous en train de légiférer pour 800 000 personnes ou pour 180 000 personnes ? Nous n'en savons rien !
Disposons-nous de quelques données de base chiffrées qui nous permettraient de nous éclairer en la matière ?
Nous connaissons, par exemple, le nombre d'étrangers mis en cause par la police et la gendarmerie pour infraction à la police des étrangers, qui est de 46 961. Vous pourrez me rétorquer que, les clandestins et les irréguliers étant ce qu'ils sont, on ne les attrape pas tous.
Si l'on suit MM. Dubuisson et Léonard, il y a donc 750 000 personnes qui errent et ne sont jamais capturées, à moins que ce ne soit seulement 250 000 ou 300 000 personnes ou tout simplement 140 000. Bref, on n'en sait strictement rien.
Une autre donnée de base peut être proposée : le nombre de personnes qui ont été expulsées. A cet égard, je citerai le chiffre de 1994. On peut évidemment imaginer un écart entre le nombre de ceux que l'on saisit et ceux que l'on parvient à expulser. Ce nombre, qui a atteint 12 020 pour 1994, est à comparer aux 800 000.
Attention, monsieur le ministre,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je suis attentif !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... car, suivant le chiffre que vous choisirez, vous situerez le niveau de vos performances !
M. Jean-Louis Debré ministre de l'intérieur. Je ne fais jamais état de mes performances.
M. Jean-Luc Mélenchon. En effet, si, comme vous vous êtes laissé aller un instant à le confirmer, vous acceptez l'idée de la moins-value fiscale résultant du chiffrage de ceux qui prétendent qu'il y a 800 000 clandestins irréguliers dans le pays, avec vos 12 020 expulsions, vous ne réalisez par an que 1,5 % du travail à effectuer et, pour en venir à bout, il vous faudra soixante-six ans ! (Rires et applaudissements sur les travées socialistes.)
On peut évoquer encore une autre évaluation, celle que vous nous avez jetée tant de fois à la figure. Nous aurions, en 1982, procédé à des régularisations inconscientes et de masse. Combien de fois n'avez-vous pas décrit ce tableau cauchemardesque des hordes d'irréguliers régularisés par les socialistes !
M. Henri de Raincourt. Cela représente 130 000 personnes !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, avec 130 000 personnes, selon vos accusations, on aurait éclusé le stock des irréguliers qui s'étaient accumulés pendant les dix années précédentes.
Dès lors, quelles raisons auriez-vous de penser aujourd'hui, alors que l'on constate une diminution des flux migratoires, que le stock des irréguliers irait, lui, en augmentant ?
A partir de là, nous pouvons légitimement nous demander, en nous appuyant sur quelques données chiffrées, à combien vous pourriez estimer, en partant de la base de 800 000 personnes, c'est-à-dire d'une région entière, à moins que ce ne soit 250 000, 180 000, 130 000 - ceux qui se sont incrustés dans la clandestinité et l'irrégularité et qu'il faudrait maintenant pourchasser.
Lorsque vous avez eu à délibérer sur le point de savoir s'il fallait ou non régulariser ceux qui se trouvent depuis quinze ans en situation irrégulière, vous avez donné le chiffre de 45 ! Voilà le bilan cumulé des irréguliers de la gestion socialiste !
Vous devinez, bien sûr, que de tels écarts de chiffres disqualifient tous les chiffrages dont nous disposons. Et pourtant, c'est bien de la manière de traquer l'immigration clandestine que nous discutons ! Et personne ne s'est soucié de dire à combien s'élève le niveau de la délinquance que nous prétendons réprimer !
Est-ce une bonne méthode de travail ? C'est, à mon avis, plutôt le signal de la mystification qui est en cours.
Je concède que les meilleurs esprits finissent par s'y perdre ou, pire, finissent par s'y laisser prendre. Je citerai Laurent Joffrin,...
M. René-Georges Laurin. Grand homme de droite !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... dont je ne suis pas séparé par une distance philosophique immense, vous en conviendrez ! Lui aussi estime que le chiffre est élevé : il accepte le chiffre de 200 000. Pourquoi ?... Je vais vous le dire ! « Le chiffre est élevé, dit-il. Il sera contesté par beaucoup de spécialistes, mais adoptons-le pour éviter les polémiques statistiques. »
Le Parlement doit-il, lui aussi, pour éviter les polémiques statistiques, partir de l'idée du consentement mutuel qui fait qu'il suffit que, dans une salle, vienne quelqu'un qui parle de 800 000 et un autre de 180 000 pour qu'on coupe la poire en deux et qu'on dise finalement, cela fait environ 200 000 ?
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas la poire en deux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Est-ce prouvé ou non, personne n'en sait rien ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Et c'est au nom de ces fantasmes que l'on va pourchasser toute une population et déstabiliser des gens qui vivent ou qui essaient de vivre dignement leur vie de réguliers !
Notre assemblée ne doit pas admettre de délibérer sur des chiffres qui n'en sont pas car la vérité ne peut pas procéder du consentement, ou alors Galilée aurait eu tort !
S'il y a 800 000 clandestins et même s'il n'y en a que 350 000, le problème est considérable. C'est un problème considérable, et c'est un problème insoluble.
C'est bien ce qu'ont compris les Italiens lorsqu'ils ont régularisé 230 000 personnes. En effet, monsieur le ministre, je vous pose la question : quels moyens matériels comptez-vous utiliser après que votre excellente loi...
M. Jean Delaneau. Je ne vous le fais pas dire !
M. Emmanuel Hamel. Vous reconnaissez vous-même qu'elle est excellente.
M. Jean-Luc Mélenchon. ... vous aura donné tous les moyens juridiques d'appréhender, d'expulser, pour organiser le transfert d'une population dont vous pensez qu'elle est entre 800 000 et 200 000 personnes. Combien de charters, de trains, de bateaux, d'avions faut-il affréter pour régler le problème avec les méthodes que vous proposez d'utiliser ?
Tout cela souligne assez l'absurdité de l'argument selon lequel tout n'aurait été prévu que pour parer au fléau de l'immigration irrégulière et clandestine.
Une deuxième question pourrait être à bon droit évoquée par la commission, si elle voulait sortir de l'air du temps : pour quelle raison la proportion de clandestins se serait-elle accrue tandis que le nombre d'immigrés diminuait, comme l'a établit le dernier rapport de l'INSEE sur le sujet ?
M. Jean Delaneau. La sédimentation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il peut y avoir une raison : que vous ayez réussi à transformer en irréguliers un nombre considérable de gens qui, jusque là, étaient réguliers ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Eh bien oui, vous y êtes parvenu, mais pas au point d'en fabriquer 800 000, 350 000 ou 400 000, selon l'humeur du moment, car je crois que le tam-tam qu'aurait évoqué Charles Pasqua a eu le temps de faire le tour de la planète mais, hélas ! de bien triste manière pour l'image de notre pays.
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où, en définitive, c'est l'immigration régulière elle-même qui se trouve déstabilisée, on devrait maintenant se demander jusqu'à quel point la décrue de l'immigration ne posera pas un problème pour l'avenir démographique et économique de notre pays. Autrement dit, avons-nous réellement toutes les raisons de nous réjouir de cette décrue qui va à rebours des prévisions des experts, notamment lorsqu'ils affirment que 40 % de l'augmentation de la population de notre pays est due à l'apport de l'immigration, ce qui représente 12 millions de nos concitoyens ?
On doit se poser cette question, mais on doit surtout renoncer à l'équation simpliste que les députés de la majorité n'ont pu s'empêcher de poser et qui consiste à rapprocher la proportion d'immigrés dans la population et le taux de chômage. C'est une absurdité qui ne résiste pas une seconde à l'analyse économique.
Mais, après tout, si vous aimez rapprocher les chiffres, voyons ce qu'il en est !
En Europe, le pays qui a la plus faible proportion d'immigrés par rapport à la population totale est l'Espagne ; or celle-ci compte 22 % de chômeurs. Et le pays qui a la plus forte proportion d'immigrés par rapport à sa population totale, 17 %, est la Suisse, qui enregistre par ailleurs le plus faible taux de chômage en Europe.
Si ce rapprochement ne suffit pas, qu'au moins le bon sens économique vienne soutenir la réflexion ! L'économie est un système global, dans lequel on ne peut pas séparer le nombre des producteurs du nombre des consommateurs, où l'on ne peut établir une équivalence entre les emplois, où l'on ne peut pratiquer aucune substitution qui, au bout du compte, ne se révèle économiquement perverse, ainsi que le savent tous ceux dont la région abritait une forte communauté d'immigrés qu'on a renvoyée chez elle ; je pense là à ce qui s'est passé dans l'Est de la France lorsqu'un important contingent de population d'origine turque a été renvoyé dans son pays.
Et pourtant, vous, monsieur le ministre, vous n'avez pas hésité à dire qu'en combattant l'immigration irrégulière, clandestine, vous participiez à la lutte globale du Gouvernement pour l'emploi. Or c'est une absurdité ! D'abord, parce que les personnes interpellées pour effectuer du travail « dissimulé » - comme on dit désormais pour ne pas parler de « travail clandestin » - ne représentent que 10 % du total des infractions constatées dans ce domaine. Ensuite, parce que vous ne substituerez jamais les uns aux autres ; n'importe quel professeur d'économie pourrait le confirmer.
C'est le moment d'aller vers ma conclusion. (Ah ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Je n'osais pas encore vous le demander, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous ne vous en prenez qu'à l'immigration clandestine, mais la preuve du contraire est apportée par le texte lui-même !
M. Jean Chérioux. C'est totalement ridicule !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si l'on n'avait à traiter que de l'immigration clandestine, pourquoi y aurait-il dans ce texte un article qui prévoit de remettre en cause le caractère automatique du renouvellement de la carte de dix ans ? Et la commission pourrait d'ailleurs se poser aussi cette question.
Là, il s'agit de réguliers, de personnes qui sont en France depuis dix ans. On a déjà privé la commission de tout rôle consultatif, de toute possibilité de formuler ne serait-ce qu'un avis. Et maintenant, ces personnes sont soumises au règne du guichet ! Des pyramides de consultations entre fonctionnaires vont décider du sort de personnes placées sous la menace comme une véritable épée de Damoclès, de, précisément, relever de la menace, de troubler l'ordre public.
Or, nous le savons, le trouble à l'ordre public est une notion des plus confuses, qui commence par l'expression de ses sentiments lorsque l'on trouve sur le pare-brise de sa voiture un procès-verbal pour mauvais stationnement.
Quoi qu'il en soit, et sans entrer davantage dans des arguments que nous avons déjà présentés à plusieurs reprises à cette tribune, c'est vous, chers collègues de la majorité, qui, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, avez sans relâche confondu les deux débats ! Et dans quels termes !
A l'Assemblée nationale, on n'a pas hésité...
M. le président. Maintenant, il faut conclure, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus, monsieur le président.
M. le président. Mais il faut conclure vraiment !
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, je vous ferai grâce de ce qui s'est dit à l'Assemblée nationale, pour n'évoquer que ce qui a été exprimé ici, par certains de nos collègues.
Car c'est bien ici que M. Bonnet, dans une argumentation qui, paraît-il, n'aurait dû concerner que l'immigration clandestine, s'est senti obligé de rappeler que l'immigration du passé pouvait être assimilée parce qu'elle était d'origine judéo-chrétienne tandis que celle qui arrive maintenant ne le pourrait pas ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a effectivement dit cela !
M. le président. Cette fois, mon cher collègue, il faut conclure !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je conclus !
C'est à cette même tribune que M. Balarello a évoqué le risque que feraient courir à notre communauté nationale ceux des jeunes gens qui auraient la possibilité d'effectuer leur service militaire dans d'autres pays et qui auraient un avantage décisif, ensuite, par rapport aux jeunes Français pour disséminer les idées extrémistes.
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous demande de conclure dans les secondes qui viennent !
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh bien, ma conclusion sera d'autant plus abrupte que je n'ai pas le temps d'y mettre les formes.
Pour l'honneur des miens, tant de fois cités à cette tribune à contresens, j'affirme que nous n'avons aucune responsabilité dans la montée des sentiments que vous encouragez aujourd'hui : les « mauvaises odeurs », c'est M. Jacques Chirac ; l'« invasion », c'est M. Giscard d'Estaing ; et les « valeurs communes », c'est M. Pasqua. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Masson, rapporteur. Et la « misère du monde », qui est-ce ?
M. le président. Y a-t-il un orateur contre ? ...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a ceux qui font des amalgames ; il y a les bons avocats et les mauvais procureurs.
M. Bernard Piras. Et les mauvais ministres !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. En vous écoutant, monsieur Mélenchon, j'ai découvert en vous, certains diraient un brillant manipulateur,...
M. Bernard Piras. C'est vous qui êtes un manipulateur !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... moi, je dirai un brillant jongleur ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Maurice Lombard. Un brillant escroc !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à M. le ministre et à lui seul.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Permettez-moi, monsieur Mélenchon, de vous remercier de penser que je pourrais rester encore soixante-six ans au ministère de l'intérieur. Je quitterais donc alors la Place Beauveau à cent seize ans ! (Sourires.) Ce n'est pas raisonnable, monsieur Mélenchon, mais je vous remercie quand même d'y avoir pensé parce que cela veut dire que vous n'imaginez pas le retour au pouvoir des socialistes avant 2057. Voilà une très bonne nouvelle pour les Français ! (Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Piras. C'est de l'humour facile !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. S'agissant des chiffres de l'immigration clandestine, monsieur Mélenchon, vous pouvez toujours gloser, mais vous savez très bien que, par définition, il n'y a pas de certitudes en ce domaine.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Piras. Il l'a dit lui-même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Au demeurant, votre présentation se disqualifie elle-même, car elle mélange, de manière très habile, je le reconnais, les flux annuels d'étrangers en situation irrégulière qui ont été effectivement contrôlés et la photographie de la population en situation irrégulière à un moment donné.
La vérité oblige à parler d'estimations.
Il est certain, en tout cas, qu'un plancher peut être fixé, par référence au nombre d'étrangers qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans avoir pu être effectivement éloignés. Ce plancher est d'au moins 200 000 personnes. Mais je crains fort que cela ne soit que la partie immergée de l'iceberg !
M. Guy Allouche. Emergée !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Iceberg ? Encore un étranger !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, je vous trouve bien discipliné ce soir. En temps normal, vous vous seriez déjà levé pour faire un drame. Il faut croire que vous êtes heureusement calmé !
En fait, monsieur Mélenchon, que ce soit par résignation ou par idéologie, vous ne voulez pas mettre en échec l'immigration irrégulière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Claude Estier. Vous répétez toujours la même chose !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui donc a inventé le certificat d'hébergement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Voilà tout ce qui nous sépare. Encore une fois, les Français jugeront. Vous, vous êtes pour le laisser-faire, vous êtes pour laisser venir les étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou qu'ils soient en situation irrégulière, et comme, dès lors, la loi n'est pas appliquée, vous n'êtes pas de bons défenseurs de la Républlique ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Piras. C'est faux ! Vous êtes un démagogue !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Articles additionnels avant l'article 1er