M. le président. « Art. 6. - Pendant le délai de recours contentieux, l'autorité administrative peut retirer, pour illégalité, toute décision implicite d'acceptation née du silence par elle gardé.
« Au cas où un recours contentieux a été formé, le retrait peut s'exercer pendant la durée de l'instance. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 40, MM. Mahéas et Régnault, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 15, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
« 1° Pendant le délai du recours contentieux ouvert aux tiers, lorsque les mesures prévues pour assurer leur information ont été mises en oeuvre ;
« 2° Pendant un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision ou, sans délai, à la demande d'un tiers intéressé, lorsque les mesures d'information prévues n'ont pas été mises en oeuvre ;
« 3° Pendant un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décison, lorsqu'aucune mesure d'information n'est prévue ;
« 4° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé.
La parole est à M. Mahéas pour défendre l'amendement n° 40.
M. Jacques Mahéas. Je propose de supprimer l'article 6. Actuellement, l'administration ne peut reprendre une décision implicite d'acceptation illégale que si celle-ci a fait l'objet d'une publicité, et pendant le délai de recours contentieux.
Dans l'hypothèse où la décision n'a pas fait l'objet d'une mesure d'information des tiers et qu'elle ne peut plus être retirée - en effet, la jurisprudence exclut toute possibilité de retrait, même pendant le délai de recours contentieux - le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale fait naître une insécurité juridique pour le bénéficiaire d'une décision dans la mesure où il autorise l'administration à retirer pour illégalité des décisions implicites d'acceptation dans le délai de recours contentieux ou pendant la durée de l'instance en cas de recours, que ces dispositions aient fait ou non l'objet de mesures de publicité.
Le droit et la jurisprudence actuels nous paraissent plus protecteurs des droits des usagers et plus responsabilisants pour l'administration. Telles sont les raisons qui motivent notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 40 et pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 40, car il est contraire à la position qu'elle a adoptée à travers l'amendement n° 15, dont je vais exposer l'objet.
L'article 6 définit le régime applicable au retrait d'une décision implicite d'acceptation entachée d'illégalité.
Lorsqu'une décision implicite d'acceptation illégale n'a pas fait l'objet des mesures d'information requises, la commission propose que la possibilité de repentir ouverte à l'administration soit limitée dans le temps.
En effet, dans le projet de loi initial, comme dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, le retrait de la décision reste, dans ce cas, possible à tout moment. Or un tel dispositif est préjudiciable à la stabilité de la situation juridique du bénéficiaire de la décision et permettrait à l'administration de s'exonérer de la mise en oeuvre des mesures d'information pour se ménager la possibilité de retirer, à tout moment, une décision entachée d'illégalité.
L'amendement n° 15 prévoit ainsi la possibilité pour l'administration de retirer spontanément la décision pendant un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle est intervenue. Au-delà de cette date, le retrait ne serait possible sans délai qu'à la seule demande d'un tiers intéressé qui estimerait ses intérêts lésés.
Cette solution permet de concilier trois impératifs. Il s'agit, tout d'abord, d'assurer le respect de l'ordre public en offrant à l'administration la possibilité de retirer de sa propre initiative une décision entachée d'illégalité pendant un certain laps de temps seulement.
Il s'agit, ensuite, de préserver les droits des tiers. Ceux-ci disposent d'une possibilité de recours illimité dans le temps et ils conservent la faculté de demander le retrait de la décision à tout moment pour éviter une procédure contentieuse.
Il s'agit, enfin, de garantir la stabilité de la situation juridique du bénéficiaire de la décision, sous réserve du respect des droits des tiers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 40 et 15 ?
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15.
En effet, l'Assemblée nationale avait préféré une rédaction synthétique qui posait le principe du retrait des décisions implicites d'acceptation entachées d'illégalité alors que le projet de loi visait à expliciter un domaine qui est, d'un point de vue juridique, assez complexe.
A cet égard, l'amendement n° 15 pousse cette logique d'explicitation jusqu'au bout et envisage les différentes hypothèses qui peuvent survenir.
En outre, sur le fond, cet amendement tend à limiter dans le temps la faculté de retrait offerte à l'administration lorsqu'elle n'a pas mis en oeuvre les mesures d'information des tiers prévues par les textes. Il s'agit ainsi d'éviter que l'administration ne se ménage un droit de repentir illimité dans le temps au détriment de la sécurité juridique. Tel est l'objet du troisième alinéa de l'amendement n° 15. A cet égard, le projet de loi ne prévoyait pas cette limitation, qui est légitime. Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 de la commission.
En conséquence, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 40 dans la mesure où il est indispensable de rééquilibrer le droit existant en faveur du respect de la légalité. Il faut aussi préserver celle-ci en donnant à l'administration la possibilité, pendant une période limitée, de revenir sur des décisions implicites d'acceptation illégales qu'elle aurait pu laisser naître à tort.
Ainsi, l'amendement n° 15 de la commission me semble finalement répondre au souci exprimé par M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Il s'agit effectivement d'une amélioration.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me félicite de l'amendement n° 15 de la commission. Je me demande toutefois s'il résoudra tous les problèmes auxquels peuvent être confrontés certains de nos concitoyens.
J'ai personnellement vécu dans mon département une situation un peu similaire, qui a eu des conséquences dramatiques pour le chef d'une entreprise de transport. La préfecture lui ayant indiqué que le renouvellement de son permis de conduire « super-lourds » ne posait pas de problème, il a aussitôt investi afin de développer son activité. Or, quelques mois plus tard, l'administration préfectorale l'a informé par écrit qu'il ne pouvait pas bénéficier de ce renouvellement. Certes, ce cas de figure est peut-être marginal, mais il montre bien que le comportement de l'administration peut parfois avoir des conséquences dramatiques pour certaines entreprises.
Qu'est-il advenu ? En dépit de nos interventions, le préfet, dont le rôle est de faire appliquer la loi, n'a pas pu donner satisfaction à ce transporteur.
Les dispositions proposées par la commission permettront de résoudre des situations de ce type, mais peut-être pas toutes. Je voulais donc attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre, en vous citant cet exemple que j'ai vécu. Il faudra être vigilant, notamment en ce qui concerne l'attitude des différentes administrations à l'égard de nos administrés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Article 7