AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE
LES ADMINISTRATIONS ET LE PUBLIC
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 181, 1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'amélioration des relations entre
les administrations et le public [Rapport n° 218 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la réforme de l'Etat constitue l'un des grands chantiers de ce
septennat et l'une des deux principales priorités fixées par le Président de la
République pour l'année 1997. J'ai pu en évoquer les principes devant vous à
l'occasion du débat budgétaire ; mais vous n'avez pas eu encore à vous
prononcer sur un texte. En effet, l'organisation de l'Etat et son
fonctionnement relevant principalement du domaine réglementaire, les premières
réformes engagées par le Gouvernement n'avaient pas à se traduire par des
mesures législatives immédiates.
Le projet de loi qui vous est soumis constitue donc le premier support
législatif de la réforme de l'Etat.
Depuis plus de vingt ans, un certain nombre de réformes importantes ont été
mises en oeuvre pour faciliter le contact entre l'administration et le public,
pour rendre l'administration plus transparente et plus ouverte aux
préoccupations du citoyen. La création du Médiateur et l'extension de ses
pouvoirs, les dispositions prises pour conduire l'administration à communiquer
ses décisions et à mieux les motiver, la protection des individus contre les
déviations possibles des nouvelles technologies, notamment l'informatique, ou
encore l'amélioration des conditions d'accès au juge, toutes ces mesures et
d'autres encore, comme la décentralisation, ont modifié la relation
traditionnelle d'autorité et ont contribué à faire évoluer les esprits.
Mais, parallèlement, pour répondre à la demande de nos concitoyens,
l'intervention de l'Etat et des collectivités publiques s'est considérablement
développée. Alors que le rythme des évolutions technologiques s'amplifie, que
le monde, la France et les Français évoluent, l'Etat doit pourvoir aux besoins
de plus en plus variés des citoyens sur l'ensemble du territoire :
l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, la protection sociale, le
logement, la sécurité, etc. A l'évidence, il est l'un des principaux recours
dans une société qui se cherche des repères.
Dans ce contexte, il faut bien reconnaître que trop peu a été entrepris ces
dix dernières années pour faire progresser les droits des citoyens dans leur
rapports avec l'administration. Or, l'Etat doit non seulement suivre, mais
également anticiper les évolutions sociales. Dans une société et une économie
de plus en plus complexes, les pouvoirs doivent être plus répartis, plus
équilibrés. Les partenaires sociaux, les associations, les entreprises aspirent
légitimement à participer davantage et plus librement à la vie de la nation.
Les forces d'initiative sont formidables sur le terrain. Pourtant,
l'impression qui prévaut est celle d'un blocage, tout au moins d'une série
d'entraves qui viendraient de l'Etat. L'image de ce dernier s'est quelque peu
brouillée et, de fait, on lui impute toutes les difficultés traversées par la
société française.
Sans doute faut-il mieux tirer parti de la compétence remarquable de notre
fonction publique. Il est de la responsabilité de l'Etat de donner aux
fonctionnaires des instructions claires et efficaces, de mobiliser leurs
énergies sur les enjeux essentiels.
La réforme de l'Etat vise précisément à libérer la capacité créatrice de
l'administration pour la mettre à disposition des forces vives de notre pays.
Elle concourt ainsi à la grande ambition de modernisation et d'adaptation de la
France aux défis de notre temps, en rendant à l'administration sa vocation
première : placer le citoyen au coeur du service public.
Avant de vous indiquer l'économie et la portée du projet de loi, sur lequel la
commission des lois et M. le rapporteur ont effectué un travail remarquable, je
souhaite tracer la perspective de la réforme de l'Etat dont ce texte sera la
première pièce législative.
La réforme de l'Etat a été lancée par une circulaire du Premier ministre en
date du 26 juillet 1995, fixant les grands axes de cette réforme et une
méthodologie. Puis, ont été mis en place le comité interministériel pour la
réforme de l'Etat et le commissariat à la réforme de l'Etat, créé par le décret
du 13 septembre 1995.
Un intense travail interministériel a ensuite été conduit dès le dernier
trimestre 1995, avec l'appui technique du commissariat à la réforme de l'Etat.
Il a permis l'élaboration d'un document de travail esquissant des pistes de
réforme, document qui a été soumis à une très large concertation au début de
l'année 1996.
L'ensemble des partenaires de l'Etat a ainsi été associé durant plusieurs mois
à sa réforme, et les organisations représentant les personnels, les usagers des
services publics, les organisations patronales, les institutions consulaires,
les associations d'élus et plusieurs centaines de personnalités qualifiées nous
ont apporté leur point de vue. J'ai moi-même conduit le plus souvent ces
discussions qui, à Paris comme en province, ont été enrichissantes et
passionnantes. Chaque membre du Gouvernement y a impliqué l'administration dont
il a la responsabilité, et les préfets ont effectué à ma demande un travail
considérable. Plus de 10 000 personnes ont été associées à ce travail.
Ainsi, le comité interministériel du 29 mai 1996 a pu, à partir de l'ensemble
des propositions, arrêter le programme de réforme de l'Etat. Depuis, nous
travaillons activement à sa mise en oeuvre.
Quels sont les principes et les objectifs de la réforme ?
Je tiens à rappeler, en premier lieu, que la réforme de l'Etat n'a ni pour
objet ni pour effet de toucher au statut de la fonction publique ou de porter
atteinte aux principes fondamentaux qui constituent le socle de la conception
française du service public et auxquels le Président de la République a, encore
récemment, rappelé notre attachement.
En France, c'est autour de l'Etat que s'est construite l'unité nationale.
Depuis plus de cent vingt ans, le régime républicain est le garant de la
cohésion sociale, de l'accès de tous aux grands services publics, du respect du
droit et de la défense des intérêts de la France dans le monde.
Pour défendre ce modèle, auquel nos concitoyens sont attachés, il faut faire
en sorte que l'Etat s'adapte pour être toujours plus performant. C'est un
impératif majeur face aux fléaux qui, tels le chômage et l'exclusion, nous
frappent durement, menacent la cohésion sociale et font le lit des extrémismes
que, dans leur immense majorité, les Français repoussent.
Cette régénération est le sens profond de la réforme de l'Etat. Les mesures
engagées à cette fin peuvent être regroupées autour de trois objectifs
prioritaires : un Etat plus simple et plus rapide, un Etat plus proche, un Etat
plus moderne et plus responsable.
En ce qui concerne l'objectif de simplicité et de rapidité, je tiens à
souligner le fait que nos concitoyens sont trop souvent rebutés par l'extrême
complexité des structures et des procédures publiques.
Simplifier l'Etat, c'est, d'abord, lutter contre l'inflation des textes et la
complexité des procédures.
Un programme général de codification a été adopté voilà près d'un an, afin de
codifier d'ici au 31 décembre 2000 la totalité des textes applicables.
Plusieurs codes sont parus ou en voie de parution. L'année dernière, le code
général des collectivités territoriales est entré en vigueur.
Dans la même perspective de simplification, une étude d'impact des formalités
nouvelles et des coûts accompagne depuis le 1er janvier 1996 chaque projet de
loi transmis au Parlement. Un bilan de cette procédure est en cours afin d'en
renforcer l'efficacité.
Par ailleurs, après un considérable travail de recensement, qui a permis de
dénombrer plus de 4 200 régimes d'autorisations administratives préalables, la
simplification a démarré : les textes permettant la suppression ou la
simplification de 300 procédures, avec le passage au régime déclaratif ou à la
règle de l'accord tacite, sont prêts. Un projet de loi portant diverses mesures
de simplification administrative sera présenté au Sénat dans les prochaines
semaines : il vient d'être soumis au Conseil d'Etat.
Avec le concours des ministres responsables, d'autres mesures de
simplification seront réalisées ou expérimentées au cours de l'année 1997, en
matière de formalités d'état civil ou de permis de construire, par exemple.
Simplifier l'Etat, c'est, en second lieu, accélérer les décisions et le
fonctionnement de l'administration.
J'évoquerai, à cet égard, quelques mesures effectives depuis le 1er janvier
1997.
Tout d'abord, toute entreprise ayant une créance non contestée sur l'Etat et
non payée dans le délai normal de quarante-cinq jours peut, sur simple
réclamation auprès du préfet ou du ministre, être payée dans les quinze
jours.
Ensuite, dans une vingtaine de préfectures, des passeports et des cartes
grises sont délivrés immédiatement : c'est le service « titre-express ». Cette
procédure rapide devrait être étendue à toutes les préfectures d'ici à la fin
de l'année.
Enfin, dans une centaine de sites administratifs - préfectures,
sous-préfectures, services fiscaux et perceptions - il est possible de payer
une somme due à l'Etat par carte bancaire. Un millier de sites seront équipés
avant la fin de cette année.
Le deuxième objectif prioritaire de la réforme de l'Etat est l'instauration
d'un Etat plus proche des citoyens.
La décentralisation a conféré des responsabilités éminentes aux collectivités
locales. L'Etat a cependant maintenu une procédure excessivement centralisée à
laquelle se heurtent à la fois le citoyen et l'élu local. Elle ralentit les
décisions et empêche parfois leur adaptation fine aux situations concrètes.
Aussi la déconcentration est-elle une exigence impérieuse. Il importe que les
décisions soient prises au plus près des personnes concernées.
Plusieurs décisions majeures ont déjà été arrêtées pour rapprocher l'Etat des
Français.
Tout d'abord, en application du décret du 15 janvier 1997, à compter du 1er
janvier 1998, la totalité des décisions administratives individuelles seront
prises par les autorités locales de l'Etat, en principe le préfet. Les
ministres et les administrations centrales pourront ainsi se concentrer sur
leur rôle : fixer la stratégie et les orientations des politiques publiques,
les évaluer, élaborer les textes législatifs et réglementaires nécessaires à
leur mise en oeuvre. Cette évolution radicale du service public viendra
utilement compléter, je crois, les dispositions du projet de loi, notamment de
son titre Ier, que je vous présenterai dans un instant.
En deuxième lieu, toujours en matière de déconcentration, les autorités
locales de l'Etat disposeront de crédits plus importants, d'utilisation plus
souple et délégués plus rapidement. Elles pourront ainsi s'engager plus vite
vis-à-vis des entreprises ou des associations.
En troisième lieu, la gestion des ressources humaines de l'Etat et le dialogue
social vont être largement déconcentrés.
Les décrets permettant cette déconcentration devraient être applicables avant
la fin du premier trimestre 1997. Ainsi, la mobilité territoriale pour les
membres des corps issus de l'ENA s'appliquera dès la promotion sortant le 1er
avril prochain. Enfin, la mise en place d'un congé « formation-mobilité »
permettra de donner satisfaction aux fonctionnaires qui souhaitent changer de
métier, au sein de la fonction publique.
Nous entendons - c'est notre troisième objectif - créer un Etat plus moderne
et plus responsable.
Pour mieux mettre l'Etat en adéquation avec la société, il faut alléger ses
structures et donner à ses fonctionnaires plus de responsabilités, leur faire
en quelque sorte davantage confiance. Ainsi, la réforme deviendra à la fois une
réalité et un état d'esprit.
Plusieurs grands chantiers sont engagés à cette fin, et tout d'abord la
réforme des services centraux et des services régionaux et départementaux.
Afin de mieux répondre aux besoins là où ils existent, il convient de modifier
la structure et le fonctionnement de ces services, qui regroupent environ 400
000 des 2 100 000 agents de l'Etat. En effet, la majorité des fonctionnaires
travaillent dans des services de proximité, en contact direct avec le public :
établissements d'enseignement, commissariats, tribunaux, perceptions.
A cette fin, je vous confirme que la mise en oeuvre effective de la
réorganisation des administrations centrales s'effectuera d'ici à l'été 1997.
Elle se traduira par une baisse sensible des effectifs grâce, d'une part, au
transfert des fonctions opérationnelles aux services déconcentrés et aux
services à compétence nationale et, d'autre part, grâce à des gains de
productivité.
Par ailleurs, nous mettrons en place une nouvelle organisation des services
départementaux et régionaux de l'Etat. Sur la base d'un décret
d'expérimentation en cours de préparation, celle-ci pourrait commencer au
printemps, dans une dizaine de départements et de régions, avec quelques
priorités : l'aménagement de l'espace, la sécurité de l'alimentation, la lutte
contre l'exclusion, le développement économique.
La réforme de la gestion publique passera d'abord par la poursuite de la
modernisation de la procédure de préparation du budget de la nation, entamée en
mai 1996 avec le débat d'orientation budgétaire au Parlement.
J'ajouterai que plusieurs orientations ont été prises pour la préparation du
budget de 1998. Les crédits gérés de façon déconcentrée seront inscrits sur des
chapitres spécifiques, ce qui les « protégera » plus efficacement. Le taux de
déconcentration des crédits de chaque ministère sera ainsi indiqué au
Parlement, et il devra augmenter significativement de 1997 à 1998.
Nous moderniserons également les modalités d'exécution du budget en allégeant
le contrôle financier central et en expérimentant les contrats de service. Ces
contrats conféreront un budget global à un service déconcentré et pourront
prévoir un mécanisme d'intéressement du service et de ses agents aux économies
réalisées : une dizaine de services départementaux ou régionaux seront bientôt
concernés, notamment au ministère de l'équipement, à l'éducation nationale et
au ministère de l'industrie.
Nous instaurerons, par ailleurs, une véritable gestion du patrimoine de
l'Etat, grâce à la création d'une comptabilité patrimoniale. Des
expérimentations portant sur la gestion du patrimoine immobilier vont être
lancées avant la fin de l'année dans quelques départements.
Enfin, les nouvelles technologies de l'information s'introduisent chaque jour
davantage dans le fonctionnement des administrations : elles y facilitent le
travail des fonctionnaires et améliorent les services rendus aux usagers. Les
formations seront développées dans ce domaine pour aider les fonctionnaires à
s'adapter à ces nouvelles technologies.
Ainsi, le premier semestre 1997 verra la réalisation ou l'engagement décisif
de la totalité des réformes prévues, qu'il s'agisse de changements simples et
concrets intéressant la vie quotidienne de nos concitoyens ou de chantiers de
réformes de structures de plus longue haleine.
D'ici au printemps prochain, une charte des citoyens et des services publics
rappellera les droits traditionnels ou nouveaux des citoyens vis-à-vis des
administrations et des services publics.
Mesdames, messieurs les sénateurs, venons-en maintenant à l'économie et à la
portée de ce projet de loi, qui correspond, je le disais tout à l'heure, à
l'une des toutes premières préoccupations du Gouvernement, à savoir la
situation des usagers des différents services publics administratifs.
En effet, lorsqu'on interroge aujourd'hui nos concitoyens sur leur perception
de l'Etat, on s'aperçoit que, globalement, les administrations leur paraissent
lointaines et souvent indifférentes. Il leur est reproché de ne pas répondre
aux demandes ou de le faire très lentement, d'être trop cloisonnées, enfin de
ne pas être suffisamment à l'écoute de leurs usagers.
Aussi l'idée majeure inspirant le projet de loi qui vous est soumis est-elle
de rapprocher les administrations du citoyen, de rendre celles-là à celui-ci en
réformant les procédures, en développant la médiation et en aménageant les
services.
Cette volonté sous-tend les trois volets du texte, qu'il s'agisse des
dispositions du titre Ier sur le régime des décisions administratives, de
celles du titre suivant relatives au Médiateur de la République, ou enfin de
celles du titre III concernant les « maisons des services publics ».
Les dispositions du titre Ier prévoient un régime des décisions
administratives largement amélioré par rapport à l'état du droit existant.
En effet, à l'heure actuelle, ce régime n'est pas satisfaisant,
essentiellement de deux points de vue. D'une part, le droit n'est pas unifié ;
il est donc une source de complexité supplémentaire. D'autre part, un certain
nombre de principes et de délais sont désuets.
Aussi le régime des décisions administratives doit-il être simplifié par une
harmonisation des règles applicables.
Le projet de loi prévoit de le faire par trois dispositions simples.
En premier lieu, il s'agit d'étendre à tous les cas où elle n'existe pas
l'obligation pour les autorités administratives d'accuser réception des
demandes ou des réclamations qu'elles reçoivent. L'objectif est de garantir le
citoyen contre l'inertie administrative, la complexité des procédures ou
l'insuffisance des moyens, et d'exiger de l'administration qu'elle fasse son
affaire de ses propres difficultés d'organisation et de fonctionnement.
Actuellement, l'obligation d'accuser réception ne s'impose qu'aux services de
l'Etat et à ses établissements publics, par l'effet du décret du 28 novembre
1983, ou lorsqu'un texte spécial l'a prévue dans un domaine particulier, comme
c'est le cas en matière de permis de construire.
Dans tous les autres cas, et pour les autorités administratives autres que
celles qui relèvent de l'Etat, l'accusé de réception n'est pas obligatoire. Or
cette formalité présente un intérêt évident pour le demandeur, car il sait
ainsi que sa demande est bien parvenue au service compétent. Grâce aux mentions
qui figurent dans l'accusé de réception, il obtiendra très rapidement un
certain nombre d'informations qu'il est légitimement en droit d'attendre : quel
service traite le dossier, quel est le régime applicable en cas de non-réponse,
quels sont les délais de recours.
Si vous suivez le Gouvernement, il n'y aura plus de demande ou de réclamation
adressée à une autorité administrative qui ne soit suivie de la délivrance d'un
accusé de réception.
Le projet de loi prévoit, ensuite, que, lorsqu'une autorité administrative est
saisie à tort d'une demande ou réclamation, elle doit la transmettre à
l'autorité compétente et en aviser l'intéressé. Cette règle élémentaire de bon
fonctionnement n'est pas exigée par les textes pour l'ensemble des décisions
des autorités administratives, ce qui revient à faire peser sur nos concitoyens
la responsabilité de la complexité administrative.
Enfin, troisième mesure d'harmonisation et d'amélioration du droit applicable
aux décisions administratives, le projet de loi instaure l'obligation pour les
autorités administratives de respecter une procédure contradictoire avant que
puissent être prises certaines décisions administratives. Il s'agit des
décisions défavorables qui doivent être motivées et qui sont prises
unilatéralement par les autorités administratives, sans que la personne
intéressée ait formulé une demande.
L'autorité administrative aura l'obligation, sauf exceptions énumérées dans le
projet de loi, de recueillir les observations écrites de la personne intéressée
et, si cette dernière le demande, ses observations orales. Cette obligation
n'existe, pour l'instant, que très ponctuellement. Sur ce point aussi, le
projet de loi contribuera donc à harmoniser et à simplifier le droit.
L'effort d'adaptation sera concentré sur deux axes prioritaires : d'une part,
développer le nombre de cas dans lesquels le silence de l'autorité
administrative vaut acceptation de la demande et, d'autre part, raccourcir le
délai imparti à l'administration pour répondre.
Sur le premier point, le droit commun actuel repose sur le principe selon
lequel le silence de l'administration vaut, sauf exceptions prévues par les
textes, décision de rejet. Ce principe est vieux de plus d'un siècle. Certes,
depuis une trentaine d'années, un certain nombre d'exceptions ont été
instaurées dans des domaines comportant souvent des enjeux importants, comme le
permis de construire. Mais ces exceptions restent en nombre limité, - environ
200 - eu égard aux 4 200 régimes d'autorisation administrative existants.
Désormais, chaque fois que cela sera possible, le silence gardé par
l'administration sur une demande vaudra acceptation.
Soucieux de réalisme et afin d'éviter tout effet pervers de la réforme, le
Gouvernement ne souhaite toutefois pas renverser le principe traditionnel du
silence valant rejet de la demande. Pour de multiples motifs légitimes, il
faudrait, aussitôt, assortir ce nouveau principe de plusieurs centaines
d'exceptions difficiles à recenser. Cela différerait l'entrée en vigueur de la
loi et créerait une situation ambigüe. La démarche que je vous propose est à la
fois plus pragmatique, plus sûre et plus efficace.
Il s'agit de prévoir que les cas dans lesquels le silence de l'administration
vaudra acceptation de la demande seront instaurés par le décret proposé à
l'article 5 du projet.
De cette manière, seront conciliées les exigences résultant de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel en vertu de laquelle le principe
général du silence valant rejet a valeur législative et la position du Conseil
d'Etat qui admet que le pouvoir réglementaire instaure des régimes d'accord
implicite.
Cette démarche est opérationnelle immédiatement, puisqu'il résulte des travaux
déjà réalisés que, très rapidement après la publication de la loi, un premier
train de plus d'une centaine de nouveaux régimes d'autorisation relèvera de
l'accord implicite. Les textes sont prêts pour cette première série et d'autres
mesures seront arrêtées très rapidement.
L'Assemblée nationale a accepté cette démarche pragmatique en inversant
seulement les articles 4 et 7 du projet initial du Gouvernement, afin de bien
afficher le principe avant ses exceptions.
Le Gouvernement souhaite également une adaptation significative de l'état du
droit en ce qui concerne les délais de réponse de l'administration.
Il existe actuellement une grande diversité de situations, du délai de quatre
mois valant rejet implicite à l'acceptation implicite dans des délais variables
selon les cas.
A l'heure de la communication en temps réel, il est nécessaire que le délai au
terme duquel le silence gardé sur une demande vaudra rejet soit ramené de
quatre à deux mois. C'est ce que prévoit le projet. Le traitement des demandes
ne pourra que s'en trouver accéléré, dans l'intérêt de nos concitoyens.
Ce même délai de deux mois est prévu pour les hypothèses dans lesquelles des
décrets en Conseil d'Etat instaureront un régime d'accord implicite.
Ainsi, sauf exceptions limitées dues à l'urgence ou à la complexité de la
procédure, nos concitoyens sauront qu'au terme d'un délai de deux mois leur
demande sera acceptée ou rejetée. Il en résultera inéluctablement une
transformation profonde des méthodes de travail et de l'organisation
administrative.
Le titre II du projet de loi concourt au même objectif. Il s'agit de
rapprocher les services publics des citoyens et de conduire l'administration à
prendre davantage en considération ses usagers.
La concertation conduite en la matière a démontré que les Français sont très
attachés aux mécanismes de médiation, qui permettent d'éviter toute situation
de blocage dans leur relation avec les administrations.
C'est pourquoi le Gouvernement vous propose de modifier la loi du 3 janvier
1973 relative au Médiateur.
Le succès de l'institution est incontestable et vous y avez largement
contribué, comme parlementaires, en lui transmettant les réclamations de nos
concitoyens.
Mais, afin que le Médiateur de la République soit mieux connu des Français et
que ceux-ci puissent le saisir plus facilement, le projet de loi prévoit
d'élargir sa saisine à de nouvelles catégories d'élus : les parlementaires
européens, les présidents des conseils régionaux et généraux.
Après des débats approfondis, l'Assemblée nationale a préféré écarter la
saisine du Médiateur par les parlementaires européens. Par ailleurs, elle n'a
pas retenu l'amendement de son rapporteur tendant à prévoir une faculté de
saisine du Médiateur par l'ensemble des maires.
M. Pierre Fauchon.
C'est dommage !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Votre commission des lois se situe plus en retrait par
rapport aux dispositions du projet puisqu'elle propose de maintenir, sur ce
point, l'état du droit existant, à savoir la saisine par les seuls députés et
sénateurs. Nous reviendrons sans doute sur ce point dans le cours de la
discussion.
Quoi qu'il en soit, si l'on veut que l'administration prenne davantage en
compte les préoccupations des usagers, il est utile de renforcer les pouvoirs
du Médiateur, observateur privilégié de ses dysfonctionnements.
A ce titre, il vous est proposé de reconnaître au Médiateur de la République
le pouvoir de se saisir lui-même des sujets sur lesquels il pourra proposer des
réformes et de déclencher lui-même, vis-à-vis d'un service public défaillant,
les procédures d'inspection et de contrôle.
L'Assemblée nationale a souhaité également que le Médiateur puisse s'exprimer
publiquement devant les assemblées à l'occasion de la remise de son rapport
annuel.
Ces pouvoirs nouveaux conférés au Médiateur de la République ne pourront
qu'aider l'administration à se réformer.
Le titre III du projet de loi vise à faciliter la mise en place de structures
plus proches des citoyens et prenant davantage en compte la polyvalence
aujourd'hui indispensable à toute politique de service public.
Depuis plusieurs années, des structures polyvalentes ont été expérimentées.
Des « points publics » ont été créés en milieu rural depuis 1994 et, dans le
cadre de la politique de la ville, des « plates-formes de services publics »
ont été mises en place, ces derniers mois, dans les quartiers urbains en
difficulté.
Pour développer et consolider ces expériences, le Gouvernement a décidé
d'encourager la création de « maisons des services publics ». Elles
regrouperont des services publics de nature différente, auxquels les usagers
auront ainsi plus facilement accès. Ils y trouveront un service allant au-delà
de l'accueil et de l'information et assurant une prise en charge globale et
personnalisée de leurs démarches.
Des maisons des services publics ont d'ores et déjà été créées, ou sont en
voie de l'être, dans une vingtaine de départements. Le projet de loi vise à les
doter du cadre juridique nécessaire à leur développement et, si ces expériences
s'avèrent positives, à leur extension progressive sur le territoire.
Sont ainsi prévues la conclusion de conventions entre les personnes publiques
concernées et les règles permettant au responsable d'une maison des services
publics de prendre certaines décisions simples par délégation des autorités
compétentes.
Par ailleurs, pour le cas où il apparaîtrait utile de disposer de structures
plus importantes, le texte prévoit que les groupements d'intérêt public
pourront créer ou gérer des maisons des services publics, selon le régime de la
loi du 15 juillet 1982 ayant institué la catégorie des groupements d'intérêt
public.
Ensuite, le titre IV du projet prévoit, outre des dispositions de procédure
relatives à l'entrée en vigueur et à l'applicabilité de la loi dans les
territoires d'outre-mer, deux dispositions introduites par la commission des
lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.
Elles concernent l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980, qui fixe les
délais d'ordonnancement des sommes d'argent que les personnes morales de droit
public ont été condamnées à payer par décision juridictionnelle.
En premier lieu, l'article 10 A du texte vise à réduire de quatre à deux mois
ce délai d'ordonnancement. Il est tout à fait conforme aux objectifs généraux
du projet du Gouvernement, à savoir réduire les délais opposés aux citoyens. De
plus, l'exécution rapide des décisions de justice comportant des conséquences
pécuniaires est un élément essentiel du respect de l'état de droit.
En second lieu, l'article 10 B du texte a pour objet d'étendre les
dispositions de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 aux décisions de
justice prises en forme de référé-provision.
Cette disposition nouvelle permettra aux bénéficiaires d'un référé-provision,
c'est-à-dire d'une décision de justice, condamnant une personne publique à leur
verser une provision, d'utiliser la procédure d'exécution des décisions de
justice prévue à l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980, alors que ce
n'était pas le cas auparavant.
En effet, lorsque le juge des référés accorde une provision, il est important
que celle-ci soit effectivement et rapidement versée à son bénéficiaire, comme
l'avait d'ailleurs signalé le Médiateur de la République dans une proposition
transmise au Gouvernement.
Enfin, le Gouvernement souhaite amender son propre texte pour l'enrichir d'une
disposition supplémentaire importante et significative pour nos concitoyens ;
il s'agit d'offrir aux particuliers, lorsqu'ils déménagent, une formalité
unique de déclaration de changement d'adresse auprès de la poste. Cette
simplification leur évitera les multiples démarches qu'ils sont actuellement
tenus d'effectuer auprès des différentes administrations avec lesquelles ils
sont en relation.
Cette mesure a été accueillie favorablement par la commission des lois, qui a
proposé d'en améliorer l'encadrement juridique. Je n'insiste pas davantage sur
ce point ; nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des
amendements.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ensemble
des raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter au Parlement ce projet
de loi, qui a reçu l'accueil favorable de l'Assemblée nationale.
Encore une fois, il ne constitue que l'un des aspects de la réforme de l'Etat,
dont le Président de la République a récemment rappelé qu'elle est la pierre
angulaire de l'oeuvre de redressement et de modernisation du pays.
Cette réforme, que j'ai l'honneur de conduire sous l'autorité de M. le Premier
ministre et avec le concours de chacun des membres du Gouvernement, est
attendue avec impatience par tous les Français, y compris - et peut-être
surtout - par les fonctionnaires.
Je ne doute pas que, dans son souci d'approfondissement des principes
démocratiques et républicains, le Sénat aura à coeur de développer les droits
que le citoyen peut légitimement attendre de l'Etat à l'aube du XXIe siècle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. la président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du réglement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adapter les règles qui
régissent les relations entre le corps social et ses représentants, d'une part,
et le citoyen, d'autre part, est, en démocratie, une exigence posée par
l'évolution naturelle de la société.
En d'autres termes, réformer nos méthodes d'administration s'impose aux
pouvoirs publics comme une nécessité et constitue pour eux un chantier quasi
permanent.
Cette relation entre l'évolution de la société et l'adaptation du droit est
soumise aujourd'hui à des contraintes très spécifiques.
En effet, l'évolution rapide et en profondeur de nos modes de vie, l'élévation
du niveau d'exigence des citoyens dans leurs rapports avec l'administration, le
contexte de mutations accélérées dans lequel vivent la plupart de nos
entreprises nous conduisent à un effort particulier d'imagination, de
conception et de méthode afin d'adapter aussi rapidement que possible nos
institutions publiques pour ce qui est de leur relation avec le citoyen.
Nous sommes loin du temps où l'homme acceptait sa condition de sujet d'une
administration centralisée et toute puissante ; la personne, physique ou
morale, revendique aujourd'hui d'être considérée comme citoyenne et partenaire
d'une vaste entreprise collective.
Pour autant, cette nécessaire amélioration du sort de l'usager, et plus
largement du public, dans son rapport avec l'administration ne doit affecter ni
nos collectivités publiques, en charge de l'intérêt général, ni la légitimité
de l'Etat, elle-même garante des libertés fondamentales de la personne.
Jean-Jacques Rousseau ne disait-il pas qu'« il n'y a pas de libertés sans loi »
?
Ainsi se présentent les raisons et les objectifs de la « réforme de l'Etat »,
voulue par le Président de la République et mise en oeuvre par le Gouvernement,
en même temps que le cadre qui doit lui servir d'équilibre.
Cette réforme, qui doit en permanence maintenir le cap entre la satisfaction
des deux objectifs précités, a, dans un premier temps, à répondre très
concrètement aux deux questions suivantes : comment rendre l'administration
plus accessible aux citoyens, plus proche et plus efficace ? Comment préserver
simultanément les droits de l'administration, ceux de ses interlocuteurs et
ceux des tiers ?
C'est à ces deux questions que s'efforce de répondre le projet de loi dont
nous débattons, qui réalise, dans son titre Ier consacré au régime des
décisions des autorités administratives, un juste et difficile équilibre entre
les deux niveaux d'interrogation.
En effet, les articles du titre Ier ouvrent des obligations nouvelles à la
charge de l'administration, destinées à simplifier et à alléger les relations
avec le public ; parallèlement, ces articles prévoient des mesures de
sauvegarde afin de faire prévaloir, quand cela est nécessaire, l'intérêt
général comme la défense des libertés publiques.
Ainsi, après avoir défini, à l'article 1er, les autorités administratives dont
les décisions seront soumises au nouveau régime juridique, on crée, à l'article
2, pour l'ensemble de ces autorités, une obligation d'accuser réception au
demandeur, en prévoyant les cas dérogatoires dans lesquels l'administration
peut être exonérée de l'obligation de se plier à cette exigence, ces cas
relevant du bon sens ou de l'excès dans lequel pourrait tomber le demandeur.
De la même manière, l'article 3, qui instaure l'obligation de transmission à
l'autorité compétente d'une demande initialement « mal aiguillée », prévoit,
pour les décisions implicites d'acceptation, une garantie de délai suffisant
pour que l'administration puisse assurer l'instruction du dossier.
Permettez-moi, à ce sujet, monsieur le ministre, de me faire ici le
porte-parole des maires pour vous demander confirmation de votre intention de
confier aux services déconcentrés de l'Etat, préfectures et sous-préfectures,
le soin d'assister dans leur obligation de transmission les maires des plus
petites communes qui ne disposeraient pas de services suffisamment étoffés.
M. René-Georges Laurin,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Très
bien !
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
L'article 4 est également très éclairant : il instaure une
des grandes innovations de ce texte en réduisant, comme vous l'avez dit,
monsieur le ministre, de quatre à deux mois le délai imparti à l'administration
pour se prononcer. Il constitue donc une réelle avancée en faveur des droits
des administrés.
Pour autant, il rappelle et précise deux garanties fondamentales pour la
puissance publique : d'une part, le droit commun qui demeure la règle selon
laquelle le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet d'autre
part, la possibilité de délais plus longs ou plus courts reconnus à
l'administration par décret en Conseil d'Etat lorsque « la complexité ou
l'urgence de la procédure le justifie ».
L'article 5 ouvre en faveur du demandeur la perspective de décisions
implicites d'acceptation de plus en plus fréquentes, sous condition, bien sûr,
qu'elles soient prévues par décret en Conseil d'Etat. A cet égard, la Haute
Assemblée apprécierait, monsieur le ministre, que vous précisiez vos intentions
sur les mesures réglementaires qui pourraient intervenir prochainement sur la
base de cette disposition nouvelle.
Il me paraît essentiel de souligner qu'en élevant au niveau de la loi la règle
de l'autorisation implicite, dont les domaines d'application devraient
s'élargir progressivement ce projet de loi porte le germe d'une ère nouvelle
dans notre droit et notre pratique administratifs.
Mais cette règle du silence valant acceptation se voit imposer par le même
article 5 l'impossibilité d'envisager un accord implicite sur des sujets où
l'intérêt général comme les libertés fondamentales doivent prévaloir : l'ordre
public, les engagements internationaux de la France, les principes à valeur
constitutionnelle, les dettes et créances de l'administration.
L'article 6 offre un exemple subtil de cet équilibre, en même temps qu'il
organise une évolution dans notre droit.
Revenant sur la jurisprudence « Eve », qui interdisait à l'administration de
retirer une décision implicite d'acceptation dans les cas où des mesures de
publicité ne sont pas exigées, l'article 6 donne à l'administration un droit de
« repentir ».
Cette mesure est voulue pour tenir compte de la perspective d'accroissement
des cas d'autorisation implicite, et donc de l'utilité qu'il y aura à retirer
pour illégalité telle ou telle décision.
Toutefois, pour éviter que cette prérogative de la puissance publique ne
puisse s'exercer indéfiniment et, ainsi, créer une instabilité juridique et
nuire aux administrés, notamment aux bénéficiaires des mesures, la commission
des lois propose d'encadrer cette prérogative en limitant à deux mois le délai
pendant lequel l'administration pourra retirer, de sa propre initiative, une
décision implicite d'acceptation illégale n'ayant pas fait l'objet des mesures
d'information requises, étant précisé que, sur requête d'un tiers, cette
faculté est ouverte à l'administration sans limitation de délai.
Ainsi, la proposition de la commission des lois constitue une voie moyenne
entre la position antérieure, issue de la jurisprudence « Eve », et le texte du
projet de loi.
Enfin, l'article 7, qui instaure une procédure contradictoire en faveur de
l'usager dans tous les cas de décision individuelle devant être motivée, non
consécutive à une demande, assortit cette amélioration de diverses dispositions
dispensant l'administration de se plier à cette exigence dans certains cas,
telle l'urgence ou la sauvegarde des intérêts supérieurs de la puissance
publique.
Comme les précédents, cet article illustre la volonté d'améliorer les droits
du citoyen, tout en veillant à défendre l'intérêt général.
J'en viens aux titres II, III et IV du projet.
Ceux-ci ne sont pas soumis à la dialectique des dispositions du titre Ier et
constituent purement et simplement autant de mesures en faveur des administrés.
Ils instaurent, en effet, un certain nombre de dispositions pour renforcer les
pouvoirs du Médiateur de la République et, par là même, améliorer le
fonctionnement de l'administration, pour rapprocher les services publics des
citoyens avec les « maisons des services publics », pour réduire la durée des
délais pendant lesquels l'administration doit s'acquitter d'un certain nombre
d'obligations pécuniaires et, enfin, sur proposition de la commission des lois
pour simplifier la procédure du permis de démolir dans les communes de plus de
10 000 habitants et dans celles qui sont situées à l'intérieur d'un rayon de
cinquante kilomètres par rapport aux anciennes fortifications de Paris.
J'en arrive au Médiateur de la République.
Lors de son audition par la commission des lois, le 28 janvier 1997, le
Médiateur a dressé un bilan de l'activité de ses services. Il a indiqué que, en
1996, 43 000 réclamations lui avaient été adressées. Il a précisé que, sur les
quelque 60 % de celles qui avaient été déclarées recevables, son intervention
avait abouti dans 85 % des cas et qu'au cours des deux dernières années le
délai de réponse moyen avait été ramené de six à quatre mois.
Reconnaissant l'efficacité de cette institution qui, à l'écoute des citoyens
et grâce à sa bonne connaissance des rouages administratifs, a acquis une
autorité morale incontestable et a contribué activement à l'amélioration des
relations entre les administrations et les usagers, la commission se félicite
du renforcement proposé des pouvoirs du Médiateur de la République.
Toutefois, elle vous propose de ne pas modifier les modalités de saisine en
vigueur, celles-ci demeurant une faculté ouverte aux députés et aux
sénateurs.
Elle considère en effet que ces modalités ont été éprouvées et ont permis le
développement de l'action du Médiateur : le nombre de réclamations qui lui sont
annuellement adressées, est, en effet, passé de 3 500 en 1973 à 43 000 en 1996.
De surcroît, la commission pense que toute extension des possibilités de
saisine à d'autres catégories d'élus pourrait créer entre eux d'inévitables et
regrettables disparités.
En ce qui concerne les maisons des services publics, les quelques expériences
de regroupements de services, lancées sur la base d'une circulaire d'août 1996
de M. le ministre Perben, prouvent, s'il en était besoin, que ces initiatives
répondent à un besoin réel de rapprochement entre l'usager et les services
publics, en particulier dans certaines zones rurales et dans certains quartiers
urbains périphériques.
La commission des lois du Sénat a admis l'utilité de tracer un cadre légal à
ce type nouveau de regroupements.
Les échanges que nous avons eus sur ce sujet ont cependant permis de recenser
un certain nombre d'interrogations.
En conséquence, la commission vous proposera un amendement tendant à
distinguer clairement le niveau de l'accueil et de la préparation de la
décision, d'une part, et celui de la prise de décision, d'autre part, qui ne
saurait relever, sur délégation, que du responsable de la maison.
En tout état de cause, les délégations ne pourront concerner dans le cadre
limité de l'objet restreint et précis des maisons des services publics que des
actes de simple exécution qui seront définis par la convention et feront
l'objet d'un acte spécifique de délégation.
S'agissant du contenu de la convention qui pourra servir de base au
fonctionnement de la future maison des services publics, l'Assemblée nationale
a précisé que la convention répartit les responsabilités à l'égard des tiers et
des usagers.
Ces diverses dispositions nous paraissent de nature à répondre aux soucis
exprimés en particulier par les maires quant au contenu des délégations et au
dégré des responsabilités qui pourraient être déléguées.
D'autres préoccupations nous ont été exprimées sur le risque que les maisons
des services publics puissent, dans certains cas, conduire à des distorsions de
concurrence favorisant de manière irrégulière certains services exerçant une
partie de leurs activités dans le domaine concurrentiel.
Il convient à ce sujet de rappeler que l'approbation par le préfet de la
convention s'exercera à l'égard des modalités conventionnelles et permettra la
mise en oeuvre des mesures de publicité. Le cadre et la transparence ainsi
établis par la loi sont de nature à assurer l'information des tiers sur les
modalités de fonctionnement et de financement des maisons des services
publics.
Ce dispositif permettra notamment de vérifier que cette structure est neutre
au regard des règles de la concurrence que doivent respecter les services
publics qui exercent en outre des activités dans le secteur concurrentiel.
Enfin, d'aucuns peuvent s'interroger sur le risque de désertification de
services que pourrait induire le regroupement de ceux-ci en un même lieu.
Il convient de rappeler ici que les maisons des services publics ne sont
qu'une faculté et non pas une obligation, et qu'à nos yeux personne mieux que
les responsables locaux - autorités décentralisées et déconcentrées - ne
pourra, dans l'avenir, apprécier l'opportunité de regrouper ou de ne pas
regrouper tel ou tel service.
Permettez-moi enfin de souligner que la simplification proposée au titre IV
dans la procédure d'instruction du permis de démolir est une mesure de
simplification tout à fait opportune et en parfaite cohérence avec l'esprit et
les objectifs du texte qui nous est proposé.
Pour conclure, je tiens, monsieur le ministre, à saluer la qualité et la
pertinence de vos initiatives.
M. René-Georges Laurin,
vice-président de la commission.
Très bien !
M. Jean-Paul Amoudry,
rapporteur.
Je voudrais en particulier souligner que la concertation que
vous avez instaurée depuis environ un an au sein des services de l'Etat - des
services déconcentrés en particulier - est à nos yeux une voie courageuse et,
en même temps, la seule garante d'une réforme fondée sur le « possible », tant
il est vrai que la capacité de l'administration - comme de la société française
du reste - à porter des réformes n'est pas illimitée.
Nul doute en effet que ce sont bien les résultats de cette concertation qui
ont permis de fixer le niveau adéquat des mesures, c'est-à-dire d'une ambition
réaliste.
Il ne fait aucun doute non plus que cette concertation a fait évoluer les
esprits et qu'elle permet aux administrations d'afficher aujourd'hui une plus
grande capacité d'accepter et de faire leur ce mouvement de réformes, au point
même que de nombreux responsables sur le terrain - nous en sommes témoins -
attendent ces mesures nouvelles comme parfois autant de défis à relever et
autant de marques de confiance dans leur capacité à assumer les nécessaires
mutations.
Je voudrais également, monsieur le ministre, saluer votre action de relance de
la déconcentration : elle est présente dans l'esprit de ce texte et elle est,
en même temps, une condition de réussite de la réforme que porte ce projet de
loi. Je ne prendrai qu'un exemple : la réduction du délai de réponse de droit
commun de quatre à deux mois ne pourra, nous en avons bien conscience, entrer
dans la pratique qu'à la condition de déconcentrer très largement le pouvoir de
décision auprès des responsables et des représentants locaux de la puissance
publique.
La déconcentration apparaît ainsi véritablement essentielle pour concilier le
principe d'unité nationale et l'aspiration du citoyen à pouvoir traiter
localement avec l'Etat. Loin d'être un quelconque obstacle à la
décentralisation, comme on pourrait le craindre, la déconcentration se révèle,
de toute évidence, comme un moyen moderne d'administration avant tout au
service du citoyen.
Telles sont, brièvement résumées, monsieur le ministre, les réflexions qui ont
conduit la commission des lois à approuver le projet de loi que vous nous avez
soumis et qui a le mérite à nos yeux de constituer, d'une part, une nouvelle
étape significative dans l'amélioration des relations entre les administrations
et le public, et, d'autre part, le premier acte législatif de la nécessaire
réforme de l'Etat.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et de Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
réforme qui est soumis au Sénat aujourd'hui a pour objet de rendre
l'administration plus efficace, plus accessible à l'usager et plus apte à
répondre à ses attentes, donc plus moderne, en replaçant le citoyen au coeur du
service public.
Chacun reconnaîtra qu'il était indispensable de redéfinir ses missions, en
recherchant plus spécialement une amélioration des relations avec les usagers.
Certes, par le passé, cette préoccupation s'était déjà manifestée.
Je rappellerai très brièvement, à cet égard, la création, dès 1973, de la
fonction de Médiateur de la République, le vote, en 1978, de la loi sur la
liberté d'accès aux documents administratifs et, l'année suivante, de celle sur
le droit à motivation de ces mêmes actes. L'on se souvient également qu'une
circulaire du Premier ministre en date du 23 février 1989 tendait à associer
les fonctionnaires à l'amélioration du fonctionnement de leur
administration.
Mais, aujourd'hui, il s'agit de simplifier réellement les relations, de
faciliter les démarches, de clarifier et d'accroître la polyvalence des
services au contact des usagers. A l'évidence, c'est un véritable changement
des mentalités qui est ainsi proposé, et je m'en rejouis.
A cet égard, il m'a semblé que l'esprit du projet de loi n'était
qu'insuffisamment reflété par son intitulé, « loi relative à l'amélioration des
relations entre les administrations et le public », qui a une connotation
passéiste. Ce titre paraît presque en contradiction avec le contenu du texte.
Peut-on en effet parler encore de « public », s'agissant d'une loi tendant à
moderniser l'administration ? La société concurrentielle à laquelle le service
public doit aujourd'hui s'adapter impose une modification subtile des relations
avec les administrés. Sans aller jusqu'à souhaiter que soit retenue
l'appellation de « clients », je proposerai donc à notre assemblée un
amendement visant à remplacer le terme de « public » par celui, plus approprié
me semble-t-il, d'« usagers ».
M. François Lesein.
Très bien !
M. Guy Cabanel.
Ce détail n'a d'autre intérêt que celui de rester fidèle à l'esprit de
changement insufflé par le texte en discussion.
Pour résumer ma pensée en abordant l'examen de votre projet de loi, monsieur
le ministre, je dirai qu'il faut essentiellement, d'abord simplifier l'Etat,
ensuite le réorganiser encore et, surtout, le moderniser.
Il convient de simplifier, car l'inflation des textes législatifs et
réglementaires, la multiplication des procédures administratives préalables, en
un mot la complexité, pèsent sur l'ensemble des interlocuteurs de l'Etat. Il
faut rompre ce cycle décourageant et paralysant. Votre projet de loi, s'y
emploie, monsieur le ministre. Il s'agit d'une oeuvre de longue haleine, mais
l'application du principe de simplicité est impérative.
Il faut aussi réorganiser encore l'Etat, car les administrations de l'Etat et
des collectivités territoriales sont souvent trop nombreuses et, parfois,
concurrentes. Comment, dès lors, rendre cohérente la conduite des politiques
publiques et préserver la capacité d'arbitrage de l'Etat ? Cette réforme des
administrations centrales et déconcentrées devrait permettre de réelles
améliorations, qui sont très attendues.
Enfin, moderniser l'Etat, c'est mieux gérer ses moyens financiers, humains et
patrimoniaux et, surtout, utiliser les possibilités offertes par le
développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, pour accroître son efficacité et améliorer la qualité des
services rendus. Je reviendrais ultérieurement sur ce point.
J'en viens maintenant au fond du projet de loi. Pour mettre en oeuvre
l'amélioration de l'administration, le titre Ier, en son article 2, prévoit
tout d'abord l'obligation d'accuser réception des demandes déposées par les
usagers. Cela n'est que l'extension d'une disposition figurant dans le décret
du 28 novembre 1983. Si son principe paraît louable, il m'apparaît que les
exceptions prévues par cet article sont insuffisamment caractérisées.
Le texte est complexe. Nous attendons le décret en Conseil d'Etat qui
permettra, certes, de le préciser, mais il eût été souhaitable que les termes
de cette disposition fussent mieux cernés dans la loi.
L'article 3, relatif au dépôt d'une demande auprès d'une administration
incompétente, oblige cette dernière à transmettre ladite demande à l'autorité
administrative compétente et prévoit les conséquences de ce dispositif en
termes de délais.
Cette disposition a le mérite d'être pragmatique : en rendant à
l'administration son efficacité, elle respecte la démarche entreprise par
l'usager. Nous ne pouvons donc que l'approuver. Il était temps et important
d'unifier le droit en cette matière. Le poids de la complexité administrative
ne doit plus peser sur l'usager.
Le principe de décision implicite de rejet de l'administration est conservé -
il figure à l'article 4 - mais ses modalités et exceptions sont remaniées.
En premier lieu, le délai opposable est réduit et passe de quatre à deux mois,
ce qui va dans le sens d'une meilleure efficacité de l'administration et ne
peut qu'être favorable aux usagers.
En second lieu, les exceptions tendraient à être généralisées par voie de
décrets en Conseil d'Etat, dans les limites prévues à l'alinéa 2 de l'article
5. En conséquence, à terme, pour un nombre non négligeable de domaines, le
silence de l'administration vaudrait désormais acceptation tacite. On ne peut
que se féliciter d'une telle avancée.
Toutefois, le risque d'illégalité de certaines décisions obtenues du seul fait
d'une négligence ou d'un retard paraît accru. Il entraînerait alors une
incertitude juridique pour tous les administrés dont la demande a été accordée
dans de telles conditions.
Avec l'article 6 se pose donc la question de savoir si une décision délivrée
tacitement par l'administration est juridiquement fondée et si elle ne risque
pas d'être retirée. Toutefois, les conséquences fâcheuses de cette disposition
semblent un mal nécessaire, les avantages à retirer de l'acceptation implicite
paraissant plus importants que les inconvénients.
Efficacité, rapidité, le projet de loi, en son article 7, fait également appel
à des exigences de justice. Il prévoit que l'administration doit entendre
l'usager ou lire ses observations préalablement à toute motivation de décision
individuelle le concernant. On doit se réjouir de cette procédure, tout en
reconnaissant les lourdeurs qu'elle risque d'engendrer.
Le titre II de projet de loi est consacré aux dispositions relatives au
Médiateur de la République. Il vise à compléter utilement les attributions qui
lui sont actuellement dévolues.
L'alinéa relatif à la faculté de provoquer une inspection ou un contrôle au
sein d'une administration défaillante paraît assez novateur pour être souligné.
Il en va de même du principe, introduit par l'Assemblée nationale, de la
communication devant le Parlement du rapport annuel de la Médiature, qui
permettra d'informer publiquement les députés et les sénateurs des actions
menées par le Médiateur et, plus généralement, des problèmes rencontrés par les
usagers de l'administration.
Dans le titre III, la création officielle des maisons des services publics, à
la suite de certaines expérimentations sur le terrain, paraît constituer un
élément de simplification et d'efficacité globalement favorable aux usagers. Le
projet de loi fournit le cadre juridique qui leur fait encore défaut.
Il faut souhaiter que ces moyens nouveaux permettent de conserver, voire
d'assurer une présence coordonnée et donc de développer l'implantation de
l'administration, comme l'a très justement souligné M. le rapporteur, dans les
secteurs difficiles urbains comme dans les secteurs les moins peuplés du monde
rural.
Toutefois, le mode de financement de ces maisons des services publics
mériterait d'être éclaici en ce qui concerne tant leurs installations que leur
fonctionnement sous le régime de la convention ou du groupement d'intérêt
public. Il serait souhaitable, autant que faire se peut, d'utiliser des locaux
qui sont déjà propriété de l'Etat ou des collectivités territoriales, et ce
dans un souci d'économie.
Après avoir ainsi fait connaître mon approbation des différents articles du
présent projet de loi, je voudrais maintenant vous faire part de ma perplexité
à l'égard d'une lacune fort surprenante de ce texte. Nulle part en effet n'y
sont mentionnés les nouveaux outils de communication dont notre société
dispose. L'informatique ne pourrait-elle pas participer à l'amélioration des
relations avec les administrations ? Ne représente-t-elle pas aujourd'hui le
moyen le plus performant de transmission des données ?
L'exemple en la matière vient de nous être fourni par les Etats-Unis qui ont
tout récemment décrété, par la voix du vice-président Al Gore, que désormais
tous les actes administratifs courants pourraient être réalisés par voie
informatique, et notamment par Internet.
Nous n'irons pas jusque-là, mais mon collègue M. Pierre Laffitte et moi-même
vous proposerons un certain nombre d'amendements pour tenter de combler
l'absence d'un véritable grand chapitre consacré aux technologies nouvelles qui
seraient un élément efficace de modernisation de l'administration.
M. René-Georges Laurin,
vice-président de la commission.
Avec quel argent ?
M. Guy Cabanel.
Avec celui que nous tirerons des économies que l'utilisation de l'informatique
nous permettra de réaliser en matière de papier. L'informatique ne coûte pas
plus cher que les autres moyens.
Je ne conteste pas que le Gouvernement ait facilité la mise en place
d'équipements informatiques qui ont induit d'incontestables gains de
productivité. Cependant, cette modernisation est souvent caractérisée par une
centralisation et une complexité excessives. Il convient de fournir un effort
supplémentaire ; nous en débattrons à l'occasion de la discussion des
amendements.
En conclusion, l'intérêt de ce projet de loi est indiscutable. Toutefois, me
vient à l'esprit le problème des difficiles rapports des contribuables avec les
services fiscaux. Seront-ils améliorés par l'application de ce texte ? Les
Français cesseront-ils de se plaindre d'une fiscalité qu'ils considéraient
jusqu'ici comme confiscatoire ?
Certes, la nouvelle politique budgétaire de limitation des dépenses, de
réduction du déficit et de baisse de l'imposition sur les revenus amènera
peut-être nos concitoyens à formuler un jugement différent, mais ce qui les
gêne le plus, c'est le caractère aléatoire de cette fiscalité compte tenu des
modifications réglementaires trop fréquentes et délicates à interpréter. Je
n'ai pas noté d'éléments de nature à donner un éclairage nouveau en ce
domaine.
Au-delà de cette objection, monsieur le ministre, avec la majorité du groupe
du Rassemblement démocratique et social européen, je voterai le projet de loi
que vous nous présentez opportunément aujourd'hui.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est aujourd'hui soumis est la première traduction législative de
la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement. Réformer l'Etat, c'est-à-dire
l'ensemble de l'administration de notre pays, est un défi très ambitieux.
Depuis trente-cinq ans, divers textes législatifs et réglementaires ont
contribué à l'effritement du modèle bureaucratique que l'administration avait
hérité du XIXe siècle et au développement des droits des usagers. De
considérables progrès ont été réalisés. Néanmoins, il faut aller beaucoup plus
loin.
L'administration est une structure lourde, ce qui rend son évolution et sa
modernisation malaisées. C'est pourquoi je tiens à saluer la volonté et la
détermination du Gouvernement dans son actuelle action de réforme.
Améliorer les relations entre les administrations et le public est l'un des
objets essentiels de cette réforme, et je suis particulièrement favorable à ce
chantier tant dans son impact humain et relationnel que dans sa dimension
technique.
Concernant, tout d'abord, l'impact humain, je rappellerai l'adage formulé
voilà quelques années : « A usager satisfait, fonctionnaire heureux. » Il me
semble que cette formule est toujours d'actualité et montre combien le
fonctionnaire joue un rôle fondamental dans la relation entre l'administration
et le public.
Cette affirmation semble une évidence et, pourtant, on a trop tendance à
sous-estimer l'importance des qualités d'accueil, d'amabilité, de patience et
de disponibilité dans les services administratifs. L'attitude du fonctionnaire
en contact avec le public est primordiale. Il doit savoir écouter et montrer à
son interlocuteur l'intérêt qu'il lui témoigne.
On ne saurait trop rappeler que le fonctionnaire sert l'Etat, c'est-à-dire
qu'il est « au service » des citoyens. Il faut donc le sensibiliser plus et le
responsabiliser en conséquence.
La première action à engager, afin d'améliorer les relations entre
l'administration et le public, est de combattre l'absence de sens de l'accueil
au sein de l'administration. Mais aucun texte législatif ne peut intervenir en
ce domaine.
Parallèlement à cette démarche, il faut souligner l'importance de la formation
des personnels. Les administrés se comportent de plus en plus en consommateurs
exigeants et la « paperasse » administrative - pardonnez-moi le terme, monsieur
le ministre - est de plus en plus complexe.
Il faut donc non seulement simplifier les procédures administratives, mais
aussi assurer une formation, une qualification des agents plus adéquates et
polyvalentes.
S'agissant de l'impact relationnel, je tiens aussi à souligner l'enjeu que
peuvent constituer les « maisons des services publics », objet du titre III du
projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Telles qu'elles sont définies, ces maisons seront un point de rencontre
privilégié pour le citoyen avec différents services administratifs. Elles
seront des carrefours de services qui faciliteront l'information du public
ainsi que ses démarches.
De telles structures seront fonctionnelles et particulièrement utiles pour les
administrés en situation difficile. Je pense notamment aux chômeurs et aux «
exclus ».
Les maisons des services publics auront un rôle social d'autant plus marqué
qu'elles seront situées en zone rurale ou en zone urbaine en difficulté. Elles
développeront donc une administration de proximité, polyvalente, et
participeront activement à la politique d'aménagement du territoire.
Cependant, je veux insister sur le fait qu'en aucun cas la mise en place de
ces regroupements de services ne doit aboutir à un retrait des administrations
existantes dans le monde rural. Une telle évolution serait désastreuse.
M. Robert Pagès.
Exact !
M. James Bordas.
Pour conclure ces remarques sur l'enjeu social que constitue l'amélioration
des relations entre l'administration et le public, je dirai que c'est tout un
état d'esprit qui doit être changé et un véritable dialogue qui doit être
instauré.
S'agissant maintenant de la dimension technique et pratique du projet de loi,
il est peut-être bon de garder à l'esprit l'article XV de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dispose : « La Société a le droit
de demander compte à tout Agent public de son administration ». Que de progrès
sont à accomplir ! Mais je crois que le texte proposé par le Gouvernement va
vraiment dans ce sens.
La réduction des délais au terme desquels interviennent des décisions
implicites, l'obligation d'accuser réception de toute demande ou réclamation
adressée à une autorité administrative, l'instauration du principe de
transmission des demandes au service compétent et l'élargissement des cas dans
lesquels le silence de l'administration pendant deux mois vaudra acceptation
sont des mesures qui engendreront une certaine révolution au sein même de
l'administration et dans ses rapports avec le public.
Ces dispositions ouvrent de nouvelles perspectives pour les administrés, qui
auront moins à subir les conséquences de la lenteur ou des insuffisances des
services administratifs.
D'un autre côté, la vigilance de la hiérarchie et la célérité des
fonctionnaires devront s'en trouver accrues. Tous deux devront être encore plus
attentifs aux effets et aux implications de ces nouvelles règles.
Dans le même temps, la simplification des régimes d'autorisation a été
engagée. Il est indispensable que, parallèlement à cette politique, qui doit
être poursuivie et amplifiée, on veille à ce que les textes législatifs et
réglementaires soient eux-mêmes rédigés en des termes abordables et
compréhensibles par tous.
Nul n'est censé ignorer la loi, mais encore faut-il la comprendre !
(MM. Pierre Fauchon et Jacques Machet acquiescent.)
Or, à la complexité
des textes s'ajoute celle de la juxtaposition de toutes les réglementations. Il
est donc de notre devoir, à nous élus, de s'assurer de la lisibilité de la
législation.
Le second enjeu technique du projet de loi que je souhaite aborder est celui
que constituent les « maisons des services publics ». Comme je l'ai mentionné
tout à l'heure, ces structures seront fonctionnelles et donc bien pratiques
pour le public.
Toutefois, du point de vue de l'administration, ces maisons pourraient être
l'occasion de développer une mobilité intra-administrative des personnels. On a
souligné la polyvalence de ces groupements. Il me paraît donc pertinent
d'offrir aux personnels une chance, une opportunité supplémentaire dans leur
carrière, tout en permettant une meilleure organisation de l'administration,
par une gestion plus souple des agents.
L'idée de constituer des corps interministériels devrait donc être
approfondie. En outre, afin de permettre une meilleure adéquation entre les
besoins locaux et les potentialités humaines, la gestion de ces personnels
devrait être déconcentrée.
Avant d'achever mon intervention, je souhaite aussi souligner le rôle
technique du Médiateur de la République dans les relations entre
l'administration et le public.
D'autres orateurs l'ont certes indiqué avant moi, mais je tiens à le rappeler,
le Médiateur a été saisi de 3 500 réclamations en 1973 et de 43 000 en 1996.
Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils montrent à quel point le Médiateur a su
s'imposer comme un véritable et efficace intermédiaire. Je m'en félicite tout
en émettant des réserves quant à l'extension de la possibilité de saisine à
différents élus, dont les parlementaires européens.
Pour finir, j'ajouterai simplement que l'économie générale du projet de loi
relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public
me semble bonne. Mais c'est surtout la volonté et le mouvement plus général de
réforme de l'Etat qui sont positifs.
Cet élan est nécessaire pour tous les acteurs de notre pays. Dynamiser,
simplifier l'administration dans son ensemble est un pari audacieux mais il ne
tient qu'à chacun de s'y atteler et de contribuer à sa réussite.
C'est ce que les sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants feront
en soutenant votre action, monsieur le ministre, et en votant le présent projet
de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme
de l'Etat, voulue ardemment par le Président de la République, trouve, dans le
projet de loi que nous examinons aujourd'hui, sa première consécration
législative et vise à améliorer les relations entre les administrations et le
public.
Les objectifs sont multiples : l'Etat doit être plus simple, plus proche, plus
efficace et plus moderne si l'on veut éviter que l'administration ne soit une
entrave à l'initiative privée et ne décourage ceux qui ont besoin d'y
recourir.
Initiée en juillet 1995 par M. le Premier ministre, la réforme de l'Etat a
déjà fait l'objet de nombreux textes réglementaires.
Ainsi, un comité interministériel pour la réforme de l'Etat a été mis en place
et, dans les départements, cette démarche est complétée par celle des préfets,
qui consultent les élus locaux dans le cadre de l'élaboration de schémas
départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics.
Sans revenir en détail sur l'excellente analyse de notre rapporteur, je
rappellerai simplement que les relations entre les administrations et les
usagers sont devenues extrêmement complexes. Les citoyens demandent toujours
plus à l'Etat ; pourtant, leur administration, souvent, ne les satisfait
pas.
Cela tient à plusieurs raisons : la complexité des procédures en est une,
l'éparpillement des services en est une autre ; l'inflation législative et
réglementaire, comme la multiplication des circulaires toujours plus longues et
plus complexes, n'y est pas étrangère non plus.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit une série de mesures qui
faciliteront les relations entre les usagers et l'administration et rendront
cette dernière plus humaine.
Ainsi, l'article 2 du projet de loi impose à l'ensemble des autorités
administratives énumérées à l'article 1er la délivrance d'un accusé de
réception aux auteurs des demandes ou des réclamations qui leur sont adressées
dans des limites, bien entendu, fixées par décret en Conseil d'Etat, afin de ne
pas substituer aux procédures existantes un régime uniforme qui se révélerait
inadapté.
De plus, afin de compléter le décret du 28 novembre 1983, qui prévoit déjà que
l'autorité administrative destinataire d'une demande qui n'est pas de sa
compétence doit la retransmettre vers l'administration compétente, l'article 3
prévoit que l'autorité saisie à tort doit aviser le demandeur de la
réorientation de son dossier.
Enfin, et cela est important pour la simplification des rapports entre
l'usager et l'administration, lorsque cette dernière entend prendre une
décision défavorable, le délai pendant lequel elle doit se prononcer sera
réduit de quatre à deux mois et, dans un certain nombre de cas, le silence
vaudra non plus rejet - ce qui est une règle ancienne du droit - mais au
contraire acceptation.
Cependant, il n'est nullement question que cette règle du «
silence-consentement » s'applique sans nuance. Elle devra tenir compte de la
position du Conseil constitutionnel, qui a érigé en principe général du droit
la règle selon laquelle le silence gardé par l'administration vaut rejet.
L'article 5 donne d'ailleurs un cadre législatif à l'intervention des décrets
en Conseil d'Etat qui prévoiront les cas dans lesquels le silence gardé par
l'administration vaudra acceptation. Nous ne pouvons qu'approuver ces
dispositions pleines de bons sens.
Les articles 4 et 5 vont vers une simplification administrative. Ils seront
complétés par voie réglementaire au cours de l'année 1997 puisqu'un décret en
Conseil d'Etat permettra, dans des cas d'ailleurs souvent très techniques, de
substituer au régime de l'autorisation administrative préalable un régime
déclaratif. M. le rapporteur a rappelé le nombre d'autorisations préalables
nécessaires, qui s'élève à quelque 4 200. Un Etat moderne ne peut fonctionner
efficacement dans ces conditions.
Vous me permettrez d'évoquer également l'article 6, qui concerne le retrait
pour illégalité d'une décision implicite d'acceptation. Je partage tout à fait
le souci de la commission de limiter dans le temps - deux mois - cette
possibilité de repentir ouverte à l'administration.
Toutefois, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous
indiquer quelles procédures pourront dans l'avenir être soumises à ce
régime.
Par ailleurs, toujours dans un esprit de simplification, ce dont je me
réjouis, les pouvoirs du Médiateur, ainsi que l'a fort bien expliqué M. le
rapporteur, sont renforcés.
L'Etat doit être plus simple, mais il doit être également plus proche.
Plusieurs décisions importantes relatives à la déconcentration sont déjà
intervenues : les autorités locales vont notamment disposer de crédits plus
importants et leur utilisation deviendra plus souple.
La gestion des ressources humaines de l'Etat et le dialogue social vont être
largement déconcentrés. Une formation mieux assurée, une mobilité plus grande
sont les gages d'un meilleur fonctionnement de l'administration.
Enfin, le rapprochement de l'Etat se traduira également par la création de «
maisons des services publics » regroupant sur un même lieu les différents
services de l'Etat. Mises en place à l'heure actuelle à titre expérimental, ces
maisons des services publics éviteront à l'usager des démarches inutiles et
permettront de rationaliser l'action administrative.
Au demeurant, monsieur le ministre, je crois qu'il sera nécessaire de veiller
très précisément aux conséquences des décisions d'implantation de ces maisons
des services publics, qui ne doivent en aucun cas aboutir à accélérer la
désertification de nos cantons, je sais que vous y êtes sensible.
De même, les maisons des services publics devront fonctionner dans le respect
des règles de la concurrence sans porter tort aux services proposés par les
acteurs économiques du monde rural. Je sais que ce point suscite une certaine
inquiétude.
En effet, en milieu rural, tout le monde comprend et souhaite que les maisons
des services publics permettent le maintien des services publics. Mais,
s'agissant de leurs éventuelles activités commerciales, il conviendra de
veiller à ce qu'elles soient permises lorsqu'elles seront en quelque sorte le
complément naturel et nécessaire des missions de service public.
L'administration deviendra plus efficace si les décisions peuvent être prises
au bon échelon. Cette évidence a peut-être été oubliée pendant de trop
nombreuses années. Les administrations centrales doivent se consacrer
pleinement à la définition des grandes stratégies et des orientations
politiques, alors que les administrations déconcentrées sont plus à même de
prendre des décisions rapides et d'être proches des citoyens. Je sais que c'est
dans ce sens que s'oriente toute votre action.
L'administration française a toujours été un modèle pour l'étranger et les
agents publics montrent chaque jour leur dévouement au service public et aux
citoyens. Mais l'administration doit évoluer et s'adapter.
Ce projet de loi, dont nous débutons l'examen cet après-midi, contribuera à la
modernisation de l'administration. Nous vous en savons gré, monsieur le
ministre. C'est pourquoi le groupe du RPR le votera.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est proposé est présenté comme la première traduction législative
de la réforme de l'Etat. Cette réforme de l'Etat doit constituer l'un des
chantiers majeurs du septennat présidentiel.
Avec elle, se joue l'avenir de la fonction publique et des services publics.
Or, force est de constater que ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de
tensions et de rupture du dialogue social sur fond de restrictions
budgétaires.
Tous les fonctionnaires expriment leur profond mécontentement, que ce soit
dans la fonction publique d'Etat, dans la fonction publique hospitalière ou
dans la fonction publique territoriale.
Dire que cette fameuse réforme doit être nécessairement et prioritairement
conduite avec les fonctionnaires est une évidence à laquelle ne semble pas
souscrire le Gouvernement. A cet égard, votre politique, monsieur le ministre,
est en parfaite contradiction avec vos discours et vos promesses.
Pour réussir, la réforme de l'Etat devrait commencer par s'appuyer sur les
fonctionnaires, leur faire confiance et, de surcroît, les encourager à
s'adapter au changement. Ils constituent la première richesse de l'Etat. C'est
de leur compétence, de leur mobilisation que dépend la capacité des services
publics à répondre aux besoins du pays. Or, la qualification de « mauvaise
graisse » utilisée par le Premier ministre reste présente à l'esprit.
Le Gouvernement ne cesse effectivement d'appeler de ses voeux la réduction du
nombre de fonctionnaires, et les négociations salariales viennent d'être
rompues. Il réclame une administration plus moderne et plus responsable, mais
impose des coupes claires dans les budgets publics, supprime des emplois, fait
du fonctionnaire un bouc-émissaire et décide, unilatéralement, d'accorder une
augmentation des salaires de 2,8 % sur deux ans pour 1997-1998, soit 1 % en
1997 appliqué en deux étapes - un demi-point au 1er mars, puis un demi point au
1er octobre - sans aucun rattrapage pour compenser le gel de 1996. La
négociation salariale attendue depuis le mois de juin 1995 n'a pas eu lieu.
Repoussée dans un premier temps au printemps 1996 par Jean Puech, votre
prédecesseur, puis par vous-même, à la fin de l'année 1996, cette négociation
est mort-née en ce début de mois de février 1997.
Chacun connaissait la faible marge de manoeuvre budgétaire dont disposait le
Gouvernement. La provision de 1,5 milliard de francs constituée dans le cadre
du budget pour 1997 présageait une négociation sans grain à moudre. Le
dénouement est encore plus expéditif qu'on aurait pu l'imaginer. Les
fonctionnaires se voient donc sacrifiés. La revalorisation dérisoire de leurs
traitements, inférieure à l'inflation prévisionnelle pour 1997, se traduira par
une nouvelle amputation de leur pouvoir d'achat.
En ne donnant aucune indication sur le calendrier des augmentations en 1998,
mais en reportant celles-ci à la fin de l'année prochaine, le Gouvernement
pourra sans encombre réussir l'examen de passage des comptes de la France pour
1998 et, en cas d'alternance, laisser à d'autres le soin de résoudre cette
question. N'est-ce pas, monsieur le ministre ?
Merci pour vos successeurs, vous leur laissez une situation très explosive
!
M. Michel Rufin.
On en a trouvé une bien pire !
M. James Bordas.
Il ne faut pas croire au père Noël !
M. Jacques Mahéas.
C'est tout à fait bien joué.
Votre politique se résumerait donc ainsi : moins de fonctionnaires, moins
payés, plus compétents et plus disponibles.
Comment demander aux agents publics de se mobiliser davantage quand on gèle
leurs salaires, qu'on coupe dans le budget de leurs services et dans leurs
effectifs et qu'on leur fait si peu confiance ?
Le service hospitalier ne fait-il pas également les frais de votre incapacité
à équilibrer le budget de la sécurité sociale, avec un déficit de 35,2
milliards de francs au lieu des 30,4 milliards de francs versés pour 1997 ? Les
compressions budgétaires, les menaces de licenciement et les restructurations
sont bien les trois piliers de la contestation sociale des centres hospitaliers
universitaires de Strasbourg, de Lyon, de Nice, de Béziers et de Caen, sans
oublier la région parisienne et l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche à
Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis. En tant que maire de
Neuilly-sur-Marne, je puis vous assurer que l'ensemble du personnel de cet
hôpital a bien compris la manoeuvre gouvernementale : sous prétexte de
restructuration, mille emplois sur les deux mille que compte cet établissement
devraient être supprimés en cinq ans. Voilà cinq semaines que le personnel est
en grève et demande le maintien des emplois !
Les mouvements de protestations se multiplient et les assurés sociaux
s'inquiètent.
La fonction publique territoriale n'est pas non plus épargnée. En particulier,
les agents recrutés après le 26 janvier 1984 ont de quoi être mécontents :
inutile de vous dire combien ils apprécient le « cadeau » de fin d'année qui
leur est réservé au travers de l'article 70 de la loi relative à l'emploi dans
la fonction publique du 16 décembre 1996, lequel prévoit pour eux la
suppression des compléments de rémunération, puisque le bénéfice des avantages
collectivement acquis se limitent aux seuls fonctionnaires recrutés au moment
de l'entrée en vigueur de la loi de 1984.
Je vous demande, monsieur le ministre, de nous donner rapidement des
explications sur ce sujet, et je suis persuadé que vous nous en fournirez à
l'occasion de votre réponse.
La volonté de réformer l'Etat n'est pas nouvelle : elle s'inscrit en
particulier dans la continuité du renouveau du service public mis en oeuvre le
23 février 1989 par Michel Rocard, alors Premier ministre, et confirmé, en mars
1992, par l'adoption de la charte des services publics, qui a été conçue comme
un instrument permettant la modernisation de l'administration.
Toutefois, au-delà des objectifs que vous affichez, monsieur le ministre,
votre démarche et surtout la philosophie qui régit ce vaste chantier sont aux
antipodes de notre conception de l'Etat et du service public. Votre démarche
s'inscrit davantage dans une logique de désengagement de l'Etat et de remise en
cause de la décentralisation.
Trois grands chantiers de cette réforme suscitent notamment l'inquiétude des
fonctionnaires et de leurs syndicats.
Il semble, par exemple, indispensable d'associer étroitement les intéressés à
la mise en oeuvre, puis à l'évaluation des contrats de service dans leurs
différents stades d'expérimentation.
Je prendrai un autre exemple, celui du redéploiement des administrations
centrales. Il soulève, à juste titre, des craintes si votre politique se
contente de fixer mécaniquement un objectif de réduction des effectifs de 10 %
et de diminution des services de 30 %. Chacun comprend, sans qu'il soit besoin
d'explication supplémentaire !
Qu'en est-il, enfin, de la réorganisation des services déconcentrés, dont les
expériences débuteront prochainement, à la fin du mois de mars ou au début du
mois d'avril ? Ne répond-elle pas aussi à l'objectif inavoué d'intégrer à
certaines directions départementales des services qui gênent ? Il suffit de
penser à la protection judiciaire de la jeunesse, à la jeunesse et aux sports,
destinées à être agrégées à une direction départementale de la santé, de la
population et de la solidarité ou à la direction départementale des affaires
sanitaires et sociales, la DDASS.
Le peu de considération pour les fonctionnaires et la pénurie de moyens vous
conduisent à nous faire débattre aujourd'hui sur ce « petit » projet de loi
relatif à l'amélioration des relations public-administration.
Si son objet est assez pragmatique, il masque en vérité bien mal la réelle
pénurie de l'accueil au guichet.
Si, d'autre part, il s'inscrit dans le cadre d'une administration modernisée,
il ne se situe pas au centre de l'action gouvernementale comme on aurait pu
l'espérer eu égard au battage médiatique dont il a été l'objet.
Vous aviez annoncé, monsieur le ministre, une « petite révolution »
administrative. En fait, ce texte ne comporte aucune innovation marquante. Ce
n'est, à bien des égards, qu'un texte d'ajustement qui relève plus de la
circulaire ministérielle que de la loi. Il est avant tout réglementaire et très
peu législatif.
Il s'articule autour de trois grands principes, qui appellent un certain
nombre d'observations.
Le titre Ier a pour objet essentiel d'élargir aux collectivités territoriales
la portée du décret du 28 novembre 1983 et de généraliser le principe de
décision implicite d'acceptation.
On peut difficilement s'opposer à des propositions qui visent à simplifier la
vie des administrés et à assurer une meilleure transparence en matière de
traitement des dossiers. Encore faut-il connaître les attentes des usagers et
reconnaître les risques de confusion et d'incertitude concernant la règle du
silence de l'administration. Le simple citoyen aura du mal à s'y retrouver,
tandis que les services seront confrontés à des contraintes accrues, notamment
du fait de l'insuffisance de leurs effectifs.
Vous comprendrez, en outre, la crainte d'un surcroît de travail et d'un
surcoût financier pour les collectivités territoriales. Certains élus
s'interrogent sur les conséquences que pourraient avoir ces nouvelles
obligations : accusé de réception, transmission à l'autorité compétente. La
mairie étant l'administration de proximité par excellence, certains redoutent
d'être envahis par les dossiers et craignent des dépenses supplémentaires ;
elles seront d'autant plus mal venues que la franchise postale a été
supprimée.
En conséquence, si nous approuvons l'effort d'amélioration de la vie
quotidienne des administrés, nous nous interrogeons sur les moyens humains,
matériels et financiers qui devraient l'accompagner, ainsi que sur les critères
de gestion et de contrôle qu'impliquent ces dispositions mais qui ne sont
jamais mentionnés dans ce texte. On parle d'une première vague de 280 décrets
soumis au Conseil d'Etat. Pouvez-vous nous informer à ce sujet, monsieur le
ministre ?
Le Médiateur lui-même, lors de son audition par la commission des lois, le 28
janvier dernier, a mis en garde sur le risque de voir une idée intéressante
détournée au détriment des administrés. L'extension du régime de décision
implicite d'acceptation, combinée à la réduction des délais de réponse, lui a
paru être de nature à inciter les services à rejeter des demandes faute d'avoir
les moyens et le temps de les examiner correctement. Cette pratique pourrait
d'ailleurs engendrer une insatisfaction des usagers, qui demandent une réponse
rapide.
L'objet du titre II est d'élargir la saisine du Médiateur de la République à
de nouvelles catégories d'élus, d'étendre ses compétences et de renforcer son
rôle.
Autant il paraît fondé d'étendre les compétences du Médiateur, autant le choix
des nouveaux élus qui pourraient le saisir prête à discussion.
Le président du conseil général a des prérogatives exécutives, par exemple en
matière d'aide sociale ou d'agrément d'établissement, qui lui confèrent une
responsabilité importante. Il est peu probable qu'il s'empresse de transmettre
au Médiateur une réclamation d'un citoyen qui s'estime lésé par une décision
qu'il a prise en ces domaines.
Le même problème se pose pour un président de conseil régional, en matière de
bourses, de formation professionnelle, ou pour le maire de Paris, qui est amené
à prendre des décisions en matière de logement. Par ailleurs, pourquoi le
président du conseil exécutif de Corse aurait-il plus de poids que les élus des
grandes villes ? Vous établissez là une discrimination entre les élus.
Si l'on veut améliorer les relations entre les institutions et le public, ne
vaudrait-il pas mieux élargir la saisine directe du Médiateur à tous les
citoyens ? Certes le filtrage effectué actuellement par les parlementaires,
indépendants à l'égard de l'administration, évite que le Médiateur ne soit
saisi de trop nombreuses réclamations irrecevables. Nous y reviendrons lors de
la discussion des articles.
Enfin, le titre III de votre projet, qui définit le cadre juridique des
maisons des services publics, suscite de multiples réflexions.
On est d'ailleurs en droit de se demander si le projet que vous nous soumettez
n'est pas un simple prétexte pour poser les fondements législatifs d'une autre
administration, constituée de services polyvalents, relevant d'ailleurs du
public ou du privé, dotés de personnels dont les garanties statutaires ne sont
pas évoquées.
Je me contenterai, dans l'immédiat, de formuler quelques questions qui
alimenteront éventuellement le débat.
S'agira-t-il simplement de transferts de services ou de la création de
nouveaux services avec création de postes ?
Quels établissements publics et organismes chargés d'une mission de service
public s'associeront ?
N'y a-t-il pas contradiction entre la mise en place de maisons des services
publics et les projets de suppression et de regroupement de services ou la
fermeture, dans de nombreuses régions et localités, de services publics de
proximité ? La création des maisons des services publics est-elle conçue pour
mieux faire accepter la suppression de services publics en certains points du
territoire ?
M. René Régnault.
Très bonne question !
M. Jacques Mahéas.
Les « maisons » proposées se réduiront-elles à quelques agents derrière des
guichets, renvoyant ailleurs le traitement effectif du dossier ? Quelles
garanties l'usager aura-t-il en ce domaine ? Comment pourra-t-il être assuré de
la compétence du fonctionnaire auquel il aura affaire ? S'agira-t-il d'un
service public minimal ?
Comment les agents de ces « maisons » pourront-ils être informés de toutes les
réglementations en vigueur ? Or ils devront l'être pour assumer les missions
polyvalentes qui leur sont dévolues.
Quel est l'intérêt du groupement d'intérêt public ?
L'Etat n'organise-t-il pas un transfert de charges vers les collectivités
territoriales, auxquelles reviendra une part importante du financement ? Cette
crainte est d'autant plus légitime que le fonds pour la réforme de l'Etat
n'apporte qu'un complément dérisoire dans le financement du démarrage des
expériences.
La formule de la maison des services publics peut être séduisante, mais elle
risque de nuire à la lisibilité, pour les citoyens, des responsabilités de
chacun et elle ne répond pas à l'attente des usagers.
Les usagers attendent des services publics de proximité qu'ils soient capables
de traiter pleinement leurs demandes, avec des agents formés et compétents.
Encore faudrait-il disposer d'un personnel assez nombreux et formé à la
polyvalence, et octroyer les crédits nécessaires aux ministères concernés.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, a certes pour objet d'améliorer les
relations entre l'administration et le public. Mais comment prétendre
rapprocher l'administration de ses usagers quand les effectifs sont en baisse
et quand on ne se donne pas les moyens financiers d'une véritable réforme ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est soumis aujourd'hui est le premier volet législatif de la
réforme de l'Etat. Cependant, comme nous l'a d'ailleurs rappelé à juste titre
M. le ministre, il ne concerne qu'une partie de celle-ci.
J'ajouterai qu'il s'agit d'une partie bien modeste. Non que l'amélioration des
relations entre l'administration et les usagers soit un objectif mineur, bien
au contraire, mais les mesures contenues dans ce texte ne sont vraiment pas à
la hauteur de l'objectif ; j'y reviendrai.
Pourtant, M. Chirac, lors de sa campagne présidentielle, puis M. Juppé nous
ont successivement annoncé leur intention de mener une réforme de l'Etat
ambitieuse et de grande ampleur pour répondre aux changements de la société
française, et ils n'ont cessé d'insister sur la nécessité de faciliter les
démarches administratives en simplifiant les procédures et en les rendant plus
rapides.
Or, aujourd'hui, que voyons-nous ?
Les dispositions concernant les rapports entre l'administration et les usagers
sont plus que décevantes. Quant aux autres mesures tendant à la réforme de
l'Etat, dont certaines sont véritablement déterminantes pour l'avenir de notre
société, elles sont ou seront prises en dehors du Parlement.
Vous me répondrez, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pour rien, et il
est vrai que, si l'organisation de l'Etat et son fonctionnement relèvent du
domaine réglementaire, c'est en vertu de la Constitution.
Cependant, je ne suis pas sûr que, face à l'enjeu de cette réforme, l'argument
constitutionnel explique à lui seul la situation.
Derrière les intentions du Gouvernement, qui sont résumées dans le triptypque
sans cesse rappelé : « Un Etat plus proche, plus simple et plus moderne », une
formule dans laquelle on peut mettre tout et son contraire, c'est en fait un
véritable effacement de l'Etat qui est programmé.
Les différents documents de travail élaborés par vos services, monsieur le
ministre, sont à cet égard fort clairs : l'idée directrice qui sous-tend toute
cette réforme est celle d'un Etat minimal, adapté aux exigences de Maastricht,
c'est-à-dire d'un Etat qui se soucie peu de répondre aux besoins de la
population pourvu que ses comptes ne soient pas dans le « rouge ».
Ce n'est certainement pas ainsi que la France sortira de la crise.
Il faut, au contraire, selon nous, un Etat volontariste, qui impulse une
dynamique nouvelle, et non un Etat amenuisé, qui laisse à la dérive un nombre
croissant d'individus. Il faut une fonction publique correctement rémunérée,
formée et respectée. Vous n'avez pas, je le crains, choisi cette politique.
Compte tenu de l'importance du sujet au regard du devenir de notre société, il
aurait été utile d'organiser un vrai débat, large et contradictoire, au
Parlement. Rien ne vous en empêchait, monsieur le ministre.
Il me semble que cette mise hors jeu du Parlement n'est pas sans vous convenir
: les mesures délicates restent ainsi dans une semi-confidentialité, tandis que
le volet
a priori
le plus consensuel, celui qui touche directement les
citoyens, nécessite le vote d'une loi.
Cela est d'autant plus choquant que le présent projet de loi est lui-même une
sorte d'artifice : non seulement il n'innove guère, mais il renvoie
systématiquement chaque mesure à des décrets pris en Conseil d'Etat.
Ne serions-nous là que pour vous donner carte blanche ?
Examinons maintenant les différentes mesures qui nous sont proposées.
Le titre Ier du projet a pour objet d'accélérer le processus de décision des
administrations.
Je constate tout d'abord que nombre de ces dispositions ne sont ni plus ni
moins que la reprise du décret du 28 novembre 1983 relatif aux relations entre
l'administration et les usagers.
Il en est ainsi de l'obligation pour les autorités administratives d'accuser
réception des demandes des usagers, de leur obligation de transmettre au
service compétent les demandes dont elles sont saisies à tort et de la
possibilité, pour tout citoyen, de présenter des observations écrites ou orales
sur les décisions individuelles les concernant.
Le seul apport du texte consiste en fait dans l'extension du champ
d'application de ces obligations aux collectivités territoriales, aux
organismes de sécurité sociale et aux organismes chargés de la gestion d'un
service public administratif. Cette extension est, certes, une bonne chose
mais, de grâce, que l'on ne nous parle pas de nouveaux droits fondamentaux !
Quant aux deux autres mesures du titre Ier, celle qui vise à réduire de quatre
à deux mois le délai de réponse de l'administration et celle qui tend à ce que
le silence de l'administration vaille acceptation tacite, on nous dit qu'il
s'agit des plus innovantes. Permettez-moi quelques remarques à ce sujet.
Le principe selon lequel le silence de l'administration vaut rejet demeure le
droit commun puisque les décisions individuelles échappant au principe seront
établies au cas par cas dans une liste prise par décret en Conseil d'Etat. Il
est donc pour le moins difficile d'évaluer la portée de cette mesure.
Quant au délai de deux mois, la rapidité est certes un élément appréciable,
mais j'ai bien peur que l'application de ce principe ne pose un sérieux
problème aux administrations : comment être plus rapide quand aucun moyen
supplémentaire n'est prévu et que, chaque année, les budgets publics sont
réduits, des postes de fonctionnaires supprimés ?
Si l'administration souffre de lenteur, ce n'est pas parce que ses agents ne
font pas leur travail ; c'est parce que, faute de moyens et d'effectifs
suffisants, ils manquent de temps.
Ils sont les premiers à souhaiter pouvoir rendre un meilleur service à
l'usager, et certains propos gouvernementaux tendant à les rendre responsables
de l'inefficacité et des lourdeurs de l'administration sont pour le moins
déplacés.
S'agissant du Médiateur de la République, dont je veux saluer l'efficacité et
la compétence, vous proposez deux changements qui vont dans le sens d'un
renforcement de cette institution. Nous ne nous y opposerons pas, mais je doute
fort que cela change en profondeur les relations des usagers avec
l'administration.
Avec les dispositions du titre III, relatif aux maisons des services publics,
le projet de loi vise à donner un cadre législatif à diverses expériences
menées depuis plusieurs années ou en cours de mise en place.
Ces expériences pourraient, dans une certaine mesure, être positives si les
emplois et les services étaient systématiquement au moins maintenus.
L'objectif visé est en apparence fort louable puisqu'il s'agit de réunir en un
seul lieu différents services publics afin de faciliter les démarches des
usagers. Cependant, aucun moyen supplémentaire sérieux n'est prévu. Or de tels
regroupements nécessitent des locaux, du personnel et des moyens de
fonctionnement.
J'ai bien peur que, en fait, cette mesure ne soit qu'un paravent, destiné à
dissimuler des suppressions de services publics, notamment dans les zones
rurales, où la présence administrative est déjà bien ténue.
Je crains encore que les mairies de nos villages ne se trouvent surchagées,
voire obligées de servir des organismes privés, du type Compagnie générale des
eaux.
L'urgence aujourd'hui porte moins sur les regroupements de services publics
que sur le renforcement de la présence de l'Etat et des services publics dans
les zones rurales et dans les zones urbaines dites sensibles.
Or, toute la politique du Gouvernement vise, au contraire, au désengagement de
l'Etat et au démantèlement de la fonction publique.
La nouvelle carte scolaire, approuvée dans le cadre du budget de 1997,
supprime près de 3 000 postes d'instituteur, et entraînera donc autant de
fermetures de classe.
Autre exemple, encore plus concret, la poste des Minguettes a été récemment
rénovée et modernisée. Eh bien, contrairement aux engagements qui avait été
pris, cela s'est traduit par la suppression de deux emplois, ensuite remplacés
par des postes attribués à des titulaires de contrats emploi-solidarité !
Cet exemple vous paraît peut-être dérisoire, mais, hélas ! il est loin d'être
isolé.
La volonté du Gouvernement de développer les maisons des services publics
semble surtout destinée à opérer des regroupements supracantonaux. Elle
s'inscrit dans le prolongement direct de la politique d'aménagement du
territoire où le « pays » doit devenir l'espace d'organisation des services
publics.
Il s'agit donc moins de rapprocher l'administration des usagers, comme
l'affirme le Gouvernement, que d'imposer des rationnements et de faire accepter
un partage de la pénurie conduisant à une offre de service public minimale.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Voilà la vérité !
M. Robert Pagès.
Nombreux ont été les gouvernements qui ont voulu simplifier les procédures,
rapprocher les citoyens des administrations, et, plus largement, réformer
l'Etat. Loin de moi, l'idée de leur en faire grief, bien au contraire.
Toutefois, ce que le Gouvernement entreprend aujourd'hui est non pas une
réforme de l'Etat, mais une réforme contre l'Etat.
Aussi le groupe communiste républicain et citoyen ne votera-t-il pas ce
texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communistes républicain et
citoyen.)
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