M. le président. « Art. 8 bis . _ L'article 38 de la même ordonnance est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet article 8 bis consiste à supprimer l'article 38 de l'ordonnance de 1945, disposition transitoire prévue par la loi du 24 août 1993 et, exceptionnellement, plutôt favorable aux jeunes issus de l'immigration.
En effet, cette disposition consistait à maintenir la délivrance de plein droit de la carte de résident mentionnée à l'article 15 à l'étranger qui n'a pas été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial et qui justifie par tous moyens y avoir sa résidence habituelle depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans, à condition qu'il soit entré en France avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993 et que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Dans la mesure où la loi du 24 août 1993 était plus restrictive que les dispositions antérieures et où elle abaissait l'âge d'entrée sur le territoire à six ans, cette disposition permettait de maintenir jusqu'en 2001 le bénéfice de plein droit de la carte de résident aux jeunes entrés en France en dehors du regroupement familial entre six et dix ans avant 1993.
Or il s'avère que, contrairement à ce qui est affirmé, la nouvelle loi est encore plus restrictive que celle de 1993, puisque l'article 4, en son deuxième alinéa, accorde une carte temporaire et non une carte de résident à ces jeunes, à condition qu'ils soient dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans leur pays d'origine.
La suppression de l'article 38 équivaudrait à donner à cette loi un caractère rétroactif et aurait des effets néfastes pour les jeunes placés dans une situation dramatique dont ils ne sont pas du tout responsables.
Nous estimons donc que cette disposition transitoire doit être maintenue, car elle demeure nécessaire. L'article 4 ne supprime pas son intérêt, et elle est plus favorable aux jeunes dont nous nous préoccupons.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 145 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer l'article 8 bis.
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 72.
M. Claude Billard. Comme vient de l'indiquer Mme ben Guiga, cet amendement vise à maintenir l'article 38 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article qui permet de délivrer une carte de résident de plein droit à l'étranger qui vit en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et qu'il est entré en France en dehors du regroupement familial avant l'application de la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration.
La suppression de cette disposition transitoire tend à tirer les conséquences de l'article 4 du projet de loi qui permettrait aux étrangers concernés, c'est-à-dire des jeunes ayant effectué la majeure partie de leur scolarité en France, de bénéficier non plus d'une carte de résident valable dix ans et renouvelable maintenant de plein droit, mais d'un titre de séjour d'un an, et ce sans aucune garantie de renouvellement.
Il s'agit donc, en fait, de rendre encore un peu plus précaire la situation des étrangers, et ce même quand il s'agit de jeunes.
Comment demander à un jeune vivant en France depuis au moins l'âge de dix ans de s'intégrer si, après avoir pu espérer bénéficier d'une carte de résident à sa majorité, il ne peut plus attendre qu'un titre de séjour à la condition de prouver qu'il est dans l'impossibilité de poursuivre une vie de famille normale dans son pays d'origine ? Franchement, cette manière de faire est indigne d'un pays se réclamant des droits de l'homme !
Jouer ainsi avec l'avenir des jeunes risque de faire naître chez eux un sentiment d'amertume et de rancune, et donc de compromettre leur bonne intégration, question qui, dans la situation actuelle, prend toute son importance.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 145.
Mme Monique ben Guiga. J'ai déjà défendu cet amendement en expliquant pourquoi nous estimons que l'article 38 de l'ordonnance de 1945 doit être maintenu jusqu'en 2001.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 72 et 145.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vraiment, « défavorable », c'est tout de même un peu court !
M. Michel Mercier. C'est pour rééquilibrer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, au contraire, car, si la commission et le Gouvernement nous avaient fourni des explications susceptibles de nous convaincre, nous ne serions plus intervenus !
M. Jean Chérioux. Nous sommes tellement heureux de vous entendre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Puisque vous êtes heureux de nous entendre, soyez gentils de bien nous écouter !
Il s'agit d'un article nouveau - il ne figurait en effet pas dans le projet de loi initial - qui résulte de l'adoption d'un amendement présenté comme un texte de conséquence : une carte temporaire étant délivrée, en vertu de l'article 4 du projet de loi, à ceux qui sont concernés par cet article 8 bis , c'est-à-dire : « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans, ou bien depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans s'il justifie être dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine », on pourrait supprimer l'article 38, qui prévoyait la même chose pour ceux qui sont entrés en France avant le 24 août 1993. Ce serait cependant une erreur, car l'article 38 leur reconnaissait le droit non pas à la carte provisoire, mais à la carte de résident.
Cela signifie-t-il que vous revenez sur les droits acquis du fait de la loi du 24 août 1993 ? Ou bien que vous allez retirer à ceux qui sont entrés sur notre territoire avant cette date la carte de résident que vous leur avez donnée pour la remplacer par une carte provisoire ?
Avouez, monsieur le rapporteur, que c'est un véritable problème, qui n'apparaît nullement dans votre rapport ! Avouez, monsieur le ministre, qu'il y a là une véritable question et qu'il ne suffit pas de nous répondre purement et simplement : « Défavorable » ! Notre argument mérite au moins une réponse !
Lorsque nous déposons un amendement tel que celui-là, nous espérons qu'au moins l'erreur sera reconnue et qu'elle sera corrigée. Ce serait si simple ! Mais, s'entêter sans dire pourquoi, véritablement, nous ne comprenons pas !
Je me permets donc d'insister pour vous demander de renoncer à cet article 8 bis auquel le Gouvernement n'avait nullement songé, d'autant que ce dernier tait les raisons qu'il a de le maintenir.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je souhaite moi aussi demander des explications. Que l'on refuse ces deux amendements, soit ! Mais on ne peut pas se contenter de dire : « Défavorable » !
Au nom des jeunes, franchement, il est nécessaire de nous donner des explications, car l'adoption de ces amendements serait tout à fait utile.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et notre explication ? C'est ça, les droits du Parlement ?
M. le président. Nous en sommes au vote, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas vous qui présidez, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle honte !
M. Emmanuel Hamel. C'est un mot de trop !
M. Jean Chérioux. Vous n'avez pas à nous juger ! Pas de fausse indignation !
M. Michel Rufin. Oui, taisez-vous !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 72 et 145, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 bis.
(L'article 8 bis est adopté.)
Article 8 ter