M. le président. Je suis saisi de deux amendements amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 78, M. Jean-Jacques Robert propose d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 :
« I. - Les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "dix ans".
« II. - La somme : "200 000 francs" est remplacée par la somme : "500 000 francs".
« B. - Le paragraphe II du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui aura introduit et transporté en France un ou plusieurs étrangers en situation irrégulière au regard des règles d'entrée et de séjour sur le territoire national sera tenue de prendre en charge les frais afférents à la procédure d'éloignement susceptible d'être engagée à l'encontre du ou des étrangers concernés. En cas de pluralité d'auteurs, ils seront solidairement responsables des frais d'éloignement. »
Par amendement n° 181, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est ainsi rédigé :
« Toute personne qui, par aide directe ou indirecte, dans un but lucratif, aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France ou d'un Etat avec lequel la France a passé une convention sur l'immigration sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 200 000 francs. »
La parole est à M. Jean-Jacques Robert, pour défendre l'amendement n° 78.
M. Jean-Jacques Robert. Les filières d'introduction d'immigrés clandestins sont de plus en plus aux mains d'organisations criminelles structurées. Une répression efficace de ces délinquants, tenant compte de cette dimension, nécessite la possibilité d'utiliser leur encontre l'incrimination d'« association de malfaiteurs », et de leur appliquer les sanctions qui sont prévues à l'article 450-1 du code pénal.
Cet amendement a ainsi pour objet de prévoir un renforcement des sanctions encourues par les personnes facilitant l'entrée ou le séjour irrégulier en France, mais aussi par ceux qui incitent les émigrants potentiels au départ avec des promesses d'eldorado pour les exploiter ensuite dans des ateliers clandestins.
Obliger les « passeurs » et les personnes exploitant des étrangers en situation irrégulière à prendre en charge les frais afférents à la procédure d'éloignement marquera la volonté du législateur de frapper durement les réseaux organisés, qui ont souvent des ramifications internationales.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 181.
Mme Nicole Borvo. Notre amendement vise à mettre fin aux effets beaucoup trop rigoureux des dispositions sanctionnant l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour d'un étranger en situation irrégulière. Il faut, certes, se protéger des réseaux organisés, mais encore convient-il de savoir de quoi l'on parle.
L'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a fait naître des situations où l'absurde le dispute à l'inhumain : des Français ou des étrangers résidant en France depuis de longues années se sont vus poursuivis en justice et condamnés pour aide au séjour irrégulier d'un étranger en situation irrégulière ; ces étrangers étaient bien souvent leur époux ou leur épouse, leur concubin ou leur concubine.
La loi du 21 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme a introduit, dans l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, un nouvel alinéa qui exclut les poursuites pénales lorsqu'il s'agit d'un ascendant ou d'un descendant de l'étranger ou encore de son conjoint. Mais rien n'est prévu pour les concubins ou les amis, qui pourront donc toujours ainsi être poursuivis.
Cette modification laisse persister une définition beaucoup trop large des délits que ledit article a pour objet de réprimer. Si des dispositions fermes doivent sanctionner la complicité de l'introduction d'étrangers en situation irrégulière ainsi que des actes commis sciemment pour faciliter, à des fins lucratives, la circulation ou le séjour de ces personnes, cela ne doit pas avoir pour effet de qualifier de délits des actes accomplis au nom de l'amitié et, bien souvent, en toute innocence.
Le tribunal correctionnel de Lille a jugé une jeune femme de vingt-huit ans qui vit avec un Zaïrois en concubinage, parce qu'elle a hébergé un couple d'amis, dont l'un des membres est Zaïrois, en ignorant que celui-ci était en situation irrégulière.
Le 26 novembre, la jeune femme est arrêtée sur son lieu de travail, puis gardée à vue pendant vingt-cinq heures. Sans attendre la décision du tribunal, son employeur l'a licenciée.
Cet exemple, qui n'est pas un cas isolé, montre combien la rédaction actuelle de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 peut conduire à de véritables drames humains et doit être modifiée de façon que ce genre de situation ne puisse se renouveler.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Paul Masson, rapporteur. D'une façon générale, la position de la commission consiste à ne pas élargir le champ du projet de loi. Le ministre l'a dit plusieurs fois, il s'agit d'un texte technique dont la vocation n'est pas de reprendre tout le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine ou de servir de prétexte à un vaste débat sur l'ordonnance de novembre 1945. Il s'agit strictement de régler les problèmes que peut poser le départ de notre territoire de personnes qui y sont entrées clandestinement.
C'est en vertu de cette position de principe que la commission s'est prononcée contre les amendements n°s 78 et 181, qui ont des objets radicalement différents puisque M. Jean-Jacques Robert veut aggraver les sanctions prévues par l'article 21 de l'ordonnance de 1945, alors que le groupe communiste républicain et citoyen souhaite limiter le champ d'application de ce même article.
Pour être contradictoires, ces deux propositions n'en ont pas moins toutes deux pour effet de déplacer le débat vers un sujet que nous n'estimons pas opportun d'aborder dans le cadre de cette discussion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 181, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 5