M. le président. Mes chers collègues, dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 4, à l'amendement n° 177.
Par amendement n° 177, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer le mot : « et » par le mot : « ou ».
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis. Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Cet amendement tend à soumettre la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers parents d'enfants français à des conditions alternatives et non pas, comme dans le projet, cumulatives.
Ces conditions sont les suivantes : l'exercice de l'autorité parentale et la prise en charge des besoins effectifs de l'enfant.
Ces deux conditions figurent déjà dans l'ordonnance de 1945 - à l'article 15, relatif à la délivrance de la carte de résident, et à l'article 25, concernant les personnes pour lesquelles l'expulsion est impossible - mais elles sont alternatives et non cumulatives.
Pourquoi ne pas avoir repris telle quelle la rédaction de l'ordonnance de 1945, si ce n'est pour mettre un obstacle supplémentaire à l'obtention de la carte de séjour temporaire pour certains parents étrangers, d'autant qu'on sait bien de quelle manière les préfectures interprétent l'exigence de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant ? Par-delà le versement de sommes d'argent, l'apport affectif, la présence à côté de l'enfant, souvent, ne comptent pas.
Par ailleurs, comment un étranger peut-il verser de l'argent quand il n'a pas le droit de travailler, faute de papiers, sauf à travailler dans la clandestinité ?
Notre amendement, en ce qu'il tend à remplacer le mot « et » par le mot « ou », peut paraître anodin ; il est loin de l'être.
M. le président. Par amendement n° 18, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, de suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est un amendement rédactionnel. Nous avons la faiblesse de penser qu'il clarifie le texte. M. le président. Par amendement n° 178, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° A l'étranger non polygame, dont le concubin est de nationalité française, à condition qu'il soit titulaire depuis au moins un an d'un certificat de concubinage établi dans les conditions légales et délivré en France, que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le concubin ait conservé la nationalité française et que la communauté de vie n'ait pas cessé ; »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Chacun le sait, le nombre des mariages en France tend à diminuer d'année en année, les 417 000 unions enregistrées en 1972 ayant constitué un point culminant.
En 1992, 271 400 mariages seulement ont été célébrés.
Aussi nous apparaît-il important que la Haute Assemblée, consciente de cette évolution, permette à l'étranger dont le concubin est de nationalité française de disposer des mêmes droits que l'étranger vivant maritalement avec une personne de nationalité française.
La commission des lois, considérant qu'il était nécessaire - je cite le rapport - de « limiter le plus possible les catégories d'étrangers qui sont à la fois ni éloignables, ni susceptibles de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire », a proposé de réduire à un an la durée de mariage requise pour un conjoint de Français, revenant ainsi sur la durée de deux ans introduite par l'Assemblée nationale.
C'est un pas. Je tiens toutefois à rappeler qu'avant les fameuses lois Pasqua cette durée était de six mois.
Considérant que le Sénat a finalement retenu la durée d'un an, nous proposons que l'on fasse de même pour les concubins étrangers de Français.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 19 tend :
A. - Après le sixième alinéa (5°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° bis. A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ; »
B. - En conséquence, dans le premier alinéa de l'article 4, à remplacer les mots : « six alinéas » par les mots : « huit alinéas ».
L'amendement n° 20 vise à rédiger comme suit le dernier alinéa (6°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« 6° A l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français de protection des réfugiées et apatrides, ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 19 tend à élargir un peu le champ d'application de l'article 4 - nous répondons en cela au souhait de M. Diligent - encore une fois dans cette recherche de l'homogénéisation des articles 12 bis et 25 de l'ordonnance de 1945.
La catégorie des titulaires de rente qui ne peuvent être éloignés du territoire en application de l'article 25 de l'ordonnance de 1945 mérite aussi d'être considérée, me semble-t-il.
En pratique, peu de personnes sont concernées : seize étrangers titulaires d'une rente ont bénéficié d'une carte de résident en 1995.
L'amendement n° 20 présente l'avantage, me semble-t-il, de clarifier la situation des apatrides. Il tend à préciser l'ajout de l'Assemblée nationale en prévoyant la carte de séjour temporaire dès l'obtention du statut et en reprenant pour le conjoint et les enfants les conditions fixées pour la carte de résident par l'article 15 de l'ordonnance.
M. le président. Par amendement n° 129, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° A l'étranger père ou mère d'un enfant né en France et ayant sa résidence effective en France. »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet amendement vise à améliorer la situation des parents d'enfants nés en France et qui ont vocation à devenir Français à partir de l'âge de seize ans s'ils y ont résidé pendant toute leur jeunesse.
Il s'agit donc d'accorder une carte de séjour temporaire au père et à la mère d'un enfant né en France et qui y a sa résidence effective. Ce critère a été proposé par le collège des médiateurs dans sa réflexion sur la situation des sans-papiers.
Il y a plusieurs cas connus en France, en particulier celui des femmes de Colombes, soutenues par la mairie de la ville, qui ont fait la grève de la faim pour obtenir des titres de séjour.
Pour faire la grève de la faim, il faut avoir une très forte motivation et être dans une situation particulière de détresse, car on ne se lance pas dans ce genre d'action à la légère.
Une fois de plus, mes chers collègues, je vais vous infliger l'exposé d'un cas particulier, pour vous montrer qu'il ne s'agit pas d'idées en l'air.
Une femme originaire d'un des trois pays du Maghreb accouche à Paris d'une fillette. C'est une enfant naturelle née d'une liaison avec un compatriote établi régulièrement en France. Cette femme vit en France. Puis, le couple se sépare ; mais le père reconnaît l'enfant.
Au regard du pays d'origine, seul le père a le pouvoir parental sur l'enfant. Lui seul peut demander un passeport pour cet enfant au consulat du pays d'origine. Ce passeport est refusé à plusieurs reprises à la mère ; elle ne peut donc pas ramener l'enfant dans le pays. La mère est bloquée en France. Que faisons-nous ?
M. le président. Par amendement n° 130 rectifié, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° A l'étranger gravement malade, ayant entrepris un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait des conséquences préjudiciables à sa santé.
« ...° A l'étranger victime de persécutions de la part d'un groupe sans lien avec un Etat. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement a été rectifié en ce que nous proposons de compléter le texte proposé par l'article 4 non plus par un alinéa mais par deux, et chacun sait à quoi nous faisons allusion dans le second.
M. le président. Par amendement n° 179, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° A l'étranger gravement malade ayant entrepris en France un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait de graves conséquences pour sa santé. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à faire bénéficier d'un titre de séjour les étrangers gravement malades qui ont entrepris en France un traitement auquel ils ne peuvent avoir accès dans leur pays d'origine et dont l'interruption entraînerait de graves conséquences pour leur santé.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, devrait, à notre sens, comporter une disposition protégeant les malades étrangers. Nous ne la trouvons pas ! Aucune mention particulière pour les malades ne figure dans le texte. Quel mépris pour la santé des étrangers et, plus généralement, pour la santé publique !
Nous savons tous que les pays d'origine des étrangers malades, que ce soient les Etats du Maghreb ou d'Afrique noire, le Portugal, en Europe, voire, plus loin, la Turquie, ont souvent un bas niveau sanitaire et ne disposent pas, par exemple, des trithérapies pour les malades du sida.
Le conseil national du sida estimait, l'année dernière, à 500 environ le nombre d'étrangers en situation irrégulière atteints par le VIH.
Sur les 150 malades qui se sont adressés à l'association AIDS, plus de la moitié sont en France depuis plus de dix ans, certains étant même nés sur le territoire français. On peut considérer qu'ils sont intégrés !
Dans ces conditions, pourquoi ne pas leur accorder une carte de séjour temporaire, qui leur permettrait de poursuivre leur traitement médical ?
Par cet amendement, nous n'entendons pas encourager des abus, loin de là.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Guy Fischer. Au nom de quoi ne pas régulariser la situation de ces personnes, qui risquent alors d'être renvoyées chez elles, où elles ne pourront se soigner ?
En adoptant cet amendement, c'est un pas en avant vers plus d'humanité que vous feriez en matière de santé publique.
M. le président. Par amendement n° 47, MM. About, Plasait et Serge Mathieu proposent :
A. - De compléter l'article 4 par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« II. - Ce même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La date de validité de la carte délivrée à l'étranger mineur visé au deuxième alinéa (1°) est identique à celle mentionnée sur la carte de séjour temporaire du parent dont la durée de séjour en France est la plus longue. »
B. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I. - ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements déposés sur l'article 4, à l'exception de ceux qu'elle a elle-même présentés ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 199 vise à supprimer l'article.
Je rappelle à Mme Dusseau, que l'ordre public constitue un objectif de valeur constitutionnelle. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 123 vise à rétablir la carte de séjour temporaire de plein droit pour tous ceux qui se trouvent en situation de « ni-ni », c'est-à-dire ni expulsables ni titulaires d'une carte.
La commission souhaite à cet égard s'en tenir à la prise en compte dans le dispositif de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 de la plupart des situations qui ont soulevé des difficultés, laissant au préfet le soin d'apprécier au cas par cas les quelques situations résiduelles toujours légèrement différentes les unes des autres.
Imaginer que la loi pourrait couvrir tous les cas me semble assez illusoire ; il vaut mieux que l'appréciation sur le terrain reste la règle pour les 20 % environ de cas qui n'auront pas pu bénéficier du dispositif légal proposé.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 123.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.
Notre collègue M. Diligent est un philosophe humaniste. Il sait qu'il existe des principes derrière les grands principes. Il connaît aussi la position intellectuelle de M. Pierre Mazeaud, lequel n'a pas cru devoir la mettre en application devant l'Assemblée nationale, ce qui est bien regrettable à certains égards, car il aurait pu mettre en harmonie ses principes et la réalité. Mais le fait est là, M. Mazeaud a défendu avec beaucoup de pugnacité le projet gouvernemental.
Je reprends les positions non pas de principe de M. le président de la commission des loi de l'Assemblée nationale, mais ses solutions concrètes.
Effectivement, entre les principes et la logique, il y a ce qui est souhaitable et, mon cher collègue, il y a ce qui est possible, puis il y a l'appréciation du pragmatisme des situations et enfin, horreur ! il y a l'opportunité.
Vous me saississez, mon cher collègue, quand je parle de l'opportunité : entre les principes et l'opportunité, il faut sauvegarder sa conscience. C'est ce que la commission des lois s'est efforcée de faire. C'est pourquoi, si cet amendement est maintenu, je serai, à mon grand regret, obligé de le combattre.
L'amendement n° 124 concerne la carte de séjour temporaire de plein droit. Le groupe socialiste propose d'insérer le mot « grave ». Un tel amendement remettrait en cause une solution définie en 1993, qui est applicable également à la carte de résident aux termes des articles 14 et 15 de l'ordonnance de 1945. L'avis de la commission est donc défavorable.
La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 170, pour les mêmes motifs.
S'agissant de l'amendement n° 125, la commission a émis un avis défavorable.
Elle propose - c'est l'amendement n° 15 que j'ai déjà défendu - une nouvelle rédaction qui atténue la charge de la preuve pour l'étranger mineur. Nous avons le sentiment d'apporter une réponse partielle à l'amendement n° 125.
Les amendements n°s 4 rectifié et 126 me paraissent satisfaits par l'amendement n° 16.
Sur l'amendement n° 127, relatif au conjoint français, la commission a émis un avis défavorable, puisqu'il tend à supprimer la condition liée à la durée du mariage, ce qui est contraire au souhait de la commission de prévoir une durée d'un an.
L'amendement n° 174 a trait également au conjoint d'un Français. L'amendement n° 17 de la commission rétablit la durée d'un an, qui figurait dans le projet de la loi initial. L'amendement n° 174 étant contraire à la position adoptée par la commission, celle-ci ne peut qu'y être défavorable.
L'amendement n° 5 rectifié me paraît satisfait.
L'amendement n° 175 concerne également les étrangers conjoints de français. La condition liée à la régularisation de l'entrée sur le territoire doit être, me semble-t-il, maintenue afin de prévenir les fraudes. La même condition est prévue pour l'attribution de la carte de résident. La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également hostile à l'amendement n° 128, qui a trait aux parents d'un enfant français. En effet, cet amendement a pour objet de supprimer les conditions liées à l'âge de l'enfant, à l'obligation de subvenir à ses besoins ainsi qu'à la reconnaissance postérieure à la naissance. Cet amendement est donc contraire à la position adoptée par la commission.
La commission est également hostile à l'amendement n° 176. En effet, elle a retenu l'âge de seize ans. Il n'y a pas lieu de porter cet âge à dix-huit ans.
La commission est défavorable à l'amendement n° 177, qui concerne les parents d'enfants français et qui tend à remplacer la conjonction « et » par la conjonction « ou ».
Elle est également hostile à l'amendement n° 178.
Elle a exprimé un avis défavorable sur l'amendement n° 129 relatif aux parents d'un enfant né en France car elle est fidèle à sa logique.
Sur l'amendement n° 130 rectifié, je ferai un peu les mêmes observations que pour les autres amendements. Il a pour objet de traiter à la fois du cas des étrangers malades et des victimes de persécutions. Il importe de prendre le temps de la réflexion à cet égard. C'est un amendement qui est assez lourd de signification, et je crois que, dans les faits les préfets ont jusqu'à présent résolu les situations en cause dans des conditions qui, à ma connaissance, sont relativement satisfaisantes.
De toute façon, le Gouvernement a toujours la possibilité de traiter la question au cas par cas au plan national. Je suggère de ne pas inscrire ce dispositif dans la loi ; il aurait un effet incitatif qui serait en définitive préjudiciable à la cause que l'on veut défendre.
C'est pourquoi, avec beaucoup de précautions de langage et tout en respectant l'objectif qui est recherché, j'émets au nom de la commission un avis défavorable.
Je ferai à peu près le même commentaire s'agissant des adjonctions qui avaient été présentées concernant les victimes de persécutions.
Je rappelle qu'il y a le droit commun en ce qui concerne le statut de réfugié. Tout le monde le connaît, ce n'est pas ici l'heure d'en débattre. Cette disposition de la deuxième partie de l'amendement n° 130 rectifié ouvre une brèche dans le droit commun en ce qui concerne la reconnaissance du statut de réfugié. Le statut de réfugié est accordé en France à des gens qui sont victimes de persécutions politiques du fait du gouvernement légal qui est en place dans le pays d'où ils viennent.
M. Jean-Luc Mélenchon. En Algérie, vous voyez bien que c'est le FIS qui ouvre la brèche !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne vise ni l'Algérie ni aucune situation particulière ; je parle du droit français. Nous ne légiférons ni pour une situation, ni pour l'instant présent ; nous visons le long terme. Rien ne nous dit que, demain, nous ne nous trouverons pas devant des situations totalement différentes en droit et que le fait d'avoir ouvert cette brèche dans notre bloc de lois, qui a maintenant la vertu de l'ancienneté et la patine du temps, ne risque pas de nous causer des problèmes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à l'heure, vous disiez le contraire !
M. Paul Masson, rapporteur. En conséquence, je suggère de maintenir les choses dans leur état actuel.
En tout état de cause, il est prévu dans la Constitution, et même dans la Constitution modifiée en 1993 au congrès de Versailles - vous vous souvenez sans doute que la modification a même conduit le législateur souverain à changer les réflexions du Conseil constitutionnel -...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Paul Masson, rapporteur. ... que l'Etat a toujours la possibilité d'exercer son droit régalien de donner asile à des victimes de persécutions - je ne parle pas de l'octroi du statut de réfugié OFPRA.
Au terme de cet exposé, la commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 130 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 179, qui recouvre partiellement les mêmes situations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 199.
S'agissant des amendements n°s 123 et 3 rectifié, je comprends parfaitement le raisonnement qui les inspire, celui-là même qui a guidé, au départ, la réflexion du Gouvernement en vue de régler, si possible, tous les cas d'étrangers ne pouvant être expulsés et qui n'ont pas vocation de plein droit à obtenir un titre de séjour.
Ne disons pas que c'est telle ou telle loi qui a fabriqué des clandestins !
M. Jean-Luc Mélenchon. Quand même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Chacun a raison et chacun a tort. C'est la multiplication de ces lois qui est responsable. Evitons toute polémique, ce n'est pas l'objet du débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Soyez élégant avec votre prédécesseur !
M. Jean Chérioux. C'est trop facile !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne veux ouvrir aucune polémique...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moi non plus !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et, au lieu de regarder sans cesse en arrière, je préfère trouver des solutions aux problèmes qui sont les nôtres.
Pourquoi ne pourrions pas dire que ce sont les étrangers, qui, en ne respectant pas les lois, se sont mis dans une situation difficile.
Ce constat n'empêche pas qu'à titre humanitaire nous cherchions à régler la plupart de ces situations par la loi.
Je voudrais en venir aux raisons qui m'ont amené à ne pas vouloir toutes les régler ainsi.
Si nous supprimions la condition d'entretien effectif de l'enfant par les parents d'enfants français, nous aurions le résultat suivant : n'importe quel étranger pourrait reconnaître un enfant français, ne pas s'en occuper et obtenir un titre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Franchement ! Vous parlez d'êtres humains, tout de même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Mélenchon, vous avez eu tout loisir de vous exprimer, et je ne vous ai pas interrompu. Alors, laissez-moi terminer ! Donnez à ce débat un peu de dignité au lieu de crier sans arrêt !
Imaginons maintenant que nous supprimions la condition d'âge des enfants, soit seize ans : un parent d'un enfant né en France qui n'aurait jamais vécu en France et ne se serait jamais soucié de son enfant vivant en France pourrait utiliser la manifestation de volonté de son enfant à seize ans pour acquérir le droit d'un séjour en France.
Imaginons enfin que nous supprimions la condition d'entrée régulière pour les conjoints de Français : ne voit-on pas que la pression des mariages blancs serait alors très forte puisque la garantie du visa aurait été éliminée ?
J'ajoute que, parmi les catégories d'inexpulsables citées à l'article 25, figurent les personnes condamnées, mais à une peine inférieure à un an, ce qui n'est pas notre sujet.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 123 et 3 rectifié. Je tiens à rendre hommage à la générosité de M. Diligent, mais je lui demande d'accepter mon réalisme.
Je suis également défavorable aux amendements n°s 124, 170 et 125, mais j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 15, présenté par la commission.
Les amendements n°s 4 rectifié, 16, 126 et 173 sont relatifs aux étrangers qui résident en France depuis plus de quinze ans, et je souhaite, sur ce point également, apporter quelques explications.
Tout d'abord, il appartient à l'intéressé d'établir la durée et la continuité de son séjour en France. C'est donc de peu de personnes qu'il s'agit.
Ensuite, si nous avons échoué à reconduire l'étranger avant qu'il n'ait atteint quinze ans de résidence, c'est peut-être en raison du laxisme des politiques menées avant 1993, mais il n'en demeure pas moins que, sur un plan juridique, le Conseil d'Etat a précisé dans son avis du 22 août 1996 qu'un renvoi serait le plus souvent illégal parce que contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
En outre, si l'on ne peut effectivement pas compter, après un séjour de quinze ans, sur le renvoi effectif de l'intéressé, je préfère que l'intéressé entre dans la légalité plutôt que de le voir continuer à alimenter l'économie souterraine.
Enfin, il faut être raisonnable : quinze ans, c'est une période qui marque la vie d'une femme ou d'un homme, une période au cours de laquelle des liens personnels se sont tissés et d'autres défaits. En fait, après quinze ans, l'intéressé n'a plus guère de liens avec son pays d'origine et il a fait sa vie en France.
Ma conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, est que ces cas résiduels ne pourront être réglés de manière satisfaisante autrement que par le biais de ce que le Gouvernement vous propose. Les régularisations individuelles ne peuvent être qu'un expédient. Il faut traiter cette affaire dans la clarté, c'est-à-dire au travers de la loi.
Il n'est pas question pour moi de procéder à des régularisations de masse, comme celles qu'ont opérées les gouvernements socialistes en 1981 et 1982... (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. Quelle rengaine !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et comme souhaitent le faire encore certains socialistes : je vous renvoie notamment au discours de M. Mélenchon.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'éviter qu'une politique de fermeté ne puisse courir le risque d'être discréditée parce qu'elle aurait ignoré certains cas incontournables, en fait comme en droit.
En définitive, je vous demande de rétablir le projet initial du Gouvernement et donc d'accorder une carte de séjour, sous réserve de l'ordre public, sous réserve de la polygamie, pour une durée de un an, aux personnes qui vivent en France depuis plus de quinze ans.
Naturellement, cette carte de séjour donnée à ces personnes vivant en France depuis plus de quinze ans ne confère pas un droit irréversible au séjour, car elle ne les exonère pas du respect de nos lois.
J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 16 de la commission. Du même coup, les amendements n°s 4 rectifié, 126 et 173 se trouvent satisfaits.
Sur les amendements n°s 127 et 174, l'avis est défavorable.
J'en viens aux amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié, qui ont pour objet de ramener de deux ans à un an la durée de mariage requise du conjoint étranger d'un Français pour le faire accéder de plein droit à un titre de séjour.
Le souci de l'Assemblée nationale était d'éviter au maximum les fraudes grâce à une durée de deux ans. C'est un souci légitime, mais ce choix ne me paraît pas le bon.
Il serait en effet paradoxal qu'il soit plus facile de devenir Français que d'être titulaire d'un titre de séjour. Or ce serait bien le cas si l'on exigeait une durée de mariage de deux ans puisque c'est cette même durée qui autorise sans restriction un conjoint de Français à obtenir la nationalité française par simple déclaration, en application de l'article 21, alinéa 2, du code civil.
Je suis donc favorable aux amendements n°s 17 et 5 rectifié.
En revanche, je suis défavorable, comme la commission, aux amendements n°s 175, 128, 176 et 177.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 18, un avis défavorable sur l'amendement n° 178 et un avis favorable sur l'amendement n° 19 ainsi que sur l'amendement n° 20.
En effet, la procédure d'accès au statut d'apatride devant l'OFPRA est déjà suffisamment longue et il n'est, dès lors, pas utile d'ajouter un délai de six mois.
Sur l'amendement n° 129, l'avis est défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 130 rectifié, qui est relatif aux malades, notamment, je rappelle que les étrangers en situation irrégulière souffrant de pathologies graves, lorsque leur traitement n'est pas assuré dans leur pays, peuvent obtenir une autorisation provisoire de séjour, et il est bien qu'il en soit ainsi.
Par conséquent, l'amendement est inutile.
D'ailleurs, le renvoi des malades graves dans des pays dépourvus de structures médicales est impossible, comme le Conseil d'Etat l'a souligné à maintes reprises depuis l'arrêt Olmos Quintero de 1990, et encore dernièrement dans son avis du 22 août 1996.
En ce qui concerne les étrangers victimes de persécutions mais qui ne peuvent pour autant se réclamer légalement du statut de réfugié, la loi ne peut prévoir un droit au séjour formulé de façon aussi générale ; cela ne pourrait qu'ouvrir la porte à des abus.
En revanche, je le rappelle, la France s'interdit d'éloigner un étranger à destination d'un pays si l'intéressé établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette règle est même inscrite à l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par ailleurs, la France s'honore d'accueillir temporairement des étrangers qui sont victimes, dans leurs pays, de situations de violence politique aiguë ou de guerre civile. Elle le fait de façon pragmatique et humaine, en tenant compte des situations individuelles.
Je vous le dis comme je le pense pour l'avoir vécu depuis vingt mois : ne codifions pas ces règles empiriques ; conservons des éléments de souplesse pour traiter dans la discrétion ces cas difficiles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 130 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 179, et ce dans l'intérêt même des personnes concernées.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 199, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 123.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Lorsqu'il s'agit d'ouvrir à des étrangers le droit d'accéder à notre territoire dans des conditions régulières alors qu'ils font l'objet de persécutions de la part de groupes qui ne relèvent pas de l'Etat - on pense ici à la situation de l'Algérie, a-t-on dit, mais nous aurions pu évoquer d'autres situations - M. le rapporteur parle de la force de la loi, qui couvre tout, les cas particuliers ne pouvant être que des « exceptions ».
Lorsque nous traitons de la situation des personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, l'argument exactement inverse est avancé : la loi ne doit pas tout couvrir ; on ne doit traiter qu'au cas par cas.
Lorsque le ministre argumente contre nous, il commence par dire qu'il faut laisser les polémiques de côté, qu'il faut non pas regarder derrière soi, mais aller de l'avant et traiter les problèmes qui sont devant nous. Hélas ! quelques instants plus tard, il ne peut déjà plus résister à la tentation de reprendre le refrain sur les régularisations de masse de la période 1981-1982, en exonérant les gouvernements antérieurs, qu'il soutenait, de leurs responsabilités dans la création de cette masse considérable de personnes qui n'étaient pas régularisées.
Dès lors, il faut bien le dire, la discussion ne relève plus du registre de la loyauté. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Monsieur le ministre, la réponse que nous proposons, nous, est simple ; elle correspond au point de vue qui est exprimé à la fois par le groupe socialiste et par le groupe de l'Union centriste et qui l'a été par plusieurs des vôtres à l'Assemblée nationale.
Nous sommes face à un problème inextricable puisque des gens ne peuvent ni être régularisés ni être expulsés. Dans la plupart des cas, c'est du fait des lois Pasqua qu'ils se trouvent dans cette situation.
En toute hypothèse, il y sont parce que, généralement, ils sont parents d'enfants voués à devenir français.
Nous voulons, nous, apporter à cela une réponse qui soit à la fois simple et conforme tant à l'intérêt de notre pays qu'à la vision humaniste dont il est porteur.
A nos yeux, il est effectivement dans l'intérêt de notre pays que nos enfants bénéficient de la présence de leurs parents. Nous avons intérêt à ce que les parents, fussent-ils étrangers, veillent sur les petits Français pendant leur jeunesse.
Voilà la philosophie générale. On règle le problème de manière simple et on renvoie aux autorités compétentes le soin de traiter les exceptions.
Pour vous, c'est l'inverse, monsieur le ministre. Quelle étrange vision de la vie nous aurions si nous devions tous penser comme vous le suggérez ! Il faut faire des lois qui persécutent le plus grand nombre, les parents de nos enfants, au motif qu'ils pourraient se trouver des personnes - la nature est certes ainsi faite, mais ce sont des exceptions ! - qui adopteraient des enfants pour les abandonner, qui auraient une vocation particulière à se marier pour ensuite ne pas vivre avec leur conjoint, etc. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Des comme ça, il y en a beaucoup !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ces turpitudes sont l'exception et on ne fait pas la loi en fonction des monstres ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle. C'est de l'hypocrisie, de la démagogie !
M. Jean-Luc Mélenchon. On fait la loi en fonction de l'intérêt général. En tout cas, moi, c'est comme ça que je le conçois !
Par conséquent, nous souhaitons une mesure simple plutôt qu'une nomenclature, et sans le règlement au cas par cas par des administrations prétendument bienveillantes mais qui, en fait, ne le sont pas, comme vous le savez, puisque vous donnez vous-même toutes les instructions pour qu'elles ne le soient pas ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Comment peut-on dire des choses pareilles ?
Mme Nelly Olin. C'et incroyable !
M. Alain Vasselle. Ils ne peuvent pas y croire !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Dans cette explication de vote sur l'amendement n° 123, je tiens à dire à M. le ministre que si, depuis mardi, il oppose systématiquement des dénégations à tout ce que nous disons, dans sa réponse, il y a un instant, il nous a donné acte sur trois points.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous ai dit ce matin que vous n'avez pas voulu faire de loi de régularisation parce que, politiquement, vous ne pouviez pas la défendre, et vous venez de le reconnaître.
Ensuite, nous avons dit qu'avec ce projet de loi il y aurait de nouveaux cas comparables à ceux de l'église Saint-Bernard, de nouveaux cas de personnes en situation de non-droit, dans les mois, dans les années qui viennent.
Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez apporté la confirmation de la prééminence de l'administration sur le judiciaire, puisque vous accordez aux préfets le droit de régler certains cas. Vous donnez une prééminence au politique puisque nous savons tous que les préfets prennent leurs ordres au ministère de l'intérieur.
Monsieur le ministre, vous n'avez que confirmé toutes nos craintes et tous les reproches que nous vous adressions à propos de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je crois que notre amendement n° 123 doit être rectifié. En effet, son texte est le suivant : « Sauf si sa présence constitue une menace grâce pour l'ordre public, les étrangers... », ce qui est incorrect. Il conviendrait d'écrire : « Sauf si leur présence ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 123 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Après cette modification, notre amendement est identique à l'amendement n° 3 rectifié !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans l'amendement n° 3 rectifié, le mot « grave » ne figure pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est exact.
M. Dominique Braye. N'essayez pas de contourner !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous pourrions dans ces conditions retirer notre amendement, nous rallier à l'amendement n° 3 rectifié, mais il faudrait être certain que ce dernier ne sera pas retiré...
M. Jean Chérioux. Vous pourrez le reprendre, s'il est retiré !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez raison, monsieur Chérioux, merci de nous signaler cette possibilité.
M. Guy Allouche. Merci, monsieur Chérioux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, c'est l'essentiel, monsieur le ministre, si vous voulez que ce soient les préfets qui, au coup par coup - et à la différence des procureurs de la République eux, ils obéissent ! - régularisent la situation des étrangers qui sont inexpulsables, vous disposez d'un moyen très simple : retirez immédiatement votre projet de loi !
M. Alain Gournac. On n'est pas là pour ça !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour le reste, vous nous avez fait part d'une étude d'impact fort intéressante et que cite M. Masson sans son rapport : « En 1993, les catégories d'étrangers bénéficient de plein droit d'une carte de résident ont été modifiées pour éviter des fraudes et des pratiques abusives et faire en sorte que les étrangers ne puissent pas bénéficier de dispositions dérogatoires alors même qu'ils ne remplissent manifestement pas les conditions pour s'en prévaloir.
« Toutefois, il s'avère qu'en maintenant dans sa rédaction ancienne l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui donne la liste des étrangers protégés contre une mesure d'éloignement, la loi a favorisé l'émergence de situations complexes. »
En d'autres termes, ou bien vous modifiez l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui dresse la liste des inexpulsables, ou bien vous estimez que ce n'est pas possible et donc vous décidez de donner une carte à tous ceux qui sont inexpulsables, de manière qu'il n'y ait plus de sans-papiers.
Je ne saurais mieux dire que ceci : « Cette solution est frappée au coin du bon sens.
« Elle met en accord la pratique avec le droit et simplifie notre législation.
« Doit-on préciser que ce fut le constat auquel était arrivé M. Pierre Mazeaud dans son rapport écrit de l'Assemblée nationale sur ce texte ? »
M. Jean Chérioux. Vive M. Mazeaud !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je viens de citer trois phrases qui constituent l'objet de l'amendement n° 3 rectifié.
Nous en sommes d'accord, « nous », c'est-à-dire M. Mazeaud, ainsi que MM. Diligent, Amoudry, Arnaud, Arzel, Badré, Ballayer, Barraux, Baudot, Becot, Bélot, Bernadaux, Bernardet, Blaizot, Blin, Mme Bocandé, MM. Bohl, Cantegrit, Cluzel, Daunay, Deneux, Dessaigne, Dulait... « (Oh ! là ! là ! » sur les travées du RPR), et nous, socialistes ! C'est frappé au coin du bon sens !
Tous ces noms à l'appui, je me permets d'insister sur ce point qui constitue un « tournant » dans ce texte.
Vous prétendez qu'il suffit de s'en remettre aux préfets. On retomberait alors dans le cas de figure de l'église Saint-Bernard ! Si c'est ce que vous vouliez, ce n'était pas la peine de faire tout cela !
Vous êtes même coupable d'avoir lancé cette procédure législative, qui remue toutes ces idées dont on sait à qui elles profitent ! Si ce n'était que pour cela, il valait mieux ne pas faire de loi du tout ! (Vives exclamations sur les travées du RPR.)
Quitte à en élaborer une, au moins qu'elle serve à empêcher qu'il y ait des sans-papiers !
Mes chers collègues, nous vous demandons de voter notre amendement ; mais sachez que nous sommes disposés à voter l'amendement n° 3 rectifié, parce qu'il est frappé au coin du bon sens ; nous espérons qu'il ne sera pas retiré. Si tel était le cas, j'indique d'ores et déjà que nous le reprendrions. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Vous reconnaissez que vous avez fait le lit de l'extrême droite !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. André Diligent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, j'ai fait l'effort de voter des dispositions que vous nous avez proposées parce que je suis confiant dans la manière dont vous les appliquerez.
Cela dit, je me mets à votre place, et l'opinion que j'ai de vous me dicte ma conduite. Vous avez toujours, au cours de votre carrière, fait ce que vous considériez comme votre devoir, par delà toute autre considération. J'en ferai de même.
Je ne vais pas reprendre tous les arguments qui ont été dits et répétés au cours de ce débat, mais je considère qu'il s'agit d'un amendement essentiel, auquel je veux m'accrocher. Je pense que nous ne regretterons pas, plus tard, de l'avoir adopté parce qu'il traduira une décision de bon sens prise en conscience.
Ne l'interprétez pas comme un acte d'hostilité, monsieur le ministre, mais je maintiens cet amendement. Je souhaite en effet qu'il soit voté afin que nous évitions bien des difficultés supplémentaires.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je reconnais une vertu à l'amendement n° 3 rectifié de M. Diligent, que je ne voterai cependant pas, c'est qu'il tend à supprimer la condition de non-polygamie que j'avais ce matin décrite comme largement illusoire, me fondant sur des arguments qui me paraissent difficilement contestables.
Je suis obligé de constater que c'est une marque d'honnêteté intellectuelle que celle qui consiste à ne pas vouloir créer l'illusion par une disposition qui ne sera pas appliquée parce que les tribunaux empêcheront son application.
Je maintiens ce qualificatif d'honnêteté intellectuelle, même si la démarche de M. Diligent - et je le regrette - contribue à officialiser a contrario la pratique, devenue trop courante de la polygamie en France. (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. C'est une obsession !
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. A force de voter des textes, on ne sait plus très bien où l'on va.
Quoi qu'il en soit, estimer que, dans un Etat de droit où la polygamie est interdite et constitue un délit, le fait de vivre en état de polygamie ne constitue pas une menace pour l'ordre public et ouvre automatiquement la possibilité d'obtenir un titre de séjour serait quelque peu paradoxal, mes chers collègues !
Je considère donc que l'amendement que nous avons déposé, loin d'encourager la polygamie, se limite à régler les problèmes pour les non-expulsables.
En fait, nous ne sommes pas, ou très peu, éloignés de la position du Gouvernement.
Notre amendement a le mérite de simplifier une législation qui est touffue et complexe et que l'on est toujours obligé de remettre sur le métier. J'accepte donc difficilement que l'on puisse prétendre qu'il vise à encourager la polygamie, car c'est complètement faux !
M. Michel Caldaguès. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je voudrais dire pourquoi je voterai moi aussi cet amendement.
Si je comprends bien, le projet de loi que nous examinons se veut à la fois simplificateur, pour résoudre un certain nombre de situations inextricables, et généreux.
Selon moi, quand on veut être simplificateur, il faut vraiment l'être, et simplifier à travers des découpages extrêmement compliqués ce n'est pas vraiment simplifier !
Par ailleurs, lorsque l'on veut être généreux, il faut l'être sans parcimonie !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Dans la mesure où cet amendement, dont l'objet est par ailleurs limité, constitue un progrès par rapport au projet de loi et va dans le sens que nous souhaitons pour résoudre des situations inextricables ou inhumaines, nous le voterons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 : :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 149 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L'amendement n° 16 de la commission des lois répondant tout à fait à nos préoccupations, je retire l'amendement n° 4 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Il convient de rappeler que si le texte de l'Assemblée nationale était maintenu, l'Etat continuerait à disposer du pouvoir régalien, qu'il exerce par l'intermédiaire des préfets, pour résoudre les cas qui lui paraissent relever de sa responsabilité et non pas de celle des parlementaires, lesquels n'ont aucun pouvoir d'investigation. Le vote de l'Assemblée nationale n'a donc pas privé le Gouvernement de ce pouvoir régalien.
S'il s'agit d'un texte de loi, comme c'est le cas, l'examen au cas par cas n'est plus possible, parce que c'est un droit qui est institué par le 3° de l'article 4, moyennant une preuve par tous moyens. J'ai fait justice de la réserve sur la polygamie qui, malheureusement, en raison de la jurisprudence, n'a plus beaucoup de consistance.
Alors, que peut-il se produire ? Eh bien, des cas que nous n'avons pas prévus peuvent apparaître.
Je ne prétends pas qu'en matière d'immigration irrégulière il n'y ait que des situations scandaleuses - il existe aussi des cas pénibles, voire dignes de commisération. Néanmoins, certaines situations sont bel et bien scandaleuses, et je vais vous donner un exemple qui n'est sans doute pas isolé.
Le 3° de l'article 4, dans la rédaction initiale du texte, fait courir la période de quinze ans, à partir de l'année 1982 ; par conséquent, cela nous amène en 1997. Or, sachez que, en 1982, un réseau de prostitution,...
M. Pierre Biarnès. Ah !
M. Michel Caldaguès. ... qualifié par la police d'« organisation structurée », avec des responsables collectant les recettes, a fait entrer en France cinq cents prostituées originaires d'un pays d'Afrique non francophone.
Mme Monique ben Guiga. Ouf !
M. Michel Caldaguès. C'est la seule précision que je puisse apporter, et elle ne change rien à l'affaire.
Ce réseau a introduit ces femmes sur notre territoire en leur faisant réclamer le statut de réfugié et demander le bénéfice du droit d'asile. Suite à cette demande, elles ont obtenu un récépissé qui leur a tenu lieu, pendant plusieurs années, de titre de séjour. Elles le présentaient avec un certain sourire aux policiers qui les interpellaient dans un arrondissement limitrophe de celui que j'administre.
Lorsque la cohabitation a permis de renforcer les moyens de l'OFPRA et, par conséquent, d'accélérer les procédures, un certain nombre de ces demandes d'asile scandaleuses ont été rejetées. Puis, on s'est enlisé.
Je dois reconnaître objectivement que le gouvernement de M. Rocard a contribué à renforcer les moyens de l'OFPRA, mais pour aboutir à quoi ? Après le rejet de ces demandes d'asile scandaleuses, il n'a été procédé, en tout et pour tout, qu'à une seule reconduite à la frontière, en 1991. Depuis, ces prostituées se sont égayées dans la nature, les unes logeant dans des studios, les autres dans des foyers pour travailleurs immigrés - j'ai des informations très précises sur ce point.
M. Guy Allouche. Vous êtes bien introduit, mon cher collègue !
M. Michel Caldaguès. En l'état actuel des choses, elles vont pouvoir bénéficier, si nous ne maintenons pas le texte de l'Assemblée nationale, des dispositions du 3° de l'article 4.
En effet, la réserve touchant à l'ordre public n'est pas applicable, chacun sachant que la prostitution n'est plus, d'après les textes, contraire à celui-ci. Elles pourront, de ce fait, obtenir une carte de sécurité sociale, bénéficier de tous les avantages que cela implique et se voir décerner un titre de séjour.
Je ne pense pas que le réseau de prostitution que j'évoquais à l'instant puisse s'en plaindre !
Alors, mes chers collègues, dans une discussion comme celle-là, des problèmes de conscience se posent.
M. le président. Monsieur Caldaguès, il faut conclure.
M. Michel Caldaguès. j'arrive à ma conclusion, monsieur le président.
On ne peut se contenter de déclarations abstraites, il faut aussi tenir compte de ce qui se passe sur le terrain.
C'est la raison pour laquelle je ne saurais, en aucun cas, permettre des opérations comme celle que je viens de décrire. Il en existe peut-être d'autres, sur lesquelles je n'ai pas d'informations. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien ! Voilà un homme courageux !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Pour ce qui me concerne, j'adopterai une position identique à celle de notre collègue Michel Caldaguès,...
M. Emmanuel Hamel. Vous ne serez pas le seul !
M. Alain Vasselle. ... et je me rallierai à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye. Moi aussi !
M. Alain Vasselle. Je comprends cependant les difficultés auxquelles se trouve confronté M. le ministre de l'intérieur.
Est-il nécessaire de rappeler encore une fois, comme je l'ai fait lorsque j'ai présenté l'amendement que j'ai finalement accepté de retirer, que, si les ordonnances de 1945 avaient été appliquées scrupuleusement depuis leur signature, nous n'en serions certainement pas là ? De plus, l'adoption, sous des gouvernements socialistes, des lois de 1981, 1989, 1991 et 1993 a provoqué à l'époque la régularisation en masse de la situation d'un grand nombre d'étrangers,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes répétitif !
M. Alain Vasselle. ... et l'on pouvait au moins espérer que ces gouvernements feraient preuve de rigueur en matière d'entrée sur le territoire d'immigrés en situation irrégulière. Or il n'en a rien été ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
La situation que nous connaissons aujourd'hui nous oblige à légiférer de nouveau, et c'est parce qu'un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière se maintiennent depuis 1982 sur le territoire national - on n'a pas eu le courage, à l'époque, de prendre des mesures d'expulsion à leur encontre - que M. le ministre se trouve dans une situation difficile.
M. Claude Estier. Et les lois Pasqua ? Elles ont servi à quoi ?
M. Alain Vasselle. Et l'on nous demande aujourd'hui de prendre des dispositions tendant à régulariser la situation d'étrangers qui séjournent de façon irrégulière dans notre pays depuis 1982 !
Cette situation est vraiment inacceptable, d'autant plus que l'opinion publique n'y est pas du tout prête, bien au contraire, et M. le ministre de l'intérieur le sait bien.
C'est la raison pour laquelle je ne peux, en ce qui me concerne, accepter une proposition comme celle qui nous est soumise. Je suis d'ailleurs persuadé que, si l'on consultait l'opinion publique sur ce sujet, soit par sondage, même si l'on ne légifère pas par sondage, soit par référendum, la majorité des Français soutiendrait les sénateurs qui s'apprêtent à voter contre cet amendement, dont je fais partie, ainsi que M. Caldaguès.
M. Emmanuel Hamel. L'immense majorité !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je voudrais dire à notre collègue Alain Vasselle qu'il a tort de se fatiguer à défendre de tels arguments.
Monsieur Vasselle, vous avez présenté les législatures, ou les mandatures, socialistes comme des catastrophes nationales... (« Il a raison ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Regardez dans quel état se trouve le pays !
M. Emmanuel Hamel. Hélas pour le France !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et vous, vous avez fait 1 800 milliards de francs de dettes !
M. le président. Mes chers coillègues, la parole est à M. Allouche, et à lui seul !
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Dominique Braye. Vous avez reconnu vous-même que c'était une catastrophe !
M. Guy Allouche. Non, monsieur Braye, je ne l'ai pas reconnu, contrairement à ce que vous dites !
Si cela avait été le cas, pensez-vous que les Français auraient été idiots au point de réélire brillamment François Mitterrand en 1988 ? Pensez-vous vraiment que les Français auraient été idiots au point de donner à la gauche la majorité en 1988 ? (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Ils ont été trompés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela vous va bien de dire ça !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, n'insultez pas le suffrage universel ! Il faut le respecter.
En 1988, les Français ont clairement fait leur choix après les deux années de gestion d'un gouvernement dirigé à l'époque par M. Chirac.
Aussi est-il inutile de vous répéter sans cesse, monsieur Vasselle. Vous n'êtes pas crédible sur ce point !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons déposé un amendement n° 126, qui sera examiné après l'amendement n° 16 de la commission, auquel il ressemble beaucoup, avec cette différence qu'il y est précisé que l'étranger ne doit pas vivre en France en état de polygamie.
M. Christian Bonnet. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aimerais donc demander à M. le rapporteur, puisque les mots « en France » sont absents du texte de son amendement, si nous sommes bien d'accord sur le fait qu'il s'agit uniquement de prendre en compte la situation sur notre territoire de l'étranger, et que si, polygame, il retourne dans son pays voir ses autres femmes, cela ne nous regarde pas. Je pense que nous sommes bien d'accord à ce propos. (M. le ministre fait un signe d'approbation.) M. le ministre approuve, je l'en remercie.
Il s'agit donc bien de la situation en France. Puisque nous sommes d'accord, nous modifions notre amendement en supprimant les mots « en France », ainsi que la conjonction de coordination « et, » qui ne se justifie plus.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 126 rectifié, visant à rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans la rédaction suivante :
« 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre amendement est donc désormais très exactement semblable à celui de la commission.
M. Jean Chérioux. Vous allez donc le voter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, lorsque vous mettrez aux voix l'amendement de la commission, vous mettrez, je suppose, le nôtre aux voix en même temps.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ça nous gêne un peu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement pour la République.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317159298 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements n°s 126 rectifié et 173 n'ont plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 127.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. En guise d'explication de vote, je demanderai à M. le ministre de nous expliquer comment on peut vivre ensemble dans l'irrégularité la première année de mariage.
M. Michel Rocard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Nous sommes, une fois de plus, devant l'enjeu profond de ce projet de loi. La disposition qui va être adoptée est l'une des plus typiques. En effet, nous allons créer une obligation d'irrégularité pendant un an.
Je souhaitais simplement attirer votre attention sur ce point. J'ajouterai que cela ne me paraît pas très intelligent, ni même cohérent avec ce que vous voulez faire. Voyez où pousse l'outrance !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas m'empêcher de m'exprimer en cet instant, car je me souviens du débat qui nous a opposés, chers collègues de la majorité, lors de l'examen des lois Pasqua, au moment où vous avez déjà créé une suspicion d'irrégularité pouvant donner lieu à poursuites à l'encontre du conjoint, en l'occurrence le conjoint français, qui, ayant épousé un étranger, aurait rompu cette union avant le délai de deux ans. Cette disposition était déjà assez extraordinaire.
Cette fois, il s'agit de la disposition inverse. Il est créé une obligation de mariage avec une année de situation irrégulière. Je ne puis m'empêcher de vous dire en souriant que ce sera véritablement la première catégorie de Français à qui, pour faire le choix de son conjoint, sera imposée une obligation de mariage. Je me permets de rappeler que l'immense majorité des couples se forment aujourd'hui en concubinage. Mais j'imagine qu'une telle situation vous fait honneur et que vous ne voyez pas de quoi je veux parler. Pourtant, c'est la vie, c'est ainsi que les choses se passent.
Il existe donc deux catégories de Français. Il y a, d'une part, ceux qui aiment d'autres Français, qui peuvent donc vivre en concubinage et avoir des enfants, ce qui est le cas d'une très large majorité de nos jeunes concitoyens. Il y a, d'autre part, ceux qui, pour leur malheur, aiment des étrangers, et qui sont donc contraints d'adopter une forme de vie commune particulière qu'est le mariage. Vous retardez de près d'un siècle ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Chérioux proteste.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 174, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale, et donc à ne pas suivre la proposition faite par l'Assemblée nationale et visant à porter le délai à deux ans.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement. En effet, la rédaction de l'Assemblée nationale me paraît plus plausible et mieux à même d'atteindre l'objectif que l'on cherche à atteindre.
A l'appui de la position de la commission, il a été dit que cette disposition, si nous l'adoptions, ne serait pas en harmonie avec d'autres dispositions législatives qui, elles, font référence au délai d'une année.
J'aurais préféré que l'harmonisation joue dans le sens inverse, c'est-à-dire que la durée de deux ans soit maintenue et que les dispositions qui font référence à un an soient harmonisées en conséquence. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Dix ans, c'est mieux, non ?
M. Alain Vasselle. Je crois d'ailleurs me souvenir que lorsque nous avons délibéré sur d'autres textes, la référence de deux ans a été prise en compte par le Parlement pour veiller à la bonne stabilité des couples. Il était hors de question que le Parlement adopte la durée de six mois : il ne fallait pas encourager la formation de couples de circonstances visant à favoriser l'entrée d'étrangers en France.
Telle est la raison pour laquelle la période de deux ans me paraît mieux adaptée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mettez trente ans !
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Puisque, comme l'a souligné M. Mélenchon, le concubinage s'est généralisé et est donc on ne peut plus fréquent, pourquoi cette fièvre de mariages à répétition chez certains ? (Vives protestations sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. C'est insultant à la fin ! Nous sommes insultés à longueur de temps. Il y a des millions de Français qui sont mariés à des étrangers.
M. Michel Caldaguès. Et c'est ce qui nous rend attentifs.
C'est la raison pour laquelle je ne retirerai pas cet amendement.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Je demande que l'on me présente des excuses ! Je suis veuve d'un étranger ! Des millions de Français sont mariés à des étrangers ! Nous ne sommes pas tous des fraudeurs, des clandestins ou des malfrats ! Alors, ça suffit ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Pourquoi vous sentez-vous visée ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vos propos sont réellement indignes et je tiens à m'associer à la réaction de ma collègue.
On entend, ici, des choses incroyables, notamment que le législateur aurait à se préoccuper de la bonne stabilité des couples. Mais de quoi vous mêlez-vous ? Ce n'est pas une chambre à coucher ici, c'est un Parlement, où l'on a à organiser les conditions dans lesquelles les gens peuvent vivre, et de la manière la plus libre qui soit. Le reste les regarde.
Quelle est cette espèce de suspicion aprioriste jetée sur les couples mixtes, auxquels vous demandez une confirmation pendant deux ans ? Oseriez-vous demander une telle confirmation à vos propres enfants ?
M. Michel Caldaguès. Nos enfants, ils sont français !
Un sénateur du RPR. Et, surtout, pas aussi pressés de se marier !
M. Jean-Luc Mélenchon. Qu'est-ce que ça veut dire ? Sans compter cette manie de parler toujours de l'étranger comme d'un fraudeur en tout ! Vraiment, vous passez les bornes ! Pesez au moins vos mots. Si le pays - à en croire les échos, il est sensible au fait qu'autant de sénateurs soient réunis pour examiner à fond ce dossier - venait à entendre ce qui se dit ici, il serait, j'en suis sûr, révulsé et trouverait que c'est indigne d'une assemblée comme la nôtre. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je considère, comme le Gouvernement et la commission, qu'il est nécessaire de revenir au texte initial. En l'occurrence, je ne suis pas d'accord avec M. Caldaguès.
M. Charles de Cuttoli. Vous avez bien tort !
M. Yann Gaillard. J'ai en effet peut-être tort, si j'en crois votre grande expérience, mon cher collègue !
La réaction de nos collègues socialistes est hors de propos. Je ne vois pas en quoi M. Caldaguès a insulté les veuves d'étranger. La tension est montée sans véritable justification. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappellerai très brièvement qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion l'étranger marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française. Il ne peut donc pas être expulsé.
De surcroît, en vertu de l'article 15, dans le même cas, il a droit à une carte de résident dès lors que non seulement il est entré régulièrement sur le territoire, mais qu'il y séjourne de manière régulière. Nous sommes bien d'accord.
Pourquoi donc celui qui est très exactement dans le même cas n'aurait-il pas droit à une carte, dès lors que, peut-être, il séjourne irrégulièrement, mais - c'est marqué en toutes lettres dans le quatrième alinéa - qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ?
Il est marié depuis plus d'un an, et il est entré régulièrement sur le territoire français. Vous voulez qu'il ait une communauté de vie et vous voudriez qu'il n'ait pas de carte de résident ? Franchement, c'est impensable, ce n'est pas raisonnable ! C'est comme cela que vous fabriquez des sans papiers !
Si vous n'en voulez plus, il faut voter, c'est évident, l'amendement proposé, qui est un minimum.
Nous aurions voulu, quant à nous, qu'une carte puisse être délivrée dès lors que les gens sont mariés, un recours, conformément aux textes, pouvant toujours être engagé en cas de mariage suspect. Vous ne le voulez pas. Mais, au moins, qu'il y ait identité entre l'article 25, c'est-à-dire les personnes inexpulsables, et les cartes de résidents temporaires !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié, acceptés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 176, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 130 rectifié.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. On ne peut pas être insensible au souci exprimé dans le premier alinéa de cet amendement, comme d'ailleurs dans l'amendement n° 179, surtout après avoir entendu les orateurs qui ont montré que ces dispositions visaient des situations réelles extrêmement douloureuses, qui existent dans notre pays.
Mais il faut reconnaître aussi que M. le ministre a bien voulu donner tous apaisements en ce qui concerne l'attitude de l'administration et des pouvoirs publics vis-à-vis de ces malades.
Je voudrais apporter mon témoignage : j'ai la responsablité d'une institution qui s'occupe de ce genre de malades. Un nombre très important d'entre eux se trouvent dans une situation d'irrégularité évidente, et certains sont mêmes expulsables à la suite d'une condamnation pénale. Je peux vous apporter le témoignage que, dans aucun cas, il n'est procédé à l'expulsion de toutes ces personnes qui sont soignées dans les hôpitaux comme tout le monde et bénéficient de tous les traitements. C'est à l'honneur de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean Chérioux. Face à cette situation, les amendements présentés posent à mon avis un problème, dans la mesure où ils ont un aspect général qui me paraît gênant. Telle est la raison pour laquelle je ne les voterai pas.
Je dois néanmoins reconnaître qu'ils ont au moins la vertu d'avoir posé le problème. En effet, ces personnes, qui souffrent et sont incertaines sur leur vie même, souhaitent savoir si elles pourront poursuivre les soins.
C'est pourquoi il est bon que ce problème ait été évoqué au sein de la Haute Assemblée.
Je vous demanderai simplement, monsieur le ministre, de rappeler solennellement quelle est la position du Gouvernement à cet égard. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, l'amendement n° 130 rectifié posant deux problèmes très importants, je demande un vote par division. Je bornerai donc mon explication de vote à la première partie de cet amendement, qui concerne les étrangers gravement malades.
Je remercie très vivement M. Chérioux pour la teneur de ses propos. A partir de là, je voudrais m'efforcer de le convaincre et de persuader l'ensemble du Sénat de voter cet amendement.
En effet, nous sommes d'accord sur un point : lorsqu'un étranger gravement malade a entrepris un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait des conséquences préjudiciables à sa santé, il ne doit pas y avoir d'expulsion. Nous demandons donc qu'il bénéficie d'une carte de résident temporaire.
M. le ministre nous a dit tout à l'heure que, dans la pratique, il n'y avait pas de problème. M. Chérioux apporte le témoignage qu'il n'y a pas d'exception à cette règle qui est, dit-il - et c'est vrai - à l'honneur de la France. Et j'ajoute qu'elle est à l'honneur du gouvernement actuel et des précédents gouvernements qui se sont succédé et qui ont appliqué une telle règle.
Mais pourquoi le Parlement n'irait-il pas jusqu'à inscrire cet honneur de la France dans la loi ? En raison de l'aspect général de la règle, avez-vous indiqué, monsieur Chérioux. Mais puisque vous nous dites précisément qu'il n'y a pas d'exception à cette règle, c'est donc que cela doit être général !
De plus, les gouvernements peuvent changer ; la loi, elle, est inscrite dans le marbre. Or, monsieur Chérioux, vous dites vous-même que ces malades doivent avoir une garantie. L'engagement du Gouvernement est tout de même une garantie moins solide que la loi elle-même !
Monsieur Chérioux, pour que ces malades puissent se soigner tranquillement, pour que l'inquiétude ne s'ajoute pas à leur souffrance physique, il faut inscrire cette disposition dans la loi, car c'est une garantie supplémentaire. Voilà pourquoi nous demandons avec beaucoup de confiance à l'ensemble du Sénat de voter la première partie de l'amendement n° 130 rectifié. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je me suis exprimé tout à l'heure sur ce sujet extrêmement difficile et délicat.
Je rappelle encore une fois que les étrangers en situation irrégulière souffrant d'une pathologie grave et suivant un traitement médical dont ils ne pourraient bénéficier dans leur pays ne sont jamais reconduits à la frontière.
Avant ce débat, j'ai demandé à mes services si des cas d'erreurs avaient été enregistrés. On ne m'en a signalé aucun !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien, alors ?
M. Jean Chérioux. Il est important que cela se sache, monsieur le ministre, et c'est pourquoi il est bon que vous le disiez !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Dès que nous sommes alertés, nous prenons beaucoup de précautions : nous demandons une expertise médicale et nous interrogeons nos diplomates. Je n'ai d'ailleurs qu'à me satisfaire de la grande responsabilité en ce domaine des fonctionnaires du ministère de l'intérieur, car ils font vraiment très attention.
Par conséquent, il me paraît inutile de faire figurer dans la loi une telle disposition. Franchement, cela serait alors considéré comme une atteinte portée à l'action de la France. Nous n'avons pas besoin d'un tel texte pour respecter à la fois la jurisprudence et notre honneur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'ai été saisi par M. Dreyfus-Schmidt d'une demande de vote par division de l'amendement n° 130 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 179 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur Chérioux, les propos que vous venez de tenir font chaud au coeur et vous honorent.
Nous ne pouvons pas non plus oublier que, au moment où certains, au sein de la majorité actuelle, avancaient l'idée d'une possible interruption des soins, M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, a jugé cette proposition honteuse et scandaleuse. Il est bon, de temps à autre, d'entendre des propos comme ceux que vous venez de tenir, mon cher collègue.
J'en viens au texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement compris quel en était l'objectif et même - oserai-je le dire ? - la noblesse. Nous nous rangeons en quelque sorte à votre argument selon lequel il est à craindre que, au-delà du cas auquel nous pensons à l'heure présente - inutile d'insister, chacun comprend - une telle disposition, compte tenu de la situation mondiale et de tous les foyers de guerre civile que l'on constate ici ou là, constituerait effectivement un appel.
Nous aurions souhaité l'inscription de cette mesure dans la loi. Même si ce n'est pas le cas, il est bon, monsieur le ministre, que le Gouvernement rappelle, comme vous l'avez fait à l'instant, que, pour celles et ceux qui vivent dans des conditions dramatiques, la France, au cas par cas, ne fermera pas la porte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'ensemble de l'amendement n° 130 rectifié est rejeté.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. L'objectif affiché de cet article 4 était donc de régler le cas des étrangers qui n'étaient pas expulsables et qui, jusqu'alors, n'étaient pas régularisables.
Au total - vous l'avez dit, monsieur le ministre - vous avez voulu régler « le maximum de cas ». Je ne sais pas exactement ce que l'expression veut dire.
Je constate simplement que l'on va régler par ce vote quelques cas relativement peu nombreux et que l'on va encore en créer d'autres.
J'ai donc le regret de penser que, dans dix-huit mois ou dans deux ans, avec vous ou avec votre successeur, si la majorité passe le cap de mars 1998, nous nous retrouverons - nous serons en effet confrontés à une aggravation des situations que vous prétendez améliorer - avec une suite d'occupations diverses de lieux publics, d'églises, de stades, et de troubles dans les quartiers difficiles, où le chômage désespère les jeunes et où, parmi ces jeunes désespérés, il y en a d'encore plus désespérés qui conjuguent le chômage avec l'irrégularité, après avoir pourtant passé toute leur jeunesse en France.
Ce qui me frappe dans cet article qui se voulait l'article magnanime, généreux, c'est que, en fait, l'obsession de la fraude, qui est la caractéristique du présent projet de loi, affleure à chaque instant.
Au lieu de considérer la population dont on veut régler les conditions de vie en France dans son ensemble, on prend en compte les quelques cas de fraude ou de détournement de procédure et on légifère pour les fraudeurs, contre les fraudeurs, sans s'occuper des conséquences de cette attitude pour la majorité des honnêtes gens.
Cela signifie que vous assimilez l'ensemble des étrangers pour lesquels vous légiférez à ces quelques fraudeurs et malfrats, qui existent parmi eux comme dans toute population. C'est cela qui est grave, c'est cette assimilation qui est présente dans l'esprit de tous les xénophobes et que nous retrouvons ici, quoi que vous en disiez.
Alors, quand vous nous parlez de réalisme, de fermeté, de raison, je dis que le réalisme, la fermeté et la raison qui conduisent à séparer des familles, à bannir des jeunes élevés en France ou à les contraindre à la clandestinité dès leur dix-huitième anniversaire, à punir des enfants pour la faute de leur père, à enserrer le mariage avec un étranger dans des règles quasiment impossible à respecter dans la majorité des cas, ce réalisme, cette fermeté et cette raison sont, permettez-moi de vous le dire, de l'aveuglement !
Ce qui frappe, finalement, dans un pays comme le nôtre, c'est de se trouver devant un texte qui ne contient aucune générosité, alors que le fondement de notre identité républicaine c'est la générosité. La France n'est pas un pays comme les autres, la France, ce n'est pas l'Allemagne, la France, ce n'est pas la Suisse, la France, ce n'est pas la Grande-Bretagne...
M. Emmanuel Hamel. Qu'elle reste la France !
Mme Monique ben Guiga. Nous sommes fiers d'être Français, d'avoir un autre héritage politique et culturel que les autres pays d'Europe, avec lesquels nous nous entendons bien mais qui n'ont pas ce qui fait de la France un pays différent des autres et regardé dans le monde entier comme tel.
Nous nous enfonçons dans la mesquinerie, et nous poussons cette mesquinerie même dans le don : nous donnons et, en même temps, nous retirons. La mesquinerie dans la répression, la mesquinerie dans le don, vraiment, ce n'est pas conforme à l'honneur de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Ce sont des termes qu'ils ne faut pas galvauder, madame !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4