M. le président. « Art. 32. - I. - Les premier et deuxième alinéas de l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l'article 59 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sont ainsi modifiés :
« 1° Les mots : "à compter du 1er janvier 1995" sont supprimés ;
« 2° Après les mots : "les gains et rémunérations versés au cours du mois civil", sont insérés les mots : "à compter de l'institution desdites zones par décret,"
« II. - Les dispositions du I du présent article sont applicables à compter de la publication de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée. »
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je suis désolé de l'incident qui vient d'avoir lieu et j'en tiendrai le plus grand compte. Je souhaite que le climat de confiance qui règne au sein de la commission puisse être préservé. Par conséquent, je veillerai, à l'avenir - cela constitue un bon avertissement - à ne pas retirer d'amendement sans une concertation préalable, sauf à prévenir les membres de l'opposition pour que, s'ils le souhaitent, ils le reprennent à leur compte afin que le débat puisse se poursuivre.
Je suis navré, je le répète, de cet incident, car le Sénat et la commission des finances s'honorent toujours, me semble-t-il, à faire en sorte que le débat soit aussi transparent que possible.
Pour rester dans la transparence, mes chers collègues, je souhaite évoquer brièvement la portée de l'article 32 que nous propose le Gouvernement.
Cet article a pour objet de substituer à la date du 1er janvier 1995, que vous aviez vous-même prévue à l'article 59 de la loi Pasqua pour l'entrée en vigueur d'allégements de cotisations d'allocations familiales spécifiques aux zones de revitalisation rurale, celle de la publication du décret d'application de cet article, à savoir le 14 ou le 15 février 1996.
Dès lors que nous reportons la date d'application de cette disposition, il en résulte, bien entendu, un avantage pour le Gouvernement, puisque les contribuables ne peuvent bénéficier de la mesure. Naturellement, le Gouvernement a de très bonnes raisons pour nous présenter cette demande : ces zones de revitalisation rurale ont, en effet, dû faire l'objet d'un arrêté pour délimiter leur périmètre.
Toutefois, lors de la discussion de la loi Pasqua, ce sujet avait fait l'objet d'un long débat. Il était apparu, que si nous ne fixions pas de manière précise la date d'application de cette loi et des avantages fiscaux qui y étaient attachés, nous risquions de voir peser l'aléa d'une diligence, peut-être pas aussi zélée que nous aurions pu le souhaiter, de la part des services concernés pour que ces périmètres soient fixés et que les avantages votés par le Parlement entrent ainsi en application.
L'article 32 tend à retarder d'une année l'application de la loi Pasqua. Par conséquent, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, avant d'intervenir sur l'article 32, je souhaite dire quelques mots sur l'amendement n° 12.
Tout d'abord, de manière générale, je tiens à remercier M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances d'avoir accepté de se prêter au dialogue tout au long de la discussion de ce collectif budgétaire, comme ils l'ont fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997, même si, dans un certain nombre de cas et sur un certain nombre de sujets, ce n'était pas facile.
Je remercie également M. le rapporteur général d'avoir retiré l'amendement n° 12 relatif à l'éligibilité au FCTVA des groupements de communes qui sont maîtres d'ouvrage de travaux de voirie au lieu et place des communes qu'ils regroupent.
Il s'agit d'une disposition qui avait fait l'objet d'un amendement du Sénat, dont le Gouvernement avait accepté le principe et qui avait été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997. Cette mesure mettait fin, en effet, à une anomalie. Nous avons décidé qu'elle s'appliquerait à partir de l'année 1997, donc qu'elle pèserait sur le budget pour 1998.
L'amendement n° 12 avait pour objet d'anticiper le bénéfice de cette nouvelle disposition aux travaux qui ont été effectués en 1996. Cela aurait eu un effet sur le budget pour 1997. Comme nous étions parvenus à l'équilibre budgétaire pour 1997, il était malheureusement impossible pour le Gouvernement d'accepter une mesure dont le coût pouvait atteindre cent millions de francs. Je remercie M. le rapporteur général de l'avoir compris.
Ainsi que l'on indiqué M. le président de la commission et M. le rapporteur général, il importe de veiller à ce que cette disposition législative soit appliquée de la même manière dans tous les départements et qu'il n'y ait pas de divergence d'interprétation des préfets, ni sur les travaux à prendre en compte, ni sur les groupements intercommunaux concernés, ni sur la date d'application. Naturellement, j'étudierai cette question avec M. le ministre de l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne maintenant la disposition prévue par l'article 32, M. le rapporteur général a eu raison de faire observer que, si un problème s'est posé, c'est parce que la date d'application que fixait ce que nous appelons familièrement la « loi Pasqua » pour les zones de revitalisation rurale n'a pas pu être respectée.
Il faut dire que la loi était relativement optimiste puisque, alors qu'elle avait été votée en novembre 1994, elle prévoyait que les exonérations de cotisations d'allocations familiales dont pourraient bénéficier les activités installées dans les zones de revitalisation rurale entreraient en vigueur au 1er janvier 1995. Cela ne laissait que quelques semaines pour définir géographiquement ces zones.
En fait, plus d'un an a été nécessaire, d'abord, parce qu'un changement de Président de la République et de gouvernement est intervenu entre-temps, ensuite, parce qu'il a fallu engager une concertation pour se mettre d'accord, de manière aussi consensuelle que possible, sur la délimitation de ces zones de revitalisation rurale.
En pratique, le décret définissant géographiquement les zones de revitalisation rurale n'a donc été publié au Journal officiel que le 14 février 1996. Nous ne pouvons, en toute logique, appliquer ces exonérations de cotisations d'allocations familiales aux entreprises qui sont installées ou qui vont s'installer dans ces zones que depuis que celles-ci existent, c'est-à-dire depuis le 14 février 1996. Cela signifie très clairement que l'Etat a réalisé une économie, qui représente 500 millions de francs, dont nous avons besoin pour assurer l'équilibre du collectif.
Par conséquent, j'insiste pour que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, vote cet article 32, qui s'explique à la fois pour une raison de logique et pour une raison budgétaire.
Dans le même temps, je comprends le mécontentement que, avec courtoisie dans le ton mais fermeté sur le fond, le rapporteur général a exprimé quant au retard apporté à la mise en application de cette disposition de la loi Pasqua.
C'est d'ailleurs parce que l'actuel Gouvernement a estimé qu'il n'était pas sain d'établir un calendrier d'application dans le temps des mesures qui avaient été retenues par le gouvernement précédent au moment de l'élaboration de la loi Pasqua que, pour la politique urbaine et la mise en place de dispositions pour les zones d'urgence, pour les zones de redynamisation urbaine et pour les zones franches, cette fois-ci, la charrue n'a pas été mise devant les boeufs : on a d'abord défini géographiquement ces zones avant de préciser le régime dérogatoire fiscal et parafiscal qui leur était applicable. Ainsi, ces mesures pourront, de manière cohérente, entrer en vigueur au 1er janvier 1997, comme le Sénat et l'Assemblée nationale l'ont décidé et l'ont voté.
Par conséquent, tout en reconnaissant que l'application de cette partie de la loi Pasqua a fait l'objet d'un retard tout à fait regrettable, le Gouvernement a montré qu'il en avait tiré les enseignements en ce qui concerne les nouvelles dispositions d'aménagement du territoire. Il propose donc au Sénat - je me permets d'insister - d'en tirer les conséquences budgétaires au travers de cet article 32.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 32.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. J'ai bien entendu l'argumentation de M. le ministre. J'ai bien entendu également la présentation très complète et, comme d'habitude, très honnête qu'a faite M. le rapporteur général.
Monsieur le ministre, vous dites que ce sont des raisons de logique et des raisons budgétaires qui ont conduit le Gouvernement à présenter cet article 32, qui a été voté par l'Assemblée nationale.
Cependant, les raisons de logique que vous invoquez ne m'ont pas tout à fait convaincu, et ce pour un simple motif, que M. le rapporteur général indique lui-même dans son rapport : les critères de définition des zones de revitalisation rurale avaient été prévus dès l'origine par le Parlement dans la loi d'orientation. Ils ne devaient donc guère donner lieu à débat.
Certes, des événements politiques se sont produits depuis, mais on en me fera pas croire que, lorsque le gouvernement de l'époque a accepté ces critères, il n'avait pas au préalable effectué quelques études et qu'il ne savait pas quelles seraient les zones couvertes par lesdits critères.
Il est vrai que le décret n'est paru qu'au mois de février 1996, c'est-à-dire presque plus d'un an après la date prévue d'application de la loi.
Mais il est également vrai, monsieur le ministre - cela, vous ne l'avez pas dit - que cette situation a créé dans les départements concernés une extrême confusion.
Mes chers collègues, si nous votons cette disposition, le Gouvernement n'est pas sorti de son embarras, car cette mesure est déjà entrée en application dans certains départements, où certaines entreprises ont bénéficié du dispositif.
Monsieur le ministre, je veux simplement attirer votre attention : vous allez au-devant de contentieux très importants ; je pourrais vous citer des noms d'entreprises.
Evidemment, on me rétorquera qu'une telle mesure coûte 500 millions de francs. Je ne peux que me rendre à cet argument. Mais c'est la carte forcée, et d'une manière pas très convenable, dirai-je, car je n'entends pas hausser le ton.
Toutefois, il serait possible, reconnaissez-le, monsieur le ministre, d'en déduire que l'on ne croit plus guère à l'aménagement du territoire. C'est un signe de plus, un signe fâcheux, que, pour ma part, je n'accepte pas de donner à ceux qui avaient fait confiance au Sénat au moment de l'examen de la loi Pasqua.
Voter sans plus de discussion un tel article serait en effet fâcheux. Pour ma part, je ne peux m'y résoudre. Aussi je m'abstiendrai, car je ne suis pas de ceux qui, sans tenir compte des conséquences de leur vote, accroissent le déficit public.
Cela étant dit, je regrette beaucoup que nous soyons placés dans cette position. Je le répète : je voulais simplement appeler votre attention sur les conséquences de l'adoption de cet article. Monsieur le ministre, ne croyez pas sortir ainsi de vos embarras : ils ne font que commencer !
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt ce que vient de dire M. Gouteyron, mais aussi les propos qu'ont tenus le président de la commission et le rapporteur général, mon ami Alain Lambert. La situation n'est pas simple.
Il n'y a pas très longtemps, nous avons adopté un projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et, aujourd'hui, nous sommes devant un fait extraordinaire : on n'a pas les moyens d'appliquer les décisions que nous avions prises alors.
Aussi, monsieur le ministe, il faudra revenir très rapidement sur cette question de l'aménagement du territoire, en espérant que nous aurons plus de moyens. En effet, nous avons cru en l'aménagement du territoire. Nous ne devons pas perdre confiance. Le milieu rural attend ; ce n'est pas simple.
J'ai été, dans mon département, l'un des premiers à cautionner l'intercommunalité. Depuis, nous avons passé le relais à d'autres puisqu'une élection municipale a eu lieu. La situation évolue.
L'intercommunalité, ce n'est pas uniquement un problème d'argent. Il s'agit d'un dispositif qui doit être pensé, vécu et répété, sinon nous aboutirions rapidement à faire de l'intercommunalité quelque chose de grand et que plus personne ne connaîtrait.
Je m'associe à ce que disaient M. le rapporteur général et M. le président de la commission : nous allons vous suivre, monsieur le ministre, mais cela nous fait tout de même un peu mal !
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Qu'est-ce que la majorité sénatoriale actuelle penserait d'une majorité qui aurait adopté une loi comportant un très grand nombre de critères et d'objectifs, tout un programme d'actions sur le terrain, et qui, peu d'années après, découvrirait que cette loi n'est qu'une déclaration d'intention parce que les moyens ne sont pas disponibles ?
En d'autres circonstances, mes chers collègues, vous auriez été assez critiques à l'égard d'une majorité se comportant de la sorte. Je me borne donc à vous renvoyer à ce qu'auraient pu être vos commentaires sur le sujet dans une autre circonstance, afin de ne pas prolonger le débat.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. J'ai écouté attentivement M. Gouteyron. Je le rassurerai peut-être sur un point.
Les conditions d'application seront certainement complexes et engendreront un contentieux. Cependant, la solution qui vous est proposée aujourd'hui, c'est-à-dire la mise en application de l'exonération de cotisations d'allocations familiales à compter du jour où les zones ont été définies, c'est-à-dire à compter du 19 février 1996, signifie, en réalité, que toutes les entreprises installées dans ces zones vont recevoir, avec effet rétroactif, un remboursement des cotisations d'allocations familiales qu'elles ont payées en 1996. De ce point de vue, on peut dire que les zones concernées et les entreprises qui y sont installées recevront un coup de fouet utile dans une période difficile.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 32.
(L'article 32 est adopté.)
Vote sur l'ensemble