M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat sur les risques que fait peser le projet du centre commercial Francilia de 45 000 mètres carrés, désormais baptisé « Carré de Sénart », sur l'équilibre précaire de l'activité commerciale des centres-villes alentour : Evry, Corbeil-Essonnes, Melun.
Ce nouveau suréquipement commercial menace en effet directement les commerces traditionnels et va à l'encontre de sa volonté maintes fois répétée d'assurer aux commerçants et artisans une nouvelle chance de se développer ou même de survivre, comme en témoigne la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Il lui rappelle que ce projet a fait l'objet de quatre avis défavorables : celui de la commission départementale d'urbanisme commercial de l'Essonne, celui de la commission nationale d'urbanisme commercial de Seine-et-Marne, celui de la commission nationale d'urbanisme commercial et celui du commissaire enquêteur plus récemment, en décembre 1994.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager un sursis à exécution de ce projet pendant quatre ans, afin d'attendre que les habitants correspondants viennent s'installer sur place. (N° 489.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, votre loi, monsieur le ministre, constitue un des éléments essentiels du dispositif de votre plan PME pour la France.
Le Gouvernement est déterminé à rééquilibrer le paysage commercial et artisanal en faveur des centres-villes, où les petites et moyennes entreprises trouvent un terrain de choix pour un nouvel essor. C'est de l'Ile-de-France dont je veux vous entretenir aujourd'hui, car le développement des équipements commerciaux de la périphérie de cette région est particulièrement fragilisé.
Vous comprendrez que notre mobilisation soit forte pour enrayer la multiplication de ces nouveaux équipements. Nous sommes déterminés, qu'il s'agisse des élus, des représentants de l'administration ou des responsables du milieu économique, à nous opposer vigoureusement au projet de centre commercial du « Carré de Sénart », ex-Francilia, parce qu'il détruit l'équilibre déjà précaire de notre région.
Rappelons que, à quatre reprises déjà, les décideurs s'étaient montrés défavorables à ce projet : la commission départementale d'urbanisme commercial de Seine-et-Marne, celle de l'Essonne, la commission nationale d'urbanisme commercial et, enfin, le commissaire enquêteur qui a rendu son rapport en décembre 1994 s'étaient ainsi opposés à la création du centre commercial.
Les nombreuses déclarations du Gouvernement sur ce sujet avaient donné beaucoup d'espoir aux commerçants et aux artisans de nos départements, car ceux-ci ne supporteraient pas de voir s'installer à leur porte un nouvel équipement commercial de cette importance.
En effet, depuis 1992, les prévisions démographiques ont été revues et la situation économique a évolué. A l'époque, l'autorisation avait été accordée sur la foi de perspectives qui sont démenties par la réalité d'aujourd'hui. Nous demandons que la décision qui avait été prise par le ministre alors responsable du dossier soit rapportée.
Les habitants de notre région souhaitent la création d'équipements culturels et de loisirs, mais en aucun cas d'un hypermarché dont l'implantation se ferait au détriment des activités qui existent déjà et, en particulier, des commerces traditionnels indispensables à la vie de nos communes. Les chambres de commerce et d'industrie sont disposées à participer à la réorientation de ce projet.
Qui peut dire aujourd'hui quel serait le résultat, entre la taxe professionnelle qui serait versée par le « Carré de Sénart » et celle que perdraient les communes avoisinantes pour leur commerce, leur artisanat et l'ensemble de leur activité économique ?
Le 17 septembre dernier, le député de Seine-et-Marne, le maire de Corbeil-Essonnes, le maire de Melun, le député de Dammarie-les-Lys, le président de la chambre de métiers, le président de la chambre de commerce et d'industrie ainsi que moi-même avons attiré l'attention de M. le Premier ministre sur ce point. Aujourd'hui, nous attendons toujours le résultat de ces interventions.
Nous demandons, monsieur le ministre, une mesure simple, à savoir un sursis à exécution de trois ans - quatre ans serait mieux - en attendant que les habitants qui correspondraient à cet équipement s'installent sur place.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, pour avoir été rapporteur de nombreux projets de loi, vous connaissez bien tous les textes liés au commerce et à la concurrence ; votre analyse sur ce sujet conjugue la compétence nationale et la préoccupation locale. Je suis personnellement profondément d'accord avec votre analyse. Les territoires de l'Essonne et de la Seine-et-Marne me paraissent bien couverts en hypermarchés. Les décisions récentes, pour les raisons que l'on sait, ont toujours conduit à des accélérations, donc à l'ouverture de grandes surfaces, avec des dysfonctionnements sur la pratique économique que nous avons, les uns et les autres, mesurés.
Je n'apprécie d'ailleurs pas, quand on examine la situation du point de vue national, que l'on fasse toujours appel à la politique commerciale pour résoudre d'autres problèmes. Ainsi, des infrastructures, des sociétés d'économie mixte, un certain nombre d'équipements sont légitimés par le biais de la politique commerciale.
Or la politique commerciale est une. Elle doit concerner le commerce. Il ne faut pas, à travers elle, chercher à résoudre de nombreux dysfonctionnements qui existent par ailleurs.
Je suis donc très sensible à votre approche, monsieur le sénateur, mais, vous le savez, nous sommes dans un cadre juridique très précis, dont je voudrais rappeler les grandes lignes.
Le 30 octobre 1992, le ministre délégué au commerce et à l'artisanat a autorisé la société civile immobilière Francilia à créer en Seine-et-Marne, à Lieusaint, un centre commercial d'une surface de vente de 45 000 mètres carrés.
Cette décision ministérielle - car, à l'époque, la décision était ministérielle - a été déférée pour excès de pouvoir au tribunal administratif de Versailles par la commune de Lieusaint. Par un jugement en date du 3 mai 1994, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de la commune de Lieusaint et confirmé, en conséquence, la légalité de l'autorisation ministérielle du 30 octobre 1992.
Ce jugement du tribunal administratif en date du 3 mai 1994 a fait l'objet d'un appel auprès de la cour administrative d'appel de Paris. Cependant, dans un mémoire du 28 novembre 1995, la commune de Lieusaint s'est désistée de sa requête. Par une ordonnance du 8 décembre 1995, la cour administrative d'appel de Paris a donné acte du désistement de la requête de cette commune.
L'autorisation ministérielle du 30 octobre 1992 est donc devenue définitive. Sur le plan juridique, elle ne peut faire l'objet d'un retrait ou d'un sursis à exécution par le ministre en charge du commerce et de l'artisanat, qui, en tout état de cause, et depuis la loi du 29 janvier 1993, n'a pas le pouvoir d'autoriser ou de refuser les projets d'implantation de commerces de détail.
En effet, depuis 1993, l'ultime recours au ministre, qui a conduit à des errements coupables dans le passé, n'existe plus : c'est la commission nationale de l'équipement commercial qui assume cette fonction de recours et donc de décision finale.
Cela signifie qu'aujourd'hui le ministre n'a pas la possibilité juridique de contester les autorisations accordées.
Le sujet que vous évoquez est très préoccupant. Nous nous sommes intéressés de très près au dossier et nous avons mené un certain nombre d'expertises. L'approche que vous proposez, monsieur le sénateur, à savoir le sursis à exécution, peut, je crois, rassembler un grand nombre de partenaires. Je pense que ce serait la voie de la sagesse, à laquelle nous travaillons.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Effectivement, nous pensions que votre rayonnement et celui du Gouvernement pourraient permettre de compenser, si je puis dire, la volonté de la ville nouvelle de Melun-Sénart, qui a pesé d'un poids très lourd dans ce dossier.
Il me paraît intelligent de reporter cette décision de quelques années : cela satisferait tout le monde et permettrait à ce centre de justifier son implantation par un réel rayonnement commercial. J'ai en effet été très sensible à vos propos, les objectifs d'habitat doivent l'emporter sur le seul aspect commercial. Il faut d'abord construire les habitations, et ensuite seulement les équipements commerciaux.
En conclusion, je vous remercie, monsieur le ministre, de l'action que vous menez dans ce domaine.
Compensation des dépenses
supportées par les communes
en matière d'environnement et de sécurité