M. le président. M. Marcel Bony attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les agissements de certaines entreprises de vente par correspondance qui cherchent à se constituer une clientèle de façon méprisable, en abusant de la crédulité, quelquefois même de la détresse dans laquelle se trouvent certaines personnes.
Ces sociétés n'hésitent pas à « matraquer » le consommateur potentiel en lui adressant des courriers laissant croire, à grand renfort de gros titres, de gros caractères et d'encadrés en couleur, qu'il a gagné un prix d'une valeur importante. La plupart du temps, ce genre de démarchage ne résiste pas à une analyse très attentive du texte. Il apparaît généralement, au verso des documents et en petits caractères, que ce prétendu prix sera partagé entre tous les gagnants.
Cependant, dans la mesure où les envois sont personnalisés, quelqu'un d'un peu fragile peut mal les interpréter. Dès lors, convaincu d'avoir gagné, il passe évidemment une commande importante en risquant de mettre à mal sa situation financière, puisqu'il ne reçoit au bout du compte qu'un lot d'une valeur de quelques francs.
Devant ce qu'il considère comme une véritable escroquerie, il lui demande de lui faire connaître quelles mesures il envisage de prendre pour mettre un terme à ce genre d'agissements et protéger le consommateur de ces initiatives malhonnêtes qui bafouent l'esprit des lois de la République. (N° 490.)
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j'ai déposé ma question, le procès de France Direct Service n'avait pas encore eu lieu.
Toutefois, c'est notamment à propos des agissements de cette société que j'y avais songé car elle me semble être une des plus actives dans ce domaine. Bien entendu, il en existe beaucoup d'autres, qui ont prospéré au cours des dernières années sous les effets conjugués de la crise, des nouvelles techniques de communication, du vieillissement de la population et peut-être aussi de l'ouverture des frontières.
De la loterie promettant le gain d'une automobile aux publicités trompeuses vantant les propriétés de tel marc de raisin amincissant ou autre savon dévoreur de graisse, tout est bon pour piéger le chaland. De quoi devenir, en un clin d'oeil, belle - ou beau - jeune et riche !
La désillusion est souvent à la hauteur des gains mirobolants espérés, car le démarchage est d'autant plus pervers qu'il est nominatif et qu'une personne un peu fragile est facilement induite en erreur.
J'en connais d'ailleurs qui, en butte à d'importants problèmes financiers, ont sombré dans la dépression. Pour les gens, seule compte la somme d'argent mentionnée en caractères géants dans la lettre qu'ils reçoivent. C'est pour eux le seul moyen rapide de mettre fin à leurs soucis.
Fréquemment, las des privations, ils passent commande à l'entreprise qui s'est montrée si généreuse envers eux. Cette prodigalité leur vaut un endettement encore plus important, et généralement un profond abattement lorsqu'ils se rendent à l'évidence. Pourtant, même s'ils jurent qu'on ne les y prendra plus, ils sont prêts à tomber dans le prochain filet qui leur sera tendu.
La technique commerciale est bien au point, mais la morale est loin d'y trouver son compte.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je prends note avec satisfaction de la constitution d'une nouvelle jurisprudence en matière de vente par correspondance.
Cependant, puisqu'un observatoire des loteries commerciales a été créé pour dresser, avant la fin de l'année, un bilan de la concrétisation des bonnes intentions qui sont à présent affichées par la profession, envisagez-vous d'ores et déjà des suites législatives ou réglementaires ?
Par ailleurs, j'ai hésité sur le point de savoir si je devais poser cette question au ministre de la justice ou à celui qui est en charge de la consommation. Si j'ai finalement choisi le premier, c'est en raison des huissiers de justice associés à ce genre de loteries. N'y aurait-il pas moyen de faire en sorte que leur fonction ne soit pas utilisée comme argument commercial pour gruger un million de personnes par an ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, qui aurait aimé répondre lui-même à votre question, mais il en a été empêché ce matin. Je me sens moi aussi, comme mon collègue en charge de la consommation, concerné par les préoccupations que vous exprimez, et vous savez que le Gouvernement s'est mobilisé à plusieurs reprises pour lutter contre toutes les formes de l'arnaque : un colloque a été organisé récemment sur ce sujet et nous affirmons sans cesse que les bons commerçants sont ceux qui respectent les consommateurs.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, M. Jacques Toubon, est particulièrement conscient de la gravité des agissements que vous avez évoqués, monsieur Bony.
Il est vrai que l'utilisation de pratiques commerciales fort douteuses pour surpendre la bonne foi des consommateurs a pris, au cours des dernières années - et l'exemple que vous avez cité est une nouvelle manifestation de ces dysfonctionnements -, une ampleur toute particulière liée à différents facteurs tels que la vente par correspondance, l'utilisation de l'outil informatique, les moyens de diffusion modernes de communication et la précarisation d'une partie de la population qui se fait également sentir dans d'autres domaines. La conjonction de tous ces facteurs conduit à un certain nombre d'abus qui sont vraiment répréhensibles.
Afin de sensibiliser encore davantage les parquets à ce phénomène, une circulaire va leur être très prochainement adressée, d'une part, pour les inviter à exercer l'action publique avec rapidité et détermination afin de mettre rapidement un terme à ces pratiques et, d'autre part, pour leur suggérer de nouer des relations plus étroites avec les associations de consommateurs auxquelles la loi a octroyé des droits importants. Telle est donc la réponse que, par ma voix, M. le garde des sceaux souhaitait vous faire.
Par ailleurs, des journées d'information vont être organisées entre les services de la Chancellerie et ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de mieux coordonner l'action de l'Etat en cette matière.
Enfin, un groupe de travail interministériel va réfléchir à d'éventuelles modifications législatives susceptibles de donner plus d'efficacité à l'action de l'Etat en ce domaine.
M. Marcel Bony. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je souhaite, comme vous, que la moralisation de la vente par correspondance porte tous ses fruits afin que nos concitoyens, en particulier les plus faibles, ne soient pas piégés par de telles opérations.
Peut-être serait-il opportun de durcir la réglementation relative à l'exploitation des informations nominatives afin que les entreprises spécialisées dans la gestion des fichiers n'aient plus la possibilité de revendre lesdits fichiers sans l'autorisation des principaux intéressés aux sociétés commerciales qui souhaitent monter une campagne publicitaire ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en considération cette suggestion.
Projet d'un centre commercial
« Carré de Sénart » (ex-Francilia)