SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
2
).
4.
Emploi dans la fonction publique.
- Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
3
).
Discussion générale : MM. François Blaizot, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Robert Pagès,
Pierre Laffitte.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
4
)
Vote sur l'ensemble (p.
5
)
MM. Daniel Hoeffel, Alain Vasselle, Jean-ClaudePeyronnet, Robert Pagès, le
ministre.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
5.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
7
).
6.
Professionnalisation des armées.
- Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
8
).
Discussion générale : MM. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Charles Millon, ministre de la défense.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
9
)
Vote sur l'ensemble (p.
10
)
M. André Rouvière, Mme Nicole Borvo, MM. Serge Vinçon, Emmanuel Hamel.
Adoption du projet de loi.
7.
Détention provisoire.
- Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
11
).
Discussion générale : M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la
justice.
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
MM. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois ; le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo, MM. Jacques Habert, Jacques Larché, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
MM. Bernard Plasait, Pierre Fauchon, Robert Badinter.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article 1er AA
ou après l'article 2 (p.
13
)
Amendements n°s 17 de M. Dreyfus-Schmidt et 25 (priorité) de Mme Borvo. - M. Dreyfus-Schmidt, Mme Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, de Cuttoli. - Rejet des deux amendements.
Article additionnel avant l'article 1er AA (p. 14 )
Amendement n° 26 de Mme Borvo. - Mme Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Article 1er AA. - Adoption (p.
15
)
Article 1er AB (p.
16
)
Amendements n°s 1 de la commission et 7 à 14 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le
rapporteur, Dreyfus-Schmidt, le rapporteur.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
MM. le garde des sceaux, le président de la commission, Dreyfus-Schmidt. -
Rejet de l'amendement n° 1.
M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
Amendement n° 32 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux.
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
MM. le garde des sceaux, le président de la commission, Dreyfus-Schmidt. -
Rejet des amendements n°s 32 rectifié, 7 à 13 et 14
(paragraphe II) ;
adoption de l'amendement n° 14
(paragraphe I).
M. Dreyfus-Schmidt.
Adoption de l'article 1er AB modifié.
Article 1er A (p. 19 )
Amendement n° 27 de Mme Borvo. - MM. Pagès, le rapporteur, le garde des sceaux.
- Rejet.
Adoption de l'article.
Article 1er (p. 20 )
Amendements identiques n°s 15 de M. Dreyfus-Schmidt et 28 de Mme Borvo ;
amendement n° 16 rectifié de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Dreyfus-Schmidt, Pagès,
le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des amendements n°s 15 et 28 ;
adoption de l'amendement n° 16 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 2. - Adoption (p.
21
)
Article additionnel après l'article 2 (p.
22
)
Amendement n° 18 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Fauchon, Dreyfus-Schmidt. - Rejet.
Article 2 bis (p. 23 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Amendement n° 19 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 24 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux,
Badinter. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 25 )
Amendement n° 20 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 bis (p. 26 )
Amendement n° 21 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 5
ter (supprimé)
(p.
27
)
Article 6 (p.
28
)
Amendements n°s 22 et 23 de M. Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement n°
23, l'amendement n° 22 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 29 )
Amendement n° 4 rectifié de la commission et sous-amendement n° 30 de M. Dreyfus-Schmidt ; amendement n° 24 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. le rapporteur, Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux, le président de la commission, Badinter, Fauchon. - Adoption du sous-amendement n° 30 et de l'amendement n° 4 rectifié, modifié, rédigeant l'article, l'amendement n° 24 devenant sans objet.
Articles 8
bis
à 8
septies (supprimés)
Articles 8
octies
A et 8
octies.
- Adoption (p.
30
)
Article additionnel après l'article 8
octies
(p.
31
)
Amendement n° 29 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 8
nonies
. - Adoption (p.
32
)
Article additionnel après l'article 8
nonies
(p.
33
)
Amendement n° 5 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur, Pagès, Dreyfus-Schmidt, Serge Vinçon, Badinter, Habert. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 9. - Adoption (p.
34
)
Article 10 (p.
35
)
Amendement n° 6 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Intitulé (p. 36 )
Amendement n° 31 du Gouvernement. - MM. le garde des sceaux, le rapporteur. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Vote sur l'ensemble (p. 37 )
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux.
Adoption du projet de loi.
8.
Dépôt de projets de loi
(p.
38
).
9.
Transmission de projets de loi
(p.
39
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
40
).
11.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
41
).
12.
Dépôt de rapports
(p.
42
).
13.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
43
).
14.
Ordre du jour
(p.
44
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à douze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la procédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale du
logement.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : ALAIN JUPPÉ. »
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a
fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du conseil supérieur de
l'emploi, des revenus et des coûts le deuxième rapport annuel établi par cet
organisme en application de l'article 78 de la loi quinquennale n° 93-1313
relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 127,
1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'emploi dans
la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Blaizot,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a
examiné, les 3 et 4 décembre 1996, le projet de loi relatif à l'emploi dans la
fonction publique, et la commission mixte paritaire constituée à cet effet en a
délibéré le 10 décembre, c'est-à-dire hier.
Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale sur le texte que le Sénat
avait voté consistent principalement en précisions, qui ne modifient pas le
fond mais en explicitent la signification et qui, parfois, assurent une
meilleure coordination interne.
Dans certains cas, notamment aux articles 13, 29, 40, 49
ter
et 52
ter
les dates butoirs qui étaient prévues dans le texte initial ont dû
être reportées car il apparaissait clairement que le Gouvernement ne
disposerait pas des délais suffisants pour les respecter.
La modification la plus importante apportée par l'Assemblée nationale résulte
du dépôt, par le Gouvernement, d'un amendement important sur la
représentativité des syndicats dans la fonction publique et visant à insérer un
article 70 nouveau.
Bien sûr, le Sénat aurait préféré que cette initiative gouvernementale se soit
manifestée plus tôt - je me permets de vous le dire, monsieur le ministre -
afin de lui permettre de l'étudier avec le recul nécesssaire, tant au sein de
la commission des lois qu'en séance publique. En effet, quelles que soient les
nécessités auxquelles nous devont nous plier, il est certain que trop souvent
nous sommes obligés de délibérer sur des textes dont nous sommes saisis depuis
très peu de temps, si bien que nous n'avons pas la possibilité de faire un
travail sérieux, ce qui est, je crois, nuisible pour tout le monde, y compris
pour la bonne réputation de la loi. En l'occurrence, il convenait de ne pas
oublier de le signaler.
M. Robert Pagès.
Tout à fait exact, monsieur le rapporteur !
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. François Blaizot,
rapporteur.
Toutefois, nous ne méconnaissons pas les contraintes
gouvernementales. Hier, la commission mixte paritaire a reconnu, à une large
majorité, l'opportunité de prévoir des règles précises pour la consultation des
organisations syndicales. En effet, le Gouvernement recourt de plus en plus
fréquemment, et toujours avec succès, à la consultation des organisations
syndicales, lors de l'étude d'améliorations statutaires, à l'occasion
desquelles il importe d'apprécier le poids relatif de chacune de ces
organisations.
Par conséquent, sur le plan de l'opportunité, l'initiative du Gouvernement a
été très bien reçue par la commission mixte paritaire, même si elle a paru très
tardive.
Le choix des différents critères permettant de mesurer la représentativité
relative de chaque organisation n'est évidemment pas aisé, non plus que la
valeur des échelles chiffrées qui en marquent les limites. Pour formuler ses
propositions, le Gouvernement s'est référé à l'expérience que lui avait assuré
un exercice analogue effectué depuis longtemps à l'égard des organisations
syndicales dans le secteur privé, dans le cadre du code du travail qui prévoit
une réglementation tout à fait précise à ce sujet. La commission mixte
paritaire s'est rangée, dans sa majorité, aux résultats de ces travaux.
Par conséquent, j'ai l'honneur, en ma qualité de rapporteur, de vous proposer,
mes chers collègues, d'adopter les conclusions de la commission mixte
paritaire, dont le texte a été distribué.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi tel que l'a approuvé la commission mixte paritaire
qui s'est réunie hier est un texte généreux dans ses intentions et équilibré
dans son dispositif.
Il consacre, en ce qui me concerne, une année de concertation et
d'initiatives, car il est, dans ses deux premiers titres, le reflet d'accords
conclus avec les organisations syndicales représentatives. Il va donner au
Gouvernement les moyens, d'une part, de s'attaquer aux problèmes de l'emploi
précaire et, d'autre part, dans un contexte budgétaire de stabilité nécessaire
au rétablissement des grands équilibres, de maintenir une offre de recrutement
importante pour les jeunes dans la fonction publique.
Outre ces dispositions, le texte qui vous est proposé comporte des
modifications du statut général permettant de parfaire l'ouverture de la
fonction publique française aux fonctionnaires ressortissants des Etats de la
Communauté européenne.
Il est complété par des dispositions de nature sociale relatives à l'extension
du droit à congé de longue durée aux fonctionnaires atteints d'affections liées
au sida, ou à la protection juridique des fonctionnaires en cas de poursuites
pénales.
C'est donc un texte riche et complet, puisqu'il concerne l'ensemble des
fonctions publiques.
Au cours des débats, ici même comme à l'Assemblée nationale, j'ai eu la
satisfaction de constater à quel point les élus que vous êtes et les employeurs
que vous êtes souvent avez tenu à améliorer encore le dispositif pour le rendre
plus efficace au regard des résultats attendus.
Je vous en remercie. Je vous sais gré aussi de la qualité des débats, de la
pertinence de vos observations et de l'appui très large apporté à ce texte.
Cela est dû en grande partie à l'excellent travail effectué par le rapporteur,
M. Blaizot, par ses collaborateurs et par la commission des lois, travail
auquel je tiens à rendre hommage.
Ce travail nous oblige à une action rapide pour mettre en oeuvre les
dispositifs prévus dans le présent projet de loi qui, je n'en doute pas,
recueillera encore une fois votre approbation.
J'ai donc le plaisir de vous informer que les textes d'application sont en
cours d'examen par les instances consultatives et qu'ils seront prêts lorsque
votre habilitation leur sera acquise pour une application dès le 1er janvier
prochain.
Avant de conclure, puisque le texte issu des travaux de la commission mixte
paritaire n'appelle aucun amendement nouveau de la part du Gouvernement, je
voudrais évoquer les modifications relatives à la représentativité
syndicale.
Malgré ou à cause de toutes les approximations dont il était l'objet, ce texte
suscitait quelques craintes. Je souhaiterais les lever en disant d'abord qu'il
n'obère en rien la liberté de vote et la liberté syndicale, tout comme il n'est
dirigé contre personne.
Il tend seulement à éviter un émiettement excessif de la représentation des
personnels afin, dans la fonction publique, de pouvoir mener une concertation
fiable et de qualité permettant de parvenir à des accords comparables à ceux
qui ont servi de fondement à l'élaboration du présent texte.
J'ajoute que les discussions qui ont précédé sa mise au point ont abouti trop
tard, monsieur le rapporteur, pour vous être présentées lors de l'examen du
présent projet de loi, à la fin du mois d'octobre. La charge de travail du
Parlement était telle, qu'il était impossible de trouver un autre support
législatif convenable dans des délais compatibles avec la nécessité et
l'utilité qui s'attachaient à la mise en oeuvre ce dispositif. C'est pourquoi
le Gouvernement s'est résolu à l'introduire par voie d'amendement devant
l'Assemblée nationale.
Je tenais à vous le préciser pour lever toute ambiguïté et à dire de nouveau,
nonobstant cette procédure inhabituelle, toute l'importance que le Gouvernement
attache aux avis et au rôle de la Haute Assemblée.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, rapidement exposées, les
principales dispositions du texte qui vous est présenté. Je souhaite que vous
lui apportiez le soutien le plus large, et je vous en remercie car il est
attendu.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné
que le Sénat a été privé du débat concernant l'amendement du Gouvernement sur
la représentativité des syndicats dans la fonction publique, je commencerai mon
intervention sur ce thème, bien que nous aurions dû discuter de la résorption
de la précarité et du congé de fin d'activité, sujets initiaux et ô combien
importants du débat.
Plusieurs remarques s'imposent s'agissant de la méthode qui a été employée par
le Gouvernement.
Il est fort regrettable, pour les sénateurs et pour les députés, d'apprendre
par voie de presse le dépôt probable d'un amendement visant à modifier les
règles de la représentativité des syndicats dans la fonction publique.
Quelle image du Parlement donne-t-on, dans ces conditions, à l'opinion
publique ?
Ce n'est pas sérieux !
Alors que nous allons bientôt commencer la deuxième session unique - je
rappelle que l'instauration de la session unique devait permettre de donner
plus de pouvoirs aux parlementaires - ces derniers se voient, à l'Assemblée
nationale, imposer un amendement pour le moins cavalier émanant du pouvoir
exécutif et, au Sénat, retirer leur droit d'intervention, l'urgence ayant été
déclarée sur le texte.
Où est la démocratie lorsque le Parlement, les organisations syndicales, les
salariés et le CSFP, le Conseil supérieur de la fonction publique, sont écartés
du débat qui pourtant s'imposait ?
Vous ne me ferez pas croire que le Gouvernement, inquiet de l'émiettement du
syndicalisme dans la fonction publique, a décidé d'y remédier de façon
positive.
Ne s'agit-il pas, au contraire, d'un procédé visant à empêcher, un an après le
mouvement social de décembre 1995, l'émergence d'un courant syndical d'un genre
nouveau dans la fonction publique ?
La proposition du Gouvernement vise en effet à instaurer un scrutin à deux
tours, avec un monopole de présentation des candidats au second tour pour les
syndicats représentatifs au premier tour.
Le second tour ne serait organisé qu'en cas de carence syndicale au premier
tour ou si le nombre des votants au premier tour est inférieur à la moitié des
électeurs inscrits.
Dans la pratique, le second tour aurait rarement lieu.
Cela ne favoriserait-il pas la constitution d'un monopole au bénéfice de
quelques organisations, notamment confédérées, dont certaines obtiennent
actuellement trop peu de voix pour siéger au sein des commissions paritaires
?
Une telle mesure entraînerait, à coup sûr, outre l'attribution d'une prime au
sortant, la disparition de certains syndicats.
J'ajoute que, si ces règles existent déjà en dehors de la fonction publique,
il n'en demeure pas moins que le fait d'empêcher une organisation de se
présenter librement à une élection nous semble non seulement liberticide et
antidémocratique, mais surtout contraire à l'esprit de la Constitution de notre
pays, qui précise que tout homme peut adhérer au syndicat de son choix.
Il s'agit donc d'une limitation législative à des principes de valeur
constitutionnelle que nous ne pouvons accepter.
En effet, quel salarié accepterait de s'affilier et de payer une cotisation à
un organisme qui n'aurait pas le droit de se présenter à une élection
professionnelle ?
Vous pouvez toujours tenter de modifier la réalité sociale et syndicale par de
tels artifices : plus la représentativité accordée sera différente de la
représentativité réelle, moins les salariés se sentiront concernés par le choix
de ceux qui sont censés les représenter, ce qui ne manquera pas d'entraîner une
institutionnalisation du syndicalisme, comme dans certaines entreprises
privées, et même publiques ! Mais n'est-ce pas là le but visé ?
Imposer ainsi des exigences aux syndicats reviendra à figer le paysage
syndical.
Dans le système actuel, il suffit d'avoir déposé régulièrement des statuts
syndicaux pour pouvoir participer à l'élection, la représentativité étant alors
fondée essentiellement sur le vote des personnels.
Ce système est démocratique et plus proche de la réalité que ce que vous nous
proposez, à savoir une représentativité d'emprunt issue d'une affiliation à une
organisation censée être
a priori
représentative.
Ces quelques observations doivent nous faire réfléchir, mes chers collègues,
sur la façon dont s'effectue le travail parlementaire. Personne ne m'ôtera
l'idée que le thème abordé de manière si cavalière aurait mérité, à lui seul,
de faire l'objet d'un texte à part, sur lequel des concertations auraient pu
avoir lieu et sur lequel nous aurions pu travailler plus sérieusement.
Il est dommage que cet amendement gouvernemental ait placé le contenu du
projet de loi initial, à savoir la résorption de la précarité et le congé de
fin d'activité, au second plan, alors que nous aurions dû y porter une
attention toute particulière. Mais n'était-ce pas, là aussi, le but visé ?
Le Gouvernement se vantait que le projet de loi était le résultat de deux
protocoles d'accord. Le moins que l'on puisse dire, en l'occurrence, c'est
qu'il aurait dû y avoir débat avec recherche d'un compromis, afin de garantir
le respect de la liberté syndicale.
J'en reviens au contenu même du texte.
La première partie est censée résorber la précarité dans les trois fonctions
publiques. On prévoit ainsi de « faciliter l'accès des non-titulaires aux corps
de fonctionnaires en leur réservant l'accès à des concours spécifiques ».
En réalité, le texte améliorera la situation de très peu de non-titulaires.
D'une part, les conditions à remplir pour se présenter aux épreuves sont
beaucoup trop restrictives et les moyens budgétaires, notamment pour ce qui
concerne les maîtres auxiliaires, ne sont pas prévus. D'autre part, les CES,
nombreux dans la fonction publique territoriale et la fonction publique
hospitalière, sont d'emblée écartés du champ d'application du projet de loi, et
plus encore d'une réflexion importante sur leur propre précarité.
Le second volet du projet de loi concerne le congé de fin d'activité, dont les
conditions d'application ne nous sont pas apparues totalement satisfaisantes.
Je n'y reviens pas ; nous avons abordé ce sujet lors de l'examen du projet de
loi en première lecture.
Enfin, le troisième volet du texte traite de dispositions diverses, parmi
lesquelles l'article relatif aux astreintes de la fonction publique
hospitalière, dont votre groupe avait demandé la suppression.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen maintiennent leur abstention critique sur l'ensemble du texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le ministre, comme M. le rapporteur, comme l'orateur qui vient de
s'exprimer, je suis très étonné de la procédure suivie par le Gouvernement.
Cela étant dit, je souhaite simplement poser une question sur la notion de
représentativité syndicale au regard des grands corps de l'Etat.
La plupart de ces grands corps - le corps des Mines, le corps des Ponts, le
corps des Télécom, le corps du Génie rural et bien d'autres - ont en effet, en
application de la loi, créé des syndicats qui ne sont pas affiliés à des
centrales syndicales, elles-mêmes souvent liées à des tendances politiques. Il
est bon que la haute fonction publique ne soit pas politisée.
Ces syndicats, qui regroupent parfois plus de 90 % des personnels concernés,
seront-ils considérés comme représentatifs lors des débats qui les concernent
?
C'est une question de fond, que l'on ne peut pas esquiver. Monsieur le
ministre, je serais heureux, pour définir mon vote et celui de mon groupe, de
connaître la réponse que vous allez apporter, notamment au travers des décrets
d'application, à cette question.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je vous remercie de votre question, monsieur Laffitte.
En effet, au travers de la réponse que je vais essayer de vous apporter, je
vais pouvoir donner des éclaircissements sur l'amendement concernant la
représentativité, car bien des choses ont été dites sur sa portée qui sont
inexactes.
Pour être candidat au premier tour des élections, il faut être considéré comme
représentatif. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire : soit - je dis
bien « soit » - être membre des conseils supérieurs des trois fonctions
publiques ; soit - c'est, en fait, un sous-élément - avoir obtenu 2 % lors des
élections dans une des fonctions publiques ou 10 % sur l'ensemble des fonctions
publiques ; soit - c'est le véritable deuxième élément, et il répond
entièrement à votre souci - être considéré comme représentatif pour une
élection donnée, c'est-à-dire dans un corps, dans une administration, dans une
commission administrative paritaire, dans un comité technique paritaire.
Or, comment est-on représentatif pour une élection donnée ? C'est fonction de
la jurisprudence, qui est celle du secteur privé, comme l'a rappelé tout à
l'heure M. le rapporteur. Il faut exister. L'existence - il existe une énorme
jurisprudence dans ce domaine, qui permet de bien clarifier les choses - peut
être constatée soit par le fait que l'on a obtenu des résultats à des élections
précédentes - le cas que vous évoquez, monsieur Laffitte, est parfaitement
réglé - soit même, si l'on n'a pas été candidat aux élections précédentes et si
donc, par définition, on n'a pas obtenu de résultat, au vu de l'activité
syndicale, laquelle se manifeste par l'existence de cotisations, d'activités,
par la diffusion de documents, de tracts, de journaux, etc.
Cette présentation de l'amendement démontre - je l'ai dit à l'Assemblée
nationale - le caractère en vérité assez modeste du changement. Ne sera
empêchée, si je puis m'exprimer ainsi, que la candidature improvisée au dernier
moment d'organismes dont le caractère syndical est d'ailleurs assez douteux,
comme nous en avons connu voilà quelques semaines ou quelques mois dans un
certain nombre d'administrations. Je n'en dirai pas davantage, chacun me
comprend.
Autrement dit, toutes les organisations existantes pourront continuer à
présenter des candidats, et même celles qui n'en ont pas présenté à des
élections précédentes pourront le faire dès lors qu'elles auront été capables
de prévoir et d'organiser à l'avance.
Il n'y a aucun risque, aucune menace, notamment pour ce que vous avez évoqué,
monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement :
d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ;
d'autrepart, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat
statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« DISPOSITIONS RELATIVES A LA RÉSORPTION
DE L'EMPLOI PRÉCAIRE
« Chapitre Ier
« Dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat
« Art. 1er. - Par dérogation à l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'Etat, et pour une durée maximum de quatre ans à compter de la publication de
la présente loi, peuvent être ouverts, dans des conditions définies par décrets
en Conseil d'Etat, des concours réservés aux candidats remplissant les cinq
conditions suivantes :
« 1° Justifier, à la date du 14 mai 1996, de la qualité d'agent non titulaire
de l'Etat ou des ses établissements d'enseignement publics ou de établissements
d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la loi n° 90-588
du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger, recruté à titre temporaire sur des emplois ou crédits inscrits au
budget de l'Etat et assurant des missions de service public dévolues aux agents
titulaires ;
« 2° Etre, à la même date, en fonctions ou bénéficier d'un congé en
application du décret pris sur le fondement de l'article 7 de la loi n° 84-16
du 11 janvier 1984 précitée ;
« 3° Exercer, à cette date, soit des fonctions du niveau de la catégorie C,
soit des fonctions d'enseignement ou d'éducation en qualité de maître
auxiliaire dans un établissement d'enseignement public du second degré ou dans
un établissement ou un service de la jeunesse et des sports, ou d'agent non
titulaire chargé d'enseignement du second degré dans un établissement
d'enseignement figurant sur la liste mentionnée au 1° ; ou exercer des
fonctions d'enseignement ou d'éducation en qualité d'agent contractuel dans un
établissement d'enseignement agricole de même niveau ; ou assurer des fonctions
d'information et d'orientation en qualité d'agent non titulaire dans les
services d'information et d'orientation relevant du ministre chargé de
l'éducation ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au
concours, des titres ou diplômes requis des candidats au concours externe
d'accès au corps concerné ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des
disciplines technologiques et professionnelles, des candidats au concours
interne ;
« 5° Justifier, à la date mentionnée au 4°, d'une durée de services publics
effectifs de même niveau de catégorie au moins égale à quatre ans d'équivalent
temps plein au cours des huit dernières années.
« Toutefois, les candidats qui, à la date du 14 mai 1996, justifiaient des
titres ou diplômes et de la durée de services exigés aux 4° et 5° et qui ont
exercé les fonctions mentionnées au 3° en la qualité d'agent non titulaire
prévue au 1°, pendant une partie de la période comprise entre le 1er janvier
1996 et le 14 mai 1996, sont également admis à se présenter aux concours
réservés.
« Art. 2
bis
. - Des concours peuvent être, en tant que de besoin,
ouverts dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat à des
candidats autres que ceux visés aux articles premier et 2, justifiant à la date
du 14 mai 1996, de la qualité d'agent non titulaire de l'Etat employé à titre
temporaire sur des emplois ou crédits inscrits au budget de l'Etat et
remplissant les conditions mentionnées aux 2°, 4° et 5° de l'article 1er.
« Art. 3
bis
. - Dans le cadre de l'application du protocole d'accord du
14 mai 1996 relatif à la résorption de l'emploi précaire, des dispositions
adaptées pourront être prises en faveur des candidats justifiant à la date du
14 mai 1996 de la qualité de maîtres délégués des établissements d'enseignement
privés sous contrat et remplissant les conditions mentionnées aux 2°, 4° et 5°
de l'article 1er.
« Chapitre II
« Dispositions relatives à la fonction publique territoriale
« Art. 4. - Par dérogation aux articles 36, 41, 43 et 44 de la loi n° 84-53 du
26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale et pour une durée maximum de quatre ans à compter de la
publication de la présente loi, peuvent être ouverts des concours réservés aux
candidats remplissant les cinq conditions suivantes :
« 1° Justifier, à la date du 14 mai 1996, de la qualité d'agent non titulaire
des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, recruté en
application de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
« 2° Etre, à la même date, en fonctions ou bénéficier d'un congé en
application du décret pris sur le fondement de l'article 136 de la même loi
;
« 3° Exercer, à cette date, dans le ressort de l'autorité organisatrice du
concours, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts
particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un concours au plus a donné
lieu à la même date à l'établissement d'une liste d'aptitude, le cas échéant
dans la spécialité considérée ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des incriptions au concours,
des titres ou diplômes requis, le cas échéant, des candidats au concours
externe d'accès au cadre d'emplois concerné ;
« 5° Justifier, à la date mentionnée au 4°, d'une durée de services publics
effectifs de même niveau de catégorie au moins égale à quatre ans d'équivalent
temps plein au cours des huit dernières années. Pour l'appréciation de cette
dernière condition, les périodes de travail à temps non complet correspondant à
une durée supérieure ou égale au mi-temps sont assimilées à des périodes à
temps plein ; les autres périodes de travail à temps non complet sont
assimilées aux trois quarts du temps plein.
« Toutefois, les candidats qui, à la date du 14 mai 1996, justifiaient des
titres ou diplômes et de la durée de services exigés aux 4° et 5° et qui ont
exercé les fonctions mentionnées au 3° en la qualité d'agent non titulaire
prévue au 1°, pendant une partie de la période comprise entre le 1er janvier
1996 et le 14 mai 1996, sont également admis à se présenter aux concours
réservés.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article.
« Art. 5. - Les concours réservés prévus à l'article 4 donnent lieu à
l'établissement de listes d'aptitude classant par ordre alphabétique les
candidats déclarés aptes par le jury.
« L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement.
« Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un
des emplois du cadre d'emplois auquel le concours réservé correspondant donne
accès, dans les conditions fixées à la dernière phrase du quatrième alinéa de
l'article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.
« Chapitre III
« Dispositions relatives à la fonction publique hospitalière
« Art. 6. - Par dérogation aux articles 29 et 31 de la loi n° 86-33 du 9
janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière et pour une durée maximum de quatre ans à compter de la
publication de la présente loi, peuvent être ouverts à l'échelon départemental
ou, si les effectifs le justifient, à l'échelon régional des concours réservés
aux candidats remplissant les cinq conditions suivantes :
« 1° Justifier, à la date du 14 mai 1996, de la qualité d'agent contractuel de
droit public des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du
9 janvier 1986 précitée, recruté à titre temporaire ;
« 2° Etre, à la même date, en fonctions dans l'un de ces établissements situé
dans le département ou la région où est organisé le concours, ou bénéficier
d'un congé en application du décret pris sur le fondement de l'article 10 de la
même loi ;
« 3° Exercer des fonctions permanentes d'un niveau équivalent au plus à la
catégorie B ;
« 4° Justifier, à la date de clôture des inscriptions au concours, des titres
ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné
;
« 5° Justifier, à la date mentionnée au 4°, d'une durée de services publics
effectifs de même niveau de catégorie au moins égale à quatre ans d'équivalent
temps plein au cours des huit dernières années.
« Toutefois, les candidats qui, à la date du 14 mai 1996, justifiaient des
titres ou diplômes et de la durée de services exigés aux 4° et 5° et qui ont
exercé les fonctions mentionnées au 3° en la qualité d'agent contractuel de
droit public prévue au 1°, pendant une partie de la période comprise entre le
1er janvier 1996 et le 14 mai 1996, sont également admis à se présenter aux
concours réservés.
« Chapitre IV
« Dispositions particulières
« TITRE II
« CONGÉ DE FIN D'ACTIVITÉ AU PROFIT DE CERTAINS FONCTIONNAIRES ET AGENTS NON
TITULAIRES DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ÉTAT ET DES FONCTIONS PUBLIQUES
TERRITORIALE ET HOSPITALIÈRE
« Art. 11. - Il est créé, pour une période allant du 1er janvier au 31
décembre 1997, un congé de fin d'activité, n'ouvrant pas de droit à pension
civile, accessible sur demande et sous réserve des nécessités de la continuité
et du fonctionnement du service aux fonctionnaires et agents non titulaires de
l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à
caractère administratif, ainsi que des établissements mentionnés à l'article 2
de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, remplissant les conditions
prévues par le présent titre.
« Tout emploi libéré par l'attribution d'un congé de fin d'activité donne lieu
à recrutement dans les conditions fixées par les titres premier à IV du statut
général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales.
« Chapitre Ier
« Dispositions applicables aux fonctionnaires et agents
non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics
« Art. 13. - Les fonctionnaires sont admis à bénéficier du congé de fin
d'activité le premier jour du mois suivant la date à laquelle ils remplissent
les conditions requises. Ils sont mis à la retraite au plus tard à la fin du
mois au cours duquel soit ils réunissent les conditions requises pour obtenir
une pension à jouissance immédiate, soit ils atteignent l'âge de soixante
ans.
« Les personnels enseignants, d'éducation et d'orientation ainsi que les
personnels de direction des établissements d'enseignement qui remplissent les
conditions requises au cours de l'année 1997 ne peuvent être placés en congé de
fin d'activité qu'entre le 1er juillet et le 1er septembre 1997. Toutefois,
ceux qui remplissent ces conditions au 1er janvier 1997 peuvent bénéficier du
congé de fin d'activité jusqu'au 1er mars 1997 inclus.
« Art. 15. - Les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements
publics à caractère administratif, âgés de cinquante-huit ans au moins, peuvent
accéder, sur leur demande et sous réserve des nécessités de la continuité et du
fonctionnement du service, au congé de fin d'activité s'ils remplissent les
conditions suivantes :
« 1° Ne pas être en congé non rémunéré ;
« 2° Justifier de cent soixante trimestres validés au titre des régimes de
base obligatoires d'assurance vieillesse et avoir accompli au moins vingt-cinq
années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire
ou d'agent public.
« La condition d'âge n'est pas opposable à l'agent qui justifie de cent
soixante-douze trimestres validés au titre des régimes susvisés et de quinze
années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire
ou d'agent public.
« Par dérogation à l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, la durée
d'assurance pour les femmes agents non titulaires est réduite dans les mêmes
conditions que celles mentionnées à l'article 12, au titre des bonifications
pour enfants accordées pour la liquidation de la pension.
« Les agents placés en cessation progressive d'activité peuvent être admis,
sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service,
au bénéfice du congé de fin d'activité s'ils remplissement les conditions
ci-dessus définies.
« L'agent admis au bénéfice du congé de fin d'activité ne peut revenir sur le
choix qu'il a fait.
« Art. 16. - Dans cette situation, les agents non titulaires de l'Etat et de
ses établissements publics à caractère administratif perçoivent un revenu de
remplacement égal à 70 % de leur salaire brut soumis à cotisations sociales
obligatoires, calculé sur la moyenne des salaires perçus au cours des six
derniers mois précédant leur départ en congé de fin d'activité. Pour les agents
autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou bénéficiaires d'un congé
de grave maladie ainsi que pour ceux mentionnés à l'avant-dernier alinéa de
l'article 15, le revenu de remplacement est égal à 70 % du salaire brut à temps
plein.
« Le revenu de remplacement ne peut être inférieur à un minimum fixé par
décret. Il évolue dans les mêmes conditions que le salaire de l'intéressé en
application de son contrat.
« Les agents n'acquièrent pas de droit à l'avancement durant le congé de fin
d'activité.
« Sous réserve des dispositions prévues au second alinéa de l'article 13, ils
sont admis à bénéficier du congé de fin d'activité le premier jour du mois
suivant la date à laquelle ils remplissent les conditions requises.
« Le versement de leur revenu de remplacement cesse le dernier jour du mois au
cours duquel ils atteignent l'âge de soixante ans.
« Les contrats cessent de plein droit au plus tard à la fin du mois au cours
duquel les intéressés atteignent l'âge prévu pour bénéficier d'une pension de
retraite du régime général d'assurance vieillesse en vertu du premier alinéa de
l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.
« Les agents ne peuvent obtenir de ce chef l'attribution d'indemnités de fin
de carrière ou de licenciement.
« Au terme du congé de fin d'activité, ils ne peuvent pas reprendre une
activité rémunérée auprès de l'Etat ou d'une autre personne morale de droit
public.
« Art. 18. - Les fonctionnaires et agents admis au bénéfice du congé de fin
d'activité ne peuvent exercer aucune activité lucrative pendant ce congé. Cette
interdiction ne s'applique pas à la production d'oeuvres scientifiques,
littéraires ou artistiques, aux activités d'enseignement rémunérées sous forme
de vacations ainsi qu'à la participation à des jurys de concours, dans des
limites fixées par décret.
« En cas de violation de cette interdiction, le service du revenu de
remplacement est suspendu et il est procédé à la répétition des sommes indûment
perçues. Pour les agents non titulaires, la période de perception irrégulière
du revenu de remplacement n'ouvre pas droit à validation au titre des régimes
de retraite complémentaire.
« Art. 19. - Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions
particulières de mise en oeuvre des dispositions du présent titre pour les
maîtres et documentalistes contractuels ou agréés à titre définitif des
établissements d'enseignement privés sous contrat, ainsi que pour les ouvriers
de l'Etat.
« Ces décrets peuvent prévoir, s'agissant des ouvriers de l'Etat relevant du
ministère de la défense et des ouvriers de l'Imprimerie nationale mentionnés à
l'article 4 de la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 relative à l'Imprimerie
nationale, une dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 11.
Ils prennent effet le 1er janvier 1997.
« Chapitre II
« Dispositions applicables aux fonctionnaires
et agents non titulaires des collectivités territoriales
et de leurs établissements publics
« Art. 22. - Sous réserve des dispositions prévues à l'article 29, les
fonctionnaires sont admis à bénéficier du congé de fin d'activité le premier
jour du mois suivant la date à laquelle ils remplissent les conditions
requises. Ils sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours
duquel ils réunissent les conditions requises pour bénéficier d'une pension à
jouissance immédiate ou atteignent l'âge de soixante ans.
« Art. 23
bis.
- Le congé de fin d'activité est accordé au
fonctionnaire pris en charge par le Centre national de la fonction publique
territoriale ou le centre de gestion en application des articles 53, 67, 72 et
97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée par la collectivité ou
l'établissement qui employait l'intéressé avant sa prise en charge. Cette
collectivité ou établissement verse au bénéficiaire du congé le revenu de
remplacement prévu à l'article 23 et est remboursé par le fonds de compensation
du congé de fin d'activité dans les conditions fixées au deuxième alinéa de
l'article 43. La collectivité ou l'établissement cesse de verser au Centre
national de la fonction publique territoriale ou au centre de gestion la
contribution prévue à l'article 97
bis
de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 précitée.
« Art. 24. - Les agents non titulaires des collectivités territoriales et de
leurs établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 précitée, âgés de cinquante-huit ans au moins, peuvent accéder, sur leur
demande et sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du
service, au congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions suivantes
:
« 1° Ne pas bénéficier d'un congé non rémunéré ;
« 2° Justifier de cent soixante trimestres validés au titre des régimes de
base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins vingt-cinq
années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire
ou d'agent public.
« La condition d'âge n'est pas opposable aux agents qui justifient de cent
soixante-douze trimestres validés au titre des régimes mentionnés ci-dessus et
de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de
fonctionnaire ou d'agent public.
« Par dérogation à l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, la durée
d'assurance pour les femmes agents non titulaires est réduite dans les mêmes
conditions que celles mentionnées à l'article 21, au titre des bonifications
pour enfants accordées pour la liquidation de la pension.
« Les agents placés en cessation progressive d'activité peuvent être admis,
sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service,
au bénéfice du congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions
ci-dessus.
« L'agent admis au bénéfice du congé de fin d'activité ne peut revenir sur le
choix qu'il a fait.
« Art. 25. - Sous réserve des dispositions prévues à l'article 29, les agents
non titulaires sont admis à bénéficier du congé de fin d'activité le premier
jour du mois suivant la date à laquelle ils remplissent les conditions
requises.
« Les contrats cessent de plein droit à la fin du mois au cours duquel les
intéressés atteignent l'âge prévu pour bénéficier d'une pension de retraite du
régime général d'assurance vieillesse en vertu du premier alinéa de l'article
L. 351-1 du code de la sécurité sociale. Ils ne peuvent obtenir de ce chef
l'attribution d'indemnités de fin de carrière ou de licenciement.
« Au terme du congé de fin d'activité, les agents ne peuvent pas reprendre une
activité rémunérée auprès de l'Etat ou d'une autre personne morale de droit
public.
« Art. 26. - Les agents non titulaires bénéficiaires du congé de fin
d'activité perçoivent un revenu de remplacement égal à 70 % de leur salaire
brut soumis à cotisations sociales obligatoires, calculé sur la moyenne des
salaires perçus au cours des six derniers mois précédant leur départ en congé
de fin d'activité. Pour les agents autorisés à exercer leurs fonctions à temps
partiel ou bénéficiaires d'un congé de grave maladie dont la rémunération est
réduite de moitié ainsi que pour ceux mentionnés à l'avant-dernier alinéa de
l'article 24, le revenu de remplacement est égal à 70 % du salaire brut à temps
plein. Le revenu de remplacement ne peut être inférieur au minimum fixé par le
décret mentionné à l'article 16. Il évolue dans les mêmes conditions que le
salaire de l'intéressé en application de son contrat.
« Art. 29. - Les personnels enseignants qui remplissent les conditions
requises au cours de l'année 1997 ne peuvent être placés en congé de fin
d'activité qu'entre le 1er juillet et le 1er septembre 1997. Toutefois, ceux
qui remplissent les conditions requises au 1er janvier 1997 peuvent bénéficier
du congé de fin d'activité jusqu'au 1er mars 1997.
« Art. 30. - Les fonctionnaires et agents admis au bénéfice du congé de fin
d'activité ne peuvent exercer aucune activité lucrative pendant ce congé. Cette
interdiction ne s'applique pas à la production d'oeuvres scientifiques,
littéraires ou artistiques, aux activités d'enseignement rémunérées sous forme
de vacations ainsi qu'à la participation à des jurys de concours, dans des
limites fixées par décret.
« En cas de violation de cette interdiction, le service du revenu de
remplacement est suspendu et il est procédé à la répétition des sommes indûment
perçues. Pour les agents non titulaires, la période de perception irrégulière
du revenu de remplacement n'ouvre pas droit à validation au titre des régimes
de retraite complémentaire.
« Chapitre III
« Dispositions applicables aux fonctionnaires et agents
non titulaires de la fonction publique hospitalière
« Art. 35. - Les agents non titulaires des établissements mentionnés à
l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, âgés de
cinquante-huit ans au moins, peuvent accéder, sur leur demande et sous réserve
des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service, au congé de
fin d'activité s'ils remplissent les conditions suivantes :
« 1° Ne pas bénéficier d'un congé non rémunéré ;
« 2° Justifier de cent soixante trimestres validés au titre des régimes de
base obligatoires d'assurance vieillesse, et avoir accompli au moins vingt-cinq
années de services militaires ou civils effectifs en qualité de fonctionnaire
ou d'agent public.
« La condition d'âge n'est pas opposable aux agents qui justifient de cent
soixante-douze trimestes validés au titre des régimes mentionnés ci-dessus et
de quinze années de services militaires ou civils effectifs en qualité de
fonctionnaire ou d'agent public.
« Par dérogation à l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, la durée
d'assurance pour les femmes agents non titulaires est réduite dans les mêmes
conditions que celles mentionnées à l'article 32, au titre des bonifications
pour enfants accordées pour la liquidation de la pension.
« Les agents placés en cessation progressive d'activité peuvent être admis,
sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service,
au bénéfice du congé de fin d'activité s'ils remplissent les conditions
ci-dessus.
« L'agent admis au bénéfice du congé de fin d'activité ne peut revenir sur le
choix qu'il a fait.
« Art. 37. - Les agents non titulaires bénéficiaires du congé de fin
d'activité perçoivent un revenu de remplacement égal à 70 % de leur salaire
brut soumis à cotisations sociales obligatoires, calculé sur la moyenne des
salaires perçus au cours des six derniers mois précédant leur départ en congé
de fin d'activité. Pour les agents autorisés à exercer leurs fonctions à temps
partiel ou bénéficiaires d'un congé de grave maladie dont la rémunération est
réduite de moitié ainsi que pour ceux mentionnés à l'avant-dernier alinéa de
l'article 35, le revenu de remplacement est égal à 70 % du salaire brut à temps
plein. Le revenu de remplacement ne peut être inférieur au minimum fixé par le
décret mentionné à l'article 16. Il évolue dans les mêmes conditions que le
salaire de l'intéressé en application de son contrat.
« Art. 40. - Les personnels enseignants qui remplissent les conditions
requises au cours de l'année 1997 ne peuvent être placés en congé de fin
d'activité qu'entre le 1er juillet et le 1er septembre 1997. Toutefois, ceux
qui remplissent les conditions requises au 1er janvier 1997 peuvent bénéficier
du congé de fin d'activité jusqu'au 1er mars 1997.
« Art. 41. - Les fonctionnaires et agents admis au bénéfice du congé de fin
d'activité ne peuvent exercer aucune activité lucrative pendant ce congé. Cette
interdiction ne s'applique pas à la production d'oeuvres scientifiques,
littéraires ou artistiques, aux activités d'enseignement rémunérées sous forme
de vacations ainsi qu'à la participation à des jurys de concours, dans des
limites fixées par décret.
« En cas de violation de cette interdiction, le service du revenu de
remplacement est suspendu et il est procédé à la répétition des sommes indûment
perçues. Pour les agents non titulaires, la période de perception irrégulière
du revenu de remplacement n'ouvre pas droit à validation au titre des régimes
de retraite complémentaire.
« Chapitre IV
« Dispositions communes
« Art. 43. - Un fonds de compensation du congé de fin d'activité des
fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-53 du 26
janvier 1984 précitée et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée
rembourse aux collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de ces
lois le revenu de remplacement versé aux bénéficiaires de ce congé. Sa gestion
est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds est alimenté
par un prélèvement sur les réserves du régime de l'allocation temporaire
d'invalidité, prévue par les articles L. 417-8 et L. 417-9 du code des
communes, le III de l'article 119 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée et l'article 80 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée.
« Le remboursement prévu au premier alinéa du présent article est effectué
mensuellement au profit de la collectivité ou de l'établissement qui assure le
service du revenu de remplacement lorsque cette collectivité ou cet
établissement procède à un recrutement dans les conditions fixées aux articles
36 et 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ou aux articles 27, 29
ainsi qu'aux
a, b
et
c
de l'article 32 de la loi n° 86-33 du 9
janvier 1986 précitée. Il prend effet à la date de départ du bénéficiaire du
congé de fin d'activité si le recrutement compensant ce départ dans les
effectifs de la collectivité ou de l'établissement intervient dans un délai de
six mois à compter de cette date ou à la date du recrutement si celui-ci
intervient après ce délai.
« Le fonds procède au remboursement prévu au premier alinéa du présent article
lorsqu'un office public d'aménagement et de construction recrute un agent pour
compenser le départ d'un fonctionnaire auquel il a accordé un congé de fin
d'activité.
« Lors de la dissolution du fonds, qui interviendra au plus tard le 31
décembre de l'an 2000, le reliquat éventuel sera reversé au régime de
l'allocation temporaire d'invalidité mentionnée au premier alinéa.
« Art. 44. - Des décrets en Conseil d'Etat fixent, en tant que de besoin, les
modalités d'application du présent titre.
« Ces décrets prennent effet le 1er janvier 1997.
« TITRE III
« DISPOSITIONS DIVERSES
« Chapitre Ier
« Dispositions modifiant la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 portant droits
et obligations des fonctionnaires
« Art. 48. - I. - Il est inséré, après le troisième alinéa de l'article 11 de
la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire
ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites
pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute
personnelle. »
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non
titulaires. »
« Art. 48
bis.
- I. - Le premier alinéa de l'article 14 de la loi n°
83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi rédigé :
« L'accès des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires territoriaux et des
fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques ainsi que leur
mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques constituent des
garanties fondamentales de leur carrière. »
« II. - La première phrase du deuxième alinéa du même article est ainsi
rédigée :
« A cet effet, l'accès des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires
territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions
publiques s'effectue par voie de détachement, suivi ou non d'intégration. »
« Chapitre II
« Dispositions relatives à la fonction publique de l'Etat
« Art. 49
bis. - Supprimé.
« Art. 49
ter. -
Dans le premier alinéa de l'article 40
bis
de
la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les mots : "trois ans"
sont remplacés par les mots : "cinq ans".
« Art. 51
bis. -
A compter de la création de l'établissement public
administratif chargé de la gestion de l'Ecole du Louvre, les personnels
employés pour une durée indéterminée par l'établissement public Réunion des
musées nationaux et affectés à l'Ecole du Louvre au 31 décembre 1996 dans des
fonctions du niveau de la catégorie B ou C pourront, à leur demande, être
nommés et titularisés, avec effet à la date de création de l'établissement
public de l'Ecole du Louvre, dans les catégories B ou C des corps de
fonctionnaires relevant du ministère de la culture, dans la limite des emplois
créés à cet effet par la loi de finances pour 1997.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration et de
reclassement des intéressés.
« A compter de la création de l'établissement public administratif chargé de
la gestion de l'Ecole du Louvre, les personnels employés pour une durée
indéterminée par l'établissement public Réunion des musées nationaux et
affectés à l'Ecole du Louvre au 31 décembre 1996 pourront, à leur demande,
continuer à bénéficier de contrats à durée indéterminée, lorsqu'une
titularisation dans un corps de la fonction publique de l'Etat n'aura pu leur
être proposée.
« Chapitre III
« Dispositions relatives à la fonction publique territoriale
« Art. 52 A. - I. - A l'article 5 et au premier alinéa de l'article 14 de la
loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : "B, C et D" sont
remplacés par les mots : "B et C".
« II. - Dans les articles 5 et 6 de la même loi, le nombre :
"quatre" est remplacé par le nombre : "trois".
« Art. 52 A
bis.
- L'article 12-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Centre national de la fonction publique territoriale est habilité à
recevoir par l'intermédiaire des centres de transfert de données sociales les
informations nécessaires au contrôle des versements effectués en application du
1° du présent article. »
« Art. 52 A
ter
. - Les dispositions prévues par les deux premières
phrases du deuxième alinéa de l'article 12-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 précitée sont applicables à compter du 1er janvier 1999.
« Art. 52 A
quater.
- Au cinquième alinéa de l'article 22 de la loi n°
84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : "la fraction principale de
la première part de la dotation globale d'équipement des communes, prévue par
le deuxième alinéa de l'article 103 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983
précitée" sont remplacés par les mots : "la première part de la
dotation globale d'équipement des départements, conformément à l'article L.
3334-11 du code général des collectivités territoriales."
« Art. 52 B
bis.
- Après le quatrième alinéa de l'article 44 de la loi
n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés
:
« Lorsqu'il est mis fin au stage par l'autorité territoriale en raison de la
suppression de l'emploi ou pour toute autre cause ne tenant pas à la manière de
servir, le fonctionnaire territorial stagiaire est, à sa demande, réinscrit de
droit sur la liste d'aptitude.
« Il y demeure inscrit jusqu'à l'expiration du délai de deux ans à compter de
son inscription initiale ou, si aucun concours n'a été organisé dans ce délai,
jusqu'à la date d'organisation d'un nouveau concours. »
« Art. 52
bis. - Supprimé.
« Art. 52
ter
. - Dans le premier alinéa de l'article 60
ter
de
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : "trois ans"
sont remplacés par les mots : "cinq ans".
« Art. 54
sexies
. - La première phrase du troisième alinéa de l'article
62 de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions
relatives à la fonction publique territoriale est remplacée par deux phrases
ainsi rédigées :
« Chaque année, le montant global des dépenses transférées est réparti entre
les centres de gestion qui ont organisé les concours et examens, en fonction du
nombre de candidats inscrits à chacun des concours et examens. La répartition
est arrêtée par le ministre chargé des collectivités locales. »
« Art. 54
octies
. - Au VIII de l'article 63 de la loi n° 94-1134 du 27
décembre 1994 précitée, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1996" sont
remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 1998". »
« Art. 54
decies. - Supprimé.
« Art. 54
undescies
. - Il est inséré, au livre IV du code des communes,
après l'article L. 412-49, un article L. 412-49-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 412-49-1.
- L'agrément mentionné à l'article précédent peut
aussi être accordé à des agents titulaires de la commune habituellement
affectés à des emplois autres que ceux de la police municipale ou non
titulaires, chargés d'assister temporairement les agents de la police
municipale dans les communes touristiques. Ces agents ne peuvent porter aucune
arme. »
« Chapitre IV
« Dispositions relatives à la fonction publique hospitalière
« Art. 55
bis. - Supprimé.
« Art. 55
ter.
- Dans le premier alinéa de l'article 47-1 de la loi n°
86-33 du 9 janvier 1986 précitée, les mots : "trois ans" sont
remplacés par les mots : "cinq ans".
« Chapitre V
« Dispositions diverses
« Art. 62
bis
. - Sont validées, en tant que leur légalité serait mise
en cause sur le fondement du défaut de consultation des conseils supérieurs de
la fonction publique ou du comité technique paritaire ministériel du ministère
du travail et des affaires sociales, les dispositions du titre IV de
l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation
publique et privée.
« Art. 65. - I. - Le second alinéa de l'article 2 de la loi n° 86-1304 du 23
décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de
certains fonctionnaires civils de l'Etat est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux
personnels titulaires de l'enseignement supérieur assimilés aux professeurs
d'université pour les élections au Conseil national des universités. »
« II. - A titre transitoire, les directeurs de recherche relevant de la loi n°
82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche
et le développement technologique de la France, maintenus en activité en
surnombre à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, restent dans cette
position jusqu'à la fin de l'année universitaire au cours de laquelle ils
atteignent la limite d'âge qui était en vigueur avant l'intervention de la loi
n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction
publique et le secteur public et au plus tard :
« - jusqu'au 30 juin 1997 si leur maintien en activité en surnombre a commencé
entre le 1er juillet 1994 et le 30 juin 1995 ;
« - jusqu'au 31 décembre 1997 si leur maintien en activité a commencé entre le
1er juillet 1995 et le 30 juin 1996 ;
« - jusqu'au 30 juin 1998 si leur maintien en activité a commencé entre le 1er
juillet 1996 et le 31 décembre 1996. »
« Art. 66. - I. - Il est créé un établissement public à caractère industriel
et commercial appelé « Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du
son ». Il est doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« L'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son a le caractère
d'un établissement d'enseignement supérieur ; elle assure un enseignement
technique, culturel et artistique.
« II. - L'établissement public est administré par un président nommé par
décret en Conseil des ministres et par un conseil d'administration. Le conseil
d'administration en vote le budget.
« Le conseil d'administration est composé de membres de droit, de membres
qualifiés nommés par l'autorité de tutelle et de membres élus représentant les
personnels enseignants et administratifs ainsi que les élèves.
« III. - L'établissement public est placé sous la tutelle du ministre chargé
de la culture. Celui-ci, conjointement avec le ministre chargé du budget,
approuve le budget.
« IV. - L'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son est
soumise au régime financier et comptable défini par le décret n° 55-733 du 26
mai 1955 portant codification, en application de la loi n° 55-360 du 3 avril
1955, et aménagement des textes relatifs au contrôle économique et financier de
l'Etat et les articles 151 à 153 et 190 à 225 du décret n° 62-1587 du 29
décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.
« V. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article.
« Art. 70. - I. - Il est inséré, après l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13
juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 9
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 9
bis. - Sont regardés comme représentatifs de l'ensemble des
personnels soumis aux dispositions de la présente loi les syndicats ou unions
de syndicats de fonctionnaires qui :
« 1° Disposent d'un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la
fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la
fonction publique hospitalière ;
« 2° Ou recueillent ou moins 10 % de l'ensemble des suffrages exprimés lors
des élections organisées pour la désignation des représentants des personnels
soumis aux dispositions de la présente loi aux commissions administratives
paritaires et au moins 2 % des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections
dans chaque fonction publique. Cette audience est appréciée à la date du
dernier renouvellement de chacun des conseils supérieurs précités.
« Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, ne sont prises en
compte en qualité d'unions de syndicats de fonctionnaires que les unions de
syndicats dont les statuts déterminent le titre, prévoient l'existence
d'organes dirigeants propres désignés directement ou indirectement par une
instance délibérante et de moyens permanents constitués notamment par le
versement de cotisations par les membres. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'Etat, le troisième alinéa de l'article 29 et les deux premières phrases du
sixième alinéa de l'article 32 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ainsi
que le troisième alinéa de l'article 20 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière
sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste à deux
tours avec représentation proportionnelle.
« Au premier tour de scrutin, les listes sont présentées par les organisations
syndicales de fonctionnaires représentatives. Si aucune liste n'est déposée par
ces organisations ou si le nombre de votants est inférieur à un quorum fixé par
décret en Conseil d'Etat, il est procédé, dans un délai fixé par ce même
décret, à un second tour de scrutin pour lequel les listes peuvent être
présentées par toute organisation syndicale de fonctionnaires.
« Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, sont regardées
comme représentatives :
« 1° Les organisations syndicales de fonctionnaires régulièrement affiliées à
une union de syndicats remplissant les conditions définies à l'article 9
bis
de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires ;
« 2° Et les organisations syndicales de fonctionnaires satisfaisant, dans le
cadre où est organisée l'élection, aux dispositions de l'article L. 133-2 du
code du travail.
« Les organisations affiliées à une même union ne peuvent présenter des listes
concurrentes à une même élection. Les conditions d'application du présent
alinéa sont fixées en tant que de besoin par un décret en Conseil d'Etat.
« Les contestations sur la recevabilité des listes déposées sont portées
devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la
date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans
les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L'appel n'est pas
suspensif.
« III. - L'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il est procédé, dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat, à une consultation du personnel en vue de la désignation des
représentants des organisations syndicales de fonctionnaires, seules les
organisations visées au quatrième alinéa de l'article 14 sont habilitées à se
présenter. Si aucune de ces organisations ne se présente ou si le nombre de
votants est inférieur à un quorum fixé par décret en Conseil d'Etat, il est
procédé, dans un délai fixé par ce même décret, à une seconde consultation à
laquelle toute organisation syndicale de fonctionnaires peut participer. Les
règles fixées aux cinquième et sixième alinéas de l'article 14 sont applicables
aux consultations prévues par le présent article. »
Personne ne demande la parole sur l'un de ces articles ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Hoeffel, pour explication de vote.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de
l'Union centriste votera, bien entendu, le texte issu des travaux de la
commission mixte paritaire. Dans le contexte budgétaire actuel et compte tenu
de la situation présente de l'emploi, c'est le meilleur possible.
En outre - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - il prévoit une
ouverture européenne sur le plan de la fonction publique. L'Europe se construit
aussi, et surtout, à partir d'actions concrètes comme celle-là. Soyez-en
remercié.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
L'amendement concernant la représentativité syndicale a, certes, soulevé
certains problèmes. Sur la forme, notre rapporteur, dont je tiens à saluer le
travail de préparation et de présentation de ce texte, a dit ce qu'il fallait.
Sur le fond, nous sommes d'accord.
Vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le ministre, ce sont des critères
réalistes et précis qui ont présidé à l'élaboration du texte sur la
représentativité syndicale. C'est une raison supplémentaire, pour nous, de
l'accepter.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous approuvons non seulement ce
texte, mais, au-delà, monsieur le ministre, la politique réaliste que mène le
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation que vous êtes.
Oserai-je ajouter qu'avec ce texte vous respectez l'esprit dans lequel
d'autres ont préalablement été votés, tout cela pour le plus grand bien de la
fonction publique ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte
issu des travaux de la commission mixte paritaire est fidèle à l'esprit qu'a
entendu lui donner la commission des lois, et notamment son rapporteur, M.
Blaizot, que je tiens à remercier pour l'excellence de son travail, qui a
largement contribué à améliorer ce texte, et pour la prise en considération des
amendements que les uns et les autres nous avons déposés pour faire en sorte
que ce projet réponde à l'attente de celles et de ceux qui travaillent dans la
fonction publique territoriale ou qui y sont directement ou indirectement
associés.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui appelle de ma part une remarque sur
la procédure et deux observations sur le contenu.
Ma remarque sur la procédure est de pure forme. En fait, nous n'avons pas été
habitués, ni avec votre prédécesseur, M. Hoeffel, ni avec vous-même, monsieur
le ministre, à ce que le Gouvernement agisse ainsi.
Avant de prendre son initiative sur la représentativité, que par ailleurs nous
approuvons, il eût, en effet, été souhaitable que le Gouvernement consulte les
organisations représentatives des élus, qui sont directement intéressés, et
plus particulièrement l'Association des maires de France, au sein de laquelle
je travaille sur la fonction publique territoriale.
Bien sûr, cela ne change rien au fond, mais respecter cette procédure eût
permis de travailler mieux et eût évité des interventions inutiles en
séance.
Ma première observation sur le fond concerne l'article 52
bis
ajouté par
l'Assemblée nationale, et qui prévoit que les stagiaires qui ne sont pas gardés
par une collectivité pourront se réinscrire sur une liste d'aptitude pendant
une période de deux ans. Cela n'appelle pas de remarque particulière.
Ce qui a attiré mon attention, en revanche, c'est le fait qu'ils puissent
être maintenus sur cette liste d'aptitude jusqu'à l'organisation d'un prochain
concours. Si ce concours a lieu dans un délai inférieur à deux ans, aucun
problème. Mais s'il est organisé au-delà de cette période, le problème peut se
poser vis-à-vis des autres agents qui sont sur cette liste d'aptitude, qui
n'ont pas pu intégrer une collectivité - comme l'aurait fait une personne qui a
été stagiaire dans une collectivité pendant un an - et qui eux, au bout de deux
ans, perdent le bénéfice de l'inscription sur la liste d'aptitude.
Il y aurait ainsi deux catégories de postulants : celle des stagiaires qui ont
eu la possibilité d'intégrer une collectivité et qui auront la possibilité de
rester sur la liste d'aptitude jusqu'à l'organisation du prochain concours, et
celle des personnes qui n'auront pas eu la chance d'intégrer une collectivité
et qui, elles, au bout de deux ans, ne figureront plus sur la liste
d'aptitude.
Peut-être ces situations seront-elles marginales par rapport à l'ensemble de
celles que nous serons amenés à étudier. Je tenais néanmoins à attirer votre
attention sur ce problème, que l'Association des maires de France, en tout cas,
examinera d'un peu plus près.
Enfin, il est un dernier point qui n'a pas été réglé, ni à l'Assemblée
nationale - un amendement avait été déposé en ce sens - ni au Sénat, où notre
rapporteur, M. Blaizot, avait défendu un amendement, et moi-même un autre. Il
s'agit du cas d'un certain nombre d'agents contractuels dont le statut n'est
sorti que tardivement après la parution des lois de 1984 et de 1986.
Actuellement, en effet, aussi bien dans les régions, dans les départements que
dans les communes, ces agents contractuels, donc non titulaires, connaissent
depuis maintenant près de dix ans une situation de précarité, soit parce qu'ils
n'ont pas réussi le concours, soit même parce qu'ils ne l'ont pas passé. Or,
bien qu'ils donnent entière satisfaction aux élus, conseillers généraux,
conseillers régionaux et maires, ces agents contractuels ne pourront bénéficier
du présent texte.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas souhaité résoudre ce problème, nous
répondant simplement qu'une circulaire ministérielle inviterait les préfets à
veiller à ce que le texte définitif tel que nous allons l'adopter ne soit pas
appliqué avec trop de rigueur.
Reste que ce problème important préoccupe les élus et les agents. Je trouve
donc dommage que nous n'ayons pas profité de cette occasion pour le régler, car
cela correspondait à une demande forte de l'ensemble des maires de France,
maires aussi bien de grandes villes que de communes moins importantes.
Cela étant, monsieur le ministre, nous n'allons pas nous arrêter à cette
insatisfaction ponctuelle pour vous refuser notre suffrage. Sachez que
l'ensemble du groupe du RPR approuvera ce texte, en vous remerciant des efforts
que vous déployez pour développer la concertation avec l'ensemble des élus,
plus particulièrement avec la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions
approuvé ce texte, en première lecture, considérant qu'il résultait d'un large
accord syndical et que, par ailleurs, un certain nombre de dispositions issues
de nos discussions, y compris d'amendements que nous avions proposés
nous-mêmes, l'avaient amélioré d'autant.
Tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, le projet de loi a subi
quelques modifications, dont certaines nous semblent très positives, notamment
celles qui concernent le CNFPT, le Centre national de la fonction publique
territoriale, en ce qu'elles peuvent améliorer sa gestion comptable. C'est une
bonne chose, et nous souscrivons tout à fait au dispositif.
Nous regrettons toutefois que la commission mixte paritaire n'ait pas retenu
un amendement de notre groupe qui, rejeté par le Sénat, avait été finalement
adopté par l'Assemblée nationale. Il s'agit ici, bien entendu, de l'adoption
internationale et du congé non rémunéré, plutôt que de la mise en
disponibilité. Je vois là un « enfantillage » du Sénat, que je trouve un peu
mesquin. La Haute Assemblée n'a pas voulu, en effet, se déjuger sur ce point, à
quelques mois de distance.
Tout cela n'est que broutilles et ne change en rien notre position.
L'essentiel, c'est le texte introduit par le Gouvernement, qui constitue un
amendement majeur et, malgré tout, subreptice, les deux mots n'allant pas, dans
mon esprit, tout à fait de pair.
Majeur, en effet, cet amendement introduit des dispositions sur la
représentativité syndicale qui me semblent d'une importance capitale en ce sens
qu'elles risquent de geler complètement les positions actuelles. D'ailleurs, je
n'ai pas été complètement convaincu par les propos de M. le ministre tout à
l'heure. Je ne dis pas que les motivations de telles dispositions soient
méprisables ; je ne dis pas que le souci de freiner l'émiettement d'un
syndicalisme déjà fortement divisé soit irrecevable ; je ne dis pas que la
crainte évoquée par certains de voir se développer de pseudo-syndicats,
notamment d'extrême droite, soit une vue de l'esprit, bien au contraire.
Cependant, je m'interroge sur les conséquences. A vouloir brider l'extrême
droite, ce que je ne peux qu'approuver, on risque de brider aussi l'émergence
de toute nouvelle forme syndicale, fût-elle parfaitement démocratique.
A tout le moins, une étude d'impact sur les conséquences possibles des
dispositions proposées par le Gouvernement était nécessaire.
On ne devrait pas légiférer dans l'urgence, monsieur le président, et même,
dans le cas présent, dans la précipitation, sur un sujet qui touche les
libertés fondamentales. Il faudrait une réflexion sereine. Cette réflexion ne
semble pas du tout avoir prévalu pour l'article 70 nouveau.
Voilà pourquoi, malgré l'intérêt que présente le texte dans ses autres
dispositions, nous nous abstiendrons sur l'ensemble.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les explications de M. le ministre.
Permettez-moi une explication de vote peut-être un peu plus concrète, sous
forme de question, maladroite sans doute, mais directe : une grande fédération
de syndicats d'enseignants récemment constituée, syndicats ayant, par ailleurs,
une très large représentativité, puisqu'ils sont même majoritaires dans un
certain nombre d'élections, sera-t-elle considérée comme représentative pour la
fonction publique ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
Très bonne question ! C'est un vrai problème !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
S'agissant, monsieur Vasselle, de l'article 52
bis,
le texte tel qu'il est rédigé est conforme à la régle générale. En réalité,
même si nous n'y pensons pas parce que, souvent, les concours sont plus
fréquents, la règle générale, c'est deux ans ou le prochain concours. Il n'y
aura donc pas de disparité entre les deux catégories de personnes, comme vous
le craigniez tout à l'heure.
Sur les consultations, je tiens, pour l'information du Sénat, à préciser que,
lorsque la décision a été prise d'introduire l'amendement relatif à la
représentativité syndicale, j'ai fait porter le jour même un courrier aux trois
organisations d'élus : l'Association des présidents de conseils régionaux,
l'APCR, l'Association des présidents de conseils généraux, l'APCG, et
l'Association des maires de France, l'AMF. J'ai reçu une lettre d'accord
explicite de M. le président Giscard d'Estaing, un coup de téléphone très
explicite et très favorable de M. le président de l'AMF, mais je n'ai toujours
rien reçu de l'APCG !
A la question posée par M. Pagès, je réponds : oui. J'ai déjà expliqué à M.
Laffitte quel était le dispositif. S'agissant de la FSU, la fédération
syndicale unitaire - soyons clairs : c'est bien d'elle qu'il est question -
effectivement, j'ai rencontré à plusieurs reprises, ainsi d'ailleurs que mon
directeur de cabinet, M. Deschamps. Une ultime réunion a eu lieu quelques jours
avant le débat au Parlement, mais nous nous étions vus depuis plusieurs mois.
Cette affaire a mis simplement du temps à mûrir.
Les choses sont claires : lorsque la FSU aura des représentants dans
l'ensemble des conseils supérieurs, elle sera considérée comme représentative
au titre du premier alinéa. Mais, d'ores et déjà, compte tenu de l'activité de
cette fédération-là où elle est déjà implantée, elle est bien évidemment
représentative. Quand elle voudra s'implanter ailleurs aussi, j'imagine qu'elle
se montrera particulièrement active. Il n'est pas dans mon rôle d'expliquer par
le menu comment procèdent les syndicats, mais je sais que, lorsqu'un syndicat
digne de ce nom veut s'implanter quelque part, il prend des contacts, recrute
des militants, commence à avoir une activité, distribue un certain nombre
d'informations, de journaux, de tracts, prévoit des réunions, que sais-je
encore ?
A partir de là, la représentativité peut être constatée et il devient possible
à ce syndicat de se présenter pour la première fois à une élection.
En cas de contentieux et de contestation sur la représentativité, on peut se
référer à une jurisprudence constante, très riche et très claire, pour le
secteur privé : le tribunal, statuant dans les quinze jours, décide, au vu d'un
certain nombre d'éléments de fait, qu'il y a effectivement représentativité.
Donc, cela ne pose pas de problème quant à la présentation effective de la
liste à l'élection. Aussi je crois que, pour ce type d'organisation syndicale,
il n'y a vraiment aucune espèce d'inquiétude à avoir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Le groupe socialiste également.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures
trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à
l'union d'économie sociale du logement.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et
du plan a été affichée, conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean François-Poncet, Marcel-Pierre Cleach, Jean Huchon,
Gérard César, Dominique Braye, William Chervy et Félix Leyzour.
Suppléants : M. Léon Fatous, Mme Anne Heinis, MM. Bernard Joly, Jacques de
Menou, Louis Minetti, Louis Moinard et Alain Pluchet.
6
PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 113,
1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux mesures en
faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des
armées.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire est parvenue sans difficulté à élaborer un texte commun sur les trois
articles restant en discussion du projet de loi relatif aux mesures en faveur
du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.
Lors de la première lecture, notre Haute Assemblée a confirmé les
modifications introduites par nos collègues députés. Toutefois, outre quelques
améliorations rédactionnelles, elle a apporté au texte les principales
modifications suivantes.
D'abord, elle a voulu faire figurer dans la loi le principe d'un véritable
droit à la reconversion des militaires en l'inscrivant à l'article 6 A au
nombre des principes fondamentaux consacrés par le statut général des
militaires.
Ensuite, par souci de cohérence avec la durée du congé de reconversion et afin
de permettre au militaire d'aborder cette reconversion dans des conditions
décentes, elle a porté de deux mois à six mois le délai de préavis avant
dénonciation du contrat d'engagement.
La commission mixte paritaire a été l'occasion de constater l'absence de
divergence entre les deux assemblées sur l'économie générale du texte.
La commission mixte paritaire a cependant apporté deux précisions. En premier
lieu, à l'article 1er, elle a réaffirmé le caractère temporaire du pécule ; en
second lieu, elle a inscrit, à l'article 6 A, le caractère consécutif des douze
mois au maximum ouverts par les congés de reconversion ; quant à l'article 6,
il a été adopté dans la rédaction initiale du Sénat.
C'est donc un texte de consensus que je soumets à présent à votre approbation.
Après la loi de programmation et avant le projet de loi sur le service national
et celui sur les réserves, il constitue le deuxième jalon important sur le
parcours de la professionnalisation.
Officiers et sous-officiers disposent désormais des éléments précis de nature
à orienter leur choix de quitter les armées ou d'y demeurer. Je crois qu'il
convient, à cet instant de notre débat, de rappeler ce que ce choix comporte de
gravité pour nombre d'entre eux.
J'ai la conviction que l'objectif visé par ce texte, qui est de faciliter la
transition de la communauté militaire en lui permettant de préserver son
indispensable cohésion, sera atteint.
Qu'il me soit enfin permis, monsieur le ministre, de relever les excellentes
conditions de coopération avec vos services dans lesquelles le travail de
préparation a été effectué.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout
d'abord de me féliciter de l'excellent travail que nous avons fourni ensemble,
Gouvernement et Sénat, afin de permettre à nos armées d'entrer dans l'an I de
la professionnalisation. Il convient de souligner qu'après la promulgation de
la loi de programmation militaire il était nécessaire, sinon indispensable, de
voter ces mesures qui permettront cette professionnalisation.
Elles seront adoptées dans quelques instants et croyez bien que je suis très
sensible aux apports tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, qui ont
permis, par exemple, de souligner le droit à la reconversion. M. le rapporteur
vient d'attirer notre attention sur ce droit. Il est vrai que la qualité de
l'engagement sera proportionnelle à la possibilité de reconversion.
Dans quelques années, les jeunes Françaises et les jeunes Français
s'engageront dans nos armées en pensant non seulement au service de la nation
sous les drapeaux, mais aussi à la reconversion qu'ils pourront effectuer avant
d'entrer dans la société civile.
Ma deuxième observation concerne les engagements qui seront proposés durant
les années à venir. Doit-on rappeler que l'armée de terre vient de lancer une
grande campagne d'information afin de présenter les possibilités
d'épanouissement que peut offrir l'engagement dans l'armée de terre ?
Doit-on aussi rappeler que, jusqu'en 2002, l'armée de terre proposera 10 000
contrats d'engagement aux jeunes Français et qu'aujourd'hui - comme je l'ai dit
l'autre jour en réponse à une interpellation de M. Rouvière - l'armée recrute,
l'armée engage, l'armée est sans doute le premier employeur à recruter sur le
marché de l'emploi ?
Enfin - ce sera ma troisième et dernière observation - je voudrais vous dire,
mesdames, messieurs les sénateurs, combien votre assemblée a témoigné, grâce à
la qualité de son débat et à ses votes, de la reconnaissance à l'égard de la
communauté militaire. Je veux me faire l'interprète de cette communauté pour
vous en remercier et pour souhaiter qu'à travers ce texte nous donnions à notre
armée les moyens d'entrer dans l'an I de la professionnalisation et,
parallèlement, nous affirmions la nécessité du lien armée-nation. C'est mon
voeu le plus cher et je vous remercie de votre coopération.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« DU PÉCULE
« Art. 1er. - Un pécule d'incitation au départ anticipé est institué, à titre
temporaire, du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2002. Il peut être accordé, sur
demande agréée par le ministre chargé des armées, au militaire de carrière en
position d'activité, se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son
grade et qui fait valoir ses droits à une pension militaire de retraite. La
durée minimum de services militaires effectifs pour prétendre au bénéfice du
pécule est de vingt-cinq années pour les officiers et de quinze années pour les
sous-officiers et officiers mariniers.
« Ce pécule est accordé en fonction des besoins de la gestion des effectifs au
regard des objectifs de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la
programmation militaire pour les années 1997 à 2002.
« TITRE II
« DE LA RECONVERSION
« Art. 6. A. - Après l'article 30 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972
portant statut général des militaires, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé
:
« Chapitre V
« Reconversion
«
Art. 30-1.
- Le militaire de carrière ou sous contrat peut
bénéficier, au cours de son service dans les armées, de dispositifs
d'évaluation et d'orientation professionnelles destinés à préparer, le moment
venu, son retour à la vie civile active.
«
Art. 30-2. -
Le militaire de carrière ou sous contrat, quittant
définitivement les armées, peut bénéficier, pendant une durée maximum de douze
mois consécutifs, de congés de reconversion lui permettant de suivre les
actions de formation adaptées à son projet professionnel.
« Les articles 53, 57 et 65-2 de la présente loi précisent les conditions
d'application des congés de reconversion. »
« Art. 6. - La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 précitée est ainsi modifiée
:
« I. - L'article 53 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un congé de reconversion avec solde accordé dans l'intérêt du service,
d'une durée maximum de six mois. Toutefois, la solde est suspendue ou réduite
dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsque le militaire
exerce une activité publique ou privée rémunérée. A l'expiration du congé de
reconversion, le militaire qui n'est pas placé en congé du personnel navigant
prévu au 5° de l'article 57 ou en congé complémentaire de reconversion prévu au
8° de ce même article est soit mis d'office à la retraite, soit tenu de
démissionner de son état de militaire de carrière s'il n'a pas acquis de droits
à pension de retraite. »
« II. - L'article 57 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° En congé complémentaire de reconversion. »
« III. - Après l'article 65-I, il est inséré un article 65-2 ainsi rédigé :
«
Art. 65-2. -
Le congé complémentaire de reconversion est la situation
du militaire de carrière qui, ayant bénéficié du congé de reconversion prévu au
5° de l'article 53 ci-dessus, est admis sur sa demande à cesser de servir dans
les armées aux fins de poursuivre sa préparation à l'exercice d'une profession
dès le retour dans la vie civile.
« Ce congé est accordé pour une période d'une durée maximale de six mois,
pendant laquelle le militaire perçoit la solde indiciaire nette, la prime de
qualification, l'indemnité de résidence et les suppléments pour charges de
famille. Ces émoluments sont suspendus ou réduits dans les conditions prévues
par décret en Conseil d'Etat lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération
publique ou privée.
« Le temps passé en congé complémentaire de reconversion compte pour
l'avancement et pour les droits à pension de retraite.
« Les articles 20, 21 et 22 sont applicables aux militaires en congé
complémentaire de reconversion.
« Le militaire en congé complémentaire de reconversion ayant acquis des droits
à pension de retraite peut être mis à la retraite, sur sa demande, en cours de
congé. A l'expiration de son congé, il est soit mis d'office à la retraite,
soit tenu de démissionner de son état de militaire de carrière s'il n'a pas
acquis de droits à pension de retraite. »
« IV. - La seconde phrase du second alinéa de l'article 82 est ainsi rédigée
:
« Néanmoins, les dispositions des articles 32, 35, 43, 51, 53 à 56, 57 (1°,
2°, 7° et 8°), 60, 65-1 et 65-2 lui sont applicables. »
« IV
bis
. - Au second alinéa de l'article 93, les mots : "deux
mois" sont remplacés par les mots : "six mois". »
« V. - L'article 94 est ainsi rédigé :
«
Art. 94.
- Le premier alinéa de l'article 33 et les articles 35, 53 à
56, 57 (1°, 5°, 7° et 8°), 63, 65-1 et 65-2 de la présente loi sont applicables
aux engagés. »
« TITRE III
« DISPOSITIONS DIVERSES
Personne ne demande la parole sur l'un de ces articles ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Rouvière, pour explication de vote.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, l'accord intervenu entre l'Assemblée nationale et le
Sénat en commission mixte paritaire ne modifie pas l'économie générale de votre
projet de loi. Ce dernier, à mes yeux, demeure injuste dans la mesure où il ne
traite pas de la même façon les officiers, les sous-officiers et le personnel
civil.
Il ne porte pas en lui de certitudes quant aux moyens financiers qui seront
indispensables à la professionnalisation des armées.
Il ne répond pas non plus aux questions que soulève la disparition du service
national actuel.
Certes, dans quelques semaines, dans quelques mois, nous débattrons du
rendez-vous citoyen mais, dès aujourd'hui, nous aurions souhaité savoir comment
sera financé le remplacement des jeunes appelés, qui jouent un rôle important
dans la gendarmerie, le corps des sapeurs-pompiers, les ministères et, bien
sûr, dans les armées.
Vous voulez réformer, mais vous n'en avez pas les moyens financiers. Ceux qui
viendront après vous risquent d'être confrontés à une situation difficile à
surmonter et à gérer. Nous refusons cette aventure dangereuse pour les
militaires, dangereuse pour la France.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas ce projet de
loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons est le premier texte d'application d'une loi de
programmation militaire qui remet en cause un certain nombre d'éléments
fondamentaux de notre système et de nos moyens de défense. Ainsi, ce projet de
loi ne cherche à atteindre en fait qu'un seul but : encourager 17 000 officiers
et sous-officiers à quitter l'armée.
En première lecture, mon collègue Jean-Luc Bécart a dit notre refus de la
professionnalisation des armées de la République et notre attachement à une
conception nationale de notre défense.
La sécurité de notre pays est, en effet, et de toute évidence, très largement
conditionnée par la conscience et l'implication des citoyens dans la défense
des valeurs républicaines et de ce qu'ils ont en commun.
M. Jean-Luc Bécart.
Il a également dénoncé le processus engagé par le Président de la République,
qui consiste à mettre la représentation parlementaire devant le fait accompli
en faisant entériner la suppression du service militaire seulement dans
quelques mois, une fois que la loi de programmation militaire et la présente
loi de « dégagement des cadres » seront entrées en vigueur et appliquées.
La constitution d'une armée professionnelle contribuerait à distendre, à
remettre en cause l'indispensable lien entre la nation et ses forces armées, et
ce n'est certainement pas le « rendez-vous citoyen », quelque peu dérisoire,
qui permettra de le maintenir.
D'un recrutement difficile et conditionné par les effets de la crise sur les
jeunes qui sont le plus confrontés au chômage et aux insuffisances de notre
système de formation, la nouvelle armée de métier ne pourrait que pâtir de
l'absence de jeunes appelés qui, par leur qualification et leurs compétences
techniques, constituent actuellement l'un des principaux gages de son
efficacité.
Si le service militaire est aujourd'hui très inégalitaire et souvent mal vécu
par de nombreux appelés qui sont, il faut bien le dire, cantonnés dans des
fonctions peu utiles, voire quelquefois dévalorisantes, il n'en demeure pas
moins que l'efficacité de notre système de défense repose sur la
complémentarité entre unités constituées d'appelés du contingent et unités
professionnelles.
Au lieu d'être supprimé, le service militaire mérite donc d'être réformé en
profondeur afin, notamment, de devenir plus efficace, plus court, plus
attrayant et plus utile pour les jeunes appelés.
Le présent projet de loi tend, par l'instauration d'un pécule et de différents
aménagements, à pousser vers la sortie une grande partie de l'encadrement
actuel de nos armées pour faciliter la constitution d'unités exclusivement
professionnelles.
En nous opposant au présent projet de loi, nous ne nous opposons bien
évidemment pas à ce que les militaires de carrière puissent bénéficier de
meilleures conditions de retour à la vie civile lorsqu'ils quittent le service
de la nation, je tiens à le préciser.
Il y aurait d'ailleurs sans doute beaucoup à dire sur l'efficacité réelle des
mesures qui nous sont proposées, notamment sur les conditions dans lesquelles
les cadres désirant quitter l'armée pourront bénéficier du pécule.
Le processus de dégagement des cadres engagé ne risque-t-il pas de mettre en
cause le caractère opérationnel de nombreuses unités ?
En votant contre ce projet de loi, nous voulons, plus globalement, signifier
notre opposition au démantèlement des unités actuellement composées d'appelés
du contingent et encadrées par des militaires de carrière.
Nous avons besoin d'eux, de leur engagement, de leur compétence, de leurs
capacités d'organisation et de commandement pour que notre armée puisse
répondre aux besoins de sécurité et de défense de notre pays.
Nous nous opposons à leur éviction de l'armée, en même temps que nous nous
opposons à la constitution d'une armée professionnelle essentiellement
projetable sur des théâtres d'opérations extérieures de plus en plus intégrée à
l'OTAN, et dont les objectifs ne seraient plus exclusivement liés à la défense
des intérêts de notre pays.
Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « La paix
se gagne avec des professionnels »...
M. Emmanuel Hamel.
Elle se gagne avec la nation, avec le peuple tout entier !
M. André Rouvière.
C'est exact !
M. le président.
Monsieur Hamel, la parole est à M. Vinçon, et à lui seul !
M. Emmanuel Hamel.
Qu'il mesure ses propos !
M. Serge Vinçon.
« La paix se gagne avec des professionnels », tel est le slogan employé
actuellement pour la campagne de recrutement de l'armée de terre. Il illustre à
merveille les objectifs de la réforme des armées lancée par le Président de la
République et mise en oeuvre avec courage, clarté et un esprit de concertation
dont je tenais à vous remercier, monsieur le ministre.
Dans un environnement géostratégique caractérisé par une multitude de
micro-conflits et de tensions locales, il s'agit moins de gagner une guerre que
de renforcer la paix.
Nos forces armées devront être projetables et adaptables aux différents types
de conflits qu'elles pourront rencontrer. C'est pour cela que la France a fait
le choix d'une armée professionnelle.
Le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire tire les
conséquences de la professionnalisation en instaurant un dispositif qui
permettra d'accompagner cette professionnalisation.
Il s'agit à cette occasion de marquer toute la reconnaissance de la nation
pour nos soldats, et je me félicite que le Parlement - et le Sénat y a pris
toute sa part - ait accentué les mesures destinées à améliorer le statut
général des militaires en termes de reconversion.
Avant de conclure, je saluerai notre collègue M. About pour son excellent
rapport et toute la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, présidée par M. de Villepin, pour le travail effectué.
Le groupe du RPR votera ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la
commission mixte paritaire, conscient d'oeuvrer, par ce vote, pour que l'armée
d'aujourd'hui et celle de demain soient à la hauteur des missions que lui
assigne notre pays.
(Applaudissement sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je voterai contre ce projet de loi, résolument !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire.
M. Emmanuel Hamel.
Je vote résolument contre !
(Le projet de loi est adopté.)
7
DÉTENTION PROVISOIRE
Adoption d'un projet de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
99, 1996-1997), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif à la détention provisoire. [Rapport (n° 118, 1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, le projet de loi relatif à la
détention provisoire est soumis à votre examen en deuxième et dernière
lecture.
Comme vous le savez, ce texte présente une particulière importance aux yeux du
Gouvernement.
La commission mixte paritaire n'a pu aboutir à un texte commun, ayant répondu
négativement à une question posée par le président de votre commission des lois
consistant à lui demander si elle souhaitait engager ces travaux. Le
Gouvernement a alors demandé qu'il soit fait application du dernier alinéa de
l'article 45 de la Constitution afin qu'aient lieu une nouvelle lecture dans
chaque assemblée, puis une dernière lecture à l'Assemblée nationale, ce qui, je
crois, est prévu dans les jours prochains.
En fait, il n'y a pas de divergence de fond considérable entre l'Assemblée
nationale et le Sénat. Comme le note M. Georges Othily dans son rapport écrit,
il existe de larges convergences de fond, entre l'Assemblée nationale et le
Sénat, sur les points essentiels du projet de loi, à savoir : la limitation du
recours à la notion d'ordre public comme critère du placement en détention
provisoire ; la limitation de la durée des détentions provisoires par
l'insertion dans le code de procédure pénal de la notion de « durée raisonnable
» et par l'institution de nouveaux délais « butoir » ; enfin, le renforcement
de l'efficacité de la procédure de référé-liberté.
Subsistent, en réalité, trois divergences, dont les deux premières portent sur
les modalités d'application des deux derniers objectifs que je viens de citer,
la dernière concernant une disposition ajoutée au projet de loi initial par
l'Assemblée nationale et qui concerne la communication des pièces d'une
procédure par un avocat à son client.
Je me bornerai à examiner ces trois points.
J'insisterai ensuite sur un amendement que le Gouvernement a été amené à vous
présenter aujourd'hui et qui concerne, vous le savez, la question des
perquisitions de nuit en matière de lutte contre le terrorisme.
Le premier point de divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale - je
suis l'ordre des dispositions du projet de loi - concerne l'article 1er AB, qui
complète l'article 114 du code de procédure pénale, afin de permettre à
l'avocat d'une partie de remettre, au cours de l'information, des reproductions
des pièces de procédure à son client, pour les besoins de sa défense.
Votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article au motif
qu'il doit s'intégrer dans une démarche d'ensemble et exige une réforme globale
de l'instruction.
Je ne puis, mesdames, messsieurs les sénateurs, être insensible à cette
analyse, puisque je l'ai moi-même développée devant vous lors de l'examen de ce
projet de loi en première lecture.
Cependant, cet argument ne me semble pas devoir être retenu.
En effet, cette réforme d'ensemble de la procédure pénale ne pourra pas
intervenir, compte tenu de son ampleur, avant plusieurs années.
Le rapport définitif de Mme le professeur Rassat me sera remis à la fin du
mois de janvier 1997. Or le Gouvernement a l'intention d'organiser une
consultation publique à partir de ce rapport et d'une note d'orientation que je
présenterai moi-même sur les grandes orientations du futur code de procédure
pénale. Nous ferons la synthèse de cette consultation à la fin de l'année 1997,
de manière à présenter alors un avant-projet de nouveau code de procédure
pénale.
Nous avons encore très largement une année devant nous avant de pouvoir
soumettre le projet de loi au Parlement.
S'agissant de la communication du dossier par l'avocat à son client, le débat
est ouvert depuis longtemps. Une décision de la Cour de cassation de 1995 a
très clairement caractérisé la question. En gros, la chambre criminelle a dit
qu'il fallait continuer à interdire la communication.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Elle n'a pas dit qu'il « fallait » !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je dis ce que j'estime devoir
dire et vous direz tout à l'heure, sur ce sujet qui vous a beaucoup occupé, ce
que vous avez à dire !
La Cour de cassation a donc indiqué qu'il convenait d'annuler la décision de
la cour d'appel qui lui était soumise dans la mesure où l'article 114 interdit
la communication, ajoutant toutefois que le temps lui paraissait venu de
réexaminer ce problème selon une optique différente.
J'ai moi-même, à plusieurs reprises, comme beaucoup d'entre vous, souligné la
nécessité de résoudre cette question.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui, je le rappelle, est issu d'une
proposition de l'Assemblée nationale très largement remaniée par un amendement
du Gouvernement, me paraît apporter une solution satisfaisante.
Au demeurant, l'origine de la réflexion parlementaire sur ce sujet se trouve
au Sénat même, c'est-à-dire dans le rapport de la mission d'information sur la
procédure pénale, non pas celui de M. Fauchon, mais celui de M. Jolibois,
rapport présenté au printemps de 1995, qui a abouti à plusieurs propositions,
dont une série qui émanait de M. Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, je considère que le Sénat ne doit pas
adopter l'amendement de suppression proposé par la commission des lois mais
qu'il doit, au contraire, adopter le texte de l'Assemblée nationale sur ce
point. Cette disposition est attendue et me paraît totalement séparable du
débat sur la refonte globale du code pénal.
La deuxième divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale porte sur le
nouveau délai « butoir » en matière de détention provisoire pour les délits
punis de plus de cinq ans et de moins de dix ans d'emprisonnement.
En première lecture, le Sénat a institué un délai « butoir » de un an.
L'Assemblée nationale a prévu deux ans. Votre commission des lois propose de
revenir à un délai de un an. Je l'avais dit en première lecture, je le répète :
je pense que cette limitation à un an est excessive. Actuellement, pour une
infraction qui peut être punie de cinq ans à dix ans, il n'y a aucune
limitation. Remplacer une absence totale de limite par une limite de deux ans
me paraît raisonnable. Là encore, je souhaiterais donc que le Sénat adopte le
texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale.
La dernière divergence concerne l'autorité qui serait chargée de statuer sur
le référé-liberté. L'Assemblée nationale propose que ce soit le président de la
chambre d'accusation. Votre commission des lois propose de confier ce recours
au président du tribunal. Nous nous en sommes très longuement expliqués en
première lecture : je ne suis pas favorable à cette solution parce qu'elle me
paraît représenter une régression de notre droit. Les organes naturels de
contrôle du juge d'instruction sont, dans notre code de procédure pénale, la
chambre d'accusation et son président. Le progrès de la procédure pénale me
paraît consister à renforcer l'efficacité de ces contrôles de la chambre
d'accusation et de son président, et non pas à les supprimer ou à les
diminuer.
Or c'est à cela qu'aboutirait l'amendement de votre commission des lois
puisqu'il retirerait des mains du président de la chambre d'accusation une
garantie de la liberté que lui a confiée le législateur de 1993.
Nous le verrons lorsque nous débattrons de l'ensemble de la procédure pénale,
renforcer les pouvoirs et les moyens des chambres d'accusation est sûrement
l'une des voies dans lesquelles on peut globalement faire progresser la
procédure pénale.
En revanche, il ne me paraît pas souhaitable de prendre aujourd'hui une
disposition tendant à priver la chambre d'accusation et son président de
prérogatives dont ils disposent en vertu d'une loi de 1993, pour les confier au
président de la juridiction de première instance.
Je crains en outre que, en pratique, le président du tribunal de grande
instance n'hésite beaucoup à mettre en cause la décision d'un magistrat de son
propre tribunal, d'abord, parce que ce n'est pas son rôle traditionnel,
ensuite, parce qu'il entretient des relations quotidiennes étroites avec ce
magistrat, en particulier dans les juridictions petites et moyennes, enfin,
parce qu'il me paraît inopportun, eu égard au caractère arbitral de la fonction
de président de juridiction, de placer le président du tribunal en situation
d'être, éventuellement, désavoué par la chambre d'accusation, qui pourrait
confirmer la détention alors même qu'il aurait, lui, déclaré l'appel du prévenu
suspensif.
Ainsi, pour des raisons tant juridiques que pratiques, je crois qu'il faut en
rester au système qui était celui du projet de loi : c'est le président de la
chambre d'accusation, et non pas le président du tribunal, qui est
compétent.
J'en viens à l'amendement déposé par le Gouvernement qui concerne les
perquisitions de nuit en matière de terrorisme.
Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences juridiques de la
décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1996 relative à la loi
tendant à renforcer la répression du terrorisme, loi qui a été promulguée le 22
juillet 1996.
Vous vous en souvenez, le Gouvernement avait proposé d'autoriser les
perquisitions de nuit dans les affaires de terrorisme. Après un grand débat
très approfondi, en particulier au Sénat, cette disposition a été adoptée.
Cependant, saisi par des parlementaires de l'opposition, le Conseil
constitutionnel a décidé qu'elle n'était pas conforme à certains principes
tirés de notre Constitution et du bloc de constitutionnalité.
Néanmoins demeure le besoin impérieux qui avait conduit le Gouvernement à
proposer que soient autorisées les perquisitions de nuit pour la lutte
antiterroriste comme elles le sont déjà pour d'autres infractions, notamment en
matière de trafic de stupéfiants. J'avais donc l'intention de faire figurer une
nouvelle proposition à ce sujet dans un projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre judiciaire qui sera prochainement adopté par le
Gouvernement et déposé devant le Parlement.
Entre-temps est survenu l'attentat de la station Port-Royal, voilà huit jours.
J'ai alors pensé, et le Gouvernement avec moi, qu'il était de notre
responsabilité de faire adopter une telle disposition de toute urgence, compte
tenu du caractère toujours actuel de la menace terroriste et devant les risques
que cela comporte.
C'est pourquoi j'ai proposé que, à l'occasion de la discussion devant le Sénat
du projet de loi relatif à la détention provisoire, soit déposé par le
Gouvernement un amendement qui reprend le texte que j'avais l'intention de
proposer dans un projet de loi en automne.
J'ai appris ce matin que votre commission des lois avait bien voulu retenir
cet amendement.
Je voudrais m'expliquer d'ores et déjà sur cette proposition, ce qui me
dispensera d'intervenir longuement lorsque l'amendement en question viendra en
discussion.
Dans sa décision du 16 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a estimé
que les dispositions de l'article 10 du texte voté étaient contraires à la
Constitution en ce qu'elles permettaient de procéder à une perquisition de nuit
au cours d'une enquête préliminaire ou au cours d'une instruction, alors
qu'elles ne pouvaient, selon lui, être autorisées qu'au cours d'une enquête de
flagrance.
Le Conseil constitutionnel a ainsi globalement écarté la possibilité de
procéder à des perquisitions de nuit au cours d'une enquête préliminaire ou
d'une instruction.
S'agissant de l'enquête préliminaire, la décision du Conseil constitutionnel
est claire et n'appelle pas de commentaire de ma part.
En revanche, s'agissant de l'instruction - c'est-à-dire que la mesure serait
prise au cours d'une information judiciaire - la situation est plus
complexe.
En effet, de la décision du Conseil constitutionnel résulte une assimilation
entre la notion de flagrance et celle d'enquête de flagrance qui ne correspond
pas à la réalité juridique et qui a pour conséquence d'interdire à un juge
d'instruction, même s'il est saisi immédiatement à la suite de la commission
d'un acte de terrorisme, de procéder à des perquisitions de nuit, alors que de
telles opérations pourraient être ordonnées tant que l'information n'est pas
ouverte. Il y a là un paradoxe qu'il est tout de même difficile d'admettre !
Il s'ensuit, en pratique, qu'en cas de survenance d'un attentat terroriste le
parquet doit choisir soit de prolonger de quelques jours l'enquête de flagrance
pour permettre, le cas échéant, des perquisitions de nuit, soit d'ouvrir une
information, si des écoutes téléphoniques - que seul un juge d'instruction peut
ordonner - s'avèrent nécessaires. Or, vous le savez, c'est souvent dans les
premières heures que ces écoutes peuvent se révéler utiles. C'est donc dans les
premières heures qu'elles doivent être ordonnées.
M. Christian Bonnet.
Absolument !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Si le juge d'instruction ouvre cette information, on ne
pourra plus procéder à des perquisitions de nuit !
Il n'est donc pas possible, selon l'interprétation du Conseil constitutionnel,
alors même que les faits viennent d'être commis, de disposer d'un cadre
juridique permettant de procéder en même temps à l'une et à l'autre de ces
mesures, écoutes téléphoniques et perquisitions de nuit, alors que ce sont à
l'évidence, dans ce domaine, les deux dispositions les plus efficaces
lorsqu'elles sont prises à temps, c'est-à-dire au moment où elles peuvent
encore s'appliquer à des personnes qui n'ont pas fui ou qui n'ont pas détruit
les documents qu'elles détenaient.
M. Christian Bonnet.
Parfaitement !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Autre absurdité : si, pendant le déroulement de son
information, le juge d'instruction apprend que des terroristes présumés auteurs
des faits dont il est déjà saisi se retrouvent au cours de la nuit dans un
local, par exemple pour préparer de nouveaux attentats, il n'a pas la
possibilité d'ordonner une perquisition, en dépit des indices montrant
l'existence de nouvelles infractions flagrantes. Dans une telle hypothèse, il
est obligé de transmettre son dossier au parquet, pour que ce dernier ouvre, en
flagrance, une enquête incidente au cours de laquelle la perquisition, selon le
Conseil constitutionnel, pourra être ordonnée. Mais cette transmission de
procédure peut, naturellement, entraîner des délais retardant cette opération
et la privant ainsi de toute efficacité.
C'est pourquoi il paraît indispensable et, dirai-je, de bon sens de permettre
au juge d'instruction, dans certaines conditions limitativement énumérées par
la loi, de procéder également, en matière de terrorisme, à des perquistions de
nuit.
Tel est l'objet de l'amendement proposé par le Gouvernement qui tend à
insérer, après l'article 706-24 du code de procédure pénale, un nouvel article
706-24-1 autorisant, en cas d'urgence, le juge d'instruction à procéder à des
perquisitions de nuit en matière de terrorisme, pour les crimes ou les délits
punis d'au moins dix ans d'emprisonnement, dans les trois hypothèses suivantes
: lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant, lorsqu'il existe un
risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels et, enfin,
lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs personnes se trouvant
dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu se préparent à commettre de
nouveaux actes de terrorisme.
La prise en compte de la notion de flagrance au cours de l'instruction
respecte ainsi totalement les exigences imposées par le Conseil
constitutionnel.
Le texte proposé pour le nouvel article 706-24-1 reprend par ailleurs, en les
étendant, toutes les garanties d'ores et déjà prévues par la loi du 22 juillet
1996, puisqu'il limite les perquisitions de nuit aux cas d'urgence et aux actes
de terrorisme les plus graves, à savoir les crimes ou les délits punis d'au
moins dix ans d'emprisonnement.
Le texte proposé exige, en outre, à peine de nullité, que ces opérations
soient prescrites par une ordonnance motivée du juge d'instruction précisant la
nature de l'infraction dont la preuve est recherchée, ainsi que l'adresse des
lieux dans lesquels ces opérations doivent être accomplies - autrement dit, il
ne peut pas être question de décider, si j'ose dire, des perquisitions « en
blanc » - et comportant, comme en matière de détention provisoire, l'énoncé des
considérations de droit et de fait - c'est d'ailleurs un amendement sénatorial
qui avait prévu cette disposition - qui constituent le fondement de cette
décision par référence aux conditions prévues par les 1°, 2° et 3° précités de
cet article.
Par conséquent, tout en renforçant l'efficacité de la répression en matière de
lutte contre le terrorisme, cet amendement permet d'éviter, conformément à la
décision du Conseil constitutionnel, que ces opérations ne soient de nature à
entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle et, en
particulier, au principe de l'inviolabilité du domicile.
C'est pourquoi je demanderai à la Haute Assemblée d'adopter, comme la
commission des lois l'a fait ce matin, cet amendement, qui me paraît très
important.
Je vous soumettrai également un amendement tendant à repousser, pour des
raisons pratiques évidentes, la date d'entrée en vigueur du projet de loi au 31
mars 1997. Il devait, en effet, entrer en vigueur au 1er janvier mais, compte
tenu de la date probable de sa promulgation, il me paraît plus convenable de
prévoir d'ores et déjà un délai supplémentaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi, comme je l'ai indiqué en
première lecture et tout au long des débats, est important même si sa portée
est limitée. Quant à l'amendement relatif au terrorisme, que j'ai proposé, il a
naturellement, aujourd'hui, une portée encore plus considérable.
Il fait partie de ces textes qui s'efforcent, même de manière limitée, de
respecter la dignité de la personne et la liberté individuelle, tout en
assurant le meilleur fonctionnement possible de la justice.
Il fait partie de ces textes qui, lorsque nous examinerons la refonte
d'ensemble du code de procédure pénale, devront retenir notre attention dans la
mesure où, d'ores et déjà, il nous paraît s'inscrire dans l'esprit d'équilibre
et de liberté qui doit nous animer. La police et la justice doivent bénéficier
de tous les moyens possibles pour assurer la sécurité des biens et des
personnes dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
(M. Yves Guéna remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, six mois après
l'adoption en première lecture du projet de loi relatif à la détention
provisoire, nous voici de nouveau réunis pour débattre de ce sujet essentiel
pour notre société.
Depuis, l'Assemblée nationale a examiné à deux reprises ce projet de loi car -
faut-il le rappeler ? - la commission mixte paritaire réunie sur ce texte n'a
pas abouti à un texte commun.
Je ne reviendrai pas sur les raisons de cet échec. Je constate néanmoins que
la reprise de la navette a présenté une certaine utilité puisque, d'une part,
l'Assemblée nationale a adopté une dizaine d'amendements à son propre texte,
dont certains sur l'initiative du Gouvernement, et, d'autre part, nous allons
aujourd'hui examiner plusieurs amendements, dont certains ont été déposés par
la commission ou par le Gouvernement.
Le projet de loi, tel qu'il nous revient, comprend vingt-quatre articles dont
un seul a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Néanmoins, sur le fond, plusieurs dispositions ne soulèvent aucune difficulté
car l'Assemblée nationale ne les a modifiées ou insérées que pour apporter des
précisions d'ailleurs fort opportunes.
Je limiterai donc mon propos aux quatre articles qui devraient donner lieu
aujourd'hui à de larges débats et qui font l'objet d'amendements.
Auparavant, permettez-moi de dire quelques mots du placement sous surveillance
électronique. Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a supprimé les
dispositions que nous avions insérées afin de consacrer ce procédé comme
substitut à la détention provisoire.
Entendons-nous bien : ce n'est pas une opposition au principe même du
placement sous surveillance électronique que nos collègues députés ont voulu
manifester. Bien au contraire, ils ont souhaité consacrer ce dispositif en tant
que substitut à l'incarcération et ont adopté un article additionnel, l'article
8
nonies,
traduisant ce souci dans le rapport annexé à la loi de
programme pour la justice.
En réalité, la suppression décidée par l'Assemblée nationale s'explique par la
volonté de réserver prioritairement le placement sous surveillance électronique
à des personnes déjà condamnées. Son application à la détention provisoire a
été jugée prématurée.
Cette position n'est pas si éloignée de celle qui fut la nôtre sur ce sujet au
mois de mai dernier. Plusieurs de nos collègues, notamment M. Guy Cabanel,
avaient alors déclaré que le placement sous surveillance électronique ouvrait
le plus de perspectives et présenterait la plus grande utilité dans le domaine
post-sentenciel, c'est-à-dire par son application à des personnes déjà
condamnées.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que le placement sous surveillance
électronique ne permettrait pas de réduire la détention provisoire. Bien au
contraire, nous continuons à penser qu'il pourrait constituer un substitut
utile. Toutefois, nous estimons effectivement souhaitable de commencer par
l'appliquer à des personnes condamnées.
C'est pourquoi la commission des lois a accepté la disjonction des articles 8
bis
à 8
septies
décidée par l'Assemblée nationale. La proposition
de loi de M. Cabanel, que nous avons adoptée au mois d'octobre, constituera, à
mes yeux, un utile support de discussion. Dans cette perspective, je me
félicite, monsieur le garde des sceaux, de votre souci, que vous avez rappelé
dans cet hémicycle voilà deux jours, de parvenir rapidement, avant le mois
d'avril si je ne me trompe, à un texte définitif.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Je vous en prie, monsieur le garde des sceaux.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Comme je l'avais déjà dit lundi lors de l'examen des
crédits du ministère de la justice, mais je tiens à le réaffirmer aujourd'hui,
sur le fond, le Gouvernement estime que le placement sous surveillance
électronique doit s'appliquer aux condamnés à des peines de courte durée ou en
fin de peine. Ce dispositif pourra éventuellement s'appliquer ultérieurement,
comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, à ceux qui sont placés en détention
provisoire, lorsqu'il aura fait ses preuves.
Par ailleurs, s'agissant de la procédure parlementaire, je réitère devant M.
le président de la commission des lois les propos que j'ai tenus lundi lors de
l'examen du budget de mon ministère : si l'Assemblée nationale n'inscrit pas la
proposition de loi « Cabanel », émanant du Sénat, à son ordre du jour réservé,
le Gouvernement s'engage à l'inscrire rapidement à l'ordre du jour prioritaire
afin qu'elle soit définitivement adoptée dans un délai « raisonnable », pour
reprendre l'expression du projet de loi, c'est-à-dire, comme vous venez de
l'indiqués, monsieur le rapporteur, avant le printemps.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur.
J'en viens maintenant aux quatre articles que j'évoquais
précédemment, c'est-à-dire à ceux sur lesquels des amendements ont été
déposés.
Le premier de ces articles est l'article 1er AB. Il prévoit que les parties
pourront désormais obtenir des copies du dossier d'instruction. Vous savez que,
actuellement, ce droit est réservé à l'usage exclusif des avocats. Les parties
ne peuvent que consulter le dossier ; elles n'ont pas la possibilité d'en
obtenir la reproduction.
L'article 1er AB a été inséré par l'Assemblée nationale. Nous avions cependant
été appelés à nous prononcer, lors de la première lecture, sur le principe de
la communication de copies aux parties. En effet, nos collègues du groupe
socialiste et apparentés avaient déposé un amendement à cette fin, amendement
que le Sénat avait rejeté.
Que prévoyait cet amendement ? Que prévoit le texte de l'Assemblée nationale ?
Quelle position a retenue la commission des lois ? Telles sont les trois
questions auxquelles je voudrais répondre pour présenter les termes de cet
important débat.
L'amendement de nos collègues socialistes prévoyait la possibilité pour les
avocats de transmettre à leur client des copies des pièces et actes du dossier
d'instruction. Le client devait attester préalablement et par écrit avoir pris
connaissance de l'interdiction de communiquer ces copies à des tiers, sauf pour
les besoins de la défense, et de l'amende de 25 000 francs prévue en cas de
méconnaissance de cette interdiction.
Enfin, le juge d'instruction pouvait, à titre exceptionnel, s'opposer, après
avis du bâtonnier et par ordonnance motivée susceptible d'appel, à la
transmission par l'avocat de certaines copies du dossier.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a repris cet amendement que le
Sénat avait rejeté pour les raisons que j'indiquerai tout à l'heure. Mais, à la
suite de l'adoption de plusieurs sous-amendements du Gouvernement, elle est
parvenue à un texte beaucoup plus complexe.
Elle a notamment ajouté que l'avocat devrait donner connaissance au juge
d'instruction de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une
reproduction à son client.
Le magistrat instructeur disposerait alors de cinq jours pour s'opposer à la
remise de tout ou partie de ces reproductions par une ordonnance spécialement
motivée au regard « des risques de pression sur les victimes, les personnes
mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou
toute autre personne concourant à la procédure ».
Lorsque la recevabilité de la constitution de partie civile serait contestée,
le principe serait inversé : l'obtention de copies serait soumise à
l'autorisation expresse du juge d'instruction.
J'ajoute que l'Assemblée nationale a limité aux seuls rapports d'expertise les
pièces dont la copie est susceptible, pour les besoins de la défense, d'être
communiquée à des tiers.
Que pense la commission des lois de ce dispositif ? Elle constate, tout
d'abord, que, quoi qu'on puisse en penser sur le fond, l'amendement de nos
collègues du groupe socialiste avait au moins l'avantage de la simplicité. Tel
n'est pas le cas, loin de là, du texte de l'Assemblée nationale.
Il avait, par ailleurs, le mérite d'éviter une immixtion excessive du juge
d'instruction dans les relations entre l'avocat et son client. Tel n'est pas le
cas du texte de l'Assemblée nationale, notamment en ce qu'il impose à l'avocat
d'informer le magistrat des pièces dont il entend remettre une copie à son
client.
Enfin, le texte de l'Assemblée nationale soulève des interrogations, que j'ai
mentionnées dans mon rapport écrit et que je rappellerai brièvement.
La communication de copies aux parties doit-elle être autorisée d'une manière
générale même dans des affaires aussi graves que le trafic de stupéfiants ou le
proxénétisme aggravé ?
Seul le risque de pression sur certaines personnes permet au juge
d'instruction de s'opposer à la remise de copies aux parties. Faut-il en
conclure que le risque d'atteinte grave à la présomption d'innocence ou le
risque de concertation frauduleuse entre complices ne pourront être pris en
compte ?
La faculté de remettre des rapports d'expertise à des tiers, même limitée aux
besoins de la défense, ne risque-t-elle pas de conduire à une large diffusion
d'éléments du dossier de nature à nuire à la présomption d'innocence ?
Mais, surtout, indépendamment même de ces interrogations, qui concernent les
modalité de la remise des copies aux parties, c'est sur le principe même de
cette remise que la commission des lois a émis des réserves.
En première lecture, elle avait déjà estimé que ce principe ne pouvait être
consacré que dans le cadre d'une démarche globale, concernant l'ensemble de
l'instruction, et ce afin d'assurer ce principe essentiel qu'est la présomption
d'innocence.
Le problème de la présomption d'innocence reste entier avec le texte de
l'Assemblée nationale, en dépit d'un dispositif particulièrement complexe et
même difficilement applicable. Voilà pourquoi la commission des lois propose de
supprimer l'article 1er AB.
Je serai beaucoup plus bref sur le deuxième article donnant lieu à des
divergences avec l'Assemblée nationale car les données du problème sont
beaucoup plus simples. Il s'agit de l'article 3, relatif à la durée maximale de
la détention provisoire en matière correctionnelle.
Vous vous souvenez que nous avions fixé cette durée maximale à une année, tout
au moins lorsque la peine encourue était inférieure à dix ans
d'emprisonnement.
L'Assemblée nationale a estimé qu'une durée maximale de détention provisoire
d'une année, si elle pouvait être acceptée pour les infractions passibles de
cinq ans ou moins d'emprisonnement, risquait de se révéler problématique dans
les affaires complexes.
Elle a, en conséquence, proposé de fixer à deux ans cette durée maximale
lorsque la peine encourue serait supérieure à cinq ans et inférieure à dix
ans.
Cette durée de deux années est apparue excessive à la commission des lois.
Elle juge d'ailleurs peu convaincant l'argument avancé à l'Assemblée nationale
pour justifier cette durée : il n'est, en effet, pas démontré qu'il existe un
lien entre la peine prévue et la complexité de l'affaire.
C'est pourquoi la commission des lois vous propose d'en revenir sur ce point
au texte adopté par le Sénat en première lecture.
Le troisième article sur lequel subsiste un problème de fond est l'article 5
bis
relatif à l'indemnisation des personnes placées en détention
provisoire puis mises hors de cause par la justice.
En l'état actuel du droit, ces personnes peuvent obtenir d'une commission une
indemnité si la détention leur a causé « un préjudice manifestement anormal et
d'une particulière gravité. »
L'article 5
bis,
tel qu'il avait été adopté par le Sénat, prévoyait la
faculté d'obtenir une indemnité dès lors que le préjudice serait « anormal ».
L'Assemblée nationale prévoit la possibilité d'une indemnité pour tout
préjudice, sans même exiger que celui-ci soit anormal.
En réalité, le problème est moins de préciser l'ampleur du préjudice que de
savoir si la commission d'indemnisation doit ou non continuer de disposer d'un
pouvoir d'appréciation sur le principe même de l'octroi d'une indemnité. C'est
ce problème qui est soulevé par un amendement de nos collègues du groupe
socialiste et sur lequel nous nous exprimerons à l'occasion de l'examen des
articles.
Enfin, le quatrième et dernier article sur lequel il existe une divergence de
fond entre l'Assemblée nationale et le Sénat, c'est l'article 7, relatif au
référé-liberté.
Il avait été profondément modifié par le Sénat qui, sur l'initiative du
président de la commission des lois, notre excellent collègue Jacques Larché,
avait notamment confié la décision au président du tribunal de grande instance
- au lieu du président de la chambre d'accusation - et prévu le maintien de la
personne à la disposition d'un officier de police judiciaire préalablement à la
mise à exécution du mandat de dépôt. Il avait également prévu que le
référé-liberté pourrait être utilisé indépendamment de l'appel.
Ce dispositif a été critiqué sur plusieurs points par nos collègues
députés.
Tout d'abord, sur un plan pratique, la crainte a été émise d'une solidarité
entre le président du tribunal et le juge d'instruction, deux magistrats qui,
surtout dans les petites juridictions, se côtoient quotidiennement.
Ensuite, sur le plan juridique, il a été souligné que le « juge naturel » du
magistrat instructeur était non pas le président du tribunal de grande
instance, mais la chambre d'accusation, et plus particulièrement son président,
chargé du contrôle du bon fonctionnement des cabinets d'instruction.
Par ailleurs, s'agissant du maintien de la personne non incarcérée à la
disposition d'un officier de police judiciaire, il a été fait observer que le
texte du Sénat aurait pour effet que la personne mise en examen se retrouverait
souvent détenue dans des locaux policiers pendant cinq jours.
L'Assemblée nationale a, en conséquence, rétabli le texte du projet de loi
initial, en y ajoutant le droit pour l'avocat de la personne mise en examen de
présenter oralement des observations devant le président de la chambre
d'accusation. Le référé-liberté demeurerait donc de la compétence de ce
magistrat et serait lié à une demande d'appel. Ainsi, par rapport au droit
actuel, il ferait l'objet de quatre modifications.
Premièrement, le président de la chambre d'accusation disposerait d'un plein
pouvoir d'appréciation : il ne se limiterait plus à examiner le caractère
manifestement infondé de la détention, mais statuerait véritablement sur le
fond en vérifiant si toutes les conditions posées par l'article 144 du code de
procédure pénale relatif à la détention provisoire sont effectivement
remplies.
Deuxièmement, la chambre d'accusation serait dessaisie si son président
infirmait la décision du juge d'instruction : la décision de maintien en
détention lui serait soumise alors que celle de mise en liberté serait
acquise.
Troisièmement, le président de la chambre d'accusation pourrait ordonner le
placement sous contrôle judiciaire. Il ne serait donc plus placé devant
l'alternative réductrice : maintien en détention - mise en liberté.
Enfin, quatrièmement, l'avocat pourrait, à sa demande, se présenter devant le
président de la chambre d'accusation.
Que penser de ce dispositif ?
Il est exact, reconnaissons-le, que le texte que nous avions adopté en
première lecture ne répondait pas tout à fait à la logique du référé en ce
qu'il déconnectait celui-ci de l'appel.
De même, on peut reconnaître que le maintien de l'intéressé dans un local
spécifique dans l'attente de la décision du magistrat compétent pourrait poser,
à l'heure actuelle, des difficultés pratiques.
Mais le texte adopté par l'Assemblée nationale se heurte à une objection
fondamentale : investi d'un pouvoir de décision sur le fond, le président de la
chambre d'accusation deviendrait un juge d'appel du juge d'instruction. On
aboutirait ainsi au résultat quelque peu paradoxal de la suppression de la
collégialité au niveau de l'appel.
Certes, cette collégialité serait théoriquement conservée dans l'hypothèse où
le magistrat saisi confirmerait le mandat de dépôt, puisque l'appel serait
alors soumis à la chambre d'accusation. Mais celle-ci serait inévitablement
influencée par la décision préalable de son président qui, surtout si elle
porte sur le fond du placement en détention et non plus sur son caractère
manifestement infondé, conférerait au mandat de dépôt une présomption sérieuse,
quasiment irréfragable, de légalité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Georges Othily,
rapporteur.
La solution de l'Assemblée nationale aboutirait ainsi à un
changement de nature du référé-liberté qui aurait pour objet non plus de faire
déclarer l'appel suspensif, mais d'investir un magistrat unique, en
l'occurrence le président de la chambre d'accusation, d'un pouvoir de décision
sur le fond, et ce dans le cadre d'une procédure d'appel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Georges Othily,
rapporteur.
A cette objection de principe s'ajoutent deux inconvénients
majeurs : tout d'abord, en conservant la compétence du président de la chambre
d'accusation, l'Assemblée nationale rend pratiquement impossible la comparution
personnelle de la personne visée par le mandat de dépôt ; ensuite, le
dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne permet pas d'éviter le
traumatisme de l'incarcération puisque, dans l'attente de la décision du
magistrat, l'intéressé sera placé en détention.
La commission des lois vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article
7, laquelle prend en compte les critiques avancées à l'encontre du dispositif
que nous avions adopté en première lecture.
Cette nouvelle rédaction prévoit quatre mesures : premièrement, l'objet du
référé-liberté demeurerait le prononcé de la suspension des effets de
l'ordonnance de placement en détention provisoire ; deuxièmement, le magistrat
compétent serait non plus le président de la chambre d'accusation, mais celui
du tribunal de grande instance ; troisièmement, ce magistrat ou son délégué
devrait statuer sans délai, afin d'éviter l'incarcération du demandeur qui
obtiendrait gain de cause ; enfin, quatrièmement, le magistrat compétent
pourrait ordonner la suspension du mandat de dépôt, le cas échéant en la
soumettant à une ou plusieurs obligations relevant du contrôle judiciaire.
J'en ai terminé, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes
chers collègues, avec la présentation du projet de loi tel qu'il nous revient
de l'Assemblée nationale.
Mon propos a peut-être été un peu long, mais cette présentation m'évitera
d'entrer dans le détail lors de l'examen des amendements. Il va sans dire que,
sous le bénéfice des propositions qu'elle vous soumettra, la commission des
lois vous demande d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M.
Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous surprendrez toujours ! J'évoquerai,
d'entrée de jeu, cet amendement sur le terrorisme que vous avez déposé en
expliquant que vous aviez l'intention de présenter un texte spécifique mais
que, compte tenu de l'attentat de Port-Royal, vous aviez décidé de traiter
cette question dans un amendement portant sur ce texte.
Il me paraît inutile de dire que la nation est absolument unanime - sa
représentation nationale l'a démontré, au Sénat comme à l'Assemblée nationale -
pour condamner ces attentats épouvantables qui frappent, avec quelle sauvagerie
! des innocents. Il n'y a pas de surenchère à faire entre nous à cet égard,
bien entendu, ni d'arguments politiciens à tirer de cette situation. Nous en
sommes bien d'accord, et je vous demande de nous en donner acte.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela dit, si, véritablement, le dépôt de cet amendement se révélait nécessaire
pour lutter contre le terrorisme, pourquoi ne pas l'avoir présenté plus tôt ?
Et qu'auriez-vous fait si ce texte n'avait pas fait l'objet d'une nouvelle
lecture ? Enfin, pourquoi avez-vous demandé que cette mesure ne s'applique qu'à
compter du 1er mars 1997 s'il y avait une telle urgence ?
Lorsque nous avons saisi le Conseil constitutionnel...
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Oui, c'est vous qui l'avez saisi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et nous ne le regrettons pas, que diable !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Si, nous devons le regretter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous ne le regrettons nullement et permettez-moi de m'en expliquer.
D'ailleurs, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a annulé une autre
disposition !
Nous avions demandé, comme nous l'avions réclamé ici, qu'il ne soit pas
possible, lors des enquêtes préliminaires, de procéder à des perquisitions de
nuit. Mais nous étions d'accord - nous l'avions dit - pour qu'en cas de
flagrance il soit possible d'en ordonner.
A aucun moment nous n'avions demandé au Conseil constitutionnel de dire que le
juge d'instruction ne pourrait pas en ordonner, et de cela aussi, je souhaite
que vous nous donniez acte.
Mais lorsque vous nous indiquez que le fait de décider maintenant que le juge
d'instruction le pourra n'est pas contraire à la décision du Conseil
constitutionnel, je vous laisse la responsabilité de votre affirmation ! En
tout cas, en ce qui nous concerne, je répète que nous n'avons jamais demandé -
et nous continuons de ne pas le demander - que le juge d'instruction ne puisse
pas, en matière de terrorisme, comme c'est le cas en matière de proxénétisme et
de drogue, effectuer, si nécessaire, des perquisitions de nuit.
Par conséquent, les choses sont claires !
Par ailleurs, et puisque le temps qui m'est imparti est très bref, je m'en
tiendrai aux trois aspects du projet de loi en discussion sur lesquels la
navette me paraît pouvoir, et donc devoir, apporter de nettes améliorations :
le problème de la communication des copies de pièces du dossier d'instruction
par l'avocat à son client ; le problème crucial et central de la mise en
détention ; enfin, le problème de l'indemnisation de la personne mise en
détention provisoire, alors que la suite des choses démontrera qu'elle n'aurait
pas dû l'être puisqu'elle bénéficiera d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un
acquittement.
J'aborderai tout d'abord le problème de la copie du dossier.
Voilà une affaire qui progresse et où on finira par sortir, pour reprendre
l'expression d'un collègue de la majorité, « de l'illégalité et de l'hypocrisie
».
M. Pierre Fauchon.
Merci !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je suis heureux que vous vous reconnaissiez, mon cher collègue !
La question est de savoir si ce sera finalement avec l'aide de cette même
majorité du Sénat ou si elle s'y opposera jusqu'au bout.
Deux arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 1995 ont rappelé, en dépit des
regrets exprimés par le procureur général - c'est pourquoi je me suis permis de
vous interrompre tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux - que, en son
état actuel, l'article 114 du code de procédure pénale ne permet pas aux
avocats de remettre la copie du dossier d'instruction, en tout ou en partie, à
leur client. La Cour de cassation n'a pas dit qu'il faut qu'il en soit ainsi.
Elle a constaté qu'il en est ainsi. En effet, depuis longtemps, la pratique
oblige l'avocat à remettre à son client les copies de pièces du dossier.
Comme un avocat peut en tout cas montrer à son client de telles copies et
qu'il ne peut lui cacher quoi que ce soit qu'il y ait dans le dossier, ces
arrêts, qui pourtant ne pouvaient être que ce qu'ils étaient, ont soulevé
beaucoup d'émotion.
C'est dans ces conditions qu'avec le groupe socialiste j'ai déposé une
proposition de loi dès le 17 juillet 1995, c'est-à-dire dix-sept jours après
les deux arrêts de la Cour de cassation, tendant à modifier l'article 114 du
code de procédure pénale.
Cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour des débats du Sénat
le 12 décembre 1995. Mais la majorité du Sénat, suivant en cela sa commission
et M. le garde des sceaux, l'a rejetée purement et simplement.
Le 12 juin 1996 sont intervenus deux autres arrêts de la Cour de cassation,
qui reconnaissent le droit à toute personne, détenue ou non, ayant ou non un
avocat, d'obtenir copie complète de son dossier, et ce dès lors que la
juridiction de jugement est saisie.
Certes, cela ne règle pas encore le problème de la communication du dossier
d'instruction par l'avocat à son client, mais cela relativise sérieusement les
choses : la communication peut intervenir longtemps avant que l'affaire soit
effectivement jugée, ce qui permettrait, s'il était possible, le mauvais usage
de la copie du dossier que prétendent craindre encore certains membres
influents de la commission des lois du Sénat et, dans une moindre mesure, M. le
garde de sceaux lui-même.
En effet, faisant état des arrêts de la Cour de cassation du 12 juin 1996
devant l'Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion du présent projet
de loi, M. le garde des sceaux ne s'est pas franchement opposé à la
communication de tout ou partie du dossier d'instruction par l'avocat à son
client.
Notre propre suggestion, dans sa lettre même, avait été reprise en première
lecture, d'une part, par M. Weber, député du Haut-Rhin, d'autre part, par le
rapporteur lui-même, M. Houillon qui a contresigné ce qui était notre
amendement de départ, repris par le groupe socialiste de l'Assemblée
nationale.
En définitive, le principe est retenu dans le texte qui nous revient de
l'Assemblée nationale, mais avec des modalités inadmissibles dont nous
demanderons la suppression en nous expliquant à leur égard : la possibilité de
communication à des tiers des seuls rapports d'expertise, l'obligation pour
l'avocat de déclarer ou de réclamer par lettre recommandée avec accusé de
réception au juge d'instruction la copie des pièces qu'il entend remettre à son
client - cette incursion du juge d'instruction au sein de la défense elle-même
est inadmissible ! - l'attente, enfin, d'un décret en Conseil d'Etat pour que
les nouvelles dispositions s'appliquent à un détenu.
Il y a encore du travail, on le voit, pour le Sénat et pour la navette ! J'ai
entendu avec plaisir M. le rapporteur indiquer que la majorité de la commission
s'était prononcée contre notre amendement, mais que, après tout, elle le
préférait à celui qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. On finira
bien par s'entendre !
En ce qui concerne la mise en détention proprement dite, mon collègue et ami
Robert Badinter y reviendra.
Je me contenterai de répéter ce que j'ai dit dès la discussion générale de la
première lecture, à savoir que le remède proposé par M. le garde des sceaux est
une potion amère, pire que le mal, pourtant avalée par l'Assemblée nationale,
qui a tout de même demandé que l'avocat puisse être entendu par le président de
la chambre d'accusation devenu juge unique en appel.
On connaît notre préférence pour le système d'une chambre de l'instruction,
qui finira bien par s'imposer.
A défaut, on pourrait provisoirement en revenir à la décision prise d'emblée
par le président du tribunal de grande instance ou son délégué, à la demande du
juge d'instruction, système qui a parfaitement fonctionné entre la loi du 4
janvier 1993 et la loi du 24 août 1993.
Le système du recours devant le même président du tribunal de grande instance
à l'encontre de la décision du juge d'instruction, système proposé en première
lecture par M. Larché, maintenant amélioré par notre suggestion retenue par la
commission de faire statuer ce magistrat sans délai - ce qui évite de laisser
en détention plus ou moins administrative l'intéressé - est en définitive
préférable, de beaucoup, et en attendant mieux, à celui du projet d'origine
repris par l'Assemblée nationale.
On ne va pas, disiez-vous, monsieur le garde des sceaux, enlever au président
de la chambre d'accusation le pouvoir qui lui a été donné. Je rappelle que, en
l'occurrence, il s'agit d'un pouvoir dont il n'a pratiquement jamais fait
usage. En effet, il ne l'exerçait que lorsque les conditions énoncées à
l'article 144 du code de procédure pénale n'étaient manifestement pas
respectées, ce qui est très rarement le cas, c'est le moins que l'on puisse
dire.
Il restera pourtant à retenir devant le juge d'instruction lui-même comme
devant le même président du tribunal de grande instance le principe du débat
public, étant rappelé que l'instauration, sur l'initiative de M. Robert
Badinter, d'un débat préalable à l'incarcération, devant le juge d'instruction,
a déjà abouti, ainsi que chacun l'a reconnu lors de la première lecture du
présent projet de loi devant le Sénat, à une très grande diminution du nombre
des mises en détention provisoire.
Le troisième et dernier point que je voudrais aborder concerne l'indemnisation
des personnes mises en détention alors qu'elles n'auraient pas du l'être.
Jusqu'à présent, statue en la matière une unique commission à la Cour de
cassation, d'ailleurs trop rapidement et précisément sans débat, et sans débat
public.
Il faudra, dès que possible, prévoir une procédure contradictoire écrite et
orale devant des commissions décentralisées, au moins une par cour d'appel.
Ce qui demeure urgent, c'est que le droit à indemnisation, dans le cas qui
nous occupe, soit proclamé par la loi.
M. le garde des sceaux, qui avait voulu, devant nous, que ne soit réparé que
le préjudice « anormal », sans préciser ce qu'il entendait par-là, a donné
toutes les précisions devant l'Assemblée nationale en citant, de manière
exhaustive, les quatre cas dans lesquels il serait indécent qu'une réparation
intervienne.
Je le cite : « Il faut être bien clair, il est des cas où le préjudice n'est
pas anormal, même lorsque la personne détenue provisoirement a vu reconnaître
son innocence. »
Le temps m'étant compté, je résumerai vos propos, monsieur le garde des
sceaux, mais en y restant fidèle. On peut se retrouver dans cette situation
dans quatre hypothèses. La première, c'est l'irresponsabilité pénale. La
deuxième, c'est l'amnistie. La troisième, c'est la prescription. La quatrième,
c'est le cas dans lequel la personne se serait librement accusée à tort
elle-même, ou se serait laissé accuser à tort.
Dans toutes ces hypothèses, la détention provisoire n'a pas créé un préjudice
anormal pour celui qui l'a subie, car elle était dans tous les cas justifiée au
moment où elle a été prononcée.
Monsieur le garde des sceaux, nous avons donc déposé un amendement pour que
toute réparation soit exclue par la loi dans les quatre cas que vous avez à
juste titre retenus, afin que nous soyons d'accord. Dès lors, il n'y a plus de
raison de ne pas écrire qu'il doit y avoir réparation, de manière à éviter que
la commission refuse une réparation alors que l'on ne serait pas dans l'un des
quatre cas que je viens d'évoquer.
Si nos suggestions, qui sont de simple bon sens, devaient être retenues par le
Sénat - ce qui, il est vrai, est trop rare - nous n'aurions pas de raison de
rester hostiles à l'ensemble du texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le
Sénat examine en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la détention
provisoire.
Mon groupe ne peut que se satisfaire de cette nouvelle lecture consécutive au
désaccord survenu lors de la commission mixte paritaire.
Le recours abusif par le Gouvernement à la procédure d'urgence participe du
processus de dessaisissement du Parlement de son rôle de législateur, surtout
quand nous apprenons que la loi serait promulguée en mars prochain.
S'agissant de l'objet même du projet de loi, je citerai, comme préalable à mon
intervention, l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen qui précise : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait
été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur
qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement
réprimée par la loi. »
Compte tenu du taux de prévenus dans la population carcérale, qui atteint 40 %
en 1996, la durée moyenne de la détention provisoire étant de 4,1 mois en 1995,
il semble bien que cet article IX soit insuffisamment respecté.
En outre, 1 231 condamnés avec sursis et 1 629 bénéficiaires d'un non-lieu,
d'un acquittement ou d'une relaxe avaient été placés en détention provisoire en
1993.
Ainsi, 2 860 personnes qui ont connu la prison ont finalement fait l'objet
d'un jugement aux termes duquel elles ne méritaient pas de subir l'univers
carcéral. Cela n'est pas acceptable !
Différentes modifications ont été apportées par l'Assemblée nationale au texte
qui résultait des travaux du Sénat.
Ainsi, les députés ont adopté un amendement visant à autoriser la
communication aux parties de reproductions de pièces et actes d'un dossier
d'instruction.
En l'état actuel du droit, les parties, si elles peuvent consulter sur place
le dossier, n'ont pas la possibilité d'en obtenir de reproduction.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise que les copies ainsi
obtenues ne peuvent être communiquées à des tiers, à l'exception des copies de
rapports d'expertises, si ces communications sont nécessaires aux besoins de la
défense. La méconnaissance de cette interdiction est passible d'une amende de
25 000 francs.
L'avocat a obligation de donner préalablement au juge d'instruction la liste
des pièces dont il entend communiquer une copie à son client, le magistrat
instructeur ayant la possibilité de choisir les documents susceptibles de
donner lieu à la remise de reproductions.
Cela constitue indéniablement une atteinte aux droits de la défense, une
immixtion dans les relations entre l'avocat et son client et dans le choix de
la défense, ce que nous ne saurions approuver.
La commission des lois du Sénat propose de revenir purement et simplement sur
cette possiblité de reproduire les pièces d'un dossier, en supprimant l'article
1er AB. Nous n'y sommes pas favorables dans la mesure où la possibilité donnée
à l'avocat de disposer des pièces de l'affaire pour en discuter avec son client
favorisera indéniablement les droits de la défense. Cela n'exclut pas, bien
évidemment, de prévoir des garde-fous afin que cette procédure ne soit pas
préjudiciable à l'une ou l'autre partie concernée.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale est revenue sur la fixation d'une durée
maximale de détention provisoire de un an en proposant de revenir sur la durée
maximale de deux ans lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans et
inférieure à dix ans. Comme lors de la première lecture, le groupe communiste
républicain et citoyen soutiendra l'amendement de la commission des lois
tendant à établir une durée limitée en matière d'incarcération préventive.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'évoquerai pas, au cours de la
discussion générale, la question du référé-liberté. Nous aurons l'occasion d'y
revenir lors de l'examen des amendements.
Si nous nous félicitons de la suppression des dispositions relatives au
placement sous surveillance électronique, nous déplorons le fait que
l'Assemblée nationale ait cru bon d'en adopter le principe comme palliatif
éventuel de la détention provisoire. En effet - nous avons eu l'occasion de
l'expliquer récemment lors de l'examen de la proposition de loi de M. Cabanel -
le placement sous surveillance électronique viendra se substituer non pas à
l'incarcération, mais au dispositif existant de contrôle judiciaire.
Quant au refus d'exclure l'éventuel état de récidive pour le placement en
détention provisoire, nous proposerons à notre assemblée de confirmer son vote
sur cette question en rétablissant l'article 1er A. Je ne saurais conclure mon
intervention sans évoquer l'amendement n° 5 présenté par le Gouvernement et
tendant à autoriser les perquisitions en dehors des heures prévues par
l'article 59 du code de procédure pénale, dès lors qu'il s'agit d'actes de
terrorisme.
L'article 706-24 du code de procédure pénale avait été modifié par l'ajout de
quatre alinéas lors de l'adoption de la loi tendant à renforcer la répression
du terrorisme. En vertu des trois premiers, s'agissant d'infractions entrant
dans la définition des actes de terrorisme, pouvaient désormais être opérées de
nuit, des visites, perquisitions et saisies si les nécessités de l'enquête ou
de l'instruction l'exigeaient ; le quatrième alinéa fixait les règles
spécifiques de répartition des compétences entre présidents de tribunal de
grande instance.
Le Conseil constitutionnel a considéré que cet article était contraire à la
Constitution, au motif que le principe de liberté individuelle, reconnu par les
lois de la République et garantissant l'inviolabilité du domicile, ne saurait
connaître d'atténuations qu'autant que celles-ci sont rendues nécessaires pour
sauvegarder l'ordre public, ce qui ne saurait être le cas dans le cadre d'une
enquête préliminaire.
Le Gouvernement, arguant des récents événements survenus dans le RER à la
station Port-Royal, revient à nouveau sur cette dispostion en autorisant « en
cas d'urgence, si les nécessités de l'instruction l'exigent, les visites,
perquisitions et saisies en dehors des heures prévues par l'article 59, pour la
recherche et la constatation des actes de terrorisme ».
Nous ne pouvons que déplorer le fait que, sur un sujet aussi grave, le
Gouvernement procède par voie d'amendement pour autoriser une procédure jugée
contraire à la Constitution, en développant une argumentation pour le moins
critiquable sur le plan juridique.
Cette pratique est d'autant plus contestable, outre son caractère
indéniablement de circonstance, qui utilise la consternation et le sentiment
d'horreur liés à l'attentat de Port-Royal, qu'elle exclue toute possibilité de
concertation avec les magistrats et les personnels de police pour connaître
leur sentiment quant à la nécessité d'adopter une telle disposition.
Que l'on ne se méprenne pas : il ne s'agit aucunement d'entraver la recherche
de criminels dont les actes ne cessent de soulever l'indignation et l'horreur ;
il s'agit, au contraire, de permettre aux forces de police de disposer de tous
les moyens dont un Etat de droit peut et doit se prévaloir.
Transiger sur des principes fondamentaux de notre République, en utilisant des
dispositifs relevant d'un droit d'exception dont l'efficacité reste à démontrer
ne me paraît pas bon au moment présent.
Vous souhaitez, dites-vous, reporter l'application du texte actuel au 1er mars
1997 et proposer un texte autonome relatif à l'objet de cet amendement. Il nous
semblerait judicieux d'en rester là.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, ne pouvant prétendre égaler les experts qui se sont
exprimés à la tribune cet après-midi, je parlerai de ma place, si vous le
voulez bien.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de
rappeler quelques principes de notre droit.
L'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
dispose : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait
pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par
la loi. »
Ce texte trouve sa traduction dans l'article 137 du code de procédure pénale,
et celui-ci souligne deux points importants.
D'abord, il précise que toute personne est présumée innocente tant qu'elle
n'est pas déclarée coupable. C'est la présomption d'innocence, principe
essentiel, que l'on oublie trop souvent en France, mais qui figure dans le
droit anglo-saxon d'une manière plus appuyée encore, puisqu'il affirme que tout
homme est présumé innocent tant que la preuve de sa culpabilité n'a pas été
faite.
La deuxième partie de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen se rapporte à la conduite à tenir envers une personne qu'il est jugé
« indispensable » d'arrêter. Il est stipulé que toute « rigueur » qui ne serait
pas nécessaire doit être proscrite et même « réprimée ».
Cette rigueur comprend, bien sûr, cette décision sévère et dure qu'est la
détention provisoire. On en fait en France un grand usage, sans que personne ne
songe à la réprimer.
A quels critères doit se référer le juge pour l'imposer ? Ces critères sont
précisés dans l'article 1er du présent projet de loi, notamment en ses deuxième
et troisième alinéas approuvés par le Sénat en première lecture et modifiés par
l'Assemblée nationale.
Il y est indiqué que la mise en détention provisoire peut être ordonnée pour
quatre raisons : premièrement, lorsque cette détention est « l'unique moyen de
protéger la personne mise en examen » ; deuxièmement, lorsqu'il faut « garantir
son maintien à la disposition de la justice » ; troisièmement, s'il faut «
mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ».
L'alinéa 3 a ajouté la quatrième raison : « lorsque l'infraction, en raison de
sa gravité, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice
qu'elle a causé, a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre
public ». Ce quatrième point fait d'ailleurs l'objet de deux amendements de nos
collègues socialistes et communistes. Nous en reparlerons.
J'ai donc énuméré les quatre motifs pouvant autoriser, au regard de la loi, la
mise en détention provisoire. Trois, relevant de l'urgence, sont
compréhensibles. Un autre, cependant, le paraît beaucoup moins : c'est celui
qui donne un pouvoir discrétionnaire aux juges d'instruction, et ceux-ci en
usent largement actuellement. Ce pouvoir, c'est celui d'incarcérer toute
personne qu'ils estiment suspecte afin de la « maintenir à la disposition de la
justice ».
Est-il donc indispensable de mettre les gens en prison pour qu'ils restent à
la disposition de la justice ? Je ne le pense pas, surtout lorsqu'il s'agit non
pas de crimes, mais d'affaires relevant du simple code pénal. Il y a là une
interprétation trop stricte d'une disposition trop vague de la loi.
Cette sévérité a une grave conséquence : c'est le nombre exceptionnellement
élevé - 39 % de la population carcérale - des personnes en détention provisoire
en France, celles que l'on appelle les « prévenus » et qui doivent répondre
ultérieurement, éventuellement, d'une infraction devant la justice pénale.
Ce taux se situe parmi les plus élevés du monde. Il est certes inférieur, en
Europe, à celui de la Turquie ou de certains pays de l'Est, telles la
République tchèque ou la Roumanie - ce ne sont pas des références - mais il est
nettement supérieur à celui des autres pays occidentaux : l'Allemagne,
l'Autriche - 33 % -, l'Espagne - 29 % -, la Suède - 21 % -, l'Angleterre et
l'Ecosse - 17 % -, l'Irlande - 8 %. Rappelons qu'aux Etats-Unis le taux se
situe autour de 12 %.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
Habert, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jacques Habert.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je souhaite rectifier le pourcentage cité par
notre collègue, s'agissant de la proportion de prévenus au sein de la
population carcérale.
En effet, le taux de 39 % que vous avez cité inclut tous les prévenus, y
compris ceux qui ont interjeté appel après avoir été condamnés.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Bien sûr !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Ils entrent dans la catégorie des prévenus,
car ils n'ont pas été définitivement condamnés. Ils sont considérés comme
prévenus même s'ils ont formé un recours en cassation, puisque le recours en
cassation, en matière pénale, a un effet suspensif. Par conséquent, le taux de
véritables prévenus est de 20 à 25 % de la population carcérale, et il est donc
beaucoup plus proche que vous ne le disiez des taux des pays comparables.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
M. le président de la commission a tout à fait raison
!
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Habert.
M. Jacques Habert.
Je vous remercie de cette précision, qui ne change cependant pas le fond de
mon propos puisque, en France, le nombre de personnes en détention provisoire,
qui attendent d'être interrogées, qui veulent s'expliquer et n'ont jamais été
jugées, s'élève, selon vos chiffres, au quart de la population carcérale, ce
qui est considérable.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Monsieur Habert, si une personne est
condamnée à cinq ans de prison et fait appel, elle est alors considérée comme
un prévenu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quel est le chiffre, monsieur le président de la commission ?
M. Jacques Habert.
Le taux des personnes non condamnées s'élève à 25 % !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
27 % !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non !
M. le président.
Nous ne sommes pas en commission, messieurs ! La parole est à M. Habert, et à
lui seul !
M. Jacques Habert.
Le taux des personnes non jugées, non condamnées, se trouvant en prison,
s'élève donc à 25 %.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous
interrompre ?
M. Jacques Habert.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Environ 15 000 personnes détenues, en phase
d'instruction, peuvent être considérées comme des « prévenus » au sens que l'on
donne en général à ce mot, même si, comme l'a très bien expliqué M. le
président de la commission des lois, la définition française n'est pas la même
que celle des Anglo-saxons : nous considérons en effet qu'une personne n'est
définitivement condamnée que quand son pourvoi en cassation est jugé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Combien y a-t-il de primaires ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
On compte donc environ 15 000 prévenus.
Dans ces conditions, on peut dire que ce qu'a indiqué M. le président de la
commission des lois est parfaitement exact : si l'on considère qu'environ 56
000 personnes se trouvent aujourd'hui en détention, 20 % à 25 % d'entre elles
le sont au titre de « prévenu », c'est-à-dire en phase d'instruction de leur
affaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et combien de primaires ?
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Habert.
M. Jacques Habert.
Je vous remercie de vos précisions, monsieur le garde des sceaux ; mais je
trouve que 15 000 prévenus, c'est quand même beaucoup !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Tout à fait ! On n'a jamais dit le contraire !
M. Jacques Habert.
C'est beaucoup trop, en particulier quand il s'agit de gens - et ils sont
nombreux - qui sont soupçonnés de délits relevant du droit pénal et non pas de
crimes de sang ou autres crimes.
Le nombre des prévenus est beaucoup trop élevé et leur détention « provisoire
» dure beaucoup trop longtemps.
Cette remarque vaut pour tous, quelles que soient l'origine sociale ou les
fonctions tenues avant l'incarcération. Mais il faut noter que, parmi ces
personnes, certaines étaient jusque-là honorablement connues et occupaient des
positions élevées dans notre société : chefs d'entreprise, présidents de
compagnie, administrateurs de sociétés, sans parler des maires, des
parlementaires ou des anciens ministres. Est-il vraiment utile de les maintenir
en détention pendant des mois pour la recherche de la vérité, alors que,
quelquefois, on ne les interroge même pas ?
Cette situtation, qui se répète, devient de plus en plus choquante. On se
demande jusqu'où l'on peut aller, et pendant combien de temps on va garder des
hommes en prison, sans jugement.
Le sénateur représentant les Français de l'étranger que je suis est souvent
questionné à cet égard, hors de nos frontières. La détention sans jugement, et
sans limites précises, est sujet d'étonnement, surtout aux Etats-Unis, bien
sûr, où la liberté provisoire est un droit, tant que l'on n'a pas été condamné
! Ne serait-il pas bon que ce droit soit aussi clairement écrit et défini dans
notre code ?
En Amérique, il suffit de payer une caution pour recouvrer - au moins
provisoirement - la liberté. Le juge s'entoure de toutes les garanties qu'il
estime devoir prendre pour que l'inculpé demeure à la disposition de la
justice. Certes, cela coûte très cher à l'intéressé,...
M. Guy Allouche.
Ah oui !
M. Jacques Habert.
... mais, au moins, il est libre de retourner vivre dans sa famille, tout en
restant sous surveillance. Il reçoit l'ordre de ne pas se déplacer hors d'un
certain périmètre et de garder contact avec les autorités. La justice en exerce
le contrôle, mais au moins, il n'est pas maintenu entre quatre murs et
n'encombre pas inutilement les prisons.
Un dernier point doit être souligné, car, de même qu'il nous rend très
perplexes, il inquiète vivement nos compatriotes. La justice, en France,
est-elle la même pour tous ?
On constate que certains prévenus sont gardés en prison, parfois pendant de
longs mois, sans jugement, alors que d'autres, même après avoir été jugés et
condamnés, mais ayant fait appel, n'y sont pas envoyés. On se demande pourquoi
!
Il est inutile de citer des exemples et des noms que chacun connaît. Nous
avons l'impression que, dans le domaine de la détention provisoire, des
inégalités flagrantes, des abus et des iniquités existent. Nous souhaitons
qu'il soit possible d'y remédier.
La discussion de ce projet de loi nous permettra de mieux éclairer les points
dont je viens de parler, et j'espère, monsieur le garde des sceaux, mes chers
collègues, que la justice à laquelle nous aspirons tous en sortira
renforcée.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je sollicite une suspension de
séance de cinq minutes.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures
dix.)
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voici réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi relatif à la détention
provisoire.
En effet, animés du souci constant de légiférer dans de bonnes conditions, nos
collègues membres de la commission mixte paritaire, sous la houlette du
président Jacques Larché, ont permis la reprise de la navette et nous
conduisent ainsi à procéder à cette nouvelle lecture du texte.
Je les en remercie vivement. A en juger par l'excellent rapport de notre
collègue Georges Othily, c'était vraiment souhaitable.
Toutefois, monsieur le garde des sceaux, entre la première lecture au Sénat,
le 29 mai dernier, et aujourd'hui, un fait nouveau est intervenu : la
publication du rapport de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat. Rédigé à
votre demande, selon une formule dont je salue la nouveauté - il ne s'agit en
effet pas d'une énième commission de réflexion - ce rapport contient de
nombreuses propositions de réforme du code de procédure pénale, propositions
qui, en particulier, concernent la détention provisoire.
Sur la forme, vous me permettrez de faire observer qu'il y aurait quelque
incohérence à légiférer aujourd'hui sans tenir compte de ce travail, soit dans
l'esprit, soit dans la lettre, sauf à considérer que le présent texte est un
coup d'épée dans l'eau dans l'attente du suivant ou bien que le rapport auquel
je fais référence est à classer dans les rayonnages de la bonne conscience
républicaine.
Mais je ne doute pas, monsieur le garde des sceaux, que telles ne sont pas vos
intentions. C'est pourquoi je m'efforcerai de démontrer la similitude des
objectifs poursuivis tant par le rapport de Mme Rassat que par le présent
projet de loi, afin de mieux mettre en évidence l'intérêt des solutions
proposées par la commission des lois.
Les objectifs sont clairs : éviter le recours à la détention provisoire et
limiter la durée de cette dernière. Tel fut d'ailleurs, en première lecture, le
sens des compléments apportés par la Haute Assemblée au texte initial du
Gouvernement.
Néanmoins, toute la difficulté en la matière consiste à établir un équilibre
entre la présomption d'innocence et la nécessité d'apporter certaines
restrictions à la liberté.
Ainsi, dans sa rédaction de 1958, l'article 137 du code de procédure pénale
dispose que la détention provisoire ne peut être prononcée qu'à titre
exceptionnel. Le principe est donc la liberté de la personne mise en examen. Si
cette liberté ne peut être intégrale, le mis en examen peut être placé sous
contrôle judiciaire. C'est seulement si les obligations du contrôle judiciaire
sont insuffisantes au regard des nécessités de l'instruction ou des exigences
de la sécurité publique que le mis en examen peut être placé ou maintenu en
détention provisoire.
Pourtant, force est de constater que, malgré les efforts répétés du
législateur, notamment depuis 1970, le nombre des détenus provisoires n'a
pratiquement jamais cessé d'augmenter non seulement en nombre absolu, ce qui ne
ferait que suivre l'augmentation générale de la délinquance, mais surtout en
pourcentage des incarcérés, ce qui ne peut avoir la même explication.
Il représentait 37,5 % des détenus, en 1970, près de 52 %, en 1984, pour
osciller aujourd'hui entre 40 % et 50 % de la population carcérale. J'ai bien
compris qu'il faut relativiser ces chiffres, car sont comptabilisés non pas
seulement les détenus en cours d'instruction mais aussi ceux qui, condamnés en
première instance, sont en attente d'un jugement d'appel.
Enfin, la durée moyenne des détentions provisoires n'a cessé de s'élever et
demeure très souvent largement supérieure aux maxima théoriques fixés.
Dès lors, il nous faut identifier les raisons de cet état de fait. Le
professeur Rassat en isole deux principales.
La première tient de la théorie du « serpent qui se mord la queue ». A force
de vouloir limiter la détention provisoire, on l'a enfermée dans un régime
tellement contraignant pour le juge d'instruction que, finalement, celui-ci
passe le plus clair de son temps à gérer des détentions provisoires, ce qui
l'empêche d'accomplir ses tâches principales d'investigation, allonge la durée
moyenne des instructions et, par voie de conséquence, celle des détentions
provisoires.
Je cite : « La meilleure façon d'obtenir un raccourcissement des détentions
provisoires et aussi des instructions est d'inverser complètement la vapeur et
de rechercher tous les moyens possibles d'alléger la tâche du juge
d'instruction, notamment en le déchargeant le plus possible de la gestion des
détentions provisoires, qui occupe une trop grande partie de son temps utile.
»
La seconde raison est que l'on traite de la « détention provisoire » en
général sans se demander s'il n'y aurait pas diverses formes de détention
provisoire qui pourraient relever de plusieurs régimes différents en fonction
des buts qu'elles poursuivent. Pour ma part, je crois volontiers en la
pertinence des causes ainsi énoncées.
L'auteur de ces réflexions en conclut que trois régimes de détention avant
jugement devraient coexister.
Le premier, c'est celui de la détention utile à la manifestation de la vérité
ou détention provisoire
stricto sensu.
Le juge d'instruction doit avoir,
en effet, la possibilité de placer en détention provisoire tout mis en examen
dont il démontre que la liberté nuirait à l'efficacité de son instruction.
Le deuxième régime, c'est celui de la détention visant à garantir la sécurité
publique, ou détention préventive, puisqu'elle a bien pour but de prévenir les
atteintes au mis en examen, la commission d'infractions, les réactions
d'incompréhension de la population, etc. Cette détention préventive, comme il
convient donc de la qualifier, devrait non plus être prononcée par le juge
d'instruction, mais demandée par le ministère public.
Enfin, troisième forme de détention, la détention censée prévenir la fuite.
Il est certain que les modalités techniques proposées par le rapport Rassat et
ainsi résumées ne correspondent pas, point par point, à celles qui sont
contenues dans le projet loi dont nous débattons aujourd'hui.
Il n'en demeure pas moins qu'elles visent les mêmes objectifs. Et si l'on en
juge par le nombre de procédés divers et variés essayés depuis les lois du 14
juillet et du 12 août 1865 pour réduire le domaine, le volume et la durée de la
détention provisoire, on est pris de vertige. On mesure aussi combien la
vérité, en la matière, est toute relative. Seule la pratique nous démontrera
l'efficacité des dispositions que nous allons adopter.
Néanmoins, je suis convaincu que, sur la base des conclusions de notre
rapporteur, nous parviendrons à un texte équilibré. C'est pourquoi je me
bornerai à faire quelques observations.
Concernant la communication aux parties de copies du dossier d'instruction, je
partage pleinement la position de la commission, qui estime que cette question
doit être réglée dans le cadre d'une démarche globale concernant la présomption
d'innocence et le secret de l'instruction dans leur ensemble.
Dans le même esprit, la durée maximale de deux ans prévue pour la détention
provisoire lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement
et inférieure à dix ans apparaît excessive. Il est donc opportun de revenir au
texte que nous avions adopté en première lecture et qui fixait cette durée
maximale à un an.
En outre, je ne peux qu'approuver la rédaction proposée par la commission pour
l'article 7, rédaction qui vise à rétablir le référé-liberté, dont l'objet
demeure le prononcé de la suspension des effets de l'ordonnance de placement en
détention provisoire.
De même, l'inscription dans la loi du principe du placement sous surveillance
électronique comme substitut à la détention mérite d'être saluée. Du principe à
la pratique, il n'y a qu'un pas. Il devrait être franchi par l'adoption
prochaine de la proposition de loi de M. Cabanel.
Enfin, comment ne pas être satisfait de la rédaction de l'article 5
bis,
qui ouvre l'indemnisation pour détention provisoire abusive à toute
personne dont la détention a causé un préjudice sans même exiger que celui-ci
soit anormal ! Bien entendu, il appartiendra à la commission d'indemnisation
d'apprécier chaque cas d'espèce.
En conclusion, monsieur le ministre, je soutiendrai sans réserve les
amendements de la commission, qui, j'en suis persuadé, donneront à notre texte
le cap indispensable pour braver l'outrage du temps.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voici de nouveau confrontés à de difficiles problèmes de procédure pénale.
Difficiles en soi, par leur nature même.
Encore plus difficiles peut-être, monsieur le garde des sceaux, parce que le
choix fait par le Gouvernement de nous proposer un texte partiel - sans
attendre la réflexion générale demandée par lui à un professeur de droit et à
laquelle il a été fait allusion voilà quelques instants, sans attendre donc les
conclusions qu'il lui appartiendra d'en tirer - nous prive de la vue d'ensemble
qui eût été souhaitable.
Vous me permettrez sans malice, monsieur le garde des sceaux, de remarquer
que, dans cette circonstance - mais j'admets qu'il y a des urgences pressantes
! - vous avez cru pouvoir procéder sans attendre un des rapports de ceux que
vous avez consultés, ce qui n'a pas été votre méthode dans un autre domaine.
Mais, enfin, sans doute avez-vous vos raisons !
Difficiles, enfin, et peut-être surtout, parce que l'insuffisance des moyens
de la justice rend encore plus grand l'écart entre le souhaitable, sur lequel
on est généralement assez d'accord, et le possible, que l'on a bien du mal à
mesurer, ce qui, pour les esprits soucieux d'efficacité plus que de
satisfactions verbales, dont je suis, rend la présente démarche encore plus
précaire. Je me bornerai ici à l'examen des deux questions qui me paraissent
être les plus grosses de conséquences : d'une part, le référé-liberté ; d'autre
part, l'accès des prévenus ou des personnes mises en examen, pour parler plus
exactement, aux pièces de leur dossier.
S'agissant du référé-liberté, c'est-à-dire du moyen de limiter - il faut bien
se rappeler le but - la marge d'erreur du juge d'instruction, juge unique dans
cette décision si capitale, si lourde de conséquences irréparables qu'est la
mise en détention préventive, il convient - nous devrions être d'accord sur ce
principe - de rechercher le dispositif le plus efficace, même s'il n'est pas,
intellectuellement, du point de vue de la théorie et de l'organisation générale
des pouvoirs judiciaires, le plus cohérent avec notre système pénal.
Je crois, à cet égard, et j'en suis même de plus en plus persuadé au fur et à
mesure qu'avance notre discussion, qu'il est meilleur de soumettre ce référé au
président du tribunal de grande instance.
En effet, la proximité immédiate qui en résulte - car tout ne se passe pas
toujours dans des cours d'appel où il suffit de traverser quelques couloirs
pour aller du bureau du juge d'instruction à celui du président de la chambre
d'accusation, il est quantité de cas où il y a plus de cent kilomètres à
parcourir - la proximité immédiate, dis-je, facilite et accélère, en premier
lieu, le fonctionnement du système de transmission des pièces d'intervention du
ministère public, de l'avocat, du mis en examen.
Or, nous sommes dans un domaine où la rapidité, je dirai l'instantanéité, est
essentielle, car, dès lors qu'il y a un délai - ce qui, pour des raisons
pratiques que l'on devine bien, est inévitable s'il y a une distance
géographique - en fait, la détention préventive commence, et ce sont les
premières heures qui sont les plus traumatisantes, nous le savons tous.
En deuxième lieu, la proximité permet, en particulier, l'audition directe de
la personne concernée, audition qui n'a pas lieu - ou alors très rarement -
quand on va devant le président de la chambre d'accusation. Or, cette audition
directe me semble être un élément essentiel au regard de la décision à prendre,
car aucune pièce, aucun procès-verbal ne pourra jamais remplacer l'expression
directe.
Enfin - j'ai la faiblesse de croire que cela est plus important qu'on ne
l'imagine - le fait de soumettre la décision au président du tribunal de grande
instance où se trouve le juge d'instruction permet audit président, qui est,
reconnaissons-le, pour lui rendre hommage, l'un des rouages les plus
opérationnels de notre système judiciaire, indépendamment de la décision
ponctuelle qu'il prend, d'exercer en permanence, par ses contacts quotidiens
avec ses juges d'instruction, une influence régulatrice qui me paraît être tout
à fait importante. Celle-ci n'est pas exercée par les décisions du président de
la chambre d'accusation, qui, forcément lointain, statue dans la plupart des
cas sur pièces et donc d'une manière abstraite. C'est ce qui donne, je crois,
un caractère très limité à l'efficacité du système actuel.
On ne peut en espérer les effets modérateurs que nous souhaitons, en attendant
l'institution de la collégialité, qui est la seule solution convenable face à
un tel enjeu, à supposer que les moyens nécessaires soient réunis, ce qui nous
ramène à ce qui est, à mes yeux, le problème essentiel de la justice, un
problème de moyens infiniment plus qu'un problème de textes.
M. Christian Bonnet.
Voilà !
M. Pierre Fauchon.
Vous avez fait observer, tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, que
cela ne cadrait pas avec notre système général. Eh bien ! même si cela ne cadre
pas, si cela permet de mieux atteindre le résultat que nous souhaitons, prenons
la voie la plus efficace...
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
... sans nous soucier trop de ce qui cadre ou de ce qui ne cadre pas !
Par ailleurs, il me semble que vous avez assimilé peut-être un peu rapidement
la notion de sursis à exécution et la notion de décision sur le fond. Ce que
nous attendons du président du tribunal de grande instance, c'est simplement un
sursis à exécution. Or, il est habituel à notre système judiciaire - cette
fois, c'est moi qui m'y réfère - de distinguer très clairement la notion de
sursis à exécution de la notion de décision sur le fond.
Au total, je crois qu'il serait véritablement sage - ce n'est pas une question
de doctrine, c'est une question de pratique - d'adopter le système que nous
proposons, sans aucun entêtement, mais parce que nous sommes persuadés qu'il
est tout simplement plus efficace.
J'avoue que mes idées sont beaucoup moins arrêtées en ce qui concerne la
question de la communication aux parties de la reproduction des copies du
dossier de l'instruction, question que la commission n'a pas voulu dissocier -
c'est le sens de sa décision - de l'ensemble des problèmes du secret de
l'instruction.
Mon hésitation tient non pas aux principes mais aux modalités. Au plan des
principes, j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer - notre excellent collègue Michel
Dreyfus-Schmidt ne s'est pas fait faute de le rappeler tout à l'heure avec un
mélange de gentillesse et peut-être d'une certaine perversité,... je me le
demande ! -
(Rires sur les travées socialistes)
et je ne manquerai pas
d'exprimer encore la conviction qui est la mienne, et celle, je crois, de tout
avocat, que tout accusé a le droit de savoir non seulement de quoi mais aussi
sur le fondement de quoi on l'accuse.
Savoir, c'est, évidemment, avoir la capacité d'examiner directement et dans
des conditions normales les pièces de son dossier, toutes les pièces. Cela
suppose, bien sûr, la disposition de copies.
On ne peut ignorer, cependant, que la disposition de telles pièces peut donner
lieu à des abus préjudiciables à des tiers, et on est pris, alors, entre le
souci d'informer le prévenu et celui de ne pas porter une atteinte illégitime à
des tiers. Il est très difficile de faire de tels choix, et on en vient ainsi
au problème général du secret de l'instruction.
La pratique actuelle - il faut tout de même bien le rappeler - laisse à
l'avocat la responsabilité d'apprécier, en son âme et conscience, ce qu'il peut
faire ou ne pas faire dans le cadre d'un texte dont le caractère restrictif
n'est certes pas satisfaisant et qui, chacun le sait, est constamment violé, ce
qui, disons-le aussi, dans l'immense généralité des cas, ne pose pas de
problèmes réels. Il a malheureusement fallu que quelques cas d'espèce obligent
la Cour de cassation à rappeler la loi dans son caractère formel, ce qui nous a
conduits à nous interroger sur une modification de cette loi.
La modification qui est proposée par l'Assemblée nationale ou, par voie
d'amendements - je simplifie - par nos excellents collègues du groupe
socialiste, a le mérite de poser le principe de la communicabilité, mais
l'inconvénient de tenter d'en prévenir les abus par une sorte de censure
confiée au juge d'instruction.
Je ne vois pas comment, en fait, peut fonctionner cette censure. Notamment, le
dispositif qui a été imaginé par l'Assemblée nationale, dont j'oserais dire, si
j'étais dans les couloirs, qu'il s'agit d'une véritable « usine à gaz »
(Sourires),
me paraît véritablement compliqué, car on crée une procédure
supplémentaire, de surcroît minutieuse, qui confie au juge d'instruction la
charge, dangereuse pour lui comme pour tous, de s'opposer à la communication de
certaines pièces. Comme s'il n'avait pas déjà une tâche assez lourde !
Je ne puis m'empêcher d'imaginer, dans un autre contexte sans doute - il ne
faut pas abuser du rapprochement, mais enfin, il semble intéressant tout de
même - l'instructeur de l'affaire Dreyfus déclarant non communicable le faux
Henry ! On comprend, alors, que ce qui a été fait à l'époque, et qui était une
forfaiture, pourrait trouver, demain, aux termes du nouveau texte, un semblant
de justification, une amorce de justification.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non ! C'était un faux.
M. Pierre Fauchon.
Et que dire de la situation d'un avocat, cher confrère, qui se sera cru
obligé, en conscience, de communiquer à son client une pièce que le juge aura
déclarée non communicable ? Cela peut arriver, cela arrivera et, dans ce cas,
on aura placé cet avocat dans une situation pire que celle dans laquelle il se
trouve actuellement,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non ! Ce sera la même chose !
M. Pierre Fauchon.
... car il n'aura plus aucune excuse.
Des voix fort autorisées me disent que cette sécurité, en fait, ne jouera pas.
Qui peut le garantir et, dans ce cas, où est la sécurité ?
Dans le doute, il me semble que la pratique actuelle est préférable. Je le dis
en toute modestie car, il est vrai, j'ai changé d'avis sur ce point ; dans un
premier avis, un peu précipité et n'ayant peut-être pas mesuré les dangers de
cette procédure de contrôle par le juge d'instruction, j'avais précédemment
voté un amendement qui allait dans ce sens. Or il me semble, maintenant, que la
pratique actuelle, qui repose sur la déontologie des avocats, sur celle des
magistrats et sur celle du Parquet, et qui n'a donné lieu qu'à de très rares
accidents, peut être considérée comme préférable, en attendant que l'on invente
quelque chose de mieux.
J'avoue, encore une fois, que je n'ai aucune certitude suffisante, à la
différence de certains des collègues de mon groupe, en particulier, je tiens à
les citer, mes collègues François Blaizot et Pierre Lagourgue, qui sont tout à
fait favorables au texte de l'Assemblée nationale ou, en tout cas, à celui de
l'amendement qui vous sera présenté tout à l'heure.
Pour ma part, je reste parfaitement convaincu qu'il n'y a pas d'Etat de droit
sans clarté et sans transparence, mais je répugne à voter une disposition qui
présente le double inconvénient de n'être que l'approche partielle d'un
problème d'ensemble, celui du secret de l'instruction, et de recéler un
mécanisme de contrôle susceptible de fournir l'occasion, ou le prétexte, à des
abus pires que le mal.
C'est cette incertitude qui me conduira à suivre l'avis de la commission.
Ma conclusion sera évidemment, monsieur le président, monsieur le garde des
sceaux, mes chers collègues, qu'il faut rendre possible l'appréciation
collégiale de la mise en détention privisoire et aborder de front l'ensemble
des problèmes du secret de l'instruction. Le plus tôt sera - ou serait - le
mieux !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos
s'inscriront directement dans la ligne de ceux de mon excellent prédécesseur à
la tribune, M. Fauchon.
Je le remarquerai d'emblée, on ne peut pas dire que, dans ce domaine, le
législateur ait manqué de zèle ! C'est un problème essentiel de la justice
pénale française et, quand on voit le nombre de textes qui se sont succédé,
avec une accélération dans les dernières années de cette inflation législative,
on se prend à penser qu'il faudrait au moins que les alternances n'entraînent
pas, en la matière, des changements de procédure, avec toutes les conséquences
que cela implique pour le fonctionnement de la justice pour la magistrature, et
pour les avocats.
En tout cas, on peut tirer de cette longue série de textes intervenus depuis
1970 deux enseignements.
Quel dispositif a eu une influence heureuse sur le taux de détention
provisoire ? De tant d'expériences législatives, quels résultats positifs
pouvons-nous dégager ? Nous constatons que n'ont eu d'effets positifs que,
d'une part, les textes qui fixent des butoirs au délai de la détention
provisoire - je pense, en particulier, à la loi de 1975 - et, d'autre part,
ceux qui renforcent les garanties des justiciables quand ils sont suceptibles
de faire l'objet d'un placement en détention provisoire, et je pense ici, en
particulier, à la loi du 9 juillet 1984.
Je dois, à cet égard, rappeler que, de 1985 à 1995, contrairement à une idée
reçue trop répandue dans le public, et jusqu'à ce jour depuis la loi de 1984,
le taux de détention provisoire - je parle ici du placement par les juges
d'instruction dans les prisons françaises - n'a cessé de décroître, et de
manière très sensible. En effet - j'ai ici les chiffres de l'administration
pénitentiaire - nous sommes passés de 55 969 placements en détention provisoire
décidés par des magistrats instructeurs en 1985 à 44 650 en 1995, soit une
différence de 28 %.
En revanche, en ce qui concerne le nombre de détenus qui se trouvent dans les
prisons françaises - ce que l'on appelle le « stock » - je fais miennes les
observations du président Jacques Larché, avec quelques précisions. Il est
certain que le délai de détention est de plus en plus long, ce qui veut dire,
en clair, que c'est non pas le nombre mais bien la durée des détentions
provisoires qui est aujourd'hui le premier problème.
A partir de ces deux évidences - réduction du nombre de détentions en fonction
de garanties apportées aux justiciables et réduction des détentions en fonction
de délais butoirs - et au regard du texte en discussion devant nous, il est
aisé de répondre aux questions qu'il soulève.
En ce qui concerne le délai butoir, il est évident que le choix fait par le
Sénat - un an au lieu de deux ans s'agissant des infractions susceptibles
d'être punies d'une peine de cinq à dix années d'emprisonnement - est
préférable parce que c'est un délai butoir mieux venu que celui qui a été
adopté par l'Assemblée nationale. Sur ce point, il faut, par conséquent, suivre
les propositions de la commission des lois.
En ce qui concerne le problème, plus complexe, des garanties apportées aux
justiciables, il est certain que la véritable réponse, c'est la collégialité ;
cela a été dit par mon ami Michel Dreyfus-Schmidt ainsi que par vous-même, tout
à l'heure, monsieur Fauchon, et par d'autres encore.
Or, je le rappelle, cette garantie - garantie clé losrqu'il s'agit du
placement en détention provisoire - a déjà été adoptée à trois reprises, sous
des formes différentes, mais toujours en affirmant le principe. Nous aurons
d'ailleurs l'occasion d'en reparler lorsque viendra en discussion la réforme
annoncée du code de procédure pénale.
Croyez-moi, hors la collégialité, il n'y a pas de véritable salut, il y a
seulement des mesures temporaires !
Or, puisque nous n'en sommes pas ou plus à la collégialité - pour l'instant
tout au moins, car nous y reviendrons - se pose la question du choix : quelle
amélioration des garanties des justiciables ? Deux systèmes de référé-liberté
s'offrent à nous, l'un qui donne compétence au président de la chambre
d'accusation, l'autre, horizontal, qui relève de l'autorité du président du
tribunal de grande instance.
Le système qui a été adopté et qui, à l'heure actuelle, est en vigueur, est
celui du référé devant le président de la chambre d'accusation. Il apparaît à
cet égard que, dans la version dont nous discutons à l'heure actuelle, qui est
celle de l'Assemblée nationale, on n'a sans doute pas mesuré toutes les
conséquences du choix opéré.
Jusque-là, dans le cas où la détention n'avait manifestement pas lieu d'être,
il n'était question que de suspendre les effets de la décision, c'est-à-dire de
suspendre l'exécution de la décision en attendant que la chambre d'accusation
se prononce. Or, dans la version qui a été adoptée par l'Assemblée nationale,
on est passé à l'infirmation de la décision du magistrat instructeur. A cet
instant, c'est donc le président de la chambre d'accusation qui détient seul le
pouvoir d'infirmer.
Fort bien, dira-t-on, puisqu'il ne s'agit que du pouvoir d'infirmer et, par
conséquent, de remettre du même coup en liberté celui qui aura été placé en
détention. Je demande à chacun, cependant, de mesurer ce que voudrait dire la
décision inverse. Croit-on sérieusement que, lorsque le président de la chambre
d'accusation aurait refusé d'infirmer la décision de placement en détention
prise par le magistrat instructeur, la même chambre d'accusation, se réunissant
quelques jours après autour du même président, pourrait infirmer, en quelque
sorte, la décision de son président ? C'est tout simplement inconcevable !
Dans ces conditions, ce qui constitue, de la part de l'Assemblée nationale, me
semble-t-il, une erreur d'appréciation, c'est que l'on aboutit, dès lors,
purement et simplement à un paradoxe : alors que nous aspirons à la
collégialité, qui est la meilleure garantie pour la liberté individuelle dans
un cas comme celui-là en première instance, on vient la supprimer cette fois-ci
au niveau de la cour d'appel, sans pour autant l'établir en première instance.
Je ne pense pas que cela soit véritablement une mesure qui fasse progresser la
liberté individuelle ou qui soit susceptible de diminuer le taux de détention
provisoire.
Reste le référé-liberté au niveau du président du tribunal. Il suscite les
objections que nous connaissons, elles ont été évoquées fort bien par les uns
et par les autres. Mais, en l'état, il a tout de même cette supériorité
pratique de laisser intacte - j'insiste sur ce mot « intacte » - l'appréciation
par la chambre d'accusation des décisions qui auront été prises en première
instance. C'est là la vocation même des cours d'appel qui, par définition -
ai-je besoin de le souligner - statuent toujours en collégialité,
a
fortiori
quand il s'agit, on le comprendra, d'une mesure concernant la
liberté individuelle.
Donc, le référé-liberté au niveau du président du tribunal constitue un
tempérament original qui appelle évidemment des interrogations mais qui, en
l'espèce, constitue, me semble-t-il, une garantie de plus, sans pour autant
diminuer en quoi que ce soit les possibilités de la chambre d'accusation. Voilà
ce que j'avais à dire s'agissant de ce qui est proposé dans le projet de
loi.
Par ailleurs, s'agissant toujours des garanties de la liberté individuelle
qu'il convient de renforcer, mes collègues du groupe socialiste, notamment mon
ami Michel Dreyfus-Schmidt, et moi-même - ce sera, je pense, un moment
important du débat qui interviendra tout à l'heure - avons souhaité, de la
façon la plus instante, saisir la Haute Assemblée de ce qui nous paraît
constituer un progrès sensible dans ce domaine.
Il existe depuis 1984, comme je l'évoquais, une véritable « audience tenue
dans le cabinet du juge d'instruction lorque celui-ci évoque la possibilité
d'un placement en détention provisoire ». Audience, cela veut dire débat
contradictoire en présence de celui qui est mis en examen et dont le sort va se
décider, en ce qui concerne le placement en détention, entre le ministère
public et l'avocat. C'est une véritable audience, et j'ajoute que c'est la
seule audience contradictoire existant dans la procédure d'instruction.
Vous connaissez le principe posé par la Convention européenne des droits de
l'homme dans son article 6-1 : toute audience, spécialement en matière pénale,
doit être publique, mais sous certaines réserves qui s'imposent.
Quand il s'agit d'une instruction, il ne faut pas compromettre les droits de
la personne dont on demande le placement en détention et qui est présumée
innocente ; l'audience ne sera donc publique que si l'intéressé le demande.
En outre, afin de ne pas compromettre le bon déroulement de l'information, on
ne doit pas méconnaître les risques qu'une publicité de l'audience peut
entraîner à l'encontre des droits des tiers ; il appartiendra donc aux
magistrats instructeurs de statuer sur la demande d'audience publique et de la
refuser par ordonnance motivée.
On pense en particulier aux affaires de terrorisme, de trafics organisés de
stupéfiants, de viols ou d'attentats aux moeurs, d'où la publicité doit être à
mon sens proscrite, en tout cas dans certains cas graves.
Enfin, il convient de prendre en compte l'intérêt de la justice elle-même. En
effet, nous le savons tous, depuis quelques années notamment, il se déroule
autour d'un certain nombre de placements en détention provisoire des sortes de
campagnes de désinformation qui aboutissent aux pires conséquences.
Rien ne vaut, pour garantir les droits des justiciables comme pour préserver
les intérêts de la justice, la transparence. Quand on entend les arguments d'un
côté et de l'autre, la presse est loyalement informée et l'on n'assiste pas à
des dévoiements et tentatives de manipulations de l'information qui sont
constants.
L'audience publique constitue un progrès sensible, c'est une garantie qui,
j'en suis sûr, aura des conséquences importantes en ce qui concerne les
placements en détention provisoire.
Tout homme, toute femme courant le risque qu'une telle décision soit prise à
son encontre doit pouvoir faire entendre sa voix au-delà de ce qui est
simplement le champ clos du cabinet du juge d'instruction.
Je terminerai sur ce point, que je reprendrai tout à l'heure, en disant que
l'audience publique, c'est aussi l'intérêt des magistrats instructeurs
eux-mêmes. En effet, lorsque l'on connaîtra les arguments pour et contre, le
soupçon qui pèse, qui est nourri ou entretenu à l'égard de certains magistrats
instructeurs - et je me plais à dire que je n'en ai jamais connu qui soient des
fanatiques des mandats de dépôt - sera balayé. Seule la transparence peut faire
taire ces soupçons. Voilà qui s'inscrit directement dans l'ordre des
préoccupations de la Haute Assemblée.
Je suis heureux de dire que la commission des lois, ce matin, a approuvé notre
amendement qui constituera, me semble-t-il, un élément très important de notre
discussion.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Fauchon applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article additionnel avant l'article 1er AA
ou après l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 17, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premières phrases du deuxième alinéa de l'article 137 du code de
procédure pénale sont remplacées par les trois alinéas suivants :
« La détention provisoire est prescrite ou prolongée, à la demande du juge
d'instruction, par le président du tribunal de grande instance ou le juge
délégué par lui.
« Le président du tribunal ou le juge délégué par lui, après avoir examiné la
matérialité des charges et la nature des incriminations, se prononce au vu des
seuls éléments du dossier relatifs à l'appréciation des conditions de mise en
détention provisoire fixées par l'article 144.
« Lorsque le président du tribunal ou le juge délégué par lui ne prescrit pas
la détention ou ne prolonge pas cette mesure, il peut placer la personne sous
contrôle judiciaire en la soumettant à une ou plusieurs des obligations prévues
par l'article 138-3. »
Par amendement n° 25, Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er AA, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré après l'article 137 du code de procédure pénale, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Art. - La détention provisoire est prescrite ou prolongée par une chambre
des demandes de mise en détention provisoire.
« Cette chambre est composée de trois magistrats du siège. Ne peuvent y siéger
le juge d'instruction saisi et tout magistrat ayant connu l'affaire en qualité
de juge d'instruction. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Avec cet amendement, nous proposons d'en revenir au système qui était en
vigueur entre le 4 janvier 1993 et le 24 août 1993.
Cet amendement est en discussion commune avec un amendement de nos collègues
communistes, que nous soutiendrons, car il vise à instaurer un système que nous
préférons : la collégialité.
Je rappelle d'ailleurs que la loi du 4 janvier 1993 n'avait prévu de donner le
pouvoir de statuer au président du tribunal de grande instance que
provisoirement, jusqu'au 1er janvier 1994, date à laquelle devait être mise à
nouveau en place la collégialité, système qui, avec des modalités différentes,
avait été voté quasiment à l'unanimité par le Sénat à la demande, d'abord, de
M. Robert Badinter, puis de M. Albin Chalandon.
Aujourd'hui, le référé-liberté est certes confié au président de la chambre
d'accusation, mais seulement en cas d'abus manifeste de la part du juge
d'instruction, ce qui, fort heureusement, n'est que tout à fait
exceptionnel.
Par ailleurs, il ne peut pas y avoir aussitôt débat devant le président de la
chambre d'accusation puisque celle-ci est, bien souvent, très éloignée du
cabinet du juge d'instruction.
A titre provisoire, en attendant la grande réforme du code de procédure
pénale, nous pensons qu'il est préférable de s'en remettre au président du
tribunal plutôt qu'au président de la chambre d'accusation.
Vous mesurez bien la différence entre le dispositif que nous proposons et
celui que proposera tout à l'heure - à moins que notre amendement ne soit
adopté - le président de la commission, M. Jacques Larché.
Il ne s'agit pas que le juge d'instruction prenne une décision et que
l'intéressé demande, en référé, au président du tribunal de grande instance de
prendre une décision contraire. Il s'agit que le juge d'instruction, s'il veut
placer quelqu'un en détention, demande au président du tribunal de grande
instance de prendre la décision.
Tel est le sens de l'amendement n° 17 que nous demandons au Sénat
d'adopter.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 25.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous
connaissez notre attachement - nous avons eu l'occasion de le rappeler souvent
- au principe de la collégialité.
Nous y attachons d'autant plus d'importance, dans le cadre de ce projet de
loi, que la détention provisoire porte atteinte à un principe essentiel, celui
du respect de la présomption d'innocence.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est nécessaire que la décision de placement
en détention provisoire soit prise par une formation collégiale excluant le
juge d'instruction saisi de l'affaire et tout magistrat ayant eu à en connaître
dans le cadre de l'instruction.
En effet, la détention provisoire ne doit pas être utilisée comme l'un des
moyens mis à la disposition des juges d'instruction pour faire apparaître la
vérité ou l'aveu.
Notre collègue, M. Cabanel, avait indiqué dans son rapport qu'une telle
disposition, en vigueur entre le 1er mars 1993 et la mise en application de la
loi du 24 août 1993, avait eu pour effet de réduire le nombre de placements en
détention provisoire. M. Cabanel indiquait alors que cela résultait pour partie
du fait que le juge d'instruction renonçait, dans certains cas, à demander la
mise en détention provisoire d'un prévenu, alors qu'il n'aurait pas hésité à la
prononcer s'il avait été seul à détenir le pouvoir du placement.
Il est, dès lors, difficilement concevable d'accepter qu'un juge seul, au
surplus celui qui instruit l'affaire, prenne la décision de mise en détention
provisoire.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous demander d'adopter cet
amendement qui, j'en conviens, implique d'augmenter les moyens alloués à la
justice, ce qui n'est malheureusement pas la priorité du Gouvernement, l'examen
du projet de loi de finances pour 1997 en témoigne.
M. le président.
Quel est l'avis de la commision sur les amendements n°s 17 et 25 ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
L'amendement n° 17 prévoit un retour au système du juge
délégué pour le placement en détention provisoire.
C'est une solution intermédiaire, mais non satisfaisante, entre la
collégialité et le droit actuel.
Pourquoi aller obligatoirement chez le juge délégué si, ce qui est fréquent,
la personne mise en examen ne conteste même pas son placement en détention ?
A cet égard, l'amendement de la commission sur le référé-liberté, qui fait
intervenir le président du tribunal, mais seulement en cas d'appel, serait à
notre avis nettement plus satisfaisant.
L'amendement n° 25 prévoit la collégialité pour le placement en détention
provisoire.
Le débat a été tranché lors de la première lecture, tout au moins pour ce qui
concerne le présent projet de loi. Nous sommes donc tous d'accord ici pour dire
: pas de réforme sans moyens. Soyons logiques avec nous-mêmes !
Telles sont les raisons pour lesquelles la commision n'est pas favorable aux
amendements n°s 17 et 25.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement partage le sentiment de la commission
et considère que, sur ces deux points, le débat a été tranché en première
lecture et qu'aucun élément nouveau ne permet, pour le moment, de prendre une
décision différente.
Lorsqu'une refonte d'ensemble du code de procédure pénale sera examinée, bien
des idées et bien des projets pourront être débattus, et peut-être adoptés par
le Parlement.
Mais, pour aujourd'hui, je souhaite que le Sénat maintienne la position qu'il
a adoptée en première lecture et je suis donc défavorable aux deux amendements,
celui du groupe communiste et celui du groupe socialiste.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Charles de Cuttoli.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli.
Monsieur le président, je ne voterai pas cet amendement car il me semble - et
cela me choque quelque peu - qu'il instaure une confusion des genres en plaçant
le président du tribunal de grande instance dans la situation d'être juge et
partie, si je puis dire. En effet, ce dernier serait appelé à placer quelqu'un
en détention provisoire - ce qui témoigne d'une sorte de présomption de
culpabilité, qu'on le veuille ou non, même lointaine - alors qu'il sera appelé,
notamment dans les petits tribunaux, à connaître de l'affaire, voire à la juger
sur le fond.
Monsieur le président, puisque j'ai la parole, j'expliquerai également mon
vote sur l'amendement n° 25. Je l'approuve entièrement, je le dis à Mme Borvo,
mais je ne le voterai pas.
J'ai eu l'honneur d'être, à la fin de l'année 1997, le rapporteur de ce qui
allait devenir la loi Chalandon qui remplaçait d'ailleurs la loi de notre
éminent collègueM. Badinter, laquelle avait été votée quelques années plus
tôt.
En ce qui concerne la collégialité de la décision de mise en détention, les
premières remarques que j'avais faites au garde des sceaux avaient été :
comment allez-vous l'appliquer ? Comment allez-vous trouver et les magistrats
et les crédits pour pouvoir créer une chambre des mise en détention provisoire
? M. le garde des sceaux m'avait alors répondu qu'il trouverait les crédits.
Bien entendu, les crédits n'ont jamais été trouvés, et la loi a été abrogée
très rapidement.
Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Notre préférence va, en tout état de cause, à la collégialité.
Le système qui nous est proposé avec l'amendement n° 25 ne nous satisfait
cependant pas pleinement puisque c'est la formule Chalandon et non pas la
formule Badinter qui est retenue, étant entendu que la chambre « des libertés »
- et non pas la chambre « des demandes de mise en détention provisoire »,
puisqu'elle peut, non seulement ne pas mettre en détention mais éviter de le
faire - devrait être compétente dès qu'une demande de mise en liberté est
formulée et pas seulement en cas de détention d'origine ou de prolongation.
Cela étant, nous voterons l'amendement n° 25, sur lequel nous demandons que le
Sénat se prononce en priorité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Georges Othily.
rapporteur.
Je n'y vois pas d'inconvénient.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, par priorité, l'amendement n° 25, repoussé par la commission
et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne de demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er AA
M. le présdient.
Par amendement n° 26, Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe communiste
républicains et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er AA, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le début de la première phrase du premier alinéa de l'article 63-4 du code
de procédure pénale est rédigé comme suit :
« Dès le début de la garde à vue,...
(Le reste sans changement.)
»
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement a pour objet de permettre l'intervention d'un avocat dès le
début de la garde à vue.
La garde à vue représente une épreuve humainement extrêmement difficile, ce
n'est pas la peine que je vous le dise.
Dans le même temps, c'est un moment décisif, puisque c'est à partir du dossier
constitué pendant la garde à vue que le magistrat instructeur prend sa décision
quant à la détention provisoire, comme l'a dit M. Philippe Houillon, rapporteur
à l'Assemblée nationale.
La présence d'un avocat dès le début de la garde à vue serait un progrès
évident. Cela permettrait, d'une part, de rassurer le gardé à vue, souvent dans
un état de grand désarroi et, d'autre part, de garantir le bon déroulement de
la procédurre en évitant certains abus, tant la situation entre le gardé à vue
et l'enquêteur est déséquilibrée.
Je vous rappelle que le principe de cette présence de l'avocat dès le début de
la garde à vue avait été prévu dans la loi du 4 janvier 1993.
Cependant, son entrée en vigueur avait été reportée au 1er janvier 1994. Or
cette disposition a été supprimée dans la loi du 24 août 1993, c'est-à-dire
avant même qu'elle ait reçu une application concrète.
Dans le dispositif actuel, la présence de l'avocat n'est donc possible qu'à
partir de la vingtième heure. Or, à l'origine, ce report ne devait être qu'une
disposition transitoire.
Comme le montre la longue discussion qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, ce
report à la vingtième heure n'a aucun fondement sérieux.
La commission des lois de l'Assemblée nationale s'est d'ailleurs déclarée
favorable à la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue.
De nombreux arguments ont été avancés. Seul le Gouvernement s'y est opposé,
estimant que ce n'était pas le bon moment, alors même que M. le rapporteur
affirmait qu'il y avait un « lien évident - je reprends sa propre expression -
entre la garde à vue et la détention provisoire ».
Je vous invite donc à adopter cet amendement, qui permettra de faire un grand
pas en avant en matière de libertés individuelles.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai reçu assez récemment le rapport général d'activité du Comité européen
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou
dégradants du Conseil de l'Europe, en date du 5 août 1996. Je vous en donne
lecture :
« Le comité se réjouit du soutien exprimé à l'égard de son travail ... et il a
eu aussi la grande satisfaction d'apprendre par la réponse à la recommandation
1257 que le comité des ministres avait invité les autorités des Etats membres à
se conformer aux lignes directrices en matière de garde à vue énoncées dans le
deuxième rapport général du comité.
« A cet égard, il convient de noter que certaines parties à la convention se
montrent réticentes pour mettre entièrement en oeuvre certaines des
recommandations du comité concernant les garanties contre les mauvais
traitements accordées aux personnes en garde à vue, et en particulier la
recommandation selon laquelle de telles personnes doivent bénéficier du droit à
l'accès à un avocat dès le tout début de leur garde à vue.
« Le comité tient à souligner que, d'après son expérience, la période qui suit
immédiatement la privation de liberté est celle où le risque d'intimidation et
de mauvais traitements physiques est le plus grand.
« En conséquence, la possibilité pour les personnes placées en garde à vue
d'avoir accès à un avocat pendant cette période est une garantie fondamentale
contre les mauvais traitements.
« L'existence de cette possibilité aura un effet dissuasif sur ceux qui
seraient enclins à maltraiter des personnes détenues.
« En outre, un avocat est bien placé pour prendre les mesures qui s'imposent
si les personnes sont effectivement maltraitées. »
C'est un rappel de ce que chacun sait. Il suffit de se souvenir de
l'acquittement récent dans l'affaire de la cour d'assises des
Alpes-de-Haute-Provence : l'intéressé avait passé des aveux pendant qu'il était
en garde à vue. Il avait fallu que la cour d'assises, après une longue
détention, intervienne pour établir qu'il y avait eu des mauvais traitements
destinés à arracher de faux aveux.
Le Sénat avait jadis voté un amendement par lequel il demandait qu'au moins la
bâtonnier ou son représentant ait, lui, un accès constant aux locaux de garde à
vue. Finalement, cela n'avait pas été retenu à l'époque par l'Assemblée
nationale. Il faudra bien, là aussi, que le progrès s'impose : il est évident
que, même si l'avocat ne dit rien, même si l'on ne demande pas qu'il ait une
connaissance du dossier qui n'existe qu'à peine, le seul fait qu'il soit
présent est une garantie qu'il n'y aura pas de mauvais traitements ni d'aveux
qui ne seraient pas spontanés et libres.
C'est pourquoi nous voterons, bien entendu, cet amendement.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er AA
M. le président.
« Art. 1er AA. - Après le deuxième alinéa de l'article 82 du code de procédure
pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S'il requiert le placement ou le maintien en détention provisoire de la
personne mise en examen, ses réquisitions doivent être écrites et motivées par
référence aux seules dispositions de l'article 144. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er AA.
(L'article 1er AA est adopté.)
Article 1er AB
M. le président.
« Art. 1er AB. - I. - Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure
pénale est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Après la première comparution ou la première audition, les avocats des
parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des
pièces et actes du dossier.
« Les avocats peuvent transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues à
leur client. Celui-ci atteste au préalable, par écrit, avoir pris connaissance
des dispositions de l'alinéa suivant et de l'article 114-1.
« Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les
parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense.
« L'avocat doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à
son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec
accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre
une reproduction à son client.
« Le juge d'instruction dispose d'un délai de cinq jours ouvrables à compter
de la réception de la demande pour s'opposer à la remise de tout ou partie de
ces reproductions par une ordonnance spécialement motivée au regard des risques
de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les
témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la
procédure.
« Cette décision est notifiée par tout moyen et sans délai à l'avocat. A
défaut de réponse du juge d'instruction notifiée dans le délai imparti,
l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes dont
il avait fourni la liste. Il peut, dans les deux jours de sa notification,
déférer la décision du juge d'instruction au président de la chambre
d'accusation, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables par une décision
écrite et motivée, non susceptible de recours. A défaut de réponse notifiée
dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction
des pièces ou actes mentionnés sur la liste.
« Les modalités selon lesquelles ces documents peuvent être remis par son
avocat à une personne détenue et les conditions dans lesquelles cette personne
peut détenir ces documents sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
« Par dérogation aux dispositions des huitième et neuvième alinéas, l'avocat
d'une partie civile dont la recevabilité fait l'objet d'une constestation ne
peut transmettre à son client une reproduction des pièces ou actes de la
procédure sans l'autorisation préalable du juge d'instruction, qui peut lui
être notifiée par tout moyen. En cas de refus du juge d'instruction ou à défaut
de réponse de ce dernier dans les cinq jours ouvrables, l'avocat peut saisir le
président de la chambre d'accusation, qui statue dans un délai de cinq jours
ouvrables, par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. En
l'absence d'autorisation préalable du président de la chambre d'accusation,
l'avocat ne peut transmettre la reproduction de pièces ou actes de la procédure
à son client. »
« II et III supprimés.
« IV. - Après l'article 114 du code de procédure pénale, il est inséré un
article 114-1 ainsi rédigé :
«
Art. 114-1
. - Sous réserve des dispositions du sixième alinéa de
l'article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou
actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article,
de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 25 000 francs d'amende. »
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 1, M. Othily, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
Les huit amendements suivants sont présentés par MM. Dreyfus-Schmidt et
Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 7 tend à rédiger comme suit l'article 1er AB :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est
remplacé par les dispositions suivantes :
« Après la première comparution ou la première audition, les avocats des
parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des
pièces et actes du dossier.
« Les avocats peuvent transmettre à leur client la copie obtenue. Celui-ci
atteste au préalable par écrit avoir pris connaissance des dispositions des
deux alinéas suivants, qui sont reproduits sur chaque copie.
« Cette copie ne peut être communiquée à des tiers que pour les besoins de la
défense.
« Le fait de la publier par tous moyens, en tout ou en partie, est puni de 25
000 francs d'amende.
« A titre exceptionnel, le juge d'instruction peut s'opposer, après avis du
bâtonnier et par ordonnance motivée, à la transmission par l'avocat à son
client de certaines copies de pièces ou actes du dossier ».
« II. - Après le premier alinéa de l'article 180 du code de procédure pénale,
il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ordonnance de renvoi est devenue définitive, le prévenu et la
partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier et ce, sauf lorsque la
peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, à leurs frais. »
« III. - Au troisième alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale,
après les mots : "de l'ordonnance", sont insérés les mots :
"prévue au dernier alinéa de l'article 114 ainsi que de
l'ordonnance". »
« IV. - L'article 194 du code de procédure pénale est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« En matière d'appel de l'ordonnance prévue au dernier alinéa de l'article
114, la chambre d'accusation doit se prononcer dans les plus brefs délais et au
plus tard dans les quinze jours de l'appel, faute de quoi l'avocat est en droit
de transmettre à son client les copies ou actes de dossier en cause. »
« V. - L'article 279 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«
Art. 279
. - Il est délivré gratuitement à chacun des accusés et
parties civiles copie du dossier. »
« VI. - L'article 280 du code de procédure pénale est abrogé. »
L'amendement n° 8 vise à rédiger ainsi le 3e alinéa du texte proposé par le
paragraphe I de l'article 1er AB pour remplacer le dernier alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale :
« Les parties ou leurs avocats peuvent communiquer pour les besoins de la
défense les copies des pièces mises à leur disposition à tout expert qui est
alors soumis aux textes régissant le secret professionnel et le secret de
l'instruction. »
L'amendement n° 9 a pour objet, au début du 3e alinéa du texte proposé par le
paragraphe I de l'article 1er AB pour remplacer le dernier alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « seules les copies
des rapports d'expertise » par les mots : « Les copies ».
L'amendement n° 10 tend à supprimer le 4e alinéa du texte proposé par le
paragraphe I de l'article 1er AB pour remplacer le dernier alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale.
L'amendement n° 11 vise, après les mots : « tout ou partie de ces
reproductions », à rédiger ainsi la fin du 5e alinéa du texte proposé par le
paragraphe I de l'article 1er AB pour remplacer le dernier alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale : « par l'avocat à son client. »
L'amendement n° 12 a pour objet, dans la deuxième phrase du sixième alinéa du
texte proposé par le paragraphe I de l'article 1er AB pour le dernier alinéa de
l'article 114 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « non
susceptible de recours ».
L'amendement n° 13 tend à supprimer le 7e alinéa du texte proposé par le
paragraphe I de l'article 1er AB pour remplacer le dernier alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale.
L'amendement n° 14 vise :
I. - Dans le texte proposé par le paragraphe IV de l'article 1er AB pour
l'article 114-1 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « diffuser
auprès d' » par les mots : « remettre à ».
II. - A compléter
in fine
le texte proposé par le IV de l'article 1er
AB pour l'article 114-1 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé
:
« Il n'y a cependant pas de délit lorsque la remise a pour but de dénoncer la
longueur déraisonnable de ladite instruction ou de répliquer à une information
publique relative à la même instruction. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Georges Othily,
rapporteur.
Nous abordons ici la question de la remise aux parties de
copies du dossier d'instruction. Je me suis déjà largement exprimé à ce sujet à
l'occasion de la discussion générale.
Je voudrais rappeler rapidement le droit actuel. Aujourd'hui, les avocats
peuvent déjà avoir des copies du dossier, mais ces copies leur sont remises
pour leur usage exclusif. Quant aux parties, elles ne peuvent pas avoir de
copies, mais elles peuvent, c'est bien naturel, consulter le dossier.
Il faut donc relativiser les choses : on ne saurait affirmer, sous prétexte
que les parties ne peuvent obtenir de copies, que les droits de la défense ne
sont pas assurés. Si tel était le cas, la France, soyez-en persuadés, aurait
été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Or, non seulement
nous n'avons pas été condamnés, mais la Cour européenne des droits de l'homme a
expressément affirmé, en septembre 1993, qu'il n'était pas incompatible avec
les droits de la défense de réserver à l'avocat l'accès au dossier.
L'enjeu de l'article 1er AB n'est donc pas de consacrer des droits de la
défense qui sont déjà garantis par notre droit ; il est de répondre à la
question de savoir si l'on doit aller plus loin et à quel prix.
La commission n'est pas opposée à l'idée d'aller plus loin, c'est-à-dire
d'autoriser les parties à obtenir des copies du dossier et non plus seulement à
le consulter.
Elle se refuse, en revanche, à le faire au prix du sacrifice d'autres
principes essentiels de notre droit, notamment au mépris de la présomption
d'innocence.
La remise de copies aux parties doit avoir des contreparties pour éviter une
diffusion préjudiciable à d'autres parties, voire à des tiers. Imaginez, mes
chers collègues, ce qu'il adviendrait si des copies du dossier circulaient un
peu partout.
Certes, il est théoriquement interdit aux parties de communiquer les copies à
des tiers, mais, quand il y aura dix, vingt, cinquante parties à une affaire,
comment saura-t-on d'où est venue la fuite ?
Par ailleurs, techniquement, l'article 1er AB contient de nombreuses failles.
Ainsi, il ne prévoit pas que l'on puisse s'opposer à la remise des copies pour
préserver la présomption d'innocence, pas plus qu'il ne prévoit que l'on puisse
s'y opposer en cas de risque de concertation frauduleuse entre complices ou de
disparitions de preuves.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois propose de
supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 7, 8, 9,
10, 11, 12, 13 et 14.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne me suis pas inscrit sur l'article, monsieur le président, car le fait de
défendre l'ensemble de ces amendements me donnera le temps de bien me faire
comprendre.
« Il faut mettre fin à une hypocrisie », a-t-on dit ! Nous sommes au siècle de
la photocopie et les copies circulent d'ores et déjà partout, tout le monde le
sait.
Par ailleurs, je rappelle que d'ores et déjà la loi a donné à l'avocat le
droit d'obtenir la copie du dossier d'instruction.
La question est de savoir ce que l'avocat peut en faire. Il a le droit de
montrer le dossier à son client soit dans son cabinet, soit à la prison, et si
son client lui demande qui l'accuse, il est évident qu'il a le devoir de le lui
dire de manière que l'intéressé puisse se défendre.
Chacun devrait penser que s'il lui arrivait d'être mis en examen, il aimerait
bien avoir en main la copie de son dossier pour savoir exactement ce qu'on lui
reproche et qui le lui reproche. Il ne s'agit de rien d'autre !
Lorsque nous avons proposé l'amendement n° 7, nous avons voulu tenir compte de
ceux qui prétendent qu'à titre exceptionnel le juge d'instruction doit pouvoir
s'opposer à la transmission par l'avocat à son client de certaines copies de
pièces du dossier. Si nous avons fait figurer une telle disposition dans
l'amendement n° 7, c'est uniquement pour tenir compte de ceux-là. Le comble,
c'est que notre collègue M. Fauchon ne veut pas de notre amendement,
précisément parce qu'il institue un contrôle par le juge d'instruction !
De manière à obtenir au moins la voix de notre collègue M. Fauchon,...
M. Pierre Fauchon.
Il faut y mettre le prix !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... je demanderai un vote par division afin que le Sénat se prononce d'abord
sur les cinq premiers alinéas du paragraphe I, puis sur son dernier alinéa et,
ensuite, sur le reste de notre amendement.
J'en viens à l'amendement lui-même.
Le paragraphe I commence par une disposition qui figure déjà dans la loi, à
savoir : « Après la première comparution ou la première audition, les avocats
des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie
des pièces et actes du dossier. »
Puis, il précise, c'est le système allemand : « Les avocats peuvent
transmettre à leur client la copie obtenue. Celui-ci atteste au préalable par
écrit avoir pris connaissance des dispositions des deux alinéas suivants qui
sont reproduits sur chaque copie. »
Qu'est-ce qui y est reproduit ? D'une part, que « cette copie ne peut être
communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense. » D'autre part, que
le « fait de la publier par tous moyens, en tout ou en partie, est puni de 25
000 francs d'amende. »
Ensuite, vient la disposition qui motive ma demande de vote par division, à
savoir : « A titre exceptionnel, le juge d'instruction peut s'opposer, après
avis du bâtonnier et par ordonnance motivée, à la transmission par l'avocat à
son client de certaines copies de pièces ou actes du dossier. »
Si vous ne voulez pas voter cette disposition, vous ne la voterez pas, mais
vous pourrez toujours vous prononcer sur la remise des pièces du dossier sans
aucun contrôle du juge d'instruction. Nous sommes en vérité, M. Fauchon et
nous, socialistes, d'accord sur cette manière de faire. Ceux qui veulent être
rassurés voteront l'alinéa complémentaire.
Le paragraphe II, auquel je ne tiens pas en vérité, - car ce n'est peut-être
pas le moment - retient la gratuité de la copie dès qu'il s'agit d'une
infraction qui, il n'y a guère, était un crime.
Le paragraphe III prévoit la possibilité d'appel de l'ordonnance du juge
s'opposant à la communication par l'avocat à son client de tout ou partie du
dossier.
Le paragraphe IV impartit un délai maximum de quinze jours à la chambre
d'accusation pour statuer.
Enfin, les paragraphe V et VI consacrent la pratique - depuis qu'il y a des
photocopies en matières d'assises - c'est-à-dire la communication gratuite à
l'accusé de la copie de la totalité du dossier,...
M. Charles de Cuttoli.
Sauf ses propres déclarations !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... je dis la totalité du dossier, alors que la loi ne vise encore que les
pièces principales qu'elle détermine.
Par conséquent, pour mettre en harmonie les principes et la réalité, nous
demandons que la totalité du dossier soit remise gratuitement à l'accusé.
Quant à nos amendements n°s 8 à 14, ils s'appliquent au texte qui nous vient
de l'Assemblée nationale et qui n'a pas été retenu par la commission. Etant
donné que ce texte a les faveurs du Gouvernement, pour le cas où notre
amendement n° 7 ne serait pas adopté - son adoption serait évidemment la
meilleure solution puisque c'est ce texte-là que la commission des lois de
l'Assemblée nationale avait pris en considération - il nous faut en effet
proposer de le modifier sur les points que nous jugeons particulièrement
critiquables.
L'amendement n° 8 vise le troisième alinéa du texte proposé par le paragraphe
I de l'article 1er AB : « Seules les copies des rapports d'expertise peuvent
être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins
de la défense. »
Pour notre part, nous demandons que, pour les besoins de la défense, toutes
pièces puissent être communiquées.
C'est très bien de penser aux rapports d'expertise. Dans une affaire
d'accident de la circulation, par exemple, si l'expert prévoit une incapacité
permanente de 25 %, que fait la victime ? Elle va vouloir obtenir l'avis d'un
autre médecin. Elle va donc demander à son avocat de lui remettre la copie du
rapport d'expertise afin de la communiquer au médecin en question.
Or, actuellement, tous deux tombent sous le coup de la loi : l'avocat,
d'abord, qui n'a pas le droit de remettre la copie du rapport d'expertise à son
client, et le client, qui n'a pas le droit de la remettre à un tiers
médecin.
Mais il n'y a pas que le rapport d'expertise qui doit pouvoir être communiqué.
Imaginons une affaire un peu plus compliquée, portant par exemple sur un grave
accident du travail qui s'est produit à l'occasion de l'utilisation d'une
machine : il y a des constatations faites par la direction de la main-d'oeuvre,
des déclarations de personnes ayant travaillé sur cette machine, etc. Si l'on
veut demander l'avis d'un homme de l'art, on ne peut pas se contenter de lui
remettre la copie du rapport d'expertise ; il faut qu'il puisse prendre
connaissance de l'ensemble du dossier.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement n° 8, que les parties ou
leurs avocats puissent communiquer, pour les besoins de la défense, les copies
des pièces mises à leur disposition à tout expert, qui est alors soumis aux
textes régissant le secret professionnel et le secret de l'instruction.
En cet instant, nous ne voulons pas de mal au secret de l'instruction : nous
voulons simplement qu'il soit partagé avec ceux avec lesquels il doit être
partagé.
L'amendement n° 9 est un amendement de coordination.
Avec l'amendement n° 10, nous arrivons au plus beau ! Il s'agit du quatrième
alinéa du paragraphe I de l'article 1er AB. C'est en fait un sous-amendement
que vous avez présenté, monsieur le garde des sceaux, au texte qui était notre
amendement.
« L'avocat doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à
son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec
accusé de réception... »
Peut-on imaginer procédure plus lourde ? Le fax, cela existe ! Aujourd'hui,
les juges d'instruction communiquent avec les avocats par fax pour leur dire
qu'ils refusent une mise en liberté ou qu'il sera procédé tel jour et à telle
heure à un interrogatoire.
Là, vous voulez que l'avocat se rende au cabinet du juge d'instruction ou
qu'il lui envoie une lettre recommandée avec accusé de réception ! Le moins que
l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas très rapide ! Or il peut être urgent
de remettre une pièce au client.
Et de quoi donc l'avocat doit-il ainsi donner connaissance au juge
d'instruction ? De « la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une
reproduction à son client ».
C'est énorme !
Cela signifie que l'avocat doit préciser au juge d'instruction celles des
pièces du dossier qu'il a l'intention de remettre à son client. Mais les
rapports entre le client et son avocat, c'est quelque chose d'absolument sacré
! Ce sont des droits fondamentaux que ceux de la défense, reconnus par le
Conseil constitutionnel comme étant eux-mêmes constitutionnels. Comment
pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, admettre dans un texte de loi
l'obligation pour l'avocat de faire savoir au juge d'instruction quelles pièces
exactement il entend remettre à son client ?
Dans le sytème que nous vous proposons, l'avocat demande soit un certain
nombre de pièces soit la totalité du dossier, sans préciser celles qu'il veut
ou non communiquer à son client, et le juge peut dire - si le Sénat adopte le
dernier aliéna de notre amendement - qu'il s'oppose à ce que telle au telle
pièce soit communiquée au client. Mais ne demandez pas à l'avocat de dévoiler
ses desseins et sa stratégie à travers la révélation des pièces qu'il entend
communiquer à son client ! C'est tout à fait impossible ! Cela nous paraît,
encore une fois, anticonstitutionnel.
J'en viens au cinquième alinéa du paragraphe I et à l'amendement n° 11.
Faute d'ajouter à cet alinéa la précision que nous proposons, à savoir que
c'est à la remise « par l'avocat à son client » de tout ou partie des
reproductions que le juge d'instruction peut s'opposer dans un délai de cinq
jours, on paraîtrait revenir sur la possibilité qui est actuellement donnée par
la loi de remettre la totalité du dossier à l'avocat. L'amendement n° 12 est
également très important.
Le sixième aliéna du paragraphe I prévoit que, si le juge s'oppose à la
communication des copies au client, l'avocat peut saisir le président de la
chambre d'accusation, qui rendra alors une « décision écrite et motivée ; non
susceptible de recours ». Et bien, nous ne voyons pas pourquoi il ne pourrait y
avoir de recours !
S'il y a une opposition de la part et du juge et du président de la chambre
d'accusation mais que cela peut faire l'objet d'un recours, il est bien évident
que, néanmoins, l'avocat ne pourra jamais remettre la pièce à son client, car,
lorsque la Cour de cassation statuera, l'affaire sera terminée depuis
longtemps. Cependant, cela présentera tout de même l'intérêt de voir la Cour de
cassation établir une jurisprudence valable pour l'ensemble du pays en la
matière.
L'amendement n° 13 vise une disposition issue d'un sous-amendement présenté
par le Gouvernement :
« Les modalités selon lesquelles ces documents peuvent être remis par son
avocat à une personne détenue et les conditions dans lesquelles cette personne
peut détenir ces documents sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
Nous disons non, et ce pour une raison très simple.
Je sais bien qu'un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 1995 s'appliquait
à un détenu qui avait jeté par la fenêtre les pièces du dossier d'instruction
que son avocat lui avait remises. Mais ce genre de choses n'arrive pas tous les
jours, il faut bien le dire !
Dans toutes les affaires d'assises, les accusés se voient remettre la totalité
de leur dossier. En outre, depuis les décisions de la Cour de cassation du 12
juin 1996, dès que l'instruction est terminée, tous les détenus ont d'ores et
déjà le droit de se voir remettre la totalité de leur dossier.
Si vous voulez absolument prendre un décret, vous prendrez un décret simple,
car le régime pénitentiaire relève du décret simple. Si vous prévoyez un décret
en Conseil d'Etat, il suffira de ne pas prendre ce décret - et nous savons bien
que, très souvent, un certain temps s'écoule avant que les décrets
d'application soient pris, quand ils sont pris ! - pour que les détenus n'aient
pas la possibilité d'avoir la copie de leur dossier. Or l'article 716 du code
de procédure pénale, repris par les articles D 67 à D 69 du même code, explique
déjà que la communication de l'avocat et de son client est libre dès lors
qu'elle est compatible avec les exigences de la discipline et de la sécurité de
la prison.
Si vous avez quelque chose à ajouter à cela, vous le direz par un décret
simple, mais la loi doit s'appliquer dès sa parution. Tel est l'objet de notre
amendement n° 13.
J'en arrive enfin à l'amendement n° 14, qui est extrêmement important.
De quoi s'agit-il ?
Il arrive que le secret de l'instruction soit violé dès le départ, par exemple
parce qu'un procureur de la République tient une conférence de presse, ce qui
n'est pas autorisé par la loi : des circulaires - des circulaires, mais non pas
la loi - autorisent les procureurs à faire des communiqués, mais la conférence
de presse n'est pas prévue.
Quoi qu'il en soit, il est clair que, dès lors, il n'y a plus de secret de
l'instruction ; à partir du moment où il est violé, l'instruction se trouve sur
la place publique. Est-ce que celui dont on va ainsi savoir, du fait du
procureur, qu'il est mis en examen va avoir le droit de se défendre sur la
place publique ? Il faudrait qu'il l'ait. Et, dans une telle hypothèse, qu'une
pièce soit publiée ne devrait pas être un cas de condamnation.
M. le garde des sceaux voit bien de quoi je parle, car il a lui-même demandé
que soit mis en examen un journaliste de
L'Est républicain,
M. Laïd
Sammari, auquel il est reproché d'avoir publié des documents dans l'affaire
Gigastorage, documents qui avaient pour but de démontrer que l'accusation
portée contre M. Christian Proust, président du conseil général du Territoire
de Belfort, ne tenait pas.
C'est dans ce cas-là que M. le garde des sceaux a, pour la première fois,
demandé que soient engagées des poursuites pour violation du secret de
l'instruction, ce qui est tout de même un comble !
Que l'on fasse poursuivre lorsque la violation du secret de l'instruction a
pour but de salir quelqu'un, de le « jeter aux chiens », par exemple, on peut
le comprendre ! Mais, lorsqu'elle a pour but d'empêcher qu'une affaire soit
étouffée ou de permettre à un innocent de s'expliquer, alors que le secret de
l'instruction a été violé par le parquet lui-même, il faudrait féliciter le
journaliste !
Pour l'instant, dans notre amendement, il n'est question que de « la partie »,
mais il prévoit qu'il n'y a pas de délit lorsque la remise à un tiers a pour
but de dénoncer la longueur déraisonnable de l'instruction ou de répliquer à
une information publique relative à la même instruction.
Nous serons heureux d'entendre l'avis de M. le garde des sceaux sur cet
amendement.
Sur ces différents sujets, nous n'avons pas pu entendre la commission
puisqu'elle n'a purement et simplement pas voulu retenir la possibilité, pour
l'avocat, de communiquer une pièce...
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il me semble que vous avez défendu tous vos
amendements. Nous pourrions maintenant entendre ce que la commission et le
Gouvernement ont à dire à leur sujet. Vous aurez sûrement l'occasion
d'intervenir à nouveau tout à l'heure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet, monsieur le président, j'ai terminé. Cela étant, je ne sais pas si
j'ai dépassé le temps de parole auquel j'ai droit.
M. le président.
Si vous l'aviez dépassé, je vous l'aurais dit !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme ce n'est pas le cas, je m'étonne que vous m'interrompiez.
M. le président.
Je l'ai fait parce que vos propos ne portaient plus sur vos amendements
eux-mêmes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si !
M. le président.
Il en est du moins ainsi décidé par la présidence !
(Nouveaux sourires.)
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 7 à 14 ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Monsieur le président, je serai moins long pour donner l'avis
de la commission sur ces amendements. En effet, ils partent du principe que les
copies des pièces doivent être communiquées aux parties. Ayant refusé
d'admettre ce principe, la commission ne peut qu'y être défavorable.
(M. Jean Delaneau remplace M. Yves Guéna au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je crois que la meilleure façon de répondre à
l'amendement de suppression de l'article 1er AB de la commission et aux
amendements que M. Dreyfus-Schmidt vient d'exposer est en fait d'expliquer au
Sénat le système qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
L'article 1er AB s'inscrit dans la droite ligne, d'une part, des propositions
du rapport « Justice et transparence », en date du mois d'avril 1995 et rédigé
par M. Jolibois, et, d'autre part, de la proposition de loi déposée par M.
Dreyfus-Schmidt et présentée au Sénat à la fin de l'année 1995.
Le texte proposé à l'époque par M. Jolibois était extrêmement lapidaire
puisqu'il consistait à compléter l'article 114 du code de procédure pénale par
un alinéa ainsi rédigé : « Sous leur propre responsabilité, les avocats peuvent
transmettre à leur client, pour leur usage exclusif, les copies ainsi obtenues.
»
Le texte proposé par M. Dreyfus-Schmidt, dont la dernière mouture figure
d'ailleurs dans le rapport de M. Othily, était plus précis et donnait la
possibilité au juge d'instruction de s'opposer à la délivrance des copies sous
le contrôle du président de la chambre d'accusation en cas d'appel.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est, en réalité, que
l'aboutissement de cette réflexion entamée depuis au moins deux ans.
Tout d'abord, le principe de la communication des pièces est clairement posé.
M. Jolibois, dans son rapport, en avait émis le voeu. La proposition de M.
Dreyfus-Schmidt tendant à donner la possibilité au juge d'instruction de
refuser la communication des pièces est également reprise. Les modalités
d'application de cette faculté sont toutefois précisées. Tel n'était pas le cas
dans le texte de M. Dreyfus-Schmidt, ce qui constituait d'ailleurs une lacune
évidente. Comment le juge d'instruction pourrait-il s'opposer à la
communication des pièces s'il ne sait pas que l'avocat veut communiquer
celles-ci ? Il faut donc - c'est ce que prévoit le texte - que l'avocat
prévienne le juge d'instruction de son intention, ce dernier disposant d'un
court délai, puisqu'il n'est que de cinq jours ouvrables, pour s'y opposer.
Pour que la décision du juge d'instruction puisse intervenir en toute
connaissance de cause, l'avocat doit bien évidemment préciser les pièces qu'il
souhaite communiquer.
Prenons le cas d'un dossier de proxénétisme dans lequel figurent les
procès-verbaux de certains témoins vulnérables ainsi que des constatations
policières. Si l'avocat ne souhaite communiquer que ces dernières, il est
logique qu'il l'indique au juge d'instruction, qui pourra ne pas s'y opposer
alors qu'il refuserait la transmission des procès-verbaux sur lesquels
figurent, par exemple, l'adresse des témoins.
Il n'y a là aucune immixtion du juge, comme le dit M. Dreyfus-Schmidt, dans le
système de défense de l'avocat qui doit informer son client du contenu des
témoignages à charge sans pour autant lui préciser l'adresse des témoins.
Cette précision sur les pièces dont la communication est envisagée évitera, en
pratique, des refus inutiles.
Par ailleurs, le refus du juge d'instruction devra être motivé, comme le
souhaitait M. Dreyfus-Schmidt, mais par référence au risque de pressions. Cette
précision utile limite donc les possibilités de refus du juge. Il me paraît
totalement injustifié de demander l'avis du bâtonnier sur une telle question,
comme l'envisageait la proposition de loi socialiste.
Le recours contre la décision du juge est porté devant le président de la
chambre d'accusation. Cette procédure est plus efficace et plus rapide qu'un
contrôle devant la chambre d'accusation. Il en est de même du système relatif
au refus de délivrance du permis de visite.
J'ai introduit à l'Assemblée nationale un système plus rigoureux pour les
parties civiles dont la recevabilité de la demande est contestée. Leurs avocats
devront être préalablement autorisés à communiquer les pièces du dossier à
leurs clients. Il peut en effet s'agir de ce que j'ai appelé de véritables «
coucous » procéduriers, qui n'ont aucun rapport avec la procédure et qui
viennent seulement y faire leur nid pour en diffuser ensuite les pièces dans
les médias.
Enfin, l'interdiction faite aux parties de communiquer à un tiers les pièces
remises par l'avocat connaît une exception pour les rapports d'expertise
lorsque cette communication est nécessaire pour les besoins de la défense.
La sanction de l'inobservation de ces différentes règles est assurée de façon
efficace. En effet, la partie qui communiquerait à un tiers les pièces remises
par son avocat encourt une amende de 25 000 francs. Pour prévenir de tels
faits, le client devra être averti de cette sanction par son avocat.
Quant à l'avocat qui communiquerait les pièces à son client en dépit du refus
du juge, il serait passible, comme aujourd'hui, de sanctions disciplinaires.
Enfin, la publication de ces pièces dans les médias est punie, en vertu de
l'article 38 de la loi sur la liberté de la presse, de 25 000 francs
d'amende.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale est donc cohérent et équilibré.
C'est pourquoi je vous demande de l'adopter, c'est-à-dire de ne pas voter
l'amendement de suppression proposé par la commission des lois.
J'en viens aux amendements présentés par le groupe socialiste.
S'agissant de l'amendement n° 7, comme je viens de l'expliquer, la rédaction
retenue par l'Assemblée nationale pour le paragraphe I est meilleure. En effet,
M. Dreyfus-Schmidt propose, dans le dernier alinéa de ce paragraphe, que le
juge d'instruction choisisse les pièces qui peuvent être communiquées, alors
que, selon le texte de l'Assemblée nationale, c'est l'avocat qui dresse la
liste des pièces qu'il veut communiquer ; le juge la refuse ou l'accepte.
Quant au paragraphe II de l'amendement n° 7, il est inutile, car la
jurisprudence consacre déjà ce principe.
S'agissant des paragraphes III et IV, comme je l'ai expliqué, l'appel doit
être interjeté devant le président de la chambre d'accusation.
Enfin, les paragraphes V et VI me paraissent relever de la réforme de la cour
d'assises et non du présent projet de loi.
Pour ce qui est de l'amendement n° 8, la possibilité, pour les besoins de la
défense, de transmettre les copies de rapports d'expertise à des tiers me
semble nécessaire ; en revanche, la proposition tendant à prévoir la
possibilité de communiquer n'importe quelle pièce aux seuls experts est à la
fois trop large et trop réductrice.
Quant à l'amendement n° 9, il serait, à mon sens, excessif de permettre aux
parties de transmettre n'importe quelle pièce du dossier à des tiers.
S'agissant de l'amendement n° 10, il est, à mon avis, indispensable que le
juge d'instruction sache, contrairement à ce que prévoit cet amendement,
quelles pièces l'avocat va remettre pour statuer en toute connaissance de
cause. Cette disposition ne porte nullement atteinte aux droits de la
défense.
Concernant à l'amendement n° 11, j'ai déjà indiqué que le texte de l'Assemblée
nationale n'est nullement ambigu. Le refus éventuel du juge d'instruction ne
concerne bien évidemment que la transmission par l'avocat à son client des
pièces du dossier et non la communication par le juge à l'avocat de ces mêmes
pièces.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Autant le dire !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est également défavorable à
l'amendement n° 12 dans la mesure où, comme je viens de le dire en présentant
le texte de l'Assemblée nationale, il s'agit exactement de la même règle qu'en
matière de permis de visite prévue par la loi du 4 janvier 1993 votée, je le
rappelle, par la majorité socialiste. Il ne faut donc pas non plus multiplier
les contentieux. Le refus du juge d'instruction devra être motivé en fait, ce
que ne peut contrôler la Cour de cassation.
Quant à l'amendement n° 13, pourquoi est-il nécessaire de renvoyer à un décret
en Conseil d'Etat ? La procédure pénale est du domaine de la loi, mais le
législateur peut renvoyer certaines précisions techniques au décret.
Je vous rappelle que le code de procédure pénale comporte deux parties
réglementaires : la première comprend les articles R. 1 à R. 250 et la seconde,
les articles D. 1 à D. 600.
Par ailleurs, le régime pénitentiaire relève du décret simple. Mais pourquoi
refuser en l'espèce la garantie supplémentaire que constitue l'avis obligatoire
du Conseil d'Etat ?
Troisièmement, les articles actuels régissant les relations entre l'avocat et
le détenu, qui concernent la communication et non la remise des documents, sont
insuffisants pour régler la question.
Je peux m'engager, au nom du Gouvernement, à ce que ce décret soit publié
aussi rapidement que possible, étant observé que la loi n'entrera pas en
vigueur avant la fin du mois de mars 1997, ce qui laisse le temps nécessaire
pour préparer ce texte.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 14, il est clair qu'une partie n'est pas
liée par le secret de l'instruction ; c'est la règle actuelle. Elle peut
rapporter tout ce qu'elle veut à la presse sans lui remettre les pièces du
dossier. Voilà pourquoi je suis également opposé à l'amendement n° 14.
Pour toutes les raisons importantes que je viens d'exposer, je souhaite que le
Sénat s'en tienne au texte qui vient de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je ne crois pas que le texte qui résulte des
travaux de l'Assemblée nationale et qui vient d'être soutenu par M. le garde
des sceaux soit satisfaisant du point de vue de la technique juridique. Nous
sommes dans le domaine de la procédure pénale. Il ne s'agit pas de faire
n'importe quoi. Il ne faut ni alourdir des dispositions, ni légiférer quelque
peu dans la hâte au risque d'aboutir à des textes inapplicables.
Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le garde des sceaux, de relever l'un de
vos propos.
Vous avez cité tout à l'heure la proposition de M. Charles Jolibois, mais vous
l'avez extraite de son contexte. En effet, elle n'intervenait que comme la
conséquence d'une remise en ordre de toutes les dispositions relatives au
secret de l'instruction. Elle était, en quelque sorte, un aboutissement mais
elle n'était pas susceptible d'être prise isolément, comme vous l'avez fait,
pour en tirer argument. Je ne crois pas que celui-ci puisse être retenu. Nous
sommes ici plusieurs à avoir suivi les travaux de M. Charles Jolibois avec
beaucoup d'intérêt, et nous y avons même participé. M. Jolibois n'a jamais
présenté une proposition de ce type de manière isolée.
Monsieur le garde des sceaux, je vous ai écouté attentivement. Il vous a fallu
presque quatre minutes pour nous expliquer la procédure que vous nous proposez
! Voilà ce que vous nous suggérez pour permettre aux avocats d'avoir enfin - et
vous sembliez le souhaiter - connaissance de quelques pièces qui seraient
peut-être nécessaires - M. le rapporteur vous a parfaitement démontré qu'il
n'en était rien - pour assurer les droits de la défense.
J'ai indiqué en commission des lois que j'avais cru comprendre le cheminement
intellectuel de la Chancellerie et, en tout cas, le vôtre. Il fut un temps où
vous avez été défavorable à la modification de l'article 114 du code de
procédure pénale. On peut changer d'avis, me direz-vous, mais, mesurant la
portée exacte de la modification de cet article, vous vous êtes aperçu qu'il
n'était pas possible d'en venir au seul système envisageable si cet article
était supprimé, c'est-à-dire un système de liberté absolue ou quasi absolue.
Vous avez alors inventé une procédure. Je ne retiendrai pas, à mon tour,
pendant quelques minutes l'attention du Sénat pour essayer d'expliquer cette
procédure, car elle est si complexe qu'elle entraînera, à toutes les étapes de
sa mise en oeuvre, des difficultés qui devront être arbitrées dans des
conditions qui ne sont même pas précisées.
Ce texte n'est pas bon, monsieur le garde des sceaux. Il s'agit non pas de
prendre position pour ou contre le Gouvernement mais, tout simplement, de
savoir si nous élaborons, dans ce domaine si sensible de la procédure pénale,
un texte qui améliore la situation actuelle et qui soit applicable. Or, je suis
au regret de vous dire que la commission, dans sa majorité, a estimé que tel
n'était pas le cas avec cet article. C'est donc pour cette raison que, dans
l'immédiat, il a été jugé préférable de s'en tenir au texte actuel, qui pourra
peut-être être amélioré. C'est un point que nous devrons étudier dans le cadre
général d'une réforme de la procédure pénale.
En tout cas, personnellement, je ne souhaite pas - et j'ai tenu à le dire -
que le Sénat donne sa caution à une disposition qui sera inapplicable.
Notre soutien au Gouvernement n'est pas en cause à l'égard de mesures de ce
genre. Mais il appartient au législateur d'essayer d'élaborer des dispositions
qui soient applicables. Or celles-ci ne le sont pas.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La position de la commission est évidemment tout à fait inadmissible.
On a suffisamment dit que, en pratique, un avocat a besoin de communiquer les
pièces du dossier à son client. En outre, il est légitime qu'une personne mise
en examen souhaite avoir connaissance de son dossier.
La commission des lois s'y refuse ! A l'en croire, il faudrait continuer à
poursuivre les avocats qui remettent des pièces à leur client ! Cette pratique
s'est suffisamment instaurée pour que, récemment, il ait fallu recourir au
droit de grâce exercé par le Président de la République afin qu'un avocat ne
soit pas sali et puisse continuer à exercer son métier.
Il s'agit d'un point important ! Si vous votez l'amendement de la commission,
contre l'avis du Gouvernement, contre notre avis et contre l'avis de beaucoup,
vous décidez de maintenir l'hypocrisie qui consiste à interdire à un avocat de
remettre tout ou partie de la copie de son dossier à son client.
Par conséquent, je demande au Sénat de repousser l'amendement de la
commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7, sur lequel M. Dreyfus-Schmidt a
demandé un vote par division.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Monsieur le président, la commission est
quelque peu embarrassée, car la position qui est la sienne n'a pas été retenue.
Bien évidemment, elle en prend acte, mais elle ignore à quelle proposition
positive elle peut aboutir.
La commission a présenté un amendement tendant à supprimer l'article 1er AB.
Pour des raisons que je comprends parfaitement, cet amendement n'a pas été
adopté par un certain nombre de nos collègues. Toutefois, la commission ne
s'est pas prononcée sur le bien-fondé du texte du Gouvernement. Je demande donc
une suspension de séance, monsieur le président, de façon que la commission
puisse se réunir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre la demande de réunion de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, en tant que
président, c'est moi qui demande cette réunion !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai bien compris !
M. le président.
Dans ce cas, monsieur Dreyfus-Schmidt, elle est de droit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais les commissaires ne sont pas présents !
M. le président.
Mes chers collègues, pour permettre à la commission des lois de se réunir,
nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à
vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
détention provisoire.
Nous en sommes parvenus, au sein de l'article 1er AB, au vote de l'amendement
n° 7.
M. Georges Othily,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur.
Monsieur le président, la commission dépose un amendement,
que je crois consensuel, tendant à rédiger l'article 1er AB.
M. le président.
Je suis en effet saisi d'un amendement n° 32 rectifié, présenté par M. Georges
Othily, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit l'article 1er
AB :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est
remplacé par les dispositions suivantes :
« Après la première comparution ou la première audition, les avocats des
parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des
pièces et actes du dossier.
« Les avocats peuvent transmettre à leur client la copie obtenue. Les
dispositions des deux alinéas suivants sont reproduites sur chaque copie.
« Les parties ou leurs avocats peuvent communiquer pour les besoins de la
défense les copies des pièces ou actes à tout expert qui est alors soumis aux
textes régissant le secret professionnel et le secret de l'instruction.
« Le fait de publier les copies par tous moyens, en tout ou en partie, est
puni de 25 000 francs d'amende.
« Le juge d'instruction peut s'opposer, par ordonnance motivée, à la
transmission par l'avocat à son client de certaines copies de pièces ou actes
du dossier. »
« II. - Au troisième alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale,
après les mots : "de l'ordonnance", sont insérés les mots :
"prévue au dernier alinéa de l'article 114 ainsi que de
l'ordonnance". »
« III. - L'article 194 du code de procédure pénale est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« En matière d'appel de l'ordonnance prévue au dernier alinéa de l'article
114, la chambre d'accusation doit se prononcer dans les plus brefs délais et au
plus tard dans les quinze jours de l'appel, faute de quoi l'avocat est en droit
de transmettre à son client les copies de pièces ou actes du dossier en cause.
»
Dans ces conditions, monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous de retirer
l'ensemble des amendements que les membres de votre groupe et vous-même aviez
présentés sur l'article 1er AB ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avons voté l'amendement n° 32 rectifié en commission des lois. Si
celui-ci est adopté en séance publique, nous retirerons nos amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 rectifié ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je viens de prendre connaissance de cet amendement à
l'instant. Aussi, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure afin
de l'examiner.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à
vingt-deux heures cinquante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Je rappelle que nous en étions parvenus, au sein de l'article 1er AB, à
l'examen de l'amendement n° 32 rectifié, qui a été exposé par M. le
rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Après ces quelques minutes de suspension, qui m'ont
permis de prendre connaissance de l'amendement n° 32 rectifié, me voici en
mesure de donner au Sénat un avis éclairé.
Je tiens tout de suite à dire que j'aurais souhaité seconder l'effort de la
commission des lois qui, après avoir refusé ce matin le principe de légiférer
dans ce domaine, a adopté ce soir un texte s'inspirant du principal amendement
du groupe socialiste ; malheureusement, je ne peux me rallier à cet amendement
de la commission des lois, d'abord pour une raison qui me paraît très forte et
que les promoteurs initiaux de cet amendement, c'est-à-dire les membres du
groupe socialiste, devraient aussi considérer comme telle.
M. Dreyfus-Schmidt a fondé une bonne partie de son argumentation sur la
nécessité, à travers la communication des pièces du dossier, de mieux assurer
les droits de la défense. Il a, en particulier, critiqué le texte adopté par
l'Assemblée nationale, au motif que celui-ci donne une latitude au juge de
s'immiscer en quelque sorte dans le système de défense de l'avocat.
La principale critique que je fais à l'amendement n° 32 rectifié, présenté par
la commission des lois, est la suivante : au lieu de permettre à l'avocat,
comme le prévoit le texte de l'Assemblée nationale, de décider, en fournissant
une liste, les pièces qu'il veut voir communiquer, le juge ensuite se
prononçant pour ou contre, le système est inverse, puisque c'est le juge qui
décide lui-même quelles pièces l'avocat pourra communiquer. Le motif de refus
du juge n'est d'ailleurs pas précisé par le texte.
Il y a donc là, à mon avis, si l'on adopte ce point de vue, un renversement
qui est plus préjudiciable aux droits de la défense que le texte voté par
l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, aucune des modalités pratiques permettant au juge de s'opposer à
la communication des pièces par l'avocat à son client n'est prévue par le texte
présenté par la commission. Ainsi, par exemple, vous avez supprimé la
disposition qui consiste à aviser le juge de l'intention de communiquer les
pièces. Quand le juge peut-il savoir que l'avocat a cette intention ? Dans quel
délai peut-il accepter la communication des pièces ou s'y opposer ? Il y a donc
là une difficulté pratique tout à fait considérable.
J'en viens à la sanction encourue pour le cas où les pièces communiquées
seraient publiées ; ces faits tombent déjà, comme vous le savez, sous le coup
de l'article 38 de la loi sur la presse. L'intérêt du texte de l'Assemblée
nationale est d'ajouter une sanction spécifique pour la partie qui remet les
pièces à un tiers,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qui les diffuse !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... même si elles ne sont pas publiées. C'est à mon
avis un bon type de sanction dans la mesure où cette dernière est adaptée.
Enfin, le fait que le recours contre le refus du juge soit porté devant la
chambre d'accusation elle-même et non pas devant son président introduit
indiscutablement une lourdeur qui me paraît inopportune dans cette
procédure.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne crois pas pouvoir me rallier à
l'amendement n° 32 rectifié et souhaite que soit adopté le texte voté par
l'Assemblée nationale. En effet, ce dernier, quelque compliqué qu'il soit,
comme l'a très justement dit M. le président de la commission des lois avant la
suspension du dîner, n'en est pas moins nécessaire : n'oublions pas qu'il
s'agit d'organiser la communication des pièces par l'avocat à son client sans
que ceux qui n'ont pas à en connaître en prennent connaissance et sans que
cette communication puisse créer quelque dommage sur des personnes qui sont ou
non parties à la procédure et qui pourraient, par exemple, se trouver menacées
à la suite de cette communication.
Certes, le problème n'est pas facile à résoudre et en conséquence - je le
reconnais volontiers - le texte est compliqué. Mais le texte adopté par
l'Assemblée nationale comporte à la fois des principes et des mécanismes qui me
paraissent plus efficaces et plus protecteurs du droit de l'avocat et de son
client que l'amendement n° 32 rectifié. Voilà pourquoi, monsieur le président,
le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce dernier.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je souhaite simplement redire quel a été le
cheminement de la réflexion de la commission.
Nous avons été confrontés à un texte dont nous avons la faiblesse de penser
qu'il est inapplicable compte tenu de sa complexité. Certes, il existait la
solution consistant à s'en tenir au système actuel, qui est simple, étant
entendu qu'il aurait été possible de voir, par la suite, ce qu'il y avait lieu
de faire. Telle était la position qu'avait exprimée en plusieurs occasions le
Gouvernement et que nous avions soutenue.
Mais à partir du moment où le Gouvernement prend la responsabilité de faire
sauter, en quelque sorte, le verrou de l'article 114 du code de procédure
pénale, il faut inventer un système qui soit efficace et simple.
Je signale au passage que l'amendement n° 32 rectifié est l'amendement non pas
de M. Dreyfus-Schmidt, mais de la commission. En effet, à partir du moment où
cette dernière a constaté que le principe même du maintien de l'article 114 du
code de procédure pénale en sa rédaction actuelle n'était pas retenu, sa
réflexion, compte tenu du caractère inapplicable et de la lourdeur extrême,
selon elle, du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, s'est orientée vers
la recherche d'un système simple. Celui qu'elle présente dans l'amendement n°
32 rectifié donne, à son avis, toutes les garanties souhaitables : le juge a
connaissance des pièces que l'avocat veut communiquer ; on lui reconnaît, pour
des motifs qui lui appartiennent, le droit de s'y opposer ; il s'y oppose sous
le contrôle de la chambre d'accusation, qui doit intervenir dans un délai de
quinze jours.
Je regrette, pour ma part, que le principe actuel de l'article 114 du code de
procédure pénale n'ait pas été maintenu. Une décision a été prise, sans doute
en toute connaissance de cause, par nos collègues qui avaient suivi avec toute
l'attention nécessaire ce texte.
Mais une fois que l'on a décidé de modifier cet article 114, il faut inventer
un système simple. Le dispositif présenté par la commission a justement le
mérite de la simplicité. Et je conclurai par une réflexion, certes un peu
rapide, mais tout à fait justifiée dans le cas présent : pourquoi faire simple
quand on peut faire compliqué ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous nous trouvons en face d'un amendement émanant de la commission et non du
groupe socialiste ; en effet, nous n'y retrouvons pas beaucoup de dispositions
qui figuraient dans notre proposition.
Je sais que M. le garde des sceaux n'a pas eu beaucoup de temps pour examiner
ce texte, mais je voudrais répondre aux observations qu'il vient de
présenter.
Actuellement, l'avocat, après la première comparution ou la première audition,
peut se faire délivrer, à ses frais, copie de tout ou partie des pièces et
actes du dossier pour son usage exclusif et sans pouvoir en établir de
reproduction ; tel est le texte actuel.
Je constate qu'aucun délai n'est prévu ! L'argument de M. le garde des sceaux
consistant à dire que l'amendement n° 32 rectifié ne prévoit pas de délai pour
que le juge d'instruction autorise la communication des pièces par l'avocat à
son client ou s'y oppose ne tient donc pas, puisque, jusqu'à présent, il n'y
avait déjà pas de délai. Les choses doivent se passer normalement entre gens de
bonne compagnie ; dès lors que le juge est saisi d'une demande de copie de
pièces, il a le droit de dire qu'il s'oppose à la communication de telle pièce
au client.
M. le garde des sceaux nous dit que les droits de la défense sont moins bien
respectés que dans le système adopté par l'Assemblée nationale. C'est inexact.
En effet, dans ledit système, l'avocat est obligé de dire au juge quelle pièce
il a l'intention de communiquer à son client. Or, cela, à l'évidence, ne
regarde pas le juge d'instruction. D'ailleurs, les relations entre le client et
son avocat ne regardent personne !
Dans l'amendement dont nous discutons, c'est au moment où l'avocat demande
communication des pièces ou du dossier ou de telle ou telle pièce que le juge a
le droit de s'y opposer pour telle ou telle raison. On nous fait valoir, alors,
qu'il ne dit pas pour quel motif. Mais l'ordonnance doit être motivée. Le juge
aura donc toute liberté d'expliquer pourquoi il ne veut pas que l'avocat
communique cette pièce à son client.
Appel devant la chambre d'accusation ! La chambre d'accusation est faite pour
que ce soit une collégialité qui ait à statuer sur les décisions prises par un
juge unique, le juge d'instruction.
En conclusion, cet amendement, même s'il ne nous donne pas la satisfaction que
nous donnait notre propre texte, tend à mettre en place un système simple, et
c'est pourquoi nous le voterons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais donc mettre aux voix successivement les amendements n°s 7 à 14, qui
ont été exposés par leur auteur et qui, je le rappelle, ont fait l'objet d'un
avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Sur l'amendement n° 7, j'ai été saisi, par M. Dreyfus-Schmidt, d'une demande
de vote par division.
Je vais donc d'abord mettre aux voix les paragraphes I à VI, à l'exception du
dernier alinéa du paragraphe I.
C'est bien cela, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, certains de nos collègues ici présents n'ont pas
assisté à nos débats avant la suspension de séance.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'allez pas recommencer la présentation des
amendements !
Je vous donne la parole pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, ceux de nos collègues qui n'étaient pas là doivent tout
de même savoir sur quoi nous votons !
Voilà donc le texte que nous avions proposé et qui est encore plus simple
puisque les avocats peuvent transmettre à leur client la copie obtenue.
Pour le reste, nous proposons le système allemand : le client atteste par
écrit avoir pris connaissance des dispositions des deux alinéas suivants, qui
sont reproduits par cachet sur chaque copie, à savoir, premièrement : « Cette
copie ne peut être communiquée à des tiers que pour les besoins de la défense.
», et, deuxièmement : « Le fait de la publier... est puni de 25 000 francs
d'amende. »
Je demande donc un vote uniquement sur ce principe, qui est extrêmement
simple, qui tient compte du fait que nous sommes au siècle de la machine à
photocopier et qu'il faut vouloir ce qu'on ne peut pas empêcher.
Sera ensuite mis aux voix - c'est l'objet du vote par division - l'alinéa qui
énonce que : « A titre exceptionnel, le juge peut s'opposer, après avis du
bâtonnier,... » puisque l'un de nos collègues, membre de la majorité, a estimé
que c'était bien lourd et qu'il valait mieux que le juge ne puisse pas
s'opposer.
M. le président.
C'est bien, me semble-t-il, ce que j'avais dit, et je pense que, d'une façon
générale, l'ensemble de nos collègues ici présents savent lire un
amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
S'ils en ont le temps !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, les amendements ayant été exposés, j'ai demandé si,
sur l'ensemble, il y avait des explications de vote.
Cela étant dit, je vous donne la parole pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous en remercie, monsieur le président, car c'est sur chaque amendement
que je tiens à m'exprimer au moins brièvement.
En effet, s'ils ont été exposés à dix-neuf heures, il est évident qu'à
vingt-trois heures plus personne ne se rappelle à quoi ils tendent. Or, il faut
savoir sur quoi l'on vote.
Dans le texte de l'Assemblée nationale, il est dit que l'on peut communiquer
les rapports d'expertise. Cela ne suffit pas. En effet, pour qu'un homme de
l'art puisse comprendre un rapport d'expertise, l'évaluer et donner en somme un
contre-rapport à la personne mise en examen ou à son avocat, il faut qu'il ait
connaissance de toutes les pièces qui, dans le dossier, éclairent ce rapport
d'expertise.
C'est pourquoi notre amendement, qui est très important, qui ne choque
personne ni aucun principe, prévoit, lui, que l'on peut communiquer les copies
de pièces à tout expert - mais seulement à tout expert - celui-ci étant alors
soumis aux textes régissant le secret professionnel et le secret de
l'instruction.
Tout avocat, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, sait en
effet que, dans les matières techniques, il est nécessaire que le client puisse
lui expliquer de quoi il s'agit et que lui-même puisse avoir recours à tel ou
tel homme de l'art pour pouvoir combattre éventuellement les conclusions de
l'expert commis par le juge d'instruction.
Tel est le sens de l'amendement n° 8.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 9, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale énonce que : « Seules les
copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou
leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense. »
Comme je viens de l'expliquer, les rapports d'expertise ne suffisent pas.
Voilà pourquoi notre amendement prévoit que : « Les copies peuvent être
communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de
la défense. »
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 10, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est ainsi conçu : « L'avocat
doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à son greffier
ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de
réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une
reproduction à son client. »
C'est d'une lourdeur extraordinaire ! Nous sommes au siècle du fax ! Pourquoi
obliger l'avocat soit à se déplacer jusqu'au cabinet du juge d'instruction,
soit à adresser une lettre recommandée avec accusé de réception - voilà des
frais en plus ! sans compter la lenteur - plutôt que de se passer de formes
obligatoires, comme c'est le cas actuellement ?
A l'heure actuelle, il est dit qu'il a le droit d'avoir la copie du dossier.
Il n'est nullement précisé qu'il le fait par lettre recommandée ou par
déclaration au greffe. Il commande le dossier. Point !
Nous proposons donc de supprimer cette disposition, pour permettre à l'avocat
de commander le dossier purement et simplement, sans l'obliger, en outre, à
dire au juge quelles pièces il entend communiquer.
S'il veut demander la copie complète du dossier, le juge dira : d'accord, sauf
telle ou telle pièce que je ne veux pas que vous communiquiez à votre client.
Pourquoi demander à l'avocat de le faire soit par déclaration au greffe, soit
par lettre recommandée, en le priant de donner toute la liste ?
Et si le dossier est énorme - ils sont de plus en plus volumineux - l'avocat
devra-t-il citer toutes les pièces ? Retenir ce système, c'est supprimer le
droit que l'on prétend reconnaître. Voilà pourquoi nous proposons la
suppression de cet alinéa.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 11, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pratiquement un amendement de forme.
Il est dit que : « Le juge d'instruction dispose de cinq jours ouvrables à
compter de la réception de la demande pour s'opposer à la remise de tout ou
partie de ces reproductions par une ordonnance spécialement motivée... ».
Nous demandons simplement qu'il soit précisé - tout à l'heure, M. le garde des
sceaux s'y est opposé ; je ne vois vraiment pas pourquoi ! - que c'est la
remise de tout ou partie de ces reproductions « par l'avocat à son client », de
manière qu'il ne subsiste pas de confusion sur la remise des pièces puisque
celles-ci peuvent également être remises par le juge à l'avocat et que c'est
seulement à la remise par l'avocat à son client que le juge peut s'opposer.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 12, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je rappelle en quelques mots de quoi il s'agit.
Actuellement, dans le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale,
sous-amendé par le Gouvernement, il est dit que, si le juge s'oppose de manière
motivée, on peut référer sa décision devant le président de la chambre
d'accusation - et non plus devant la chambre d'accusation elle-même, comme nous
le demandions tout à l'heure - et que le président de la chambre peut s'y
opposer par une décision écrite, motivée - nous sommes d'accord - et non
susceptible de recours.
Nous aimerions qu'en la matière il puisse y avoir une jurisprudence identique
pour l'ensemble de la France. Nous ne voyons donc pas pourquoi la Cour de
cassation ne pourrait pas être saisie d'un recours qui, évidemment, n'aurait
plus d'effet pratique immédiat - le procès sera terminé quand la Cour de
cassation sera éventuellement amenée à statuer - mais qui permettrait qu'au
moins la jurisprudence soit la même dans toute la France. On saurait ainsi
quelles sont les pièces pour lesquelles il est normal que le juge s'oppose à ce
qu'elles soient communiquées par l'avocat à son client, et quelles sont celles
pour lesquelles, au contraire, ce n'est pas normal.
Voilà pourquoi nous demandons de supprimer les mots : « non susceptible de
recours ».
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 13, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
De quoi s'agit-il ? D'un droit qui est reconnu aux avocats et à leurs clients
mis en cause. Les avocats ont le droit de remettre les pièces à leur client dès
lors que le juge ne s'y est pas opposé.
Bien souvent, en matière d'instruction, les clients de l'avocat sont en
prison. Donc, celles des pièces pour lesquelles le juge ne se sera pas opposé à
ce qu'elles soient remises par l'avocat à son client - par exemple, dans une
affaire d'accident du travail, comme cela se voit par les temps qui courent, le
PDG veut savoir ce qu'on lui reproche - ces pièces, dis-je, seront remises à
l'intéressé en prison. C'est ce qui se fait tous les jours dans toutes les
affaires d'assises. Lorsqu'une instruction est terminée, la loi dispose que la
copie complète du dossier est remise à l'intéressé qui va passer devant la Cour
d'assises. Et cela ne pose aucun problème !
La Cour de cassation, comme nous l'avons rappelé tout à l'heure, a décidé par
deux arrêts du 12 juin 1996 que, dès que l'affaire est terminée, quelle que
soit la matière - plus seulement criminelle, mais également correctionnelle -
les personnes, y compris les détenus, ont le droit de voir la copie de leur
dossier. Cela signifie qu'aujourd'hui, dans toutes les prisons de France et de
Navarre, les avocats ont le droit de remettre à leur client, quand
l'instruction est terminée, la copie du dossier.
Et il faudrait un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les modalités selon
lesquelles les documents peuvent être remis par l'avocat à une personne détenue
! Pourtant, la loi explique déjà parfaitement que la communication de l'avocat
et de son client est libre, dès lors qu'elle est compatible avec les exigences
de la discipline et de la sécurité de la prison.
Quand un avocat va voir un client, il dit au gardien : « J'ai ces quelques
pièces à remettre à mon client ». Et le gardien lui répond soit : « Oui maître
», soit : « Donnez-les, on les transmettra au greffe, puis on les remettra à
votre client ». Cela ne pose aucun problème !
En revanche, prévoir un décret en Conseil d'Etat, c'est prendre le risque que
ce décret ne paraisse pas. M. le garde des sceaux nous a dit : je m'engage à ce
que celui-ci soit pris « le plus rapidement possible ». Mais nous savons bien,
tous autant que nous sommes, sur quelque travée que nous siégions, d'une part,
que les ministres s'engagent tout le temps à prendre « le plus rapidement
possible » les décrets prévus par les lois et, d'autre part, parce qu'il est de
notre mission de contrôler l'application des lois après leur promulgation, que,
souvent, des règlements ne sont jamais édictés, ou le sont très tard.
Mes chers collègues, si vous votez une loi qui ne permet qu'avec beaucoup de
réticence et de nombreux contrôles la communication des pièces d'un dossier par
l'avocat à son client, au moins admettez que cette disposition entre en
application dès que la loi sera promulguée et renoncez à autoriser le
Gouvernement à prendre un décret d'application en Conseil d'Etat.
Par conséquent, je vous demande de voter notre amendement visant à supprimer
ce décret en Conseil d'Etat, qui n'a aucune utilité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 14, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le paragraphe I de cet amendement est purement formel et peut-être sera-t-il
accepté, puisque M. le garde des sceaux a parlé tout à l'heure de
l'interdiction de « remettre ».
Le texte proposé par le paragraphe IV de l'article 1er AB pour l'article 141-1
du code de procédure pénale dispose : « ... le fait, pour une partie à qui une
reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise en
application de cet article, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 25 000
francs d'amende. »
Je reconnais que c'est purement de forme, mais on ne « diffuse pas une pièce
auprès d'un tiers », on la « remet à un tiers ». En effet, si l'on regarde dans
un dictionnaire, « diffuser », cela veut dire très exactement « répandre dans
différentes directions ». Or on ne peut pas répandre dans diverses directions
auprès d'un seul tiers.
Nous proposons donc simplement - en effet, quand on élabore la loi, il vaut
mieux la rédiger correctement - d'écrire : « remettre à » plutôt que : «
diffuser auprès de ». Sur ce point-là, M. le garde des sceaux ne nous a
d'ailleurs pas donné son avis tout à l'heure.
Quant au paragraphe II de cet amendement, il vise à compléter le texte proposé
pour l'article 141-1 du code de procédure pénale en précisant que l'on a le
droit de remettre des pièces ou actes de procédure à un tiers dès lors qu'il
s'agit de dénoncer la longueur déraisonnable de l'instruction. - «
Déraisonnable », voilà un mot qui devrait plaire à M. le garde des sceaux, qui
a demandé que l'on fasse figurer dans la loi le mot « raisonnable ».
Cela veut dire que, si une affaire risque d'être étouffée, on a le droit de
dénoncer la lenteur de l'instruction.
Par ailleurs, un mis en examen doit avoir aussi le droit de répliquer à une
information publique relative à une instruction. J'ai ainsi déjà expliqué que
si le parquet, par exemple, organise une conférence de presse pour dire ce
qu'il y a dans un dossier, il est normal que celui qui est ainsi jeté aux
chiens ait le droit de communiquer les pièces pour démontrer qu'il n'est pas
coupable, pour protester de son innocence, pour rétablir sa présomption
d'innocence.
Il s'agit, en effet, maintenant non plus du viol de la présomption
d'innocence, mais de son respect.
M. le garde des sceaux nous a dit que la personne en question avait bien le
droit de dire ce qui y figurait, mais pas celui de remettre à un tiers les
pièces. Or, il peut arriver que ce soit les pièces elles-mêmes qui démontrent
la véracité de leur contenu. Cette personne ne sera pas forcément crue si elle
se contente de protester de son innocence, elle peut devoir fournir une pièce,
sans que cela nuise à quiconque. C'est pourquoi nous demandons de prévoir que,
dans ce cas-là, il n'y a plus de délit.
En d'autres termes, et je le répète, en cas d'abus du secret de l'instruction,
il est tout à fait normal que, pour respecter le droit de la défense - c'est le
cas de le dire - une personne puisse faire état de pièces du dossier. Dans un
tel cas, il n'y a plus de secret de l'instruction puisque, par définition, soit
il a été violé, soit il est maintenu si longtemps que l'affaire risque d'être
étouffée.
Il arrive que des affaires soient étouffées. Vous en avez vu comme moi,
monsieur le garde des sceaux ! Je ne parle d'ailleurs ni d'aujourd'hui ni
d'hier, mais de toujours.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
J'interviens, monsieur le président, pour manifester
d'abord que je suis les explications de M. Dreyfus-Schmidt, bien que ce soit la
troisième fois que je les entende.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La troisième, vous croyez ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
De plus, non seulement je les entends, mais je les
écoute !
Je voudrais dire que je suis tout à fait d'accord pour remplacer le mot : «
diffuser », par le mot : « remettre à ». Il faudrait donc procéder au fameux
vote par division dont M. Dreyfus-Schmidt est un adepte.
En revanche, le second point, bien entendu, il n'est pas question que le
Gouvernement l'accepte, puisque je m'oppose à la diffusion d'un certain nombre
de pièces.
Je ne reviens donc pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je suis tout à
fait d'accord pour la première rectification.
M. le président.
Nous allons donc procéder à un vote par division sur l'amendement n° 14.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe I de l'amendement n° 14, repoussé par la
commission et accepté par le Gouvernement.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe II de l'amendement n° 14, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er AB.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Contrairement à ce que l'on croit, nous allons trop vite !
En effet, parce que nous sommes pressés par le temps, la commission, après
avoir été battue sur sa position qui consistait à refuser toute communication,
après avoir été battue sur l'amendement qu'elle avait adopté tout à l'heure,
n'a sans doute pas osé demander une nouvelle suspension de séance pour examiner
les autres amendements, ceux sur lesquels nous venons de voter, et sur
lesquels, monsieur le président, sauf erreur de ma part, je ne vous ai pas
entendu, demander l'avis de la commission qui, avant la reprise, n'en n'avait
pas.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai clairement entendu la commission dire qu'elle
était défavorable à tous les amendements que vous aviez déposés.
(M. le
rapporteur fait un signe d'approbation.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous prie de m'en excuser, mais je ne l'ai pas entendu !
M. le président.
Je suis là pour entendre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'adresse donc un reproche à M. le rapporteur puisque ces amendements n'ont
pas été examinés en tant que tels depuis que son propre amendement a été
rejeté...
M. Georges Othily,
rapporteur.
Mais si !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er AB, modifié.
(L'article 1er AB est adopté.)
Article 1er A
M. le président.
L'article 1er A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 27, Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de le rétablir dans la rédaction
suivante :
« Dans le premier alinéa de l'article 144 du code de procédure pénale, le mot
"encourue" est remplacé par le mot "prévue". »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement vise à ce que la décision de placement en détention provisoire
s'apprécie en fonction de la peine prévue pour l'infraction commise et non en
fonction de la peine afin d'éviter que la détention provisoire ne s'applique à
de petits délinquants récidivistes ayant commis des délits d'une gravité
mineure.
Priver un individu de sa liberté, et ce avant même qu'il ait été jugé, est,
chacun le sait, une décision lourde de conséquences.
Exception notable aux principes fondamentaux de la liberté individuelle et de
la présomption d'innocence, la détention provisoire doit être l'exception. Nous
sommes, me semble-t-il, tous d'accord sur ce principe.
Est-il, dès lors, conforme à ce principe que des faits de faible gravité
puissent entraîner un placement en détention provisoire ? Je ne le crois pas.
Vous savez d'ailleurs, mes chers collègues, que l'emprisonnement est un frein à
la réinsertion.
Par ailleurs, je me permets de vous rappeler que, déposé en première lecture
par notre groupe, un amendement identique avait été adopté par la Haute
Assemblée, M. le garde des sceaux s'en étant remis à la sagesse de celle-ci
dans la mesure où cette mesure ne soulevait aucune difficulté pratique. M. le
rapporteur et M. Cabanel avaient, quant à eux, émis un avis favorable.
Il est tout à fait regrettable que l'Assemblée nationale ait supprimé cette
disposition sans même en débattre. Je vous invite donc, mes chers collègues, à
adopter cet amendement afin que la détention provisoire reste réservée aux
infractions pénales les plus graves et conserve ainsi son caractère
exceptionnel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je m'en remets à la sagesse du
Sénat, comme précédemment.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Robert Pagès.
Notre Haute Assemblée a changé d'avis !
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - I. -
Non modifié.
« II. - Le 2° de l'article 144 du code de procédure pénale est remplacé par un
2° et un 3° ainsi rédigés :
« 2° Lorsque cette détention est l'unique moyen de protéger la personne mise
en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre
fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
« 3° Lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des circonstances de sa
commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé, a provoqué un
trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, auquel la détention est
l'unique moyen de mettre fin. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les
membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 28 est déposé par Mme Borvo, M. Pagès, les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
Tous les deux tendent à supprimer le second alinéa (3°) du texte proposé par
le II de cet article pour remplacer le 2° de l'article 144 du code de procédure
pénale.
Par amendement n° 16 rectifié, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, dans le second alinéa (3°) du texte
présenté par le II de cet article, pour remplacer le 2° de l'article 144 du
code de procédure pénale, de supprimer les mots : « et persistant ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je l'ai déjà défendu, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Robert Pagès.
Monsieur le garde des sceaux parlait lui-même de critères flous et vagues qui
ne peuvent fonder la privation de liberté.
S'agissant de critères imprécis autorisant des abus éminemment subjectifs,
nous proposons de supprimer le motif tiré de la nécessité de préserver l'ordre
public en raison du trouble causé par l'infraction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission a examiné les amendements n°s 15 et 28 avec
attention et elle a émis un avis défavorable car ils suppriment le trouble à
l'ordre public comme critère de placement en détention provisoire. Or, dans
l'hypothèse des crimes passionnels ou de la violation de sépulture, ce critère
pourrait être utile.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement 16 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes pour la suppression du critère, non pas, je le rappelle, de «
trouble à l'ordre public », mais de trouble « exceptionnel » à l'ordre public,
et également de trouble « persistant » à l'ordre public, comme l'a prévu
l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous est proposé dispose qu'on peut placer une personne en
détention provisoire « Lorsque l'infraction, en raison de sa gravité,..., a
provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, auquel la
détention est l'unique moyen de mettre fin. »
Si la détention est le seul moyen d'y mettre fin, c'est que, bien évidemment,
le trouble persiste. Cela va de soi ! Il est donc tout à fait inutile de
préciser qu'il est persistant.
En première lecture à l'Assemblée nationale, le rapporteur, M. Houillon, qui a
proposé d'indiquer que le trouble doit être « exceptionnel et persistant », a
prétendu reprendre une nombreuse jurisprudence de chambres d'accusation dans
des cas « où la personne susceptible d'être mise en détention était appréhendée
et mise en examen bien après les faits ».
Cette jurisprudence se justifiait dès lors que l'article 144 du code de
procédure pénale évoquait la nécessité de la détention « pour préserver l'ordre
public du trouble causé par l'infraction ». Il n'était pas alors spécifié que
c'était pour y mettre fin.
Il était bien normal, lorsque l'on arrêtait quelqu'un longtemps après les
faits, que la chambre d'accusation se posât la question de savoir si le trouble
durait encore, sinon elle ne pouvait plus mettre l'intéressé en détention
provisoire.
Mais dès lors qu'aujourd'hui, avec le texte nouveau, le trouble n'est pris en
considération que lorsque la détention est le seul moyen, encore une fois, d'y
mettre fin, par définition le trouble persiste. Il est donc tout à fait inutile
d'alourdir le texte en le précisant. Voilà pourquoi nous demandons la
suppression des mots « et persistant ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 16 rectifié ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement. J'avais
d'ailleurs moi-même fait part de mes interrogations dans mon rapport écrit sur
la pertinence du terme « persistant ».
J'avais pensé qu'il aurait peut-être une utilité, non pour une décision de
placement en détention, mais en cas de maintien en détention. L'exposé des
motifs de l'amendement démontre bien, de manière convaincante, que cela n'est
pas le même cas.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je veux confirmer ce que j'ai déjà dit en première
lecture, puisque nous avons déjà eu ce débat : je suis hostile aux deux
amendements de suppression n°s 15 et 28, ainsi qu'à l'amendement n° 16
rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne vous ai donc pas convaincu, et vous persistez dans l'erreur !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 28, repoussés par la
commision et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Franchement, c'est une question quasiment de forme !
Si nous nous battons, ce n'est pas par plaisir ! C'est simplement parce qu'il
nous paraît être de notre devoir de législateur de rédiger des textes qui
soient cohérents et non pas ridicules !
Or il est ridicule d'exiger l'existence d'un trouble exceptionnel et
persistant et de préciser en même temps que la détention doit être le seul
moyen d'y mettre fin ! Il est bien évident que le trouble est persistant, à
défaut de quoi il serait inutile de mettre quelqu'un en prison pour y mettre
fin !
M. le garde des sceaux prétend traiter notre amendement par le mépris en
disant qu'il y est défavorable, sans préciser pourquoi ni comment. Je me
permets d'insister auprès de nos collègues, quelles que soient les travées sur
lesquelles ils siègent, pour reconnaître, comme la commision l'a fait tout
naturellement, elle qui s'est penchée sur ce problème, que notre observation
était simplement juste.
M. Pierre Fauchon.
C'est bien vrai !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, accepté par la commision et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le groupe socialiste également.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Il est inséré, après l'article 144 du code de procédure pénale, un
article 144-1 ainsi rédigé :
«
Art. 144-1
. - La détention provisoire ne peut excéder une durée
raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en
examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de
la vérité.
« Le juge d'instruction doit ordonner la mise en liberté immédiate de la
personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues par
l'article 147, dès que les conditions prévues à l'article 144 et au présent
article ne sont plus remplies. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 2.
M. le président.
Par amendement n° 18, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale est rédigé
comme suit :
« Le juge d'instruction statue en audience de cabinet après un débat
contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public,
puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles
de son avocat. Lorsque la personne mise en examen ou son avocat en fait la
demande, ce débat se déroule en audience publique sauf si la publicité est de
nature à nuire au bon déroulement de l'information, aux intérêts des tiers, à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Le juge statue sur cette demande par une
ordonnance motivée qui n'est susceptible d'appel qu'en même temps que
l'ordonnance portant sur le placement en détention. »
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
J'ai eu l'occasion, dans mon propos liminaire, de souligner l'importance de
l'amendement que je vais soutenir maintenant.
Chacun d'entre nous sait qu'il règne, autour des décisions de placement en
détention provisoire depuis quelques années, beaucoup de rumeurs, de tumultes
et d'incertitudes. Nombreuses ont été les recherches et les réflexions pour
essayer d'améliorer cette situation.
Le placement en détention provisoire, je n'ai pas besoin de le dire, constitue
l'acte le plus grave qui soit dans notre droit puisque, aussi bien, il s'agit,
ne l'oublions jamais, de quelqu'un qui est présumé innocent.
Pour améliorer les garanties nécessaires, différentes procédures ont été tour
à tour suggérées, parfois votées, introduites. Je tiens à marquer qu'elles ne
sont pas inefficaces. J'ai eu l'occasion de le souligner tout à l'heure, parmi
les très nombreux textes qui se sont succédé depuis une vingtaine d'années,
deux d'entre eux ont eu un effet très important sur la détention provisoire.
Le premier texte est le butoir de 1975 : limite de six mois au plus de la
détention provisoire s'agissant de ceux qui n'avaient pas été condamnés ou
condamnés qu'à une peine d'emprisonnement qui n'est pas supérieure à un an,
lorsqu'ils n'encouraient pas une peine de plus de cinq ans.
Le second texte, qui date de 1984 et que j'ai eu l'honneur de faire voter par
le Parlement à la majorité absolue, je me plais à le souligner, a introduit le
débat contradictoire devant le juge d'instruction. Cela signifie tout
simplement que, quand un justiciable est dans le bureau du juge d'instruction
et que celui-ci s'interroge sur la nécessité de le placer en détention
provisoire, à cet instant-là, la loi de 1984 a prévu un débat contradictoire,
qui n'existait pas jusqu'alors, entre l'avocat et le représentant du ministère
public devant celui qui est susceptible d'être placé en détention
provisoire.
Ce n'était pas seulement la consécration, en France, de l'
habeas corpus,
c'était aussi la meilleure façon d'éclairer le juge. Le résultat s'est
inscrit dans les chiffres car - on ne le sait pas assez, je le répète, mais les
spécialistes, eux, le savent bien - depuis ce moment-là, la courbe de la
détention provisoire n'a pas cessé de diminuer, et de façon significative si
l'on pense à ce qu'a été l'évolution de la délinquance pendant le même temps.
En dix ans, c'est une réduction du nombre de placements en détention provisoire
par le juge d'instruction de l'ordre de 28 % que l'on a enregistrée.
Nous sommes maintenant à un stade où il faut s'interroger sur le malaise
grandissant à propos du placement en détention provisoire, et en conséquence,
nous vous proposons ce soir de faire un pas de plus.
Il s'inscrit dans la logique des garanties. Qu'est-ce qu'une audience
contradictoire ? C'est un débat entre l'accusation et la défense. Dans notre
droit, il est de principe que toute audience contradictoire doit être publique.
Pourquoi publique ? Parce que c'est une garantie essentielle, pour celui qui
est susceptible d'être placé en détention provisoire, que, à cette audience, ce
qu'il fait valoir puisse être entendu au-delà du seul cabinet du magistrat
instructeur.
J'ajoute que c'est aussi l'intérêt général, car il n'est pas bon que
circulent, à propos de tel ou tel placement en détention, des rumeurs sur les
charges les aggravant au regard de ce qu'elles sont réellement ou, à l'inverse,
une désinformation qui tend à faire penser que le juge d'instruction a placé
sans raison valable le mis en examen en détention provisoire.
La publicité de cette audience contradictoire dans le bureau du juge sera donc
un progrès de plus dans les garanties du justiciable, et je dirai un progrès de
plus pour notre justice, y compris pour les juges d'instruction eux-mêmes.
M. le président.
Je vous demande de conclure, monsieur le sénateur.
M. Robert Badinter.
Ce point est tellement important, monsieur le président, qu'il me faut encore
deux minutes.
M. le président.
Monsieur le sénateur, je suis obligé d'appliquer la règle. Aussi je vous
demande de conclure le plus rapidement possible.
M. Robert Badinter.
Je vais le faire aussi précisément que possible et très rapidement.
Premièrement, c'est une exigence de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales. Tôt ou tard, nous serons donc
censurés, si nous ne la respectons pas. Selon la Cour, la publicité des
procédures constitue l'un des moyens qui contribuent à préserver la confiance
dans les cours et tribunaux.
Deuxièmement, comme il ne peut être question de porter atteinte aux droits du
justiciable, c'est seulement à sa demande - je dis bien à sa demande - que
l'audience peut être publique. Comme il convient de protéger les droits des
tiers et la bonne marche de l'instruction - on pense ici aux affaires de
terrorisme, aux affaires de grande criminalité organisée ou aux affaires de
moeurs - le juge d'instruction à qui la demande est faite peut la refuser par
ordonnance motivée.
C'est seulement ainsi que nous éviterons ce climat, ces désinformations, ces
rumeurs, et que, là, la presse pourra directement apprécier ce qu'est la
réalité des charges qui justifient le placement en détention au regard de ce
que la loi exige, le bien-fondé, par conséquent, de ce que peut être la
décision du juge.
Nous évitons la désinformation ; nous évitons la rumeur ; nous permettons à la
personne intéressée, si elle le désire, que l'audience soit publique ; nous
permettons au juge de la refuser au regard des intérêts des tiers ou de la
bonne marche de l'information. C'est ce progrès-là que nous demandons au Sénat
de réaliser dans l'intérêt général et à un moment ou l'on peut véritablement
parler, à ce sujet, de crise de l'instruction.
J'ajoute que la commission des lois s'est déclarée favorable à cet amendement
ce matin.
M. le président.
Nous allons en avoir confirmation.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Cet amendement permet la publicité du débat précédant la
décision de placement en détention provisoire.
La commission des lois a estimé que la publicité des débats préalablement à
cette décision serait de nature à diminuer le nombre des mandats de dépôt, ce
qui, au fond, est bien l'objectif du projet de loi.
Elle est bien consciente du fait qu'il s'agit d'une exception au secret de
l'instruction, mais des précautions sont prises : il est notamment prévu des
cas dans lesquels il n'y aura pas de publicité. Par ailleurs, un tel dispositif
existe déjà devant la chambre d'accusation ; pourquoi pas devant le juge ?
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis hostile à cet amendement, comme je l'ai été
d'ailleurs en première lecture, et cela pour les raisons suivantes.
D'abord, je suis très favorable à la proposition de la mission Jolibois de
1995 qui, au titre de ce qu'elle a appelé « les fenêtres de publicité »,
souhaiterait rendre publiques, systématiquement, les audiences de la chambre
d'accusation. C'est d'ailleurs une des propositions que je ferai dans la
réforme du code de procédure pénale.
Toutefois, au moment où le juge d'instruction s'apprête à prendre la décision
d'un mandat de dépôt, je considère que, si le débat contradictoire a été un
progrès, le fait de le rendre public serait une régression. Ce serait en effet,
par définition, prendre cette décision, comme tout le monde vient de le dire, à
chaud, dans un climat conflictuel, très difficile, sous la pression et non pas
dans la sérénité.
On suppose, c'est la position de M. Badinter et de la commission des lois, que
la publicité exercera une pression en faveur de la liberté. Mais, excusez-moi
de vous le dire, cela peut être tout à fait le contraire ! Si les victimes
viennent assister et participer au débat contradictoire et qu'elles demandent
l'incarcération, ne serait-ce qu'au titre d'une espèce de vengeance, que
fera-t-on ? Comment le juge d'instruction va-t-il réagir devant cette pression
?
Et si, dans les mêmes conditions, la publicité du débat contradictoire
conduisait, en fait, non pas à protéger la présomption d'innocence, mais, au
contraire, à confirmer en quelque sorte publiquement la culpabilité ? J'ai un
souvenir très précis à cet égard.
Dans mes propositions de 1989 - je les reprendrai peut-être un jour - j'avais
envisagé un appel de la décision de mise en examen. J'avais même proposé que
cet appel se déroule en audience publique. A l'époque, à droite comme à gauche,
on m'avait objecté que cette audience constituerait un préjugement et que, si
la mise en examen ou le mandat de dépôt était confirmé, elle détruirait la
présomption d'innocence au bénéfice d'une présomption de culpabilité.
Eh bien ! on en est exactement au même point avec cet amendement n° 18. C'est
pourquoi je m'y oppose fondamentalement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
M. le garde des sceaux craint que cet amendement ne crée, du fait de la
publicité, une sorte de débat sur la présomption renforcée de culpabilité. Mais
c'est seulement si le justiciable mis en examen le demande que l'audience est
publique. C'est un droit qui est d'abord reconnu seulement à celui qui est
susceptible d'être placé en détention provisoire. C'est là que gît la
protection du justiciable.
Le juge, ensuite, au regard du bon déroulement de l'information, en matière de
terrorisme, etc., ou de ce qui peut constituer les droits des tiers, y compris
la victime, peut refuser la publicité de l'audience par ordonnance motivée.
Cependant, le principe demeure la publicité, publicité qui, je le rappelle,
depuis toujours dans notre justice pénale, quand il s'agit d'audiences,
constitue une garantie première des droits des justiciables.
Ce n'est pas une innovation fondamentale : depuis 1989, à la demande de celui
qui a été placé par le juge en détention provisoire, la chambre d'accusation
devant laquelle il a fait appel de la décision peut l'entendre et, alors,
l'audience est publique, sauf dans les cas indiqués, les mêmes que nous avons
repris s'agissant du magistrat instructeur.
Depuis 1989, y a-t-il jamais eu un incident du fait de cette disposition ?
Depuis 1989, a-t-on songé à déposer un amendement, une proposition de loi pour
modifier cet état de chose ? Pas du tout !
Nous demandons simplement, en prévoyant les mêmes précautions et au profit des
justiciables, que la publicité de l'audience qui existe en matière d'appel
puisse être admise à ce moment si important de la procédure pénale : l'instant
où une femme ou un homme présumé innocent peut être placé en détention
provisoire.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je ferai d'abord observer que, en règle générale, il n'y a rien d'exceptionnel
à ce que se déroule un débat contradictoire et public sur une question aussi
importante. C'est même, au fond, assez naturel.
M. le garde des sceaux a cité des hypothèses dans lesquelles, sans doute, le
débat contradictoire public peut être regrettable, mais nous pourrions lui
citer aussi des cas où il peut se révéler extrêmement utile.
Nous avons eu sérieusement l'impression, en différentes circonstances, au
cours de ces dernières années, que des personnes étaient mises en détention
provisoire non pas parce que le dossier contenaient des éléments qui
permettaient cette mise en détention, mais parce qu'on pensait que c'était le
moyen d'en obtenir et d'étoffer un dossier qui était assez mince au départ.
Vous le savez bien, il y a des mises en détention provisoire qui sont
apparues, monsieur le garde des sceaux, comme des espèces de mises à la
question, qui duraient un certain nombre de mois. Si, finalement, on trouvait
quelque chose, le processus suivait son cours normal. Mais il est arrivé qu'on
ne trouve rien et qu'on relâche des personnes - et ce n'était pas n'importe qui
- dont il est apparu ensuite qu'elles avaient été mises en détention provisoire
sur la base de dossiers extrêmement légers, c'est le moins que l'on puisse dire
!
Considérant que c'est là une tendance qui va plutôt croissant dans la société
actuelle - je n'ai peut-être pas besoin d'être plus précis - considérant que,
dans le système qui est proposé, la publicité est demandée par la personne
concernée - après tout, c'est elle qui prend le risque - considérant que le
juge peut sans difficulté s'y opposer et donc faire barrage - c'est une
deuxième sécurité - il me semble qu'il serait assez raisonnable de voter cet
amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne comprends pas la position de M. le garde des sceaux et je voudrais
vraiment convaincre nos collègues.
Ils se souviennent tous d'une affaire où l'intéressé a demandé que les débats
devant la chambre d'accusation soient publics : alors que, jusque-là, personne
ne savait ce qu'il y avait dans le dossier, ce sont ces débats publics qui ont
démontré à tout le monde que le dossier était beaucoup plus lourd que
l'intéressé ne le disait. Depuis, il a été condamné de manière tout aussi
lourde, y compris en appel. Je crois bien que l'affaire est pendante devant la
Cour de cassation.
Cela signifie que, si ce n'est pas contraire au bon déroulement de
l'instruction, si ce n'est pas contraire aux bonnes moeurs, à l'ordre public,
bref, dans tous les cas qui sont aujourd'hui prévus concernant la publicité des
débats, devant la chambre d'accusation, si ce n'est pas contraire aux intérêts
d'un tiers, si le juge n'y voit pas d'inconvénient, qu'est-ce qui s'oppose à ce
que le débat dans le cabinet du juge soit public ? Rien.
M. le garde des sceaux nous dit : « Moi, je serais d'accord pour que ce soit
dans tous les cas devant la chambre d'accusation. » Holà ! Doucement ! Moi, je
prends le pari que vous ne le proposerez pas, ce en quoi vous aurez raison !
Vous aurez raison parce qu'il y aura des affaires de terrorisme ou autres dans
lesquelles personne ne voudra que le secret de l'instruction soit levé et où,
si quelqu'un s'avisait de le demander, les magistrats de la chambre
d'accusation s'y opposeraient.
Mais, avec les mêmes limites que celles qui sont posées pour la publicité
devant la chambre d'accusation, il n'y a pas de raison que la publicité du
débat ne soit pas possible dès le départ, c'est-à-dire devant le juge
d'instruction.
On me dit : « Mais les victimes ! » Si les victimes risquent d'être là, de
manifester, eh bien, le juge dira que la publicité serait contraire au bon
déroulement de l'instrution. Si c'est le juge qui apprécie si c'est possible ou
non, quel risque y a-t-il ?
Monsieur le garde des sceaux, est-ce que vous ne feriez pas confiance au juge
?
Les garanties qui sont prévues dans notre amendement sont reprises
textuellement de l'article 199 : « ... lorsque la personne concernée ou son
avocat en font la demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et
l'arrêt est rendu en audience publique sauf si la publicité est de nature à
nuire au bon déroulement de l'information, aux intérêts d'un tiers, à l'ordre
public, ou aux bonnes moeurs ; ».
Si le juge lui-même estime que ce n'est pas gênant pour son instruction, où
est l'inconvénient ?
Nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
bis
M. le président.
« Art. 2
bis.
- I. - La première phrase du premier alinéa de l'article
145 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« En toute matière, le placement en détention provisoire est prescrit par une
ordonnance spécialement motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations
de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle
judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions de
l'article 144. »
« II. - Dans le quatrième alinéa du même article, les mots : "il entend
les réquisitions du ministère public" sont remplacés par les mots :
"il entend le ministère public qui développe ses réquisitions prises
conformément au troisième alinéa de l'article 82". »
Par amendement n° 2, M. Othily, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par le paragraphe I de cet article pour la première phrase du
premier alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale, de supprimer les
mots : « spécialement motivée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a précisé que l'ordonnance indiquant en
quoi le contrôle judiciaire est insuffisant serait « spécialement motivée ».
Cette précision est apparue inutile à la commission : dès lors que ladite
ordonnance doit « comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur
le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de
la détention par référence aux seules dispositions de l'article 144 », il va de
soi qu'elle doit être spécialement motivée.
L'amendement n° 2 tend donc à supprimer cette précision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19 MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer le II de l'article 2
bis.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai cherché dans les débats une explication à ce nouvel aliéna ; je n'en ai
pas trouvé ! Le rapporteur de l'Assemblée nationale a indiqué qu'il s'agissait
d'une coordination, sur quoi le garde des sceaux a dit qu'il y était favorable
et l'Assemblée nationale a voté.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Que prévoit ce paragraphe II de l'article 2
bis ?
Que, dans le
quartième aliéna de l'article 145, les mots : « il entend les réquisitions du
ministère public » sont remplacés par les mots : « il entend le ministère
public qui développe ses réquisitions prises conformément au troisième alinéa
de l'article 82 ».
Et que dispose le quatrième alinéa de l'article 145 du code de procédure
pénale ? « Le juge d'instruction statue en audience de cabinet, après un débat
contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public,
puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles
de son avocat. »
Nous sommes donc dans le cadre du débat préalable dont Robert Badinter a parlé
tout à l'heure.
Et que dit donc l'article 82, qui est visé par l'article 2
bis
du
projet de loi ? « Dans son réquisitoire introductif, et à toute époque de
l'information par réquisitoire supplétif, le procureur de la République peut
requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la
manifestation de la vérité et toutes mesures de sûreté nécessaires.
« Il peut, à cette fin, se faire communiquer la procédure, à charge de la
rendre dans les vingt-quatre heures.
« Si le juge d'instruction ne suit pas les réquisitions du procureur de la
République, il doit, sauf dans les cas prévus par le second alinéa de l'article
137, rendre une ordonnance motivée dans les cinq jours de ces réquisitions.
»
Je ne comprends pas !
Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous expliquer ce que veut dire ce
nouvel alinéa ? En quoi l'article 82 du code de procédure pénale a-t-il un
rapport avec le débat préalable ? Que signifie les mots : « les réquisitions
prises conformément au troisième alinéa de l'article 82 » ?
Décidément, je ne comprends pas !
Qu'il me faille voter, soit ! Mais je voudrais tout de même qu'apparaisse au
Journal officiel
une explication quelconque de quelqu'un. Pour
l'instant, il n'y en a pas eu la moindre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
L'avis est défavorable. J'ai indiqué à la page 28 de mon
rapport écrit que l'Assemblée nationale avait ajouté un paragraphe par
coordination avec l'insertion de l'article 1er AA, qui modifie l'article 82 du
code de procédure pénale.
A partir du moment où nous avons adopté l'article 1er AA, il est logique de
conserver le paragraphe II de l'article 2
bis
.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
La commission vient d'expliquer le fondement de cette
disposition, qui est en réalité de coordination avec l'article 1er AA.
Il est dit qu'en matière de détention le parquet doit prendre des réquisitions
écrites. L'argumentation qui sous-tend l'amendement n° 19 est donc fausse. Ce
texte a bel et bien un fondement.
En revanche, pour le parquet, la plume est serve mais la parole est libre. Il
doit donc, s'il reçoit des instructions, prendre des réquisitions conformes.
Toutefois, en application du principe figurant à l'article 33 du code de
procédure pénale, il peut dire le contraire à l'audience.
Dans ces conditions, sur le fond, l'amendement n° 19 se justifie non pas pour
les raisons qu'a indiqués M. Dreyfus-Schmidt mais pour celles que je viens
d'exposer. Je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
bis
, modifié.
(L'article 2
bis
est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I et II. -
Non modifiés.
« III. - Les deux dernières phrases du troisième alinéa sont ainsi rédigées
:
« Cette décision ne peut être renouvelée lorsque la peine encourue est
inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Lorsque la peine encourue est
supérieure à cinq ans d'emprisonnement, cette décision peut être renouvelée
selon la même procédure, sous réserve, lorsque la peine encourue est inférieure
à dix ans d'emprisonnement, que la personne mise en examen ne soit pas
maintenue en détention provisoire plus de deux ans. »
Par amendement n° 3, M. Othily, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le paragraphe III de cet article :
« III. - Les deux dernières phrases du troisième alinéa sont remplacées par
une phrase ainsi rédigée :
« Cette décision ne peut être renouvelée lorsque la peine encourue est
inférieure à dix ans d'emprisonnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur.
La divergence entre les deux assemblées sur cet article
concerne les seules affaires pour lesquelles la peine encourue est comprise
entre cinq et dix ans d'emprisonnement.
Le Sénat propose une durée maximale d'une année ; l'Assemblée nationale, quant
à elle, propose une durée maximale de deux ans, afin de tenir compte de la
complexité de certaines affaires punies de sept ans d'emprisonnement, telle
l'escroquerie en bande organisée.
La commission juge excessive une durée de détention provisoire de deux années
en matière délictuelle, tout au moins lorsque l'infraction imputée à la
personne mise en examen n'entre pas dans la catégorie des délits les plus
graves, punis de dix ans d'emprisonnement.
Elle s'interroge, par ailleurs, sur l'argument, avancé à l'Assemblée
nationale, relatif à la complexité des affaires pouvant donner lieu à une peine
d'emprisonnement supérieure à cinq ans. Il n'est pas démontré qu'il existe une
relation entre la peine encourue et la complexité de l'affaire.
La commission vous propose donc un amendement tendant à revenir au texte
adopté par le Sénat en première lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce débat a déjà eu lieu en première lecture. Le texte
initial du Gouvernement ne comportait pas de butoir. L'Assemblée nationale
propose une durée maximale de deux ans et le Sénat d'un an. Je rappelle, en
outre, qu'il n'existe pas actuellement de butoir.
Le délai plus long prévu par l'Assemblée nationale me paraît tout de même
meilleur. Il s'agit en effet d'infractions qui sont passibles de cinq à dix ans
d'emprisonnement - les tribunaux prononcent, en pratique, une peine de sept ans
- et qui correspondent à des délits graves, particulièrement complexes. Je
citerai notamment les escroqueries commises en bandes organisées ou par des
personnes qui font appel au public par l'émission de titres ou en vue de la
collecte de fonds dans des buts humanitaires ou sociaux. Ces escroqueries, qui
font plusieurs milliers de victimes, peuvent porter sur des millions, voire des
dizaines de millions de francs, et elles créent naturellement un trouble social
extrêmement grave. Entrent, par exemple, dans cette catégorie un certain nombre
de délits commis à l'occasion de ce qu'on appelle l'« affaire de l'ARC ».
Il me paraît tout à fait inopportun de fixer à moins de deux ans, voire à un
an comme le propose le Sénat, la durée de la détention provisoire s'agissant de
telles infractions complexes, lourdes et ayant de douloureuses conséquences
pour le corps social.
C'est la raison pour laquelle je propose de maintenir le délai de deux ans
prévu par l'Assemblée nationale plutôt que d'adopter le délai d'un an retenu
par la commission des lois du Sénat, comme vient de le proposer M. Othily.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je veux simplement rappeler que, en 1975, l'accent avait déjà été mis sur
l'existence d'infractions complexes en matière financière. On avait également
dit qu'une détention provisoire qui ne peut excéder six mois n'était pas
compatible avec une bonne administration de la justice. Il est heureux que
cette disposition ait été votée nonobstant ces critiques, car elle est
aujourd'hui l'une des meilleures garanties contre des détentions provisoires
beaucoup trop longues.
La relation entre la qualification de l'infraction et la peine encourue, d'une
part, la complexité des faits, d'autre part, n'a jamais été constante.
Certaines infractions, telles que des escroqueries ou des délits très complexes
en matière de société, sont punies de peines pouvant aller jusqu'à cinq ans
d'emprisonnement. Leurs auteurs n'en sont pas moins susceptibles aujourd'hui de
bénéficier du butoir que j'évoquais.
Je rappelle aussi que le Sénat a déjà adopté une disposition tendant à limiter
à un an la durée de la détention provisoire. C'est l'Assemblée nationale qui a
décidé de porter ce délai à deux ans. Je pense, pour ma part, que la fixation
du délai à un an serait une très bonne mesure.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - L'article 145-3 du code de procédure pénale devient l'article
145-4 et l'article 145-3 est ainsi rédigé :
«
Art. 145-3
. - Lorsque la durée de la détention provisoire excède un
an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle, les décisions
ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent
aussi comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la
poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la
procédure.
« Le juge d'instruction n'est toutefois pas tenu d'indiquer la nature des
investigations auxquelles il a l'intention de procéder lorsque cette indication
risquerait d'entraver l'accomplissement de ces investigations. »
Par amendement n° 20, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent :
I. - Après les mots : « doivent aussi » de rédiger ainsi la fin du premier
alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 145-3 du code de
procédure pénale : « justifier la poursuite de l'information et indiquer le
délai prévisible de son achèvement. »
II. - A la fin du second alinéa du texte présenté par cet article pour
l'article 145-3 du code de procédure pénale de remplacer les mots : «
d'entraver l'accomplissement de ces investigations » par les mots : « d'en
entraver l'accomplissement. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qu'il me soit permis de dire à M. le garde des sceaux que je viens seulement
de comprendre la signification de l'amendement de coordination. Je n'avais en
effet pas réalisé qu'il se rapportait au nouvel article 82 du code de la
procédure pénale.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez raison. Vous venez de vous rendre
compte que la modification proposée n'est pas une simple coordination.
M. le président.
Je vous prie, monsieur Dreyfus-Schmidt, de ne pas revenir sur un amendement
qui a été voté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Certes, monsieur le président, mais je voulais très respectueusement demander
à M. le garde des sceaux s'il n'avait pas l'intention de demander une seconde
délibération...
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, venez-en à l'amendement n° 20. Si vous étiez à ma
place, vous tiendriez les mêmes propos.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si la plume est serve, la parole n'est plus libre dans le débat, et c'est très
grave. En effet, nous venons d'obliger le procureur à prendre des réquisitions
orales conformes à son réquisitoire écrit.
M. le garde des sceaux s'en était rendu compte, et c'est pourquoi il s'en
était rapporté à la sagesse du Sénat sur notre amendement n° 19. Mais nous ne
l'avions pas compris, ni les uns ni les autres...
M. le président.
Seul le Gouvernement peut demander une seconde délibération !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pourquoi je lui demande, monsieur le président, s'il n'envisage pas de
le faire.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, ce n'est pas à vous de conduire la procédure !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne la conduis pas, je fais une simple suggestion à M. le garde des sceaux,
parce qu'il n'existe pas d'autre moyen de réparer cette erreur pour
l'instant.
M. le président.
Une commission mixte paritaire sera peut-être réunie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je l'espère. Ce serait en effet une autre solution, dès lors que l'article 2
bis
n'est pas voté conforme. Mais une commission mixte paritaire se
réunira-t-elle ? M. le garde des sceaux nous le dira peut-être.
M. le président.
On peut aussi envisager une nouvelle lecture !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est possible, mais je n'en sais rien.
J'en arrive à l'amendement n° 20, qui est un texte purement formel. En effet,
l'article 5 est mal rédigé.
Nous proposons donc, à la fin du premier alinéa du texte proposé pour
l'article 145-3 du code de procédure pénale, de substituer aux mots : «
comporter les indications qui justifient la poursuite de l'information et le
délai prévisible d'achèvement de la procédure », les mots « justifier la
poursuite de l'information et indiquer le délai prévisible de son achèvement
».
De même, nous proposons, au second alinéa de ce même texte, de substituer aux
mots « d'entraver l'accomplissement de ces investigations », les mots : « d'en
entraver l'accomplissement ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il fait assaut de sagesse avec la commission.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, pour lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5
bis
M. le président.
« Art. 5
bis.
- Dans l'article 149 du code de procédure pénale, les
mots : "manifestement anormal et d'une particulière gravité" sont
supprimés. »
Par amendement n° 21, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi cet article :
« L'article 149 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Après les mots : "indemnité", les mots : "peut être
accordée" sont remplacés par les mots : "est accordée en réparation
de son préjudice matériel et moral".
« II. - Après le mot "définitive", la fin de l'article est
supprimée.
« III. - Il est ajouté un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« L'intéressé n'a toutefois pas droit à indemnisation lorsqu'il a échappé à
une condamnation du seul fait de la reconnaissance de son irresponsabilité, de
la prescription ou de l'amnistie. »
« IV. - Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« N'a pas droit non plus à une indemnisation la personne qui aurait fait
l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement
accusée ou laissé accusée à tort. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans la discussion générale, je n'ai pas eu le temps de citer entièrement les
propos de M. le garde des sceaux. Nous savons ce qu'il en est en matière de
réparation du préjudice de celui qui a subi une détention provisoire alors
qu'il sera acquitté, relaxé ou qu'il bénéficiera d'une ordonnance de
non-lieu.
Sans doute faudra-t-il, je l'ai dit tout à l'heure, que le débat soit
contradictoire, ce qui n'est pas le cas actuellement, et qu'il ait lieu devant
une commission placée auprès de la cour d'appel alors qu'il n'existe
actuellement qu'une commission qui siège à la Cour de cassation.
Surtout, il nous semble préférable d'écrire que « la commission accorde une
réparation du préjudice » plutôt que « la commission peut apporter réparation
».
Le texte actuel prévoyait qu'une réparation n'était accordée que si le
préjudice était « anormal et d'une exceptionnelle gravité ».
Devant le Sénat, à notre demande, vous avez bien voulu supprimer les mots «
d'une exceptionnelle gravité », mais le terme « anormal » subsistait. Seul
pouvait être réparé le préjudice anormal.
Nous avions demandé à M. le garde des sceaux de nous expliquer ce qu'il
entendait par là, mais il ne nous a pas répondu. Devant l'Assemblée, il a
déclaré ceci : « Il faut être bien clair, il est des cas où le préjudice n'est
pas anormal, même lorsque la personne détenue provisoirement a vu reconnaître
son innocence... On peut se trouver dans une telle situation dans quatre
hypothèses : la première concerne les personnes qui sont atteintes de troubles
psychiques et dont l'irresponsabilité pénale est déclarée au cours de
l'instruction, après qu'elles ont été détenues provisoirement. » Cette personne
est coupable : elle est placée en détention provisoire. Puis elle est déclarée
irresponsable : elle est donc libérée ou internée. Elle n'a bien évidemment pas
droit à réparation de son préjudice. Nous en sommes d'accord.
« La deuxième hypothèse, poursuivait M. le garde des sceaux, c'est le cas des
lois d'amnistie, qui neutralisent la loi pénale et qui retirent aux faits leurs
caractères délictueux, mais
a posteriori,
de sorte que les poursuites
engagées et la détention provisoire éventuelle qui a pu en résulter étaient
justifiées au moment où elles ont été décidées. » C'est exact : l'intéressé
était bel et bien coupable et il était normal de le placer en détention
provisoire pour les besoins de l'instruction. Puis survient une amnistie. On ne
va pas réparer son préjudice, soit !
« La troisième hypothèse, continuait M. le garde des sceaux, c'est celle d'une
procédure qui fait l'objet d'une annulation et qui ne peut être reprise car le
délai de prescription est dépassé. Pour autant, au début de l'information, les
décisions prises étaient justifiées. » Soit !
« Enfin, la quatrième hypothèse, c'est celle - qui n'est pas négligeable - où
une personne reconnaît des faits qu'elle n'a pas commis de manière à couvrir
une tierce personne », je dirais même, non seulement qui reconnaît les faits,
mais également qui s'accuse ou qui se laisse accuser à tort. Nous sommes
d'accord !
C'est la raison pour laquelle nous avons repris les quatre hypothèses
indiquées par M. le garde des sceaux. Leur mention dans la loi permettra à
l'intéressé d'obtenir réparation.
Dans un deuxième alinéa, nous apportons la précision suivante : « L'intéressé
n'a toutefois pas droit à indemnisation lorsqu'il a échappé à une condamnation
du seul fait de la reconnaissance de son irresponsabilité », première
hypothèse, « de la prescription », deuxième hypothèse, « ou de l'amnistie, »
troisième hypothèse.
Nous ajoutons, enfin, un troisième alinéa ainsi rédigé : « N'a pas droit non
plus à une indemnisation la personne qui aurait fait l'objet d'une détention
provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à
tort. »
Bien évidemment, celui qui aurait été « passé à tabac » et qui, de ce fait,
aurait avoué, aurait droit à réparation. En revanche, celui qui, librement et
spontanément, s'accuserait à tort ou se laisserait accuser à tort - ce cas a
été envisagé par M. le garde des sceaux - n'aurait pas droit non plus à
réparation.
Ainsi, l'article 5
bis
aurait le mérite de la clarté et de la
précision.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Cet amendement soulève la question essentielle de
l'indemnisation des personnes placées en détention provisoire, puis mises hors
de cause par la justice.
Le problème est le suivant : la commission d'indemnisation a-t-elle la faculté
ou l'obligation d'accorder une indemnité dans cette hypothèse ? Jusqu'à
présent, on s'en est tenu à la faculté, car il peut exister des cas où la
détention a été justifiée.
Nos collègues proposent d'instaurer une obligation nuancée : ils prévoient, en
effet, des cas où il n'y aurait pas d'indemnisation. La commission ne peut donc
que s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 21.
Le code de procédure pénale a été suffisamment modifié au cours des deux
lectures ; on est allé suffisamment loin dans la prise en compte d'un
préjudice, qui, maintenant, n'est plus ni anormal ni d'une particulière
gravité.
En outre, la technique qui consiste à reprendre les cas que j'avais indiqués à
l'Assemblée nationale n'est sûrement pas la bonne. En effet, par exemple,
depuis l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, nous nous sommes rendu
compte qu'un cas n'avait pas été pris en considération : l'abrogation de la loi
pénale intervenue entre-temps. Je suis persuadé que l'on pourrait en trouver
d'autres. Cette énumération limitative ne recouvre donc pas toute la
réalité.
Par conséquent, le Gouvernement souhaite le maintien du texte actuel et il
émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5
bis.
(L'article 5
bis
est adopté.)
Article 5
ter
M. le président.
L'article 5
ter
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 179 du code de
procédure pénale est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« En cas de maintien en détention provisoire, les éléments de l'espèce
expressément énoncés dans l'ordonnance doivent justifier cette mesure
particulière par la nécessité d'empêcher une pression sur les témoins ou les
victimes, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de protéger le prévenu
ou de garantir son maintien à la disposition de la justice. La même ordonnance
peut également être prise lorsque l'infraction, en raison de sa gravité, des
circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé,
a provoqué un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public auquel le
maintien en détention provisoire demeure l'unique moyen de mettre fin. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 22, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer la seconde phrase du texte
présenté par cet article pour remplacer la dernière phrase du troisième alinéa
de l'article 179 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 23, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans la seconde phrase du texte présenté
par cet article pour remplacer la dernière phrase du troisième alinéa de
l'article 179 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « et
persistant ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 22 n'a plus d'objet.
Quant à l'amendement n° 23, il est de coordination.
M. le président.
L'amendement n° 22 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 23 ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Les trois premiers alinéas de l'article 187-1 du code de procédure
pénale sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la
personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est
interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention,
demander au président de la chambre d'accusation ou, en cas d'empêchement, au
magistrat qui le remplace d'examiner immédiatement son appel sans attendre
l'audience de la chambre d'accusation. Cette demande doit, à peine
d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre
d'accusation. La personne mise en examen, son avocat ou le procureur de la
République peut joindre toutes observations écrites à l'appui de la demande. A
sa demande, l'avocat de la personne mise en examen présente oralement des
observations devant le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui
le remplace, lors d'une audience de cabinet dont est avisé le ministère public
pour qu'il y prenne le cas échéant ses réquisitions, l'avocat ayant la parole
en dernier.
« Le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace
statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande, au vu des
éléments du dossier de la procédure, par une ordonnance non motivée qui n'est
pas susceptible de recours.
« Le président de la chambre d'accusation ou le magistrat qui le remplace
peut, s'il estime que les conditions prévues par l'article 144 ne sont pas
remplies, infirmer l'ordonnance du juge d'instruction et ordonner la remise en
liberté de la personne. La chambre d'accusation est alors dessaisie.
« Dans le cas contraire, il doit renvoyer l'examen de l'appel à la chambre
d'accusation.
« S'il infirme l'ordonnance du juge d'instruction, le président de la chambre
d'accusation ou le magistrat qui le remplace peut ordonner le placement sous
contrôle judiciaire de la personne mise en examen.
« Si l'examen de l'appel est renvoyé à la chambre d'accusation, la décision
est portée à la connaissance du procureur général. Elle est notifiée à la
personne mise en examen par le greffe de l'établissement pénitentiaire qui
peut, le cas échéant, recevoir le désistement d'appel de cette dernière. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 4 rectifié, M. Othily, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article 187-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«
Art. 187-1. -
En cas d'appel interjeté dans les vingt-quatre heures
suivant une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise
en examen peut, dans le même délai, demander au président du tribunal de grande
instance ou au magistrat qui le remplace de décider la suspension de
l'exécution de cette ordonnance.
« Après avoir entendu les réquisitions du ministère public, les observations
de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat, le juge
statue sans délai par une ordonnance qui n'est pas susceptible de recours.
« S'il estime que les conditions prévues par l'article 144 ne sont pas
remplies, le juge ordonne la suspension de l'exécution de l'ordonnance ; il
peut soumettre cette suspension au respect par la personne mise en examen d'une
ou plusieurs des obligations énumérées à l'article 138. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 30, présenté par MM.
Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés et
tendant, après le 1er alinéa du texte proposé par l'amendement n° 4 rectifié, à
insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mise en examen ou son avocat en fait la demande dès
l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent en audience publique sauf si la
publicité est de nature à nuire au bon déroulement de l'information, aux
intérêts des tiers, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. »
Par amendement n° 24, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le 1er alinéa du texte présenté par
cet article pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 197-1 du
code de procédure pénale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne mise en examen ou son avocat en fait la demande dès
l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent en audience publique sauf si la
publicité est de nature à nuire au bon déroulement de l'information et aux
intérêts des tiers. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié.
M. Georges Othily,
rapporteur.
Il s'agit du référé-liberté, dont j'ai déjà largement parlé
dans la discussion générale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale se heurte à une objection
fondamentale : investi d'un pouvoir de décision sur le fond, le président de la
chambre d'accusation deviendrait un juge d'appel du juge d'instruction. On
aboutirait ainsi au résultat, quelque peu paradoxal, de la suppression de la
collégialité au niveau de l'appel.
Certes, cette collégialité serait théoriquement conservée dans l'hypothèse où
le magistrat saisi confirmerait le mandat de dépôt, puisque l'appel serait
alors soumis à la chambre d'accusation. Mais celle-ci serait inévitablement
influencée par la décision préalable de son président qui, surtout si elle
porte sur le fond du placement en détention et non plus sur son caractère
manifestement infondé, conférerait au mandat de dépôt une présomption sérieuse,
quasiment irréfragable, de légalité.
La solution de l'Assemblée nationale aboutirait ainsi à un changement de
nature du référé-liberté qui aurait pour objet, non plus de faire déclarer
l'appel suspensif, mais d'investir un magistrat unique, en l'occurrence le
président de la chambre d'accusation, d'un pouvoir de décision sur le fond, et
ce dans le cadre d'une procédure d'appel.
A cette objection de principe s'ajoutent deux inconvénients majeurs présentés
par le texte de l'Assemblée nationale : d'abord, en conservant la compétence du
président de la chambre d'accusation, l'Assemblée nationale rend pratiquement
impossible la comparution personnelle de la personne visée par le mandat de
dépôt ; ensuite, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif qui ne permet pas
d'éviter le traumatisme de l'incarcération puisque, dans l'attente de la
décision du magistrat, l'intéressé sera placé en détention.
Ces considérations rendaient nécessaires une réécriture de l'article 7 ; tel
est l'objet de l'amendement n° 4.
La nouvelle rédaction proposée prend en compte les critiques avancées à
l'encontre du dispositif adopté par le Sénat en première lecteur et préserve,
contrairement au texte de l'Assemblée nationale, la compétence de la chambre
d'accusation en appel.
La compétence en matière de référé-liberté serait confiée au président du
tribunal ou à son remplaçant, qui pourrait donc entendre sans délai la personne
mise en examen.
Ce magistrat ne réformerait pas la décision du juge d'instruction mais
pourrait seulement décider la suspension de l'exécution du mandat de dépôt
jusqu'à la décision de la chambre d'accusation. Celle-ci conserverait donc
toute sa compétence en appel. Le président du tribunal prendrait, en effet, une
mesure provisoire qui ne serait pas préjudiciable au fond.
Compte tenu des objections avancées à l'encontre du placement du demandeur
dans un local spécifique dans l'attente de la décision sur le référé-liberté,
la commission n'a pas repris le dernier alinéa du texte adopté par le Sénat en
première lecture. En contrepartie, il convient d'exiger que le président du
tribunal ou le magistrat qui le remplace statue sans délai, faute de quoi le
référé-liberté ne permettrait pas d'éviter la mise sous écrou du demandeur dans
l'attente de la décision.
Enfin, le juge du référé-liberté verrait, conformément au souhait de
l'Assemblée nationale, sa compétence élargie au prononcé d'une mesure de
contrôle judiciaire. Il ne serait donc plus placé face à l'alternative par trop
réductrice : maintien en liberté ou mise en détention.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 30 et
l'amendement n° 24.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit du débat préalable non plus devant le juge d'instruction, mais
devant le président du tribunal de grande instance dès lors qu'un recours aura
été déposé.
L'amendement - comme le sous-amendement - tend à rendre public le débat, sauf
si le président du tribunal de grande instance estime que cela est de nature à
nuire au bon déroulement de l'information, aux intérêts des tiers, à l'ordre
public ou aux bonnes moeurs.
Jusqu'à présent, le référé-liberté consistait, pour le président de la chambre
d'accusation, à éventuellement constater que le juge d'instruction avait
manifestement violé les dispositions de la loi, qu'il n'avait pas le droit de
placer quelqu'un en détention provisoire. C'était le seul pouvoir qu'il avait !
Ensuite, il revenait à la chambre d'accusation qui siège en formation
collégiale de se prononcer sur le fond.
M. le garde des sceaux demande que l'on donne un pouvoir d'opportunité au
président de la chambre d'accusation. Si ce dernier déclare le recours
recevable, l'affaire ne vient plus devant la chambre d'accusation. En revanche,
s'il le déclare irrecevable et décide que le prévenu doit demeurer en prison, à
ce moment-là, la chambre d'accusation reste saisie de l'appel.
Or il est bien évident, chacun en conviendra, que la chambre d'accusation ne
mettra pas son président en minorité. Le moins que l'on puisse dire est que les
choses paraissent décidées : si le président confirme en référé la position du
juge, une pression s'exercera, de fait, sur les membres de la chambre
d'accusation.
Le président de la commission des lois a proposé que l'on ne se contente pas
de ce juge unique, que l'on conserve la collégialité de la chambre d'accusation
pour l'appel et que l'on ait recours d'abord, en référé au président du
tribunal de grande instance.
Ce système présente un avantage. A Paris, la cour d'appel se trouve au même
endroit que le tribunal de grande instance et que le juge d'instruction. Mais,
en province, la cour d'appel est souvent située à 200 kilomètres et, une fois
que le juge d'instruction a pris la décision, si l'on demande l'avis du
président de la chambre d'accusation, le prévenu restera en prison deux ou
trois jours. Ce sont les journées les plus dures ! En outre, un débat peut
avoir lieu devant le tribunal de grande instance tout de suite après la prise
de décision du juge d'instruction.
Ce système est, pour nous, nettement moins bon que la collégialité. Il est
moins bon aussi que de faire demander par le juge d'instruction directement au
président du tribunal de grande instance de prendre la décision. Cependant,
c'est le moins mauvais de ceux qui nous sont en définitive proposés
aujourd'hui.
C'est pourquoi, en ce qui nous concerne, nous sommes d'accord avec la
proposition de la commission. Toutefois, nous aimerions que le débat public,
qui a été refusé tout à l'heure devant le juge d'instruction, soit au moins
possible devant le président du tribunal de grande instance.
Nous comprenons la méfiance que vous avez exprimée tout à l'heure à l'égard du
juge d'instruction, mais il ne saurait en aller de même vis-à-vis du président
du tribunal de grande instance.
Je précise que le sous-amendement n° 30 que je viens de défendre est semblable
à l'amendement n° 24. En effet, si l'amendement n° 4 rectifié, présenté par la
commission, est adopté, l'amendement n° 24 n'aura plus d'objet. C'est la raison
pour laquelle nous l'avons repris sous la forme d'un sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 et sur
l'amendement n° 24 ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 30 et l'amendement n° 24 soulèvent la
même question que l'amendement n° 18. Par conséquent, pour les mêmes raisons
que celles qui ont été exposées précédemment, la commission émet un avis
favorable sur l'amendement n° 24 et sur le sous-amendement n° 30.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 4 rectifié et 24,
ainsi que sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je ne veux pas reprendre le débat que nous avons eu
lors de la discussion générale. Je suis défavorable aux deux amendements, en
particulier à l'amendement de la commission, ainsi qu'au sous-amendement.
En effet, le système qu'a proposé le Gouvernement, et que l'Assemblée
nationale a retenu et amélioré, notamment en introduisant l'avocat devant le
président de la chambre d'accusation - il s'agit d'une amélioration très
importante - ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Exact !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... est fondé sur le pouvoir du président de la chambre
d'accusation. Le Sénat propose que le pouvoir de décision revienne au président
du tribunal de grande instance. Tout à l'heure, à la tribune, j'ai indiqué les
raisons pour lesquelles ce système était différent et pourquoi, en matière
d'instruction, le pouvoir du président de la chambre d'accusation me paraîssait
plus naturel et plus protecteur. C'est la raison pour laquelle je ne suis
favorable ni à l'amendement de la commission, ni aux propositions adventices
faites par le groupe socialiste.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Pour ceux qui suivent habituellement nos
travaux, je rappellerai que la commission des lois a quelque paternité dans la
création du référé-liberté.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Absolument !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
De tout temps, elle s'est heurtée aux
services de la Chancellerie. Ceux-ci ont défendu des positions qui ont empêché
le référé-liberté de revêtir toute l'efficacité que l'on avait songé à lui
donner lorsque nous en avions discuté devant M. Méhaignerie.
Quelle était, en effet, l'intention initiale du référé-liberté ? Il s'agissait
d'abord de prévoir un effet suspensif. Or, celui-ci disparaît avec le texte
adopté par l'Assemblée nationale ; c'est non plus un référé-liberté qui est
amélioré, mais l'acte de décès du référé-liberté. Pourquoi pas ? Au départ,
l'intention - qui n'a pas été suivie et nous avions d'ailleurs commis une
erreur lors de l'adoption du texte - était de donner un pouvoir suspentif. En
effet, lorsqu'une mesure de mise en détention est ordonnée, il faut pouvoir la
contrôler immédiatement, non pas au fond, mais dans ses effets, c'est-à-dire
que l'on constate, peut-être, qu'il n'y a pas lieu, avant que la chambre
d'accusation ne statue définitivement dans un certain délai, d'imposer à celui
que l'on songe à mettre en détention l'épreuve de l'entrée en prison.
Quand nous avions examiné cette disposition, nous nous étions heurtés à une
difficulté évidente. En effet, que faisait-on de celui qui attendait que l'on
statue sur sa demande de sursis à exécution ? Fallait-il le mettre en prison ou
ailleurs ? Nous avions envisagé un système transitoire de placement dans un
lieu qui n'était pas celui d'une véritable mise en détention, peut-être dans un
local de police. Tout cela n'était pas bon et était difficilement
applicable.
Dans l'amendement que nous vous soumettons aujourd'hui, la solution consiste,
pour éviter l'entrée en prison, ce qui est tout de même l'essentiel, à faire en
sorte que la décision de sursis, positive ou négative, intervienne
immédiatement. Si tel est le cas, il n'est pas nécessaire de faire entrer
l'intéressé en prison. Ou bien on l'y fait entrer parce que le sursis à
exécution n'est pas ordonné, ou bien le sursis à exécution est ordonné dans
l'attente de la décision de la chambre d'accusation qui, elle, statuera au fond
et de manière collégiale, et confirmera ou non la mise en détention. La chambre
d'accusation pourra donc ne pas confirmer le sursis à exécution.
Dans la pratique, les choses ne se sont pas très bien passées et le
référé-liberté a été un semi-échec. En effet, il avait été mal élaboré, et ce
pour deux raisons. D'abord, les services de la Chancellerie avaient convaincu
M. Méhaignerie de ne pas accepter ce que nous lui proposions. Ensuite, nous
n'avions pas offert au juge statuant dans le domaine du sursis à exécution une
solution de remplacement. C'était tout ou rien. En effet, on lui donnait la
possibilité ou bien de surseoir à l'exécution de la décision du juge ou bien de
ne pas y surseoir. En l'occurrence, on peut prendre un moyen terme : le juge
saisi directement pourrait prononcer une mesure relevant du placement sous
contrôle judiciaire.
Ainsi, le texte que nous avons proposé et que la commission a accepté
donnerait au référé-liberté un contenu qui est digne, en quelque sorte, de
l'appellation que nous avions retenue pour ce système. Il s'agit d'une mesure
rapide, qui permet de sauvegarder la liberté.
Tout ce qui a été élaboré jusqu'à présent n'a pas, pour les raisons que j'ai
évoquées avec ma franchise habituelle, abouti à une structure juridique
satisfaisante. Or, nous avons, je crois, l'occasion de le faire maintenant. La
proposition de l'Assemblée nationale dénature complètement le référé-liberté ;
c'est tout autre chose.
Tout à l'heure, l'un de mes collègues m'a dit : de toute manière, l'Assemblée
nationale aura le dernier mot. C'est un argument qui n'est pas acceptable.
En effet, certaines décisions ont été prises par un certain nombre de nos
collègues parce qu'ils étaient persuadés que l'Assemblée nationale ne nous
suivrait pas. Il faut savoir si nous sommes le Sénat, avec son pouvoir de
délibération, prenant ses responsabilités, indiquant, selon ce qu'il croit
juste ou bon, le droit qui doit être appliqué. Ou alors supprimons le
bicaméralisme.
S'agissant du référé-liberté, la décision que nous devons prendre est
importante. Il s'agit de savoir si l'essai qui a été tenté peut être amélioré
ou si nous devons renoncer à un système qui n'était pas intégralement
satisfaisant, mais que nous proposons d'améliorer.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, j'interviendrai à la fois sur l'amendement n° 4
rectifié et sur le sous-amendement n° 30.
S'agissant de l'amendement n° 4 rectifié, je voudrais simplement, après les
propos très justes de MM. Larché et Dreyfus-Schmidt, apporter une précision.
Avec les meilleures intentions du monde, j'en suis convaincu, l'Assemblée
nationale, loin d'améliorer le système de garanties au profit du justiciable
mis en examen en matière de détention provisoire, vient au contraire de le
réduire. En effet, c'est le président de la chambre d'accusation qui va avoir à
décider immédiatement s'il y a lieu ou non d'infirmer - le mot est dans le
texte - la décision de placement en détention provisoire. Cela signifie en
clair que lorsqu'il aura pris sa décision, s'il décide de ne pas infirmer, ce
ne sont pas ses collègues quelques jours après, réunis au sein de la chambre
d'accusation, qui vont, je pense, démentir leur président !
Nous sommes donc passés à un système dans lequel, loin d'avoir la garantie de
la collégialité en cour d'appel, ce qui est une règle absolue, sans avoir cette
collégialité au niveau du placement en détention provisoire, ce que nous
espérons je dirai à la quasi-unanimité, on aura purement et simplement dans la
réalité judiciaire une décision d'un seul magistrat de la cour d'appel dans le
domaine le plus sensible qui soit, celui du placement en détention
provisoire.
Par conséquent, ce qui est proposé par la commission des lois du Sénat, à
savoir le référé devant le président du tribunal, même si c'est une création
originale, a au moins le mérite considérable de laisser intactes les garanties
au niveau de la chambre d'accusation.
J'ajoute que cela constitue un tempérament qui n'est pas à méconnaître contre
une décision de placement en détention provisoire qui aurait été prise,
disons-le, dans des conditions qui seraient de nature à surprendre dès
l'abord.
Par conséquent, le système qui est proposé par la commission des lois, quelles
que soient les bonnes intentions de l'Assemblée nationale à cet égard et les
améliorations apportées en ce qui concerne la possibilité pour la défense de
s'exprimer, va à l'encontre de la finalité que nous recherchons.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 30, je dirai simplement, car je
mesure bien que tout à l'heure on a rejeté, à mon vif regret, ce qui avait été
avancé, c'est-à-dire la publicité, à la demande du mis en examen et le contrôle
du juge d'instruction de l'audience de placement en détention provisoire, que,
ici, nous sommes déjà dans le cadre des voies de recours.
Je rappelle que dans les voies de recours, il existe déjà depuis 1989 la
possibilité, pour celui qui a été placé en détention provisoire, de demander à
être entendu personnellement dans le cadre de l'audience publique par la
chambre d'accusation. Nous sommes ici dans une situation semblable, s'agissant
de l'exercice d'une voie de recours contre une décision de placement en
détention provisoire.
Je ne reprendrai pas tout ce que j'ai dit. Je tiens cependant à rappeler ce
qui me paraît véritablement la meilleure expression des principes en cette
matière. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement
», tel est le principe rappelé dans l'article 6, paragraphe 1, de la convention
européenne des Droits de l'homme. Par ailleurs, l'arrêt Pretto précise : « La
publicité des procédures des organes judiciaires protège les justiciables
contre une justice secrète échappant au contrôle du public. Elle constitue l'un
des moyens qui contribue à préserver la confiance dans les cours et tribunaux.
Par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à
réaliser le but de l'article 6, paragraphe 1 - que j'ai cité - le procès
équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société
démocratique au sens de la convention. »
On reconnaîtra que, s'agissant de la détention provisoire, ce rappel des
principes fondamentaux prend un sens particulier.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Si j'ai demandé la parole, sans doute un peu
tardivement, c'est parce que s'agissant d'un débat aussi important, il faudrait
au moins que les bases soient exactes.
Contrairement à ce que vient de dire l'un de ceux qui m'ont précédé à la
Chancellerie, le président de la chambre d'accusation, dans le texte de
l'Assemblée nationale, proche de celui du Gouvernement, n'aura pas à refuser
d'infirmer. Le texte précise simplement la chose suivante : ou bien le
président de la chambre d'accusation saisie infirme par ordonnance non motivée,
au vu des éléments du dossier, la mise sous mandat de dépôt ; ou bien il estime
ne pas pouvoir en l'état infirmer, et il renvoie le dossier à la chambre
d'accusation qui, huit jours, dix jours ou vingt jours plus tard, se réunit et
peut parfaitement prendre une position différente de celle de son président,
lequel lui-même, dix jours ou douze jours plus tard, peut considérer qu'il y a
désormais toutes les raisons d'infirmer la décision de mise sous mandat de
dépôt, notamment parce que les garanties offertes par la personne incarcérée
auront été modifiées entre-temps. Mais que l'on ne défende pas la position que
vous défendez, monsieur Badinter, avec des arguments qui ne sont pas vrais.
Il faut dire ce qu'il y a dans le texte ! Or le texte de l'Assemblée
nationale, comme celui du Gouvernement, apporte une protection et une
effectivité au référé-liberté, monsieur le président de la commission des lois,
qu'il ne connaît pas dans le texte de 1993, c'est exact. Je ne laisserai
personne dire le contraire !
Je veux bien que l'on discute, mais encore faut-il, notamment à cette heure
avancée, le faire à partir d'éléments vrais !
M. Robert Badinter.
Je demande la parole.
M. le président.
Je ne puis vous la donner en l'instant, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, j'ai été mis personnellement en cause, et en des termes
que je ne peux laisser passer.
M. le président.
Dans ces conditions, je considère, monsieur Badinter, que vous avez demandé à
interrompre M. le garde des sceaux.
Monsieur le garde des sceaux, permettez-vous, rétroactivement, à M. Badinter
de vous interrompre ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
J'accepte, bien sûr, que M. Badinter m'interrompe. Je
précise simplement qu'il ne peut pas supporter de ne pas avoir le dernier mot
en quoi que ce soit. Eh bien, le problème c'est que, avec moi, de temps en
temps, il se « plante » !
M. le président.
La parole est à M. Badinter, avec l'autorisation de M. le garde des sceaux.
M. Robert Badinter.
Je laisse le Sénat apprécier la qualité du propos de M. le garde des sceaux
!
Je rappellerai simplement à M. Toubon que lorsque nos positions respectives
étaient inversées, je ne lui ai jamais refusé, moi, la parole.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est bien la raison pour laquelle je vous l'accorde
!
M. Robert Badinter.
Je dirai simplement qu'il est exact que le texte parle seulement d'infirmation
par le président lorsqu'il s'agit de remettre en liberté une personne placée en
détention, mais s'il n'infirme pas, croyez-vous que la décision que le
président prend à ce moment-là est susceptible, elle, d'être ensuite
immédiatement contredite par les magistrats qui siègent à ses côtés ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est tout de même incroyable !
M. Robert Badinter.
Quoi qu'il arrive, c'est bien la décision du président qui l'emportera. C'est
cela la vérité !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Un assesseur n'est pas un hologramme !
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je
comprends bien que nous sommes dans un climat qui rend la discussion sereine
quelque peu difficile, si bien que les arguments auxquels je me réfère et qui
sont tout simples ont peut-être du mal à se faire entendre.
Monsieur le garde des sceaux, je suis sûr que, dans votre esprit, ce texte
visait à limiter la détention provisoire.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Certes !
M. Pierre Fauchon.
Voulez-vous vous interroger un instant et vous demander ce qu'il y a, en
définitive, de consistant dans ce texte pour limiter la détention provisoire
?
En vérité, si je vois bien des intentions excellentes, je ne vois pas de
dispositif réellement opérationnel.
On a changé un mot ici ou là, mais on sait bien que ce n'est pas un mot
différent dans une rédaction qui amènera les juges à beaucoup changer leurs
habitudes : ils adapteront les mots, puis ils continueront comme avant.
Nous n'avons pas trouvé - reconnaissons d'ailleurs que ce n'est pas facile ! -
de dispositif réellement efficace. Nous avons limité la durée de la détention
provisoire, ce qui n'empêche pas l'abus de cette dernière : c'est en effet
surtout le premier jour qui est le plus éprouvant quand la détention provisoire
n'est pas justifiée. Nous avons aménagé le système de réparation. Mais tout
cela est périphérique par rapport à notre problème.
Nous voterons - je peux le dire dès maintenant - l'amendement du Gouvernement
sur les perquisitions de nuit, qui a certainement son importance, surtout en ce
moment.
Mais, en dehors de tout cela, je ne vois pas bien quelles sont les
avancées.
Or, monsieur le garde des sceaux, je me permettrai de vous dire en toute
sérénité, au nom de mes quarante ans d'expérience professionnelle - je me
permets de penser que cela compte ; certes, je n'ai pas pu être ministre
pendant ce temps, mais une expérience professionnelle est peut-être plus utile
parfois ! - que, en vérité, le référé, confié au président du tribunal de
grande instance, comme nous l'avions imaginé, est le système véritablement
opérationnel.
Vous m'avez dit tout à l'heure qu'un tel système n'est pas dans nos normes
habituelles, qu'il est considéré quelque peu comme hérétique et que, pour cette
raison probablement, cela « tiraille » un peu à la chancellerie. Il est
possible que cela soit un peu hérétique ; mais, encore une fois, que
voulons-nous tous ? Nous voulons limiter les abus de la détention
provisoire.
Or, réaliste comme vous l'êtes et comme il est dans votre tempérament de
l'être, monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez pas être inattentif au
fait que, avec le système prévoyant la saisine du président de la chambre
d'accusation, il y aura assez souvent un décalage dans le temps entre les deux
décisions. Compte tenu de ce temps trop long, la détention aura en fait
commencé ; il n'y aura pas de comparution des parties ; les avocats, la moitié
du temps, n'iront pas en raison de la route à faire, qui prend une demi-journée
ou une journée, ce qui est trop long. Par conséquent, ce référé est en fait une
espèce de recours qui, par ailleurs, comme il s'agit d'informer et non pas de
surseoir à l'exécution comme nous le souhaitons, ne pourra pas du tout avoir
l'efficacité que nous recherchons.
Au contraire, le président du tribunal de grande instance, qui n'a qu'un
couloir à traverser pour voir le juge d'instruction, peut réagir immédiatement
; nous sommes sûrs qu'il entendra l'avocat et le procureur, qu'il verra la
personne concernée. Tous les procès-verbaux du monde ne valent pas, en effet,
le contact et l'audition de la personne concernée !
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
C'est important !
J'ajoute, monsieur le garde des sceaux - vous devez y être sensible - que le
président du tribunal de grande instance joue un rôle régulateur sur ses juges.
Si, sur telle ou telle décision, il ne voudra pas censurer son juge, il
trouvera néanmoins le moyen, le lendemain ou le surlendemain, de mettre en
garde ce dernier, si c'est nécessaire. Le président du tribunal de grande
instance, qui voit ses juges tous les jours, a donc un rôle régulateur que l'on
ne peut attendre du mécanisme imaginé par renvoi devant le président de la
chambre d'accusation.
Je crois, pour toutes ces raisons, que, même si, comme vous l'avez dit tout à
l'heure, le système retenu par l'Assemblée nationale peut apparaître comme plus
normal, plus habituel - je dirai plus volontiers « plus routinier » -, il est
en réalité beaucoup moins efficace, et donc beaucoup moins conforme à vos
souhaits profonds - j'en suis sûr - que celui que nous vous proposons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 30, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 4 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé et l'amendement n° 24 n'a plus
d'objet.
Article 8 bis à 8 septies
M. le président.
Les articles 8
bis
à 8
septies
demeurent supprimés.
Article 8
octies
A
M. le président.
« Art. 8
octies
A. - L'article 220 du code de procédure pénale est
ainsi modifié :
« I. - Après les mots : "de l'article 81", sont insérés les mots :
"et de l'article 144" ».
« II. - Cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Chaque fois qu'il le juge nécessaire et au moins une fois par an, il
transmet ses observations écrites au premier président de la cour d'appel, au
procureur général près ladite cour ainsi qu'au président du tribunal de grande
instance concerné et au procureur de la République près ledit tribunal. » -
(Adopté.)
Article 8 octies
M. le président.
« Art. 8
octies
. - Après l'article 221-1 du code de procédure pénale,
il est inséré un article 221-2 ainsi rédigé :
«
Art. 221-2
. - Lorsqu'un délai de quatre mois s'est écoulé depuis la
date du dernier acte d'instruction, les parties peuvent saisir la chambre
d'accusation dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article
173. Ce délai est ramené à deux mois au profit de la personne mise en examen
lorsque celle-ci est placée en détention provisoire.
« Dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe de la chambre
d'accusation, le président peut, par ordonnance motivée non susceptible de
recours, décider qu'il n'y a pas lieu de saisir la chambre d'accusation.
« La chambre d'accusation, lorsqu'elle est saisie, peut soit évoquer et
procéder dans les conditions prévues par les articles 201, 202, 204 et 205,
soit renvoyer le dossier au juge d'instruction ou à tel autre afin de
poursuivre l'information.
« Si, dans les deux mois suivant le renvoi du dossier au juge d'instruction
initialement saisi, aucun acte d'instruction n'a été accompli, la chambre
d'accusation peut être à nouveau saisie selon la procédure prévue aux premier
et deuxième alinéas du présent article. Ce délai est ramené à un mois au profit
de la personne mise en examen lorsque celle-ci est placée en détention
provisoire.
« La chambre d'accusation doit alors, soit évoquer comme il est dit au
troisième alinéa du présent article, soit renvoyer le dossier à un autre juge
d'instruction afin de poursuivre l'information. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 8
octies
M. le président.
Par amendement n° 29 le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8
octies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 396 et dans la
deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 397-3 du code de procédure
pénale, les mots "aux dispositions des 1° et 2° de l'article 144"
sont remplacés par les mots "aux dispositions des 1°, 2°, et 3° de
l'article 144". »
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il s'agit d'un amendement de pure coordination. Les
articles 396 et 397-3 du code de procédure pénale, qui concernent la procédure
de comparution immédiate, font actuellement référence aux 1° et 2° de l'article
144 prévoyant les conditions de fond permettant le placement en détention
provisoire. Ces conditions étant désormais prévues par les 1°, 2° et 3° de cet
article, il convient de procéder par coordination à la modification de ces
dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8
octies.
Article 8
nonies
M. le président.
« Art. 8
nonies
. - Le premier alinéa du 3 ("Mettre en oeuvre une
nouvelle politique pénale") du II ("L'administration
pénitentiaire") du rapport annexé à la loi de programme n° 95-9 du 6
janvier 1995 relative à la justice est complété par les mots : "et le
placement sous surveillance électronique doit pouvoir être substitué à la
détention". » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 8
nonies
M. le président.
Par amendement n° 5, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8
nonies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 706-24 du code de procédure pénale, un
article 706-24-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-24-1. - En cas d'urgence, si les nécessités de l'instruction
l'exigent, les visites, perquisitions et saisies peuvent être effectuées en
dehors des heures prévues par l'article 59, pour la recherche et la
constatation des actes de terrorisme prévus par l'article 706-16 et punis d'au
moins dix ans d'emprisonnement :
« 1° Lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ;
« 2° Lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des
indices matériels ;
« 3° Lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs personnes se
trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu se préparent à
commettre de nouveaux actes de terrorisme.
« A peine de nullité, ces opérations doivent être prescrites par une
ordonnance motivée du juge d'instruction précisant la nature de l'infraction
dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquelles ces
opérations doivent être accomplies, et comportant l'énoncé des considérations
de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par
référence aux seules conditions prévues par les 1°, 2° et 3° du présent
article.
« Cette ordonnance est notifiée par tout moyen au procureur de la République.
Elle n'est pas susceptible d'appel.
« Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 706-24 sont
applicables.
« II. - Au deuxième alinéa de l'article 706-24 du code de procédure pénale, il
est ajouté, après les mots "de l'enquête", les mots "de
flagrance". »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Mon propos ne sera pas long, car ce point a fait
l'objet, cet après-midi, de l'essentiel de mon intervention à la tribune ; il a
été repris par le rapporteur de la commission, et une sorte de débat s'est
instauré pendant la discussion générale à ce sujet.
Cet amendement vise à introduire, en tenant compte de la décision prise au
mois de juillet par le Conseil constitutionnel, la faculté pour le juge
d'instruction de pouvoir décider de faire procéder dans plusieurs cas à des
perquisitions de nuit avant six heures du matin, pour la recherche et la
constatation des actes de terrorisme prévus par l'article 706-16 du code de
procédure pénale et punis de plus de dix ans d'emprisonnement : lorsqu'il
s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ; lorsqu'il existe un risque immédiat
de disparition des preuves ou des indices matériels ; lorsqu'il existe des
présomptions qu'une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux où la
perquisition doit avoir lieu se préparent à commettre de nouveaux actes de
terrorisme.
La décision est prescrite par une ordonnance motivée du juge d'instruction,
notifiée au procureur de la République, et qui comporte toutes les
considérations de droit et de fait fondant la décision de perquisition.
Ce texte exclut les perquisitions en enquête préliminaire et retient le cas de
flagrance, comme le Conseil constitutionnel l'a prescrit.
A ce sujet, je voudrais simplement dire un mot de plus à M. Dreyfus-Schmidt,
qui, cet après-midi, a expliqué fort benoîtement qu'il n'était en rien
responsable de la décision prise par le Conseil constitutionnel...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... et que le Conseil constitutionnel avait décidé sur
l'enquête préliminaire, mais en aucune façon n'avait mis en cause les pouvoirs
du juge d'instruction, d'ailleurs parce que le groupe socialiste du Sénat ne le
lui avait pas demandé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas comme vous le dites ! Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je voudrais donc dire simplement que la saisine
socialiste du Conseil constitutionnel...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Laquelle ? Il y en a eu deux !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... était marquée de ce que j'appellerai « une
véhémente subtilité ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quelle saisine ? Celle des députés ou celle des sénateurs ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
La saisine qui a été signée, au nom des sénateurs
socialistes, le 20 juin dernier par M. Claude Estier, qui est, me semble-t-il,
votre président de groupe.
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Parfaitement !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Voilà !
Cette saisine était d'une véhémente subtilité, car elle consistait à prendre à
partie de manière très claire non seulement le texte, ce qui est une chose,
mais aussi les juges du siège, ce qui en est une autre.
Parce que je crois, monsieur Dreyfus-Schmidt, qu'il faut prendre ses
responsabilités comme moi-même je les prends, je voudrais vous donner lecture
du texte de la décision :
« Conscients de cette faiblesse, les auteurs du projet » - c'est-à-dire le
Gouvernement - « ont cru y pallier en insistant sur les garanties offertes par
la présence et le rôle de l'autorité judiciaire... On ne saurait cependant s'en
satisfaire.
« Du principe posé par l'article 66 de la Constitution, » - c'est-à-dire le
fait que l'autorité judiciaire est garante de la liberté individuelle - « on ne
saurait déduire que la liberté individuelle est respectée à la seule condition
que l'autorité judiciaire soit appelée à jouer un rôle précis et déterminant.
Les principes de la liberté sont plus exigeants. » - merci pour les juges ! «
Ce n'est que dans le droit, très élaboré, de l'Inquisition » - merci encore
pour les juges ! - « qu'on pouvait se satisfaire de l'usage de toutes sortes de
moyens pourvu seulement qu'un magistrat autorisé y présidât.
« La fonction confiée par la Constitution à l'autorité judiciaire est une
garantie de la liberté, non une excuse permettant d'y porter atteinte.
« Dans ces conditions, de même qu'on ne saurait, par exemple, rétablir la
torture sous le prétexte qu'on en confierait le contrôle à un juge, on ne
saurait davantage, et toutes proportions naturellement gardées, » - merci ! - «
se résigner à la méconnaissance d'un droit fondamental au seul motif que
celle-ci ne pourrait intervenir que par une décision écrite signée d'un
magistrat. »
Et, s'agissant de l'article 10, le recours devant le Conseil constitutionnel
se termine ainsi : « Au moins pour avoir autorisé, » - ce qui veut dire : en
plus d'avoir autorisé - « dans le cadre de l'enquête préliminaire, les visites,
perquisitions et saisies de nuit, l'article 10 sera immanquablement déclaré non
conforme à la Constitution. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et alors ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est ce que j'appelle une véhémente subtilité, parce
que, monsieur Dreyfus-Schmidt, après cela, le Conseil constitutionnel vous a
compris : il vous a suivis !
N'ayez pas l'air, comme vous l'avez fait cet après-midi à la tribune, de vous
en plaindre ! Ayez le courage de vos actes
(M. Michel Dreyfus-Schmidt rit)
et de vos succès, même lorsqu'ils sont
embarrassants !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
L'amendement n° 5 ne fait que reprendre ce que nous avions
voté, en le purgeant, nous semble-t-il, de celles de ses dispositions qui ont
été critiquées par le Conseil constitutionnel.
La commission émet donc un avis favorable. Cela étant, celui-ci est soumis,
pour reprendre une formule du Conseil constitutionnel, à une « réserve
d'interprétation » qui concerne le 3°.
Vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, de permettre des
perquisitions dans le cadre d'une instruction, lorsque se préparent de nouveaux
actes de terrorisme.
Mais le juge d'instruction est normalement saisi de faits précis. En matière
de terrorisme, c'est une « entreprise » ayant pour but de servir la terreur
qu'est chargé d'instruire le juge. Ce n'est, à notre avis, que si les nouveaux
actes sont liés aux faits dont il est saisi, c'est-à-dire à cette entreprise,
que le juge d'instruction pourra faire l'application du 3°. A défaut, il devra
demander un réquisitoire supplétif au procureur.
En d'autres termes, le 3° ne remet pas en cause les principes traditionnels
relatifs à la saisine du magistrat instructeur.
Telle est l'interprétation que m'a chargé d'énoncer la commission quand elle a
décidé d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 5.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute
chose, je souhaite m'étonner des conditions de la venue en discussion de cet
amendement au demeurant fort complexe sur le plan juridique et pour le moins
ambigu.
La référence au lâche attentat de Port-Royal, que nous avons condamné avec la
plus grande vigueur, en demandant la mise hors d'état de nuire des criminels,
ne doit pas, selon nous, permettre de légiférer à chaud sans la réflexion
nécessaire.
Nous savons tous ici la difficulté de maintenir l'équilibre entre le respect
des deux principes fondateurs de la République reconnus par le Conseil
constitutionnel : l'inviolabilité du domicile, élément crucial du respect de la
liberté individuelle, et le droit à la sécurité collective ou individuelle.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne remettent pas en
cause le principe même du droit de perquisition de nuit en matière de
proxénétisme et de trafic de drogue. Ils rappellent toutefois que,
premièrement, la solution de ces problèmes dramatiques passe par la
mobilisation de la société tout entière et non pas uniquement par la voie de la
seule répression policière et que, deuxièmement, toutes les garanties
démocratiques doivent être préservées.
En matière de terrorisme, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa
décision du 16 juillet 1996, que les perquisitions de nuit ne devaient être
autorisées que dans le cadre d'une procédure particulièrement rigoureuse. Il a
notamment considéré que la seule référence « aux seules nécessités de l'enquête
» ne pouvait autoriser une perquisition de nuit. Cette dernière ne pouvait donc
s'effectuer, en dehors de la flagrance, dans le cadre d'une enquête
préliminaire ou d'une instruction préparatoire.
L'examen de l'amendement gouvernemental et des trois cas autorisant les
perquisitions de nuit dans des affaires de terrorisme ne nous satisfait pas. En
effet, les trois conditions ne sont pas, selon notre analyse - peut-être
insuffisante - cumulatives.
Or, le 3° de l'article 706-24-1 permet, selon nous, les dérives que le Conseil
constitutionnel avait, à juste titre, dénoncées le 16 juillet dernier.
Les présomptions évoquées dans cet alinéa peuvent, à mon avis, s'inscrire dans
le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une instruction provisoire et elles
seront de toute façon définies selon le seul arbitraire du juge
d'instruction.
Cet amendement nous apparaît, en fait, apporter plus de confusion que
d'éclaircissements et n'évite pas, je le répète, l'argumentation du Conseil
constitutionnel.
Pour ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne
le voteront pas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le garde des sceaux, si j'étais intervenu tout à l'heure, après que
vous avez dit à mon collègue et ami Robert Badinter que ce qu'il avançait était
faux, alors que c'était parfaitement vrai, je vous aurais dit ce que me disait
mon père : « Tu te fâches, donc tu as tort ! »
En effet, vous aviez tort puisque le Sénat ne vous a pas suivi sur votre
référé-liberté.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ah non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ici, je vais essayer de ne pas me fâcher non plus.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Veuillez m'excuser de vous dire, monsieur
Dreyfus-Schmidt...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non ! Je ne vous autorise pas à m'interrompre !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Attendez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne vous autorise pas à m'interrompre !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous fais observer que, tout à l'heure, M. le
garde des sceaux a autorisé M. Badinter à l'interrompre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne vous a pas demandé à m'interrompre, monsieur le président !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
M. Dreyfus-Schmidt est un partisan de l'adage de
Laignel. Il est majoritaire, donc il a raison. On revient quinze ans en arrière
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt
Je n'apprécie pas votre attitude à notre égard, alors que nous avons fait tout
à l'heure un effort d'analyse juridique pure et que nous avons dit les choses
telles qu'elles sont. A malin, malin et demi, semble dire, comme d'habitude, M.
le garde des sceaux ! Il s'agit de choses sérieuses !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Vous auriez pu vous en apercevoir depuis le début de
cet après-midi, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avons saisi le Conseil constitutionnel, comme nous avons le droit de le
faire. Le Conseil constitutionnel vous a donné tort. Ne soyez donc pas mauvais
joueur, acceptez-le !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est vous qui êtes gêné par la décision du Conseil
constitutionnel !
M. le président.
Monsieur le garde des sceaux, je vous demande de ne pas ajouter à la confusion
du débat.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
M. Dreyfus-Schmidt s'est excusé cet après-midi, à la
tribune, du fait que le Conseil constitutionnel l'ait suivi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je l'ai dit, je le répète : nous avons demandé qu'il ne soit pas possible,
dans le cadre d'une enquête préliminaire, de faire des visites domiciliaires,
des perquisitions ou des saisies de nuit.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce n'est pas ce que vous avez demandé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous vous avons dit que ce n'était pas possible, contrairement à ce que vous
prétendiez, ni en matière de proxénétisme ni en matière de drogue. C'est tout
ce que nous avons dit dans notre recours.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce que vous venez de lire fait allusion non pas au juge d'instruction mais au
contrôle par le président du tribunal de grande instance ou par le juge délégué
par lui, que vous avez introduit dans votre texte.
Je lis l'article 706-24 : « Les opérations prévues à l'alinéa précédent
doivent, à peine de nullité, être autorisées sur requête du procureur de la
République par le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué
par lui. »
Tout à l'heure, vous faisiez semblant de croire que, lorsque dans notre
recours nous parlions du contrôle du juge, nous parlions du juge d'instruction.
Non, monsieur le garde des sceaux, nous ne parlions pas du juge d'instruction
!
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je n'ai pas parlé du juge d'instruction ; j'ai parlé du
juge tout court !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout le problème est là.
Le Conseil constitutionnel a annulé la possibilité, que vous aviez demandée et
à laquelle nous nous étions opposés, que soient menées des perquisitions de
nuit dans le cadre de l'enquête préliminaire. C'est la vérité.
Le Conseil constitutionnel a également annulé la possibilité des perquisitions
de nuit ordonnées par le juge d'instruction, ce que nous ne lui avions pas
demandé.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est la vérité la plus pure.
Et lorsque, aujourd'hui, vous demandez la possibilité pour le juge
d'instruction de l'ordonner - en expliquant qu'il n'y a pas de raison que le
juge d'instruction ne puisse pas le faire si l'information est ouverte puisque,
en matière de flagrance, les policiers ont ce droit - et que vous dites que
cela est conforme à la décision du Conseil constitutionnel, ou vous vous
trompez ou vous nous trompez.
Ce n'est pas vrai, ce n'est pas du tout conforme à la décision du Conseil
constitutionnel, qui a étendu l'annulation à la perquisition ordonnée par le
juge d'instruction, même si nous ne le lui avions pas demandé...
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Permettez-moi tout de même de conclure, monsieur le président. Nous avons été
mis en cause suffisamment gravement...
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, et à lui seul !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne vais donc pas dire comment nous voterons. Vous le verrez bien !
M. Serge Vinçon.
Le dernier attentat à la station du RER Port-Royal, voilà une semaine et
demie, nous a cruellement rappelé que notre pays demeure, aujourd'hui comme
hier, une cible privilégiée du terrorisme.
Aussi, nous ne pouvons qu'approuver ces dispositions, qui permettront au juge
d'instruction, sous certaines conditions, de procéder, en matière de
terrorisme, à des perquisitions de nuit.
Nous avons ainsi le sentiment que le Sénat apportera par ce texte sa
contribution à la lutte indispensable contre le terrorisme, et j'ose dire que
nous nous étonnons qu'il n'y ait pas unanimité sur un sujet aussi grave pour la
sécurité de nos concitoyens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas une raison pour nous prendre pour des imbéciles ! Je ne parle pas
de vous, mon cher collègue, mais de M. le garde des sceaux.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je ne reviendrai pas en arrière, ni sur la discussion qui a déjà eu lieu, ni
sur la décision, ni sur la saisine.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, et cette décision, telle
qu'elle est, je n'hésite pas à dire qu'elle est, selon moi, parfaitement
satisfaisante.
Puisque nous en sommes au stade des explications de vote, je tiens à dire que
je rejoins l'orateur précédent. Je considère, comme M. Dreyfus-Schmidt l'a
rappelé excellement dans son propos liminaire, que le terrorisme doit être
combattu avec la dernière fermeté, que les crimes qui sont ceux des terroristes
sont de ceux qui affligent le plus profondément la conscience humaine et que,
face au terrorisme, il convient que tous les démocrates mesurent les enjeux et
prennent leurs responsabilités.
Nous le savons, l'objectif des terroristes est toujours double face à une
démocratie.
Il est d'abord de la déstabiliser, de l'amener à ce degré d'angoisse où,
précisément, elle fera leur jeu et tombera dans les pièges tendus par eux, ce
que nous n'accepterons jamais, pour notre part.
Il est aussi de l'amener, par une célèbre dialectique de
provocation-répression, à oublier en cours de route ce que sont les fondements
mêmes de notre société démocratique et de l'Etat de droit.
C'est pourquoi, quels que soient les crimes commis, nous devons toujours tenir
ferme sur ce que sont nos valeurs fondamentales. Je rappelle cette exigence
parce qu'il est toujours bon de la conserver présente à l'esprit face à de tels
crimes.
En ce qui concerne la question immédiatement posée, le Conseil constitutionnel
a rendu sa décision, et, dans l'amendement qui nous est aujourd'hui présenté,
je retrouve l'habileté - je la connais bien - des services de la Chancellerie.
Je tiens à leur rendre ce témoignage. Ils ont taillé au plus près, juste à ras
de ce qui pouvait constituer une éventuelle inconstitutionnalité.
Nous nous trouvons donc en présence d'un amendement concernant des cas qui,
finalement, s'inscrivent dans une hypothèse de flagrance et d'une perquisition
de nuit qui serait pratiquée par un juge d'instruction. Je dis que nous sommes
dans la flagrance ou quasiment dans la flagrance compte tenu des trois cas
évoqués : le premier, c'est le crime et le délit flagrant lui-même ; le
deuxième c'est qu'il va y avoir destruction de preuves ; le troisième, c'est
que, s'il y a réunion pour commettre un crime terroriste, il faut agir
immédiatement.
C'est, finalement, parce que l'on considère qu'il est difficile pour le juge
d'obtenir l'élargissement de la saisine par le procureur que l'on présente cet
amendement.
C'est un juge d'instruction, il y a urgence, il s'agit de prévenir le crime
que l'on prépare. Je ne suis pas convaincu que les règles classiques ne
permettent pas à l'enquête de flagrance de pourvoir à une telle situation et
d'agir.
Mais, dans de telles circonstances, au regard des pouvoirs du juge
d'instruction et des précautions prises, à mon sens, il serait mal venu de dire
que ce texte tombe sous le coup d'une censure d'inconstitutionnalité.
Simplement, je tiens à marquer que, étrangement, il constitue, au regard de
l'histoire, un étonnant retour au code d'instruction criminelle. J'ai eu la
curiosité de m'y référer.
Je me bornerai à cette citation du traité de droit criminel de Merle et Vitu :
« En cas de crime flagrant, le code d'instruction criminelle donnait au juge
d'instruction des attributions importantes. Averti d'une telle infraction, le
juge pouvait s'en saisir seul, par dérogation à la règle qu'un magistrat
d'instruction ou de jugement ne se saisit jamais lui-même ; il pouvait se
rendre sur les lieux et procéder à tous actes d'instruction, après avoir averti
le procureur, mais sans être obligé de l'attendre, vu l'urgence.
« Ses pouvoirs étaient plus larges qu'à l'ordinaire. » Suit le
développement.
Et les auteurs d'ajouter : « La situation s'est modifiée avec le code de
procédure pénale, qui a enlevé au juge d'instruction le droit de se saisir
seul. » Nous y voilà revenus.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
A l'évidence, le Gouvernement a pris toutes les précautions légales dans
l'amendement qu'il nous propose. Il a énuméré en détail les situations
exceptionnelles dans lesquelles les forces de police pourront agir : les cas
d'extrême urgence, le flagrant délit, le risque immédiat de disparition des
preuves, etc.
Il s'agit d'une procédure exceptionnelle, mais la lutte contre le terrorisme
est tellement impérative, tellement grave qu'il faut que la justice dispose des
meilleures moyens de la combattre.
Bien évidemment, après le récent attentat, et devant les menaces répétées,
nous voterons cet amendement, marquant ainsi notre entier soutien au
Gouvernement pour cette lutte contre le terrorisme, dans laquelle le pays doit
être unanime.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je veux simplement adresser à M. le rapporteur une
réponse formelle sur ses réserves quant au 3° : celle-ci figure au paragraphe
II de l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté, le groupe communiste républicain et citoyen ainsi
que le groupe socialiste étant déclarés voter contre.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la projet
de loi, après l'article 8
nonies.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et
la collectivité territoriale de Mayotte. » -
(Adopté.)
M. Robert Pagès.
Je tiens à préciser que le groupe communiste républicain et citoyen a voté
contre.
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - A l'exception de ses dispositions modifiant le rapport annexé à
la loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995 précitée, la présente loi entrera
en vigueur le 1er janvier 1997.
« Toutefois, le troisième alinéa de l'article 145-1 du code de procédure
pénale, dans sa rédaction résultant des I et III de l'article 3 de la présente
loi, entrera en vigueur le 1er juillet 1997. »
Par amendement n° 6, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le premier
alinéa de cet article :
« « A l'exception des dispositions de ses articles 8
nonies
et 8
decies,
la présente loi entrera en vigueur le 31 mars1997. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
J'ai déjà parlé de cet amendement, monsieur le
président. Il s'agit, compte tenu du fait que cette loi va certainement être
promulguée avant la fin de l'année ou peut-être au début de l'année suivante,
de reporter sa mise en vigueur, qui était prévue au 1er janvier 1997, au 31
mars 1997, sauf pour les dispositions concernant les perquisitions de nuit en
matière de terrorisme qui, elles, seront applicables dès le lendemain de la
promulgation de la loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Monsieur le président, cet amendement reporte du 1er janvier
1997 au 31 mars 1997 l'entrée en vigueur de la loi, à l'exception, comme on l'a
souligné, des articles relatifs au placement sous surveillance électronique et
aux perquisitions de nuit.
Je pense que la loi pourrait être définitivement promulguée avant le 1er
janvier, mais on nous a fait savoir qu'il faudra mettre les imprimés relatifs à
la détention en conformité avec la nouvelle législation. Dans ces conditions,
la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, sur lequel la commission s'en remet à la
sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Intitulé
M. le président.
Par amendement n° 31, le Gouvernement propose de compléter l'intitulé du
projet de loi par les mots suivants : « et aux perquisitions de nuit en matière
de terrorisme ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, c'est un amendement évident
puisqu'il consiste à dire que ce projet de loi porte d'abord sur la détention
provisoire, mais aussi désormais sur les perquisitions de nuit en matière de
terrorisme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Georges Othily,
rapporteur.
Monsieur le président, la commission n'a pas eu l'occasion
d'examiner cet amendement. Cependant, à titre personnel, j'y suis favorable, et
je fais confiance au Sénat pour joindre son vote au mien.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient, bien évidemment.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'intitulé est ainsi rédigé.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais dire et redire que nous sommes unanimes en ce qui concerne la
condamnation sans réserve d'un terrorisme barbare comme celui qui a frappé la
semaine dernière, comme il avait déjà frappé l'an dernier, en particulier, à
Paris.
Cela dit, si cet amendement n° 5 s'imposait, je ne comprends pas pourquoi on
ne nous l'a pas soumis plus tôt et pourquoi il ne fait pas l'objet d'une
exception pour s'appliquer dès la promulgation de la loi... Mais si, il fait
l'objet d'une exception !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Mais oui ! les dispositions de l'article 8
nonies
et de l'article additionnel après l'article 8
nonies
s'appliqueront
tout de suite.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est ce qu'on vous avait proposé, en effet, et je ne vous adresse plus ce
reproche-ci...
M. Emmanuel Hamel.
Un de moins !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Par ailleurs, le groupe socialiste, me dit-on, a été mentionné comme votant
contre l'amendement n° 5.
Je ne comprends pas, monsieur le président, car vous m'avez interrompu avant
que j'ai pu dire comment nous allions voter. Nous voulions nous abstenir.
M. Robert Badinter.
Nous nous sommes abstenus !
M. le président.
Pardon, mais vous aviez demandé à parler contre l'amendement.
J'ai donné la parole à M. Pagès parce qu'il s'était manifesté le premier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela ne suffit pas à préjuger le vote. On peut changer d'avis entre-temps.
C'est simplement le moyen de disposer de cinq minutes supplémentaires !
M. Emmanuel Hamel.
Quelle maîtrise de la procédure !
M. le président.
Ce n'est pas un moyen très honnête !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est le président Dailly qui nous l'a appris !
Quand nous ne levons pas la main, n'en déduisez pas que nous votons contre.
C'est une interprétation regrettable.
M. le président.
Ce n'est pas la première fois que cette interprétation est faite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne dis pas que c'est malhonnête, je dis que c'est regrettable !
Quoi qu'il en soit, la discussion sur ce texte n'a pas été très glorieuse et
il s'agit d'un petit texte.
Ce petit texte est venu en discussion devant le Sénat en première lecture au
mois de mai, puis le Gouvernement a demandé l'urgence.
Mais, au lieu de l'inscrire immédiatement à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale, il a laissé passer les mois. Et c'est seulement au mois d'octobre
que le Gouvernement s'y est résolu.
Par ailleurs, lorsque le président du Sénat lui-même, mandaté par la
conférence des présidents, a demandé que ce texte ne soit plus déclaré
d'urgence, ou, plus exactement, que ne soit pas demandée la nomination d'une
commission mixte paritaire, le Gouvernement, plus précisément M. le garde des
sceaux, ce qui revient au même, s'y est refusé.
Une commission mixte paritaire a donc été constituée et, lors de sa réunion,
les représentants du Sénat unanimes ont indiqué qu'il n'y avait pas lieu de
continuer à discuter. La commission mixte paritaire a échoué.
Il y a donc eu une nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale, d'où le
texte sortait. Telle est la règle.
Nous venons d'en rediscuter aujourd'hui, nous aussi en nouvelle lecture, dans
des conditions un peu particulières tout de même, puisque, si beaucoup de nos
collègues ont suivi avec attention le débat - et je les en remercie - je dois à
la vérité de dire que nous n'avons cependant pas été extrêmement nombreux, et
cette remarque s'applique aussi aux membres de la commission des lois.
Le résultat, c'est qu'en matière de communication de pièces le texte retenu
par l'Assemblée nationale, et voulu par le Gouvernement, soutenu fidèlement par
sa majorité ici présente, est « absolument inapplicable », pour reprendre
l'expression employée par le président de la commission des lois du Sénat.
Il prévoit en effet que ne peuvent être communiquées à des tiers que les
seules copies des rapports d'expertises, et que l'avocat doit dresser la liste
des pièces qu'il souhaite remettre à son client et l'adresser au juge
d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception.
Bref, ce n'est pas véritablement l'avancée qui aurait été possible.
En matière de référé-liberté, le Sénat a moins reculé que le Gouvernement ne
le lui demandait. Il a fait un petit effort, puisque c'est la proposition de M.
le président de la commission des lois, amendée par nous, notamment en
permettant immédiatement un débat devant le président du tribunal de grande
instance, qui l'a emporté. Il y avait pourtant beaucoup mieux à faire : retenir
la collégialité.
Sur la réparation, M. le garde des sceaux s'en est tenu à ce qu'il avait
demandé.
Sur les fenêtres que nous avons sollicitées, curieusement, l'une a été fermée,
l'autre a été ouverte. C'est déjà une avancée ; elle est petite, mais elle
existe, et nous nous en félicitons.
Enfin, il y a ce problème pour lequel j'ai suggéré à M. le garde des sceaux de
demander une seconde délibération : c'est le fait que maintenant le procureur
de la République, dans le débat préalable à l'incarcération devant le juge
d'instruction, doit soutenir oralement ses réquisitions écrites.
Il s'agit là d'une nouveauté, d'une nouveauté extrêmement grave et extrêmement
regrettable.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce serait même une raison suffisante pour que nous votions contre l'ensemble
du projet de loi.
Effectivement donc, c'est bien contre l'ensemble du texte que nous
voterons.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
M. Dreyfus-Schmidt a toutes les raisons de voter contre
le projet de loi. Il lui faut cependant en retirer une : l'article 33 du code
de procédure pénale, qui dispose que la plume est serve et la parole libre,
prévaut sur le texte qui vient d'être adopté.
Le parquet pourra toujours prononcer à l'audience les réquisitions qu'il
voudra, je le confirme, parce que le principe de l'article 33 l'emporte sur les
autres textes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a des raisons de voter contre le projet de loi, mais
celle-ci, au moins il ne peut pas la retenir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
MM. Robert Badinter et Michel Dreyfus-Schmidt.
Le groupe socialiste également.
(Le projet de loi est adopté.)
8
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant dispositions
statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 143, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la
ratification de la révision de la convention internationale pour la protection
des obtentions végétales.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 144, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif aux obtentions
végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code
rural.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 145, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
9
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'Union
d'économie sociale du logement.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 136, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et
de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République de Moldova, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 137, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et
de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République kirghize, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 138, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et
de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République du Kazakstan, d'autre part (ensemble trois annexes, un
protocole et un acte final).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 139, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et
de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la Fédération de Russie, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 140, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et
de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et l'Ukraine, d'autre part.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 141, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Michel Alloncle, Louis
Althapé, Honoré Bailet, Mme Paulette Brisepierre, MM. Auguste Cazalet, Jacques
Chaumont, Jean Chérioux, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet,
Alain Dufaut, Charles Ginésy, Hubert Haenel, Jean-Paul Hugot, Lucien Lanier,
René-Georges Laurin, Guy Lemaire, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Joseph
Ostermann, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Maurice Schumann,
Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Alain
Vasselle et Serge Vinçon une proposition de loi tendant à organiser la lutte
contre les termites.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 142, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
11
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- accord entre la Communauté européenne et la confédération Suisse sur
certains aspects relatifs aux marchés publics.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-748 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord de
coopération entre la Communauté européenne et l'ancienne République yougoslave
de Macédoine. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un
accord dans le domaine des transports entre la Communauté européenne et
l'ancienne République yougoslave de Macédoine.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-749 et
distribuée.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Roger Rigaudière un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif à la collecte et à l'élimination
des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural
(n° 109, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 131 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Alloncle un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la
République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération
transfrontalière entre collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars
1995 (n° 106, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 132 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Marie Girault un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, de ratification des ordonnances prises en matière pénale pour
Mayotte et les territoires d'outre-mer (n° 121, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 134 et distribué.
J'ai reçu de M. François Blaizot un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale, portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996
prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation
relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale,
des communes et des établissements publics de Mayotte et relatif au statut
administratif, douanier et fiscal de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin (n°
122, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 135 et distribué.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Xavier de Villepin un rapport d'information fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le
rôle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD)
dans la transition économique des pays de l'Est.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 133 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 12 décembre 1996 :
A dix heures trente :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 98, 1996-1997), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative au maintien des liens entre frères et
soeurs.
Rapport (n° 115, 1996-1997) de M. Robert Pagès, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
2. Discussion de la proposition de loi (n° 319, 1995-1996), adoptée par
l'Assemblée nationale, renforçant la protection des personnes surendettées en
cas de saisie immobilière.
Rapport (n° 114, 1996-1997) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
A quinze heures et le soir :
3. Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
4. Discussion de la proposition de loi (n° 100, 1996-1997), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à l'épargne retraite.
Rapport (n° 124, 1996-1997) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de cette proposition
de loi n'est plus recevable.
Délai limite général pour le dépôt des amendements
La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le dépôt des
amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence la
discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions de
loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de
commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai
limite spécifique.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et
des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural (n° 109, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 16 décembre 1996, à douze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 décembre 1996, à douze
heures.
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la zone franche de Corse (n° 126, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 16 décembre 1996, à dix-sept heures.
3° Projet de loi de finances rectificative pour 1996, adopté par l'Assemblée
nationale (n° 125, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 16 décembre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 12 décembre 1996, à une heure
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
137 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, sur le projet de loi
autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre
les Communautés européennes et leurs Etats-membres avec la République de
Moldova.
M. Yves Guéna a été nommé rapporteur du projet de loi n° 138 (1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, sur le projet de loi autorisant la
ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés
européennes et leurs Etats-membres avec la République Kirghize.
M. Yves Guéna a été nommé rapporteur du projet de loi n° 139 (1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, sur le projet de loi autorisant la
ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés
européennes et leurs Etats-membres avec la République du Kazakhstan.
M. Yves Guéna a été nommé rapporteur du projet de loi n° 140 (1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, sur le projet de loi autorisant la
ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés
européennes et leurs Etats-membres avec la fédération de Russie.
M. Yves Guéna a été nommé rapporteur du projet de loi n° 141 (1996-1997),
adopté par l'Assemblée nationale, sur le projet de loi autorisant la
ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés
européennes et leurs Etats-membres avec la République d'Ukraine.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Conséquences de la réforme du logement social
pour les handicapés
518. - 11 décembre 1996. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention M. le ministre délégué au logement sur les conséquences de la réforme du logement social pour les personnes handicapées. Dorénavant, les subventions et prêts d'Etat destinés à la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés sont évalués en privilégiant le principe de la surface utile et c'est le nombre d'occupants qui détermine la surface du logement. Ce calcul est incompatible avec la mise en oeuvre effective des règles d'accessibilité et d'adaptabilité qui imposent, dans bien des cas, des surfaces majorées de l'ordre de 10 à 12 %. Il lui demande quelles dispositions il entend prendre afin que soit favorisée la vie à domicile des personnes handicapées et à mobilité réduite.