SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Budget annexe des prestations sociales agricoles (p. 3 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Louis Mercier, Michel Moreigne, Louis Minetti, Bernard Joly.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

Adoption des crédits figurant aux articles 40 et 41.

Agriculture, pêche et alimentation (p. 4 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture ; Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche ; Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aménagement rural ; Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole ; Alain Vasselle, Fernand Tardy, Louis Minetti.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 6 ).

CONFLIT DES ROUTIERS (p. 7 )

MM. Daniel Hoeffel, Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.

EFFONDREMENTS MINIERS EN LORRAINE (p. 8 )

MM. Philippe Nachbar, Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement.

CRÉATION D'UN TRIBUNAL
PÉNAL INTERNATIONAL PERMANENT (p. 9 )

Mmes Joëlle Dusseau, Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.

SOLIDARITÉ AVEC LES CHÔMEURS (p. 10 )

M. Guy Fischer, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.

PROPOSITIONS DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE (p. 11 )

MM. Michel Doublet, Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice.

SUSPENSION DE LA PRIVATISATION DU GROUPE THOMSON (p. 12 )

MM. Aubert Garcia, Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances.

CONTINGENTS COMMUNAUX D'AIDE SOCIALE (p. 13 )

MM. Jean-Louis Lorrain, Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

MESURES CONTRE LA MALADIE DE LA « VACHE FOLLE » (p. 14 )

MM. Roger Rigaudière, Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.

RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE (p. 15 )

M. Henri Weber, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.

ACTIONS EN FAVEUR DES PME (p. 16 )

MM. Gérard César, Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.

ENCOURAGEMENT À L'INTERCOMMUNALITÉ (p. 17 )

M. Joël Bourdin, Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

5. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 18 ).

Agriculture, pêche et alimentation (suite) (p. 19 )

MM. Raymond Soucaret, Jean Grandon.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

M. Serge Mathieu.

6. Modification de l'ordre du jour (p. 20 ).

7. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 21 ).

Agriculture, pêche et alimentation (suite) (p. 22 )

MM. Michel Souplet, Adrien Gouteyron, Marcel Bony, Robert-Paul Vigouroux, Ambroise Dupont, Rémi Herment, Michel Doublet, Michel Sergent, Mme Janine Bardou, MM. Jean Pourchet, Auguste Cazalet, Jean-Pierre Dermerliat, Charles Revet, Bernard Hugo, Paul Raoult, Roger Besse.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.

Crédits du titre III (p. 23 )

Amendement n° II-73 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 24 )

MM. Gérard Delfau, Félix Leyzour, Marcel Deneux, Alphonse Arzel.
Amendement n° II-50 rectifié bis de M. Bourges. -M. Cazalet. - Retrait.
Amendement n° II-51 de M. Doublet. - MM. Egu, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendement n° II-74 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 25 )

Crédits du titre VI (p. 26 )

Amendement n° II-75 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Amendement n° II-52 de M. Bourges. - MM. Besse, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Adoption des crédits modifiés.

Article 83 (supprimé) (p. 27 )

Articles 83 bis. - Adoption (p. 28 )

Article 83 ter (p. 29 )

M. Albert Vecten.
Adoption de l'article.

Article 84 (p. 30 )

Amendement n° II-53 de M. Minetti. - MM. Minetti, le rapporteur spécial, le ministre. - Irrecevabilité.
M. Louis Minetti.
Adoption de l'article.

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 31 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 32 )

9. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 33 ).

Aménagement du territoire, ville et intégration

I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 34 )

MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Félix Leyzour, Jean Puech, Marcel Deneux, Hilaire Flandre, Gérard Delfau, Roger Rigaudière.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 35 )

Crédits du titre IV (p. 36 )

Mme Janine Bardou, M. Gérard Delfau.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre V. - Vote réservé (p. 37 )

Crédits du titre VI (p. 38 )

Amendement n° II-55 du Gouvernement. - MM. le ministre, Christian Poncelet, président de la commission des finances ; Gérard Delfau. - Adoption.
Vote des crédits réservé.

10. Transmission de projets de loi (p. 39 ).

11. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 40 ).

12. Dépôt d'un rapport d'information (p. 41 ).

13. Ordre du jour (p. 42 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le Président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : ALAIN JUPPÉ »

J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du plan m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

3

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite à la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]

Budget annexe des prestations sociales agricoles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Mes chers collègues, j'en appelle à votre collaboration pour le respect des temps de parole.
Nous assistons malheureusement à certains dérapages ; je vous engage à la discipline, ce qui n'est pas nécessairement compatible avec le droit à l'expression du Parlement.
La parole est à M. Bourdin, rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenté en hausse de 0,1 %, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1997 ne présente pas de caractéristiques particulières appelant de longs développements. La commission des finances a toutefois souhaité attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre d'éléments relatifs à l'environnement juridique et financier de ce budget annexe. Conformément aux orientations qui ont présidé à la rénovation de notre procédure budgétaire, les aspects spécifiques de la protection sociale en agriculture seront traités par notre éminent collègue M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
La commission des finances tient, en premier lieu, à féliciter le Gouvernement d'avoir mené à son terme, cette année, l'ambitieuse réforme de l'assiette des cotisations sociales et d'avoir mis fin - c'est du moins le voeu que j'émets - aux incessantes discussions d'experts sur le niveau de la parité de l'effort contributif des exploitants.
Depuis 1993, le Gouvernement a accompli d'importantes avancées sociales, qu'il s'agisse de la prise en compte des décifits dans la moyenne triennale, de la prise en compte de la rente du sol ou de l'option selon les cas pour l'année n ou l'année n - 1.
De surcroît, grâce à la majoration des cotisations vieillesse, les exonérations pour les jeunes agriculteurs et pour les années déficitaires ne donnent plus lieu à des majorations de cotisations variables chaque année.
Sous réserve de quelques aménagements à la marge, le financement de la protection sociale agricole est dorénavant assuré de manière rationnelle.
La commission des finances a souhaité, en second lieu, réaffirmer son attachement à la procédure du budget annexe, qui a été mise en cause par la Cour des comptes. Elle estime qu'il est nécessaire de maintenir la double singularité de ce régime de protection sociale : un financement entièrement budgétisé et un équilibre garanti par la solidarité nationale.
Parallèlement, elle ne souhaite pas que l'organisation des caisses de la mutualité sociale agricole soit calquée sur celle du régime général. Bien entendu, des améliorations sont toujours envisageables sur tel ou tel point et la commission des finances vous demande, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez éventuellement prendre pour donner suite aux propositions émises par la Cour des comptes à propos du fonctionnement des caisses de la mutualité sociale agricole.
Trois points méritent probablement une analyse : la gestion de la trésorerie, la croissance des frais de gestion et la rentabilité des activités de diversification.
Par ailleurs, l'analyse concomitante du BAPSA et du projet de loi de financement de la sécurité sociale par le Parlement soulève inévitablement des problèmes d'articulation assez complexes à résoudre : quelles seront, par exemple, les conséquences sur le BAPSA du basculement d'une partie des cotisations maladie sur la CSG et de l'affectation supplémentaire de droits sur les alcools ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous élcairer sur ces deux points.
Il n'en demeure pas moins que ces deux procédures doivent pouvoir rester compatibles dans l'avenir, ne serait-ce qu'en raison de la subvention d'équilibre du BAPSA inscrite dans le budget de l'agriculture. Comme vous l'avez fort bien dit, monsieur le ministre, et je me permets de vous citer : « Il serait évidemment pour le moins paradoxal de demander au Parlement de voter cette subvention qui constitue un solde entre les dépenses et les recettes sans qu'il se prononce sur ces dépenses et ces recettes. Cette spécificité justifie que le Parlement examine les dépenses de prestations sociales agricoles et leur financement d'une manière plus approfondie qu'il le fera pour les opérations des autres régimes dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. »
La commission des finances a souhaité également présenter quelques observations sur la revalorisation des retraites agricoles. Le niveau de ces retraites continue de représenter un enjeu majeur de solidarité, même si ce n'est que depuis 1933 que des mesures significatives ont été prises en faveur de ces retraites avec la revalorisation des retraites des anciens aides familiaux, le cumul entre les droits propres à pension de retraite et la pension de réversion dont peut bénéficier le conjoint survivant de l'exploitant agricole et le passage de 50 % à 54 % du maximum de ce cumul.
La désignation récente d'un député en mission, M. Daniel Garrigue, sur ce dossier des pensions de retraite est de nature à permettre un débat de fond, qui pourrait avoir lieu lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Sans attendre cette échéance, le projet de loi de finances se propose de revaloriser les retraites agricoles de faible montant. L'article 84 de ce projet de loi permettra de garantir un minimum de pension aux chefs d'exploitation qui prendront leur retraite à compter du 1er janvier 1997 et qui justifieront d'une carrière complète. Pour une carrière complète de chef d'exploitation, le montant minimum de pension ainsi garanti sera d'un peu plus de 37 000 francs, soit une augmentation de 8 175 francs, et sera proche du minimum contributif du régime général.
Cet article 84 permettra également de revaloriser les pensions servies aux chefs d'exploitation actuellement retraités ayant accompli une carrière complète en agriculture et ayant été, pendant la majeure partie de celle-ci, chefs d'exploitation à titre exclusif ou principal. Pour une carrière complète, le nombre total de points de retraite proportionnelle sera porté au minimum de 750 et la retraite annuelle totale de l'intéressé sera ainsi de 32 000 francs, représentant un surplus de 2 991 francs. Cette mesure heureuse bénéficiera à environ 220 000 salariés.
Le coût de ces mesures sera de 214 millions de francs en 1997 et de 518 millions de francs en l'an 2000. Il s'agit donc d'une avancée appréciable, surtout au regard des contraintes auxquelles sont soumises nos finances publiques.
Mes chers collègues, la protection sociale ne constitue qu'un des aspects de la politique agricole conduite par le Gouvernement. Il conviendrait, en effet, de s'interroger sur la participation du BAPSA à l'effort général en faveur de la filière bovine, sur l'actualisation des bases de la taxe sur le foncier non bâti, qui conditionne l'efficacité de la prise en compte de la rente du sol, ou sur l'incitation fiscale à choisir un régime réel d'imposition. Ces points seront traités aujourd'hui lors de la discussion sur le budget de l'agriculture.
Monsieur le ministre, à cet égard, je me pose une question quant à l'estimation des conséquences de l'adoption des articles 72 et 73 sur les rentrées de cotisations sociales à partir de 1998, et je vous demande de m'apporter des éclaircissements sur ce point.
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter en l'état le projet de BAPSA pour 1997, qui témoigne à la fois des progrès enregistrés dans le domaine de la protection sociale agricole et de la participation des exploitants à l'effort de maîtrise de la dépense sociale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Seillier, rapporteur pour avis.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits pour 1997, excellement exposée par notre collègue Joël Bourdin, rapporteur de la commission des finances.
Mon intervention se limitera à l'examen des conséquences sur le BAPSA de l'introduction des lois de financement de la sécurité sociale.
Je souhaite préciser d'emblée que la réflexion de la commission des affaires sociales a porté sur le cadre comptable et sur la procédure de présentation au Parlement des dépenses et des recettes du régime social agricole, et non pas sur l'existence de ce régime, auquel elle reste très attachée.
Ce régime est, en effet, adapté aux caractéristiques spécifiques des activités agricoles.
Il dispose surtout d'une organisation spécifique, la mutualité sociale agricole, aux structures fortement décentralisées, bien implantée dans le monde rural et qui a su diversifier les services proposés à ses ressortissants. C'est d'ailleurs le régime général qui devrait s'inspirer du fonctionnement actuel du régime agricole, et non l'inverse.
Incidemment, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser à cet égard les suites que vous pensez pouvoir donner à l'arrêt récent du Conseil d'Etat, conforme à l'avis de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a annulé l'essentiel du décret relatif au régime de retraite complémentaire par capitalisation, dit COREVA, géré par la mutualité sociale agricole, et ce afin de répondre aux inquiétudes des quelque 110 000 souscripteurs et 15 000 retraités concernés ?
Pour en revenir au BAPSA, outre son caractère juridiquement contestable, encore souligné récemment par la Cour des comptes, il est devenu une « curiosité institutionnelle » au regard des modalités prévues par la loi de financement de la sécurité sociale.
Cette dernière offre, d'abord, l'opportunité de replacer chacun des régimes de sécurité sociale dans des perspectives d'ensemble et d'évolution plus cohérentes, notamment au regard des arbitrages portant sur le financement par la solidarité nationale.
Par ailleurs, la loi de financement permet d'avoir une vue plus exhaustive du régime des exploitants agricoles. En effet, le BAPSA ne retrace ni les frais de gestion, ni les dépenses d'action sanitaire et sociale des caisses, ni le coût des bonifications des pensions accordées aux retraités. On se souvient des péripéties qui ont, finalement, amené à faire prendre en charge ces bonifications par le fonds de solidarité vieillesse en les sortant de façon fort opportune du BAPSA.
Or ses insuffisances ne manqueront pas de s'accentuer au cours des prochaines années ; je pense notamment aux crédits de l'allocation spécifique dépendance, qui ne figureront pas dans le BAPSA puisqu'ils relèvent de l'action sociale.
Enfin, la disjonction de l'examen des dépenses et des recettes de ce régime spécial par rapport à la loi de financement entraîne des incohérences. Le projet de BAPSA ne tient pas compte, par exemple, du basculement d'une partie des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée. Le reversement d'une partie des droits sur les alcools n'est pas davantage mentionné. Pourtant, le débat sur la parité pourrait être utilement éclairé par une appréciation plus équitable de l'effort contributif réel des agriculteurs, au niveau tant des cotisations complémentaires que de la CSG.
En conclusion, la commission des affaires sociales n'ignore pas que la loi de financement doit elle-même passer une inévitable période de rodage.
Mais elle considère que l'Etat, les responsables de la MSA et les professionnels doivent ouvrir le débat en cherchant à obtenir les garanties réciproques que chacun est en droit d'attendre. A cet égard, l'Etat a une responsabilité particulière. Il lui appartient d'affirmer sans ambiguïté que l'intégration du BAPSA dans la loi de financement de la sécurité sociale ne constituerait pas une étape dans le démantèlement du régime applicable, mais bien qu'elle serait une mesure de cohérence méthodologique sur le plan comptable.
J'ajoute que celle-ci ne signifierait pas pour autant la disparition du régime agricole de la loi de finances. Le montant des subventions reçues devra, quoi qu'il en soit, figurer dans un chapitre des dépenses du budget de l'Etat, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, pour le régime des mines.
Telles sont les observations que la commission des affaires sociales voulait vous présenter à propos de ces crédits sur lesquels elle a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Mercier.
M. Louis Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellentes interventions de nos deux rapporteurs, mon propos sera bref et je le limiterai seulement à quelques points précis.
Je souhaite, en premier lieu, demander au Gouvernement les suites qu'il entend réserver au rapport de la Cour des comptes, qui met en cause les caisses de Mutualité sociale agricole.
Beaucoup de ces caisses sont gérées avec rigueur, et je puis en témoigner personnellement pour avoir présidé celle de la Loire pendant de nombreuses années.
Il est regrettable que soit entretenue une certaine suspicion à l'égard de cet organisme mutualiste spécifique à la profession agricole et au sein duquel se dévouent de nombreux administrateurs.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Louis Mercier. Je tiens à rappeler fermement à cette tribune les services rendus par ces caisses, qui sont les seules à offrir à leurs assurés, en un lieu unique, l'ensemble des renseignements et prestations dont ils peuvent avoir besoin.
De plus, ces caisses sont parfaitement intégrées dans le milieu rural et participent activement à son animation et à son développement économique.
A l'heure où l'on nous annonce un projet de loi sur le développement des zones rurales, il y aurait assurément un paradoxe à banaliser les caisses de MSA et à les conduire à se regrouper dans les grandes villes, loin des assurés.
Je constate, par ailleurs, que les frais de gestion des caisses mis en cause par la Cour des comptes ont tendance à baisser, de 2,37 % en 1995, et qu'ils sont tout à fait comparables, si ce n'est inférieurs, aux frais de gestion des autres caisses, dès lors que l'on prend en compte le coût de traitement de chaque dossier.
Certes, ces caisses sont tout à fait disposées à suivre certaines des recommandations de la Cour des comptes, plus particulièrement en ce qui concerne la gestion de trésorerie.
Je souhaite maintenant obtenir des réponses, monsieur le ministre, à deux questions ponctuelles.
Pour la deuxième fois en deux ans, le taux de la contribution au fonds commun des accidents du travail agricole est augmenté. En deux ans, il sera passé de 3,5 % à 10 % des contrats d'assurance obligatoire contre les accidents du travail.
Devant une telle progression, il n'est plus possible de procéder ainsi et une remise à plat s'impose. Quand aura-t-elle lieu, monsieur le ministre ? C'est ma première question.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de réunir régulièrement la commission nationale des calamités agricoles pour qu'elle puisse donner chaque année son avis sur le financement professionnel du fonds ? C'est ma seconde question.
Il me semble en effet peu normal que le projet de loi de finances envisage la prorogation sur quatre ans de la taxe sur les véhicules à moteur alors qu'une révision annuelle serait souhaitable.
Je terminerai mon bref propos, monsieur le ministre, en vous félicitant pour votre action en général et, plus spécifiquement, pour les mesures prises en faveur de la revalorisation des petites retraites agricoles.
Bien qu'un effort non négligeable ait été fait en ce domaine depuis 1993, il reste encore beaucoup à faire.
Je me réjouis en tout cas qu'un parlementaire en mission ait été désigné par le Premier ministre pour établir un rapport sur l'avenir des retraites agricoles. Il y va de la dignité des exploitants retraités et de la solidarité dont nous devons savoir faire preuve à leur égard.
En conclusion, monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez me semble être, dans le difficile contexte actuel, un bon budget, et le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, le votera. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de BAPSA pour 1997 s'élève à 87,2 milliards de francs, progressant ainsi de 0,11 % par rapport au BAPSA de 1996. On peut donc parler d'un reconduction à l'identique.
Ce budget se trouve, comme chaque année, tiraillé entre les attentes légitimes des agriculteurs, des préretraités et des retraités, d'une part, et les contraintes budgétaires, d'autre part.
On ne peut l'analyser sans tenir compte de la révision constitutionnelle qui permet désormais au Parlement de se prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La logique pour les ressortissants du régime agricole est la même que pour les ressortissants du régime général, c'est-à-dire qu'ils subissent une hausse des cotisations.
Notons cependant que le démantèlement des taxes spécifiques sur les céréales, les oléagineux et les betteraves est achevé et que la cotisation additionnelle à l'impôt foncier non bâti est devenue marginale. La participation au financement du BAPSA des agriculteurs est donc essentiellement assise sur leurs revenus professionnels depuis 1996.
Les prévisions de recettes sont en légère progression, évolution liée à l'augmentation inégale, mais réelle, du revenu agricole. Mais il faut rester prudent compte tenu de la crise due à l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, et aux reports de cotisations qu'elle engendre, et qu'elle engendrera sur plusieurs années, afin de venir en aide aux éleveurs qu'elle touche de plein fouet et qui sont incapables de faire face à des échéances de cotisations. C'est une situation gravissime, notamment pour les éleveurs du Massif central, qui élèvent des races à viande.
La subvention d'équilibre augmente, certes, de 12,9 %, mais il faut noter un relèvement des cotisations de 10,2 %. Les cotisations techniques atteignent ainsi 15,6 milliards de francs.
On constate un ralentissement apparent de la dégradation de la situation démographique du régime agricole, la poursuite de la baisse du nombre de cotisants s'accompagnant désormais d'une baisse du nombre d'ayants droit, même pour la branche vieillesse. Dans l'autre sens, il faut bien dire que la situation de l'emploi se dégrade même dans le secteur agricole.
Les ressources en provenance de l'Etat sont constituées par le remboursement des allocations aux adultes handicapés versées dans le régime agricole, les versements du fonds spécial d'invalidité et la subvention d'équilibre, qui atteint 7 279 milliards de francs démontrant encore une fois la solidarité nationale.
Cependant, les dépenses du BAPSA inscrites pour 1997 progressent seulement de 0,11 % par rapport à celles qui étaient inscrites dans la loi de finances initiale pour 1996, mais de 1,3 % environ par rapport aux prévisions révisées d'exécution pour 1996, compte tenu de la surestimation initiale de la participation du budget annexe au budget global hospitalier.
Cette progression des dépenses résulte naturellement de la combinaison de plusieurs facteurs : les mesures de maîtrise de la consommation médicale et le déclin des effectifs d'ayants droit ralentissent la dépense, tandis que les revalorisations habituelles des prestations en espèces et les mesures spécifiques pour les retraités agricoles la poussent à la hausse.
Enfin, une mesure d'économie paraît très contestable, à savoir la réduction apparente de 170 millions à 110 millions de francs de l'enveloppe finançant l'aménagement des charges sociales des exploitants en difficulté, dont j'ai évoqué tout à l'heure un cas particulier. Est-ce du fait du traitement à part, hors BAPSA, des reports de cotisations sociales des éleveurs de bovins ? Prise en charge et étalements diminuent de 60 millions de francs.
Mais, parmi les secteurs en difficulté, s'ajoutent les producteurs de fruits et légumes et les arboriculteurs. Dans ces conditions, est-il bien prudent de réduire ainsi l'enveloppe assurant le financement des charges sociales des exploitants en difficulté ?
Certains points de ce projet de budget ne sont pas négatifs. Je pense, par exemple, à l'amorce d'une réelle revalorisation des plus faibles retraites. Toutefois, on ne peut accepter qu'elle soit supportée par la profession agricole, alors que, vu l'état de la profession agricole, elle devrait aussi relever de la solidarité nationale.
Le débat sur la parité, dit-on, a été réglé de façon satisfaisante, mais tout le monde ne partage pas cette opinion. Nous tenons au principe selon lequel à cotisations égales, les agriculteurs devraient percevoir des prestations égales à celles des autres assurés sociaux.
Aucune réponse n'a été apportée à la demande formulée par les ressortissants du régime agricole tendant à faire bénéficier les agriculteurs de prestations d'action sanitaire et sociale identiques à celles qui sont accordées aux salariés dépendant du régime général. Le problème reste donc posé.
J'en viens aux questions touchant à la CSG.
Le projet de BAPSA n'intègre pas la réforme du financement de la sécurité sociale et, notamment, le basculement d'une partie des cotisations maladie sur la CSG, ainsi d'ailleurs que d'une partie des droits sur l'alcool.
En premier lieu, il me paraît nécessaire de vérifier que ce basculement est neutre du point de vue individuel comme du point de vue global.
L'assiette de la CSG, on le sait, est constituée de la moyenne triennale des revenus et des cotisations des années n -4 à n -2. De plus, cette assiette n'a pas intégré jusqu'à présent les modifications intervenues depuis 1990 pour la détermination de l'assiette sociale, à savoir la prise en compte des déficits, les options, etc.
La seule indication fournie est le rendement de CSG sur les revenus professionnels prévu pour 1996, soit 1,410 milliards de francs.
Par ailleurs, quelle réponse peut-on donner à l'inégalité de traitement entre les salariés et les indépendants à propos du basculement de 1,3 point de taux de cotisation maladie en contrepartie d'un point de CSG ? Les premiers vont voir augmenter leur pouvoir d'achat, alors que l'opération sera neutre pour les seconds, à cause des différences d'assiette.
Concernant les prélèvements, monsieur le ministre, confirmez-vous votre intention de diminuer d'un point le taux de cotisation maladie en contrepartie du point de CSG lors de l'élaboration du décret de financement pour 1997 ?
En deuxième lieu se pose le problème de l'inscription des recettes en provenance de la CSG, dont l'augmentation ne doit pas se traduire par une diminution apparente du financement professionnel. La part CSG « maladie » devrait figurer en recettes dans le BAPSA, mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne précise pas s'il s'agit du montant versé par les cotisations du régime ou des montants reçus pour neutraliser l'effet du basculement maladie-CSG.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Moreigne.
M. Michel Moreigne. En troisième lieu, le remplacement de 1,3 point de cotisation maladie par un point de CSG ne doit pas entraîner une baisse des rendements destinés au financement de la gestion de la MSA. Le maintien du niveau des recettes complémentaires concernées est-il assuré ? Les caisses de MSA seront-elles rémunérées pour le recouvrement de la CSG ?
Telles sont les observations que je tenais à formuler, monsieur le ministre.
Le groupe socialiste ne pourra vous apporter ses suffrages sur ce projet de BAPSA. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je tiens à vous indiquer, monsieur Moreigne, que vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti d'une minute et demie et que cela sera décompté du temps réservé à vos collègues du groupe socialiste lorsque nous examinerons le projet de budget de l'agriculture.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le ministre, vous dites avoir consenti, pour nos retraités de l'agriculture, un effort. Je crois, pour ma part, qu'on ne peut appeler cela un effort : c'est une goutte d'eau dans la mer ! Quand une épouse d'agriculteur touche 1 350 francs par mois et un chef d'exploitation retraité 2 200 francs ils peuvent, à juste titre, se considérer comme des laissés-pour-compte.
Bien sûr, avec des retraites aussi ridicules, la moindre augmentation est toujours la bienvenue, mais quand on la met en regard des 4 800 francs par mois qui découleraient de la mise en application des promesses des partis de votre majorité, on se dit que c'est se moquer du monde !
La retraite minimale des anciens exploitants déjà retraités à temps complet mettra trois ans pour atteindre 2 668 francs par mois. Celle des conjoints d'exploitants ayant exercé moins de 37 années et demie sera augmentée au maximum de 125 francs par mois.
Enfin, cette mesure n'apportera aucune amélioration à la très grande majorité des bénéficiaires du fonds national de solidarité puisque la somme rajoutée à la retraite de base sera retranchée du fonds.
Tous les gouvernements successifs de ces dernières années et deux Présidents de la République avaient fait des promesses aux retraités. Vous-même, monsieur le ministre, aviez indiqué dans La lettre de la Nation du 1er mars 1996 : « Le rattrapage des retraites agricoles se fera entre 1996 et 1998. » Peut-être me direz-vous que l'on n'est pas encore en 1998. Mais je prends date !
De plus, pendant la campagne électorale de 1993, une centaine de députés du RPR avaient même déposé un amendement dans ce sens. Alors, il faut tenir les promesses !
Aucune retraite agricole inférieure à 75 % du SMIC, voilà ce que, légitimement, les retraités réclament. Pour des paysans qui ont fait l'agriculture d'aujourd'hui - et beaucoup d'entre eux ont travaillé dès l'âge de treize ans, sans jamais prendre de vacances -, j'estime que ces 75 %, ils ne les ont pas volés !
Allez-vous enfin écouter ces 2 500 000 retraités agricoles qui ne peuvent plus vivre ? Ils doivent pouvoir vivre selon le mode de vie qui sied en cette fin de XXe siècle. Le séjour en maison de retraite coûte en moyenne 8 000 francs par mois à qui peut y prétendre. Faites la comparaison avec ce que touche un retraité !
Surtout ne m'objectez pas qu'il n'y a pas d'argent ! Je peux vous indiquer où en trouver : 45 milliards de francs de profits ont été dégagés dans la filière agro-alimentaire en 1994 ; 400 milliards de francs de profits ont été, au total, réalisés par les géants de la distribution, les grosses entreprises d'engrais et de tracteurs.
Voilà, où vous pouvez trouver l'argent !
Je suggère à la mission - encore une ! - que vous avez désignée pour étudier ce problème des retraites de s'intéresser à cette source de financement.
L'an dernier, j'avais déposé un amendement visant à fixer un minimum de 75 % du SMIC brut. On m'a répondu par des arguties. Je le déposerai à nouveau lorsque nous examinerons le projet de budget de l'agriculture, car l'urgence d'une telle mesure se fait sentir encore plus aujourd'hui. Notre pays s'honorerait d'appliquer la solidarité nationale à nos personnes âgées.
Monsieur le ministre, je me suis tenu à cette seule question des retraites parce qu'elle résume, à elle seule, tout ce qui ne va pas dans le BAPSA et la protection sociale agricole. Tout cela explique pourquoi nous ne pouvons pas voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, vous avez été appelé à opérer des choix difficiles. Ce budget devait concilier la satisfaction des attentes légitimes des agriculteurs et le respect des contraintes.
Vous avez su préserver l'essentiel, et j'approuve les orientations qui ont été retenues dans ce projet de budget pour 1997 : installation des jeunes, enseignement et formation, politique sociale.
Permettez-moi néanmoins d'insister sur quelques points.
L'augmentation de 2,3 % des crédits de l'enseignement agricole et de la formation professionnelle traduit incontestablement la priorité accordée au secteur éducatif, et je m'en réjouis. Mais permettra-t-elle de faire face à la progression importante des effectifs d'élèves, qui est en moyenne de 5 % par an depuis cinq ans, avec 169 000 inscrits dans l'enseignement technique en 1996 ?
Les établissements du centre national de l'enseignement privé sont contraints de refuser des élèves et ne peuvent, en conséquence, satisfaire la demande sociale des familles, notamment dans le secteur « production ».
Une autre inquiétude concerne l'application du protocole signé en 1995 entre le Gouvernement et la fédération d'établissements privés. Le projet d'étalement est-il synonyme de repli ?
En définitive, l'évolution contrastée des crédits de formation initiale et des crédits de formation continue - ces derniers étant en baisse, à l'exception de ceux qui concernent les actions de préparation à l'installation - ne peut manquer de nous laisser perplexes. Aujourd'hui, moins d'un quart des élèves de l'enseignement agricole sont issus du monde rural et 20 % seulement des jeunes ainsi formés se dirigent vers la production agricole.
Est-il de la vocation du ministère de l'agriculture de consacrer une part croissante de son budget à un enseignement de moins en moins agricole ? Il y a là un enjeu budgétaire majeur puisque près de 20 % de ses crédits et 50 % de son personnel sont consacrés à l'enseignement.
L'enseignement agricole ne peut prendre en charge l'ensemble des besoins de scolarisation du milieu rural sans risquer de remettre en cause sa qualité, ses spécificités et son caractère professionnel.
La recherche des moyens d'une croissance raisonnée des effectifs est donc un impératif et la place de l'enseignement agricole vis-à-vis de l'agriculture et de l'enseignement en général devra faire l'objet d'un débat de fond dans le processus d'élaboration de la loi d'orientation à venir.
S'agissant de la politique sociale. Ce projet de budget traduit la volonté de solidarité exprimée lors de la dernière conférence annuelle agricole. Les veuves connaîtront une revalorisation des pensions de réversion. Les retraités les plus modestes verront un relèvement de leur pension. Enfin, les éleveurs bovins auront la possibilité d'un report sur 1999 de la moitié de leurs cotisations dues pour 1996.
Je salue cet effort réel, mais n'est-il pas encore modeste au regard de nos devoirs envers des Français qui ont fait de notre pays la deuxième puissance exportatrice mondiale sur le plan agricole et agro-alimentaire ?
M. Fernand Tardy. Très bien !
M. Bernard Joly. La retraite, dans le monde agricole, c'est le repos après des années de sacrifices, mais c'est aussi la pauvreté : 1 300 francs mensuels pour les épouses et 2 200 francs pour les chefs d'exploitation.
En outre, le système crée des distorsions importantes entre nouveaux et anciens retraités. Le niveau des pensions de ces derniers demeure bien faible, pour ne pas dire indécent. Ces hommes et ces femmes ont travaillé durement tout au long de leur vie, tout en supportant la charge des anciens et en élevant des enfants qui cotisent ailleurs. C'est un problème de solidarité nationale et d'équité.
La mutualité sociale agricole s'interroge sur les conséquences d'un récent décret qui la prive de la gestion des COREVA. La question est simple, monsieur le ministre : les agriculteurs qui ont souscrit un contrat COREVA verront-ils leurs droits garantis et bénéficieront-ils à nouveau d'un système de retraite complémentaire, au même titre que toutes les autres catégories professionnelles ?
Je mesure les difficultés des finances publiques et le poids des retards accumulés. A l'évidence, on ne pourra résoudre ce problème en un seul exercice budgétaire. Mais, à trop tarder, nous désespérons ces hommes et ces femmes.
A l'inverse, certains secteurs ont subi la rigueur. Le « tour de vis » opéré sur les crédits des offices agricoles, conséquence de l'étalement des contrats de plan Etat-région, ne risque-t-il pas de remettre en cause leur capacité d'agir en vue de la nécessaire adaptation des filières agricoles et agro-alimentaires au contexte international de plus en plus ouvert et concurrentiel ?
Ainsi, en Franche-Comté, avait été programmée une montée en puissance des mesures d'amélioration des conditions d'hygiène sur les exploitations laitières pour répondre aux enjeux de la maîtrise sanitaire des productions, en application d'une directive européenne. Que va-t-il advenir de ces actions et des personnels techniques de terrain ?
De même, je m'étonne de l'abandon des aides à la modernisation des exploitations. A l'heure de l'ouverture des marchés mondiaux, ne doit-on pas, justement, favoriser la modernisation et le travail en commun, afin de placer les exploitations agricoles dans des conditions de compétitivité ?
Je m'associe également aux remarques que formulera mon excellent collègue Raymond Soucaret sur les mesures agri-environnementales et le programme de mise aux normes de bâtiment d'élevage, notamment.
Je conclurai en rappelant que le débat budgétaire nous conduit à nous poser la question aiguë de la place et de l'avenir de l'agriculture française.
Les enjeux que constituent l'élargissement européen, la négociation commerciale internationale, les crises sectorielles, les exigences nouvelles du consommateur, la préservation de l'environnement doivent appeler l'audace d'un vrai projet qui définisse nos choix et nos stratégies pour cette « agriculture citoyenne, innovante et durable » que souhaitent nos agriculteurs.
Ce sera là, je l'espère, l'ambition de cette loi d'orientation dont nous aurons à débattre au printemps. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Bourdin, rapporteur spécial, et M. Seillier, rapporteur pour avis, pour la qualité des rapports qu'ils vous ont présentés. Exhaustifs mais brefs, ces rapports forcent l'admiration. La précision des renseignements qui vous ont été fournis par ailleurs me conduit à essayer de répondre aux importantes questions que vous venez de soulever plutôt qu'à vous exposer dans le détail ce projet de BAPSA pour 1997, qu'à l'évidence vous avez fort bien étudié.
Vous avez tout d'abord évoqué le contexte général de la réforme de la sécurité sociale.
Il est vrai que des réformes majeures de notre sécurité sociale ont été engagées depuis un an. Elles ont pour véritable objectif de préserver notre système de protection sociale.
A cet effet, de nouveaux outils sont mis en place pour maîtriser l'évolution des dépenses d'assurance maladie et, surtout, « dépenser mieux ».
Des modifications sont apportées au financement des régimes sociaux, afin de répartir plus équitablement les charges entre les différentes catégories de revenus. Ces évolutions s'inscrivent dans la perspective du futur régime universel d'assurance maladie.
Avec l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement se prononce désormais sur ces sujets essentiels pour notre société. Je m'efforcerai, à cet égard, de répondre à vos interrogations sur les conséquences de ces lois de financement sur l'existence même du BAPSA et, plus généralement, sur les incidences de ces grandes réformes sur l'avenir de la protection sociale agricole.
Tel est donc le contexte dans lequel nous devons replacer ce projet de BAPSA pour 1997.
Je souhaite vous rappeler, en premier lieu, les avancées qui ont été réalisées dans certains domaines où elles étaient particulièrement nécessaires.
Vous avez, les uns et les autres, souligné la nécessité de poursuivre l'effort de solidarité nationale à l'égard des anciennes agricultrices et des anciens agriculteurs.
Ce projet de BAPSA prend cette nécessité en compte, puisque nous appliquons la troisième et dernière étape des dispositions prévues par la loi de modernisation de l'agriculture pour améliorer la situation des veuves. L'achèvement de cette réforme - il faut le rappeler, car ce n'est pas dit suffisamment - représente, pour 1997, un coût supplémentaire net de 630 millions de francs.
Dorénavant, le cumul d'une retraite personnelle et d'une pension de réversion sera possible dans le régime agricole comme dans le régime général.
Les 350 000 conjoints survivants qui étaient titulaires d'une pension de réversion lors de l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'agriculture bénéficieront, en 1997, d'une nouvelle majoration de 2 000 francs ; leur pension annuelle aura ainsi augmenté de 6 000 francs depuis la fin de 1994.
Par ailleurs, le BAPSA intègre pour 1997 les nouvelles améliorations des petites retraites prévues lors de la conférence annuelle agricole de février dernier. Avec l'article 84 du projet de loi de finances et sa traduction financière dans le projet de BAPSA, le Gouvernement vous propose de nouvelles mesures pour améliorer les retraites. Celles-ci bénéficieront à ceux qui perçoivent les plus petites pensions, c'est-à-dire à un retraité sur quatre.
Dorénavant, les chefs d'exploitation qui partiront à la retraite seront assurés de bénéficier, après une carrière complète, d'un montant minimal de pension qui sera, en 1999, de l'ordre de 37 000 francs par an, contre 29 000 francs aujourd'hui, sur la base des valeurs actuelles des composantes des retraites, soit un montant comparable au « minimum contributif » des salariés retraités.
Les anciens chefs d'exploitation qui sont déjà à la retraite verront le montant minimal de leur pension relevé progressivement et porté, pour une pleine carrière, d'ici à trois ans, à 32 000 francs, toujours sur la base des valeurs actuelles des éléments des retraites. Ce relèvement des pensions, de l'ordre de 10 %, concernera, dès 1997, 220 000 anciens chefs d'exploitation.
Enfin, les autres retraités agricoles - les conjoints ayant participé aux travaux de l'exploitation, les aides familiaux... - s'ils ont accompli une carrière complète ou quasi complète en agriculture, bénéficieront d'une majoration de leur retraite forfaitaire de 1 000 francs en 1997 et de 500 francs en 1998 pour une carrière pleine. Cette mesure intéressera plus de 300 000 retraités.
Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, la revalorisation des retraites ne peut être que progressive et doit concerner en priorité les titulaires des pensions les plus modestes.
Certes, beaucoup reste à faire, mais sachons aussi mesurer l'ampleur de l'effort qui a été accompli en peu de temps sur ce sujet combien important et difficile.
Indépendamment des revalorisations annuelles applicables à l'ensemble des retraites, les mesures spécifiques prises depuis 1994 pour les retraités agricoles - la prise en compte des périodes d'aide familial, la réforme des règles de réversion, les nouvelles améliorations prévues dans ce projet de loi de finances - représentent, dans le projet de BAPSA pour 1997, des dépenses supplémentaires de 3,1 milliards de francs. Si l'on déduit les moindres dépenses sur le fonds de solidarité vieillesse - comme on doit le faire si l'on veut être tout à fait honnête - cela représente un coût supplémentaire de 2,2 milliards de francs. Ce n'est pas rien !
Il faut avoir la juste mesure des sommes. J'entends des y a qu'à..., des faut qu'on... Or, dans ce projet de BAPSA, avec l'application des mesures prises depuis trois ans et les nouvelles mesures arrêtées, les retraités bénéficient de 2,2 milliards de francs supplémentaires de pouvoir d'achat ! J'y insiste, parce que j'ai l'impression, à ma grande surprise, que cela n'est pas connu de tout le monde.
Et ces dispositions n'ont entraîné aucune augmentation de la charge globale des cotisations acquittées par les exploitants agricoles. Si nous leur avions fait supporter cet effort supplémentaire, qui est entièrement pris en charge par la solidarité nationale, cela se serait traduit pour eux par cinq points supplémentaires de cotisation vieillesse.
Il faut quand même reconnaître l'effort qui a été consenti !
Pour autant, j'en conviens, de nouveaux progrès devront être accomplis. Tel est le sens de la mission que le Premier ministre vient de confier à un parlementaire de la Dordogne, M. Daniel Garrigue : il lui demande de dresser le bilan des mesures récentes et d'examiner celles qui pourraient être envisagées pour l'avenir. La question des retraites sera abordée à cette occasion. Il conviendra d'intégrer les conclusions du rapport de cette mission dans le projet de loi d'orientation agricole qui est en préparation et qui sera soumis à votre examen au printemps prochain.
Dans le domaine des retraites, M. Seillier, rapporteur pour avis, et M. Joly m'ont interrogé sur les conséquences de l'arrêt que le Conseil d'Etat vient de rendre au sujet du régime complémentaire de retraite facultatif géré par la mutualité sociale agricole, les contrats COREVA.
Cet arrêt annule, pour une large part de ses dispositions, le décret instituant le monopole de la MSA pour la commercialisation des contrats COREVA - il s'agit de la couverture complémentaire d'assurance vieillesse agricole - qui est jugé contraire aux dispositions du traité de Rome.
Cet arrêt crée une situation complexe que nous devrons clarifier sans tarder. A cet effet, des dispositions législatives vous seront proposées dès que possible pour nous mettre en conformité avec la décision du Conseil d'Etat.
Deux principes devront nous guider, me semble-t-il : d'abord, ouvrir le dispositif à une pluralité d'assureurs pour la gestion de la retraite complémentaire des agriculteurs ; c'est la conséquence logique de l'arrêt rendu ; ensuite, préserver les caractéristiques fiscales et sociales du dispositif prévu par la loi du 30 décembre 1988.
Mais nous devons aussi lever les incertitudes résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat sur les contrats souscrits précédemment.
Les droits qui ont été acquis par les 110 000 agriculteurs qui ont souscrit des contrats COREVA doivent être intégralement honorés. Aussi, les dispositions qui vous seront proposées, mesdames, messieurs les sénateurs, devront permettre de préserver ces droits et, naturellement, de continuer à servir les prestations à ceux d'entre eux qui sont déjà titulaires d'une retraite.
En ce qui concerne la situation des retraités, anciens salariés ou exploitants, plusieurs intervenants ont souligné l'importance des services de l'action sociale, notamment celui des aides ménagères.
S'agissant de la dépendance des personnes âgées, la proposition de loi que le Sénat a élaborée et adoptée, et que l'Assemblée nationale vient à son tour de voter, permettra de réaliser, dès le début de 1997, une avancée concrète sur ce sujet très complexe.
Pour autant, cela ne doit pas conduire les régimes sociaux, et notamment la Mutualité sociale agricole, à relâcher leur effort en matière d'action sociale. Ces besoins, vous l'avez dit, sont, en la matière, très importants et très divers.
A cet égard, le fonds additionnel d'action sociale qui intervient pour abonder les moyens des caisses de mutualité sociale agricole, et qui s'élevait à environ 40 millions de francs il y a cinq ans, a pu être porté de 121 millions de francs en 1994 à 156 millions de francs en 1995 et à 220 millions de francs en 1996, bénéficiant ainsi d'une multiplication par cinq en cinq ans.
Cette progression est, vous m'en donnerez acte, très significative. Pour l'avenir, cette question des moyens devra être traitée dans la future convention d'objectifs et de gestion que nous conclurons dans les prochaines semaines avec la Mutualité sociale agricole.
Faute de temps, je ne reviendrai ni sur les dépenses d'assurance maladie ni sur la question des crédits inscrits dans ce projet de BAPSA pour les étalements et les prises en charge partielles de cotisations pour les agricultures en difficulté, sujet qui a été évoqué notamment par M. Moreigne : ces crédits s'élèvent à 110 millions de francs en 1997, au lieu de 170 millions de francs cette année.
Certains intervenants se sont inquiétés de cette diminution compte tenu du contexte actuel de l'agriculture. Je leur apporterai une double réponse.
Tout d'abord, ces crédits étaient initialement prévus pour accompagner la réforme des cotisations sociales en atténuant les transferts de charges pendant la période de transition, qui est maintenant terminée.
Ensuite, les difficultés sectorielles majeures, comme la crise de l'élevage ou celle des fruits et légumes, nécessitent des mesures de compensation spécifique d'une tout autre ampleur, que je m'attache à obtenir à l'échelon national comme à l'échelon communautaire à chaque fois que cela est nécessaire.
En réponse à la question posée par M. Minetti sur les difficultés du secteur des fruits et légumes, je soulignerai qu'il a été tenu compte de ces difficultés notamment dans la répartition des crédits inscrits au BAPSA pour les prises en charge et les échéanciers de cotisations sociales.
Ainsi, il a déjà été attribué au département des Bouches-du-Rhône, que vous connaissez bien, monsieur Minetti, une enveloppe de 500 000 francs au titre des échelonnements et de 3,5 millions de francs au titre des prises en charges partielles de cotisations sociales par l'Etat.
En outre, dans le cadre des mesures complémentaires prises en faveur de certaines productions fruitières et légumières, des enveloppes supplémentaires sont en cours de délégation aux départements où ces productions sont concentrées. Par exemple, le département des Bouches-du-Rhône recevra une enveloppe supplémentaire de 2 millions de francs. Il aura donc, au total, bénéficié non pas de 4 millions de francs, mais de 6 millions de francs.
J'en viens maintenant au financement de ce projet de BAPSA et, tout d'abord, aux contributions des agriculteurs.
Les cotisations sociales des exploitants sont, depuis cette année, intégralement calculées sur les revenus professionnels.
Ces cotisations devraient progresser d'un peu plus de 4 % par rapport à celles qui sont attendues en 1996 en raison de l'évolution du revenu agricole au cours des deux dernières années.
Toutefois, comme l'a relevé M. Moreigne, les taxes BAPSA qui étaient perçues sur certaines productions agricoles et qui s'élevaient à 1,5 milliard de francs au début de la réforme sont complètement supprimées.
M. Bourdin, rapporteur spécial, m'a demandé quelles seraient les incidences sur les recettes de cotisations de 1998 des articles du projet de loi de finances concernant la fiscalité agricole, notamment de l'article 72, qui modifie la déduction pour investissement.
Les conséquences de cette mesure dépendront, bien évidemment, du niveau des revenus agricoles de 1997. Cela étant, la majoration de la DPI jouera à plein, en 1998, pour les exploitants ayant choisi l'option pour l'année n et elle jouera, au contraire, d'une manière progressive sur trois ans pour les exploitants qui auront préféré la moyenne triennale. Je ne peux donc que vous donner une première approximation. On peut considérer que l'effet sur les cotisations pourrait être, en 1998, du même ordre de grandeur que celui sur l'impôt, qui a été estimé, dans le projet de loi de finances, à 130 millions de francs environ pour l'année 1998. Cela donne la mesure de l'effort qui a été fait et de l'intérêt de cette réforme.
MM. les rapporteurs et d'autres orateurs ont évoqué les observations formulées dans le récent rapport de la Cour des comptes sur l'effort contributif des agriculteurs au financement de leur protection sociale et sur l'écart qu'il présente par rapport à celui des salariés.
Cette situation tient principalement, comme la Cour des comptes le signale, aux insuffisances dans l'évaluation des forfaits agricoles. Ce point a d'ailleurs été relevé à plusieurs reprises ici même.
A cet égard, je remarque que l'imposition « au réel » concerne une part croissante du revenu agricole. Dans le même temps, les aides publiques, communautaires ou nationales, sont progressivement prises en compte d'une manière plus équitable pour déterminer les forfaits.
En outre, conformément aux décisions de la dernière conférence annuelle agricole, l'article 74 du projet de loi de finances pour 1997 permettra d'éviter que, à l'avenir, le seuil de 500 000 francs pour le passage au réel puisse être tourné par des montages artificiels sur lesquels vous comprendrez que je ne m'étende pas ici.
Vous avez par ailleurs remarqué qu'en ne prenant pas en compte la CSG le BAPSA fait apparaître d'une manière incomplète - et qui le sera de plus en plus à l'avenir - les contributions des agriculteurs au financement de la protection sociale. Je tiens à vous indiquer que cela n'affecte pas les comparaisons concernant l'effort contributif des différentes catégories sociales. Néanmoins, il existe un problème de présentation, auquel nous devrons être plus attentifs pour l'avenir. Je rechercherai, en liaison avec mes collègues concernés, une présentation qui mette en évidence l'ensemble des contributions des agriculteurs à leur protection sociale.
Par ailleurs, en réponse à M. Bourdin, je vous précise que les droits supplémentaires sur les alcools prévus par la loi de financement de la sécurité sociale n'auront pas d'incidence directe sur les recettes du BAPSA de 1997, dans la mesure où l'équilibre de celui-ci est assuré par la subvention budgétaire de l'Etat.
J'en viens, pour conclure, aux financements provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale.
Ils représenteront au total plus de 82 % des recettes du BAPSA. Je ne reprendrai pas les chiffres dans le détail, mais je répondrai, autant qu'il m'est possible de le faire aujourd'hui, aux importantes questions que vous avez soulevées concernant, d'une part, les incidences des lois de financement de la sécurité sociale sur le BAPSA et, d'autre part, l'avenir du régime agricole en relation avec le projet d'assurance maladie universelle.
Le projet de BAPSA doit évidemment être établi en cohérence avec les objectifs et les hypothèses retenus dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Cependant, il me semble important aussi que le Parlement puisse continuer d'examiner d'une manière approfondie les dépenses de prestations sociales agricoles et leur financement, en raison de l'importance des concours publics dans ce financement et de l'existence d'une subvention d'équilibre versée par le budget de l'Etat.
Il me paraît en tout cas quelque peu prématuré d'envisager dès aujourd'hui la remise en cause du BAPSA.
Il faut donc examiner précisément cette question qui est indépendante de celle du régime social agricole ou encore de l'organisation des caisses de MSA. Il faut prendre le temps de bien procéder à cet examen en considérant l'intérêt de l'ensemble de la population agricole, active et retraitée.
S'agissant des recommandations que la Cour des comptes formule par ailleurs sur la gestion de la trésorerie, les frais de gestion et les activités de diversification des caisses de Mutualité sociale agricole, je précise, en réponse à la question de M. Bourdin, qu'il en sera tenu compte dans la préparation de la convention d'objectifs et de gestion que j'ai évoquée tout à l'heure.
Cela étant, je tiens à dire à M. Louis Mercier que je partage son sentiment sur les caisses de Mutualité sociale agricole et sur la qualité du service qu'elles rendent notamment en faisant bénéficier leurs ressortissants d'un guichet unique pour les diverses catégories de prestations, les cotisations et l'action sociale.
En ce qui concerne la création de la future assurance maladie universelle, des travaux préparatoires sont actuellement menés sous l'égide de deux hautes personnalités du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes.
Ces travaux serviront de base à la concertation qui aura lieu avec les partenaires sociaux et les responsables des différents régimes sociaux.
Lorsque le Parlement aura, au début de l'année prochaine, à examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie universelle, vous disposerez donc non seulement d'un dossier technique approfondi, mais aussi des points de vue de l'ensemble des partenaires concernés par cette grande réforme.
Nous pourrons alors apprécier les conséquences prévisibles de la mise en place du régime universel d'assurance maladie sur l'ensemble des régimes existants, et notamment sur le régime agricole.
Si, compte tenu du temps qui m'était imparti et que j'ai dépassé, je n'ai pas répondu à toutes les questions, je le ferai par écrit, en priant les sénateurs concernés de me pardonner de procéder ainsi.
Cependant, je voudrais répondre à M. Louis Mercier sur le fonds commun des accidents du travail en agriculture, le FCATA.
Je partage tout à fait le sentiment de M. Mercier quant à la nécessité de remettre à plat ce dispositif. Il faut évidemment continuer à servir les revalorisations de rente dues aux bénéficiaires actuels, mais il convient, pour l'avenir, de réexaminer le mécanisme du fonds. Cela paraît d'autant plus justifié que les mutuelles et autres organismes d'assurance proposent de plus en plus aux exploitants d'autres contrats complémentaires pour couvrir le risque accident.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Je vous demande, bien sûr, d'adopter le projet de BAPSA pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 91 608 452 587 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40, au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : moins 232 452 587 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 41, au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Agriculture, pêche et alimentation

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget soumis à notre examen présente trois caractéristiques principales.
D'abord, il contient la traduction des engagements pris lors de la dernière conférence annuelle agricole, qu'il s'agisse de l'amélioration du niveau des retraites agricoles ou du perfectionnement du mécanisme de la déduction pour investissement.
Ensuite, il témoigne de l'importance constante attachée à ce secteur d'activité, puisque l'ensemble des concours publics à l'agriculture devrait être de l'ordre de 170 milliards de francs en 1997.
Enfin, il fournit l'occasion au Parlement de saisir directement le Gouvernement des dossiers de fond qu'il souhaite voir traiter dans le prochain projet de loi d'orientation agricole, qui, si mes informations sont exactes, pourrait être déposé dès le premier semestre de 1998.
C'est dans cette perspective que la commission des finances m'a chargé de faire le présent rapport, mes chers collègues. En effet, le débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture, organisé au Sénat le 6 novembre dernier, nous a permis de dresser le bilan des mesures prises par le ministre tant dans la gestion des marchés que dans la mise en oeuvre des réformes de structures, décidées notamment dans le cadre de la loi de modernisation agricole.
S'agissant, en premier lieu, de l'installation des jeunes, la commission des finances se félicite qu'une priorité absolue ait été consacrée aux crédits correspondants. Afin de rendre ces crédits les plus efficaces possible, elle souhaiterait que le Gouvernement puisse être en mesure, lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, de présenter au Parlement : un document de synthèse regroupant et mesurant toutes les aides à l'installation des jeunes ; un premier bilan du fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales, le FIDIL, qui n'est opérationnel que depuis la fin du printemps de cette année ; une analyse des synergies entre les aides nationales et les aides locales à l'installation, notamment en ce qui concerne les efforts respectifs en faveur des installations aidées et non aidées ; enfin, un bilan d'application de la charte d'installation des jeunes, du 6 novembre 1995.
Il n'est en effet de secret pour personne que l'avenir de notre agriculture est entre les mains des jeunes qui s'installent aujourd'hui. Rien ne doit être négligé pour leur permettre d'assurer la relève de leurs aînés.
Sans entrer dans le détail de l'analyse, qui sera présentée par M. Vecten, la commission des finances m'a toutefois chargé d'exprimer sa préoccupation quant à l'avenir de l'enseignement agricole, qui est peut être, paradoxalement, victime de son succès. Si elle ne peut que prendre acte sans déplaisir de la maîtrise des dépenses d'enseignement, elle se doit toutefois de s'interroger sur sa durabilité.
Les effectifs de l'enseignement technique agricole ont augmenté de 28 % entre 1991 et 1996, soit de 5 % en moyenne. Sur la même période, les crédits ont cru de 6 % par an en moyenne. Les crédits pour 1997 s'établissent à 5 956 millions de francs, en augmentation de 2,6 % « seulement », ce qui traduit une maîtrise de la dépense obtenue essentiellement par un calibrage sur la base d'un accroissement de 2 % des effectifs. En conséquence, et sauf ajustements, certains établissements devront gérer une situation assez délicate.
Cette rupture de tendance est un signal fort : la loi d'orientation agricole devra, à l'évidence, refonder la politique à moyen terme de l'enseignement agricole, qu'il s'agisse de la détermination des filières, des contraintes de l'aménagement rural ou de l'affirmation de sa spécificité. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
La commission des finances est également, par tradition, soucieuse d'encourager la politique forestière de l'Etat, plus particulièrement en ce qui concerne le FFN, le Fonds forestier national. Les débats sur les articles de la première partie du présent projet de loi de finances ont clairement démontré son double souci de maintenir les ressources du fonds à un niveau élevé tout en abaissant le taux de la taxe sur les sciages. Il revient donc au Gouvernement de nous présenter des propositions dans le cadre du projet de loi d'orientation qui doit comprendre, vous l'avez déjà annoncé, monsieur le ministre, un important volet forestier.
L'augmentation de la dotation à l'ONF, l'Office national des forêts, et l'abaissement du taux de la TVA sur le bois de chauffage constituent déjà des encouragements certains à cette filière, mais la dégradation constante des ressources affectées au FFN doit être stoppée pour maintenir un niveau satisfaisant d'investissements.
Les dotations affectées au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, ont longuement retenu l'attention de la commission des finances. L'insuffisance des crédits avait déjà été signalée l'année dernière. Le ministre a d'ailleurs reconnu que, en exécution 1996, le défaut de crédits devrait s'établir à 150 millions de francs.
Cette somme devrait être en partie prélevée sur le FNDAE en étendant ses compétences à cet effet, mais uniquement à partir de 1997.
La profession estime, quant à elle, à 350 millions de francs l'insuffisance de ces crédits. Pour 1997, ceux-ci augmentent de 45 millions de francs, pour atteindre le niveau de 165 millions de francs en autorisations de programme.
D'une manière générale, le coût d'ensemble du programme semble avoir été sous-estimé, les délais de mise en oeuvre mal appréciés, les spécifications techniques retenues trop ambitieuses et la forte mobilisation des éleveurs en faveur de la protection de l'environnement insuffisamment prise en compte. La commission des finances estime qu'en cas d'insuffisance de crédits il faudra étaler le programme dans le temps et y adapter rapidement le système de pénalités correspondant.
M. Philippe de Bourgoing. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le défaut d'individualisation des crédits correspondants, qui avait été regretté l'année dernière par le Sénat, ne facilite pas l'analyse. Il demeure souhaitable de séparer en nomenclature les crédits PMPOA des dotations à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Mes chers collègues, le Sénat a voté la semaine dernière le principe d'une augmentation de 1 centime de la redevance FNDAE. Si ce vote est confirmé par l'Assemblée nationale, une faible partie du prélèvement de 150 millions de francs serait donc effacée. Il n'en demeure pas moins que des incertitudes subsistent sur le bon déroulement des plans départementaux pluriannuels d'adduction d'eau potable. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez les lever.
J'aborderai enfin un dernier dossier, celui du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Avant l'examen du budget de l'agriculture par l'Assemblée nationale, le fonds n'était pas doté de crédits pour 1997. Après cet examen, le chapitre 44.83 a été doté à hauteur de 100 millions de francs. Avec les reports de crédits de 1996, les sommes disponibles en exécution pour 1997 pourraient donc être largement supérieures à 100 millions de francs, et atteindre près de 250 millions de francs.
Le FGER n'est pas encore parvenu à sa « vitesse de croisière » et la mobilisation des départements a été très inégale. La commission des finances, tout en reconnaissant le caractère novateur et encore expérimental de ce fonds, maintient sa position constante qui est de douter de la pertinence de cet outil financier spécifique. Est-il vraiment nécessaire de créer une commission ad hoc et d'élaborer une programmation pluriannuelle pour gérer quelques millions de francs de crédits par département ?
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Peut-on mesurer toutes les « intersections » avec le FIDIL pour l'entretien de l'espace, la DDR pour les actions en faveur des espaces naturels, l'ancienne DGE deuxième part des départements pour les travaux d'équipement rural, la partie déconcentrée du FNADT qui a repris les missions des anciens FIAM et FIDAR, les actions spécifiques des diverses collectivités territoriales, les multiples dispositifs agri-environnementaux, les OGAF, voire les actions diverses en faveur du patrimoine rural non protégé ? Trop d'instances, trop de fonds s'occupent exactement de la même chose.
Si le FGER est encore expérimental et si des doutes subsistent sur sa pertinence, force est de reconnaître que des variations erratiques de dotations budgétaires ne risquent pas de lui permettre de faire ses preuves dans les meilleurs délais. L'année 1997 devrait être une année test à cet égard.
Le budget pour 1997 du ministère de l'agriculture appelle des développements complémentaires sur la gestion de la crise de la filière bovine, sur les mesures agri-environnementales et sur les aides aux industries agroalimentaires : je pense plus particulièrement à la POA, la prime d'orientation agricole.
Conformément aux dispositions prévues dans le cadre de la rénovation de la discussion budgétaire, ces sujets seront traités par les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Au total, la commission des finances a porté un jugement très favorable sur le projet de budget qui lui était soumis. C'est un budget courageux qui respecte les contraintes de maîtrise de la dépense publique, un budget dynamique qui favorise l'installation des jeunes, l'enseignement et la politique de la qualité. C'est, enfin, un budget de solidarité qui relève les pensions agricoles les plus modestes. Il s'inscrit dans une politique plus générale de promotion d'une agriculture moderne, compétitive et soucieuse de l'environnement, dont les objectifs seront affirmés et précisés au printemps prochain.
La commission des finances vous demande donc, mes chers collègues, de voter ce budget tel qu'il a été amélioré par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pluchet, rapporteur pour avis.
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits du ministère de l'agriculture par la commission des affaires économiques est l'occasion chaque année de présenter la situation de ce secteur. Au demeurant, je n'aurai que peu de choses à ajouter après l'excellent rapport de notre collègue M. Bourdin.
On peut tout d'abord, monsieur le ministre, se féliciter d'une augmentation du revenu agricole, en 1995, de plus de 10 %, et ce pour la deuxième année consécutive. Cependant, des nuances doivent être apportées, selon les secteurs d'activité : les filières particulièrement en difficulté sont celles des fruits et légumes et de la viande bovine. En outre, il est regrettable que le nombre d'exploitations agricoles continue à baisser. Le chiffre de 500 000 exploitations au début de l'an 2000 cédera-t-il peu à peu la place à celui de 200 000 au fil du temps ?
Si l'année 1996 a été marquée par le séisme de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'EBS, que vous avez, monsieur le ministre, négociée avec courage et intelligence, elle a été aussi celle de la poursuite de la mise en oeuvre de la loi de modernisation.
Je note avec satisfaction, monsieur le ministre, que le Gouvernement a tenu les engagements pris lors de la conférence agricole et qu'il a mené à bien la réforme de l'ordonnance de 1986.
Sur le plan international et communautaire, si le bilan de la PAC est aujourd'hui globalement positif, doit-on, au vu des récentes déclarations du groupe de Cairns, en conclure que le processus de révision de l'organisation mondiale du commerce en matière agricole est enclenché ? Ce serait une grave erreur que de vouloir devancer les échéances.
Par ailleurs, monsieur le ministre, qu'en est-il de la position du Gouvernement français sur l'interdiction des hormones et sur le dossier des produits génétiquement modifiés ?
M. Charles Revet. Bonne question !
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis. Il est important que l'Europe prenne en compte à la fois les nécessaires impératifs économiques et, surtout, l'exigence de qualité toujours plus grande chez les consommateurs.
Concernant les crédits consacrés au ministère de l'agriculture, qui s'élèvent, pour 1997, hors budget annexe des prestations sociales agricoles, à 27 370 millions de francs, soit une baisse de 3,88 %, la commission, bien que comprenant parfaitement la nécessaire rigueur budgétaire, regrette certaines économies.
Comment peut-on, en effet, négliger les programmes agri-environnementaux, notamment en zone de montagne, alors que ces régions, plus que d'autres, ont besoin d'une aide financière ?
Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole est-il voué à devenir l'Arlésienne de la politique agricole ? Que peut-on faire, monsieur le ministre, avec un peu plus d'une centaine de millions de francs, lorsque les besoins se chiffrent en milliards ?
A ce propos, je considère, mes chers collègues, que, à la lecture de récentes publications scientifiques, il serait opportun de poursuivre les recherches sur les effets réels des nitrates sur la santé humaine.
Enfin, la commission des affaires économiques s'interroge sur les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, ce qui se passe avec le fonds de gestion de l'espace rural est regrettable. Les faibles moyens affectés à l'aménagement rural doivent être mis en parallèle avec les sommes considérables consacrées par l'Etat au désendettement d'établissements bancaires tels que le Crédit Lyonnais : une revalorisation à hauteur d'environ 1 milliard de francs des crédits d'aménagement du territoire pourrait avoir un effet démultiplicateur considérable sur le développement rural, alors que l'impact de la diminution à due concurrence des sommes versées au consortium de réalisation serait négligeable.
Si l'année 1996 a été riche en événements, les prochains mois s'annoncent particulièrement intenses sur le plan législatif. La commission des affaires économiques examinera très prochainement votre projet de loi sur l'équarrissage. Nous espérons tous qu'il permettra de définir un cadre d'action viable pour cette activité trop méconnue du public et qui, pourtant, remplit une mission essentielle de salubrité publique.
Outre ce texte, monsieur le ministre, nous attendons avec impatience trois projets de loi importants : le premier porte sur l'hygiène et la qualité alimentaire, afin de doter la France d'un véritable arsenal législatif pour promouvoir et préserver la qualité de nos produits végétaux et animaux - vous avez récemment publié dans un grand journal des informations intéressantes sur ce sujet - tandis que le deuxième est relatif à l'espace rural, pour redonner un nouveau souffle à notre monde rural, qui en a tant besoin, et que le troisième et dernier - mais non des moindres - est le projet de loi d'orientation agricole.
Monsieur le ministre, nous attendons un texte ambitieux, porteur de mesures concrètes en faveur de notre agriculture, qui devra, à nouveau, dans les années futures, affronter des bouleversements importants.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre détermination pour mener à bien cette politique agricole ambitieuse à laquelle vous nous avez habitués.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au titre du ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan, rapporteur pour avis.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis que consacre la commission des affaires économiques et du Plan, pour la deuxième année consécutive, aux crédits de la pêche maritime et des cultures marines est l'occasion, d'une part, d'examiner l'evironnement du secteur de la pêche maritime et des cultures marines et, d'autre part, d'examiner l'évolution des crédits qui y sont consacrés.
Sur le premier point, cet avis intervient dans un contexte particulier, tant sur le plan national que sur le plan communautaire.
Ainsi, sur le plan national, bien que le nombre de navires et de pêcheurs poursuive son mouvement de baisse amorcé au début des années quatre-vingt-dix, on peut constater une certaine relance de la production. Cette reprise paraît toutefois fragile, la crise du marché ayant accru la pression sur les stocks pêchés et exacerbé le poids des contraintes inhérentes à l'exploitation des ressources.
Selon les prévisions disponibles pour 1996, le suivi journalier des ventes en criées montre un redressement des différents indicateurs. Une comparaison sur les neuf premiers mois des années 1996 et 1995 indique une augmentation de 3,5 % des apports et de 5,65 % du chiffre d'affaires, avec des prix moyens en légère hausse.
Par ailleurs, le déficit commercial enregistré en 1995 - 10,7 milliards de francs - est l'un des plus mauvais chiffres enregistrés depuis 1990 et est dû en partie à une augmentation du flux d'importations.
Sur le plan communautaire, alors qu'à l'heure actuelle la France est en mesure de respecter les objectifs définis par le POP III - puisqu 'il ne manque que 20 000 kilowatts-heure pour atteindre le chiffre prévu au niveau communautaire - les ministres chargés de la pêche, lors du dernier Conseil en date du 14 octobre, ont fait front contre les propositions de la Commission européenne de réduction des flottes pour la période 1997-2002, renvoyant le problème à des entretiens bilatéraux entre chaque Etat et la Commission.
C'est dans un tel contexte que s'inscrit l'action des pouvoirs publics, caractérisée par la poursuite de la mise en place d'une politique ambitieuse dans le secteur de la pêche maritime et des cultures marines.
L'année 1996 a tout d'abord été celle de la poursuite du plan de restructuration financière de la pêche artisanale.
Sur 645 dossiers examinés par le comité interministériel de restructuration de la pêche artisanale, 642 ont reçu une proposition au 30 septembre 1996, 407 ont été retenus à la fin du mois de septembre 1996, 35 pêcheurs ayant refusé les propositions du comité. Ce sont donc 372 décisions qui sont mises en oeuvre, dont 124 en allongement de prêt, 98 en désendettement et 150 en apurement du passif.
L'exécution du plan suit son cours puisque 85 % des décisions d'allongement de prêt ont été notifiées aux patrons concernés, et 60 % des décisions de désendettement exécutées et payées pour un montant de 29 millions de francs. L'essentiel de la procédure sera achevé dans les trois premiers mois de 1997.
En outre, le projet de loi sur la pêche maritime et les cultures marines, adopté par votre Haute Assemblée à l'unanimité des suffrages exprimés, a pour ambition de préparer ce secteur à la prochaine décennie, en offrant aux hommes et aux entreprises un cadre juridique, économique et social rénové, pour accompagner une mutation engagée déjà depuis plus de trois ans.
Le Sénat a renforcé le dispositif, tout d'abord en développant les actions en faveur des jeunes marins pêcheurs, puis en accentuant son caractère prospectif et, enfin, en assurant l'équilibre entre la non-patrimonialisation des droits de pêche et les impératifs économiques de la profession.
S'agissant du budget proprement dit, on peut constater que le budget de la pêche maritime et des cultures marines est quasiment identique à celui de l'année précédente, qui avait augmenté de 30 %, témoignant du réel effort de l'Etat dans ce secteur.
Ainsi, les dotations pour 1997 sont maintenues au niveau de 1996, tant en dépenses ordinaires - 147 millions de francs, dont 125 millions de francs de subventions du FIOM et 22 millions de francs pour la restructuration des entreprises - qu'en crédits d'équipement - 40,2 millions de francs en autorisations de programme - ce qui permettra de poursuivre la modernisation de ce secteur.
La dotation du chapitre 44-36 permet de poursuivre l'adaptation de la filière pêche, d'une part, et la poursuite du plan de sortie de flotte permettant le réajustement de la flotte française par rapport au programme communautaire d'orientation pluriannuel de la flotte de pêche, d'autre part.
S'agissant du chapitre 64-36, priorité est donnée à la modernisation de la flottille, ainsi qu'à la mise aux normes sanitaires et à l'équipement des ports de pêche dans le cadre des contrats de plan Etat-région. La pérennité des actions les plus structurantes engagées par l'Etat pour le secteur est ainsi préservée, les priorités établies étant respectivement la réorganisation de la filière et de la flotte ainsi que les crédits de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER.
Puisque l'occasion m'en est donnée, permettez-moi, monsieur le ministre, de féliciter le Gouvernement, et en particulier vous-même, de la fermeté dont vous faites preuve dans la défense de nos intérêts à propos de Guernesey. Nous espérons que cette fermeté ne se démentira pas ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Revet. Il ne faut pas lâcher !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la pêche inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour 1997. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aménagement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'avis consacré à l'aménagement rural est l'occasion, par-delà l'examen des crédits, de porter une appréciation sur la politique conduite en la matière.
L'année 1996 peut être considérée comme une année de transition puisqu'elle a été consacrée à la mise en oeuvre des dispositions de trois lois importantes votées en 1995. Il s'agit de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, de la loi portant modernisation de l'agriculture et de la loi sur la protection de l'environnement.
Il est, à cet égard, significatif, monsieur le ministre, que l'aménagement et le développement de l'espace rural aient pu ainsi être considérés à la fois comme le plan rural d'une politique globale de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions environnementales.
Ce début de mise en oeuvre des principales dispositions de ces textes législatifs précède, nous l'espérons tous, monsieur le ministre, la présentation par le Gouvernement du projet de loi sur l'espace rural, prévu à l'article 61 de la loi du 2 février 1995, présentation qui pourrait avoir lieu durant l'année 1997, à l'instar de celle du schéma d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, vous pourrez certainement me confirmer, monsieur le ministre, qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire consacré au développement rural doit se tenir dans les prochains mois.
A l'examen du suivi des lois concernant l'aménagement rural, une constatation s'impose : l'aménagement rural ne paraît plus pouvoir, aujourd'hui, être considéré comme de la seule compétence du ministère qui en avait traditionnellement la responsabilité. Le caractère transversal de la politique d'aménagement rural conduit à penser qu'il s'agit de la politique spécifique conduite en faveur du monde rural, mais dans le cadre général de la politique d'aménagement du territoire.
Cette indécision sur le contenu, évolutif, de la notion d'aménagement rural s'accompagne d'une opacité corollaire dans la nature des crédits qui peuvent lui être attribués.
Si l'on retient les seuls crédits explicitement considérés comme d'aménagement rural dans le « bleu » budgétaire, les dotations représenteraient 46,2 millions de francs, soit une baisse d'environ 30 %.
L'absence de dotation pour le fonds de gestion de l'espace rural dans le projet de loi de finances pour 1997 ou sa faible dotation - 100 millions de francs - à l'issue du débat budgétaire à l'Assemblée nationale contribue à accentuer cette baisse, et ce d'une manière qui ne manque pas de nous inquiéter.
Par ailleurs, si le volume des crédits reportés pour 1997 sur cet article pourrait permettre - si vous me le confirmez, monsieur le ministre - de financer l'essentiel des actions à entreprendre, la commission des affaires économiques s'inquiète des pratiques administrtives consistant à tarder dans l'instruction des dossiers, ce qui conduit inexorablement à affirmer, en fin d'année budgétaire, que tous les crédits n'ont pas été utilisés.
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural les crédits gérés par les services en charge de ce volet de la politique au ministère de l'agriculture.
Il faut ajouter aux crédits budgétairement considérés comme des crédits d'aménagement rural les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique et ceux des grands aménagements régionaux. Ces crédits sont, eux aussi, en baisse.
Le bilan est identique si l'on prend en compte les crédits destinés à la compensation des handicaps ou de contraintes spécifiques.
Ce sont ainsi environ 2,5 milliards de francs que le budget de l'agriculture consacrera à la compensation de contraintes particulières, soit une baisse de 6 %, sous l'effet de la forte réduction des crédits aux mesures agri-environnementales.
Si l'on retient la nouvelle nomenclature des aides publiques, ce sont environ 7 milliards de francs qui seraient consacrés à l'aménagement rural, avec une participation communautaire de l'ordre de 40 %.
Une dernière approche des crédits consacrés par le ministère de l'agriculture à l'aménagement rural peut être tentée ; c'est celle qui est retenue dans le « jaune » budgétaire, état récapitulatif des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
Si l'on veut bien admettre que les crédits en provenance du ministère de l'agriculture recensés dans ce document budgétaire comme concourant à l'aménagement du territoire peuvent être considérés comme des crédits d'aménagement rural, il apparaît alors que l'aménagement rural mobiliserait plus de 11 milliards de francs sur le budget de l'agriculture, deuxième contributeur, en moyens de paiement, à la politique d'aménagement du territoire, après celui des transports terrestres.
La commission des affaires économiques ne peut que rappeler, sur ce point, son souhait de voir mieux distinguer, dans le « jaune » budgétaire, les crédits profitant au développement rural.
Dans ce contexte budgétaire très restrictif pour l'aménagement rural, les mois à venir seront importants en raison de la tenue d'un CIAT rural, du dépôt au Parlement du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, le SNADT, et de l'élaboration du projet de loi sur l'espace rural et du projet de loi d'orientation en matière agricole.
En premier lieu, le comité interministériel d'aménagement du territoire rural, qui doit se tenir dans les prochains mois, pourrait, à cette occasion, proposer de nouvelles mesures s'intégrant dans le plan de développement rural. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
L'examen par le Parlement, dans les prochains mois, du SNADT devrait constituer un temps fort en matière d'aménagement de l'espace rural.
Enfin, la future loi sur l'espace rural comme la loi d'orientation en matière agricole devraient contribuer à assurer aux habitants des zones de revitalisation rurale des conditions de vie équivalentes à celles qui ont cours sur les autres parties du territoire.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires économiques émet un avis favorable sur les crédits d'aménagement rural inscrits au budget de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Garcia, rapporteur pour avis.
M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'avis consacré par la commission des affaires économiques aux industries agroalimentaires est l'occasion à la fois d'examiner l'évolution des dotations budgétaires que l'Etat leur consacre, mais aussi de dresser le bilan de l'année écoulée pour ce secteur, qui est - faut-il le rappeler ? - le premier secteur industriel français.
Sur le premier point, la commission des affaires économiques a constaté que le projet de budget poursuit la tendance, tout en l'accentuant gravement cette année, au désengagement de l'Etat du financement direct du secteur agroalimentaire. En effet, les crédits d'investissement spécifiquement consacrés aux industries agroalimentaires, les crédits de politique industrielle, sont globalement sacrifiés. Les crédits de paiement passent de 192,8 millions de francs à 150 millions de francs et les autorisations de programmes, avec 135 millions de francs, baissent de 34,9 %.
Si la dotation de la part régionale de la prime d'orientation agricole, la POA, et celle des fonds régionaux d'aide aux investissements immatériels, les FRAI, baissent d'environ 34 %, la part nationale de la POA est réduite à la portion congrue : elle tomberait de 76,7 millions de francs à 24 millions de francs en autorisations de programme, mettant en péril l'obtention des crédits communautaires. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Les industries agroalimentaires apparaissent de nouveau comme le parent pauvre de l'effort budgétaire pour l'agriculture, et ce malgré les 20 millions de francs acquis, je le concède, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'évolution du secteur au cours de l'année écoulée, les résultats pour 1995 attestent d'un bilan très positif, la reprise de l'activité dans le secteur agroalimentaire s'étant confirmée. Après une nette accélération dans les années quatre-vingt, la production a stagné, en particulier en 1992, puis augmenté de plus en plus nettement. En 1995, la production a progressé de 1,8 % en volume, un rythme sensiblement supérieur à celui de 1994.
Cependant, dans le fil de l'évolution des années précédentes, la situation de l'emploi continue de se détériorer, même si c'est sur un rythme nettement moins accentué que dans le reste de l'industrie, nous dit-on !
L'événement le plus marquant pour l'année 1995 reste le net redressement de l'excédent agroalimentaire. En hausse de 6,4 milliards de francs par rapport à 1994, l'excédent du commerce extérieur agroalimentaire s'élève à 51,1 milliards de francs. En outre, si le poids des pays européens n'est pas contestable, il peut être relativisé, cette année, du fait d'une nette amélioration de notre excédent avec les pays tiers.
Cette reprise de l'excédent annuel semble se confirmer pour le premier semestre de 1996 : en effet, le commerce extérieur des produits des industries agroalimentaires conserve une évolution positive et se solde par un excédent de 22,6 milliards de francs.
Dans ce contexte, l'année 1996 paraît être une année charnière pour ce secteur, dont l'avenir sera largement conditionné par la réponse apportée face à quatre grands défis.
Le défi le plus important à relever est celui du développement de la politique de la qualité, la crise de l'ESB s'étant propagée comme une véritable onde de choc de la sécurité.
Il est difficile de mesurer l'impact de l'epizootie de la « vache folle » sur les habitudes alimentaires des Européens. Si la baisse de la consommation de boeuf a pu être constatée ces derniers mois, ce mouvement temporaire s'inscrit dans une tendance plus lourde, le goût pour la viande rouge ayant diminué pour des raisons culturelles. Cela dit, la crise de l'ESB va avoir des répercussions sur l'ensemble de la filière agroalimentaire.
Il est cependant important de réaffirmer, monsieur le ministre, que la France reste l'un des pays d'Europe où les contrôles publics sont les plus stricts.
Mais, surtout, des arbitrages délicats doivent être rendus, au sein même de la profession, entre les tenants d'une logique purement économique et ceux d'une politique de qualité étroitement liée à des préoccupations d'aménagement rural.
La réforme de l'ordonnance de 1986 sur les relations avec la grande distribution par la loi du 1er juillet 1996 a permis de rééquilibrer les relations entre production et distribution, dominées jusque là par la puissance d'achat de cette dernière. Cette nouvelle loi sur la concurrence a eu déjà un effet positif sur les prix abusivement bas, mais elle déplace la bataille sur le terrain de la qualité. Tel est le deuxième défi à relever.
Le troisième défi, c'est l'adaptation aux contraintes du GATT et aux nouvelles évolutions internationales, comme le Farm bill américain, et le dossier des organes génétiquement modifiés.
Pour « tirer tous les bénéfices du développement du marché mondial », l'Europe doit se doter d'urgence d'une « stratégie d'exportation volontariste » pour son industrie alimentaire « à l'instar des Etats-Unis, avec le nouveau Farm bill ».
Par ailleurs, Bruxelles a trop souvent « pris prétexte » de l'accord agricole de l'Uruguay round, qui s'est « traduit notamment par un contingentement des restitutions payées et des volumes de produits exportés avec restitution », pour mettre en place « une gestion très comptable et budgétaire » de ces restitutions et de la politique d'exportation.
Le quatrième et dernier défi pour le secteur des industries agroalimentaires consiste à intégrer au mieux les préoccupations environnementales dans leur stratégie d'entreprise.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires économiques a décidé, monsieur le ministre, pour vous signifier qu'elle attend de vous un geste supplémentaire pour la POA, de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour les crédits des industries agroalimentaires inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. En cinq minutes, monsieur le ministre, je n'aurai que le temps de vous poser quelques questions. Or j'en ai beaucoup à vous poser, car le projet de budget de l'enseignement agricole a suscité, au sein de notre commission, bien des interrogations.
Je ne m'étendrai pas sur les crédits, dont l'analyse figure dans mon rapport écrit et qui ont été d'ailleurs très bien rappelés tout à l'heure par notre rapporteur spécial, M. Bourdin.
Pour l'enseignement, nous constatons que les crédits augmentent de 2,26 % et les effectifs de 5,9 %. Cela pose avec une acuité nouvelle la question de la différence de traitement entre l'enseignement relevant de l'éducation nationale et l'enseignement agricole, dont vous avez la charge, mais qui fait, lui, aussi partie du service public de l'éducation.
Nous avons aussi relevé la baisse des crédits affectés à la formation et à l'animation en milieu rural, soit près de 11 %, en dépit de petites rallonges, de 400 000 francs, obtenues par l'Assemblée nationale.
Mais, au-delà des chiffres et du budget, ce qui nous inquiète surtout, monsieur le ministre, c'est le régime de quota que vous avez décidé d'imposer à l'enseignement agricole.
La méthode en elle-même est surprenante et inédite. Mais nous nous interrogeons aussi sur la justification et le réalisme de ce quota de 2 %.
D'abord, nous notons que l'augmentation des effectifs, qui semble tant vous inquiéter, a résulté uniquement, entre les rentrées 1985 et 1995, de l'allongement de la scolarité, et donc de l'élévation des niveaux de qualification.
Est-ce là, monsieur le ministre, une évolution qu'il faut combattre, et faut-il revenir au temps où 75 % des « sorties » de l'enseignement agricole se faisaient au niveau V ?
Mais, surtout, comment comptez-vous imposer le respect de ce quota ? Cette année, il s'est révélé intenable, en dépit de nombreux refus d'inscription, en raison des poursuites d'études et des poursuites de filières.
Et il nous paraît peu concevable d'instaurer une sélection à l'entrée en quatrième technologique ou d'interdire aux élèves de poursuivre leurs études.
Enfin, nous nous sommes beaucoup inquiétés, monsieur le ministre, de la distinction que vous avez semblé faire, lors de notre débat du mois dernier, entre l'« enseignement agricole » et l'« enseignement rural ».
Il y avait encore, en 1985, 1 057 000 exploitations. Il n'y en avait plus, en 1995, que 734 000. Etant agriculteur moi-même, je le constate avec tristesse. Mais il faut bien nous rendre à l'évidence : les activités de production et de transformation ne suffiront pas à repeupler et à revitaliser le milieu rural.
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Par ailleurs, la désertification est aussi un frein à la reprise des installations, que vous vous employez à relancer, ce dont nous nous félicitons.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, si le ministre de l'agriculture peut et compte vraiment se désintéresser de l'« enseignement rural », qu'il s'agisse des nouvelles formations orientées vers l'aménagement de l'espace rural et la protection de l'environnement, ou des services indispensables au maintien du tissu social.
Enfin, je voudrais souligner que nous souhaitons, comme vous, adapter le mieux possible les « nouvelles formations » à leurs débouchés. Mais nous préférons nous en remettre, pour cela, à l'observatoire des formations plutôt qu'au cadrage des effectifs.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous nous posons beaucoup de questions sur l'avenir de l'enseignement agricole. Nous sommes sensibles, aussi, à l'inquiétude manifestée par toutes les composantes de cet eneignement, qui, depuis plus de dix ans, n'ont pas ménagé leurs efforts pour sa réussite. Nous vous demandons donc de nous rassurer, et de les rassurer.
Dans l'attente de réponses à ces inquiétudes, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles s'en remettra à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens d'abord à saluer la célérité et la détermination dont vous avez fait preuve pour défendre les intérêts de la profession agricole.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Vasselle. Avec la crise majeure et sans précédent de l'encéphalopathie spongiforme bovine à laquelle doit faire face l'une de nos plus grandes filières agricoles, ce n'était pas tâche facile. Nous devons tous reconnaître l'efficacité et la rapidité avec laquelle vous avez fait face : d'abord, par l'adoption de mesures sanitaires visant à préserver la santé publique,...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Alain Vasselle. ... ensuite, par l'adoption de mesures de soutien au marché d'accompagnement financier et social des producteurs, de versement d'aides complémentaires et, enfin, par la mise en place d'aides sectorielles en aval de la filière.
Sans revenir en détail sur votre action, je souhaiterais évoquer la question des perspectives d'avenir de la filière bovine.
En effet, selon la dernière étude de la SECODIP, la société d'études de la consommation, distribution et publicité, la consommation de viande bovine a chuté de 16 % au deuxième semestre de 1996, alors que les marchés se sont effondrés de 30 % à 40 %.
Ainsi, un broutard charolais vendu dix-neuf francs le kilogramme en 1994 ne vaut plus que onze à treize francs, et il est négocié le plus souvent entre dix et onze francs, ce qui entraîne pour les éleveurs une perte nette de l'ordre de 1 500 à 2 000 francs, laquelle n'est que partiellement compensée par l'ensemble des mesures d'origine tant européenne que nationale que vous avez fait adopter, monsieur le ministre.
Les mesures d'urgence significatives que vous avez prises depuis le début de cette crise ont été certes vitales pour la profession, mais les blessures restent très profondes, et nul ne sait combien de temps il faudra pour nous en remettre, si nous nous en remettons un jour, car le lien de confiance entre le consommateur et le producteur est brisé.
Chacun se souvient des effets négatifs de la campagne sur le veau aux hormones : jamais le niveau de consommation antérieur à cette campagne n'a été retrouvé. En sera-t-il de même pour la viande rouge ? Je ne le souhaite pas, mais la question se pose.
Certes, la mise en place du logo VBF - viande bovine française - a contribué à une certaine sécurisation des consommateurs grâce à une meilleure information sur l'origine des viandes. Toutefois, il faudra, pour rétablir cette confiance, affiner les règles de la « traçabilité » et les critères d'identification des origines, afin de garantir l'origine de l'animal et ses conditions d'alimentation : il conviendrait de connaître le pays d'origine de l'animal - où est-il né ? Où a-t-il été élevé et abattu ? -, le type d'animal - s'agit-il d'une bête laitière, à viande ou mixte ? -, sa catégorie - jeune bovin, boeuf, génisse, jeune vache ou vache adulte -, enfin la date d'abattage. Mais il conviendrait également et surtout de se préoccuper de l'alimentation de l'animal.
Il faudra « labelliser » la viande produite dans des conditions naturelles. Il faudra également veiller à la qualité des produits végétaux destinés à la consommation animale, notamment de ceux qui sont produits avec des éléments fertilisants organiques provenant des boues des stations d'épuration ou des déchets ménagers et des effluents en provenance de la consommation humaine.
On en parle peu, mais, d'ores et déjà, les producteurs de légumes, de petits pois ou de haricots verts sont confrontés aux exigences des transformateurs, qui ne veulent plus de produits obtenus avec des apports fertilisants de cette nature. Il conviendra de prendre en considération cet élément.
Les consommateurs ont besoin d'être rassurés, d'être informés, comme l'indique un sondage de la SOFRES selon lequel 92 % d'entre eux veulent connaître l'origine des viandes. Le consommateur veut des produits de qualité facilement identifiables.
La confiance ne reviendra que si la santé et la sécurité du consommateur est véritablement assurée.
Si votre politique s'est déjà engagée sur cette voie, monsieur le ministre, il est indispensable que les mesures que vous avez prises soient étendues au niveau européen, avec un véritable contrôle sur le respect des mesures dans chaque Etat membre. Ainsi faudra-t-il être rigoureux dans le contrôle de l'entrée des viandes afin d'éviter des faits divers graves, comme celui que nous avons connu voilà quelque temps avec le Hard Rock Café , et désastreux en termes d'image.
La libre circulation des biens et des personnes, nous nous en apercevons aujourd'hui, n'est pas sans risque et a ses propres limites. Rendre la filière bovine plus transparente en améliorant à chaque stade les supports d'information, les moyens de contrôle, les modes de communication est le seul moyen qui nous permettra de sortir le moins mal possible de cette grave crise.
De plus, une restructuration de cette filière devrait conduire à un marché plus stable et plus favorable, lui permettant de retrouver son équilibre par rapport aux autres filières agricoles.
Je terminerai mon propos sur la crise de l'ESB en évoquant l'important problème de l'équarrissage.
Il convient de se féliciter de l'examen prochain par le Parlement d'un projet de loi visant à créer un service public déconcentré de l'équarrissage. Ce texte devrait permettre de définir les principes nécessaires à une organisation pérenne de ce secteur.
En effet, la loi de 1975 sur l'équarrissage se fondait sur un équilibre entre les coûts liés à la collecte des cadavres et leur valorisation, ainsi que celle des sous-produits d'abattoirs. Concrètement, les sociétés d'équarrissage se rémunèrent sur le « cinquième quartier de viande » et sur la farine animale.
L'exclusion des cadavres et des saisies de la fabrication des farines destinées à l'alimentation animale remet en question l'application de la loi. C'est pourquoi, face au surcoût très important que cela représente, les sociétés d'équarrissage refusent d'assumer une dépense pour un service n'apportant aucune recette.
L'équarrissage posant de graves problèmes de salubrité et de financement, l'Etat s'est engagé sur votre proposition, monsieur le ministre, à prendre en charge 50 % du coût total de leur destruction. En revanche, pour les 50 % restant, il a été envisagé qu'ils soient pris en charge par les partenaires locaux. Les éleveurs et les communes ont reçu de vous l'assurance qu'ils ne seraient pas sollicités.
L'Assemblée nationale a adopté un article créant une taxe prélevée sur la vente de détail assise sur la valeur des achats des distributeurs de viande et de produits de viande. Cette initiative me paraît être une bonne solution dans la mesure où des garde-fous ont été prévus.
En effet, deux dispositifs ont été adoptés afin de ne pas pénaliser le petit commerce : d'une part, les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 2 millions de francs seront exonérées de cette taxe ; d'autre part, cette taxe sera plafonnée à 0,6 % pour les achats de viande inférieurs à 120 000 francs par mois, et à 1 % au-delà.
A l'occasion de l'examen du texte par le Sénat, peut-être faudra-t-il d'ailleurs que nous procédions à quelques améliorations de ce dispositif. En effet, à mon sens, c'est plutôt sur la grande distribution qu'il faudra peser afin de véritablement protéger l'ensemble du petit commerce.
En outre, monsieur le ministre, il faudra mesurer les effets du texte après une année d'application afin de s'assurer que les mesures prises n'ont véritablement pas de conséquences nocives sur les producteurs et les éleveurs. Nous devons éviter que le dispositif ne se retourne en définitive contre eux par une baisse du prix d'achat du fait de l'augmentation du prix à la consommation.
Nous aurons très prochainement à examiner ces nouveaux dispositifs, je ne m'attarde donc pas plus longtemps sur ce sujet.
Je voudrais maintenant formuler quelques observations sur le budget, dans son ensemble.
Dans un contexte budgétaire très difficile de redressement et d'assainissement des finances publiques, vous avez malgré tout réussi, monsieur le ministre, à « sauver les meubles », en obtenant une quasi-stabilisation globale du budget de l'agriculture. Avec une baisse qui n'est de l'ordre de 0,8 %, que l'enveloppe budgétaire atteint 35,22 milliards de francs pour 1997. Hors subvention d'équilibre du BAPSA, cela représente un budget de 27,37 milliards de francs.
Avec cette enveloppe, le budget de l'agriculture est l'un de ceux qui régressent le moins. Sachons nous contenter de ce que nous avons !
Monsieur le ministre, vous avez pu apprécier la pertinence des avis et des propos de mes collègues rapporteurs. Ils ont évoqué, avec l'éloquence que nous leur connaissons et moult détails, l'évolution des crédits de votre ministère je me contenterai donc de quelques observations.
D'un point de vue général, ce budget suit la politique engagée depuis 1993. A ce titre, il traduit essentiellement les positions retenues lors de la conférence annuelle agricole et de la signature de la charte d'installation. Ainsi se concentre-t-il essentiellement sur les dépenses d'aide sociale, puisque la subvention du BAPSA représente 20 % du budget du ministère, contre 18 % l'année dernière, et sur les dépenses d'enseignement et de formation dont notre collègue M. Albert Vecten vient de parler avec enthousiasme et pertinence. Il est indéniable que c'est sur ces domaines que nous devons faire porter l'effort pour améliorer la professionnalisation de l'agriculture.
Ma première observation concernera le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Vous avez accédé, monsieur le ministre, à une demande de l'Assemblée nationale qui a permis l'inscription d'un crédit de 100 millions de francs. Avec les reports de crédits d'un exercice sur l'autre, nous disposerons donc, pour l'année 1997, d'une enveloppe de l'ordre de 200 millions de francs. Peu de temps après l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », il aurait été regrettable qu'il y eût un recul et que l'on n'inscrive pas un seul centime à ce budget, qui mobilise l'ensemble de la profession, plus particulièrement les jeunes agriculteurs. Nous vous remercions donc d'avoir accédé à la demande du Parlement.
Le deuxième point concerne la forêt.
Cette question est, à mon sens, trop souvent oubliée, mais toujours ardemment défendue par notre collègue Delong. Ce budget correspond à un aspect fondamental de notre agriculture, qui représente, je le rappelle, 100 000 entreprises et 550 000 emplois. Ce secteur est essentiel pour notre économie.
Je regrette simplement que la progression de ce budget, même si celui-ci s'élève à 1,33 milliard de francs, s'explique uniquement par le relèvement de 170 millions de francs de la contribution de l'Etat aux frais de garderie des forêts, donc destinée à l'Office national des forêts, l'ONF. Mais les crédits destinés aux actions qui sont menées directement en faveur de la forêt sont en diminution par rapport à l'année précédente, plus particulièrement ceux que nous avions l'habitude de consacrer au boisement et au reboisement. Je pense, en ce qui me concerne, qu'il s'agit d'une fausse économie, parce qu'on retarde d'autant la période de production de la forêt et par conséquent les recettes qu'on peut en attendre.
Enfin, j'en viens à la fameuse taxe que supportent les entreprises de première transformation, de 1,3 %, qui a certes été ramenée à 1,2 %.
Nous avions déposé un amendement avec quelques-uns de nos collègues pour ramener ce taux à 1 %, mais M. Lamassoure n'a pas souhaité accéder à notre demande. J'espère, monsieur le ministre, que nous arriverons avec vous à convaincre Bercy de l'intérêt d'une taxe plus supportable pour les usines de transformation.
Je terminerai mon propos par une réflexion sur le financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Nous avons vu, quand nous avons examiné le budget du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, que 150 millions de francs étaient distraits de ce fonds pour financer les mesures qui sont destinées à la mise aux normes des bâtiments d'élevage. C'est une nécessité puisque cette mise aux normes est prévue par la réglementation et les textes en vigueur. Mais, en fait, on puise dans un budget qui était destiné à financer des travaux non seulement d'adduction d'eau, mais également d'assainissement dans les communes !
Je crains donc que ce prélèvement n'ait des conséquences sur le prix de l'eau, car les collectivités locales ne pourront pas s'empêcher de répercuter le poids de plus en plus élevé que représentent de tels travaux.
Je ne pense pas que ce soit un bon calcul que d'avoir réalisé une opération de ce type. Certes, le budget de l'agriculture se trouve allégé d'autant, mais il aurait fallu, je crois, prévoir un crédit spécifique pour cette dépense. La preuve en est d'ailleurs que plusieurs de nos collègues, dont M. Oudin, ont déposé un amendement destiné à augmenter d'un centime la taxe FNDAE, afin que l'évolution du budget de ce fonds soit suffisante pour faire face à l'ensemble des dépenses qu'auront à supporter les collectivités locales en matière d'assainissement et d'adduction d'eau.
Cela étant, monsieur le ministre, ces quelques remarques ne doivent pas vous inquiéter, car c'est sans aucune difficulté que j'apporterai mon soutien... (Ah ! sur les travées socialistes)... au budget que vous nous présentez. Je serai suivi en cela par l'ensemble des membres du groupe du RPR ; mais ils vous le confirmeront eux-mêmes lors de leur intervention.
Monsieur le ministre, je vous adresse tous mes compliments pour votre action en faveur de notre profession ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Il ne reste plus que trente-quatre minutes de temps de parole au groupe du RPR, dont cinq membres sont encore inscrits.
La parole est à M. Fernand Tardy.
M. Fernand Tardy. Monsieur le ministre, avant de m'intéresser au budget de l'agriculture, je voudrais faire, au nom du groupe socialiste du Sénat, une réflexion générale sur la manière nouvelle dont les législateurs, sous l'impulsion de l'exécutif, abordent la discussion budgétaire.
Le vote du budget est l'acte le plus important que le législateur ait à accomplir. Ce vote, les discussions et les explications qui le précèdent vont tracer le cadre, pour une année, des activités de notre pays.
Or, depuis deux ans déjà, certains budgets, dont celui de l'agriculture, sont précédés, un mois ou deux avant la discussion budgétaire, d'un débat général sur les problèmes concernant le secteur considéré. Ce débat traite de tout, mais les sénateurs n'ont pas, au moment où il a lieu, la connaissance des dispositions budgétaires leur permettant de discerner quels seront les problèmes débattus qui trouveront une réponse budgétaire. Autrement dit, on discute pour rien, ou simplement pour exprimer des souhaits ou des espérances, dont beaucoup seront déçus.
On peut se demander l'intérêt d'un tel débat, par exemple, sur les problèmes agricoles, alors qu'un projet de loi d'orientation sur le sujet est en préparation et sera discuté au printemps prochain.
Cela ne serait pas grave si, au moment du vote du budget, nous avions la faculté de nous exprimer normalement, cette fois-ci en connaissant les données budgétaires étayant nos discussions.
Mais, prenant prétexte de ce débat préalable stérile et fondé sur aucune donnée chiffrée, le temps de parole de chaque groupe se voit amputé d'une façon importante. Par exemple, le groupe socialiste, qui disposait d'environ une heure de discussion pour le budget de l'agriculture, n'a cette année que vingt-huit minutes.
Nous élevons une protestation formelle contre cette façon de procéder.
Le pouvoir exécutif a, du fait de notre Constitution, des prérogatives exorbitantes par rapport au pouvoir législatif. Mais on veut, par différents procédés, restreindre encore les pouvoirs que le législatif a conservés.
Au nom du groupe socialiste, nous demandons instamment au Gouvernement et au Sénat de rétablir les règles habituelles de la discussion budgétaire et de permettre à tous de s'exprimer après avoir eu connaissance des propositions chiffrées du Gouvernement. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Vous comprendrez, mes chers collègues, après cette déclaration et dans les dix minutes qui me sont imparties, que je ne puisse traiter au fond du budget de l'agriculture. Je me contenterai de donner un éclairage général sur ce budget.
« L'agriculture n'échappe pas à la rigueur », titrait L'Information agricole. En effet, le budget nous est présenté comme étant inférieur de 0,8 % à celui de 1996. Et encore l'enveloppe du ministère intègre-t-elle une subvention d'équilibre du BAPSA, qui, par nature, relèverait plus des comptes sociaux. Sans cette intégration, le budget du ministère de l'agriculture serait en diminution de 3,8 % par rapport à celui de 1996.
Je ne citerai que pour mémoire les différents chapitres en diminution : le fonds de gestion de l'espace rural, qui n'était pas doté et qui, après la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, se retrouve avec une dotation de 100 millions de francs pour 1997, contre 388 millions de francs en 1996, et de 1 milliard de francs prévu dans la loi initiale pour 1998 dont nous sommes bien loin ; les crédits des bâtiments d'élevage, insuffisants pour rattraper le retard ; les crédits des offices, amputés sérieusement, ainsi que ceux des opérations groupées d'aménagement foncier - les OGAF - et des programmes agri-environnementaux, qui accusent une diminution de 57 % ; les crédits sur la maîtrise des pollutions, qui sont nettement insuffisants ; enfin, les crédits hydrauliques, qui régressent de 30 %.
Je pourrais continuer l'énumération, mais j'arrêterai là mes réflexions sur le budget, préférant citer ces considérations de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, qui écrit : « Budget sans priorités affirmées, qui représente maintenant 1,7 % du budget général de l'Etat contre 2,5 % en 1985 », et celles de la fédération nationale des exploitants agricoles, selon laquelle « le budget de l'agriculture, sur la plupart de ses grands chapitres, demeure largement en deçà de ce qui serait nécessaire ».
J'en arrive à une réflexion sur les aides européennes, que je renouvelle chaque année : ces aides, absolument nécessaires pour les agriculteurs familiaux en difficulté et occupant le terrain dans des régions difficiles, deviennent de plus en plus scandaleuses faute d'être différenciées.
Ce sont 4 470 des plus gros producteurs qui perçoivent 3,3 milliards de francs d'aide compensatoire, soit une moyenne de 750 000 francs par exploitation.
Le montant des aides aux surfaces de céréales, 23 milliards de francs, est presque égal à la valeur de la production exportée : 24 milliards de francs.
Pendant ce temps, la France et l'Union européenne ont eu les plus grandes difficultés à mobiliser les sommes pour venir en aide à plus de 100 000 producteurs de viande bovine victimes de la « vache folle ».
Il faudra bien un jour débattre sur la fiscalité et la justification des soutiens publics à l'agriculture. En tout cas, les socialistes, qui considèrent comme indispensable ce soutien, ne peuvent se satisfaire de la situation actuelle et la dénonceront en toute circonstance.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur deux questions qui me paraissent primordiales : l'installation des jeunes et l'enseignement.
La charte d'installation avait fait naître de grands espoirs. Le groupe socialiste avait seulement souligné la faiblesse du volet foncier de cette charte.
Après un an de fonctionnement, où en est-on, monsieur le ministre ? Les crédits relatifs à la dotation des jeunes agriculteurs ont été seulement reconduits, ce qui laisse mal augurer de l'augmentation du nombre des installations.
Aucune mesure concrète sur l'appréhension du foncier et sur les droits à produire n'ont été prises, à notre connaissance. Peut-être serons-nous plus informés lors de la discussion du projet de loi d'orientation ? Il ne faudrait pas que l'espoir qu'avait fait naître cette charte soit déçu car, malgré les efforts de tous, on constate toujours un déficit très important des remplacements des jeunes agriculteurs par rapport aux départs.
Monsieur le ministre, je veux bien admettre, compte tenu des difficultés multiples rencontrées par le Gouvernement dans la grisaille et l'inefficacité d'une politique qui ne peut en aucun cas entraîner notre adhésion, que vous tirez votre épingle du jeu.
Cela rend encore plus incompréhensible votre position sur l'enseignement agricole. J'ai cru comprendre que, sur les bancs de la majorité du Sénat, beaucoup pensent comme l'opposition sur ce sujet.
Vous vous plaignez du succès de l'enseignement agricole, vous dites que cela constitue un danger, que la diversification de nos établissements pourrait être le prélude à leur intégration à l'éducation nationale, position invraisemblable et qui sert seulement à masquer la faiblesse des crédits attribués à cet enseignement par rapport à son succès.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la dernière guerre, j'ai vécu toutes les péripéties de l'enseignement agricole public, mais je pense qu'il en est de même dans le privé.
J'ai vécu le temps des « instituteurs agricoles », où, faute d'établissements spécialisés, l'éducation nationale donnait des cours d'agriculture.
J'ai vécu le temps des écoles d'agriculture d'hiver, rattachées aussi à l'éducation nationale.
J'ai vécu le temps des premiers collèges et lycées agricoles ; j'ai même eu l'honneur d'en faire construire un dans mon département lorsque j'étais président de la chambre d'agriculture.
L'enseignement agricole d'alors était le parent pauvre non seulement sur le plan des crédits, mais aussi sur le niveau de nos élèves. On avait coutume de dire à l'époque : « le fils ou la fille ne veulent pas travailler, on va les mettre au lycée agricole ».
Après bien des efforts de l'Etat, des collectivités territoriales, des enseignants, voilà que tout a changé. Nos établissements publics ou privés sont prisés. Notre taux de réussite au baccalauréat est voisin de celui de l'éducation nationale, beaucoup d'élèves demandent à bénéficier de notre enseignement agricole. Et nous nous en plaindrions ? Et l'on fixerait un « quota » de 2 % du nombre d'élèves en plus à ne pas dépasser d'une année sur l'autre ?
Dans les seuls établissements publics, 3 000 élèves ont été refoulés à la rentrée dernière, vraisemblablement 10 000 en tout sur le public et le privé.
Vous êtes-vous demandé, monsieur le ministre, où sont allés ces élèves ? Car il a bien fallu les recevoir quelque part. On estime qu'un tiers au moins se sont fait inscrire à l'ANPE directement et sans poursuivre leurs études.
Cette proposition de quota est intenable, et il vous appartient non pas de proportionner les entrées aux crédits qui vous sont alloués, mais d'obtenir les crédits nécessaires pour recevoir le maximum d'élèves dans nos établissements agricoles. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
A ce sujet, je rappelle que 30 % des enseignants agricoles ne sont pas titulaires, que les vacataires assurent 25 % de l'enseignement, qu'il manque 500 emplois de personnels ATOSS, ce qui ne vous empêche pas d'en supprimer cinquante-sept cette année, et que toutes ces carences sont compensées par 2 500 à 4 000 postes attribués à des titulaires de CES, dont beaucoup ne sont pas formés, et cela seulement dans l'enseignement public.
Mais une autre de vos propositions sur l'enseignement agricole nous inquiète, monsieur le ministre, celle du recentrage de cet enseignement. Si nous avons bien compris, il s'agirait de supprimer la diversité de cet enseignement pour le circonscrire uniquement aux matières concernant la production agricole.
Outre que la diversité a été l'un des facteurs majeurs du succès de l'enseignement agricole, elle correspond à une nécessité.
L'ancien élu politique du Nord que vous êtes, monsieur le ministre, peut en effet concevoir que l'enseignement agricole doit former uniquement des exploitants capables de produire, dans les meilleures conditions du marché, les denrées agricoles indispensables à notre consommation nationale et à nos exportations, parce qu'il s'agit de régions où les productions agricoles suffisent à assurer la pérennité des exploitations.
Mais, pour la majorité des régions françaises et pour les plus difficiles, il est absolument nécessaire de former des agriculteurs qui soient ouverts à des tâches complémentaires à la stricte production. Le tourisme rural, les métiers de l'environnement, les élevages de gibier, l'équitation, la formation des guides de pays, pour ne citer que quelques pistes, sont indispensables à la survie des exploitations en zones difficiles par les compléments de revenus qu'ils peuvent apporter aux exploitants.
Il est nécessaire, il est même indispensable de conserver un enseignement agricole diversifié. C'est, en tout cas, la position du groupe socialiste du Sénat.
Je vous prie, une fois encore, de m'excuser de n'avoir pas traité de toutes les questions que soulève la présentation de votre budget, monsieur le ministre.
Vous aurez néanmoins compris que les sénateurs du groupe socialiste jugent ce budget insuffisant, car il n'apporte pas de solution aux nombreux problèmes que rencontrent nos agriculteurs, et qu'ils estiment inacceptables les propositions relatives à l'enseignement agricole. Dès lors, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de l'agriculture tel qu'il est présenté à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Minetti, qui dispose de quatorze minutes et à qui je demande de respecter scrupuleusement son temps de parole, de manière que nous puissions suspendre la séance effectivement à treize heures.
M. Louis Minetti. Je m'y efforcerai, monsieur le président !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à souligner la grande qualité des différents rapports qui nous ont été présentés sur ce projet de budget pour l'agriculture. Bien entendu, cette appréciation ne préjuge en rien mon opinion quant au projet de budget lui-même. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure quelques mots des fruits et légumes, à propos du BAPSA, mais le problème dépasse largement ces questions de cotisations.
Permettez-moi de vous rappeler les termes de la lettre que le maire d'une commune de la Drôme vous a adressée et qu'il m'a communiquée :
« Monsieur le ministre,
« Je suis maire d'une petite commune de 2 100 habitants, Buis-les-Baronnies, dans le sud de la Drôme, dont les principales ressources agricoles sont l'abricot, la cerise, l'olive et le tilleul.
« Je vous crie mon désarroi. Vous savez bien sûr que le cours des fruits s'est littéralement effondré cet été.
« Les agriculteurs sont abattus. Ils n'arrivent pas à s'organiser et sentent sur eux cette menace diffuse de disparaître de la vie économique à tour de rôle.
« Monsieur le ministre, ne pouvez-vous pas intervenir auprès des centrales d'achat qui, payant pratiquement sans intermédiaire l'abricot à un prix dérisoire, le revendent à des tarifs insensés, et souvent vert, ceci expliquant en partie la mévente de ce produit ?
« Je vous écris en désespoir de cause, car je sens véritablement que toute notre région est menacée et que si des solutions ne sont pas proposées, tous nos agriculteurs risquent d'être rayés de la carte à plus ou moins long terme.
« Veuillez recevoir, monsieur le ministre, l'expression de ma considération distinguée. »
C'est édifiant !
Ce maire n'est pas de mon département, il n'est même pas de ma région, mais il fait comme de nombreuses personnalités dans la France entière, qui m'envoient des lettres, des fax, me téléphonent parce qu'elles ont cru à la mission d'information du Sénat sur les fruits et légumes que j'avais l'honneur de présider.
Tous ces témoignages montrent, hélas ! que, malgré la qualité du travail que nous avions effectué, et qui avait reçu l'approbation du Sénat, aucune suite n'a été donnée aux propositions que nous avions formulées.
Monsieur le ministre, vous-même et l'ensemble du Gouvernement approuvez et appliquez les décisions prises à Bruxelles qui, dans le secteur des fruits et légumes comme dans d'autres secteurs, introduisent toujours plus de libéralisme et toujours moins de préférence communautaire. Or l'Europe ne produit que 40 % de sa consommation en fruits et légumes. La marge est donc grande pour produire plus dans cette région du monde.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, au-delà des aides ponctuelles, pour aider les producteurs français de fruits et légumes ?
Un drame se joue actuellement en Provence-Alpes-Côte d'Azur : les syndicats professionnels ont chiffré à 1,8 milliard de francs - ils vous l'ont d'ailleurs indiqué par courrier - la perte en 1996, tous produits confondus.
Vous allez certainement me répondre que vous avez pris en compte ce marasme puisque 5,25 millions de francs ont été attribués, à ce titre, aux producteurs pour le département des Bouches-du-Rhône.
Permettez-moi, alors, d'attirer votre attention sur un point particulier mais très important. Seuls 342 dossiers de producteurs de fruits des Bouches-du-Rhône ont été retenus en 1995, ce qui tend à éliminer de l'aide la plupart des 6 000 agriculteurs concernés.
On procède à des classifications incroyablement compliquées, distinguant les producteurs de fruits, les producteurs de légumes, les producteurs de fruits et de légumes, les producteurs en serres, les producteurs de plein champ, etc. Tout cela est à ce point ventilé que, finalement, il n'y a que 342 dossiers retenus sur 6 000 ! Et on retrouve la même situation dans la France entière !
Je rappelle que le secteur des fruits et légumes en France, ce sont près de 6 millions d'emplois directs et indirects, un chiffre d'affaires de 70 milliards de francs.
Il est indispensable de trouver des solutions au niveau de la commercialisation et de l'exportation des fruits et légumes produits en France.
Pourquoi signez-vous - pourquoi accumulez-vous ? devrais-je dire - et appliquez-vous des accords qui ôtent toute chance aux producteurs français et sont autant de machines de guerre contre la production nationale ?
Dans tous les bassins de production français, les agriculteurs sont confrontés à la même situation : une pression insoutenable sur les prix, due aux importations, parce que les centrales d'achats et la grande distribution s'approvisionnent d'abord en produits importés ! Ces gros acheteurs ne s'intéressent pas à la qualité : seul le prix les intéresse. Ils pourraient ne poser qu'une question, celle qui venait systématiquement aux lèvres d'un célèbre dirigeant du football italien : « Quanto costa ? » (Sourires.)
Vous venez, monsieur le ministre, de charger l'observatoire français des conjonctures économiques d'analyser les conditions de formation des prix dans le secteur des fruits et légumes. Je suis très étonné du caractère tardif de cette décision, car la mission sénatoriale que j'ai déjà évoquée, dès 1993, avait mis en évidence l'ensemble des problèmes que vous paraissez découvrir aujourd'hui et avait déjà proposé des solutions. Je vous invite donc à vous reporter à ce rapport et aux quarante-quatre propositions par lesquelles il se concluait.
Selon la fédération nationale des producteurs de fruits, le mode de calcul des seuils de déclenchement des clauses est irréaliste et inefficace.
Je prendrai un seul exemple, celui de la production de pommes, qui connaît, il est vrai, une certaine embellie depuis le mois de septembre.
Pour déterminer le volume du seuil de déclenchement, la Commission de Bruxelles a choisi de s'appuyer sur la consommation en Europe au cours des années de référence : 1990, 1991 et 1992. La consommation est calculée en faisant la somme de la production et des importations, desquelles on déduit les exportations et les retraits. Ainsi calculée, la consommation de pommes aurait été de 19 kilogrammes par habitant en 1991 et de 30 kilogrammes en 1992 ! Ubu est vraiment roi à Bruxelles !
A partir de là, sur la période du 1er avril au 30 juin, il faudrait que les importations de pommes dépassent 1,55 million de tonnes, alors que les 850 000 tonnes entrées en 1995 pendant la même période avaient très fortement déstabilisé le marché. Il est donc évident que ce système n'est plus acceptable !
Tandis que les pays de l'Union européenne corsètent leur agriculture, les dirigeants américains conçoivent la nouvelle « organisation mondiale du commerce » comme un instrument de leur politique commerciale et maintiennent leur arsenal protectionniste. Pendant ce temps là, nous poursuivonss notre politique de mise en jachère !
On peut, dès lors, s'interroger sur la validité de la notion de « prix mondial », sur laquelle est bâtie toute la réglementation de la nouvelle OMC, issue des accords du GATT, qui sert à culpabiliser les agriculteurs français.
Faute de temps, je ne peux présenter tous les commentaires que ce projet de budget m'inspire.
En fait, ce que je lui reproche le plus, c'est le manque d'ambition qu'il trahit.
Je prépare en ce moment une série de textes, que je rendrai publics le moment venu, sur deux thèmes liés : le développement agricole et la sécurité alimentaire.
Pour ne rien vous cacher, les idées que je développe se déclinent autour de deux ambitions : le développement de notre production nationale - sans oublier la place qu'y tiennent les fruits et légumes, bien sûr - et la satisfaction des nouveaux besoins alimentaires de la planète, en particulier en Extrême-Orient. En bref, il s'agit de définir les conditions de la sécurité alimentaire, et j'en distingue essentiellement trois.
La première est la renégociation de l'OMC, assortie d'une réforme de la PAC.
La deuxième est l'installation, en France, d'un plus grand nombre de jeunes agriculteurs. Une installation pour un départ est une bonne idée, à condition d'avoir un bon chiffre de référence. Or, selon moi, le bon chiffre tourne autour de un million d'exploitations agricoles, et non pas 500 000. J'avais déjà formulé le même jugement lors de la discussion relative à la charte d'installation. Si l'on ne prend pas ce chiffre de un million d'exploitations pour référence, on donnera satisfaction à ceux qui, depuis plusieurs années, préconisent de « naviguer » aux alentours des 250 000 exploitants agricoles, et cela voudra dire que nous baissons la garde, que nous renonçons à nos ambitions.
La troisième condition est l'occupation de tout le territoire national.
La réunion de ces trois conditions favoriserait une agriculture économe en intrants, non productiviste et donc respectueuse de l'environnement.
En outre, au regard de la santé humaine, cette démarche garantit la qualité des produits.
Qu'ils soient cultivateurs, éleveurs, viticulteurs, horticulteurs, maraîchers, pêcheurs, les agriculteurs français sont aujourd'hui confrontés à un cadre trop rigide qui ne sert, en fait, qu'à gérer la pénurie des productions organisée depuis Bruxelles.
Il ne peut y avoir de réel changement positif pour les agriculteurs de nos pays sans que soit promu un nouveau type de développement agricole, fondé sur l'exploitation familiale à taille humaine, valorisant la diversité des territoires et respectant les équilibres écologiques. L'Europe agricole doit donc repartir sur d'autres bases, et elle le peut.
Cela implique une organisation commune des marchés qui permette de relever et de garantir des prix minimum à la production, d'établir une juste répartition et la gratuité des droits à produire, des mesures de soutien en faveur des régions défavorisées et des agriculteurs en difficulté, une politique favorisant la qualité des produits, sans oublier la lutte contre les importations abusives.
Les orientations budgétaires qui nous sont proposées ne vont, hélas ! pas dans ce sens. Vous comprendrez que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne puissent les approuver.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. C'est une surprise !
M. Louis Minetti. Vous observerez, monsieur le président, que je n'ai même pas utilisé les quatorze minutes auxquelles j'avais droit !
M. le président. Le Sénat vous en est reconnaissant, monsieur Minetti.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

4

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, afin que chacun puisse s'exprimer, je vous rappelle la règle : cinq minutes pour le questionneur et le répondeur, deux minutes et demie chacun !

CONFLIT DES ROUTIERS

M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.
Le récent conflit des routiers et son aboutissement entraînent de lourdes conséquences, d'ordre financier et psychologique à plusieurs niveaux : pour l'Etat, pour lequel la retraite à cinquante-cinq ans et les allégements des charges sur les salaires devraient représenter un coût annuel avoisinant un milliard de francs ; pour les transporteurs des pays voisins, auxquels la libre circulation n'a pu être assurée et qui demandent à la France des indemnisations ; enfin et surtout, pour les entreprises dans de nombreux secteurs économiques, qui ont subi de graves préjudices en cette période sensible de fin d'année.
Monsieur le ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour permettre à ces entreprises de surmonter ce handicap, l'assouplissement des délais de paiement n'étant probablement pas suffisant ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur Hoeffel, le conflit des routiers a effectivement des conséquences ; s'il avait continué, celles-ci auraient été très graves pour les petites et moyennes entreprises ainsi que pour le commerce et l'artisanat. Après les événements que nous avons vécus au mois de décembre 1995, permettez-moi de vous dire à quel point j'ai été heureux pour les entreprises de voir ce conflit apaisé avant le début de ce mois de décembre.
Je salue l'esprit de responsabilité de tous les partenaires, notamment la compréhension et l'action de M. Pons et de Mme Idrac, qui ont permis que ce conflit ne se poursuive pas au mois de décembre, pas qui est très important d'un point de vue économique. Noël et la Saint-Nicolas, en effet, ne sont pas seulement des rendez-vous familiaux, ce sont aussi des événements économiques. Combien d'entreprises étaient d'ores et déjà touchées par le chômage partiel ? Heureusement, l'activité économique a pu reprendre.
Toutefois, un certain nombre d'entreprises, vous avez raison de le souligner, monsieur Hoeffel, ont effectivement souffert de la récente grève des transporteurs. Nous serons très attentifs, à la demande de M. le Premier ministre, à leur situation.
Les administrations fiscales et sociales accorderont, au cas par cas, des délais de paiement et éviteront d'imposer des pénalités de retard aux entreprises qui viendront leur faire part des difficultés auxquelles elles sont confrontées du fait du conflit.
Monsieur Hoeffel, vous nous demandez d'aller plus loin. Eh bien, nous allons plus loin. Pour répondre aux demandes des entreprises, des instructions seront très prochainement adressées aux préfets afin de leur préciser comment devront être traitées les aides. Ainsi devrait être proposé un dispositif analogue à celui qui a été mis en place en 1992 à la suite de troubles similaires.
La préfecture compétente sera celle du lieu du barrage puisque ces mesures s'appliqueront aux entreprises qui auront été victimes de blocage. Dans le cas où une même entreprise aurait été victime de plusieurs barrages, c'est le siège de l'entreprise qui désignera la préfecture adéquate pour répondre à sa demande.
Tel est le dispositif que nous voulons mettre en place afin d'être aux côtés des petites et moyennes entreprises et de leur permettre d'assumer toutes leurs responsabilités au cours de ce mois de décembre, qui est, je le répète, si important pour notre économie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

EFFONDREMENTS MINIERS EN LORRAINE

M. le président. La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications et concerne les effondrements miniers qui viennent de se produire en Lorraine.
Voilà quelques semaines, 150 familles habitant deux quartiers différents dans la commune d'Auboué, en Meurthe-et-Moselle, ont dû être évacuées en catastrophe à quelques jours d'intervalle, et leurs maisons, où nombre d'entre elles résidaient depuis plusieurs dizaines d'années, sont devenus définitivement inhabitables.
Face à ce drame, les élus locaux et les services de l'Etat, à commencer par le sous-préfet de l'arrondissement, ont réagi d'une manière exemplaire pour atténuer la détresse des victimes.
A ce jour, la carte des risques laisse apparaître que 93 communes en Meurthe-et-Moselle et 34 dans le département voisin de la Moselle sont situées dans des zones susceptibles de connaître des effondrements miniers plus ou moins graves. C'est dire l'ampleur du problème.
L'arrêt total de l'exploitation minière et sidérurgique, qui a fait disparaître des dizaines de milliers d'emplois et les ressources fiscales des communes, a provoqué l'ennoyage des galeries sur plusieurs centaines de kilomètres. Ce sont 200 millions de mètres cubes d'eau par an qui ne sont plus rejetés à l'extérieur, ce qui entraîne le bouleversement de l'alimentation en eau potable et la fragilisation du sous-sol.
La solidarité nationale doit pleinement jouer. Aussi souhaiterais-je connaître, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour venir en aide aux communes concernées par ce phénomène. Compte-t-il, notamment, mettre en place un outil d'analyse permanente du sous-sol afin d'assurer une totale information des élus et des populations ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Borotra, retenu par une audition en commission.
Vous avez évoqué à juste titre la nature géologique de ces sols, qui laisse à penser que l'affaissement progressif survenu cité Coinville est en voie de stabilisation.
En revanche, l'affaissement, plus brutal, survenu le 18 novembre dans les couches souterraines de la rue de Metz, pourrait encore s'accentuer.
Du point de vue administratif, l'abandon de la concession concernée n'a pas été prononcé et le site demeure donc soumis à la police des mines.
Le sous-préfet, conformément aux instructions que le ministre de l'industrie et le ministre de l'intérieur lui ont données, accomplit un travail exemplaire afin que l'hébergement des personnes concernées soit assuré dans les meilleures conditions.
La société Lormines est, au demeurant, consciente de ses responsabilités à l'égard des dizaines de familles éprouvées, pour lesquelles elle a prévu, indépendamment des contentieux ouverts ou susceptibles de l'être, et notamment de l'action en référé pour laquelle des expertises sont en cours, une indemnisation d'urgence.
Dans l'immédiat, les services régionaux du ministère de l'industrie se sont rapprochés de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, afin de définir les conditions de faisabilité d'un pilote de détection et d'alerte dans la zone d'Auboué. M. Borotra a demandé que cette étude, dont le contour sera défini avant la fin du mois de décembre, soit prise en charge sur le budget à sa disposition dans les actions de l'INERIS.
De plus, M. le ministre de l'industrie, m'a chargé de vous dire qu'il vous recevra, monsieur le sénateur, avec les autres parlementaires concernés, dès la semaine prochaine, pour s'entretenir avec vous des différents aspects de ce problème. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

CRÉATION D'UN TRIBUNAL PÉNAL
INTERNATIONAL PERMANENT

M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères qui, je le sais, se trouve actuellement au côté de M. le Président de la République, en Afrique, au Burkina, pour le 18e sommet franco-africain. Elle concerne la création d'un tribunal pénal international permanent.
Depuis quelques années, la question de la création de ce tribunal est revenue de manière insistante. Les violations des droits de l'homme, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, de l'ex-Yougoslavie au Rwanda pour ne citer que ces deux pays, y sont pour beaucoup.
La réponse jusqu'à présent apportée par la communauté internationale a été le tribunal ad hoc, par nature éventuel et postérieur au crime. Un tribunal permanent est plus facilement saisissable et, dans la mesure où il est préexistant au crime, il peut avoir un effet dissuasif.
L'idée a donc cheminé, et un comité préparatoire a été mis en place par l'ONU. Il devait demander en novembre à cet organisme un délai supplémentaire afin de mettre en place la conférence instituant ce tribunal permanent en décembre 1998.
Par ailleurs, un vote unanime est intervenu au Parlement européen en septembre dernier, préconisant de soutenir les recommandations de ce comité et de provoquer un vote sur ce point à l'ONU au mois de novembre.
Or, la France, qui a longtemps soutenu l'idée de la création de ce tribunal, a changé de position voilà environ six mois. Pour quelles raisons ? La France freine visiblement les travaux du comité préparatoire, puisqu'elle est allée jusqu'à présenter récemment un contre-projet de statut inattendu. Pourquoi ?
Notre pays, qui est celui des droits de l'homme, peut-il prendre le risque de freiner la mise en place de ce tribunal permanent ?
Je vous demande de me faire grâce dans votre réponse, madame le secrétaire d'Etat, des arguments relatifs à la défense des spécificités du droit des pays européens continentaux par rapport aux règles du droit anglo-saxon, arguments qui nous ont été opposés précédemment. Ces disparités ne posaient pas problème voilà un an. Pourquoi en poseraient-elles aujourd'hui ?
Il y a là des raisons politiques - et sans doute de politique africaine - qu'il est nécessaire de préciser, ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent. Si ce n'est pas le cas, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour que ce tribunal pénal permanent chargé de juger les atteintes aux droits de l'homme soit effectivement créé en décembre 1998 ? Par ailleurs, pouvez-vous préciser les étapes du calendrier que vous entendez respecter ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les négociations en vue d'élaborer un projet de statut d'une cour criminelle internationale permanente sont entrées dans une phase active cette année.
Conformément à nos voeux, la 51e assemblée générale des Nations unies devrait recommander, dans les prochains jours, que le comité préparatoire se réunisse pour trois sessions supplémentaires en 1997 et intensifie ainsi ses travaux, en vue de la conférence diplomatique qui se tiendra en 1998. Je puis vous confirmer que la France et ses partenaires de l'Union européenne soutiennent sans ambiguïté ce projet.
La France est favorable à un statut détaillé. Il n'y a pas de place pour l'improvisation. L'expérience quotidienne du fonctionnement des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda est, en effet, riche d'enseignement. Elle démontre que le travail de la future juridiction doit être entouré de toutes les garanties de procédure lui permettant de rendre la justice avec efficacité et équité.
C'est dans cet esprit que la France a soumis un ensemble de propositions, sous la forme d'un projet de statut complet, qui constitue, par sa rigueur et sa cohérence, l'un des principaux instruments de travail des délégations.
Notre projet reflète naturellement les spécificités du droit romain, dans un domaine, celui du droit pénal international, dans lequel le droit anglo-saxon a tendance à prédominer.
Nous avons aussi convaincu nos partenaires de nous en tenir aux crimes les plus graves, tels que les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes d'agression, les violations des lois et coutumes de la guerre, et les infractions graves aux conventions de Genève. Il faut assurer à cette juridiction sa spécificité. Elle en sera d'autant mieux acceptée par nombre d'Etats.
Nous nous efforçons aussi de défendre le principe d'un jugement par contumace pour les individus qui se sont soustraits volontairement à la justice.
Les objectifs poursuivis par la France sont très clairs : il s'agit de mettre en place une cour qui soit efficace, crédible et universelle. C'est sans doute ce dernier point qui peut susciter actuellement nos inquiétudes. Trop peu d'Etats participent aux négociations au côté des Européens et des autres Occidentaux.
Je crois que nous devons encourager tous nos partenaires, y compris dans d'autres régions du monde, à s'impliquer dans ce processus de négociation. Pour sa part, la France continuera à être présente, conformément à sa vocation de pays défenseur des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SOLIDARITÉ AVEC LES CHO^MEURS

M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avant de poser ma question, qui s'adresse à Mme le ministre délégué pour l'emploi, je souhaite, monsieur le Premier ministre, exprimer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, nos condoléances aux proches des victimes de l'horrible attentat de la station Port-Royal et notre solidarité à ceux qui ont été blessés, dans leur chair et dans leur âme.
Nous condamnons avec la plus grande détermination ce nouvel acte de terrorisme, cet acte de barbarie exécuté par des criminels qui n'ont d'autres repères que le sang et la mort. Tout doit être mis en oeuvre pour les retrouver et les mettre hors d'état de nuire. Il convient aussi et surtout de renforcer les personnels dans tous les transports en commun.
Ma question concerne le désarroi des chômeurs, de ces centaines de milliers de personnes qui, avec leurs familles, sont mis progressivement au ban de la société.
Actuellement, la situation est terrible : 56,4 % des chômeurs percevaient, fin 1995, des indemnités, soit 5 % de moins que fin 1993 - les autres ne disposent d'aucunes ressources ; 48 % des chômeurs indemnisés touchent moins de 3 000 francs par mois et 82 % moins de 5 000 francs.
Comment font ces familles pour survivre ?
Alors que tout devrait être mis en oeuvre pour soulager ces femmes et ces hommes, ces jeunes si nombreux, le patronat a annoncé, à l'occasion des actuelles négociations des partenaires de l'UNEDIC, sa volonté de réduire la part de cotisations à la charge des entreprises à hauteur de 9 milliards de francs, et même de récupérer les 13 milliards de francs d'excédents qui dorment dans les caisses des ASSEDIC.
Cette attitude provocatrice du CNPF soulève une juste colère parmi les associations de chômeurs et l'indignation des organisations syndicales.
De nombreuses actions, que nous soutenons, se déroulent actuellement pour faire reculer le patronat et obtenir une amélioration substantielle du champ et du montant des indemnisations. Je pense, notamment, à l'exigence d'une prime de Noël de 3 000 francs pour les chômeurs, imputée sur les excédents.
Il y a décidément deux poids et deux mesures dans ce pays !
D'un côté, la majorité sénatoriale vient d'adopter un allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les mille plus grosses fortunes et, de l'autre, le patronat entend faire main basse sur l'argent de la solidarité.
Je vous demande, madame le ministre, quelles mesures, quelles initiatives le Gouvernement entend prendre - il doit le faire, comme lors du récent conflit des routiers - dans les meilleurs délais afin d'obtenir du patronat qu'il abandonne enfin ses objectifs de profits, qu'il abandonne cette volonté de ponctionner ceux qui n'ont que quelques milliers de francs pour vivre ou survivre, pour enfin participer, au niveau nécessaire, à l'effort de solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, avant de répondre à votre question, je tiens à vous dire, au nom du Gouvernement et en présence de M. le Premier ministre, à quel point nous avons tous été frappés, bien évidemment, par l'horreur de l'attentat de Port-Royal. Je vous assure de la détermination du Gouvernement pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus et que les coupables soient punis. Il importe que la Haute Assemblée soit bien consciente de cette détermination. (Applaudissements.)
Vous avez évoqué un problème auquel le Gouvernement est sensible, bien sûr, à savoir la situation dans laquelle peuvent se trouver les chômeurs. Vous avez fait allusion aux négociations qui sont actuellement en cours au sein de l'UNEDIC.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le régime d'assurance chômage est géré par les partenaires sociaux. Au stade de la négociation, l'Etat n'a pas l'intention d'intervenir. Il fait confiance aux partenaires sociaux car l'expérience des années précédentes a prouvé qu'ils savaient prendre des décisions courageuses.
Je souhaite vous rappeler que si la situation nette du régime d'assurance chômage est positive, c'est largement parce que l'Etat a versé 20 milliards de francs de subventions à l'UNEDIC entre 1993 et 1995 et a repris à sa charge 10 milliards de francs de dettes.
En 1994, les partenaires sociaux se sont engagés à ne pas dégrader les comptes de l'UNEDIC en vue d'accélérer le remboursement de la dette, voire de constituer des provisions. Il est donc souhaitable qu'ils fassent preuve de la plus grande prudence. Mais ils doivent également prendre en compte les résultats tout à fait positifs de certains dispositifs qu'ils ont mis en oeuvre en faveur de l'incitation à la reprise d'un emploi. Je pense, notamment, à l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, dispositif qu'ils ont d'ailleurs prévu dans leurs excédents provisionnels. Il n'y a pas de raison de ne pas proroger cette mesure, qui a permis 38 000 embauches compensatrices, dont 38 % ont concerné des jeunes.
On pourrait également citer les conventions de coopération, qui constituent aussi des dispositifs intéressants.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, les négociations sont en cours. Il faut que les partenaires sociaux puissent discuter en toute sérénité eu égard à ce qui nous paraît être l'intérêt majeur de la collectivité.
Je tiens à vous rappeler que l'objectif du Gouvernement, c'est l'emploi, c'est de faire en sorte qu'il y ait le moins de gens au bord du chemin.
Mme Hélène Luc. Le chômage augmente !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Vous avez évoqué certaines situations préoccupantes. Effectivement, il en est, monsieur le sénateur ! Nous avons un devoir de solidarité, que nous exerçons au travers des différents dispositifs que nous mettons en oeuvre, qu'il s'agisse de l'allocation chômage, du RMI ou de l'allocation spéciale de solidarité.
L'objectif prioritaire du Gouvernement est de faire en sorte, je le répète, que toutes les personnes, qui sont aujourd'hui au bord du chemin - jeunes et moins jeunes - retrouvent un emploi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas répondu !
Le Gouvernement peut peser sur les négociations quand il le veut ! Il l'a fait avec les routiers !

PROPOSITIONS
DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Un article récent paru dans un grand quotidien national rapporte les propos qui se sont tenus lors du dernier congrès du syndicat de la magistrature.
Il fait état de propositions destinées à être soumises aux parlementaires et visant, notamment, à modifier le Conseil supérieur de la magistrature, à permettre à ce dernier d'être saisi par tout justiciable, à diminuer le rôle du garde des sceaux, à limiter le pouvoir des procureurs de la République, à placer la police judiciaire sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, bref, à bouleverser l'équilibre des pouvoirs tel qu'il a été instauré par les constituants de la Ve République.
On peut légitimement s'étonner que de telles propositions émanent d'un syndicat censé défendre des intérêts professionnels, donc catégoriels, qui plus est de magistrats dont le rôle est d'appliquer la loi et non de l'élaborer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est scandaleux !
M. Jacques Mahéas. Vous mettez la main sur tout !
M. Michel Doublet. Ces propositions, outre qu'elles n'ont pas lieu d'être en vertu de la séparation des pouvoirs, visent à ériger l'autorité judiciaire en véritable contre-pouvoir.
Enfin, en raison des difficultés que rencontre notre pays pour à la fois lutter contre l'immigration clandestine et favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière sur notre sol, il est regrettable que des magistrats se livrent à une critique systématique des lois votées en la matière par les représentants de la nation et, en général, de notre politique pénale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de votre sentiment sur ce que je n'hésiterai pas à appeler une véritable dérive vers une république des juges ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Doublet de sa question...
M. René Rouquet. La réponse va être douloureuse !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... car il me donne l'occasion de réaffirmer devant vous quelques-uns des principes...
M. René Rouquet. Allez à l'essentiel !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... qui sont inscrits dans notre Constitution et dans nos lois, et qu'il faut effectivement réaffirmer et appliquer. (Exclamations sarcastiques sur les travées socialistes.)
Je tiens tout d'abord à souligner, monsieur le sénateur, que, dans les propositions qui ont été formulées par le syndicat de la magistrature, j'ai relevé une phrase qu'il convient également de citer, si l'on veut être juste : « L'indépendance de la magistrature est non pas un objectif en soi, mais la garantie d'un fonctionnement équitable de l'institution, à l'abri des pressions du pouvoir politique, sans pour autant lui permettre de faire n'importe quoi en toute impunité. »
Voilà des propos tout à fait fondés, équilibrés, auxquels j'apporte toute mon adhésion. (Rires et exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. Vous êtes un contre-exemple !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. En revanche, s'agissant des propositions consistant à reprendre la réforme de 1993 relative au Conseil supérieur de la magistrature, j'ai déjà eu l'occasion de dire à cette tribune que cette réforme était récente et qu'elle avait montré toute son efficacité depuis trois ans. Il convient donc d'en poursuivre la mise en oeuvre.
Avec les membres du Conseil supérieur de la magistrature, avec le Président de la République, qui le préside, en tant que vice-président et garde des sceaux et étant l'artisan de cette réforme, je ne crois pas du tout qu'il faille changer les choses maintenant. En tout cas, il importe de ne pas le faire dans le sens qui est proposé.
Appliquons cette réforme avec bonne foi de part et d'autre ! C'est ce que je souhaite !
Pour ce qui est de la procédure pénale, des relations entre le Gouvernement, le parquet et la police judiciaire, des questions se posent effectivement, monsieur le sénateur. Je suis le premier à avoir lancé une réflexion sur une refonte d'ensemble du code de procédure pénale. Cette refonte est à l'ordre du jour, vous le savez fort bien, car nous ne pouvons plus, aujourd'hui, nous satisfaire d'un code de procédure pénale qui a été « rapetassé » à plusieurs reprises et qui comporte beaucoup d'incohérences et de nombreuses insuffisances.
Un travail de réflexion est engagé ! Mon idée est que le Gouvernement puisse proposer un projet de refonte d'ensemble du code de procédure pénale vers la fin de l'année 1997. (Exclamations dubitatives sur les travées socialistes.) Toutes ces questions seront naturellement évoquées.
Vous connaissez mon interprétation de l'article 36 du code de procédure pénale : je peux enjoindre de poursuivre, je ne peux pas enjoindre de ne pas poursuivre. Je tiens à cette interprétation et je voudrais que tout le monde s'y tienne !
Quant aux magistrats, ils ont pour mission - mais tout le monde en est persuadé, me semble-t-il, y compris ceux qui siègent à gauche dans cet hémicycle - d'appliquer la loi et non pas de la faire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SUSPENSION DE LA PRIVATISATION
DU GROUPE THOMSON

M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Très impressionné, voilà quinze jours, par la ferme détermination du « non » catégorique et répété, en réponse à la question posée par ma collègue Mme Bergé-Lavigne sur le retrait éventuel du projet de privatisation de Thomson, je souhaitais vous questionner aujourd'hui sur l'état d'avancement du processus. (Rires sur les travées socialistes.) Depuis hier, je sais où il en est : il est en panne !
Reconnaissez, monsieur le Premier ministre, que je manque de chance : chaque fois que je me dispose à poser une question sur un projet gouvernemental, il est retiré ou suspendu la veille ou l'avant-veille. (Rires sur les mêmes travées.)
C'était vrai voilà à peine quelques jours pour la SNCF ; c'est vrai aujourd'hui pour Thomson et je vais finir par passer pour l'homme des questions sur les projets avortés. (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Certes, nous nous félicitons du résultat de cette reculade, profondément convaincus que nous sommes que Thomson constitue l'un des fleurons du patrimoine technologique de la France qui méritait autre chose qu'un démantèlement et un bradage pour le franc symbolique.
D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à être ainsi, sinon satisfaits, tout au moins soulagés de ce retrait. En effet, outre les personnels de l'entreprise et leurs syndicats, nombre de députés de la majorité se sont empressés de déclarer que ce retrait était une bonne chose, sous-entendant ainsi qu'il leur paraissait urgent d'attendre.
Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : puisque nous voici aujourd'hui revenus pratiquement à la case départ, ne pensez-vous pas qu'il serait plus sage et plus porteur pour l'avenir de la France et pour sa place en Europe et dans le monde d'en rester là, et de transformer cette suspension, que vous dites, hélas ! provisoire, en un retrait définitif ? (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, il semble qu'il y ait chez vous quelque nostalgie de l'Etat actionnaire !
M. Jacques Mahéas. Ça commence bien !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Si le groupe Thomson est aujourd'hui confronté aux difficultés qu'il connaît, c'est parce que l'Etat n'a pas été en mesure d'assumer ses responsabilités !
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Qui peut affirmer ici que les contribuables français auraient pour vocation de mettre ainsi régulièrement la main à la poche pour combler les déficits des entreprises publiques ? Cela ne peut pas durer ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. René Rouquet. Ce n'est pas possible !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé, au mois de février dernier, de lancer la privatisation du groupe Thomson.
Il l'a fait dans une parfaite transparence.
Pendant six mois, le président de Thomson a pris tous les contacts avec des groupes susceptibles de se porter candidats à la reprise du groupe. Au terme de ses investigations, il a fait connaître ses propositions au Gouvernement, et c'est sur cette base que, le 2 août, la procédure de privatisation a été lancée.
Le 16 septembre, deux candidats se sont fait connaître : Alcatel Alsthom, d'une part, le groupe Lagardère, Matra, d'autre part.
Pendant un mois, le ministre de la défense, le ministre de l'industrie et moi-même, auprès du Premier ministre, avons recherché la réponse la plus adaptée...
M. Jacques Mahéas. Vous avez pataugé !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... aux préoccupations de ce groupe et aux intérêts de la France, notamment en termes d'industrie et de défense. (Protestations sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement a fait un choix préférentiel...
M. Jacques Mahéas. Hélas !
M. Gérard Delfau. Vous l'avez dit : un choix « préférentiel » !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et il l'a rendu public parce que les trois sociétés concernées sont cotées en bourse.
M. René Rouquet. Elles sont au RPR !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il y avait donc un risque de délit d'initié.
Au surplus, nous devions consulter les autorités européennes, puisqu'il s'agissait, préalablement à la privatisation,...
M. Guy Fischer. Pour 1 franc symbolique !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... de procéder à une recapitalisation avec des fonds publics.
M. Bernard Piras. Il fallait le faire avant !
M. René Rouquet. Vous n'êtes soutenus par personne, même pas par la droite !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est pour cette raison que le choix préférentiel du Gouvernement en faveur de Lagardère associé au groupe sud-coréen Daewoo Electronics a été rendu public.
M. René Rouquet. C'est laborieux !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. La commission de la privatisation vient de faire connaître son avis et, dans un souci de transparence,...
M. René Rouquet. Il ne manque pas d'air !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... celui-ci a été publié par le Gouvernement ce matin même au Journal officiel .
Monsieur le sénateur, vous constaterez que la procédure a été régulière. Vous constaterez que l'évaluation n'est pas remise en cause...
Mme Hélène Luc. Un franc symbolique, c'est bien ?
M. Claude Estier. Votre projet a tout de même été retoqué !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et que le choix du Gouvernement, en termes de défense, n'est pas contesté.
C'est sur les modalités de l'accord entre Lagardère et Daewoo Electronics que la commission de la privatisation a cru devoir exprimer une réserve, et donc ne pas donner un avis conforme au choix préférentiel du Gouvernement.
M. Paul Raoult. C'est scandaleux !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous en tirons les conséquences immédiatement.
M. Claude Estier. Bien mal !
M. René Rouquet. On va en reparler !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Cette procédure de privatisation...
M. Paul Raoult. De bradage !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... est suspendue, mais, pour une fois, monsieur le sénateur, vous aurez posé une question par rapport à une privatisation qui s'engage. (Exclamations sur les travées socialistes.) En effet, le Gouvernement entend bien mener cette privatisation à son terme.
M. Paul Raoult. Vous bradez la France !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Dans les jours à venir, nous ferons connaître les modalités. Il s'agit de l'avenir de ce groupe : des hommes, des femmes, des chercheurs, des salariés dans leur atelier sont aujourd'hui impatients de connaître les nouveaux actionnaires pour que soit définie une stratégie.
Mme Hélène Luc. Les personnels de Thomson sont sur la route pour demander à être reçus par le Premier ministre !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Enfin, je voudrais dire que ceux qui se sont portés candidats n'ont en aucune façon démérité ; leurs qualités professionnelles ne sont pas en cause ; ce sont des modalités de transfert qui ont été critiquées par la commission de la privatisation.
M. Paul Raoult. Ce n'est pas avec de tels raisonnement que l'on peut résoudre les problèmes !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est déterminé à mettre en oeuvre la privatisation du groupe Thomson ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult. C'est du bradage !
M. René Rouquet. Tout le monde n'applaudit pas !

CONTINGENTS COMMUNAUX D'AIDE SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Le système de calcul des contingents communaux, qui s'appuie sur un dispositif règlementaire que la Cour des comptes a qualifié récémment d'« archaïque et de complexe », génère des écarts parfois inexplicables entre nos collectivités.
La participation globale des communes aux dépenses d'aide sociale et de santé des départements, qui s'élève à 10,2 milliards de francs, est fondée sur leur contribution de l'année précédente et augmente, au maximun, comme les dépenses d'aide sociale et de santé du département.
Or, à l'heure où les budgets communaux et départementaux sont de plus en plus difficiles à maîtriser, cette contribution financière des communes génère un sentiment d'injustice entre collectivités territoriales. De plus, de nombreux maires en ignorent encore l'assiette de calcul, et la création d'une grille de lecture pourrait améliorer la communication entre ces collectivités, tout en favorisant une meilleure transparence.
Comme l'avait envisagé le Premier ministre, M. Alain Juppé, à l'automne dernier, lors de l'assemblée générale des grandes villes de France, ne serait-il pas souhaitable et urgent de réformer maintenant les modalités de calcul précitées, versées par les villes aux départements, sous forme de projet de loi ? Cette modification donnerait une bouffée d'oxygène certaine à de nombreuses villes en compensant la suppression de la DGE.
Il faut ajouter au manque de clarté du présent système, la critique faite à certains départements d'inclure dans l'assiette du contingent d'aide sociale des dépenses facultatives non soumises à contingent, qui pèsent encore davantage sur les dépenses des grandes villes. Or, les communes rurales ne doivent participer qu'aux dépenses obligatoires d'aide sociale et de santé, telles qu'elles sont fixées par l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983 ; il est à espérer que la réforme comptable des départements, actuellement en cours, permette à court terme de distinguer plus aisément ces deux types de dépenses.
Sachant que des concertations avec les associations concernées sont en cours, vers quelle option s'oriente votre ministère ? Se prépare-t-il à aménager clairement le système de répartition actuel, par le biais de la refonte du décret n° 87-1146 du 31 décembre 1987, ou bien envisage-t-il de supprimer purement et simplement le contingent dans la perspective de l'élaboration de la prochaine loi relative à la clarification des compétences ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de souligner l'importance grandissante des contingents d'aide sociale dans les budgets des communes, qui suit, bien entendu, l'augmentation des charges d'aide sociale des départements. Vous avez également eu raison de souligner - et c'est plus spécifique - la disparité des dispositifs d'un département à l'autre, ce qui entraîne, pour un certain nombre de villes - et l'association des grandes villes de France s'en était émue - des situations tout à fait difficiles.
Sur instruction du Premier ministre, nous avons d'abord procédé à une analyse exhaustive de la situation - analyse qui n'existait pas - par l'intermédiaire des préfets. Nous avons ainsi pu établir une cartographie précise des dispositifs, qui sont très divers selon les départements.
A partir de là, nous avons procédé à un certain nombre de simulations sur un dispositif qui, tout en étant le même partout, pourrait légèrement varier afin de tenir compte, en particulier, du nombre de personnes prises en charge.
J'ai transmis ces simulations, à travers un groupe de travail que nous avons mis en place et dans lequel sont représentées, en particulier, l'association des maires de France et l'association des présidents de conseils généraux. Je ne dispose pas aujourd'hui des réactions de ces associations ; je veillerai à réunir le plus vite possible ce groupe de travail pour que les associations d'élus puissent me donner leur opinion sur ces simulations.
La seule observation que je pourrais formuler porterait sur l'effet assez massif des différentes modifications qui pourraient être introduites.
Nous devons donc être très attentifs aux conséquences de tout déplacement important de charges financières de certaines collectivités vers d'autres. C'est la raison pour laquelle je proposerai que nous poursuivions la concertation sur ce sujet, étant entendu que, de toute manière, il relève du domaine législatif et que rien ne sera fait sans la présentation d'un projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

MESURES CONTRE LA MALADIE DE LA « VACHE FOLLE »

M. le président. La parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Nous avons appris que le comité vétérinaire permanent de l'Union européenne avait rejeté avant-hier les propositions de la Commission européenne visant, notamment, à interdire totalement l'utilisation de tissus à risques de bovins, caprins et ovins dans le cadre de la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme et à renforcer le contrôle dans les abattoirs. Cette interdiction concernerait certains abats provenant de la tête des animaux, utilisés pour la consommation humaine et dans les farines animales.
En effet, en dépit des impératifs sanitaires et des menaces encore mal précisées de contamination, seules la France et la Grande-Bretagne ont voté en faveur de l'instauration de ces mesures sanitaires préventives.
La France est d'ailleurs en pointe dans la lutte contre la maladie dite de la « vache folle », car elle a déjà pris des mesures très strictes pour protéger les consommateurs français. Une harmonisation s'avère désormais indispensable pour préserver la santé des Européens et pour que tous les éleveurs de l'Union européenne soient soumis à la même réglementation.
Monsieur le ministre, je sais que vous défendez à Bruxelles les impératifs de santé publique, tout comme vous avez défendu les intérêts des éleveurs touchés par la crise bovine lors de la discussion, en novembre, du plan bovin européen.
Pensez-vous que la situation évoluera de manière positive lors de l'examen, les 16 et 17 décembre prochain, de la proposition de la Commission européenne pour le Conseil des ministres de l'agriculture, et que la France pourra convaincre ses partenaires de mieux prendre en considération la santé des Européens ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Gouvernement a toujours agi, depuis le début de cette crise, en se fixant pour priorité absolue de protéger la santé du consommateur, et c'est pourquoi nous avons tenu à nous entourer à tout moment de conseils, nous avons notamment, à la demande du Premier ministre, créé un comité scientifique pluridisciplinaire présidé par le professeur Dominique Dormont, dont l'autorité est unanimement reconnue.
En toutes circonstances, nous avons suivi les recommandations de ce comité scientifique, c'est ce que nous avons fait notamment à la fin du mois de juin dernier.
Nous avons ensuite transmis les avis de nos experts à l'échelon européen, en préconisant qu'on les examine et qu'on s'y conforme. Le comité scientifique vétérinaire, qui est, j'y insiste, une autorité scientifique, a rendu un avis qui est assez voisin du nôtre, et la Commission européenne a élaboré une proposition qui, même si elle n'est pas encore parfaite, va dans le même sens.
Or, un certain nombre d'Etats membres ont refusé de mettre en oeuvre ces principes de précaution au motif qu'ils ne devraient s'appliquer que dans les pays dans lesquels ont été constatés des cas d'encéphalopathie spongiforme bovine. La belle affaire !
Monsieur le sénateur, je vais dire les choses carrément et franchement : la France a un système d'épidémio-surveillance sans équivalent en Europe et dans le monde, et si jamais des constats ne sont pas faits par ailleurs, je suis fondé à m'interroger sur le dispositif de surveillance tel qu'il fonctionne dans un certain nombre de pays. Il faut que ces choses-là soient dites !
MM. Paul Blanc et Gérard César. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Par ailleurs, puisque le principe de libre circulation régit l'ensemble des marchés au sein de l'Union européenne, il est tout à fait légitime que les mêmes règles sanitaires s'appliquent sur la totalité du territoire européen.
M. Charles Revet. Ce qui n'est pas le cas !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Aussi, je me félicite que le commissaire européen, M. Fischler, veuille aller plus loin encore et entende proposer au conseil des ministres européens de l'agriculture de se prononcer sur cette grave affaire.
Vous pouvez compter sur ma ferme détermination pour appuyer les propositions du commissaire européen. Il y va de la santé des consommateurs des autres pays d'Europe.
Pour ce qui nous concerne, nous avons pris les précautions nécessaires, et ce dans l'intérêt des consommateurs des autres pays européens. Il serait donc important d'étendre ces précautions à l'ensemble du territoire de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉFORME DE L'ASSURANCE CHÔMAGE

M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse, en l'absence du ministre du travail et des affaires sociales et eu égard à l'importance du problème soulevé, à M. le Premier ministre.
Notre pays compte, monsieur le Premier ministre, 3 100 800 chômeurs selon la méthode de calcul restrictive adoptée par votre gouvernement en août 1995, 3 228 000 selon la définition du Bureau international du travail et 3 450 600 si l'on tient compte, comme on devrait le faire, des 350 700 personnes qui sont inscrites à l'Agence nationale pour l'emploi et qui ont travaillé plus de soixante-dix-huit heures dans le mois.
M. Josselin de Rohan. C'est votre héritage !
M. Henri Weber. Mais quel que soit le mode de calcul retenu, le chômage, nous le savons bien, a fortement augmenté au cours de l'année écoulée puisque son taux de progression se situe entre 5,3 et 6,8 %, selon les modes de calcul.
M. Jacques Mahéas. C'est dramatique !
M. Henri Weber. Or, ces chômeurs toujours plus nombreux sont de plus en plus mal indemnisés. Parmi les chômeurs indemnisés qui touchent en effet moins de 3 000 francs par mois et 82 %, la moitié touchent moins de 5 000 francs par mois. Enfin, 43 % des demandeurs d'emploi ne reçoivent aucune allocation et, parmi eux, 550 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans et de nombreuses femmes.
Dans le même temps, comme l'a rappelé M. Fischer, l'UNEDIC va dégager cette année un excédent de 11 milliards de francs, du fait de l'application de l'allocation unique dégressive, qui réduit de 17 % tous les quatre mois le montant de l'indemnisation, et du durcissement des conditions d'entrée dans le système de l'assurance chômage.
Cet excédent considérable, le CNPF souhaite l'utiliser principalement pour réduire les cotisations patronales à l'UNEDIC.
M. Jacques Mahéas. Tu parles !
M. Henri Weber. Les syndicats exigent au contraire, à juste titre, qu'il serve à mieux indemniser les chômeurs et à aider la création d'emplois.
En cas d'échec de la négociation en cours, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, il reviendra à l'Etat de traiter ce dossier,...
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Henri Weber. ... qui le concerne au premier chef.
Que comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre, pour réformer notre système d'assurance chômage, qui, du fait de l'essor du travail précaire, laisse de plus en plus de personnes démunies face aux licenciements et au manque d'emplois ? Que comptez-vous faire pour inciter le CNPF à tenir compte des revendications légitimes des demandeurs d'emploi et de l'intérêt de notre économie nationale ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
M. Jacques Mahéas. Cela n'intéresse pas le Premier ministre ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, je suis un peu désolée mais c'est une femme, ministre délégué pour l'emploi, qui va répondre à votre question. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. Quel luxe de précaution !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Comme votre question était posée à M. Barrot, je vais vous apporter la réponse que M. Barrot aurait pu vous faire, à savoir que, quand le chômage augmente, c'est la faute du Gouvernement, et quand le chômage baisse, c'est la faute des chiffres ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. René Rouquet. Ne vous énervez pas !
M. Jacques Mahéas. On ne vous a pas agressée !
M. Bernard Piras. Du calme !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. La période actuelle nécessite un traitement un peu plus sérieux des problèmes !
Le Gouvernement, depuis son installation, voilà dix-huit mois, s'est donné comme priorité la lutte pour l'emploi.
M. Jacques Mahéas. C'est raté !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Aujourd'hui, des négociations se déroulent au sein de l'UNEDIC. J'ai déjà répondu à M. Fischer tout à l'heure...
Mme Hélène Luc. Non, vous n'avez pas répondu à M. Fischer !
M. René Rouquet. Vous lui avez bien mal répondu !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. ... que si l'UNEDIC, qui est entre les mains des partenaires sociaux, présente actuellement une situation excédentaire, c'est notamment parce que l'Etat, entre 1993 et 1995, a subventionné cet organisme, pour un montant total de 20 milliards de francs. En 1995, il a repris une partie de sa dette, soit 10 milliards de francs.
Il est donc tout à fait injuste de vouloir faire croire que les pouvoirs publics n'apportent pas leur concours aux chômeurs indemnisés.
S'agissant des autres chômeurs, je rappellerai que la collectivité nationale verse l'allocation spécifique de solidarité à quelque 500 000 chômeurs, pour un total de 7 milliards de francs, ainsi que le RMI, qui représente 22 milliards de francs.
Cela n'exclut pas, bien évidemment, comme je le disais tout à l'heure à M. Fischer, certaines situations préoccupantes.
En ce qui concerne les chômeurs isolés et les jeunes, notre priorité est qu'ils retrouvent un emploi nous faisons donc en sorte que tous les partenariats se mobilisent, notamment en direction des jeunes, et le Gouvernement, pour sa part, assume sa responsabilité.
L'Etat doit-il intervenir aujourd'hui dans la négociation entre les partenaires sociaux ? Non, monsieur le sénateur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas la question !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Nous pouvons, à mon avis, faire confiance à la capacité de négociation des partenaires sociaux, qu'il s'agisse du cadre patronal ou du cadre salarié. Ils ont en effet su faire preuve de responsabilité. Je pense donc que le Gouvernement peut avoir confiance dans leur capacité à apporter des solutions, voire des ajustements par rapport aux dispositifs existants.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, laissons les partenaires sociaux discuter.
M. Bernard Piras. Et après ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Il sera temps pour le Gouvernement d'intervenir par la suite si cela se révélait nécessaire. Mais, je le répète, ces représentants ont été capables de prendre leurs responsabilités dans des périodes difficiles. Il faut donc leur laisser le soin de négocier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certains bancs du RDSE.)
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Piras. Ce n'est pas la question !

ACTIONS EN FAVEUR DES PME

M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.
Voilà un an, M. Alain Juppé, Premier ministre, présentait à Bordeaux un « plan PME pour la France ».
Ce plan s'inscrivait dans l'action de réforme profonde souhaitée par le Président de la République et mise en oeuvre par le gouvernement auquel vous appartenez.
La politique gouvernementale s'est ainsi résolument tournée vers les PME qui sont aujourd'hui les plus créatrices de richesses et d'emplois : en effet, sept salariés sur dix travaillent dans une PME.
Les mesures s'articulaient autour de quatre objectifs : renforcer les droits et simplifier les obligations des entreprises, assurer un nouveau dialogue « banque-PME », permettre la conquête de nouveaux marchés et, enfin, rééquilibrer le paysage commercial en faveur des PME.
A ce jour, le Parlement a voté plusieurs textes. Sans les énumérer tous, je citerai les lois sur l'apprentissage, sur la concurrence, sur la transmission d'entreprises ou sur le commerce et l'artisanat.
Pourtant, toutes ces réformes structurelles ne semblent pas répondre totalement aux attentes immédiates des PME, et beaucoup de chefs d'entreprise n'en perçoivent pas encore tous les résultats.
Même si certains reconnaissent objectivement la baisse très intéressante des taux d'intérêt et la diminution légère des charges, ...
M. Jacques Mahéas. L'augmentation des charges !
M. Gérard César. ... ils affirment être encore concurrencés par le travail au noir et confrontés à des formalités administratives lourdes et complexes, ainsi qu'à des interlocuteurs avec lesquels le dialogue est parfois difficile. En outre, ils attendent toujours la simplification du bulletin de salaire, déjà réalisée en Allemagne.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer d'autres mesures en faveur de la création d'entreprises. Pouvez-vous nous en préciser les points essentiels ? De même, un an après la mise en place du « plan PME pour la France », pouvez-vous en dresser un premier bilan ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, les PME souhaitent effectivement pouvoir retrouver le chemin de la croissance. Nous avons besoin d'elles pour mener une politique dynamique de l'emploi, et elles sont mobilisées à cet égard. En effet, contrairement à ce que l'on nous avait dit, l'emploi résulte non pas des grandes entreprises mais des PME,...
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ... véritables cellules d'oxygène sur l'ensemble de notre territoire.
Nous avons besoin d'un tissu dynamique. C'est la raison pour laquelle il fallait faire des réformes structurelles profondes ; vous les avez citées : une loi sur la concurrence, contre les prix anormalement bas, contre la vente à pertes ; une loi relative à l'urbanisme, contre l'excès des grandes surfaces et des hypermarchés ; une loi relative à la transmission d'entreprises, pour alléger les droits ; une loi relative à l'apprentissage ; une loi sur l'ensemble des dispositifs sociaux, et notamment un allégement des charges. Certes, on peut toujours faire plus en matière d'allégement des charges.
M. Jacques Mahéas. L'augmentation des charges !
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Néanmoins, compte tenu des déficits que nous avons à gérer, nous avons fait un pas considérable.
Mme Joëlle Dusseau. C'est l'héritage Balladur !
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Aujourd'hui, sur un SMIC d'un montant un peu supérieur à 6 400 francs, l'allégement des charges s'élève à 1 100 francs, soit 13 % du coût du travail ! Cela commence à devenir significatif.
A cela, il faut ajouter des décisions importantes qui ont déjà été prises : je pense notamment à la mise en place de la banque de développement des PME, qui peut déjà fonctionner grâce à la présidence commune entre le CEPME et la SOFARIS.
Nous travaillons sur d'autres chantiers importants, telle la réforme des marchés publics.
Tout cela fait certes beaucoup de textes et de décisions, dans lesquels les entreprises ont parfois du mal à se retrouver.
C'est la raison pour laquelle nous venons d'éditer à deux millions d'exemplaires un document simple, sans propagande, qui comporte des réponses concrètes aux préoccupations des petites et moyennes entreprises. (M. le ministre montre au Sénat un petit opuscule.)
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, à la fin de votre question, la simplification. Nous avons déjà franchi un certain nombre d'étapes importantes : la déclaration unique d'embauche, la déclaration sociale unique, le contrat d'apprentissage unique.
Nous travaillons à la simplification de la fiche de paie, mais le sujet est complexe : vingt contributions différentes et huit cotisations distinctes.
M. Turbot a été chargé d'une mission à cet égard par M. Jacques Barrot ; il doit rendre ses propositions sur ce sujet le 13 décembre prochain. Nous voulons atteindre l'objectif fixé par M. le Premier ministre, à savoir, au minimum, la division par deux, au cours de l'année 1997, du nombre de lignes figurant sur la fiche de paie.
M. Jacques Mahéas. C'est une grande réforme !
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Nous sommes engagés dans ce combat pour les petites et moyennes entreprises, qui est, en fait, le combat pour l'emploi. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre contribution dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

ENCOURAGEMENT À L'INTERCOMMUNALITÉ

M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Alors que de nombreux départements s'engagent dans la voie d'une intercommunalité renforcée, en créant de plus en plus de communautés de communes - nous pouvons d'ailleurs nous en réjouir, puisque tel était notre souhait - nous constatons encore une certaine ambiguïté des dispositions applicables à cet égard. Un rapport très dense a d'ailleurs fait apparaître des difficultés d'application.
Ma question est donc la suivante : où en est l'élaboration d'un texte visant à corriger les imperfections des dispositions concernant l'intercommunalité ?
En outre, j'aimerais savoir si le Gouvernement souhaite, à l'occasion de l'élaboration de ce texte, donner plus de poids aux « pays », dénués de valeur juridique, afin de leur faire préfigurer autre chose que nos actuelles communautés de communes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez indiqué, le rapport faisant le point de l'application de la loi de 1992 est pratiquement achevé. Le prérapport que vous avez évoqué a été largement distribué, en particulier au Parlement.
Depuis, nous avons tenu toute une série de réunions de travail avec, d'une part, les associations et, d'autre part, un certain nombre de commissions, dont quelques commissions sénatoriales. Le rapport définitif est en cours de rédaction.
En même temps, j'ai avancé dans la préparation d'un texte législatif qui aurait deux objectifs.
Le premier objectif, c'est la simplification, ce qui répond à votre préoccupation. Je crois que l'intercommunalité, qui est parfois difficile à comprendre, même pour les élus ayant déjà beaucoup d'expérience, est devenue totalement illisible pour nos concitoyens. Il faut donc réduire et simplifier les dispositions institutionnelles pour permettre à la démocratie locale de rester intelligible pour les Françaises et les Français.
Le deuxième objectif que nous poursuivons et sur lequel nous avons beaucoup dialogué, est l'amélioration des dispositifs fiscaux, notamment pour surmonter un certain nombre d'obstacles à la mise en place de taxes professionnelles d'agglomération. Celles-ci resteraient un libre choix et ne seraient nullement imposées aux structures intercommunales. Aujourd'hui, cependant, un certain nombre de dispositifs techniques freinent le cheminement vers ce type de fiscalité, qui a pour avantage principal d'assurer une solidarité durable entre les communes faisant ce choix en commun.
Vous avez enfin évoqué la question des « pays ». Ce concept est un concept d'aménagement du territoire et non pas une institution. Ce sont deux choses différentes.
M. Christian Bonnet. Ouf !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Mon collègue Jean-Claude Gaudin a eu l'occasion à plusieurs reprises de vous le dire.
Le « pays » est une réalité géographique et économique autour de laquelle peuvent se conjuguer un certain nombre d'actions des pouvoirs publics. Ce n'est pas un objectif à caractère institutionnel, ce qui ne doit pas empêcher des communautés de communes de se construire en fonction de la carte des « pays ». Mais c'est une démarche volontaire, une démarche de liberté.
Je souhaite bien insister sur la différence existant entre un certain nombre de mécanismes institutionnels et un concept d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

5

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture, pêche et alimentation (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture, la pêche et l'alimentation.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice du débat budgétaire, surtout quand il se place dans un cadre volontairement contraint, pourrait paraître décevant, en particulier lorsqu'il s'agit des crédits de l'agriculture.
Les marges de manoeuvre sont étroites, et l'on pourrait avoir le sentiment que les leviers sont ailleurs, à Bruxelles ou dans la fiscalité.
La place prépondérante de la politique agricole commune doit justement conduire à relativiser quelque peu l'examen de ce projet de budget pour 1997 : les retours communautaires, qui ont atteint 61 milliards de francs en 1995, constituent la majeure partie des concours publics à l'agriculture productive.
Votre présence à Bruxelles, monsieur le ministre, où vous savez vous montrer déterminé et pugnace, comme en atteste le combat victorieux que vous avez mené dans la crise de la vache folle, est donc extrêmement importante.
Avec un total de 35,22 milliards de francs, le budget du ministère de l'agriculture pour 1997 enregistre une légère diminution de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, il s'élève à 27,37 milliards, de francs, soit une baisse de 3,9 % ou de 1,1 milliard de francs en volume de crédits.
On peut évidemment regretter certaines suppressions de crédits, constater la très grande pesanteur des dépenses de fonctionnement ou des prélèvements forcés qui obère la capacité d'accompagnement économique de l'agriculture.
Mais il n'est pas de budget idéal, c'est-à-dire suffisant pour satisfaire toutes les demandes.
Celui-ci a le mérite de s'inscrire dans l'objectif de stabilité des dépenses de l'Etat, tout en respectant globalement les engagements pris lors de la conférence annuelle agricole et à l'occasion de la signature de la charte nationale de l'installation.
Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, les députés ont déjà amélioré le projet gouvernemental en abondant les crédits relatifs à la préretraite, à hauteur de 50 millions de francs, à la prime d'orientation agricole, à hauteur de 20 millions de francs, et en dotant le Fonds de gestion de l'espace rural de 100 millions de francs.
Néanmoins, il reste des points sur lesquels je souhaiterais présenter des observations.
Le premier point concerne le soutien à l'installation des jeunes, enjeu majeur pour le monde agricole.
Les crédits correspondent pour l'essentiel à la politique engagée, mais, dans un contexte de reprise des installations, il faudra veiller à conforter, dans les années à venir, les efforts en faveur du Fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales et de la dotation aux jeunes agriculteurs.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur la cohérence de la réduction des crédits destinés aux opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, avec la priorité affichée pour l'installation. Ces derniers passent de 71,1 millions de francs en 1996 à 45,2 millions de francs, accusant ainsi une diminution de 37 %.
Or les OGAF sont l'occasion d'actions de restructuration profonde, qui facilitent et orientent la transmission des exploitations, ainsi que d'expériences innovantes, notamment en matière d'installation.
Cette nouvelle baisse pourrait remettre en cause l'émergence et la valorisation d'actions dont l'intérêt n'est plus à démontrer : les fermes relais, le fonds d'avance au fermage, les contrats de préinstallation, autant d'expériences nées dans le cadre des OGAF.
Enfin, l'atténuation du coût de la transmission des exploitations reste un dossier ouvert.
Le deuxième point que je souhaite développer constitue un autre enjeu important pour l'agriculture et répond à une demande sociale forte : il s'agit de la valorisation de l'espace rural.
Chacun s'accorde, en effet, à reconnaître que l'agriculture n'a plus pour seule mission de nourrir les hommes, mais de préserver les richesses naturelles, qu'il s'agisse de la qualité de l'eau, de la structuration des paysages, du maintien de la biodiversité ou de l'ouverture au public, et d'occuper le territoire en contribuant au développement rural.
Ici, les dotations prévues pour la gestion de l'espace et l'environnement ne sont pas à la hauteur de cet enjeu.
Je me féilicite de voir que le Fonds de gestion de l'équipement rural a été recadré dans une vocation exclusivement agricole et redoté de moyens, en première lecture, à l'Assemblée nationale.
En revanche, la décision d'abaisser de 57 % les crédits prévus au titre des mesures agri-envrironnementales ne permettra d'engager aucune action nouvelle pour 1997. S'il est vrai que les crédits n'ont été que partiellement consommés les années précédentes, il n'en reste pas moins qu'une dynamique est née, à laquelle les agriculteurs adhèrent aujourd'hui. Il serait important, dans l'avenir, de ne pas la décourager.
Pour ce qui concerne les crédits de mise aux normes des bâtiments d'élevage, les besoins de financement sont devenus tels, si l'on en juge la nouvelle estimation de l'INRA, et les retards dans la mise en oeuvre du programme se sont tant accumulés que l'on voit mal comment les moyens dont on s'est doté pourront permettre d'atteindre cet objectif avant des décennies. C'est la crédibilité d'un dispositif qui est en jeu alors que les éleveurs se sont massivement engagés dans ce progamme !
Enfin, j'en viens au troisième point qui doit faire la force de notre agriculture et lui donner confiance en elle-même : la valorisation de la production.
Cette politique a fait l'objet d'une priorité réaffirmée dans le projet de budget pour 1997 : les crédits consacrés aux contrôles et à la santé animale ainsi qu'à la maîtrise de la qualité des produits sont globalement reconduits. En outre, les moyens de la politique agroalimentaire, par le biais de la POA, ont été rehaussés de 20 millions de francs en première lecture à l'Assemblée nationale.
Cela sera-t-il suffisant, notamment en matière d'identification des bovins, compte tenu de l'enjeu pour l'élevage français dans la situation actuelle liée à la crise de l'ESB ?
Il y a aussi du travail en dehors des étables pour rassurer le consommateur échaudé ! Comment renforcer la traçabilité des produits de la ferme à l'assiette ? La transparence de l'information au consommateur est aujourd'hui un élément incontournable de la reconquête du marché.
La volonté de qualité et de fiabilité, le développement et la promotion des garanties officielles de qualité et d'origine doivent être accompagnés d'un réel effort budgétaire et d'une meilleure mobilisation des crédits des offices.
Malheureusement, le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'aborder tous les sujets. Mon collègue Bernard Joly a traité d'autres domaines, en particulier celui des retraites, qui me tient à coeur. A ce propos, je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier des propositions qui ont été formulées ce matin en réponse aux préoccupations évoquées par mon collègue, et cela sans charges supplémentaires.
Je terminerai en évoquant d'un mot le développement rural et l'enseignement privé agricole.
Les campagnes ne doivent pas devenir la cour de récréation des villes. C'est bien une dynamique pour un milieu qui a son identité propre que nous devons instaurer : nous voulons une campagne vivante.
Mais faire de la campagne un espace viable pour tous ses habitants exige que soient mises en place des activités diversifiées : installation de PME, maintien et implantation de services publics en matière d'enseignement, de santé ou de poste - par exemple, Itinéris devrait être accessible à tous, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - réalisation ou entretien d'infrastructures de communication et de transport.
Nous devons veiller à ce que les crédits correspondants soient ouverts.
Pour ce qui concerne, enfin, le développement des établissements privés d'enseignement agricole, je m'inquiète de la limitation de la croissance des effectifs, qui devrait porter, semble-t-il, sur plusieurs années.
Cela paraît d'autant plus regrettable que René Rémond et Roger Fauroux ont souligné récemment la qualité et les bons résultats de cet enseignement, qui pourrait pourtant être remis en cause.
Pour l'heure, ce budget de l'agriculture répond à peu près globalement aux exigences de la situation, mais la loi d'orientation est très attendue. Monsieur le ministre, mes ches collègues, nous ne devons pas décevoir les agriculteurs, qui comptent sur nous. En tout état de cause, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Grandon.
M. Jean Grandon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des orateurs ont déjà exposé en détail - et bien d'autres le feront sans doute après moi - l'évolution des crédits du ministère de l'agriculture.
Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais d'abord vous dire que le projet de budget qui nous est présenté s'inscrit dans un objectif d'ensemble que nous partageons tous : il s'agit de répondre le plus souvent et le mieux possible aux problèmes de fond que rencontre notre agriculture.
Pour l'essentiel, d'ailleurs, ce budget reflète les décisions prises lors de la conférence annuelle agricole et de la signature de la charte d'installation.
Il ne résout pas pour autant toutes les préoccupations. Ce serait illusoire de le croire et de vous le faire croire, monsieur le ministre. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement ?
Je reviendrai donc brièvement sur deux ou trois aspects qui, à mon sens, représentent la force et les enjeux de l'agriculture de demain.
J'évoquerai d'abord le problème de l'installation, dont la finalité est bien d'assurer la pérennité de notre tissu agricole.
Si les crédits prévus pour la dotation aux jeunes agriculteurs nous paraissent satisfaisants, si les moyens prévus au titre du FIDIL semblent, pour la première année de mise en place de cet outil, conformes à vos engagements, ils ne doivent pas être considérés sur le plan budgétaire comme un seuil plafond. Ils auront nécessairement à être abondés dans les années qui viennent si l'on veut que les actions de soutien à l'installation des jeunes s'inscrivent dans un objectif politique fort.
Un objectif politique fort, si l'on veut assurer, à terme, notre présence, notre compétitivité sur les marchés mondiaux et à l'intérieur de nos frontières, cela passe par un aménagement équilibré du territoire, la création d'emplois en milieu rural, et donc la valorisation de notre espace rural.
Mais, alors que nous dessinons les contours de l'agriculture souhaitée pour demain, comment ne pas évoquer celles et ceux qui ont exercé la profession et qui ont le sentiment d'être oubliés de tous ? Je veux parler de la retraite des agriculteurs et du niveau de ses prestations, notoirement insatisfaisant.
Chacun comprend qu'en pareil cas les attentes légitimes des uns ne correspondent pas aux contraintes financières du budget de l'Etat !
Chacun sait aussi que des efforts de rationalisation ont été menés par le ministère de l'agriculture dans ce domaine au cours des deux ou trois années écoulées.
En attestent l'exécution et la constante amélioration du budget annexe des prestations sociales agricoles depuis 1994, ainsi que les chiffres connus de 1996 : les dépenses seraient en léger retrait par rapport aux prévisions initiales, avec des recettes pratiquement stables.
Des progrès ont été réalisés. Ils existent avec, par exemple, l'augmentation des points acquis, qui profitera aux futurs retraités agricoles.
Mais que dire des autres, de la génération d'agriculteurs qui sont déjà en retraite et auxquels on oppose la modestie de leur cotisation pour justifier la faiblesse de leur allocation ? Nous avons envers eux un devoir de solidarité !
J'aborderai enfin, monsieur le ministre, le volet de l'hygiène et de la qualité alimentaires : votre projet de budget révèle l'importance et la priorité que vous entendez lui accorder.
La lutte contre les maladies des animaux, la promotion et le contrôle de la qualité sont érigés en principes et les crédits à cette fin confortés.
Qui se serait douté, il y a un an, à la même époque, que la France - et pas seulement elle - serait secouée par la crise de l'ESB ?
En frappant le secteur de la viande bovine, la maladie dite de la « vache folle » a généré des comportements différents chez le consommateur, qui entend maintenant connaître l'origine et le mode de fabrication de ce qu'il achète.
Elle a par ailleurs atteint de plein fouet l'une de nos grandes filières agricoles : la production bovine. Quelles garanties pouvons-nous apporter aux éleveurs afin de les aider à passer cette période difficile ?
Elle a, en outre, posé le problème de la fabrication des farines pour l'alimentation animale et, partant, du service de l'équarrissage.
En proposant de créer un service public déconcentré, en prévoyant de ne pas répercuter son coût de fonctionnement sur les éleveurs, en fixant l'application de cette mesure dès le 1er janvier prochain, vous répondez dans une large mesure à l'attente des acteurs de la filière bovine, qui n'auront pas - et ce n'est que justice - à supporter ou à partager une charge supplémentaire.
A partir de ces remarques, monsieur le ministre, et dans un souci bien compris de maîtrise de la dépense publique - maîtrise à laquelle nous souscrivons et à laquelle le ministère que vous dirigez apporte lui aussi son écot -, la réunion administrative des non-inscrits, au nom de qui je m'exprime, vous apportera son soutien et votera le projet de budget qui lui est soumis.
Il le fera parce qu'il reconnaît l'efficacité dont vous avez su faire preuve dans votre action depuis votre arrivée rue de Varenne, en particulier dans la gestion des dossiers les plus délicats.
Il le fera aussi parce que nous avons la conviction que les priorités de votre ministère s'inscrivent dans la dynamisation de notre agriculture au moment où elle s'apprête à franchir, dans un contexte de concurrence et de rigueur mêlés, le cap du troisième millénaire.
Il le fera, enfin, parce qu'il ne saurait y avoir de véritable politique d'aménagement du territoire, c'est-à-dire d'équilibre de développement entre les territoires de l'hexagone, sans la prise en compte de la spécificité et sans la préservation de notre espace rural, qui constitue, à bien des égards, notre héritage le plus précieux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le ministre, permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage à la pertinence des choix qui ont guidé la préparation de votre budget. Vous êtes en effet parvenu à concilier deux actions a priori difficiles à mener de pair : contribuer à la maîtrise des dépenses publiques et confirmer les priorités de l'action du Gouvernement en matière de politique agricole.
Le budget de votre ministère s'élève au total à 35,22 milliards de francs, soit une légère baisse de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, le budget de l'agriculture atteint 27,37 milliards de francs, en baisse de 3,9 %, ce qui apporte une contribution de 1,1 milliard de francs à l'effort de limitation des dépenses de l'Etat.
Encore convient-il de prendre en compte le report ou l'achèvement de certains programmes et la baisse des charges de la bonification des prêts, ces mesures aboutissant à ce que le budget de votre administration progresse de 0,8 % et marque une baisse limitée à 2,4 %, si l'on ne tient pas compte de la subvention d'équilibre au BAPSA !
Je tiens à souligner que la contribution de votre ministère à la maîtrise des dépenses budgétaires s'accompagne d'un allégement des prélèvements obligatoires, tels que les taxes prélevées sur les produits au profit du BAPSA et la suppression de part départementale de la taxe sur le foncier non bâti.
Il convient, en outre, de préciser que les crédits du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ne représentent que 22,5 % des concours publics affectés à l'agriculture ; il faut en effet tenir compte des versements effectués au bénéfice de la France par l'Union européenne, qui ont atteint 61 milliards de francs en 1995.
Parmi les priorités de la politique agricole qui sont confirmées par les choix budgétaires, je relève, bien entendu, la poursuite de l'effort en faveur de l'installation des jeunes et de leur formation. Les crédits correspondants s'élèvent à 874 millions de francs, soit une progression de 2,2 %, qui devrait permettre l'installation de 9 500 jeunes agriculteurs bénéficiaires de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA.
Toujours en matière d'installation, je me félicite que le fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales, le FIDIL, soit doté de 150 millions de francs, ce crédit pouvant être abondé par les collectivités territoriales.
Autre priorité de l'action de votre ministère, l'enseignement agricole et la formation professionnelle, qui mobilisent 6 138 millions de francs, soit une augmentation de 2,3 %, dont 5 979 millions de francs, soit une hausse de 2,6 %, pour le seul enseignement agricole.
Le secteur public bénéficie de quatre-vingt créations de postes de professeurs et de sept créations de postes d'autres fonctionnaires.
L'enseignement agricole privé perçoit une dotation de 2 656 millions de francs, dont le rythme d'augmentation réalise le dispositif de rattrapage conduit sur la période 1996-1999, conformément aux dispositions de la loi de 1984 sur l'enseignement agricole.
Au cours de votre audition, le 22 octobre 1996, par la commission des affaires économiques et du plan, vous avez, monsieur le ministre, regretté une dérive qui pourrait conduire, à terme, à la disparition de la spécificité de l'enseignement agricole. Je ne partage pas totalement ce point de vue ; je ne souscris pas non plus à la limitation à 2 % de la progression des effectifs de l'enseignement agricole.
Je constate dans ma région que les anciens élèves des établissements agricoles, tant publics que privés, trouvent facilement un emploi dans le secteur agricole et agroalimentaire et dans les métiers de l'animation et de l'aménagement rural.
Je souscris à l'objectif que vous avez exprimé, tendant à la conclusion de contrats sur l'évolution des effectifs et sur les filières dans un cadre régional ou même dans chaque établissement.
Dans le secteur de l'enseignement agricole privé, je tiens à saluer l'action des maisons familiales rurales, fondée sur un enseignement en alternance qui permet de maintenir les élèves au contact de leur milieu d'origine. Il est nécessaire, à cet égard, qu'en matière de formation des enseignants et de bourses d'études les maisons familiales soient traitées à parité avec les autres établissements d'enseignement agricole.
Votre projet de budget avait soulevé certaines inquiétudes qui ont été levées, lors du débat à l'Assemblée nationale, grâce à l'adoption d'amendements auxquels vous avez bien voulu donner votre accord.
Je citerai, à cet égard, les 50 millions de francs supplémentaires attribués au financement des préretraites agricoles, ce qui permettra de maintenir le dispositif actuel, c'est-à-dire l'âge de cinquante-cinq ans requis des bénéficiaires, jusqu'au 15 octobre 1997.
Je me réjouis, en outre, que nos collègues députés aient rétabli 100 millions de francs au bénéfice du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, qui, dans le projet de budget initial, ne comportait pas de dotation.
Enfin, j'enregistre comme une mesure particulièrement favorable pour le secteur agroalimentaire l'affectation de 20 millions de francs supplémentaires au financement des primes d'orientation agricoles.
Je relève que les crédits affectés aux offices agricoles dans le budget de 1997 se montent à 3,1 milliards de francs, soit une diminution de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Cette diminution résulte de l'étalement des contrats de plan sur une année supplémentaire, pour un montant de 176,3 millions de francs, et de la diminution des crédits affectés à la cessation de production laitière.
S'agissant de l'office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS, je rappelle que les crédits versés se sont élevés à 846 millions de francs en 1993, à 668 millions de francs, en 1994, et à 489 millions de francs en 1995.
Je forme le voeu que ce tassement des crédits affectés aux offices, en particulier à l'office des vins, ne compromette pas les actions de restructuration du vignoble et d'organisation du marché mises en oeuvre par l'ONIVINS.
Je voudrais à présent, monsieur le ministre, attirer votre attention sur deux dispositions du projet de loi de finances pour 1997 relatives à la fiscalité agricole, et qui figurent à l'article 74.
En premier lieu, il est prévu de ne plus prendre en compte les exploitants sociétaires de GAEC, groupements agricoles d'exploitation en commun, âgés de plus de soixante ans dans le quotient qui permet de calculer si les sociétaires dudit GAEC atteignent ou non le seuil d'imposition au bénéfice réel ; cette mesure est contestable dès lors que certains sociétaires de GAEC âgés de plus de soixante ans qui ne réunissent pas assez d'années de cotisations pour percevoir une retraite suffisante ne souhaitent pas prendre leur retraite avant soixante-cinq ans. Elle est donc de nature à supprimer, dans certains cas, le principe de la transparence fiscale.
L'article 74 du projet de loi de finances prévoit, en outre, de rendre obligatoire l'imposition au bénéfice réel de tous les exploitants bailleurs ou preneurs qui concluent un bail à métayage, à partir du 1er janvier 1997.
Doit-on considérer que le renouvellement d'un bail à métayage peut être assimilé à la conclusion d'un tel bail, ce qui aboutirait à assujettir tous les bailleurs et tous les preneurs au régime du bénéfice réel à l'issue des neuf prochaines années ?
Il conviendrait donc, monsieur le ministre, de modifier, s'il en est encore temps, les dispositions de l'article 74 du projet de loi de finances.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il avait été prévu une augmentation de 17,1 % des droits de consommation applicables aux alcools forts, étant précisé que le vin n'était pas concerné. Je me réjouis que nos collègues députés, le 29 octobre dernier, aient ramené cette majoration à 4,97 %.
Sans méconnaître la nécessité de rétablir l'équilibre du budget social de la nation, je crois devoir souligner que la taxation des alcools forts doit rester modérée, surtout s'agissant du cognac et de l'armagnac, qui connaissent depuis plusieurs années un certain marasme. Il y a en effet sept ans de stocks dans les chais.
Dans le domaine de la politique agricole commune, nous sommes toujours dans l'attente de la réforme de l'organisation commune des marchés. J'ai bien noté, toutefois, monsieur le ministre, que, lors de la négociation du paquet-prix 1996-1997, en juillet dernier, vous aviez obtenu deux dispositions transitoires particulièrement importantes pour la viticulture française.
En premier lieu, le régime d'arrachage a été prolongé pour deux ans ; mais il n'est applicable qu'aux régions désignées par chaque Etat membre, la surface attribuée à la France étant de 3 895 hectares par an.
En second lieu, de nouvelles plantations ont été autorisées, au cours de la période transitoire, pour la production de vins de qualité et de vins de pays, la surface dont bénéficie la France à cet égard étant de 2 584 hectares pour les deux campagnes à venir.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur la nécessaire adaptation de la fiscalité agricole. En ce qui concerne les fonds propres des exploitations, le dispositif de la réserve spéciale d'autofinancement ne présente guère d'intérêt dans les entreprises dont le bénéfice supporte un taux marginal de prélèvement proche de 33,33 % ou inférieur. Les simulations réalisées montrent en effet que cette mesure ne commence à être bénéfique qu'au-delà d'un seuil de 500 000 francs de résultats, dans le cas d'un exploitant soumis à l'impôt sur le revenu et bénéficiant d'un quotient familial de trois parts.
Le régime de la déduction fiscale doit être amélioré pour que lui soit assurée une plus grande efficacité. En effet, les investissements dans les entreprises agricoles ou viticoles sont peu rentables, tout particulièrement dans les petites entreprises faiblement compétitives.
Ce manque de rentabilité doit être complété par un régime fiscal spécifique pour conforter la situation financière des exploitations viticoles ; les exploitants doivent être incités à placer leurs capitaux dans leur propre entreprise. A cet effet, la rémunération de ces capitaux ne doit pas être plus lourdement taxée que la rémunération des capitaux investis dans des placements financiers extérieurs. J'ai bien noté, à cet égard, que le projet de loi de finances pour 1997 comporte un accroissement de la portée de la déduction fiscale pour investissement en matière de bénéfices agricoles.
S'agissant de la transmission des exploitations, l'accent doit être mis sur la transmission à titre gratuit, mode traditionnel de transmission des exploitations viticoles, qui permet de sauvegarder le caractère familial. Dans cette perspective, la perception des droits de mutation sur la valeur vénale des biens transmis doit être exclusive de toute imposition au titre des plus-values.
Je citerai, enfin, la nécessité de favoriser dans les exploitations viticoles le développement d'activités accessoires de nature à conforter leur rentabilité, cette diversification ne devant pas être entravée par un formalisme lourd et coûteux.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris en compte cette demande déjà ancienne en déposant, en 1993, une proposition de loi.
Compte tenu du recours indispensable à des travailleurs occasionnels dans la viticulture - 189 000 en 1993 - il me semble nécessaire d'adapter les modalités de calcul des cotisations sociales affectées au financement de la retraite et du chômage telles qu'elles ont été fixées par un décret du 9 mai 1995.
La promotion de la qualité des vins français constitue une priorité, tant en ce qui concerne le marché intérieur que pour le développement de nos exportations. A cet égard, je tiens à saluer le rôle très complémentaire que remplissent l'INAO, d'une part, les syndicats de défense des appellations, d'autre part. S'agissant des syndicats de défense des appellations, je crois que les pouvoirs publics doivent reconnaître le rôle éminent, voire exclusif, des syndicats majoritaires. Une telle mesure pourrait figurer dans le projet de loi d'orientation agricole.
Monsieur le ministre, je crois devoir attirer une fois encore votre attention sur l'irritation persistante, au sein de la filière viticole, provoquée par la loi Evin.
Je passe sur ce sujet pour pouvoir respecter le temps de parole qui m'a été imparti.
J'en viens, monsieur le ministre, aux performances de notre viticulture à l'exportation en 1995.
Malgré le boycott occasionné par la reprise des essais nucléaires, les exportations de vins et spiritueux ont pratiquement atteint leur niveau de record de 1991, avec 34,5 milliards de francs, soit une hausse de 1,5 % par rapport à 1994. La fédération des exportateurs de vins et spiritueux évalue toutefois à 750 millions de francs les pertes occasionnées par le boycott des produits français. L'exportation des vins représente 22,5 milliards de francs, soit une hausse de 2,2 % et de 4,9 % en valeur.
Les ventes de spiritueux se sont élevées à 12 milliards de francs, soit une hausse de 17 % imputable au développement du marché des alcools à bas prix, comme le confirme la baisse de 4,7 % en valeur de ces mêmes exportations.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'évoquer la récolte de 1996.
Selon les estimations de l'ONIVINS, elle approcherait 59 millions d'hectolitres, contre 55,6 millions en 1995. La récolte de 1996 pourrait atteindre 24 millions d'hectolitres de vins de qualité, 22 millions d'hectolitres de vins de table et 12 millions d'hectolitres de vins destinés à la production de cognac et d'armagnac.
Il y a lieu de souligner que les autres pays européens bénéficient d'une récolte importante, ce qui permet de prévoir un excédent compris entre 15 millions et 20 millions d'hectolitres.
Les vendanges étant terminées - j'en termine moi aussi ! - on peut d'ores et déjà constater, pour s'en féliciter, que l'année 1996 sera un bon millésime, comparable à 1990.
Est-il besoin de souligner, monsieur le ministre, la contribution de la viticulture à l'équilibre de notre commerce extérieur et au rayonnement gastronomique et culturel de la France dans le monde ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

6

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Le Gouvernement demande, en accord avec la commission des finances, que l'examen des crédits affectés à la ville et à l'intégration, qui était inscrit à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, soit reporté au samedi 7 décembre, après l'examen des crédits affectés au commerce et à l'artisanat.
L'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui et celui du samedi 7 décembre sont modifiés en conséquence.

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LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture, pêche et alimentation (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Souplet.
M. Michel Souplet. J'aurais pu choisir d'intervenir sur les nombreux problèmes auxquels est confronté le monde agricole aujourd'hui, notamment la crise des fruits et légumes, la crise bovine ou le système de revalorisation des retraites. Cependant, pour avoir suivi les débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale le 24 octobre, ou ici même, devant la Haute Assemblée, le 6 novembre, je sais que ces sujets ont maintes fois été abordés et qu'ils le seront encore.
Aussi mon intervention portera-t-elle, monsieur le ministre, sur quelques questions qui, bien que d'ordre général, sont néanmoins cruciales et qui, je le sais, vous tiennent à coeur ; je veux parler du rôle que l'on doit assigner, dans notre société, à l'agriculture et à ses professionnels.
Tous ceux qui s'intéressent au monde agricole seront d'accord avec moi sur un point : le secteur agricole, qui dégage un excédent croissant, contribue depuis de nombreuses années à améliorer le solde de la balance commerciale de notre pays.
Je rappelle ici, comme je le ferai samedi à l'occasion de l'examen des crédits du commerce extérieur, que, pour la deuxième année consécutive, la France a dégagé un excédent commercial record dépassant 100 milliards de francs en 1995, contre 81 milliards de francs l'année précédente. Notre excédent agroalimentaire est passé de 44,6 milliards à 50,8 milliards de francs, enregistrant 15 % d'augmentation l'an dernier, alors que l'excédent en produits bruts, qui ont été touchés par la réforme de la politique agricole commune, a progressé légèrement, puisqu'il s'est élevé à 19,9 milliards de francs en 1995 contre 18 milliards de francs en 1994.
Je tiens à rappeler, du haut de cette tribune, la double vocation de l'agriculture dans notre pays.
Premièrement, notre agriculture a une vocation économique. Elle doit assurer la sécurité alimentaire en qualité et quantité pour nourrir tous les hommes. Le directeur général de la FAO, lors de la réunion récente à Rome, a poussé à nouveau un cri d'alarme à propos de la croissance de la sous-alimentation dans le monde. Ainsi, 40 000 personnes meurent chaque jour, pour la plupart des enfants et des vieillards. Le chiffre est impressionnant, mais aussi d'autant plus choquant pour les paysans que, parallèlement, ils sont contraints de limiter leurs possibilités de production.
Cette vocation économique se traduit aussi à l'exportation. Notre agriculture doit maintenir ses marchés, voire conquérir des marchés extérieurs nouveaux et, pour cela, être en permanence compétitive sur le marché mondial.
Deuxièmement, notre agriculture a une vocation plus sociale de protection de l'environnement et d'aménagement du milieu rural.
Vous m'avez souvent entendu parler ici, en tant que président du groupe de la biomasse, des carburants agricoles. Le Gouvernement a manifesté sa volonté d'encourager l'utilisation des biocarburants pour des raisons économiques mais aussi environnementales bien réelles. Hier encore, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, nous avons réintégré à l'unanimité une mesure visant à rendre obligatoire l'incorporation de carburants oxygénés dans les flottes captives des agglomérations de plus de 100 000 habitants.
Les biocarburants sont des carburants propres, mais ils ont été dénigrés par une campagne mensongère. Je tenais ici à en dénoncer l'effet pernicieux.
A lire certains rapports ou certaines déclarations - je pense ici à la déclaration de Cork du début du mois de novembre - je suis inquiet sur le devenir et le rôle que certains tendraient à assigner à notre agriculture.
Je suis tout à fait d'accord pour souhaiter que l'agriculture joue un rôle déterminant dans la protection de l'espace rural, car c'est une de ses fonctions importantes.
Elle ne saurait cependant être réduite à cela. En effet, il serait désastreux pour l'avenir de l'agriculture de vouloir lui faire jouer ce rôle purement « social ». Aujourd'hui, les agriculteurs sont des chefs d'entreprise responsables et pleins d'espoir quant au devenir de leur activité. Si nous voulons promouvoir une agriculture performante - je souhaite que la France insiste fortement auprès de ses partenaires européens sur ce point - si nous voulons donc une agriculture productive et exportatrice, il est nécessaire que les entreprises agricoles réagissent comme toutes les entreprises qui sont à la recherche de gains de productivité.
Depuis douze ans, je préside un groupe de sénateurs qui étudient les débouchés nouveaux non alimentaires pour une part croissante de notre production agricole. Ce sont les carburants, les combustibles, les utilisations chimiques ou encore pharmaceutiques. Mon collègue Jacques Machet s'est beaucoup investi avec moi sur ces dossiers.
La réforme de la politique agricole commune et le gel des terres ont traumatisé les agriculteurs, mais, avec le temps, ces derniers ont accepté ces évolutions. Nous avons donc été conduits à utiliser ces sols improductifs pour produire des matières premières renouvelables. C'est ainsi que 30 000 hectares ont été reconvertis en 1996 pour les carburants. Mais je crois, monsieur le ministre, que nous pouvons faire mieux.
Il faut donc valoriser notre potentiel, créer et maintenir des outils au « top niveau » de la transformation et du conditionnement pour pouvoir rapidement s'adapter aux situations nouvelles qui se présentent.
Dans le cadre du projet de loi d'orientation en préparation, nous aurons à intégrer des paramètres qui semblent a priori contradictoires et qui, en réalité, ne le sont pas.
Je partage votre souci et celui des organisations professionnelles agricoles quant à l'installation des jeunes agriculteurs. Une installation pour un départ, tel est l'objectif que nous nous fixons à moyen terme. Dans de nombreuses régions, des mesures d'encouragement à l'installation sont indispensables pour maintenir un tissu rural suffisant, garant d'une qualité de vie, et pour que notre agriculture réponde pleinement à sa vocation sociale d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Ces entreprises petites ou moyennes doivent être assurées de revenus permettant un niveau de vie décent pour le couple d'exploitants, ce qui se réalisera souvent, et de plus en plus, dans le cadre de la pluriactivité. En revanche, il faut aussi envisager les modalités de transmission d'entreprises performantes ou exportatrices dont le pays a grand besoin. Ces exploitations sont toujours bien structurées, souvent de grande dimension et, la plupart du temps, indivisibles. Je pense notamment aux installations de stockage, aux séchoirs, aux structures d'irrigation ainsi qu'aux installations de stabulation libre.
Que se passe-t-il lors de la transmission d'une entreprise qui, économiquement et structurellement, est viable ? Si la transmission ne se fait pas dans la famille, le ou les repreneurs potentiels devront engager des capitaux importants. On a évoqué tout à l'heure l'importance des investissements en agriculture et la faible rentabilité des capitaux, comparable à celle de l'industrie lourde. Bien souvent, un jeune sera incapable de réunir les capitaux nécessaires pour s'installer seul.
Dans une société libérale, il faudra imaginer des possibilités de reprises sous forme sociétaire. Une ferme performante de 400 hectares, par exemple, est une entité indivisible, mais c'est une entreprise qui peut être reprise par plusieurs exploitants en société. Il faudra donc favoriser l'installation avec des formes nouvelles de prêt, mais sans léser le cédant.
Dans cette courte intervention, j'ai tenu, monsieur le ministre, à vous faire part de mes états d'âme. Voilà quelques jours, j'ai eu l'occasion de dire au Président de la République que je demeurais attaché à la libre entreprise et restais un défenseur de l'exploitation familiale. Je ne veux pas, nous ne voulons pas d'une agriculture réduite aux 100 000 exploitants susceptibles de nourrir l'Europe entière, sans se soucier, d'ailleurs, du reste du monde. Je préfère, moi, 700 000 exploitations bien réparties sur le territoire, en sachant que la double vocation de ce beau métier qui est le mien conduit à des différences de structures et exige l'étude et la mise en place de mesures spécifiques et complémentaires.
L'Europe de demain, à laquelle j'aspire depuis 1958, aura besoin, comme la France d'aujourd'hui, d'une agriculture puissante et performante, seule garante de sa sécurité alimentaire, voire de sa sécurité politique.
Le groupe de l'Union centriste vous remercie donc, monsieur le ministre, de votre action constante en ce sens. Il votera, bien sûr, votre budget, même s'il regrette un peu que vos crédits ne soient pas davantage abondés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, qui dispose de cinq minutes.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, comment garder à l'enseignement agricole sa qualité ? Quels doivent être ses objectifs ? Quels crédits faut-il lui consacrer ?
L'analyse faite par nos rapporteurs, en particulier par le rapporteur de la commission des affaires culturelles, M. Vecten, et par le rapporteur spécial, M. Bourdin, oblige à poser, ou à reposer ces questions. MM. Vecten et Bourdin ont en effet constaté l'un comme l'autre une rupture dans une tendance constante ces dernières années. De fait, la progression des crédits est de 2,26 % cette année, contre 5 % à 7 % en moyenne les années précédentes.
C'est un premier constat.
Le deuxième constat, monsieur le ministre, c'est vous-même qui l'avez fait, relevant un écart significatif entre les effectifs attendus à la rentrée dernière et les effectifs que vous avez ou plutôt auriez dû accueillir. Dans une intervention récente, vous avez parlé de plus de 9 000 élèves.
Rupture, disais-je. Mais, monsieur le ministre, vous le savez bien, il est impossible de gérer un système éducatif en le contingentant : on ne contingente pas des effectifs scolaires comme une production !
MM. Louis Minetti, Marcel Bony et Albert Vecten, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Pourquoi ? D'abord parce que c'est inacceptable, car, derrière ces chiffres, ce sont nos jeunes, avec leurs objectifs, leurs ambitions, leur idée de leur avenir que nous trouvons. Nous devons, après les avoir dûment informés, respecter leurs ambitions, leurs objectifs et l'idée qu'ils se font de leur avenir. Le contraire serait inacceptable. Qui plus est, une telle démarche - je sais que ce n'est pas la vôtre - serait vouée à l'échec.
L'évolution de l'enseignement agricole se caractérise, ces dix dernières années, par une tendance lourde. Si les effectifs croissent, c'est essentiellement parce que la demande de formation est grande, parce que la durée de la formation s'allonge et parce que les jeunes postulent à des diplômes de plus en plus élevés.
Le rapport de M. Vecten, au nom de la commission des affaires culturelles, est, à cet égard, explicite.
Il faut, monsieur le ministre, éviter deux périls et peut-être même deux tentations.
Le premier péril, je n'hésite pas à le dire, serait celui de la banalisation de l'enseignement agricole. Vouloir tout faire, tout et n'importe quoi, ce serait vouer l'enseignement agricole à la mort. Or réclamer les crédits nécessaires pour accueillir le maximum d'élèves conduirait à cela. C'est pourtant une demande qui a été formulée au cours de ce débat. Mais il n'est pas possible d'y répondre. Inversement, rétrécir la formation agricole et réduire l'enseignement agricole aux seuls besoins de la production, c'est risquer - second péril - une professionnalisation desséchante et fatale.
Alors, que faire ? Eh bien ! il faut retrouver les missions premières de l'enseignement agricole. A cet égard, monsieur le ministre, je me référerai une nouvelle fois à un discours que vous avez prononcé récemment. Il me semble qu'il y a dans vos propos de quoi nourrir la réflexion et fonder réellement l'enseignement agricole.
Effectivement, il faut répondre aux besoins de la profession ; il faut aussi particiciper à l'animation rurale et, surtout, au développement rural, et ce avec à l'esprit les deux soucis permanents de l'enseignement agricole, qui expliquent largement son succès, je veux parler, d'une part, de l'insertion professionnelle, d'autre part, de cette seconde chance qu'il faut donner, chaque fois que cela est nécessaire, aux jeunes de notre monde rural.
Monsieur le ministre, la discussion de projet de loi d'orientation sera pour nous l'occasion de réfléchir aux objectifs comme à la légitimité de l'enseignement agricole. Il faut que vous saisissiez cette opportunité. La préoccupation que j'exprime est au coeur de votre politique, au coeur de la politique de tout ministre de l'agriculture, car il s'agit ni plus ni moins que d'assurer l'avenir des jeunes, l'avenir de la profession, l'avenir du monde rural, d'assurer aussi l'équilibre de notre pays. Vous y êtes attaché, et je pense, monsieur le ministre, que les propos que vous nous tiendrez permettront à nos collègues membres de la commission des affaires culturelles de voter votre projet de budget. Je les attends pour ma part avec beaucoup de tranquillité et, même, avec beaucoup d'espoir ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, votre budget traduit grosso modo la neutralité le statu quo pourrait-on dire.
Mes collègues traiteront plus des crédits que je ne vais le faire. Cependant, la relative tendance à la baisse de ce budget me donne l'occasion de contester pêle-mêle le sort fait aux opérations groupées d'aménagement foncier et, plus généralement, aux mesures agri-environnementales. Elle me permet également de contester la baisse de la ligne afférente aux bâtiments de montagne et la non-revalorisation de l'enveloppe des indemnités compensatoires de handicap, la chute libre des actions spécifiques dans les zones défavorisées, l'insuffisante dotation du fonds de gestion de l'espace rural.
Permettez-moi en passant de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que cette tendance à « rogner » continuellement les crédits destinés à l'aménagement rural et à la montagne traduit bien que cette action n'est pas une priorité du Gouvernement, ce qui est en contradiction avec le mémorandum que vous avez déposé sur l'agriculture de montagne.
Bien entendu, il y a certainement des éléments positifs dans ce budget, que d'autres sénateurs se sont chargés ou se chargeront de mettre en lumière. Mais mon propos d'aujourd'hui vise plutôt à exprimer un sentiment général sur les zones rurales, un sentiment en concordance avec l'impression de désagrégation que j'en ai.
Ancien petit éleveur de montagne, cela fait bien longtemps que je parle de ce monde ; pour autant, ne pensez pas qu'il s'agisse du même discours usé, sans prise sur la réalité. Ce que j'exprime aujourd'hui, sans autre prétention que de vouloir avertir du danger, reflète un ras-le-bol collectif.
Monsieur le ministre, ne croyez pas non plus que je veuille vous mettre sur le dos toute la misère du monde. Vous êtes simplement mon meilleur interlocuteur en matière de ruralité.
Qu'a voulu montrer la grande manifestation d'Aurillac, le 16 novembre dernier ? C'était un cri d'alerte destiné à prévenir que la plus grande partie du Massif central est en train de mourir, de se vider de sa substance, c'est-à-dire de ses hommes. Il est en effet prévu que cette région perde plus de 200 000 habitants d'ici à 2015 du fait de suppressions d'emplois, de délocalisations d'entreprises, de disparitions d'exploitations agricoles de fermetures d'écoles, du vieillissement de la population.
Ce n'est pas nouveau, m'objecterez-vous. Mais, dans un environnement rude, moins on est nombreux, plus on se resserre. Et, à présent, la multiplication des suppressions d'emplois vient d'atteindre un rythme tel que celles-ci s'agglomèrent et forment une sorte de trou noir de catastrophe humaine.
Le Massif central, c'est un espace où on lâche pied, comme on évacue en période d'épidémie un lieu contaminé. Toutefois, la désertification est la conséquence non pas d'une épidémie, mais d'une abdication.
Du reste, les problèmes liés à la maladie de la vache folle, qui concernent particulièrement les éleveurs du Massif central sont symboliques de la situation. Ce sont encore une fois les agriculteurs les plus faibles qui trinquent, et les territoires les plus fragiles.
Ce sont eux qui supportent aujourd'hui en premier lieu les conséquences de l'aberration trop longtemps entretenue qui a voulu qu'on produise toujours plus et plus vite, sans souci de qualité, mais avec une débauche d'investissements entraînant une forte concentration, alors que, parallèlement, les prix chutaient vers les abîmes des cours mondiaux. Tous les moyens ont été bons pour produire, et même surproduire à bas prix, du lait sans herbe, de la viande avec des cadavres d'animaux. Et nous avons percuté, sans airbag , un mur que nous n'avions pas vu et qui s'avère meurtrier. Nos paysans sont à présent suspectés de vouloir empoisonner l'humanité, alors que leur seul objectif était de la nourrir.
L'euthanasie des petits veaux laitiers est un élément de cette affaire. On nous explique que, pour bénéficier de la prime d'abattage, cyniquement appelée « Hérode », le veau doit être en parfaite santé et ne pas avoir de malformations. Autrement dit : soignez bien votre vêlage pour mieux tuer votre veau !
Le paysan nouveau serait-il celui qui produit pour détruire, celui qui donne la vie pour la reprendre aussitôt ? C'est assez dur à admettre, même s'il existe une justification économique à cette mesure.
En disant cela, j'ai conscience d'être quelque peu provocateur à votre égard, monsieur le ministre, vous qui avez été réellement prompt à réagir dès l'annonce de la maladie. Ne le prenez pas en mauvaise part, mais imaginez ce que peuvent ressentir au plus profond de leur âme d'éleveur ceux à qui on va appliquer la mesure.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ils ne sont pas obligés de s'y soumettre !
M. Marcel Bony. Quand ils me disent que le monde marche sur la tête, j'ai parfois du mal à trouver une répartie.
Le productivisme au détriment du tissu social, c'est cela le véritable échec de l'aménagement rural. Même si la réforme de la PAC y a apporté quelques correctifs, on se rend compte que, dans son application, elle ne parvient pas à réduire les disparités. En effet, quoi qu'on en ait dit, cette fameuse politique agricole commune, qui avait fait descendre dans la rue les tracteurs de la colère, ne fait pas que des malheureux.
Pourtant, ce n'est pas la joie pour tous les paysans. Certains ont beau travailler, prendre de la peine, ils périclitent dans une agriculture de moins en moins faite pour les petits exploitants.
La prime à l'herbe, par exemple, n'est que de 300 francs à l'hectare quand celle du maïs ensilage dépasse les 2 000 francs. Veut-on donner un avenir aux zones défavorisées avec cela ? Est-ce ainsi que l'on entend permettre aux vaches de faire leur métier : paître ?
En vingt-cinq ans, ce sont 25 % des prairies françaises qui ont disparu ! Ce n'est malheureusement pas la seule revalorisation de la prime à l'extensification pour l'unité de gros bétail à l'hectare qui sauvera nos pâtures, même si c'est une avancée, je n'en disconviens pas.
Dans le même ordre d'idées, comment trouver acceptable que les exploitations céréalières déclarant plus de 200 hectares reçoivent en moyenne 640 000 francs d'aides publiques par unité, alors que celles qui déclarent moins de 50 hectares - 80 % des exploitations - perçoivent 29 000 francs par exploitation ? C'est donc là où le revenu est le plus fort qu'il y a le plus d'aides. Les grandes cultures en bénéficient davantage, deux fois plus que les productions bovines.
Une meilleure répartition doit être possible. Pour cela, il faut accepter de mettre un frein à cette fuite en avant qu'est l'intensif, modèle qui aujourd'hui a atteint ses limites et qui ne servira plus le progrès autre que technologique.
Car le progrès, pour nous, ce serait que le pays soit entièrement animé ; ce serait de nous sentir confiants dans l'avenir de notre jeunesse, qui pourrait travailler sur place et entamer une vie décente. Le progrès véritable, pour reprendre un bel article de Jean Fay, serait de cultiver un peu plus l'espèce humaine, au lieu de cultiver seulement la rentabilité des capitaux.
Depuis 1945, l'agriculture française a perdu plus de 250 emplois par jour. Les conséquences sont incalculables.
Elles sont rurales et, par contrecoup, urbaines. Mais, aujourd'hui, les villes sont également en crise, les banlieues singulièrement, elles sont aux prises avec le chômage, l'insécurité, l'exclusion, la surpopulation, la pollution, la congestion...
Aussi, ne fait-on pas de l'aménagement du territoire à rebours lorsqu'on continue de réaliser des investissements très coûteux à la périphérie des grandes villes ? Dernièrement encore, sept kilomètres d'autoroute ont été construits, pour quatre milliards de francs...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marcel Bony. ... alors qu'il faudrait, à mon sens, contrebalancer la tendance à l'accumulation des hommes et des activités, et irriguer fortement le rural ?
Les zones rurales sont des réservoirs d'atouts, et même si les paysans ne sont plus majoritaires dans les campagnes, l'agriculture est encore le pivot de toute politique de rénovation rurale. Dès lors, monsieur le ministre, vous avez un rôle essentiel à jouer en la matière.
A cet égard, où en est le plan pour l'avenir du monde rural ? Jusqu'à présent, c'est l'Arlésienne !
La future loi d'orientation sur l'agriculture laisse quelques espoirs. Cependant, elle ne doit pas être une loi de modernisation bis. Elle devra clairement mettre en perspective les risques d'une poursuite incontrôlée de la concentration des exploitations et prévoir une redistribution équitable des aides. Elle devra anticiper l'évolution de la PAC, laquelle vient d'être quelque peu jalonnée par la conférence de Cork. Elle devra redonner un espoir aux terroirs déshérités.
Au sein de notre assemblée, nous sommes un grand nombre de vrais ruraux, nous réagissons en fonction d'une sensibilité similaire, nous sommes choqués par les mêmes contradictions,...
M. le président. Je vous demande instamment de conclure, monsieur Bony. Vous empiétez sur le temps de parole de vos collègues.
M. Marcel Bony. ... mais nous n'en tirons pas toujours les mêmes conclusions quand vient le moment de voter.
Il importe pourtant d'avoir une vision globale de ce que vont devenir nos campagnes. Ce n'est pas difficile. Si elles continuent à n'être vécues que comme l'arrière-plan de quintaux et d'hectolitres, point de salut. Si, au contraire, elles reconquièrent une valeur propre déconnectée de la notion de rendement, elles pourront être sauvées.
Peut-être est-ce d'une révolution culturelle dont je suis en train de parler ? En tout cas, il nous appartient, à nous élus, de la faciliter.
Cela suppose également que la France et l'Europe ne soient pas au service de la mondialisation et de la dérégulation interne générale qu'engendre cette notion. Il vous appartient à vous, monsieur le ministre, de ne pas le permettre. Vous êtes nécessairement conscient de l'enjeu. Ayez la volonté et la force de le relever. (Applaudissements sur les travées socialistes, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux, à qui il reste cinq minutes.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera deux sujets qui intéressent l'ensemble du territoire, mais plus particulièrement le Midi de la France.
Le premier a trait à la société du canal de Provence, une des cinq sociétés d'aménagement régional concernées par le chapitre 61-84. Il s'agit d'une société d'économie mixte, créée en 1957 par le ministère de l'agriculture avec pour mission d'assurer l'aménagement hydraulique de la Provence, notamment de concevoir, réaliser et exploiter le canal de Provence.
En plus de son rôle d'aménagement, d'équip»ement et de développement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la société du canal de Provence effectue des missions d'expertise, d'assistance et la réalisation d'aménagements à l'étranger.
Elle assure aussi la maintenance d'ouvrages dont elle est concessionnaire : canal de Provence, aménagements hydrauliques du Calavon - sud Lubéron, du plateau de Valensole et du val de Durance. Cela représente 260 kilomètres de galeries souterraines et de canaux à ciel ouvert, et 4 500 kilomètres de canalisations, pour l'irrigation de 80 000 hectares. On estime à 30 000 le nombre d'emplois maintenus ou induits grâce aux réalisations de cette société.
Elle fonctionne selon un régime de droit privé et doit donc réaliser un strict équilibre financier sans la moindre subvention de fonctionnement. Les dépenses d'investissement sont financées à la fois par l'autofinancement, les subventions publiques et l'emprunt.
Les crédits destinés aux SAR ont connu une réduction très marquée et continuent de baisser depuis quelques années. En effet, en 1994, les crédits étaient de 189 millions de francs, dont 57,02 millions de francs pour la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, la SCP. En 1995, ces crédits étaient de 133,5 millions de francs, dont 38,295 millions de francs pour la SCP ; en 1996, de 118,5 millions de francs, dont 29,57 millions de francs pour la SCP.
La diminution des crédits des sociétés d'aménagement régional provoquera l'arrêt de la construction de grands équipements en cours ou en projet. Elle ne manquera pas de provoquer des suppressions d'emplois dans les SAR et dans les sociétés sous-traitantes. Elle privera des territoires des aménagements qu'ils attendent avec intérêt.
C'est pourquoi je sollicite du Gouvernement le maintien des crédits qui leur sont destinés au niveau de ceux qui étaient prévus en 1996, c'est-à-dire 118,5 millions de francs, contre 113 millions de francs en autorisations de programme et 108 millions de francs seulement en crédits de paiement pour 1997.
Le canal de Provence, qui a permis de pallier les sécheresses, de réguler la production agricole, d'aménager le territoire, tout en respectant et surtout en améliorant l'environnement, doit pouvoir poursuivre son oeuvre.
Le deuxième sujet a trait au conservatoire de la forêt méditerranéenne.
Le nombre d'incendies de forêts sur les bords de la Méditerranée a connu une forte baisse ces dernières années grâce aux importants moyens matériels et humains mis en place, même si le rôle de conditions climatiques favorables n'est pas négligeable.
Pour lutter encore plus efficacement contre les incendies ravageurs de nos forêts méditerranéennes, il convient de rester très vigilant. Or, depuis 1991, les crédits affectés au conservatoire de la forêt méditerranéenne sont passés de 100 millions de francs à 58,95 millions de francs en 1996. La loi de finances pour 1997 prévoit une somme de 62 millions de francs. Si ce montant est en légère augmentation par rapport à l'année 1996, il ne permet cependant pas de poursuivre suffisamment l'effort entrepris.
C'est pourquoi je demande au Gouvernement de faire un effort indispensable et salutaire pour cette forêt si belle, qui est malheureusement victime chaque année d'incendies d'origine souvent criminelle, d'où l'importance de la surveillance.
Ici encore, des emplois sont en jeu, des emplois qui sont susceptibles d'intéresser en particulier notre jeunesse dans une contrée où le chômage dépasse les pourcentages nationaux.
Dans les deux cas que je viens d'envisager, il s'agit de dépenses d'investissement concernant le territoire et la population. La maîtrise financière de notre budget est certes nécessaire, mais les choix prioritaires doivent savoir tenir compte et des besoins et des intérêts économiques des équipements.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Après avoir salué votre courage et votre détermination, monsieur le ministre, dans ces moments difficiles de l'année 1996, au cours de laquelle s'est propagée l'encéphalopathie spongiforme bovine, après avoir reconnu que, malgré la baisse des dotations, les crédits affectés au budget de l'agriculture permettent de parvenir à un certain équilibre, et après avoir entendu les excellents rapports de nos collègues et constaté la variété des sujets traités par les orateurs qui m'ont précédé, je voudrais insister sur trois points particuliers.
Il n'a jamais été aussi évident que la production de veaux de boucherie joue un rôle régulateur essentiel dans la filière bovine. Rappelons à ce propos que la France est le premier producteur de veaux de boucherie en Europe. Elle doit, par conséquent, défendre cette production.
Pour éviter qu'un million de veaux environ n'arrivent sur le marché de la viande rouge, Bruxelles a mis en place une prime pour l'allégement des poids de carcasses. Le montant de cette prime atteindrait soixante écus en février 1997. Pour en bénéficier, il faudra respecter un poids de carcasses maximal correspondant à un poids de référence propre à chaque pays et diminué de 15 % : par exemple, la limite est de 108 kilogrammes pour la France et de 138 kilogrammes pour les Pays-Bas.
Si le principe de cette prime est intéressant, le dispositif qui se met en place me semble inacceptable. En effet, il accroît, tout d'abord, les distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Ainsi, sur un même marché, celui de la demande traditionnelle française, par exemple, les carcasses de veau néerlandaises bénéficieront d'une prime de 430 francs, alors que celles qui auront été produites en France en seront privées.
La production française ne peut supporter cette inégalité de traitement, qui va encore faire chuter les prix. Par ailleurs, ce dispositif n'aura pas l'efficacité attendue au regard de la maîtrise de la production de viande rouge, les disparités dans l'application risquant d'entraîner des transferts de production et d'abattage dans certains pays européens, la France se spécialisant de plus en plus sur une fonction de préengraissement.
Ainsi, il faut agir vite afin d'éviter qu'une telle mesure soit mise en oeuvre et parvenir à une définition européenne du veau de boucherie. Enfin, il est impératif de mettre fin aux distorsions de concurrence nées de l'utilisation d'activateurs de croissance, en fraude ou sous couvert de réglementations disparates.
Une autre conséquence de la crise de l'ESB est le nécessaire renforcement de la politique de qualité, tant au sein de la filière bovine que dans l'ensemble de la production. En effet, la très relative progression de la consommation alimentaire des ménages en volume, et plus encore en valeur, renforce l'intérêt que porte une large catégorie des consommateurs aux produits de qualité.
En outre, ces produits, notamment ceux qui bénéficient d'une appellation d'origine ou d'un label, apportent généralement aux producteurs agricoles une meilleure valorisation de leurs apports. Enfin, l'impact des garanties officielles de qualité est de plus en plus évident au niveau des échanges extérieurs.
Les produits qui bénéficient d'un signe distinctif de qualité sont en progression constante, et représentent désormais une part importante de la production agroalimentaire. L'ensemble des AOC représenterait ainsi un chiffre d'affaires de 80 milliards de francs.
Si le système de garanties officielles de qualité a été rénové au cours des dernières années, il s'articule désormais avec les règlements européens relatifs aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux attestations de spécificité. Ainsi, un produit faisant l'objet d'une reconnaissance sur le plan français pourra bénéficier d'une protection au niveau communautaire. Près de 400 demandes ont été enregistrées par la Commission européenne portant sur des produits français.
Au-delà de cette protection juridique, la crédibilité des garanties officielles repose, monsieur le ministre, sur la cohérence et la lisibilité du dispositif qui les concerne. Ainsi est-il nécessaire d'améliorer la communication relative à ces garanties et d'en renforcer la cohérence, notamment en ce qui concerne les protections européennes et les indications géographiques de provenance. En effet, l'origine, c'est-à-dire le pays ou la région, est un critère déterminant de choix pour près d'un tiers des consommateurs européens, et 76 % de ces mêmes consommateurs déclarant préférer des produits traditionnels.
Attention à la confusion née de noms similaires pour des produits différents, parfois d'appellation, parfois non.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, la quasi- reconduction des dotations de l'institut national des appellations d'origine, l'INAO, procède d'une démarche volontaire qui doit être poursuivie et développée. L'INAO se doit de mieux se faire connaître non seulement par sa fonction de gardien de critères des AOC, mais aussi pour développer auprès du public, qui est un peu perdu dans ces différentes dénominations, une meilleure connaissance de ce qu'est une appellation d'origine contrôlée.
J'espère, monsieur le ministre, vous sachant extrêmement attaché à ces politiques, que vous pourrez veiller à ce que des politiques commerciales ou de notoriété n'entachent pas la connaissance et les certitudes que le consommateur peut attendre d'une AOC.
Je voudrais terminer en évoquant les problèmes difficiles que connaissent les entraîneurs de chevaux de courses.
La crise que traverse cette belle activité agricole qu'est le cheval touche naturellement, après l'élevage et les propriétaires, les entraîneurs. Leur demande de relever du statut d'agriculteur est certainement légitime et pose un certain nombre de problèmes. Nous essayons, monsieur le ministre, par un travail approfondi entre les professionnels et le service de la législation fiscale, auquel participe le service des haras, d'améliorer les conditions d'exercice de la profession.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dupont.
M. Ambroise Dupont. Je termine, monsieur le président.
Il va de soi que votre ministère ne peut être indifférent à ces travaux. Je souhaite qu'il puisse, avec le SLF, contribuer à sauver une profession qui, dans l'état actuel des choses, périclite. Ils comptent, et je compte avec eux, sur votre compétence et votre efficacité.
La France ne doit pas perdre ses chances dans des métiers aussi prestigieux que ceux du cheval et tellement liés à l'occupation de son territoire.
J'ai conscience d'être sorti du cadre budgétaire, monsieur le ministre ; j'y reviens pour vous dire que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Vous êtes également sorti du cadre des minutes qui vous étaient imparties ! (Sourires.)
La parole est à M. Herment.
M. Henri de Raincourt. C'est dur de respecter les temps de parole !
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dominée par les conséquences de la crise bovine, l'agriculture des productions animales a terriblement souffert en 1996. Certes, nos éleveurs sont durs à la tâche, rudes dans l'adversité et rompus à toutes contraintes. Pourtant, cette « vache folle » d'origine anglaise - on ne prête qu'aux riches - a porté un coup terrible au revenu de nos éleveurs.
Vaches folles, oui, mais aussi médias déchaînés pour la circonstance et consommateurs impressionnables, et ô combien naïfs, portent ensemble la responsabilité de la crise.
Dira-t-on jamais assez, monsieur le ministre, que ce sont tous ces éleveurs qui permettent encore aux territoires les plus sinistrés démographiquement, économiquement et socialement de maintenir une certaine qualité de la vie dans nos campagnes profondes ?
Pourtant, les aides qu'ils perçoivent sont bien modestes comparativement à d'autres productions bien moins contraignantes, et bien plus lucratives aussi !
Quand donc la France et l'Europe auront-elles le courage et la lucidité d'inverser cette fâcheuse habitude, née avec la CEE, qui consiste à attribuer un maximum d'aides aux productions céréalières ?
Monsieur le ministre, il y a quelques jours, les agriculteurs de mon département, comme ceux de tous les départements de France je crois, ont perçu la prime céréalière. Dans les jours qui ont suivi, des représentants d'une banque que l'on connaît bien se sont lancés sur tout le territoire pour leur proposer des spéculations, terrains et immobilier, en région parisienne. J'eusse aimé que ces crédits que je me permets de qualifier d'extraordinaires soient au moins investis dans mon département !
Loin de moi, pourtant, l'intention d'opposer deux secteurs aussi différents que ceux-là. Néanmoins, eu égard au cataclysme né de la crise bovine, le moment me semble venu de rebattre les cartes. Il est impératif, décent et urgent de rééquilibrer les revenus du monde agricole.
Sur ce point précis, je souhaite connaître votre sentiment, monsieur le ministre, car là se trouve l'une des clés de la revitalisation des zones rurales.
Que l'on ne s'y trompe pas : engager une telle politique entraînerait rapidement, j'en suis convaincu, le renouveau attendu. Certes, influences, voire menaces, risquent d'entraver une démarche aussi courageuse. Ecartez-les, monsieur le ministre, vous avez besoin, la France a besoin, une nouvelle fois, de ses « fantassins », véritables gardiens et agents de développement de notre territoire.
Permettez-moi de vous poser encore quelques questions.
Entendez-vous maintenir la politique de limitation de l'augmentation des effectifs à 2 % par année scolaire dans le secteur de l'enseignement agricole ?
L'aménagement du territoire et son développement passent aussi par l'installation des jeunes agriculteurs. Proposez-vous, monsieur le ministre, des mesures qui, en fonction des moyens limités de votre budget dans ce domaine, permettraient complémentairement de relancer ces installations de façon particulièrement significative ?
Les éleveurs de porcs ne supportent pas le refus de la Commission européenne d'utiliser les moyens dont elle dispose pour maintenir les exportations et mettre en place une opération de stockage privé. Alors qu'une baisse d'environ trois francs au kilo frappe les productions porcines, pouvez-vous nous rassurer à cet égard, monsieur le ministre ?
Comme le demandent plus particulièrement les jeunes agriculteurs, il faut maintenant engager le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, de l'abondement des crédits jugés insuffisants en l'état actuel de la ligne budgétaire constatée ?
Le temps de parole limité dont je dispose m'amène à ne pas évoquer d'autres interrogations abordées par nos excellents rapporteurs et par mes collègues de l'Union centriste, et auxquelles je m'associe bien volontiers.
Je conclurai néanmoins en vous félicitant d'avoir déjà obtenu, malgré la rigueur générale, une amélioration significative de votre premier projet de budget présenté au Parlement.
J'y ajouterai mes remerciements pour votre enthousiasme, monsieur le ministre, au service d'une profession qui vous apprécie, comme elle a pu d'ailleurs vous le dire récemment au cours de votre périple en Meuse.
Notre confiance vous étant acquise, nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique et social difficile - les événements de ces derniers jours, en ce qui concerne les chauffeurs routiers, viennent encore de nous le démontrer - le projet de budget du ministère de l'agriculture reflète la volonté gouvernementale de poursuivre l'effort d'assainissement et de redressement des finances de l'Etat.
Avec la quasi-reconduction de ces crédits, ce budget traduit les décisions de la conférence annuelle agricole et de la charte nationale pour l'installation, tout en restant dans l'attente de la loi d'orientation.
Il reflète également le relais pris par le budget agricole européen sur le plan économique.
Votre budget, monsieur le ministre, énonce un certain nombre de priorités.
Ainsi l'installation des jeunes, avec une reconduction de ses moyens, est une de vos principales priorités. C'est en effet la seule solution pour éviter la chute libre du nombre de nos agriculteurs et lutter contre la désertification rurale.
Un juste équilibre doit être trouvé entre la vocation de production de notre agriculture et sa vocation d'occupation de l'espace. Je regrette ici, monsieur le ministre, que la valorisation de l'espace rural, notion à laquelle je suis très attaché, ne soit pas suffisamment prise en compte.
Autre priorité de votre budget, l'enseignement et la recherche, dont les crédits sont en augmentation de 2,3 %. Cette hausse, plus modérée que les années précédentes, n'est pas en rapport avec la formidable progression de 6 % des effectifs. Celle-ci doit être contenue, car si elle se poursuivait dans les années à venir, c'est la spécificité même de l'enseignement agricole qui serait remise en question.
Il faut améliorer les conditions d'accueil et adapter les formations à l'évolution des besoins, tout en prenant garde à ne pas développer des filières qui seraient de plus en plus éloignées de l'agriculture et du monde rural.
C'est tout l'enjeu du débat qui va s'ouvrir à l'occasion de la loi d'orientation. Il va falloir redéfinir le champ d'application de l'enseignement agricole et réaffirmer avec force que sa vocation première est celle de la formation aux activités de production et de transformation.
En dehors de ces deux priorités, votre budget, monsieur le ministre, procède à un certain nombre d'économies.
Par exemple, aucun crédit n'est prévu aux aides à la constitution de groupements et à la tenue d'une comptabilité de gestion. Je regrette profondément cette économie d'adaptation.
Dans mon département, une installation sur deux se fait en société, dont 60 % en groupement agricole d'exploitation en commun, GAEC, et quarante dossiers d'aide à la tenue de comptabilité ont été déposés en 1995. Ces formes d'agriculture sont donc plus que jamais d'actualité. Elles contribuent à développer une agriculture efficace et solidaire et sont un facteur de maintien d'un milieu rural vivant.
La constitution de groupements est la meilleure solution pour permettre l'installation progressive des jeunes, en particulier de ceux qui ne sont pas originaires de milieux agricoles, et favoriser le renouvellement d'une population vieillissante. Le maintien des aides au démarrage est donc souhaitable afin de donner à notre agriculture un niveau optimum de compétitivité.
Autre économie envisagée : celle qui concerne les mesures agri-environnementales. La dotation de 1996 est ramenée à 120 millions de francs, ce qui représente une baisse de 57 % des crédits. Il est fort dommage que ces mesures qui participent à la protection de notre environnement - eau, sol, paysage - ne soient pas mieux prises en considération. Aujourd'hui, les crédits prévus ne permettent pas d'honorer les contrats en cours et la mise en oeuvre de tout nouveau programme est exclue. On ne peut arrêter ces programmes en se fondant uniquement sur des contraintes budgétaires. Un redéploiement budgétaire des fonds affectés à ces mesures me semble nécessaire.
Le fonds de gestion de l'espace rural fait également partie des mesures d'économie budgétaires. Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait abondé les crédits de ce fonds à concurrence de 100 millions de francs. En effet, ce fonds venant tout juste de se mettre en place - sa création date de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995 -, il est encore beaucoup trop tôt pour émettre un avis défavorable à son sujet.
Il est d'autant plus vital que c'est le seul fonds spécifiquement destiné au monde rural. Sa disparition priverait l'agriculture d'un formidable outil d'animation locale et remettrait en cause le lien privilégié qui existe entre l'activité agricole et la gestion de l'espace.
Il doit donc être mis à l'abri des aléas budgétaires afin de poursuivre une action continue sur le moyen et le long terme. Une ressource permanente doit lui être affectée. Je pense que ce problème sera soulevé à l'occasion de la discussion de la loi d'orientation.
Mais les économies ne sont pas les seules mesures adoptées dans votre budget. Nous assistons aussi à un redéploiement de certaines actions.
C'est le cas des mesures concernant les préretraites. A ce sujet, je me réjouis de la suppression de l'article 83 par l'Assemblée nationale et que l'on revienne aux mesures adoptées lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture fixant la fin du régime de préretraite agricole au 15 octobre 1997.
Enfin, je regrette vivement la faiblesse des crédits affectés à la modernisation des exploitations et au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, même si ceux-ci sont en augmentation par rapport à 1996. Le PMPOA doit se voir doter de crédits supplémentaires lui permettant d'éponger les files d'attente du programme quinquennal commencé en 1994.
En ce qui concerne la Charente-Maritime, cinq dossiers de demande d'aide pour des travaux de mises aux normes ont été déposés en 1994, quinze en 1995, cinquante-trois en 1996, et soixante-dix devraient l'être en 1997. A ce jour, aucun dossier n'a été financé. Il est donc absolument nécessaire de revaloriser de manière substantielle le PMPOA afin de lui donner les moyens de répondre à la forte mobilisation des éleveurs en faveur de la protection de l'environnement.
De plus, il me paraît indispensable, pour une meilleure compréhension du problème, de distinguer les crédits PMPOA des dotations à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Pour conclure, je dirai que, malgré quelques imperfections, ce budget démontre tout l'intérêt que le Gouvernement porte à l'agriculture et à la défense de l'espace rural. Chacun s'accorde, d'ailleurs, à reconnaître, monsieur le ministre, votre constante détermination auprès tant des instances européennes que de nos administrations nationales.
Les crédits que vous nous soumettez aujourd'hui sont à la hauteur de vos ambitions, et c'est la raison pour laquelle je les voterai, manifestant ainsi la confiance que je mets dans votre action. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous comprenons les difficultés inhérentes au contexte de rigueur budgétaire, nous n'oublions pas que le budget consacré à la pêche et aux cultures marines pour 1997 s'inscrit dans les perspectives ouvertes par le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime qui a été adopté en première lecture au Sénat le 5 novembre dernier.
Les crédits consacrés à la pêche dans le budget de l'agriculture s'élèvent à 185,7 millions de francs, en baisse de 2,6 % par rapport à ceux qui ont été votés en 1996.
Cette dotation est essentiellement consacrée au soutien des cultures marines, à ce que vous appelez, monsieur le ministre, l'amélioration de la compétitivité de la filière de la pêche, à l'appui aux investissements de modernisation, ainsi qu'au financement du plan de sortie de flotte.
Ainsi, les dépenses ordinaires s'élèvent à 147 millions de francs, dont 125 millions de francs destinés au fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM, et 22 millions de francs à la restructuration des entreprises. Les crédits d'équipements représentent, quant à eux, une enveloppe de 40,2 millions de francs en autorisations de programme.
Mais, au-delà de ces deux grands volets budgétaires, je voudrais insister sur quelques points de cette dotation globale.
La subvention attribuée au FIOM, de 125 millions de francs, est reconduite, certes. Mais l'ambition du projet de loi n'était-elle pas de doter l'interprofession d'un office, l'OFIMER, capable d'instaurer le pilotage par l'aval de la filière ? En ce sens, l'OFIMER est-il condamné à recevoir les mêmes crédits que ceux que reçoit aujourd'hui le FIOM ?
En cette période de stabilisation encore fragile, n'était-il pas opportun d'assurer une transition en douceur du FIOM à l'OFIMER en octroyant aux autorités du fonds d'intervention et d'organisation une capacité financière plus importante ?
M. le rapporteur s'est félicité de ce que le chapitre 44-36 soit suffisamment doté pour assurer la poursuite tant de l'adaptation de la filière pêche que du plan de sortie de flotte.
Mais les 22 millions de francs destinés aux interventions en faveur des entreprises de pêche et de cultures marines sont insuffisants. La fragilité de certaines entreprises aurait mérité un effort plus important.
En effet, ces crédits accordés en faveur des entreprises de pêche sont notamment destinés au paiement des primes d'arrêt définitif et aux versements prévus dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Si nous ne pouvons que nous féliciter de l'aide des régions dans ce type d'intervention, je ne suis pas certain que cette stabilisation des crédits destinés aux arrêts définitifs permettra une adaptation qualitative de la flotte française.
S'agissant du chapitre 64-36, c'est-à-dire de celui qui concerne les crédits d'investissement, les autorisations de programme destinées à la flotte de pêche et aux équipements à terre restent fixées à 40,2 millions de francs, c'est-à-dire au niveau de 1996. Toutefois, dans le même temps, les crédits de paiement reculent, pour s'établir à 38,7 millions de francs.
Vous le savez mieux que d'autres, monsieur le ministre, les aides à la construction et à la modernisation relèvent à la fois de l'Etat et de l'Union européenne.
L'aide communautaire est mise en oeuvre par le règlement communautaire de décembre 1993 relatif aux conditions d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP ; celui-ci met à la disposition de la France 200 millions d'écus sur la période 1994-1999, pour le cofinancement des actions de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche.
Mais vous le savez très bien, monsieur le ministre, ces aides communautaires visent aussi, malheureusement, à la réduction des flottes.
Les aides de l'Etat sont, elles aussi, organisées dans le cadre du règlement communautaire relatif à l'IFOP ; elles prennent la forme soit d'une subvention, soit d'un prêt bonifié. Les crédits de paiement destinés au renouvellement et à la modernisation de la flotte de pêche et à l'aquaculture sont fixés à 18 millions de francs contre 22 millions de francs en 1996.
En définitive, la modernisation de la flottille n'est pas fondamentalement garantie, car, d'une part, la dotation de l'Etat est insuffisante, eu égard à l'urgence et à l'ampleur de la modernisation de l'outil de production, et, d'autre part, elle ne doit son existence que grâce à la louable collaboration des régions, qui ressentent beaucoup plus la nécessité de redynamiser l'activité économique de notre littoral national, mais dont les finances se restreignent également.
Enfin, étant donné la faible part octroyée par votre ministère, les milieux portuaires ne doivent le rajeunissement de leurs infrastructures que grâce aux subventions du ministère de l'équipement, ce qui peut se comprendre pour tout ce qui touche la direction des ports maritimes, mais beaucoup moins pour les activités des pêches maritimes qui dépendent en priorité de votre département ministériel, monsieur le ministre.
Je conclurai en disant, monsieur le ministre, qu'au-delà de ces insuffisances budgétaires, nous vous soutenons dans votre action, qui consiste à défendre les intérêts de nos pêches dans une Union européenne qui oblige à une nécessaire et vraie Europe bleue. En effet, nous ne pouvons accepter le POP IV en l'état.
L'avenir de nos pêches maritimes et de nos cultures marines est en jeu et nous sommes bien décidés à les défendre. (Applaudissements sur les travées socialistes.) M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Durant ces derniers mois, monsieur le ministre, l'actualité ne vous a pas ménagé et, même si mon temps de parole est limité, je voudrais vous rendre hommage pour la détermination et l'efficacité dont vous avez su faire preuve dans le règlement du dossier particulièrement difficile de la vache folle.
Dans ce contexte, même s'il diminue de près de 4 %, hors subvention au BAPASA ; votre budget figure néanmoins parmi ceux qui régressent le moins. Il traduit réellement la volonté du Gouvernement de poursuivre, en priorité, la politique d'installation indispensable à l'avenir de notre agriculture.
Je voudrais d'abord évoquer le fonds de gestion de l'espace rural.
Ce fonds, qui n'avait pas été doté dans le projet de budget, a été, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, abondé à concurrence de 100 millions de francs, auxquels devrait être ajoutée une enveloppe de 100 millions à 150 millions de francs prélevée sur les crédits délégués en 1996, mais non utilisés.
Néanmoins, ces crédits ne permettant pas la poursuite des programmes pluriannuels engagés, il est indispensable que la dotation de 100 millions de francs déjà obtenue soit portée à 150 millions de francs.
J'ajouterai que ce fonds a su prouver toute son efficacité en matière d'environnement, de préservation et de protection des paysages, contrairement à ce qui a été annoncé parfois.
Je souhaiterais aborder un deuxième point : l'installation des jeunes en montagne.
Pour maintenir l'atout que représente l'agriculture en zone de montagne et face à la forte déprise foncière, il nous faut absolument installer de jeunes agriculteurs.
Des moyens supplémentaires en droits à produire - vaches allaitantes et quotas laitiers - doivent donc être dégagés pour que réussisse, sur l'ensemble du territoire, la politique d'installation.
En outre, même si 31 % de la dotation aux jeunes agriculteurs vont à la montagne, la moitié des jeunes qui s'y installent n'y ont pas recours, en raison notamment des exigences de formation, et particulièrement du stage de six mois.
Une bonne formation est indispensable aux jeunes exploitants, certes, mais il serait bon néanmoins d'assouplir les exigences en accordant une obtention différée du diplôme ou une réduction de la durée du stage.
Lors de l'examen du budget de 1996, j'avais déjà attiré votre attention à ce sujet, monsieur le ministre, et vous m'aviez dit être sensible à ce problème et rechercher une solution. Je souhaiterais que les négociations puissent, sur ce point, aboutir prochainement.
J'en arrive au quatrième point de mon intervention qui concerne les producteurs laitiers.
Consécutivement à la crise du marché de la viande provoquée par la maladie de la vache folle, la dégradation de la situation des producteurs laitiers des zones de montagne devient très préoccupante.
Les particularités inhérentes à cet élevage, notamment l'inconvertibilité du système d'exploitation et la part importante du produit de la viande dans le chiffre d'affaires, qui sont plus importantes que dans d'autres régions du fait des plus faibles niveaux de références laitières, justifient une intervention exceptionnelle en sa faveur.
Echappant à tous les dispositifs mis en place à ce jour, ces éleveurs devraient se voir attribuer une aide exceptionnelle versée aux vaches laitières déclarées à l'indemnité spéciale montagne.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais évoquer les difficultés auxquelles sont confrontées les scieries de mon département, car la montagne, c'est aussi la sylviculture.
Le secteur des entreprises du bois est soumis, depuis la fin de 1995, à un double phénomène : l'effondrement du marché mondial de la pâte à papier et la baisse du marché des sciages résineux, aussi bien en prix qu'en volume.
L'impact de ces baisses de marchés est particulièrement aigu pour les scieries de Lozère. En effet, compte tenu de sa ressource forestière, l'économie du bois lozérienne est fortement dépendante des marchés de l'emballage et des bois de trituration.
De ce fait, la crise dont se plaignent les scieurs est bien réelle et risque de durer plusieurs mois, avec de graves difficultés de trésorerie.
Au-delà des mesures qui peuvent être prises au niveau local, il semble nécessaire d'envisager des dispositifs complémentaires.
Lors de la crise de 1993, le ministère de l'agriculture avait mis en place trois types de mesures particulièrement appréciées : un dispositif d'aide à la trésorerie, des facilités dans l'octroi de reports d'échéances auprès de l'Office national des forêts et une exonération temporaire de la taxe forestière.
Compte tenu des graves difficultés rencontrées dans ce secteur, serait-il possible, monsieur le ministre que soient mises en place de nouvelles mesures spécifiques ?
M. le président. Je vous prie de conclure, madame le sénateur.
Mme Janine Bardou. Je termine, monsieur le président.
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à souligner qu'il y a non pas une agriculture, mais des agricultures dont certaines souffrent plus que d'autres, c'est le cas de l'agriculture de montagne.
Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris puisque vous avez déposé un mémorandum auprès de Bruxelles demandant que soient prises en compte les caractéristiques de l'activité agricole et sylvicole des zones de montagne. En effet, leur fragilité nécessite qu'une nouvelle ampleur soit donnée à la politique menée en faveur de ces régions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier M. le ministre d'avoir accepté le maintien de l'abattoir de Pontarlier et accordé les crédits permettant sa reconstruction.
Votre compréhension et votre aide, monsieur le ministre, ont apaisé les inquiétudes que nous pouvions nourrir, et le parlementaire que je suis vous en est très reconnaissant. Je vous invite d'ores et déjà à honorer de votre présence l'inauguration de cet abattoir, à l'automne prochain. (Sourires.)
J'évoquerai maintenant l'installation des jeunes agriculteurs.
Le nombre des installations me paraît très insuffisant, ce qui ne va pas sans mettre en cause l'avenir de notre agriculture.
Nous savons que toutes les mesures qui ont été inscrites dans la charte signée voilà un an sont opérationnelles, mais on ne dénombre que 12 000 installations par an pour 40 000 départs. Ces chiffres sont alarmants.
Paradoxalement, l'enseignement agricole attire de plus en plus de jeunes. Il est même victime de son succès. Cependant, comme vous l'avez expliqué le 6 novembre dernier, monsieur le ministre, il faut absolument que cet enseignement reste étroitement lié aux métiers agricoles. En effet, cet engouement pour l'enseignement agricole devra déboucher sur un nombre croissant d'installations de jeunes dans l'agriculture. (M. le ministre acquiesce.)
En tout cas, le fait que ce métier attire encore notre jeunesse ne peut que nous réjouir.
Nous savons que l'installation des jeunes agriculteurs est l'une de vos priorités, et nous comptons sur vous pour que l'effort consenti en faveur de ces installations soit encore accentué. Cela permettra de redonner confiance à la profession et de susciter de nouveaux projets, afin que cet écart qui sépare le nombre des installations de celui des départs s'atténue rapidement, jusqu'à disparaître.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité de sauvegarder notre agriculture, afin de valoriser notre territoire, mais aussi de conserver et de développer nos parts de marché à l'exportation. N'oublions pas que le solde positif de nos échanges de produits agroalimentaires avec l'étranger représente une part importante de l'excédent de notre balance commerciale.
Je rappelle que notre pays est le premier exportateur mondial de produits transformés issus de l'agriculture.
Dans ce projet de loi de finances pour 1997, un autre point suscite l'inquiétude : la suppression des aides au démarrage pour la constitution de groupements agricoles, telles les CUMA, les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole.
Ces aides, mises en place en 1974 pour alléger les charges de gestion des groupements lors de leurs premières années de fonctionnement, devaient, de surcroît, encourager l'agriculture de groupe.
Leur suppression irait à l'encontre de l'encouragement si souvent prodigué à l'agriculture de réduire ses charges de mécanisation.
La mise en commun des outils de production est aussi une aide précieuse pour les jeunes agriculteurs désireux de s'installer, en même temps qu'elle joue un rôle important dans le maintien du tissu rural.
En résumé, cette suppression constituerait à la fois une injustice sociale et une erreur économique.
Pour terminer, j'évoquerai les crédits prévus pour les deux prochaines années en faveur des contrats de plan Etat-région. Votre ministère a annoncé que les crédits prévus pour les deux dernières années des contrats devaient être étalés sur trois ans. Cette mesure revient à diminuer d'un tiers l'enveloppe utilisable en 1997 et 1998. Elle a été prise dans un cadre général de réduction du déficit du budget de l'Etat et elle intéresse tous les secteurs, en particulier ceux qui bénéficient d'importants crédits publics en matière d'investissements lourds.
Il semble que l'application de cette mesure dans toute sa rigueur conduira, pour ce qui se rapporte aux crédits d'orientation des offices placés sous la tutelle du ministère de l'agriculture, à désorganiser profondément des programmes qui financent des actions de modernisation à caractère technique, d'expérimentation et de conseil aux producteurs, mettant en difficulté les entreprises, les groupements de producteurs et l'ensemble des organismes à vocation technique dont les ingénieurs et techniciens guident ces actions.
Ainsi, en Franche-Comté, alors que nous avions programmé une montée en puissance des mesures d'amélioration des conditions d'hygiène sur les exploitations laitières pour répondre aux exigences de maîtrise et de qualité de la production fixées par les directives européennes, il serait regrettable que les équipes techniques de terrain soient démobilisées, voire licenciées, et que tous les équipements envisagés soient supprimés parce que le financement prévu ne serait pas maintenu.
Au cours des vingt dernières années, le fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles, le FORMA, puis les offices ont disposé de crédits pour les conventions régionales, que celles-ci aient été inscrites ou non dans les contrats de plan. Leur inscription dans le contrat de plan avait pour objectif de les sécuriser davantage. Il serait profondément dommage que leur contractualisation ait aujourd'hui l'effet inverse, entraînant ces crédits dans l'application automatique d'une décision qui concerne des budgets d'équipement d'une tout autre ampleur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'apporter des apaisements sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera principalement sur l'important retard que connaît la réalisation du programme de mise aux normes des bâtiments d'élevage en raison de l'insuffisance des crédits de l'Etat.
En effet, celui-ci prévoit de consacrer 165 millions de francs à ce programme en 1997, alors que ce sont 350 millions de francs qui seraient nécessaires.
Depuis 1994, plus d'une centaine d'éleveurs du département des Pyrénées-Atlantiques se sont engagés dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, et ce nombre devrait être multiplié par cinq d'ici à 1998.
Or, depuis 1995, les crédits du ministère de l'agriculture destinés au financement des bâtiments d'élevage ont considérablement diminué. On a en effet pu constater, pour les années 1994 à 1996, que les crédits d'Etat accusaient un déficit moyen annuel de 2 millions à 2,5 millions de francs.
Afin de remédier à cette situation, le collectif budgétaire devrait permettre de dégager, au titre de cette action, 50 millions de francs supplémentaires en 1996, ce qui, pour les Pyrénées-Atlantiques, représentera 2,9 millions de francs. Mais ces crédits ne seront vraisemblablement reçus qu'en 1997.
Il s'agit là d'une mesure conjoncturelle qui, en réalité, ne résout pas le problème de la pérennisation des financements de l'Etat.
Pourtant, une solution existe : la contractualisation. La région Aquitaine propose en effet la signature d'un avenant au contrat de plan Etat-région, afin que 3 millions à 4 millions de francs par an de crédits d'Etat pour les bâtiments d'élevage en zone de montagne soient inscrits au contrat de plan.
La région Aquitaine pourrait, en contrepartie, financer, à hauteur de 2 millions à 2,5 millions de francs par an, les actions qu'elle conduit hors contrat de plan.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous acceptez ces propositions, qui vous ont été soumises par le président Valade, les 10 juillet et 16 septembre derniers.
Je souhaiterais par ailleurs attirer votre attention sur le coût des stages de six mois qui sont obligatoires pour les jeunes souhaitant bénéficier de l'aide à l'installation, et dont 50 % du financement sont assurés par le ministère de l'agriculture. Dans les Pyrénées-Atlantiques, 120 stagiaires sont prévus pour 1997 et le coût de cette action est évalué à 720 000 francs. Or une éventuelle diminution des crédits compromettrait la gestion de cette activité.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, apaiser cette inquiétude ?
Enfin, monsieur le ministre, je vous poserai une question très directe : où en sommes-nous du classement en zone de montagne des communes des Pyrénées-Atlantiques ? J'entends tellement de choses à ce sujet que j'y perds mon latin ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de janvier 1992, le comité interministériel d'aménagement du territoire, le CIAT, a décidé de délocaliser à Limoges le centre national d'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Cet établissement public national, placé sous la tutelle des ministères de l'agriculture et des finances, gère un budget d'environ 16,8 milliards de francs permettant, d'une part, d'assurer le versement des aides financières au monde agricole et, d'autre part, d'assurer le financement des actions en faveur de la formation professionnelle et de l'emploi lancées par l'Etat.
Ce transfert a été officialisé par la signature, le 5 janvier 1993, d'un contrat de localisation, puis confirmé par le conseil d'administration du CNASEA, le 28 juin 1994.
C'est pourquoi la direction de cet organisme a lancé en février 1994 un concours d'architecture, en vue de la désignation du maître d'oeuvre chargé de la construction, à Limoges, d'un bâtiment adapté à ses activités.
Au mois de juin dernier, le marché passé avec l'architecte lauréat a été rompu, avec torts exclusifs de ce dernier pour manquements graves.
Cette défaillance technique ne doit pas retarder l'évolution du dossier.
En effet, cette localisation signifie le transfert de 350 emplois à Limoges, ce qui représente l'arrivée d'environ 1 200 personnes qui vont, bien entendu, contribuer au maintien de l'activité locale.
L'implantation de cet établissement doit en partie compenser les pertes d'emplois enregistrées dans le secteur secondaire. Depuis quelques années, le bassin de Limoges est, en effet, tout particulièrement touché par la crise économique que nous traversons : disparition d'entreprises des secteurs du textile et de la mécanique, graves difficultés de l'industrie porcelainière, sans oublier la fermeture récente de la Cogema ni celle, prochaine, de la base aérienne de Romanet.
A Limoges, nous sommes très inquiets, monsieur le ministre, comme sont inquiets les agents du CNASEA qui souhaitent venir vivre en province et qui attendent une réponse, comme sont encore plus inquiètes les personnes recrutées en Limousein et qui, lors de leur embauche, ont reçu l'assurance qu'elles allaient pouvoir revenir vivre et travailler à Limoges.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur la volonté réelle du Gouvernement de tenir les engagements de l'Etat.
En effet, l'Assemblée nationale, le 24 octobre dernier, lors de l'examen des crédits de l'agriculture, a adopté un amendement, présenté par M. Mariton, qui réduit de 110 millions de francs les crédits du CNASEA, sous prétexte, selon son auteur, qu'« un certain nombre d'opérations envisagées par cet établissement prenaient du retard, notamment son projet de délocalisation ».
Je vous rappelle que, l'année dernière, à cette tribune, je m'étais inquiété auprès de vous de la pérennité du projet, après que M. Mariton eut déjà voulu réduire les crédits de fonctionnement du CNASEA. Vous aviez bien voulu, alors, me rassurer et me dire que, quelles que fussent les difficultés budgétaires, la délocalisation du CNASEA ne serait pas remise en cause.
Pouvez-vous, comme l'a fait votre collègue M. Perben en réponse à une question de mon ami Jean-Claude Peyronnet la semaine dernière, nous confirmer les engagements de l'Etat ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je sais mon temps de parole terriblement limité mais je tiens à vous faire part de quelques réflexions.
Tout d'abord, je vous félicite de la détermination dont vous avez su faire preuve - je vous préviens tout de suite que ce compliment sera suivi d'une demande (Sourires) - dans vos démarches auprès de l'Union européenne lors de la crise de la viande bovine.
Cela dit, vous ne m'empêcherez pas de penser que le système actuel a des limites.
Lorsqu'on sait qu'un certain nombre d'agriculteurs tirent leurs revenus uniquement de la prime, voire qu'ils ne maintiennent - tout juste - l'équilibre de leur exploitation que grâce à la prime, il y a tout de même de quoi se poser des questions !
Il faut bien évidemment défendre le revenu des agriculteurs, mais, pour une profession qui est en soi indépendante, cette disposition soulève certaines interrogations.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur un point particulier.
La semaine dernière, un agriculteur m'a informé que son dossier n'était pas parvenu à la direction départementale de l'agriculture. Or, s'il n'obtient pas cette prime, sa propre exploitation sera mise en cause. Mes chers collègues, est-il concevable que la non-transmission d'un document puisse entraîner la suppression du revenu de toute une année ? Telles sont pourtant bien les conséquences de l'application de cette mesure.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous favorisez l'installation des jeunes, votre projet de budget l'atteste. Nous sommes totalement d'accord avec vous, il faut augmenter le nombre des installations.
Néanmoins, dans la mesure où des quotas laitiers sont imposés - je prends cet exemple car, dans mon département, cette production est très importante - je ne suis pas certain que nous ayons raison d'encourager les jeunes à s'installer. Il faut donc réexaminer les conditions d'installation et la fixation des quotas laitiers.
Le dernier point que j'évoquerai est lié au précédent : l'un des moyens pour les jeunes de s'en sortir consiste à développer certaines productions fermières. Mais, là encore, peut-être faudrait-il assouplir la réglementation. Aujourd'hui, l'organisation de la vente de produits fermiers suppose des investissements souvent très importants. Les contraintes sont telles que bien des familles y renoncent.
Je prendrai un exemple qui, pour n'être pas directement lié à l'exploitation, n'en démontre pas moins l'absurdité de notre système.
En tant que maire, vous avez la gestion de la cantine scolaire. Si celle-ci accueille 99 élèves, vous pouvez vous approvisionner chez le boucher. En revanche, si elle accueille 101 élèves, vous ne le pouvez plus sauf aux termes de la réglementation actuelle, si le boucher est équipé d'un laboratoire. N'est-il pas suffisant de savoir que les conditions d'hygiène sont respectées ?
Monsieur le ministre, j'en reviens au compliment que je vous ai adressé. Vous avez manifesté votre volonté. Chacun connaît votre attachement à l'agriculture et aux agriculteurs de notre pays. Vous devez essayer de franchir une étape. Vous en avez les moyens et nous sommes là pour vous y aider. L'agriculture, qui a toujours tenu une grande place dans notre pays et qui a toujours contribué à l'équilibre de la balance commerciale, a encore un avenir.
A travers les actions que nous pouvons mettre en place, contribuons à redonner espoir aux agriculteurs. Nous comptons sur vous pour le faire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Hugo.
M. Bernard Hugo. Au début de mon intervention, permettez-moi, à mon tour, monsieur le ministre, de saluer la détermination et le courage que vous avez manifestés lors de la crise engendrée par la maladie de la « vache folle », l'encéphalopathie spongiforme bovine, et de vous féliciter des résultats significatifs que vous avez obtenus, au terme d'efforts opiniâtres, pour venir en aide aux éleveurs victimes de cette situation catastrophique.
J'en viens maintenant au projet de budget proprement dit.
Ce projet de budget s'inscrit dans un contexte affirmé de maîtrise des dépenses publiques. Il s'élève à 35,22 milliards de francs et enregistre une légère diminution de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, sont inscrits 27,37 milliards de francs de crédits, soit une diminution de 3,9 %, à structure constante. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'insisterai que sur quelques points.
J'évoquerai, tout d'abord, comme plusieurs de mes collègues, la politique d'installation des jeunes. Celle-ci demeure prioritaire dans ce projet de budget, et nous nous en réjouissons, car elle conditionne l'avenir de notre agriculture.
Dans le département que j'ai l'honneur de représenter, en termes d'installations aidées, la dynamique amorcée par le défi ardéchois depuis la signature de la charte départementale, qui précédait la charte nationale, commence à porter ses fruits puisque le nombre de reprises ou de créations d'entreprises agricoles augmentera, en 1996, de 30 % par rapport à 1995.
Mais, pour ne pas briser cet élan, il était nécessaire de maintenir le dispositif des préretraites à cinquante-cinq ans jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'au 15 octobre 1997. Vous l'avez fait. Le recul de l'âge de la retraite nous aurait privé d'un vivier important pour l'installation. Quarante projets auraient été ainsi remis en cause en Ardèche. Ce chiffre est certes modeste, mais ces projets sont importants en milieu rural.
Vous accordez également, et vous avez raison, une priorité à l'enseignement et à la formation professionnelle agricole. A cet égard, les dotations enregistrent une croissance de 2,3 %. Après l'augmentation importante des crédits en 1996, cet accroissement permettra de créer soixante-dix postes d'enseignant.
Toutefois, ces dotations ont été calculées en fonction d'une croissance des effectifs limitée à 2 %. C'est bien là où le bât blesse puisque, à la dernière rentrée scolaire, les effectifs ont augmenté de plus de 5 %. Certes, ce beau succès est tout à l'honneur de l'enseignement agricole. Il convient, cependant, de conserver ses caractères spécifiques.
Je partage votre avis, monsieur le ministre, lorsque vous préconisez de maîtriser le flux de diplômés dans les années à venir pour garantir aux jeunes une meilleure insertion professionnelle. Comme l'a souligné M. Gouteyron, tout un équilibre doit être trouvé.
D'autres crédits de votre ministère sont simplement reconduits. J'évoquerai simplement le soutien accordé à l'élevage. C'est ainsi que les crédits affectés à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et à la prime à l'herbe sont maintenus.
Cette prime à l'herbe, mise en oeuvre dans le cadre des mesures d'accompagnement de la réforme de la politique agricole commune, concerne quelque 118 000 éleveurs. Mais il s'agit d'un contrat qui vient à échéance en 1997.
Le renouvellement de ce contrat est souhaitable car la prime à l'herbe représente un encouragement aux systèmes d'élevages extensifs et contribue à une utilisation plus équilibrée de l'espace agricole. Ne pourrait-on d'ailleurs pas élargir son champ d'application à l'ensemble des zones à vocation herbagère pour en faire un véritable outil d'aménagement du territoire ? Ne pourrait-on pas également envisager sa revalorisation, afin de rendre la mesure plus incitative, quand on sait que la surface en herbe a diminué de 25 % depuis 1970.
Parmi les crédits en baisse - il y en a - ceux qui sont destinés aux offices risquent de poser des problèmes aux secteurs fragiles, en particulier à celui des fruits et légumes. Je traiterai surtout des fruits.
Le tissu économique de ce secteur riche en emplois se désagrège en raison de la grave désorganisation de ce marché. Les dévaluations monétaires de la lire italienne et de la peseta espagnole ont entraîné des pertes très lourdes pour nos producteurs. Tant que subsisteront entre les pays de l'Union européenne des distorsions de concurrence monétaire, fiscale ou sociale, ce type de situation persistera.
Le 12 novembre dernier, vous avez annoncé, monsieur le ministre, des mesures en faveur des producteurs de fruits et légumes. Ces mesures ont été accueillies favorablement par la profession, notamment celle du report des annuités d'emprunt.
Quant à l'enveloppe de 300 millions de francs qui avait été annoncée, seuls 200 millions de francs sont destinés à l'arboriculture alors que les pertes à l'échelon national s'élèvent à 1,3 milliard de francs. Cette enveloppe permettra certes un allégement des charges d'exploitation, mais elle ne couvrira pas les pertes subies par les producteurs de fruits d'été, pertes évaluées dans mon département à 96 millions de francs, soit, par kilo, 1,93 franc pour les pêches, 1,78 franc pour les abricots et 3,29 francs pour les cerises, alors que le montant de la subvention ne représenterait que 20 à 30 centimes par kilogramme.
J'attire tout particulièrement votre attention, monsieur le ministre, sur la triste situation de ces arboriculteurs, dans tous les bassins de production. J'attire également celle de vos services sur la répartition départementale de ces compensations, certes bien insuffisantes, mais attendues.
Je regrette aussi la faiblesse des crédits affectés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, pour la mise aux normes environnementales des exploitations. Un bon nombre de dossiers sont bloqués en raison d'une insuffisance des moyens financiers, ce qui a pour effet d'empêcher la réalisation de travaux indispensables à la protection de l'environnement et à la reconquête de la qualité de l'eau.
Un effort financier significatif me semble nécessaire dans ce domaine afin de résorber les retards qui ont été accumulés depuis plusieurs années.
Par ailleurs, afin d'assurer une meilleure lisibilité, il conviendrait d'individualiser les crédits du PMPOA et ceux qui sont alloués à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Nous nous inquiétions, monsieur le ministre - j'emploie à dessein l'imparfait - de la disparition du fonds de gestion de l'espace rural créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que ce fonds constitue un atout important pour le développement rural car de nombreux projets ont besoin d'être soutenus.
Nous nous réjouissons que, dans ce budget, vous ayez accepté d'inscrire en faveur de ce fonds, une dotation d'un montant de 100 millions de francs à laquelle il convient d'ajouter un report de crédit de 100 millions de francs à 150 millions de francs. Cette dotation permettra, en 1997, la poursuite des opérations les plus intéressantes.
Monsieur le ministre, en conclusion, votre action est appréciée du monde agricole, qui attend d'ailleurs beaucoup de la future loi d'orientation, tout comme est reconnue votre détermination pour faire prendre en compte dans les organismes européens les intérêts de l'agriculture française.
Tout en respectant les contraintes budgétaires que nous connaissons, vous avez su être efficace et dégager dans ce budget des priorités répondant à un certain nombre d'attentes. Aussi, vous pouvez compter sur notre soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne développerai que trois thèmes.
Le premier concerne l'enseignement agricole.
Il faut, dites-vous, absolument limiter la progression des élèves à 2 %. Monsieur le ministre, vous êtes un élu du Nord - Pas-de-Calais et vous connaissez la valeur de cet enseignement agricole tant dans le public que dans le privé. Je ne comprends donc pas votre entêtement, votre obstination, pour ne pas dire plus, à vouloir limiter le nombre des élèves de cet enseignement agricole qui se révèle de très bonne qualité et qui devrait plutôt d'ailleurs se dénommer « enseignement pour le monde rural ».
De nouvelles activités doivent être développées dans le monde rural. La mission de l'enseignement agricole devrait être d'assurer la formation à l'aménagement de l'espace rural, de développer des savoir-faire et de former ses élèves à la production de qualité.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui de l'entretien des espaces verts, de l'horticulture et de l'embellissement de nos communes. Nous avons besoin dans ces domaines de personnels et d'entreprises agricoles compétents, qui pourront assurer correctement l'entretien de l'espace rural. Je vous demande donc de revenir sur votre décision en la matière, monsieur le ministre.
Ma deuxième réflexion portera sur l'installation des jeunes agriculteurs.
Il est vrai que vous engagez un effort en ce domaine mais reconnaissez que l'augmentation du nombre des installations est due à l'incitation au départ à la retraite. Tant que des mesures fortes ne seront pas prises pour limiter l'intensification agricole, il ne sera pas possible d'augmenter le nombre des jeunes agriculteurs qui s'installent. En effet, on limite les droits à produire.
Cela signifie que les agriculteurs déjà installés recherchent les fermes disponibles, afin d'en récupérer les terres et d'accroître leur production par l'extension de leur surface. Le combat est forcément inégal aujourd'hui entre les jeunes agriculteurs qui veulent s'installer et ceux qui le sont déjà et qui souhaitent s'agrandir.
Le troisième thème a trait à l'élevage.
Il est vrai que l'affaire récente de la « vache folle » a révélé l'ampleur de la crise du secteur de l'élevage, qui est caractérisé par une offre structurellement excédentaire et une baisse de la consommation. Les plus optimistes évoquent une baisse de l'ordre de 10 % sur les six années à venir.
La réforme de la politique agricole commune, en 1992, élaborée à un moment favorable pour le cycle bovin, portait cependant déjà en germe les problèmes actuels.
En renforçant les aides à la tête, elle a contribué inévitablement à l'augmentation de la production. Le choc consécutif à la maladie de la « vache folle » nous en a simplement révélé brutalement les effets. Aujourd'hui, nous devons impérativement en tirer les leçons.
Tout d'abord, une réforme est nécessaire.
Au-delà des mesures d'urgence liées à la crise que vous avez prises, monsieur le ministre, la situation justifie, aujourd'hui plus que jamais, une réforme d'ensemble des aides animales, responsables en grande partie des déséquilibres constatés sur le marché.
En effet, les aides actuelles sont constituées par des primes liées à la quantité et à la nature du cheptel détenu. Malgré les contingentements, le surplus a été ainsi encouragé.
La transformation du système en cours d'aides à la tête en aides à la surface permettrait d'améliorer la régulation de l'offre à moyen terme. Elle permettrait également de supprimer certains travers des primes qui favorisent certaines productions intensives comme le taurillon.
Le choix d'une aide à la surface favoriserait, notamment, l'extensification par la mise en place d'une véritable politique de l'herbe. Pour résumer et pour reprendre un titre célèbre, aujourd'hui, « le bonheur est dans le pré » !
Par ailleurs, une véritable politique de l'herbe est souhaitable. Elle permettrai d'allier moindres coûts de production et meilleure qualité de viande et de préserver l'environnement en réduisant les pollutions animales qui résultent de l'élevage intensif.
Elle constituerait aussi une réponse possible aux problèmes sanitaires et de contagions, notamment dans le cas de la maladie de la « vache folle ».
Elle permettrait également à court terme à nos producteurs de mieux s'adapter à la réduction de la demande des consommateurs.
Il convient, monsieur le ministre, de revaloriser la prime à l'herbe actuelle, trop dissuasive par rapport à la prime aux céréales ou au maïs et qui contribue à bouleverser nos paysages traditionnels de bocages et encourage l'élevage intensif et ses dérapages.
Cette revalorisation est attendue dans le monde agricole. Elle serait appréciée. Nous souhaitons donc qu'elle soit significative. Elle doit constituer une première étape, majeure dans l'encouragement à l'élevage extensif. La France possède, au travers de son espace et de ses nombreux terroirs, des atouts formidables dans ce domaine.
C'est aussi, en termes d'aménagement du territoire, le moyen pour notre agriculture de prendre en compte de réels objectifs.
Un effort a été accompli en matière de prise en compte des conditions locales, mais il reste insuffisant et inadapté à certains contextes régionaux.
Si le taux actuel de chargement, plafonné, ouvrant droit à la prime correspond plus à une situation vécue dans les régions de montagne, il ne répond pas aux conditions d'exploitation d'autres régions, plus intermédiaires : je pense à l'Avesnois-Thiérache dans le département du Nord, qui illustre bien ces zones intermédiaires défavorisées, dans lesquelles on ne peut faire que du lait et de l'élevage.
Le taux de chargement est ici élevé - 2,16 - les structures sont trop petites et les charges foncières, qui traduisent encore un passé riche, sont pénalisantes.
Maintenir la prime à un taux faible et renforcer les contraintes de chargement, c'est condamner la prairie et les exploitants de cette région ; c'est accroître les inégalités à l'échelon national. Il faut moduler ces contraintes selon les régions.
Il existe ainsi, au sein de départements comme celui du Nord, qui affichent une agriculture particulièrement développée, des espaces touchés par la crise et dont il faut, au nom de l'équité, maintenir les chances de développement.
Les professionnels souhaitent une prime à la surface autorisant parfois un chargement plus élevé, qui correspond mieux aux conditions locales d'exploitation ; ou encore une prime qui s'oriente vers une aide dégressive selon le nombre de bovins.
Cette réforme doit être progressive. Bien entendu, il faudra tenir compte également des mesures de soutien qui ont été prises dans le secteur laitier, des contraintes liées aux accords du GATT et ne pas pénaliser les producteurs en adaptant aussi ce secteur à une politique d'aide à la surface.
Or je constate que ce budget n'est pas l'occasion du grand débat de fond réclamé autour de la réforme nécessaire des structures, de la répartition des aides et de la lutte contre les inégalités.
Ces priorités ne sont nullement affichées ici. Elles ne sont même pas abordées dans votre budget. Il y a cependant urgence, monsieur le ministre. La complexité des primes octroyées dans le secteur animal, la « course » à la référence individuelle de cheptel, le maintien de notre compétitivité, la nécessité de préserver notre environnement et la santé publique, l'entretien et l'occupation de notre espace, tout concourt aujourd'hui à la mise en place de cette réforme.
J'attends, monsieur le ministre, la discussion prochaine de la loi d'orientation agricole, qui continuera, je l'espère, l'occasion d'engager cette réflexion. Vous répondrez ainsi aux attentes légitimes de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. On ne peut pas faire de l'extensification avec deux UGB à l'hectare ! Cela n'a pas de sens !
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. J'ai été très attentif à la présentation de votre projet de budget, monsieur le ministre, et j'ai écouté avec un vif intérêt les conclusions de MM. les rapporteurs.
Participant à l'effort de rigueur engagé par le Gouvernement, le projet de budget de votre ministère régresse modérément, amputant notamment des actions indispensables à l'avenir des zones de montagnes.
C'est sur ces zones sensibles que je souhaiterais attirer votre attention et celle de la Haute Assemblée.
L'agriculture n'a plus pour seule mission de nourrir les hommes. Elle doit non seulement produire des biens alimentaires, mais également occuper le territoire, préserver l'emploi et contribuer à redynamiser le milieu rural, qui a tendance à s'affaiblir et, dans les zones défavorisées, à se paupériser.
Dans le droit-fil de cette préoccupation, je regrette, monsieur le ministre, que le fonds de gestion de l'espace rural ne retrouve pas, et de loin, sa dotation de 1996.
Je me réjouis, certes, comme certains de mes collègues, qu'à l'Assemblée nationale ce fonds ait bénéficié d'une inscription de 100 millions de francs prélevés sur le CNASEA. Mais je considère qu'il serait éminemment souhaitable d'abonder ce fonds de 100 millions de francs supplémentaires, afin de le rendre plus efficace et de lui permettre de se rapprocher, autant que faire se peut, des crédits de 1996, qui s'élévaient à 388 millions de francs, et de ceux de 1995, qui étaient de 500 millions de francs.
Autre préoccupation forte : les dotations budgétaires affectées à la mise aux normes des bâtiments d'élevage et à la modernisation des bâtiments de montagne.
A cet égard, il me paraîtrait opportun que le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricoles, le PMPOA, soit doté des fonds nécessaires à sa complète mise en oeuvre. En effet, il serait bienvenu que l'Etat consente un effort supplémentaire en acceptant d'aller jusqu'à 350 millions de francs pour l'année 1997.
Par ailleurs, il est maintenant indispensable de débloquer l'ensemble des crédits spécifiquement dévolus à la modernisation des bâtiments de montagne. En effet, la situation se détériore, que l'on considère l'évolution des crédits ou le maintien de la spécificité des actions en faveur des bâtiments de montagne.
Pour ce qui est du montant des financements, pour le moment, les 50 millions de francs annoncés pour cette année n'ont pas été votés dans le cadre de la loi de finances rectificative.
L'évolution des crédits pour 1997 ne fait qu'accentuer une chute amorcée depuis plusieurs années, avec 45 millions de francs en loi de finances initiale, contre 54 millions de francs début 1996 et 75 millions de francs début 1995.
En ce qui concerne la spécificité des financements des bâtiments de montagne, force est de constater que les crédits « montagne » contribuent encore et toujours à financer l'ensemble d'un programme national de mise aux normes des bâtiments d'élevage.
Ce phénomène de « grignotage », pour le moins contestable, sera au demeurant inévitable aussi longtemps que les crédits « bâtiments de montagne » ne seront pas clairement distingués, au travers d'une ligne spécifique, des financements de modernisation des bâtiments d'élevage en général.
A cet égard, monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler que, lorsque mon collègue Roger Rigaudière avait proposé, voilà exactement un an, l'adoption d'un amendement visant à établir clairement cette distinction, cette mesure avait été écartée pour des motifs juridiques liés à l'architecture budgétaire. Toutefois, vous aviez bien voulu assurer mon collègue que, en pratique, toute confusion entre les crédits des bâtiments de montagne et le programme général de maîtrise des pollutions serait évitée. Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui est que cet engagement est resté lettre morte !
C'est la raison pour laquelle je soutiendrai tout naturellement l'amendement qui sera présenté par M. Yvon Bourges, et qui prévoit, précisément, l'individualisation de ces crédits.
Il ne faudrait pas, en effet, qu'une évolution rampante nous conduise à fragiliser la politique spécifique de la montagne, ce en contradiction avec les orientations définies par le Gouvernement dans le mémorandum sur la montagne qu'il vient de soumettre à la Commission de Bruxelles.
Le temps qui m'est imparti est trop court pour que je puisse aborder tous les thèmes qui me tiennent à coeur.
Cependant, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que les éleveurs du Massif central, et en particulier ceux du Cantal, savent que c'est à vous qu'ils doivent le maintien des cours des broutards à un niveau acceptable.
Nous vous sommes très reconnaissants de votre action pugnace, déterminante et réussie dans la gestion et la maîtrise de cette crise, dont vous avez parfaitement saisi l'enjeu.
Nous avons apprécié également ce que vous avez obtenu du conseil des ministres européen, le 18 novembre dernier, en matière d'identification des bovins et d'étiquetage des viandes bovines. Cette démarche volontariste est indispensable pour restaurer la confiance des consommateurs. Il s'agit d'une excellente mesure, que j'appuie sans réserve.
En effet, dans les prochaines années, il est impensable que nous poursuivions une politique qui, de la productivité qui était souhaitable, dérive, année après année, vers un productivisme débridé, qui présente plusieurs caractéristiques : le développement du machinisme et, partant, de l'endettement des exploitants ; la spécialisation intensive ; la course aux rendements et à l'agrandissement ; les élevages en batterie surdimensionnés ; les remembrements anarchiques ; et, en corollaire, des nuisances devenues incontrôlables et intolérables partout où dominent les élevages hors sol.
Il faut revenir à une gestion plus respectueuse de l'espace, car la terre est le patrimoine commun de la nation, dont il faut ménager les ressources et la diversité.
Cette remise en ordre de notre agriculture, caractérisée par d'autres finalités, doit impérativement être intégrée dans la nouvelle loi d'orientation agricole, qui devra, entre autres choses, savoir répondre aux légitimes exigences des consommateurs, qui, trop longtemps abusés, doivent être sécurisés en ce qui concerne aussi bien la qualité des produits que la santé publique.
Il faut que cesse définitivement la dérive d'un système quasi-industriel, qui a transformé les ruminants en carnivores pour satisfaire aux caprices de l'agro-alimentaire.
Dans ce contexte, l'agriculture de montagne a toute sa place, car ses productions correspondent au goût et aux choix nouveaux des consommateurs.
L'agriculture de montagne n'est pas une activité de loisirs, de subsistance ou de jardinage. Elle est une activité économique à part entière, enracinée dans son terroir, productrice de produits bien typés et clairement identifiés.
En un mot, l'agriculture de montagne doit être défendue. Elle le mérite !
Je crois connaître, monsieur le ministre, vos préoccupations liées à l'éthique et à l'équité pour que le développement de notre agriculture bénéficie au plus grand nombre d'hommes et de territoires dans le respect de leur diversité.
Pour en arriver là, il faudra modifier, à n'en pas douter, bien des comportements, inventer de nouvelles façons de faire, favoriser la diversité des usages et des pratiques agricoles afin de sauvegarder le patrimoine que nous transmettrons à nos enfants.
Monsieur le ministre, malgré les difficultés présentes, malgré les insuffisances de ce projet de budget, je vous exprime ma confiance pour ce que vous ferez et ma reconnaissance pour ce que vous avez fait au cours de ces derniers mois.
Je voterai donc ce projet de budget, conscient que l'agriculture doit, elle aussi, concourir à l'effort gouvernemental de rigueur et de redressement, et persuadé que vous servez bien l'agriculture de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a pris l'heureuse initiative d'un débat sur la politique agricole de la France, qui a eu lieu le 6 novembre dernier. J'ai pu alors expliquer devant vous quelles étaient les grandes orientations de l'action du Gouvernement dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation. Je n'y reviendrai donc pas, bien évidemment, même si certains d'entre vous ont prolongé notre débat du 6 novembre, en posant à nouveau des questions auxquelles j'avais déjà apporté des réponses. Mais, rassurez-vous, nous aurons bien d'autres occasions de reprendre prochainement le débat !
Je consacrerai donc mon intervention d'aujourd'hui plus précisément au projet de budget.
Comme vous le savez, le projet de budget de l'agriculture a été élaboré dans un contexte de redressement budgétaire fondé sur la limitation des dépenses et la baisse du prélèvement fiscal. Le ministère de l'agriculture participe, comme les autres, à l'effort collectif, tout en préservant ses priorités et en faisant face à des contraintes fortes. Ces contraintes, dues à des crises sectorielles comme celles de la viande bovine ou des fruits et légumes, montrent que nous devons pouvoir mobiliser rapidement des moyens considérables pour faire face à de telles situations conjoncturelles.
Pour répondre à une crise exceptionnelle comme celle de la viande bovine, il faut, bien entendu, mettre en oeuvre des moyens exceptionnels dont l'anticipation n'est pas possible dans le cadre normal d'un budget. Heureusement d'ailleurs que nous n'anticipons pas, dans chacun de nos budgets, des crises exceptionnelles de l'ampleur de celle de la viande bovine ! Nous avons démontré que, quel que soit le contexte budgétaire, nous sommes en mesure d'y faire face. J'espère que nous n'aurons pas à en apporter une nouvelle démonstration, mais soyez certains que, si tel devait être le cas, nous saurions à nouveau faire face à nos responsabilités. Pour autant, ne me demandez pas de prévoir des crédits spécifiques supplémentaires pour de telles éventualités.
La crise des fruits et légumes d'été démontre la nécessité absolue de disposer tout à la fois de crédits d'intervention et de crédits à finalité structurelle pour concourir à l'adaptation des productions aux marchés et à la restructuration des filières.
Globalement, avec une baisse de 0,8 % par rapport à 1996, ce budget est à peu près stable si l'on prend en compte la subvention d'équilibre de 7 853 millions de francs destinée au BAPSA. Cependant, comme certains d'entre vous l'ont remarqué, si l'on fait abstraction de cette subvention, les crédits se montent à 27 370 millions de francs, soit une diminution de près de 3,9 % par rapport à l'année dernière.
Ce cadre contraint, j'aborde la présente discussion dans un esprit de dialogue et d'ouverture, mais convenez qu'il m'est impossible de dépenser plus que ce que j'ai.
M. Alain Vasselle. C'est sûr !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Certains m'ont demandé des crédits supplémentaires, mais ils ne m'ont pas dit - j'attends encore ! - quelles étaient les politiques agricoles pour lesquelles ils suggéraient les économies correspondantes.
M. Alain Vasselle. Il ne doit pas y en avoir beaucoup !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Si on me demande de l'argent en plus pour une ligne budgétaire, il faut me dire dans quel domaine je devrai mettre moins d'argent ! J'attends !
Faut-il que je diminue le FGER ? (Signes de dénégation sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Faut-il que je diminue les crédits de l'enseignement agricole,...
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Sûrement pas !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ou du PMPOA, ou de la POA ? (Nouveaux signes de dénégation sur les mêmes travées.) Je pourrais citer encore bien d'autres actions.
Demander une nouvelle dépense est un exercice facile, mais c'est autre chose quand il s'agit de gérer un budget.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'en viens aux questions que vous avez soulevées avec le plus d'insistance - parce que je ne pourrai pas répondre à toutes - et qui correspondent d'ailleurs à mes priorités.
La première d'entre elles est l'installation des jeunes en agriculture.
Le rapport de M. Pluchet retrace bien les crédits réservés à la politique d'installation dans le contexte de la mise en oeuvre de la charte nationale ; le sujet a été également évoqué par MM. Herment et Grandon.
M. Alain Vasselle. Excellent rapport que celui de M. Pluchet !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Très bon rapport, effectivement.
L'installation est une toute première priorité de la politique agricole. Notre objectif, vous le savez, est de parvenir à un nombre de 12 000 à 13 000 installations aidées par an.
Un tel objectif permet de contribuer au renouvellement des exploitations, de conserver une agriculture performante, fournissant nos filières agroalimentaires, et, par ailleurs, d'assurer un équilibre harmonieux dans l'occupation du territoire.
Un an après la signature de la charte nationale pour l'installation des jeunes, tous les engagements pris ont été tenus, tous ont été traduits sur les plans législatif, réglementaire et financier.
D'ores et déjà, les premiers éléments chiffrés qui m'ont été transmis laissent apparaître des évolutions favorables qui rendent tout à fait réalistes les objectifs que nous nous sommes fixés.
Je le répète, tous les moyens budgétaires nécessaires sont prévus dans le projet de budget qui vous est soumis. Tous les engagements que j'ai pris en ce domaine seront donc respectés.
Je signale à M. Minetti - car il est effectivement quelquefois difficile de comprendre un budget lorsqu'on ne le lit pas dans sa globalité - que, comme l'a d'ailleurs relevé M. Pourchet, notre budget comporte une augmentation du nombre des dotations aux jeunes agriculteurs.
En effet, compte tenu de l'augmentation des crédits communautaires, nous aurions pu réduire à due concurrence les crédits nationaux. Or, nous ne l'avons pas fait. Nous avons prévu dans le présent projet de budget 9 600 dotations aux jeunes agriculteurs.
Monsieur Minetti, je vais prendre un engagement devant vous.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Si plus de 9 600 demandes de dotations aux jeunes agriculteurs sont déposées, je m'engage à faire face à la demande supplémentaire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
MM. Roland du Luart et Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je souhaite avoir ces 9 600 demandes de dotation.
M. Louis Minetti. Cela va être un duo, monsieur le ministre, en faveur des jeunes agriculteurs !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ce ne sera pas un duo, monsieur Minetti. En ce moment, je suis à cette tribune et, dans peu de temps, je serai sur le terrain ou dans mon bureau et je devrai alors très concrètement traduire mes paroles en actes.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est quelquefois un peu plus difficile, mais, jusqu'à présent - et j'ai l'intention de continuer ainsi - tous les engagements que j'ai pris, à cette tribune ou ailleurs, ont été traduits en actes.
MM. Roland du Luart et Alain Vasselle. C'est exact !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Nous avons prévu 9 600 dotations. Ce n'est pas moi qui freinerai l'installation des jeunes. Si le nombre d'installations est supérieur à 9 600, je m'en féliciterai. Il est nécessaire, aujourd'hui, de susciter et de renforcer les vocations chez les jeunes agriculteurs. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
Lorsque je visite certains établissements agricoles, comme je l'ai fait le 7 novembre dernier, quand je prends mon bâton de pèlerin, c'est pour dire aux jeunes : « Installez-vous ! Essayez de profiter de cette belle aventure. » Croyez-moi, il ne suffit pas de mettre sur la table des DJA supplémentaires ! Monsieur Minetti, si vous venez me voir avec 10 000 jeunes souhaitant bénéficier de la DJA, je ne doute pas que la majorité sénatoriale saura m'aider à trouver des crédits supplémentaires.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je répondrai maintenant à M. Bourdin.
Tout d'abord, un document de synthèse regroupant les différentes aides à l'installation des jeunes agriculteurs apparaît désormais nécessaire en raison de la diversité de ces aides. Elles peuvent être budgétaires ou fiscales ; elles peuvent provenir soit de la Communauté européenne, soit de l'Etat, soit des collectivités.
Ensuite, un premier bilan du FIDIL, c'est-à-dire un bilan de l'utilisation des premiers crédits votés voilà un an par le Sénat - 150 millions de francs - sera disponible au printemps, et vous aurez ainsi satisfaction.
En outre, une synergie entre les aides nationales et les aides locales est, bien entendu, nécessaire. Elle répond à l'esprit même des PIDIL qui peuvent se mettre en place à l'échelon national et à l'échelon départemental.
Enfin, un bilan de l'application de la charte d'installation sera présenté prochainement au conseil des ministres, et vous en serez destinataires dans la journée même ; le Sénat sera donc parmi les tout premiers informés de ce bilan.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Voilà pour ce qui est de la première priorité.
La deuxième priorité - je ne les présente pas par ordre d'importance - concerne l'enseignement agricole.
Le rapport de M. Vecten est extrêmement précis et complet. Pour l'avoir lu très attentivement, je me dis que certains aspects de son contenu pourraient être considérés comme des critiques.
M. Alain Vasselle. Est-ce possible ?
M. Charles Revet. Des critiques constructives !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ce sont assurément des critiques constructives. Aussi, j'y répondrai très sereinement.
La priorité que j'attache à l'enseignement agricole se traduit sur le plan budgétaire. Certains, parmi les professionnels, et non des moindres, estiment même, comme le président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, M. Jean-François Hervieu, que l'enseignement agricole est la seule priorité de mon budget. Effectivement, l'enseignement agricole est l'un des secteurs dont les crédits progressent. C'est même, avec les services vétérinaires, l'un des deux secteurs pour lesquels nous créons des emplois : soixante-dix postes d'enseignant pour l'enseignement public et cinquante pour l'enseignement privé. Par les temps qui courent, ce n'est tout de même pas négligeable !
Vous avez été nombreux à rappeler les discussions qui portent sur les évolutions de l'enseignement agricole. MM. Soucaret, Gouteyron, Doublet, Herment, Bernard Hugo et Raoult sont intervenus à ce sujet.
Dans le cadre du budget dont je dispose, il est de mon devoir de veiller à l'équilibre des différentes missions qui relèvent de mon ministère. L'examen des chiffres montre, je le répète, que l'enseignement agricole - comparez-le aux autres missions - bénéficie d'une vraie priorité. Le problème, c'est que les effectifs dans le secteur de la production depuis dix ans sont restés stables, alors que ceux des services aux personnes ont été multipliés par 2,5.
Pour autant, soyons clairs, je n'ai jamais eu l'intention de remettre en cause les formations qui ne sont pas directement liées aux filières de production. Je le répète avec force : je ne fermerai aucune classe de services. C'est si vrai que j'ai fait mettre à l'étude, par mes services, la revalorisation de cette filière et la faisabilité de la création d'un BTS « services ».
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Mais nous devons établir des priorités, y compris à l'intérieur de l'enseignement agricole.
J'entends d'abord assurer, c'est vrai, les formations relatives aux filières, parce que c'est la vocation première du ministère de l'agriculture et parce que l'enseignement agricole est le seul à pouvoir dispenser certaines de ces formations, tout particulièrement dans le domaine de la production, lequel représente aujourd'hui un gisement d'emplois qui ne sont pas toujours satisfaits.
J'évoquais cette situation tout à l'heure à propos de l'installation des jeunes, mais je pourrais vous donner d'autres exemples d'emplois aujourd'hui disponibles que nous ne sommes pas en mesure de pourvoir. Reconnaissez que c'est tout de même un peu dommage !
M. Alain Vasselle. Effectivement !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'espère avoir démontré que je suis un homme de dialogue. En effet, j'ai tenu à entendre l'ensemble des réprésentants de l'enseignement agricole au titre de la préparation du projet de loi d'orientation, dont le volet « enseignement » permettra, comme vous le constaterez, de redéfinir la vocation de cet enseignement.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'ai personnellement négocié avec les syndicats de l'enseignement agricole public un protocole sur les missions des personnels, sur les emplois et sur la formation. Même si un protocole de cette nature ne résout bien entendu pas toutes les difficultés - loin s'en faut, car de nombreuses discussions doivent encore avoir lieu - il s'agit tout de même d'une avancée concrète, qui est le résultat d'une méthode que je continuerai d'appliquer.
A cet égard, je vous indique que j'ai l'intention de proposer au CNEAP, le conseil national de l'enseignement agricole privé, et aux maisons familiales de négocier un protocole d'accord portant sur l'évolution des établissements et des effectifs, mais aussi sur celle des filières, et, s'agissant du CNEAP, sur le calendrier de revalorisation de la dotation.
J'estime faire preuve, là encore, de beaucoup de bonne volonté, ainsi que d'esprit de dialogue et d'ouverture. En effet, j'entends travailler dans la concertation, avec pour unique souci de préserver et de valoriser notre enseignement agricole. Dans cette optique, je m'appuierai dans l'avenir sur les travaux de l'observatoire de l'enseignement agricole, que j'ai installé hier et qui est présidé par le professeur René Rémond.
Comme je l'ai indiqué hier à son président et à son rapporteur, je m'engage à venir devant la commission des affaires culturelles du Sénat pour présenter les orientations qui auront été envisagées au cours des concertations que je viens d'évoquer et qui doivent déboucher sur des mesures équilibrées entre les différentes formes d'enseignement et entre les différentes filières, même si vous connaissez la priorité que je souhaite faire respecter.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Nous apprécions cet engagement, monsieur le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Cet engagement, monsieur Gouteyron, témoigne de ma très ferme volonté de maintenir et de développer l'enseignement agricole au sein du ministère de l'agriculture.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est au sein de ce ministère qu'il doit vivre et se développer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je le dis parce que, quand j'ai évoqué à diverses reprises la nécessité de maîtriser l'évolution de notre enseignement agricole, il semble que je n'ai pas été toujours bien compris. Je voudrais donc, ici, essayer de dissiper certains malentendus.
D'abord, à M. Vecten, qui, comme il l'a fait ce matin, évoque ce qu'il appelle « la norme de 2 % » pour 1997, je précise qu'il ne s'agit pas d'un plafond de dépenses et que les crédits ont bel et bien été abondés pour faire face aux fortes augmentations passées des effectifs.
Ensuite, il doit être clair que l'avenir de l'enseignement agricole étant au sein du ministère de l'agriculture, je ferai tout pour qu'il en soit ainsi. Si je lance parfois des cris d'alarme, c'est non pas pour formuler un souhait, mais au contraire pour indiquer un possible danger. En tout cas, nous ferons tout, les uns et les autres, pour que le pire soit définitivement écarté.
Il faut qu'il soit clair qu'il ne saurait en aucun cas être question de remettre en cause ce qui fait l'originalité de notre enseignement.
Nous devons continuer à accueillir des jeunes qui connaissent des situations difficiles sur le plan scolaire.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Nous devons continuer à dispenser des formations diversifiées.
Nous devons poursuivre la rénovation pédagogique engagée depuis quelques années, tant dans l'enseignement public que dans l'enseignement privé.
Je souhaite que nous envisagions toutes ces évolutions dans un esprit de dialogue et avec une volonté d'équilibre.
J'espère, cette fois, avoir clarifié certaines discussions que nous avons eues entre nous...
M. Bernard Piras. Bonne évolution !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... et qu'il a fallu un peu de temps pour mener à bien. (M. Vecten, rapporteur pour avis, applaudit.)
J'en viens au PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, qui est un dossier extrêmement important, comme l'ont souligné notamment MM. Doublet, Herment, Bourdin, Besse, Hugo et Vasselle. C'est dire que le sujet est épineux !
De nombreuses voix s'élèvent pour souligner les difficultés, au risque de donner l'impression que le programme ne fonctionne pas et prend du retard.
Sans nier ces difficultés, permettez-moi de faire un point rapide.
C'est en octobre 1993 que le programme a été décidé par les ministres de l'agriculture et de l'environnement au terme d'une longue concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Le financement paritaire de l'Etat et des collectivités territoriales a été inscrit dans les contrats de plan Etat-région sur la base des estimations de travaux faites à l'époque dans chaque région.
Les crédits de l'Etat prévus pour les cinq années de ces contrats atteignaient 555 millions de francs, soit, en moyenne, 111 millions de francs par an. Compte tenu de la montée en puissance du progamme, les crédits devaient augmenter chaque année du plan pour totaliser les 555 millions de francs au terme de la cinquième année.
Que s'est-il passé ?
En 1994, 42 millions de francs ont été délégués ; en 1995, les crédits ont atteint 90 millions de francs et, en 1996, 120 millions de francs, soit plus que l'annuité moyenne. Nous avons donc déjà entamé le « rattrapage » l'année dernière.
Pour 1997, 165 millions de francs, auxquels il est effectivement possible d'ajouter 45 millions de francs si nous voulons globaliser l'opération, sont inscrits au projet de budget, ce qui constitue - reconnaissez-le mesdames, messieurs les sénateurs - une croissance importante.
Mais la difficulté vient d'une mauvaise évaluation initiale des besoins exprimés par les éleveurs pour améliorer leur environnement. L'Etat a probablement été un peu trop timoré dans ses prévisions, et les éleveurs ont fait preuve d'un grand esprit de responsabilité en étant plus nombreux que ce que nous imaginions à vouloir entrer dans ce programme : près de 90 % d'entre eux se sont manifestés, et nous devons donc prendre cette réalité en compte.
Ainsi, les financements prévus par l'Etat, mais également par les collectivités territoriales et par les agences de l'eau, ne permettent pas de réaliser les travaux selon le calendrier initialement arrêté.
Aussi, je remercie la Haute Assemblée d'avoir suivi le Gouvernement sur l'élargissement du champ d'intervention des actions du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Cela nous permettra d'élargir le champ du FNDAE à la lutte contre les pollutions d'origine agricole.
Grâce à cette mesure, 150 millions de francs supplémentaires pourront être affectés l'année prochaine au PMPOA, ce qui répond à votre demande, ou tout au moins à une grande partie de celle-ci.
Votre proposition de majorer la taxe du FNDAE de un centime par mètre cube en 1997, acceptée par le Gouvernement, devrait - je l'espère du moins - apaiser les craintes de M. Vasselle,...
M. Jacques de Menou. Craintes que je partage !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ainsi, par conséquent, que celles de M. de Menou !
Quelles que soient les possibilités d'ordre budgétaire, d'ici à la fin du plan, tant pour l'Etat que pour les collectivités territoriales, il est désormais indispensable de réexaminer le calendrier de la mise aux normes des exploitations.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. En tout état de cause, je m'engage au respect du principe de la non-pénalisation des éleveurs.
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial, et Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'en viens au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Nombre d'entre vous se sont inquiétés de l'évolution du FGER, institué par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de l'existence de ce fonds, même s'il est sûrement encore trop tôt pour pouvoir en mesurer tous les effets sur le terrain.
Pour 1997, le contexte budgétaire m'avait tout d'abord conduit à proposer de ne pas doter le FGER. Mais, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, j'ai accepté l'inscription d'une dotation de 100 millions de francs, grâce à un redéploiement de mes crédits.
Cette somme, bien que significative, est encore loin de l'objectif. Aussi, j'ai décidé, comme Mme Bardou et M. Soucaret l'ont souhaité ici même, un effort exceptionnel complémentaire de 50 millions de francs par un deuxième redéploiement de crédits inscrits au projet de budget qui vous est soumis. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Gérard Delfau. Il ne vous en faut pas beaucoup !
M. Alain Vasselle. Dans le contexte actuel...
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Laissez parler M. le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, si vous nous aviez laissé de l'argent à dépenser au lieu de dettes à rembourser (Exclamations sur les travées socialistes), je vous assure que j'aurais un plaisir infini, aujourd'hui, à pouvoir vous apporter des crédits supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult. Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !
M. le président. Monsieur Raoult, laissez parler M. le ministre !
M. Paul Raoult. Et les 2 000 milliards d'emprunt ?
M. Henri Revol, rapporteur pour avis. Il faut rembourser vos dettes !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Effectivement ! Vous avez bonne mémoire : vous nous avez bien laissé 2 000 milliards de dettes ! Je vous remercie de le rappeler, monsieur le sénateur.
M. Charles Revet. Même plus que cela !
M. Paul Raoult. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous !
M. le président. Revenons-en donc au budget de l'agriculture, mes chers collègues !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je dote donc cette ligne de 150 millions de francs.
M. Alain Vasselle. Nous vous en félicitons, monsieur le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je vous en remercie.
Si l'on tient compte des reports de crédits de 1996, estimés à environ 150 millions de francs, en dépit de la récente annulation budgétaire, ce sont donc, au total, 300 millions de francs qui pourront être consacrés en 1997 à la poursuite des actions relevant du FGER sur l'ensemble du territoire.
Ce sont là non pas des paroles en l'air, mais des faits concrets, et je suis heureux de pouvoir vous annoncer aujourd'hui cette disposition pour l'année prochaine.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'examinerai maintenant la question de l'industrie agro-alimentaire et de la prime d'orientation agricole, la POA.
Comme M. Garcia, notamment, l'a rappelé, la filière agro-alimentaire est d'une importance capitale pour notre pays. Tout d'abord, elle assure près de la moitié de notre excédent commercial ; ensuite, l'industrie agro-alimentaire est la première industrie de notre pays ; elle est présente dans chaque région, souvent dans les zones rurales, et elle assure la transformation de plus des trois quarts de notre production agricole.
Le développement de notre industrie agro-alimentaire, en France comme à l'exportation, nécessite la mise en oeuvre de mesures spécifiques, sur lesquelles je voudrais revenir.
Il ne faut pas mesurer les capacités de développement de l'industrie agro-alimentaire aux seules dotations de la prime d'orientation agricole. Je vous invite à vous reporter au bilan des entreprises agricoles : vous verrez que la formulation brute du capital fixe dégage quand même des marges substantielles en matière d'investissements.
Mais nous devons nous donner les moyens d'accompagner le mouvement, ne serait-ce que pour permettre de tirer sur les lignes FEOGA auxquelles nous avons droit, et même d'accompagner certaines opérations qui, sans cela, pourraient peut-être se délocaliser - le mot est tristement à la mode - ou choisir une implantation dans un autre pays de l'Union européenne. M. Marcel Deneux sait très bien ce que je veux dire. Mais la même question pourrait être posée par des représentants de la région Champagne-Ardenne ou d'autres.
Plusieurs intervenants, dont M. Serge Mathieu, ont souligné l'importance de la prime d'orientation agricole, qui joue un rôle très incitatif, comme je viens de le rappeler.
Nous avons, pour 1997, à faire face à un double défi : nous devons, d'une part, disposer d'une POA nationale suffisante pour pouvoir mobiliser les crédits européens du FEOGA, qu'il est essentiel de ne pas perdre, et, d'autre part, honorer les engagements de l'Etat au plan régional, dans le cadre des contrats de plan.
C'est pourquoi je me réjouis que nous ayons pu ajouter 20 millions de francs sur la ligne budgétaire correspondante au cours de l'examen du projet de budget à l'Assemblée nationale.
Je suis naturellement ouvert aux propositions qui ont été faites au cours de ce débat pour aller encore plus loin. C'est pourquoi je suis disposé à majorer de 10 millions de francs complémentaires les crédits correspondants, portant la majoration totale à 30 millions de francs, à laquelle s'ajoute la contribution de la réserve parlementaire à hauteur de 4 millions de francs.
On me dira peut-être que ce n'est pas suffisant. Je pense néanmoins avoir agi conformément aux souhaits que vous avez émis auprès de moi.
MM. Pluchet et Pourchet ont évoqué les aides de démarrage aux GAEC et aux CUMA. Ces aides, qui ont été créées au début des années soixante pour faciliter, à une époque où cela n'existait que très peu, la constitution de certains groupements en agriculture - les GAEC pour l'exploitation en commun et les CUMA pour la mécanisation agricole - ne se justifient plus aujourd'hui.
En effet, on constate que ces groupements se font naturellement ; il y a près de 50 000 GAEC en activité en France et environ 13 000 CUMA qui oeuvrent dans le monde rural.
Leur soutien principal est désormais appliqué, non pas au démarrage, mais à l'activité ; il en est ainsi des prêts superbonifiés auxquels ont accès les GAEC et les CUMA ; les plafonds de ces derniers viennent d'ailleurs d'être relevés.
Par ailleurs, je rappelle que les GAEC, comme les CUMA, bénéficient d'avantages particuliers, au titre du principe de la transparence économique, fiscale et sociale qui est reconnue aux GAEC ou au titre du statut particulier des CUMA.
S'agissant des calamités agricoles, les crédits nécessaires doivent tenir compte de l'absence de sinistres importants ces dernières années et du remboursement intégral de l'emprunt de 1,5 milliard de francs souscrit en 1987.
Cela étant, monsieur Mercier, le fonds national de garantie des calamités agricoles a besoin de ressources stables pour indemniser les agriculteurs. La prorogation sur quatre ans de la taxe sur les véhicules à moteur me semble donc être un bon compromis entre la durée initiale de dix ans proposée par le Gouvernement et la révision annuelle que vous évoquez.
En ce qui concerne les autres taxes relatives aux bâtiments et aux récoltes, dont le taux est fixé jusqu'à la fin de l'année 1997, la commision nationale des calamités agricoles sera bien entendue consultée en 1997 sur les taux à appliquer à partir de 1998.
S'agissant des préretraites, qui ont été évoquées notamment par MM. Doublet et Bernard Hugo, je peux vous confirmer que le dispositif communautaire mis en place en 1992, à l'occasion de la réforme de la politique agricole commune, s'appliquera en l'état jusqu'au 15 octobre 1997.
En effet, devant les demandes pressantes des parlementaires, notamment des députés, le Gouvernement a accepté de revenir sur les dispositions de l'article 83 du projet de budget initial pour 1997.
J'en viens maintenant aux bâtiments d'élevage en zone de montagne, évoqués en particulier par Mme Bardou. Les agriculteurs situés en zone de montagne bénéficient de taux bonifiés de 3,45 %, au lieu de 4,70 % en zone de plaine.
A cela s'ajoutent des subventions spécifiques pour les bâtiments d'élevage en montagne. Il est vrai que, pour l'attribution de ces aides spécifiques, des files d'attente existent dans toutes les régions concernées. Pour contribuer à les résorber, j'ai annoncé, en juin dernier, que 50 millions de francs supplémentaires seraient inscrits pour ces actions dans la loi de finances rectificative. C'est chose faite : aujourd'hui, vous le savez, les dispositions ont été prises, et j'indique à M. Cazalet que j'ai déjà informé le préfet de la région Aquitaine qu'il recevrait très prochainement 2,7 millions de francs de crédits supplémentaires, qui s'ajouteront à la dotation initiale de 1,8 millions de francs.
M. Auguste Cazalet. Très bien ! Merci !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Bien entendu, monsieur Cazalet, tous les crédits accordés à l'Aquitaine sont destinés aux Pyrénées-Atlantiques, seul département de montagne de la région. (Sourires.)
M. Auguste Cazalet. Et voilà !

M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'espère que vos compatriotes des Pyrénées-Atlantiques apprécieront !
J'en viens maintenant aux mesures agri-environnementales.
Face à la baisse des crédits inscrits pour 1997, je comprends les inquiétudes manifestées par M. Revol, qui considère que ces opérations sont porteuses d'avenir. Je partage tout à fait son avis.
La baisse de la dotation en loi de finances initiale s'explique simplement par un facteur technique : les délais de mise en place de ces mesures agri-environnementales ont conduit à la constitution et à l'affectation d'une trésorerie au CNASEA, dont la situation devient désormais tout à fait convenable, pour ne pas dire plus.
Je n'évoquerai pas davantage le CNASEA, car mon collègue M. Perben vous en a déjà parlé. Je ne répéterai donc pas les propos qu'il a tenus au nom du Gouvernement, cela nous permettra de gagner du temps.
Le budget de 1997 permettra d'honorer les engagements pris ; il permettra aussi de reconduire, sur une base sélective et en fonction des résultats obtenus, les opérations arrivées au terme des engagements initiaux pris il y a cinq ans.
Je voudrais terminer ce panorama budgétaire en abordant deux domaines importants de mon ministère : la forêt et la pêche.
M. Bourdin, Mme Bardou et M. Vasselle ont évoqué la question de la forêt.
La forêt est effectivement une composante essentielle des missions de mon département ministériel. En effet, elle couvre le quart de notre territoire et elle joue un rôle social et environnemental essentiel ; surtout, elle est à l'origine d'une filière « bois » qui représente 550 000 emplois, souvent dans des régions rurales.
La question du financement de la politique forestière se pose naturellement, comme M. Bourdin l'a rappelé à juste titre.
Je le sais, l'augmentation des frais de garderie, l'an dernier, avait suscité une vive émotion au Sénat et je me réjouis que nous ayons pu dégager, cette année, les moyens nécessaires pour fixer le versement compensateur de l'ONF à un niveau suffisant pour ne pas remettre ces frais en cause.
Mais ce n'est pas tout : M. Bourdin a évoqué aussi le fonds forestier national, le FFN, qui est un instrument essentiel de compétitivité de la filière. Nous devons tout faire pour le maintenir et le pérenniser. Malheureusement, il ne me sera pas possible, dans la conjoncture actuelle, d'envisager une baisse de la taxe forestière, car elle devrait alors automatiquement se traduire par une réduction des actions financées par le FFN, ce qui ne me paraît pas souhaitable aujourd'hui.
Le second volet - de la plus grande importance - de la politique forestière est l'environnement et la gestion durable des forêts.
La France, je le dis avec force, gère durablement ses forêts. C'est vrai pour les forêts domaniales, les forêts des collectivités et les forêts privées. Il suffit, pour s'en convaincre, de mesurer la richesse de nos forêts et l'expansion de leur superficie.
La France n'a pas de crainte à avoir dans la perspective de la mise en place de l'écocertification, car nous serons capables de prouver que nous gérons durablement nos forêts.
De même, nous serons capables d'adopter un dispositif qui donnera toute satisfaction et toute garantie à nos producteurs. Il n'est pas question, je vous rassure, de laisser à quelques associations qui s'autoproclameraient le soin de décréter l'écocertification.
Reste à prendre en compte la spécificité de certaines forêts, notamment de la forêt méditerranéenne, qu'a évoquée M. Vigouroux.
Les élus des départements méditerranéens sont intervenus nombreux au sujet du conservatoire de la forêt méditerranéenne, dont la dotation, initialement fixée à 100 millions de francs, a chuté brutalement en 1994 pour n'être plus aujourd'hui que d'une soixantaine de millions de francs.
Je connais le rôle essentiel qu'a joué cet outil et je souhaite rendre hommage aux élus, qui se sont mobilisés aux côtés de l'Etat pour assurer la prévention et la défense contre les incendies. Les résultats sont là : nous avons les meilleurs chiffres depuis dix ans. Mais nous ne devons pas relâcher notre effort, car rien n'est jamais définitivement gagné.
C'est pourquoi mon objectif est d'abord de stabiliser les moyens du conservatoire de la forêt méditerranéenne, qui seront plus élevés en 1997 - 62 millions de francs - que la dotation qui a été effectivement versée en 1996.
S'agissant de la pêche, M. de Rohan a souligné toute l'importance qu'il attache au maintien des moyens budgétaires consacrés à ce secteur.
La reconduction des dotations budgétaires par rapport au budget de 1996 - qui avait lui-même augmenté de 30 % par comparaison avec l'année précédente - concerne à la fois les dépenses ordinaires et les crédits d'équipement.
Ce projet de budget traduit tout d'abord la volonté de poursuivre et d'amplifier la réorganisation de la filière au travers des actions conduites par le fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM.
Monsieur Sergent, nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ensemble ce sujet. Permettez-moi quand même de vous rappeler que les crédits du FIOM ont été triplés en trois ans et que l'effort a donc déjà été largement consenti !
La loi d'orientation sur la pêche a prévu la transformation du FIOM en OFIMER. Cela nous donnera peut être l'occasion de lui affecter des moyens complémentaires, mais notre objectif - et je sais que c'est aussi le vôtre - est avant tout, bien entendu, de doter le secteur des produits de la mer d'un outil de gestion, de régulation et de promotion du marché. Il s'agit de concourir à la transparence du marché, de favoriser la qualité, d'encourager les démarches communes de commercialisation des organisations de producteurs, de structurer et de moderniser le mareyage.
Sur les objectifs, nous avons une vision globale commune de ce qu'il convient de faire aujourd'hui en faveur de nos pêcheurs et de tout le secteur situé en aval des produits de la mer, de manière à mieux prendre en compte les données du marché. Nous inscrirons donc toutes les mesures dont nous venons de parler dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche, que le Sénat a récemment adoptée.
Sur le point précis - et d'actualité - des relations avec les îles anglo-normandes, je rappelle que nous avons toujours souhaité consolider par un accord équilibré les droits historiques de nos pêcheurs. Nous sommes donc ouverts, comme nous l'avons toujours été, à la discussion, et la rupture de celles qui se sont engagées depuis 1994 n'est pas de notre fait : il s'agit d'une rupture unilatérale. Face à une situation de ce type, nous nous montrerons fermes, nous ferons respecter les droits de nos pêcheurs. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Cela étant, je vous indique qu'une rencontre bilatérale aura lieu dès demain, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Le budget consacré aux pêches, l'aboutissement du plan de restructuration de la pêche artisanale, l'importance des dispositions de la loi d'orientation sur la pêche, voilà qui témoigne clairement d'une volonté collective de maintenir actif et performant un secteur dont l'importance dépasse le strict aspect économique et doit se mesurer en termes d'aménagement de notre littoral.
Dans les quelques minutes qui me restent, ...
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement a la parole quand il le souhaite et pour le temps qu'il souhaite !
Je vous rappelle simplement que notre ordre du jour demeure très chargé jusqu'à samedi prochain !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est pourquoi j'ai tenu à rester dans le cadre budgétaire, monsieur le président, ce qui m'a empêché de répondre à toutes les questions qui m'ont été posées. Mais peut-être n'est-ce pas le lieu pour le faire ?
Je prendrai toutefois quelques instants pour apporter une ou deux réponses sur quelques sujets précis.
En ce qui concerne le secteur du veau de boucherie, deux mesures vont très bientôt coexister : la prime à la transformation, d'une part, la prime à l'abattage précoce, d'autre part.
La prime à la transformation, monsieur Bony, monsieur Dupont, a connu un démarrage rapide. Ne me dites pas que les éleveurs l'ont rejetée ! Je rappelle, en effet, qu'il ne s'agit pas d'une obligation : quand une prime existe, on n'est pas tenu de demander à en bénéficier ! Il faut être volontaire, et personne n'a été forcé en la matière. Au demeurant, si plus de 60 000 veaux ont été transformés à ce jour, les apports se ralentissent nettement : après une première vague, nous constatons que le rythme est aujourd'hui moins soutenu.
Cette mesure, qui n'était pas facile à prendre, a eu au moins le mérite de permettre une remontée significative du cours des jeunes veaux, ce qui était bien évidemment l'objectif visé, particulièrement pour les animaux les moins bien conformés. En effet, nous avions atteint des niveaux de faiblesse telle qu'il fallait absolument redresser rapidement la situation.
En ce qui concerne la seconde mesure, la prime à l'abattage précoce, M. Dupont a raison d'affirmer que son application aujourd'hui n'est pas pleinement satisfaisante. Et c'est un euphémisme !
Je souligne cependant que, malgré ses imperfections, cette mesure a le mérite d'exister, et les textes réglementaires relatifs à la prime à l'abattage précoce des veaux laitiers à 108 kilos de carcasse, au lieu des quelque 125 ou 130 kilos actuels, sont désormais publiés. Nous allons mettre en place cette prime à titre expérimental, mais nous continuerons à exercer des pressions sur les services de la Commission européenne, afin d'améliorer le dispositif et de rétablir une situation plus équitable entre les différents pays producteurs.
A cet égard, nous avons déjà obtenu - c'est un mince encouragement - que les conditions de pesée et de présentation des carcasses soient correctement contrôlées, afin que les efforts consentis soient les mêmes pour tous les pays.
Nous continuerons à exercer la pression au sein du comité de gestion de la viande bovine à Bruxelles, mais, dans le même temps, je suis prêt à soutenir les initiatives professionnelles visant à identifier clairement le veau de boucherie de tradition française, nourri aux produits laitiers...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... et de moins de 108 kilos de carcasse par rapport au veau plus lourd, produit à partir d'un régime alimentaire à base de fourrage grossier,...
M. Charles Revet. Et cela pour toutes les filières !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ce qui nous permettra de segmenter le marché actuel et de proposer aux consommateurs un produit conforme à sa demande.
Je suis prêt également à faciliter le lancement, dans quelques semaines - c'est-à-dire lorsque suffisamment d'animaux de ce type auront été produits - d'une campagne de sensibilisation de l'opinion publique sur les qualités particulières de ce veau léger de tradition française, qui retrouve son poids de carcasse d'il y a quinze ans.
M. Dupont a également traité du « bien-être » des veaux. Ce dossier est en phase finale d'étude à Bruxelles.
Je dis tout de suite, pour avoir discuté de ce problème avec les éleveurs, que nous aurons peut-être là une opportunité pour faire valider au niveau communautaire notre définition du veau léger de tradition française, et ce, bien entendu, dans l'intérêt de nos éleveurs.
Telles sont les quelques réflexions que je tenais à vous présenter concernant le veau.
Bien d'autres questions mériteraient encore d'être traitées, mais je ne peux y répondre maintenant. Je tiens cependant à vous assurer que toutes les questions particulières que vous avez pu poser recevront des réponses particulières, par écrit par exemple. Je me tiens à votre entière disposition afin qu'aucun sujet ne soit éludé.
Monsieur Raoult, j'aurais aimé poursuivre avec vous le débat, fort intéressant, que vous avez ouvert mais peut-être n'est-ce pas le lieu dans cet hémicycle. La question, qui n'est pas simple, mériterait une discussion sereine et dénuée de tout esprit partisan. Au reste, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points.
Je sais que tous ici ne partagent pas mon avis, mais je suis favorable à un encouragement de l'extensification. Cela ne signifie pas que je veux brimer la production intensive qui se pratique aujourd'hui, mais je pense que l'on doit effectivement corriger certaines inégalités, certaines distorsions, et qu'il convient de rééquilibrer les aides au profit de ceux qui choisissent l'élevage extensif par rapport à ceux qui ont fait un autre choix.
Mais je puis vous assurer que ce n'est pas si simple. Il faut, en effet, bien choisir le niveau d'extensification. Admettons, pour prendre un exemple chiffré - mais ne le prenez pas au pied de la lettre - que l'on décide que, dans votre région, l'Avesnois, ce sera 12 UGB à l'hectare et que dans le Massif central, chez M. Besse, ce sera une UGB à l'hectare. Reconnaissez que l'exercice est très difficile ! Nous avons, notamment, un problème à l'échelon européen et nous risquons de dresser les régions les unes contre les autres.
Je comprends tout à fait votre préoccupation, d'autant que je connais un peu votre région. Mais il faut vraiment réfléchir à la question de manière à favoriser les éleveurs qui se sont spécialisés dans la production de viande bovine et qui ont recours à l'herbage, tout en tenant compte des impératifs qui sont ceux de l'extensification. Notre réflexion, là encore, n'est pas mûre.
Je me tiens à votre disposition, monsieur Raoult, pour que nous en parlions ensemble mais, si possible, pas ici, ce qui nous évitera peut-être, à vous comme à moi, les habituelles envolées politiciennes , mon souci étant, dans cette affaire, de trouver la solution la plus juste pour favoriser un élevage de viande bovine spécialisé, de qualité et répondant aux attentes des consommateurs.
Sachez que nous aurons l'occasion d'y revenir, car bien d'autres travaux attendent le Sénat. Nous allons nous retrouver le 16 décembre pour discuter du projet de loi sur l'équarrissage. Puis nous nous retrouverons également au début de l'année prochaine pour débattre de la loi sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires. Enfin nous aurons ce grand rendez-vous que constituera la discussion de projet de loi d'orientation sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt.
Cette discussion budgétaire ne constitue donc qu'une étape, une étape dont j'espère que vous tirerez des enseignements. Ce budget traduit une progression qui permet, malgré des contraintes budgétaires fortes, de témoigner d'un engagement volontariste en faveur de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la forêt.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les cinquante minutes que vous aviez réservées au Gouvernement, les observations que je souhaitais faire avant de vous demander de bien vouloir voter ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 55 377 128 francs. »

Par amendement n° II-73, le Gouvernement propose de réduire ces crédits de 10 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Cet amendement est destiné à dégager les crédits permettant d'augmenter la dotation de la prime d'orientation agricole, la POA.
Vous avez été nombreux à exprimer vos préoccupations à ce sujet. Le Gouvernement a déjà accepté, à l'issue des débats à l'Assemblée nationale, d'augmenter de 24 millions de francs les articles 10 et 20 du chapitre 61-61, 20 millions de francs ayant été ajoutés lors de la discussion proprement dite par redéploiement et 4 millions de francs à l'occasion de la seconde délibération provenant de la réserve parlementaire. Je vous proposerai, lors du vote des crédits du titre VI, de faire un pas supplémentaire pour abonder de nouveau les dotations de la POA.
Le présent amendement dégage donc la ressource nécessaire sur le chapitre 35-92.
Je précise qu'il s'agit non pas d'un prélèvement touchant les capacités d'intervention en matière forestière, mais d'un simple ajustement sur la dotation versée à l'Office national des forêts pour la rémunération d'anciens harquis travaillant en forêt, compte tenu de l'évolution constatée des effectifs de la population concernée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission des finances avait bien noté que les crédits affectés à la prime d'orientation agricole étaient insuffisants. Comme M. le ministre nous présentera tout à l'heure un amendement tendant à les augmenter et qu'il nous propose ici une manière de financer cet abondement, la commission est favorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-73, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 63 694 820 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les efforts exceptionnels consentis par les viticulteurs du Languedoc-Roussillon pour améliorer la qualité et la commercialisation de leurs produits.
Désormais, nos vins rivalisent sur les marchés du monde avec des crus renommés issus du Bordelais ou de la Bourgogne. Ils surclassent surtout la production moyenne de grandes régions viticoles. Miracle de volonté, notre viticulture, frappée de plein fouet par le changement des habitudes alimentaires intervenu il y a vingt ans, s'est reconvertie et a imposé le label « Languedoc » sur la table des connaisseurs.
Encore faut-il que cet élan ne soit pas stoppé. Ainsi, nous sommes préoccupés par le montant des crédits affectés à la POA, c'est-à-dire tout particulièrement aux investissements destinés à l'amélioration de la qualité. La modernisation des équipements, notamment l'achat de chaînes de froid, n'est pas achevée. Nombre de caves coopératives et particulières n'ont pas pu procéder à de telles acquisitions. Quel est, sur ce sujet sensible, la position du Gouvernement ?
Non moins important est le dossier de la distillation préventive améliorée, c'est-à-dire aussi celui du complément national au financement communautaire. Nous vous rappelons, monsieur le ministre, la position des professionnels : ils souhaitent que des mesures spécifiques d'intervention soient prises pour empêcher l'arrivée sur le marché des petits vins, qui, peu propres à la consommation, tirent pourtant à la baisse les vins de qualité.
Il s'agirait d'augmenter sensiblement le financement communautaire, qui est, à l'heure actuelle, de 16,50 francs par degré hecto.
La liste des régions produisant les vins excédentaires est connue. Je ne la rappellerai pas ici, par courtoisie. Il importe que ces régions s'autodisciplinent au plus vite, comme l'a fait, à marche forcée, le Languedoc-Roussillon. Les pouvoirs publics ont le devoir de les y inciter fermement. Mais d'ici là, il convient de prendre toutes les garanties pour éviter que le marché du vin ne soit déstabilisé. Quelle est, monsieur le ministre, votre intention à cet égard ?
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Le 6 novembre dernier, nous discutions du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Nous avons donc eu l'occasion d'aborder l'ensemble des problèmes de la pêche. Nous avons indiqué, lors de ce débat, que le texte prenait en compte un certain nombre des problèmes réels auxquels sont confrontés les marins-pêcheurs, mais, que, dans son orientation, il se situait dans le cadre de l'accompagnement de la crise des pêches.
Le budget pour 1997 traduit la prise en compte de cette orientation. Les dotations sont maintenues au niveau de 1996, tant en dépenses ordinaires, avec 147 millions de francs, dont 125 millions de francs de subvention au FIOM et 22 millions de francs pour la restructuration des entreprises, qu'en crédits d'équipement, avec 40,2 millions de francs en autorisations de programme.
Le contexte dans lequel est présenté ce budget n'a pas changé depuis un mois. La comparaison entre les neuf premiers mois des années 1995 et 1996 fait apparaître une légère augmentation des apports et du chiffre d'affaires. Cependant, comme le note M. de Rohan dans son rapport, le déficit commercial enregistré en 1995, soit 10,7 milliards de francs, enregistre le plus mauvais chiffre depuis 1990. Cela est dû à une augmentation du flux des importations.
Le taux de couverture de la consommation des Français par la production nationale ne dépasse guère les 50 % de nos jours. Depuis 1988, 30 % de nos bateaux ont été désarmés ou vendus à des pays tiers ; le tonnage des prises à la pêche a été réduit de 20 % ; le nombre des marins-pêcheurs a baissé de 25 % ; notre pays est tombé au dix-neuvième rang mondial ; vingt des trente-neuf conserveries installées sur notre territoire ont fermé leurs portes et, aujourd'hui, continue de planer sur notre pays l'ombre du POP IV.
La question était à l'ordre du jour du conseil des ministres de la pêche de l'Union européenne, le 22 novembre dernier, à Bruxelles. La décision est reportée au 19 ou au 20 décembre. D'un côté, on nous dit : « La France a déjà donné. » Elle a, selon nous, trop docilement, et depuis des années, appliqué les premiers plans de réduction. D'un autre côté, en revanche, on sent déjà un certain « mollissement ».
Si j'ai bien compris ce qu'en dit le journal Le Marin, qui, généralement, est bien informé sur les questions de la marine et des pêches, on se prépare à reculer : si les 12 % de réduction moyenne des captures demandés par la Commission européenne étaient de trop, la France pourrait accepter 6 %. Il serait intéressant qu'à l'occasion de cette discussion budgétaire, monsieur le ministre, vous nous indiquiez quelle sera votre ligne de négociation au cours des prochaines réunions.
Le budget de la pêche fait partie du budget global de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ni en lui-même ni dans l'ensemble dont il fait partie, il ne nous donne satisfaction. Nous ne pourrons donc pas le voter.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. J'étais intervenu dans le débat d'orientation budgétaire, voilà quelques semaines, et je ne souhaitais pas prendre à nouveau la parole aujourd'hui. Je voudrais au passage vous remercier, monsieur le ministre, de la manière dont vous nous aviez répondu à cette occasion et de la manière dont vous avez bien voulu tenir compte de nos observations en modifiant les dotations de quelques chapitres.
Cependant, nous avons découvert dans votre budget comme une faille ; nous avons été choqués par la suppression d'une ligne dans le chapitre 44-40, consacré à la modernisation des exploitations agricoles. Il s'agit de la ligne destinée à l'aide au démarrage des CUMA et des GAEC, sujet que vous avez évoqué tout à l'heure.
Monsieur le ministre, en 1962, j'avais largement contribué aux débuts de cette aventure qu'était la mise en place d'une société juridique d'un type tout à fait particulier : le GAEC. A l'époque, l'arsenal juridique était beaucoup plus réduit qu'aujourd'hui : nous n'avions pas encore modernisé les lois sur les sociétés commerciales, et n'existaient ni les EARL, les exploitations agricoles à responsabilité limitée, ni les SCEARL, les sociétés civiles d'exploitation agricole à responsabilité limitée.
L'expérience a été un succès. Comme vous l'avez indiqué vous-même, il existe aujourd'hui 46 000 GAEC ; il s'en crée 2 300 à 2 400 par an. C'est actuellement la seule forme juridique qui permette d'exploiter en société et de rassembler des personnes qui ont soit des capitaux soit du travail à apporter.
Or, au moment où nous souhaitons - avec raison - encourager l'installation de jeunes agriculteurs provenant d'autres milieux que le milieu agricole, il me semble que le seul moyen de les intégrer dans une exploitation agricole, c'est précisément de les faire d'abord travailler quelques années comme stagiaires dans un GAEC, puis de les intégrer progressivement.
Si nous nous privons de cet outil, il nous manquera quelque chose et nous passerons à côté d'une occasion de favoriser l''installation des jeunes agriculteurs, monsieur le ministre.
C'est pourquoi, malgré ce que vous avez dit tout à l'heure, je souhaiterais que vous acceptiez de reconsidérer votre position et que la ligne soit rétablie et dotée.
A la veille de la mise en oeuvre d'une nouvelle loi d'orientation agricole, je veux attirer solennellement votre attention, monsieur le ministre, sur l'interprétation qui pourrait être faite du désengagement du Gouvernement sur un point considéré, vous l'avez senti, comme politiquement sensible. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, je tiens à marquer notre soutien au rapport de notre collègue Albert Vecten, rapporteur du budget de l'enseignement agricole.
Notre collègue a tenu à réaffirmer - comme il l'avait fait le 6 novembre dernier - qu'il lui paraissait impossible, compte tenu des positions qui avaient été prises sur de précédents budgets de l'enseignement agricole, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 1997 de l'enseignement agricole.
Monsieur le ministre, jugeant que la maîtrise des flux de diplômés était indispensable pour assurer une bonne insertion professionnelle, ainsi que pour tenir compte des contraintes budgétaires, vous avez souhaité freiner la croissance des effectifs de l'enseignement agricole.
Le projet de budget pour 1997 prend ainsi en compte une hausse des effectifs de cet enseignement strictement limitée à 2 %.
Les dotations de l'enseignement agricole privé ne progressent pas cette année ; elles enregistrent même une légère baisse par rapport à celles de 1995 et de 1996.
Lors du débat d'orientation agricole qui s'est tenu au Sénat le 6 novembre dernier, vous avez rappelé que les effectifs de l'enseignement agricole, qui étaient demeurés constants entre 1985 et 1992, avaient fait un énorme bond en avant depuis ; nous avons en effet assisté à une véritable explosion, avec une croissance de 30 % en quelque cinq ans, soit, à présent, 170 000 jeunes contre 130 000 en 1992. Nous nous réjouissons tous de ces résultats.
Si vous avez reconnu l'utilité des formations à l'aménagement du territoire et à l'environnement ou aux services aux personnes, vous avez précisé que ce genre de formations relevaient plutôt de l'enseignement rural et qu'elles pourraient, à court terme, être dispensées par un autre ministère que le vôtre. Monsieur le ministre, ces paroles sonnaient mal à nos oreilles. Mais, tout à l'heure, vous nous avez rassurés en partie.
En outre, vous avez précisé qu'il existait un réel problème social, puisque nombreux sont les élèves qui cherchent dans l'enseignement agricole une seconde chance, une session de rattrapage, après avoir échoué dans un autre système d'éducation.
Avec mes collègues, nous attendons l'examen du projet de loi d'orientation de l'agriculture, car il va falloir que nous débattions ensemble, monsieur le ministre, de la place que doit avoir l'enseignement agricole dans les missions du ministère de l'agriculture.
Le rôle de l'enseignement agricole dans l'insertion ou la réinsertion de nombreux jeunes en difficulté n'est pas contestable et il doit absolument être pris en considération ; en effet, beaucoup de jeunes qui ont échoué ailleurs peuvent très bien réussir brillamment dans l'enseignement agricole, puis dans l'agriculture.
Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, d'augmenter les crédits de l'enseignement agricole, qui va de pair avec l'installation des jeunes agriculteurs.
Le débat sur la place de l'enseignement agricole à l'égard de l'agriculture et à l'égard de l'enseignement en général sera au coeur de la loi d'orientation de l'agriculture. Nous n'accepterons ni la remise en cause de la diversification de l'enseignement agricole et de son exemplarité, ni la fracture entre l'enseignement agricole et l'enseignement rural.
Ces questions nous semblent très importantes pour l'avenir, monsieur le ministre ; nous vous demandons donc de ne pas nous décevoir demain et de prévoir un complément de crédits dans le collectif.
M. le président. Par amendement n° II-50 rectifié bis , MM. Bourges, Cazalet, de Raincourt, Egu et du Luart proposent d'augmenter la réduction des crédits figurant au titre IV de 50 000 000 de francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 113 694 820 francs.
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. J'aurais bien voulu défendre cet amendement au nom de mes collègues MM. Bourges, du Luart et Egu, mais j'ai cru comprendre que, dans le Pas-de-Calais, on avait autant, sinon plus, de caractère que dans les Pyrénées-Atlantiques ! Je m'incline donc et je retire cet amendement, en vous remerciant, monsieur le ministre, pour les 10 millions de francs que vous avez bien voulu dégager.
M. le président. L'amendement n° II-50 rectifié bis est retiré.
Par amendement n° II-51, MM. Doublet, Courtois, Bourges, César et Egu proposent d'augmenter la réduction des crédits figurant au titre IV de 21 398 062 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 85 092 882 francs.
La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le ministre, cet amendement a pour objet d'appeler une fois encore l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de maintenir l'aide au démarrage d'exploitations ou à l'utilisation de matériel en commun ; tous les orateurs qui ont parlé avant moi ont très bien plaidé cette cause.
Les groupements concourent à l'amélioration des conditions d'accès et d'exercice de l'activité agricole. Afin de réduire leurs frais de constitution et de contribuer au coût de leur gestion pendant les premières années de fonctionnement, une aide au démarrage, cofinancée par l'Union européenne, leur est attribuée.
Aujourd'hui, ces formules d'agriculture de groupe sont plus que jamais d'actualité, et la suppression des aides au démarrage dans le projet de budget de l'agriculture pour 1997 suscite des inquiétudes au sein de la profession.
A l'heure où il devient crucial de favoriser le renouvellement d'une population agricole vieillissante et d'aider les agriculteurs à se regrouper, la constitution de groupes est la meilleure formule pour permettre l'installation progressive des jeunes, en particulier ceux qui ne sont pas originaires de l'agriculture, conformément au souhait exprimé par le Gouvernement.
S'il n'est plus nécessaire aujourd'hui de démontrer les intérêts de ces formules, il reste cependant indispensable de soutenir leur naissance, de les accompagner et de les soutenir quelque temps afin d'éviter des découragements dus au coût de leur mise en place et aux premières années de suivi.
Dès lors, le maintien des aides au démarrage est souhaitable, afin de favoriser le maintien d'une agriculture compétitive, avec des agriculteurs impliqués dans la vie locale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je crois avoir entendu M. le ministre évoquer ce sujet et donner des explications ; mais je voudrais qu'il confirme son point de vue avant de donner l'avis de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Vous voudriez que j'accepte cet amendement, monsieur le rapporteur ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Non, monsieur le ministre, vous m'avez mal compris, ce n'est pas ce que je vous ai demandé ! Je vous ai demandé de confirmer ce que vous nous avez dit tout à l'heure.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Il faut être clair ! Si vous voulez, messieurs les sénateurs, que je revienne sur l'augmentation des crédits que vous avez votée pour le fonds de gestion de l'espace rural, si vous voulez que l'on réduise les crédits alloués à l'enseignement agricole ou à la prime d'orientation agricole, nous pouvons en discuter, mais je pense que vous commettriez une erreur en termes de priorités. (M. Hilaire Flandre acquiesce.)
Dans un projet de budget qui est serré et difficile, il faut être capable de faire des choix, et cela signifie nécessairement que certaines lignes budgétaires seront mieux dotées que d'autres.
Je connais un peu la réalité, et je pense très sincèrement qu'il n'est plus nécessaire aujourd'hui de mener la même politique qu'en 1960 pour inciter à la création de GAEC et de CUMA. D'autres priorités s'imposent à nous.
Je vous avoue que parfois je m'interroge : dans ce pays, on crée un jour une incitation pour lancer une politique, puis on met en place des outils pour pérenniser les résultats de celle-ci ; mais on voudrait faire comme si rien ne s'était passé entre-temps.
Il existe aujourd'hui 50 000 GAEC, et il faudrait agir comme au temps où l'on n'en comptait que quelques centaines. On dénombre aujourd'hui 13 000 CUMA, et l'on voudrait faire comme à l'époque où il n'en existait que quelques dizaines.
Je pense qu'il faut tenir compte des résultats qui ont été obtenus depuis la mise en place de cette politique et ne pas s'arrêter seulement à l'importance de l'effort que nous consentons actuellement en faveur du regroupement des agriculteurs au sein de GAEC ou de CUMA. Il ne peut plus s'agir d'une aide au démarrage à un moment où nous savons pertinemment qu'il n'y a vraiment plus besoin d'incitations fortes pour que les gens créent des GAEC. (M. Hilaire Flandre opine.)
Si les crédits étaient illimités, on pourrait certes le faire, mais, étant donné que nous sommes obligés de marquer des priorités, je vous dis franchement que mon choix se porte plutôt sur l'enseignement agricole, l'installation des jeunes, la prime d'orientation agricole, le PMPOA, le FGER ou la dotation en faveur de la pré-retraite, plutôt que sur une aide qui, en fait, ne représenterait que la cerise sur le gâteau. (M. Hilaire Flandre approuve encore.)
Le gâteau, ce sont les avantages fiscaux qui existent aujourd'hui pour les GAEC et pour les CUMA et qu'en aucun cas nous ne souhaitons remettre en cause.
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas, monsieur le rapporteur spécial, souscrire à un tel amendement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Monsieur Egu, votre amendement est-il maintenu ?
M. André Egu. Après avoir entendu M. le ministre défendre de façon si brillante ses arguments, je retire l'amendement, et j'essaierai de transmettre le message ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Merci, monsieur Egu.
M. le président. L'amendement n° II-51 est retiré.
Par amendement n° II-74, le Gouvernement propose :
I. - D'augmenter la réduction des crédits figurant au titre IV de 50 000 000 de francs ;
II. - De réduire cette réduction de 50 000 000 de francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Cet amendement est très clair : conformément à ce que j'ai annoncé tout à l'heure, je propose de doter de 50 millions de francs supplémentaires le fonds de gestion de l'espace rural. Je donne ainsi suite au voeu que vous aviez exprimé lors du débat d'orientation et que vous avez réitéré aujourd'hui.
M. Hilaire Flandre. Parfaitement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement va dans le sens de ce que nous souhaitons tous ; la commission des finances y est donc favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-74, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 85 590 000 francs ;
« Crédits de paiement : 25 680 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 005 820 000 francs ;

« Crédits de paiement : 430 000 francs. »
Par amendement n° II-75, le Gouvernement propose :
I. - De majorer les autorisations de programme de 10 000 000 francs ;
II. - De majorer les crédits de paiement de 10 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Comme je l'ai annoncé tout à l'heure, cet amendement vise à abonder de 10 millions de francs la POA, ce qui nous permettra de mobiliser l'ensemble des crédits du FEOGA-orientation.
Je crois que cette mesure répond, elle aussi, à une demande que vous aviez formulée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-75, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° II-52, MM. Bourges, Althapé, Belcour, Besse, Blanc, Cazalet, César, Doublet, Hugo, Jourdain, Rigaudière et Egu proposent :
I. - De réduire les autorisations de programme de 165 000 000 francs ;
II. - De majorer les autorisations de programme de 165 000 000 francs ;
III. - De réduire les crédits de paiement de 50 284 000 francs ;
IV. - De majorer les crédits de paiement de 50 284 000 francs.
La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Cet amendement vise à faciliter le contrôle du Parlement sur les crédits du chapitre 61-40, qui est intitulé « Adaptation de l'appareil de production agricole », et plus particulièrement ceux de l'article 30 de ce chapitre, lui-même intitulé « Modernisation des exploitations », crédits qui, dans le budget pour 1997, s'élèvent à 210 millions de francs en autorisations de programme et à 64 millions de francs en crédits de paiement.
Comme l'ont mentionné le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, l'individualisation des crédits correspondant, d'une part, au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, dit PMPOA, et, d'autre part, aux dotations allouées à la modernisation des exploitations, devient absolument nécessaire pour faciliter l'analyse de ce chapitre budgétaire.
D'après les estimations faites par les professionnels, la répartition entre les deux actions se ferait de la façon suivante : en autorisations de programme, 165 millions de francs pour le PMPOA et 45 millions de francs pour la modernisation des exploitations - on retrouve bien le chiffre de 210 millions de francs - et, en crédits de paiement, 50,2 millions de francs pour le PMPOA et 13,8 millions de francs pour la modernisation des exploitations - on retrouve le chiffre de 64 millions de francs.
Un nouvel article, intitulé par exemple « Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole », améliorerait la lisibilité des financements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement est tout à fait intéressant car il permet de mieux suivre l'exécution des crédits. Néanmoins, sur le plan formel, il pose un problème, puisque la répartition des crédits par chapitre relève du Gouvernement ; le Parlement, lui, se prononce sur les titres.
Je souhaiterais cependant connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement de nomenclature.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Cet amendement a pour objet de modifier la nomenclature budgétaire de manière à distingueur les crédits du PMPOA des autres crédits de modernisation des exploitations.
Monsieur Besse, je me suis engagé à le faire dans la gestion et à modifier la nomenclature du budget en conséquence.
Les dotations seront ainsi réparties à raison de 165 millions de francs pour le PMPOA et de 45 millions de francs pour les aides aux bâtiments d'élevage en montagne.
Cela étant, je suis obligé de rappeler qu'effectivement l'établissement de la nomenclature budgétaire est de la compétence du Gouvernement.
Je pourrais ajouter que cet amendement, qui comporte une majoration de crédits, n'est pas formellement recevable au regard des dispositions de l'article 42 de l'ordonnance de 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
Mais, au-delà de cet aspect formel, je m'engage à vous donner entière satisfaction, monsieur le sénateur.
Cela étant, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Besse ?
M. Roger Besse. Je remercie M. le ministre de ses explications très claires et surtout de son engagement. Celui-ci me permet de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-52 est retiré.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 83, 83 bis, 83 ter et 84, qui sont rattachés pour leur examen à l'agriculture, à la pêche et à l'alimentation.

Agriculture, pêche et alimentation

Article 83

M. le président. L'article 83 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 83 bis

M. le président. « Art. 83 bis. - Le premier alinéa de l'article L. 112-16 du code rural est ainsi rédigé :
« Le fonds de gestion de l'espace rural contribue au financement de tout projet d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou à la réhabilitation de l'espace rural et dont les agriculteurs ou leurs groupements sont parties prenantes. » - (Adopté.)

Article 83 ter

M. le président. « Art. 83 ter. - Le Gouvernement déposera au Parlement, durant la session ordinaire de 1996-1997, un rapport sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et son incidence sur le budget de l'Etat : ce rapport présentera les engagements pris par les différentes parties intéressées, en particulier l'Etat, et les financements qu'elles ont apportés depuis le début de ce programme ; il en évaluera le coût global ; il énoncera des propositions pour le mener à bonne fin. »
Je vais mettre aux voix cet article.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Ce matin, j'ai posé un certain nombre de questions à M. le ministre, et je voudrais, au nom de la commission des affaires culturelles, tout spécialement de son président, M. Gouteyron, le remercier des réponses et explications qu'il nous a apportées.
Je vous avais demandé de nous rassurer, monsieur le ministre ; vous l'avez fait. Nous n'avons pas obtenu satisfaction sur tous les points, mais nous comprenons pourquoi. Bien sûr, j'aurais aimé que vous soyez aussi déterminé que lorsque vous avez répondu à M. Minetti, mais je sais que, pour les crédits de l'enseignement, vous n'avez pas de marge de manoeuvre. Toutefois, si un collectif doit être soumis au Parlement au mois de juin, pourrez-vous alors essayer de donner satisfaction à l'ensemble de l'enseignement agricole, qui, vous le savez comme moi, constitue une priorité ?
Vous vous êtes engagé à venir devant la commission des affaires culturelles, et je vous en remercie. Ce sera la première fois qu'un ministre de l'agriculture viendra y présenter le budget de l'enseignement agricole.
Vous nous avez indiqué aussi que le problème serait abordé dans la concertation, à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation agricole.
Monsieur le ministre, sur votre budget, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat, mais je crois, après vous avoir entendu, pouvoir dire, au nom de la commission, que nous voterons vos crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?... Je mets aux voix l'article 83 ter.

(L'article 83 ter est adopté.)

Article 84

M. le président. « Art. 84. - Il est inséré, après l'article 1121-2 du code rural, un article 1121-3 ainsi rédigé :
« Art. 1121-3 . - I. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles dont la retraite servie à titre personnel prend effet postérieurement au 31 décembre 1996 et qui justifient, dans le régime des personnes non salariées agricoles et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale, ainsi que d'une durée minimum effectuée en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles à titre exclusif ou principal, peuvent bénéficier d'une majoration de leur retraite proportionnelle. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de la durée d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles à titre exclusif ou principal. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des années d'activité accomplies en qualité d'aide familial majeur pourront être assimilées à des années de chef d'exploitation pour déterminer ladite majoration.
« II. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles, dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1997 et qui justifient de périodes minimum d'activité non salariée agricole et d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles accomplies à titre exclusif ou principal, peuvent bénéficier d'une majoration de la retraite proportionnelle qui leur est servie à titre personnel. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles et d'activité non salariée agricole accomplies à titre exclusif ou principal. Ce même décret précise les modalités suivant lesquelles seront déterminées les périodes d'assurance précédemment mentionnées.
« III. - Les dispositions des I et II prennent effet au 1er janvier 1997. Toutefois, à titre transitoire, la majoration résultant de l'application desdites dispositions est prise en compte à concurrence du tiers pour les pensions versées au titre de l'année 1997 et des deux tiers pour les pensions versées au titre de l'année 1998.
« IV. - Les personnes dont la retraite a pris effet ou prendra effet avant le 31 décembre 1997 bénéficient, à compter du 1er janvier 1997 ou de la date de prise d'effet de leur retraite, d'une majoration de la retraite forfaitaire qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient de périodes de cotisation à ladite retraite ou de périodes assimilées déterminées par décret et qu'elles ne sont pas titulaires d'une retraite proportionnelle ou sont titulaires d'une retraite proportionnelle inférieure aux minima fixés en application du I ci-dessus pour celles prenant leur retraite en 1997 et du II ci-dessus pour celles dont la retraite a pris effet avant le 31 décembre 1996. Le montant de cette majoration, qui prend effet progressivement en 1997 et 1998, est fixé par décret en tenant compte des durées justifiées par l'intéressé au titre du présent alinéa.
« La majoration de la retraite forfaitaire prévue au présent paragraphe n'est pas cumulable avec la majoration de la retraite proportionnelle prévue aux I et II ci-dessus dont les dispositions sont appliquées en priorité.
« Toutefois, dans les cas où l'application de la majoration de la retraite forfaitaire s'avère plus favorable à l'intéressé, il bénéficie des dispositions du premier alinéa du présent paragraphe, dans des conditions et limites qui sont fixées par décret en fonction de sa retraite proportionnelle et de ses périodes d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles visées aux I ou II ci-dessus. »
Par amendement n° II-53, MM. Minetti, Leyzour, Billard et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après le troisième alinéa de l'article 1121 du code rural, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le total des pensions de retraite forfaitaire et proportionnelle reversé à un assuré totalisant cent cinquante trimestres d'affiliation au régime agricole ne peut être inférieur à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Pour les assurés ne totalisant pas cent cinquante trimestres, ce minimum est réduit en proportion. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus s'appliquent également aux retraites agricoles liquidées avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« III. - Les dépenses résultant de l'application de cet article sont financées à due concurrence par une taxe versée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Cette taxe est calculée à partir de l'excédent brut d'exploitation des entreprises des secteurs de l'industrie agroalimentaire, du commerce de gros des produits agricoles et alimentaires ainsi que de celui des centrales d'achat de la grande distribution, des banques et des industries chimiques pour ce qui concerne leur activité liée à l'agriculture. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. On m'a invité à être bref, ce que je vais essayer de faire et ce que j'ai d'ailleurs fait toute la journée.
M. le président. Je vous en remercie, mon cher collègue.
M. Louis Minetti. Cet amendement concerne l'une des grandes questions centrales qui sont emblématiques d'une politique. En l'occurrence, il s'agit de la fixation à 75 % du SMIC des pensions de retraite du régime agricole. L'an dernier, j'avais déposé le même amendement ! Il y a deux ans, j'avais déposé le même amendement ! A chaque fois, par chaque ministre, il a été qualifié d'« intéressant » ou de « généreux », suscitant un « d'accord sur le principe ».
Aujourd'hui, je ne peux plus accepter de restriction. Je n'oublie pas que M. de Saint-Sernin, député, avec cent de ses collègues RPR, a mené bataille en 1993 sur le même thème. Je n'oublie pas non plus qu'actuellement M. Daniel Garrigue, député de Dordogne, a engagé le même combat et qu'il a déposé une proposition de loi sur le sujet. Je sais aussi qu'il a été chargé de mission par le Premier ministre.
Il n'est pas possible de laisser un certain nombre de députés ou de sénateurs de la majorité se faire ériger une statue en l'honneur des 75 %. Il faut clarifier la situation. Avant qu'il ne soit élu Président de la République, Jacques Chirac l'avait promis.
Si, tout à l'heure, dans sa réponse, M. le ministre me dit qu'il est d'accord, je retirerai l'amendement ; il le reprendra à son compte, et ce sera à lui de parler ! S'il n'est pas d'accord, alors je demanderai que le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'amendement de M. Minetti appelle un certain nombre de remarques.
Je rappellerai que ce n'est que depuis 1993 que des mesures ont été prises en faveur des retraites agricoles les plus modestes.
Par ailleurs, un débat de fond sur ce sujet aura lieu dans le cadre de la loi d'orientation agricole, après la remise du rapport de M. Daniel Garrigue.
La commission a accepté, sans modification, l'article 84, qui représente une avancée certaine.
En effet, tout n'est pas possible tout de suite.
M. Félix Leyzour. On ne demande pas tout !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les lacaniens disent qu'il y a un principe de réalité et un principe de plaisir. En l'occurrence, le principe de plaisir, c'est de proposer des améliorations auxquelles il n'est pas possible de souscrire. Mais il y a aussi la réalité à laquelle la commission des finances doit se soumettre.
Je vous demande donc, monsieur Minetti, de retirer votre amendement car le sujet reviendra très prochainement en discussion. A défaut, malheureusement, je serai obligé d'invoquer l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, dans vingt ou trente ans, lorsque je serai parlementaire de l'opposition,...
M. Charles Revet. Ou plus tard que cela !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... peut-être pourrai-je souscrire au principe de plaisir ! (Sourires.) En l'instant, à la place qui est la mienne, vous me permettrez de m'en tenir au principe de réalité.
La réalité, comme cela a été rappelé, c'est que, depuis 1993, le Gouvernement a entrepris un effort de rattrapage des plus petites retraites. Cet effort se traduit cette année, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, par une somme supplémentaire de 2 200 millions de francs pour les retraités.
Je préfère le principe de réalité au principe de plaisir, qui me ferait brandir des chiffres dénués de signification. Or, ces 2 200 millions de francs que les retraités auront en plus - même si cela ne correspond pas à tout ce que je souhaiterais faire - sont une réalité tangible.
Est-ce pour solde de tout compte ? Non, bien entendu !
Poursuivons-nous l'objectif fixé par MM. de Saint-Sernin, Garrigue, Minetti et beaucoup d'autres en matière de revalorisation ? Oui, bien entendu ! Nous avons inscrit cette revalorisation des préretraites parmi les priorités du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
La meilleure preuve en est qu'en dépit des fortes contraintes budgétaires qui nous sont imposées, nous avons augmenté la subvention d'équilibre au BAPSA, précisément pour tenir ces engagements. Et nous continuerons !
Ainsi, dans le cadre de la loi d'orientation, nous examinerons ce que nous devons faire pour le rattrapage des plus petites retraites.
Nous savons pertinemment que le système qui est mis en place permettra à ceux qui cotisent aujourd'hui au titre des cotisations nouvelles de parvenir à une égalité de traitement avec les retraités salariés.
Par conséquent, je crois que le principe de plaisir qui guide - ce que je comprends parfaitement - M. Minetti se heurte au principe de réalité et aux sommes que je viens d'évoquer.
Au demeurant, cet amendement n'est pas recevable. Dans ces conditions, il serait peut-être préférable que M. Minetti le retire, car une invocation de l'article 40, n'est pas très glorieuse pour la personne qui se la voit opposer ; cela fait un amendement de circonstance.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 est-il applicable ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-53 n'est pas recevable.
M. Louis Minetti. Mais notre amendement est gagé !
M. le président. Monsieur Minetti, l'application de l'article 40 ne fait l'objet d'aucun commentaire ! Je vais mettre aux voix l'article 84.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je suis contre l'article 84. On vient de dire qu'il n'était pas glorieux d'appliquer l'article 40...
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Non, c'est pour celui à qui il est opposé que ce ne l'est pas ! Appliquer la Constitution, c'est glorieux !
M. Louis Minetti. En fait, je veux surtout protester car mon amendement est parfaitement gagé.
Si vous voulez que je donne les détails...
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que l'application de l'article 40 de la Constitution ne peut faire l'objet d'aucun commentaire.
M. Louis Minetti. En tout cas, j'en ai assez dit pour faire savoir que je proteste et que nous ne voterons pas l'article 84.
Charles Revet. Ça, on le savait !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 84.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Paul Raoult. Le groupe socialiste également.

(L'article 84 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture, la pêche et l'alimentation.

8

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean François-Poncet, Jean Huchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Michel Doublet, Henri Revol, Rodolphe Désiré et Louis Minetti ;
Suppléants : Mme Janine Bardou, MM. Aubert Garcia, Francis Grignon, Bernard Joly, Edmond Lauret, Félix Leyzour et Louis Moinard.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

9

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]

Aménagement du territoire, ville et intégration

I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation du projet de budget de l'aménagement du territoire pour 1997 constitue, pour moi, un exercice quelque peu délicat.
En effet, en tant qu'élu de la majorité soutenant le Gouvernement, comment pourrais-je récuser l'effort de maîtrise de la dépense publique ? Mais, en tant que représentant d'un département défavorisé, comment pourrais-je ne pas éprouver une profonde inquiétude en voyant l'évolution de ce projet de budget qui, comme l'an passé, apporte une contribution plus que proportionnelle à cet effort ?
Cette année, les crédits demandés au titre de l'aménagement du territoire sont en baisse de 15,45 % par rapport au budget voté de 1996. Les moyens de paiement ne s'élèvent plus qu'à 1 670 millions de francs. Les autorisations de programme subissent le même sort avec une diminution de 26,41 %.
Hélas ! cette chute des crédits en 1997 a déjà été anticipée en 1996 par l'arrêté d'annulation du 26 septembre dernier.
En fait, depuis 1995, ce budget a subi une baisse cumulée de près de 26 % en l'espace de deux ans, soit une diminution de 580 millions de francs en francs courants.
Ainsi, depuis deux ans, nous assistons à une chute régulière des moyens financiers affectés à une politique que nous sommes nombreux à considérer comme une ardente obligation.
Cependant, avant de juger, il faut bien connaître ce budget. C'est pourquoi, avant d'émettre un jugement sur celui-ci, je me propose d'analyser ses différents aspects pour tenter d'expliquer la situation présente.
Cette baisse des crédits recouvre, en effet, des réalités diverses.
En ce qui concerne tout d'abord la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, il faut noter un resserrement des moyens. La dotation prévue pour 1997 baisse en effet de 3,14 %, pour revenir à 91,6 millions de francs. Cette baisse s'explique, en grande partie, par une réduction des dépenses de personnel.
Les effectifs budgétaires de la DATAR poursuivent en effet leur décroissance. Au total, depuis 1986, le nombre de personnes directement employées par la DATAR sera passé de 150 à 115 en 1997.
Mais c'est surtout le réseau de la DATAR à l'étranger qui est mis à contribution à travers la maîtrise de ses dépenses de personnel et de fonctionnement, qui font l'objet d'une révision des services votés de 2,5 millions de francs, soit une baisse de 6 %.
Je déplore cette évolution dans la mesure où l'apport de ce réseau, qui a pour mission, je le rappelle, d'attirer des investissements étrangers sur le territoire français, est très important en termes de création d'emplois.
J'en viens maintenant au deuxième aspect de ce budget, c'est-à-dire à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, dont les crédits connaissent une baisse sensible.
Je rappelle que la PAT est une subvention d'équipement accordée par l'Etat aux entreprises françaises et étrangères qui réalisent, dans des régions classées, des programmes répondant à diverses caractéristiques concernant leur nature, leurs dimensions et leurs effets sur l'emploi.
L'année 1997 se caractérise par une « décroissance » des crédits ouverts au titre de la PAT. Le projet de loi de finances pour 1997 vient, en effet, accentuer un mouvement de réduction des crédits déjà engagé, pour la gestion en cours, par l'arrêté d'annulation du 26 septembre 1996.
Le montant des crédits prévus pour 1997 ne s'élève plus qu'à 155 millions de francs en crédits de paiement et à 250 millions de francs en autorisations de programme, soit une baisse respective de plus de 53 % par rapport à 1996. Il s'agit donc de l'engagement d'une réduction drastique et volontariste des moyens prévus au titre de la PAT pour 1997.
L'analyse de cette « amputation » doit cependant tenir compte de l'existence d'une masse considérable de reports de crédits accumulés depuis plusieurs années. Je reviendrai sur ce point particulier.
J'en viens maintenant au point le plus délicat de l'analyse de ce budget. Il s'agit de la diminution substantielle des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui constitue, je le rappelle, 85 % du montant des crédits de paiement consacrés par votre ministère à l'aménagement du territoire, soit 1,42 milliard de francs, et 83 % de ses autorisations de programme, soit 1,23 milliard de francs.
Institué par l'article 33 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, le FNADT a été créé pour regrouper six fonds qui apparaissaient distinctement, jusqu'en 1994, dans le budget de l'aménagement du territoire.
Cette création avait pour vocation de simplifier la gestion des outils financiers spécifiques à la politique d'aménagement du territoire. Elle visait, en outre, à raccourcir et à déconcentrer les processus de décision.
Or les crédits inscrits en 1997 pour ce fonds s'inscrivent en baisse de plus de 8 %, soit une diminution de 125,6 millions de francs, par rapport à 1996, principalement en raison du report d'un an de l'échéance des contrats de plan Etat-région. Initialement conclus pour couvrir la période quinquennale 1994-1998, ils prendront donc fin au 31 décembre 1999.
A cet égard, les diverses explications avancées par le Gouvernement ne doivent pas dissimuler le fait que ce report d'un an permettra surtout de diminuer le montant des crédits annuels qui auraient dû être engagés au titre de ces contrats de plan en 1997 et en 1998.
A cet égard, monsieur le ministre, je m'étonne quelque peu de la proposition tendant à donner la possibilité aux régions de procéder à des avances financières. En effet, seules les régions riches pourront s'engager dans ce processus ; les régions pauvres ne le pourront pas. Ainsi, l'écart entre elles ne fera que s'aggraver.
Je note d'ailleurs que ce fonds a déjà fait l'objet d'un important mouvement d'annulation de crédits en 1996, pour un montant global de 195 millions de francs.
Au total, depuis 1995, les crédits d'intervention du FNADT auront donc diminué de près de 30 %, alors que les subventions d'équipement se réduisaient de 19 % en crédits de paiement et de près de 38,5 % en autorisations de programme.
Au total, il ne serait donc pas illégitime de se demander si l'aménagement du territoire n'est pas un budget sacrifié.
Comme en 1996, je le répète, il apporte une contribution plus que proportionnelle à l'effort de maîtrise de la dépense publique.
Au sein de ce budget en baisse, il convient cependant de faire la différence entre l'analyse des crédits de la prime d'aménagement du territoire et celle des crédits inscrits au titre du fonds national d'aménagement du territoire.
En effet, l'exercice 1997 traduit une volonté d'apurement de la gestion de la PAT, pour laquelle subsiste, nous le savons tous, une masse très importante de crédits reportés d'année en année.
Monsieur le ministre, vous avez souligné devant la commission des finances et la commission des affaires économiques que les réserves financières de la PAT seraient mobilisées en 1997 et en 1998 afin de permettre un niveau de financement au moins égal au niveau moyen des cinq dernières années pour cette prime. Cet engagement important devra être respecté. Il y va de la crédibilité de votre ministère.
Toujours à propos de la PAT, je vous demande, monsieur le ministre, d'engager une réflexion sur les critères d'éligibilité à cette prime, dont le faible taux de consommation des crédits traduit, notamment, un seuil de créations d'emplois trop élevé pour que des projets de dimension modeste puissent en bénéficier. Ainsi, dans le département que je représente aucune prime d'aménagement du territoire n'a été attribuée depuis sa création.
S'agissant du fonds national d'aménagement du territoire, j'insiste sur le fait que les amputations subies par ce fonds sont de nature à remettre en cause l'effort budgétaire engagé après le vote de la loi Pasqua.
Aussi, j'espère que les perspectives de renforcement des moyens financiers du FNADT pour 1997 seront confirmées.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que, tenant ses engagements, le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à relever le montant des crédits du FNADT de 70 millions de francs en autorisations de programme et de 21 millions de francs en crédits de paiement.
Le second axe de mon intervention portera sur la dépense publique consacrée à l'aménagement du territoire qui ne se limite pas, heureusement, aux seuls crédits inscrits dans le bleu budgétaire. Participent en effet à l'effort financier consenti dans ce domaine à la fois d'autres ministères et l'Union européenne.
En ce qui concerne les autres ministères, je note un recul des dépenses prises en compte au titre de l'aménagement du territoire. Les seuls crédits en progression sont finalement ceux qui proviennent de l'Europe.
Je rappelle que les fonds européens s'élèveront à plus de 10 milliards de francs en 1997 et qu''ils seront en progression de près de 9,5 %. Ces moyens supplémentaires viendront ainsi renforcer de manière importante les programmes consacrés à l'accompagnement des restructurations de la défense, aux reconversions industrielles ou aux projets de développement rural.
Ainsi, monsieur le ministre, votre action auprès des autorités européennes se traduit par un succès dont nous nous félicitons.
L'autre « ballon d'oxygène » de cette politique tient à la dépense fiscale engagée dans le cadre de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire à l'ensemble des mesures d'allégements de charges fiscales et sociales applicables dans les zones défavorisées. L'effort financier est ici indéniable. Il sera cependant nécessaire d'obtenir du ministère de l'économie et des finances des évaluations plus fiables et plus détaillées que celles dont nous disposons sur le montant et la répartition de cette dépense fiscale, qu'il est difficile d'apprécier avec exactitude en l'absence d'éléments chiffrés directement exploitables.
Les correctifs que je viens d'apporter, et qui améliorent sensiblement les premières orientations du projet de budget de l'aménagement du territoire, nous permettent d'envisager une approbation de ce projet de budget, surtout si l'année 1997 doit être celle du monde rural, comme vous nous l'avez laissé entendre, monsieur le ministre.
En effet, si je salue l'action conduite par le Gouvernement en 1996 en faveur de la ville, je n'en souhaite pas moins que l'année 1997 soit l'occasion de transformer en actes le souci de maintenir un équilibre et de rétablir une certaine équité entre la politique de la ville et l'action en faveur du monde rural.
A cet égard, le renforcement, à partir de 1997, des mesures relatives aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, dans le cadre du pacte de relance pour la ville constitue déjà un signe tangible de cette volonté.
Applicables au 1er janvier 1997, ces mesures nouvelles viendront ainsi renforcer les moyens mis en oeuvre en faveur du monde rural. Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que cet effort supplémentaire portera le coût budgétaire en année pleine de l'ensemble des mesures d'exonération applicables aux zones de revitalisation rurale à environ 1,2 milliard de francs, ce qui est un chiffre important.
Dans ce domaine je me permettrai de vous demander d'étudier la possibilité de modifier la définition des critères de classement d'un territoire en ZRR. En effet, il existe aujourd'hui, en raison de l'application arithmétique des critères actuels, des exclusions tout à fait artificielles de certains cantons au sein de territoires classés par ailleurs entièrement en ZRR.
A cette fin, la proposition de loi n° 2731, déposée par mon collègue et ami Yves Coussain, député du Cantal, semble fournir une bonne base de travail et de réflexion.
Par ailleurs, je me félicite du fait que l'année 1997 devrait voir la mise en oeuvre d'un plan pour l'avenir du monde rural et que, bientôt, nous devrions avoir à débattre du schéma national d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi Pasqua.
Je souhaite, monsieur le ministre, qu'il s'agisse d'un nouvel élan qui, accompagné de nouveaux moyens, vous permette enfin d'infléchir les tendances naturelles qui nous conduisent tout droit à une dangereuse cassure territoriale venant s'ajouter à la fracture sociale.
Ces propos ne sont pas une clause de style ou de circonstance, quand on constate que le PIB dans un département comme celui que j'ai l'honneur de représenter est de 78 000 francs par habitant, alors qu'il atteint 290 000 francs dans les Hauts-de-Seine.
Votre action, monsieur le ministre, est donc très attendue pour que ne s'aggravent pas dans notre pays les écarts entre les régions qui absorbent l'essentiel de la richesse nationale et celles qui continuent à s'appauvrir.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, avec le dynamisme, le charisme et la détermination qui vous caractérisent conduire à bien cette politique ! Pour cela, sachez que vous pouvez compter sur ma confiance renouvelée et mon soutien.
Je rappelle, enfin, que la commission des finances, se jugeant dans un premier temps insuffisamment informée, avait décidé de réserver son vote. A présent éclairée des avancées confirmés en votre présence par M. le Premier ministre, elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire pour 1997.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellente intervention de notre collègue Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, je ne reviendrai pas sur les crédits inscrits au titre de l'aménagement du territoire. J'indiquerai simplement à la Haute Assemblée que la commission des affaires économiques, qui aurait certes souhaité que ces crédits fussent plus abondants, s'est néanmoins félicitée du geste que le Gouvernement s'apprête à faire pour répondre aux préoccupations du Sénat, en majorant les crédits inscrits au titre du FNADT. Aussi a-t-elle émis un avis favorable à leur adoption, compte tenu de la nécessité de rétablir l'équilibre des finances publiques.
Je me propose, dans la présente intervention, d'évoquer les principaux thèmes relatifs à l'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui nécessitera l'élaboration de plusieurs textes législatifs et réglementaires.
Le dépôt de six projets de loi est prévu par cette loi d'orientation. La commission des affaires économiques est très soucieuse de la présentation de ces textes au Parlement. Aussi a-t-elle noté avec intérêt, monsieur le ministre, que le projet de loi en faveur de l'espace rural serait déposé au printemps prochain. Il s'agit en effet d'un texte dont elle attend des mesures concrètes.
L'année 1996 a été marquée par la publication d'importants décrets d'application de la loi d'orientation ; vous en trouverez la liste détaillée dans mon rapport écrit. Je tiens à vous donner acte, monsieur le ministre, du très important travail accompli sous votre autorité.
Je note cependant que l'on attend toujours le décret relatif au fonds national de développement des entreprises, le FNDE ; le texte relatif au groupement d'intérêt public, le GIP, d'observation et d'évaluation de l'aménagement du territoire ; enfin, le texte qui est relatif au maintien des services publics prévu par l'article 29.
Je saisis cette occasion pour indiquer que la commission des affaires économiques est très attachée au respect du moratoire sur le maintien des services publics.
A côté de ces textes réglementaires, la loi du 4 février 1995 prévoit également la présentation de plusieurs rapports au Parlement. A ce sujet, la commission des affaires économiques est particulièrement désireuse que le rapport relatif à la péréquation financière et celui qui concerne la réforme du système de financement des collectivités locales, prévus par les articles 68 et 74 de la loi d'orientation, soient remis au Parlement.
Par ailleurs, j'ai constaté que l'application des articles 58 et 59 de la loi d'orientation avait rencontré quelques difficultés.
En effet, actuellement, les sociétés anonymes ne bénéficient pas de l'exonération de cotisations sociales prévue par l'article 58, car elles ne sont pas visées par les articles 6 à 6-5 de la loi du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social, modifiée par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. L'administration refuse de leur accorder le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales patronales qui est applicable dans les ZRR depuis la parution du décret du 16 août 1996.
Le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a, certes, clarifié les règles d'attribution de l'exonération : à compter de son entrée en vigueur, toutes les entreprises situées dans les ZRR, y compris les sociétés anonymes, seront éligibles à l'exonération de charges sociales patronales précitée.
Le problème posé par les sociétés anonymes est donc réglé, pour l'avenir, et pour les nouveaux emplois créés.
Toutefois, nous regrettons que les sociétés anonymes installées dans les ZRR à la date de parution du décret d'application précité ne puissent pas bénéficier de l'exonération pour les emplois créés durant la période qui s'échelonne de septembre 1996 à décembre 1996 : la mesure issue de l'article 18 de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville prendra effet le 1er janvier 1997, ce qui n'est pas si mal.
Il me paraît souhaitable, monsieur le ministre, que des dispositions soient prises, afin que le nouveau régime soit applicable à titre rétroactif aux sociétés anonymes qui ont créé des emplois dans les ZRR de septembre 1996 à décembre 1996, n'hésitant pas à accomplir sans retard leur mission essentielle de développement et de création d'emplois. Il serait regrettable qu'elles soient pénalisées.
Je vous signale, en outre, que certaines entreprises ont rencontré quelques difficultés pour obtenir le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales familiales prévue par l'article 59 de la loi d'orientation précitée, à compter du 1er janvier 1995, dans les ZRR.
En effet, au motif que la liste des ZRR avait été fixée par le décret du 14 février 1996, l'administration a estimé que l'exonération ne pouvait prendre effet qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce décret, alors même que le texte de la loi prévoyait expressément que cette mesure serait applicable dès le 1er janvier 1995.
Devant les réactions suscitées par cette prise de position, des instructions ont été données afin de considérer qu'il n'y avait pas lieu de réclamer le reversement des cotisations afférentes aux rémunérations antérieures à la date du 17 février 1995 et postérieures au 1er janvier 1995, et que les entreprises n'auraient pas versées au 19 juillet 1996. Les instructions ainsi données sont appréciées, monsieur le ministre. Sachez, mes chers collègues, que la commission des affaires économiques reste très vigilante sur l'application de ces dispositions.
S'agissant des zonages, il est souhaitable de parvenir à une plus grande cohérence.
On constate, en effet, une disparité entre, d'une part, l'étendue des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire, la PAT, qui est une aide de l'Etat, et, d'autre part, celle des zones éligibles aux aides européennes au titre de l'objectif « 5b » en matière d'aide publique aux entreprises. Cela a une incidence directe sur les aides des collectivités locales aux entreprises.
En principe, ces aides ne sont autorisées, par exception aux principes de concurrence posés par le traité sur l'Union européenne, que dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire.
Or la carte des zones relevant de l'objectif européen « 5b » d'aide aux zones rurales en retard de développement, élargie sur l'intervention du Sénat, chevauche en partie la carte des zones éligibles à la PAT, sans en épouser tous les contours.
Il s'ensuit que les aides des collectivités locales aux entreprises, prévues par le décret du 22 septembre 1982, ne peuvent pas être attribuées dans les zones « 5b » qui n'appartiennent pas aux zones éligibles à la PAT. Ainsi, une collectivité locale n'est pas autorisée à aider, sur ses derniers, la création ou l'installation d'une entreprise, pour quelques centaines de milliers de francs, je dirai seulement - dans bien des cas, cette aide serait utile pour développer les zones « 5b » par l'aide à l'immobilier d'entreprise, par exemple. Il faudrait pouvoir remédier à cette lacune, monsieur le ministre, dans un contexte où la défense de l'emploi est prioritaire.
En application du principe de subsidiarité, il serait souhaitable, tout au contraire, que les collectivités locales puissent agir plus librement, à charge pour elles d'assurer les risques et les conséquences de leurs décisions. A défaut de recevoir de l'argent, elles souhaiteraient avoir le droit d'intervenir, sans que ce soit une obligation.
Lors de votre audition par la commission des affaires économiques, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous vous apprêtiez à proposer des dispositions pour permettre, dans ces zones-là, l'intervention financière des collectivités locales. Je vous en suis très reconnaissant. Pouvons-nous espérer obtenir ces dispositions pour 1997 ?
L'année 1997, en effet, sera décisive pour l'aménagement du territoire, avec la préparation de plusieurs textes fondamentaux.
Au printemps prochain, vous nous présenterez un plan de faveur... pardon, un plan en faveur de l'espace rural - pourrait-il être un plan de faveur que ce ne serait pas critiquable pour autant ! ( Sourires. ) Nous souhaitons qu'il soit symétrique du plan très ambitieux que vous avez élaboré en faveur de la ville. Nous considérons, en effet, que la politique de la ville et celle qui est menée en faveur de l'espace rural sont les deux faces d'une seule et même politique de l'aménagement du territoire.
L'élaboration des schémas départementaux d'organisation des services publics - ce sera l'objet du deuxième texte - aura inévitablement, quant à elle, une incidence sur le moratoire des services publics. J'estime qu'il convient d'étudier dès à présent l'incidence qu'aurait une éventuelle levée du moratoire.
L'élaboration du schéma national d'aménagement du territoire et la présentation au Parlement du projet de loi relatif à son approbation marqueront également, en 1997, une étape importante.
Nous suivrons également avec intérêt la poursuite de la politique des « pays », après l'examen des résultats issus de la création des « pays de préfiguration », et la poursuite de la préparation des directives territoriales d'aménagement.
Monsieur le ministre, l'année 1997 constituera une année charnière pour la politique d'aménagement et de développement du territoire, et nous comptons sur vous. La loi d'orientation du 4 février 1995 a fait naître un grand espoir dans notre pays. Il appartient au Gouvernement de ne pas le décevoir en appliquant aussi bien la lettre que l'esprit de ce texte fondateur, même si des résistances s'y opposent parfois, ici ou là.
Monsieur le ministre, je vous remercie à l'avance de l'attention que vous porterez à l'examen des thèmes que je viens d'évoquer au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, et j'ai plaisir à vous faire part de l'avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire pour 1997 qu'elle a émis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'aménagement du territoire qui nous est présenté ne correspond guère, pour ne pas dire qu'il ne correspond pas du tout, aux intentions affichées par les gouvernements depuis quelques années. Et la chaleur avec laquelle vous défendez généralement cette politique, monsieur le ministre, ne la change pas fondamentalement.
Après une amputation importante l'an dernier, voilà que les crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire baissent de 300 millions de francs, soit 17 % en francs constants.
Certes, le « bleu » budgétaire est essentiellement consacré à la DATAR et au fonds national d'aménagement et de développement du territoire ; mais ce qui est encore plus préoccupant, c'est que l'effort total de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire est en régression.
Ainsi, comme le souligne le rapporteur pour avis M. Pépin, « rapporté aux 1 552,9 milliards de francs de charges nettes prévues pour 1996, l'effort de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire - tous ministères confondus - s'élève à environ 59 milliards de francs, soit 0,38 % ».
J'ajoute que ce chiffre global est en diminution de 2 milliards de francs, ce qui représente, en francs constants, une baisse de 5 %.
Les chiffres sont bien cruels et démentent de façon claire et nette les propos lénifiants sur l'aménagement du territoire, considéré comme la priorité de l'Etat.
Pourtant, combien de fois ne nous a-t-on pas affirmé que la loi du 4 février 1995 devait permettre d'harmoniser et d'équilibrer le territoire !
Or, comme on le sait, la situation est extrêmement dégradée : elle révèle un territoire très fragilisé par le phénomène de polarisation qui joue désormais contre l'emploi. En effet, l'emploi, quand il progresse, le fait sur un modèle de plus en plus flexible et précaire, et il se trouve beaucoup plus concentré que la population. On en arrive alors à un double mouvement de concentration et d'assèchement des arrière-pays. Et au sein des métropoles, on assiste à l'explosion des inégalités sociales.
Voilà ce à quoi aboutit le modèle de développement ultralibéral exigé par la construction européenne de Maastricht. Il est en effet impossible de concilier les exigences de l'ultralibéralisme qui s'affirme de plus en plus, la libre circulation des capitaux, la liquidation du secteur nationalisé, la remise en cause des services publics dans leur mission, la mise en oeuvre de la politique agricole commune avec la mise en friche de milliers et de milliers d'hectares, avec le développement harmonieux, équilibré et égalitaire du territoire.
Aussi, on comprend mieux le sens du schéma national d'aménagement du territoire : il s'agit d'intégrer les populations et les élus dans la construction de quelques grandes métropoles à vocation européenne et de délaisser plus ou moins le reste du territoire. On peut d'ailleurs s'interroger sur le mauvais rôle que l'on a fait jouer à la SNCF par le biais du TGV. Jean-François Troin l'explique dans son ouvrage Rail et aménagement du territoire : « Le TGV est non pas un instrument d'aménagement du territoire, mais une nouvelle structure de transport accentuant les polarisations urbaines. »
En fait, le TGV est conçu pour aller le plus vite possible de métropole à métropole, et rapproche les régions de Paris en amoindrissant leur irrigation interne. C'est ainsi que des régions entières sont devenues des régions de transit, sans valorisation de leurs atouts.
En même temps, le choix du « tout TGV » a contribué à accélérer le recul du rail par rapport à la route en matière de transport du fret. Cette évolution s'explique également, bien entendu, par la pratique des « flux tendus » que permet le transport par camion.
Aujourd'hui, il est essentiel que le Gouvernement s'engage à ne fermer aucune ligne ferroviaire. Ce serait là, monsieur le ministre, un signe fort de la volonté de l'Etat, surtout après les mouvements sociaux auxquels nous avons assisté ces derniers temps à la SNCF ou chez les routiers.
En ce qui concerne les transports, la gestion du fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables a d'ailleurs fait l'objet d'une remarque critique de la part de l'Association des maires de France.
En effet, les crédits « routes » de ce fonds serviront essentiellement à financer la réalisation d'infrastructures autoroutières, alors qu'ils devraient permettre l'amélioration du réseau entre agglomérations, en un mot le renforcement du maillage national.
Comment ne pas souligner également la réduction des crédits du fonds de péréquation des transports aériens, victime de la déréglementation européenne ?
Chacun mesure bien ici les contradictions qui existent entre les intentions affichées par le Gouvernement et les choix que celui-ci fait réellement.
Il en va de même pour la question de l'emploi. Pour ce qui nous concerne, une politique d'aménagement du territoire doit avoir pour objectif la défense, la valorisation et le développement des ressources et des atouts locaux, régionaux et nationaux, afin de répondre aux besoins des salariés, de la population et de la nation.
Or, à la lumière de l'examen du « jaune » budgétaire et des décisions prises au titre de la mise en oeuvre de la loi Pasqua, on constate que le traitement de cette question de l'emploi n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Ainsi, le fonds national de développement des entreprises, censé venir en aide aux PME, n'est toujours pas doté.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Félix Leyzour. Notre collègue Jean Pépin, rapporteur pour avis, traduit l'amertume de nombre d'élus locaux, quand il refuse que l'on parle de ce fonds au passé. Il a raison ; mais, comme le souligne le ministère, c'est la politique de restrictions budgétaires qui explique ce choix.
L'autre volet « emploi » - mais il est bien timide ! - du projet de budget relatif à l'aménagement du territoire concerne le recours à la dépense locale et aux fonds européens pour les bassins en difficulté.
Les fonds européens passent de 9,3 milliards de francs à 10,2 milliards de francs. En masse de crédits, c'est donc positif. Mais cette réalité recouvre aussi une contradiction : cette systématisation et cette progression traduisent également l'extension des difficultés territoriales, et sont la preuve que de plus en plus de territoires sont éligibles aux objectifs 1 et 2, au titre de la reconversion industrielle, ou 5b, au titre du développement des zones rurales.
Notre budget national alimente le budget européen. Il est donc logique qu'il y ait un retour en crédits : néanmoins, ces dernières doivent non pas jouer un rôle de calmant, mais servir au développement réel d'activités.
Cela confirme l'absolue nécessité d'exiger de ces fonds et des programmes européens la transparence et l'ouverture à l'intervention et au contrôle des salariés, des citoyens, des élus. Il s'agit également de procéder à leur évaluation quant à l'emploi en termes de quantité et de qualité et quant à leur contribution à la création de richesses nouvelles.
Ce souci de l'emploi doit nous conduire à nous interroger sur la politique des groupes des banques et sur leur responsabilité sociale et territoriale. L'exemple du plan social d'Alcatel CIT, dans le bassin de Lannion, dans mon département, est tout à fait significatif, monsieur le ministre. De tels plans de licenciements réduisent quasiment à néant tous les efforts des élus des collectivités, des populations sur l'emploi local. La politique d'aménagement du territoire ne peut pas se désintéresser de cet enjeu, surtout quand il s'agit d'un domaine rattaché aux technologies du futur.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais m'intéresser à la nouvelle organisation territoriale que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre. Je me fonde pour cela sur votre article intitulé « Ma conception du territoire », paru dans Le Monde du 27 mars dernier : « La France doit admettre que son organisation, avec 36 653 communes, auxquelles nous sommes par ailleurs attachés, ne fournit pas le meilleur support administratif au développement du territoire », écrivez-vous.
Cette appréciation est tempérée par la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, qui « souhaite que l'élaboration des "pays" s'opère dans un esprit consensuel qui permette aux collectivités locales de se déterminer librement ».
Le « pays », selon nous, doit être une structure souple de concertation, d'études, de propositions. Il ne doit pas devenir une nouvelle structure institutionnelle au-dessus des communes.
Si nous souhaitons que les communes gardent toutes leurs prérogatives, c'est qu'il s'agit, à notre sens, de l'échelon où l'intervention citoyenne est la plus présente et la plus efficace. Même si le « pays » se présente avec les attraits de la démocratie participative, la réalité est tout autre.
M. Bernard Piras. C'est pas mal, ça !
M. Félix Leyzour. L'un des enjeux essentiels est le service public : on retrouve ici une tentative de structuration qui, à partir du « pays », tend à l'offre de service public dit « universel », mais qui est en réalité le service public minimal.
En effet, comme le révèle le directeur de la mission « structuration de l'espace » de l'INSEE, Laurent Loeiz, les "pays" sont appelés à s'engager dans « un véritable exercice de choix budgétaire auprès des populations ».
Le « pays » pourrait ainsi constituer un moyen d'autodiscipline des populations, et un levier pour faire accepter les partages de pénurie, les rationnements, les mises en cause de statut qu'implique le type de traitement des déficits publics associés à la monnaie unique.
Tel qu'il est initié, le « pays » vise donc à traiter les défis incontournables de l'intercommunalité, mais en imposant la supracommunalité.
Mes chers collègues, les options du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire vont, à notre sens, renforcer son caractère ségrégatif, par la poursuite des polarisations et la mise en oeuvre de groupements supracommunaux.
Nous sommes opposés à de telles options qui, d'ailleurs, font mine d'ignorer le poids de la stratégie des firmes, sous la contrainte des marchés financiers, dans la structuration de l'espace.
Le choix affirmé de la compétitivité entre les territoires, dans le cadre de la construction européenne, est aujourd'hui clarifié par les mesures que vous nous proposez. En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Puech. M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fonction de ministre de l'aménagement du territoire a toujours été, depuis les décennies soixante et soixante-dix, une fonction ingrate et difficile.
Vous êtes, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, confronté à deux difficultés majeures. Vous devez travailler à moyen et long terme, mais les principes sacro-saints de l'annualité budgétaire, l'urgence sociale et les contraintes économiques contrarient cet exercice déjà fort délicat. Dans le même temps, vous êtes, par nature, si je puis me permettre cette expression, « l'empêcheur de tourner en rond » de tous les ministères techniques, qui n'ont jamais apprécié que l'on recentre leurs propres politiques dans une perspective d'ensemble et qu'en plus on prétende les évaluer !
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont vous vous efforcez avec obstination de traduire dans les faits les différentes dispositions, devrait permettre de travailler dans ce sens.
Malheureusement, trop souvent encore, nos politiques restent cloisonnées. A ce jour, nous sommes obligés de constater que notre pays n'a toujours pas fait le choix d'une grande et persévérante politique d'aménagement du territoire.
Cette année, vous avez été contraint de nous présenter un budget dont la modestie a surpris même les mieux intentionnés, ce qui compromet, si l'on y ajoute la dispersion des politiques sectorielles, la définition de priorités nettes et lisibles à court et moyen terme.
Aux questions que suscite cette situation, je vais m'efforcer d'opposer à nouveau soit les réponses, soit les orientations qui ne cessent d'être rappelées par notre assemblée, dont la contribution a toujours été, sous l'égide de notre collègue le président Jean François-Poncet, reconnue et appréciée de tous, quelles que soient nos sensibilités politiques.
Je ferai d'abord quatre constats.
En premier lieu, nos rapporteurs, fidèles échos en cela des travaux des commissions, se sont faits les interprètes, monsieur le ministre, de nos inquiétudes et de nos interrogations.
Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres, chacun ici le connaît et en mesure la réelle signification.
Votre budget, certes, ne peut pas seulement être jugé sur les seuls crédits qui y sont directement affectés. Mais nos préoccupations sont encore plus vives lorsque l'on s'interroge sur le devenir du fonds national de développement des entreprises, sur celui du fonds de gestion de l'espace rural, sur l'évolution du FNDAE, sur celle du fonds de péréquation des transports aériens. Et l'augmentation du fonds national d'aménagement et de développement du territoire de 70 millions de francs, arrachée de haute lutte, ne suffit pas à nous rassurer.
Voilà qui me conduit, monsieur le ministre, au second constat : votre politique, compte tenu des urgences à traiter, est surtout une politique curative.
Certes, me direz-vous - et avec raison - des efforts importants sont maintenus, voire amplifiés, dans des secteurs prioritaires : je pense à la politique de la ville, aux zones franches ou à l'accompagnement des zones de revitalisation rurale.
Nous les reconnaissons volontiers, mais, sur ces trois sujets, il faut être clair.
La politique de la ville, telle qu'elle est conçue - et elle ne peut l'être autrement étant donné les dégâts réalisés par la gestion de la politique d'urbanisation menée sans frein tout au long de ces dernières décennies - la politique de la ville, dis-je, est une politique curative. Elle essaie tout simplement de pallier les effets désastreux de l'hyper-concentration urbaine qui transforme nos agglomérations en véritables ghettos.
La constitution de zones franches, quant à elle, est une bonne initiative. Mais, si l'Etat injecte plusieurs centaines de millions de francs - et j'exclus la Corse de cette estimation - il faut bien avouer que ce type de décision a des conséquences indirectes non négligeables pour les finances des collectivités locales. Or, à ma connaissance, ces conséquences n'ont pas été évaluées. Voilà qui est en contradiction avec les instructions du Premier ministre relatives aux études d'impact préalables !
Les collectivités locales s'inquiètent maintenant très sérieusement car, dans ce domaine, le pacte de stabilité financière n'a jamais, vous le savez, été jusqu'au bout de sa logique.
M. Bernard Piras. A juste titre !
M. Jean Puech. Il en est de même pour les zones de revitalisation rurale. Vous en avez défendu de façon remarquable et le principe et les mesures avec la plus grande énergie et il faut nous féliciter très chaleureusement du succès de cette négociation avec la Commission européenne. Je crois qu'il s'agit là d'un acquis important au bénéfice des zones les plus défavorisées. Mais nous sommes là encore dans le cadre d'interventions de type curatif !
Vous travaillez à l'élaboration d'un plan pour l'avenir du monde rural. C'est très bien et, dans cette démarche, vous aurez, vous le savez, notre appui...
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. J'en aurai besoin !
M. Jean Puech. ... dans la mesure où, bien évidemment, vous obtiendrez la mise en oeuvre d'une vraie politique de péréquation et de restructuration entre les territoires sur le moyen et le long terme.
De telles réalités illustrent cependant l'une des grandes dérives, à nos yeux, de la politique d'aménagement du territoire, dont le fonctionnement et la mise en oeuvre ne correspondent plus à la réalité du développement différencié des territoires comme aux exigences d'un Etat moderne déconcentré et décentralisé.
La conception même de la politique des zonages, par exemple, ne correspond plus à l'évolution du développement ou du déclin de certains territoires et n'arrive plus à la suivre.
La superposition, la complexité des procédures engendrent confusion, inflation, financements croisés à l'infini, longueur et inertie des circuits administratifs. On ne compte pas moins de quinze traitements différents par empilement de ces différents zonages. Du dépôt d'un dossier à l'arrivée des fonds nationaux ou européens, des mois, et parfois des années, s'écoulent. Et les collectivités territoriales assurent la trésorerie pendant que l'Etat, lui, se fait bien souvent de la trésorerie sur les fonds européens.
M. Bernard Piras. Très souvent !
M. Jean Puech. J'ajoute que la plupart des fonds nationaux devraient être décentralisés ou déconcentrés, et, dans tous les cas, globalisés.
C'est, je le sais, l'un des enjeux forts de la réforme de l'Etat. Il y faudra une très grande volonté politique - vous l'avez - pour faire face au centralisme qui constitue la pensée unique de notre haute administration.
Toutes ces questions soulignent la nécessité d'avoir, monsieur le ministre, une évaluation de nos politiques. Aujourd'hui, cette absence même de méthode commune d'évaluation devient un défaut majeur que nous devons absolument corriger rapidement.
Tous les diagnostics convergent à ce propos, ceux de la Cour des comptes dans ses rapports, ceux du groupement d'études et de réalisations industrielles, le GERI, ceux de la plupart des parlementaires en mission. Dans un contexte budgétaire extrêmement tendu, comment, en effet, arriver à dépenser mieux sans accroître les prélèvements si l'on ne dispose pas des outils communs de connaissance des financements, de leur origine, de leur emploi secteur par secteur d'activité ou par zone géographique, en un mot de leur impact réel ?
Je crois d'ailleurs que les deux grandes institutions que sont la DATAR et le commissariat au Plan ont parfaitement pris la mesure de cette carence. Ne multiplions donc pas les observatoires ! Utilisons simplement, recentrons nos moyens sur cet objectif qui me paraît prioritaire.
Le problème est le même pour les collectivités territoriales et pour l'Etat : unissons nos efforts, les associations d'élus y sont prêtes. Unissons nos efforts pour conduire et préparer les négociations en cours ou futures sur le schéma national d'aménagement du territoire.
En effet, plutôt que d'élaborer des plans ou projets de loi souvent disparates, nous devons nous attacher à déterminer d'un commun accord comment assurer à cinq et à dix ans les moyens techniques et budgétaires nécessaires au maintien ou au développement du rythme d'investissement dans les secteurs d'activité et dans les zones géographiques prioritaires.
Enfin, nous devons sortir des faux débats institutionnels dont le microcosme parisien universitaire ou technocratique - j'y reviens ! - est friand et dont il se sert en permanence pour masquer, il faut bien le dire, son impuissance à faire avancer les vrais problèmes.
M. Jacques de Menou. Très bien !
M. Jean Puech. Le schéma national doit nous permettre cette action et les différentes procédures de concertation, les directives et les schémas de secteur sont lancées.
J'insisterai sur trois points qui me paraissent, dans le cadre de l'évolution de la société actuelle, fondamentaux.
Tout d'abord, il nous est souvent dit : « Ne touchez pas à l'extension et à l'aménagement de la région parisienne, il en va du rayonnement international de la France ! »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce rayonnement passe-t-il par la concentration de la deuxième, de la troisième et bientôt de la quatrième couronne, transformées en banlieues dortoirs ? Passe-t-il par la prolifération de centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vides...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Puech. ... et par une spéculation immobilière exacerbant à juste titre la colère des sans-domicile ? Passe-t-il par le renchérissement constant des équipements structurants d'accès aux lieux de travail ? Passe-t-il par l'extension sans fin de l'exclusion sociale, à laquelle l'Etat et les collectivités territoriales ne savent plus faire face ?
Monsieur le ministre, le schéma national comme les schémas de secteur doivent à tout prix - et je sais que vous en êtes convaincu - affirmer clairement l'urgence et la nécessité d'un renversement radical de tendance.
Et je n'hésite pas à poser la question du troisième aéroport dans la région parisienne, celle de la convergence et du doublement sans fin des voies de communications - air, fer, route - toujours vers Paris.
Et je n'hésite pas à poser la question du juste prix de l'utilisation des équipements « marchands » par l'usager plutôt que par le contribuable.
Et je n'hésite pas à dire que le volonté politique ne doit pas faiblir, mais qu'elle doit au contraire s'amplifier sur la délocalisation de multiples services d'administrations centrales, de services publics et de services privés. Et, si la Bourse restera bien à Paris, c'est évident, faut-il, à l'heure où les grands patrons se disputent le marché des hautes technologies, qu'ils continuent à habiter dans le sixième arrondissement et à passer leurs ordres des sièges sociaux surdéveloppés de Paris ou de la proche couronne ?
Voilà, monsieur le ministre, ce que nous attendons en premier lieu de ces schémas.
Nous en attendons aussi une rationalisation effective des réseaux de transports. Celle-ci est rendue absolument urgente à la fois par l'ouverture à la concurrence et par la nécessité de permettre le maintien de l'égalité des chances pour le développement de chaque partie du territoire, pour la mise en réseau des grandes agglomérations pivots avec les villes moyennes.
Enfin, la politique du logement n'est pas seulement le fondement de toute politique familiale. Elle n'est pas et ne devrait pas être seulement le palliatif premier à l'exclusion. Certes, 70 milliards de francs y sont consacrés, mais elle devrait être un instrument privilégié de la politique d'aménagement du territoire, car elle constitue l'un des leviers essentiels de la politique de localisation des populations et un élément important d'attractivité des entreprises.
Voilà, monsieur le ministre, les trois grands axes que nous considérons comme prioritaires pour notre politique de l'an 2000.
Ces orientations fondamentales arrêtées et clairement explicitées et affichées, il apparaît indispensable de se livrer à un exercice d'évaluation budgétaire afin de nous permettre à tous, Etat, collectivités territoriales, partenaires économiques, de concevoir quels pourraient être les moyens financiers les plus adaptés à la réalisation des programmes d'investissement que nous appelons de nos voeux.
Le problème est redoutable. Pour l'illustrer, je citerai deux exemples d'évaluation. Il s'agirait de 200 milliards de francs environ pour les programmes eau-déchets-environnement jusqu'en l'an 2002 et de 350 milliards de francs pour les besoins de financement des infrastructures de communication à l'horizon 2005, compte tenu des décisions déjà prises. Encore faut-il y ajouter les modernisations des équipements sanitaires et sociaux, ainsi que les investissements éducatifs et culturels.
En regard, vous le savez, les financements théoriques des contrats de plan 1994-1999 représentent 172 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 85 milliards de francs de fonds européens. Enfin, tous secteurs et niveaux confondus, les collectivités territoriales investissent 170 milliards de francs par an.
Face à ces chiffres, qui sont autant de défis, je crois que nous devons revoir fondamentalement nos procédures et nos méthodes de travail.
En premier lieu, le schéma national doit être présenté avec une esquisse détaillée, secteur par secteur, des besoins de financement.
En deuxième lieu, et à partir de là, une instance qualifiée de programmation budgétaire devrait être mise en place entre l'Etat, les collectivités territoriales et les grands investisseurs pour proposer les voies et moyens nécessaires, et ce avant même d'engager la préparation des éventuels futurs contrats de plan.
En troisième lieu, et pour ce faire, je ne pense pas que les structures et le fonctionnement des grandes institutions comme la DATAR, le Commissariat général du Plan ou les divers instituts de prévision soient aujourd'hui suffisamment coordonnés pour atteindre les objectifs fixés.
Par ailleurs, nous avons à revoir de façon assez radicale la procédure actuelle des contrats de plan. Comme président de région, vous en savez un mot, monsieur le ministre. Cette procédure est, vous ne l'ignorez pas, contredite par les multiples initiatives qui sont prises précisément par tous les ministères techniques.
Bref, à mon sens, il convient de renouveler les vieux « canons » de la politique contractuelle.
En introduction, monsieur le ministre, je me suis permis de m'élever contre les discours quasi idéologiques de certains beaux esprits qui se figurent toujours que le maniement des mots suffit à faire une politique.
M. Chérèque avait inventé le développement local, comme M. Jourdain la prose, et créé de multiples instances largement subventionnées.
M. Gérard Delfau. Ah !
M. Jean Puech. On en est toujours là.
M. Gérard Delfau. Non, justement pas !
M. Jean Puech. Je ne voudrais pas polémiquer sur ce sujet, mais je ferai simplement trois observations.
La réforme de la fiscalité locale est une condition première de la politique d'aménagement du territoire.
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean Puech. La solidarité entre territoires et entre populations nécessite plusieurs niveaux de péréquation. Et l'on ne peut pas imaginer l'aménagement du territoire sans compensation et péréquation. Dans l'état actuel de la législation, ce rôle est mal assuré, l'Etat voulant toujours s'attacher à marginaliser le rôle des régions et des départements en ce domaine.
L'exercice de la démocratie locale est le garant du principe de subsidiarité. Il ne peut s'exercer sans déviation dans des conglomérats urbains gérés de façon technocratique et au sein de structures intercommunales dotées, certes, de compétences propres et de ressources propres, mais, vous le savez, sans légitimité démocratique solide.
Sur ces trois fondements, une réforme institutionnelle peut contribuer à assurer la pérennité et le succès d'une politique d'aménagement du territoire, j'en suis convaincu. En revanche, elle ne peut en aucun cas s'y substituer.
Vous remarquerez, monsieur le ministre, que je n'ai pas prononcé le mot de « pays », ni les expressions « bassins d'activité », « bassins de vie », ou le mot « terroirs ». Ici, nous n'avons pas besoin que l'on nous explique l'intercommunalité : nous la vivons au quotidien dans nos départements.
Non ! ce que nous voulons, c'est que la France relève les défis de l'an 2000. Ce que nous voulons, c'est qu'elle puisse, dans le grand concert européen, négocier, discuter, concevoir une grande politique d'aménagement du territoire, elle qui est au coeur de l'Europe de demain.
Monsieur le ministre, j'ai conscience d'avoir, tout au long de mon propos, parlé bien souvent à contre-courant. Le Gouvernement a eu le courage d'engager de profondes réformes. Notre soutien ne lui a jamais manqué, vous le savez. Il ne lui manquera pas pour poursuivre ces nécessaires réformes.
Je souhaite simplement qu'il s'attache, dans le prolongement de la loi d'orientation qui en a jeté les fondements, à monter, pierre après pierre, l'édifice de la politique d'aménagement du territoire.
Je sais que telle est votre volonté, et que vous vous battez âprement. Je connais votre détermination. Vous pouvez compter sur notre soutien à une telle démarche, volontaire, ambitieuse, digne de la grandeur de la France. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le ministre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, je voudrais me faire l'écho ici d'une difficulté de lisibilité que nous avons cru déceler dans la politique d'aménagement du territoire au cours de l'année 1996.
Une politique d'aménagement du territoire adaptée aux contraintes du pays est, aujourd'hui, aussi nécessaire que dans le passé. Sans vouloir rappeler, douloureusement pour notre époque, les actions menées en 1963, en 1974 et en 1982, qui constituent, sous l'impulsion d'Olivier Guichard et de Gaston Defferre, des références que nous devons retrouver, je rappellerai qu'à la fin des années quatre-vingt, sous l'impulsion de Pierre Méhaignerie, et déjà en période de faible croissance, un effort substantiel en matière de réseau de communications a été engagé. L'objectif était de désenclaver les régions et de les relier à l'Europe.
A présent, nous devons poursuivre, en tenant compte des exigences de compétitivité du pays et des contraintes budgétaires actuelles. Relâcher l'effort serait contraire à notre intérêt et à l'attente de nos compatriotes.
Il suffit d'être sur le terrain, à l'écoute, pour comprendre que, la plupart du temps, les dispositions à prendre ne coûtent pas toujours très cher.
Lequel d'entre nous n'a jamais reçu dans sa permanence de circonscription des personnes qui souhaitent revenir travailler et s'installer dans leur région d'origine ? Comprenons qu'il s'agit là d'un appel à vouloir mieux vivre.
Lequel d'entre nous n'a jamais constaté, aujourd'hui encore, qu'un nombre important de diplômés rejoignent, dans un mouvement à sens unique, la région d'Ile-de-France ?
Lequel d'entre nous n'a jamais vu des sièges sociaux quitter sa région en raison d'une concentration à Paris des pouvoirs politiques, administratifs, culturels et économiques ?
Lequel d'entre nous n'a jamais observé, dans le train ou dans l'avion, ces multiples déplacements à Paris pour la moindre décision, qui aurait sans doute pu être prise aussi bien à Marseille, à Lyon, à Strasbourg ou à Amiens ?
M. Alphonse Arzel. Ou à Brest !
M. Marcel Deneux. Tout cela est-il conforme à l'intérêt général du pays ou au souhait des hommes ? Va-t-on rester le dernier pays centralisé d'Europe ? Peut-on accepter, sans réagir, certains discours sur la remise en cause d'une politique de développement équilibré et de décentralisation ?
Alors, quels outils peuvent aujourd'hui efficacement servir de levier ?
En priorité, sans doute, la réforme de l'Etat doit être réellement engagée et menée jusqu'à son terme, c'est-à-dire se traduire par un important mouvement de déconcentration. Ce mouvement doit être accompagné de la poursuite de la décentralisation : les politiques de proximité permettent de résoudre, plus facilement et à moindre coût, les problèmes au niveau où ils se posent.
Le développement de la coopération intercommunale doit être poursuivi, dès lors que certains problèmes ne peuvent être résolus qu'au niveau des bassins d'emploi. Je tiens ici à rendre hommage à notre collègue et ami Daniel Hoeffel, qui a mené une action gouvernementale dynamique et efficace.
M. Denis Badré. Bravo !
M. Marcel Deneux. Une meilleure localisation des infrastructures et des centres de recherche constitue un autre levier dont il faut se servir. Une meilleure péréquation des ressources financières constitue également un instrument déterminant. L'amélioration de la qualité du cadre de vie et des politiques d'environnement doit, enfin, permettre de mettre en valeur villes moyennes et zones rurales.
Si j'ai rappelé ces quelques éléments, monsieur le ministre, qui me semblent constituer un minimum à mettre en oeuvre, c'est pour souligner a contrario les inquiétudes qui nous animent quant à l'existence d'une réelle volonté politique dans ce domaine.
Ainsi, comme lors de la discussion budgétaire de l'année dernière, je dois vous faire part de nos interrogations sur l'application des dispositions prévue dans la loi du 4 février 1995, qui, comme la rappelé la commission des affaires économiques, constitue la base législative d'une vaste politique de reconquête et de rééquilibrage de l'espace français.
Je n'insisterai pas sur les aspects financiers de votre projet de budget, la plupart des intervenants l'ont fait avant moi. Toutefois, on est en droit de s'interroger sur l'utilité de consacrer autant d'énergie à la création de fonds d'aménagement du territoire pour les voir dotés ensuite d'un peu moins de 0,001 % du budget de l'Etat !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Marcel Deneux. Je note seulement au passage qu'il a fallu que nos collègues de l'Assemblée nationale puisent dans leur propre cassette pour que le fonds de gestion de l'espace rural soit crédité d'un montant de 100 millions de francs. Quant au fonds national de développement des entreprises, il est devenu l'Arlésienne de l'aménagement du territoire, ce qui affecte la crédibilité même du Parlement aux yeux des entrepreneurs.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Marcel Deneux. Certaines mesures peuvent pourtant être prises sans accroissement de dépenses, illustrant ainsi l'existence d'une réelle volonté politique. Nous attendons avec impatience le plan en faveur de l'espace rural qui devrait nous être soumis prochainement.
L'organisation départementale des services publics peut, par exemple, être menée sans coûts supplémentaires. S'agissant des zonages, notamment du zonage PAT - prime d'aménagement du territoire - une plus grande cohérence doit être recherchée entre les zones éligibles et la réalité du terrain ainsi qu'avec les aides européennes.
De nouvelles dispositions permettraient aux collectivités territoriales d'appliquer leurs compétences économiques selon leurs volontés politiques locales, et non selon le principe du « tout ou rien ».
Il est tout aussi nécessaire, pour les pouvoirs publics, de tenir compte des expériences locales réussies. Pourquoi engager des études coûteuses alors que, bien souvent, localement, les initiatives ont déjà été prises et ont permis de créer des emplois ?
Clarifier les compétences entre les différents échelons de notre organisation territoriale, traiter les acteurs économiques en véritables partenaires constituent également des mesures qui vont dans le même sens.
Ce ne sont là que quelques exemples, monsieur le ministre, et l'on pourrait en citer bien d'autres. Je souhaitais simplement montrer que des gestes symboliques forts sont parfois plus importants que des dépenses insuffisantes.
En achevant mon intervention, je voudrais dire un mot des « pays » prévus à l'article 2 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Le législateur a voulu créer un espace d'action, né d'une volonté exprimée sur le terrain, permettant d'assurer la prééminence de la dimension territoriale du développement et la complémentarité essentielle entre la ville et le milieu rural qui l'entoure.
Plusieurs enjeux sont liés à cette politique des « pays ». Permettez-moi d'en citer quelques-uns : le développement économique local, d'abord, la mutualisation des charges et des recettes, ensuite, puis l'organisation des services publics, bien évidemment, l'usage des sols et, enfin, la nécessaire solidarité entre la ville et la campagne.
Il faut poursuivre dans cette voie, ne pas briser l'élan ainsi donné, tirer les conclusions des expériences en cours et affirmer des choix politiques.
La situation française est singulière, car nous méconnaissons l'atout que constitue l'espace rural en tant que ressource rare et recherchée. La revitalisation de cet espace exige la mise en oeuvre du principe du débat permanent, poursuivi pendant plusieurs années avec des moyens adaptés.
Monsieur le ministre, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire prévoit des mesures nombreuses qui ne coûteraient rien en termes budgétaires si elles étaient mises en oeuvre immédiatement. Il faut donc les appliquer rapidement, pour renforcer encore la confiance des ruraux que nous sommes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et je puis vous assurer, au nom du groupe de l'Union centriste, que nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine émotion que je prends la parole ce soir. En effet, pendant plusieurs années, Jacques Sourdille, mon prédécesseur, a été le rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, et je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour lui en ce jour et en ce lieu.
Si vous me le permettez, monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur l'avenir du monde rural.
Elu du département des Ardennes, j'attends que soit élaboré, à l'instar de l'action que vous avez conduite cette année en faveur du monde urbain, un véritable plan pour l'avenir du monde rural. Malgré de grands principes adoptés dans la loi du 4 février 1995 en faveur des zones rurales, nous assistons toujours, aujourd'hui, au déclin inexorable de celui-ci.
Je rappelle qu'entre 1982 et 1990 quatre régions françaises, dont la région Champagne-Ardenne, ont eu un solde migratoire nul ou négatif. Dans le même temps, les créations d'entreprises non agricoles, qui se sont élevées environ 100 000 établissements industriels et tertiaires par an, ont généré près de 1,5 million d'emplois. Malheureusement, ces créations d'entreprises ont été très inégalement réparties : les implantations nouvelles se produisant à proximité des zones de croissance, le déclin des zones fragiles n'a cessé de s'aggraver.
Je ne reviendrai pas sur les manifestations de ce déclin, que nous connaissons tous. L'éloignement des marchés, des universités et des centres de recherche, le manque de sous-traitants et de main-d'oeuvre qualifiée, l'exode des jeunes les mieux formés, l'absence ou l'insuffisance de services publics et de services aux entreprises, le sous-équipement en services collectifs sont autant de handicaps du monde rural.
Ce déclin n'est pourtant pas, j'en suis convaincu, une fatalité.
Comme l'a rappelé M. le Président de la République, le développement du monde rural implique une volonté des pouvoirs publics, une concertation avec les collectivités locales, une pédagogie.
C'est la voie que vous avez choisie, monsieur le ministre, et je tiens à saluer la publication, le 15 février 1996, du décret délimitant les zones de revitalisation rurale et, depuis lors, l'application de nombreuses mesures. Je n'en dresserai pas l'inventaire, mais elles sont unanimement appréciées.
En outre, à partir du 1er janvier 1997, les entreprises situées dans ces zones de revitalisation seront exonérées sur douze mois des cotisations sociales patronales applicables aux embauches. Cette nouvelle mesure complétera le dispositif en faveur du monde rural, dispositif évalué à 1,2 milliard de francs en année pleine.
La voie que vous avez choisie est la bonne, monsieur le ministre, mais je crois qu'il faut aller encore plus loin.
Le monde rural ne soutiendra la concurrence du monde urbain auprès des investisseurs et des créateurs d'entreprises que si des mesures radicales sont prises. Il faut rendre le monde rural plus attractif sur au moins deux plans : celui des services publics et privés, d'une part, celui des avantages fiscaux, d'autre part.
Plus largement, il est nécessaire de repenser le monde rural. Il est urgent d'abandonner la vision dualiste du territoire qui ne retient que la ville et la campagne, et ne considère d'ailleurs celle-ci que comme un espace interstitiel entre les cités. Il faut redynamiser l'économie et sortir des mécanismes politico-administratifs afin de parvenir à une planification régionale et nationale qui dépasse les zonages réducteurs.
Il faut, monsieur le ministre, avoir une démarche d'entreprise.
Une récente étude, présentée par le bureau départemental d'industrialisation des Ardennes, est claire et définitive : si mon département n'arrive pas à reconstruire son économie, après notamment les désastres de la sidérurgie et les retraits non compensés de l'armée, le chômage frappera, en 2005, le quart de la population. La fermeture programmée de la sucrerie d'Attigny et le licenciement de 140 personnes confirment ce déclin désastreux pour la région.
C'est bien d'une véritable démarche d'entreprise dont nous avons besoin. Nous attendons d'ailleurs toujours la création du Fonds national du développement des entreprises, qui aurait pour vocation de distribuer des prêts personnels aux entrepreneurs, ainsi que d'octroyer des garanties d'emprunts et des garanties d'engagements au bénéfice de certains établissements de prêt et de cautionnement.
La multiplicité des aides de l'Etat ne doit pas non plus faire illusion. En effet, les masses financières en jeu sont faibles et sans commune mesure avec les besoins comme avec les moyens dégagés par nos voisins européens. A titre de comparaison, les aides mobilisées en Allemagne en faveur du développement en zone rurale ont atteint, en 1988 - je m'excuse de ne pas disposer de références plus récentes - 2 milliards de deutschemarks, soit plus de 6,5 milliards de francs. La même année, l'ensemble des crédits français d'aménagement rural s'élevaient, quant à eux, à 1,8 milliard de francs. C'est dire le déséquilibre !
Aujourd'hui, l'équilibre de notre territoire est menacé. Une fois encore, le rôle régulateur de l'Etat est essentiel. Dans un domaine où les intérêts sont souvent contradictoires, l'Etat doit garantir le respect de l'intérêt général.
S'agissant de la dotation générale de fonctionnement des communes, son mécanisme de répartition aboutit à privilégier les grandes villes. Chacun sait, en effet, que l'habitant d'une ville de plus de 200 000 habitants rapporte, au titre de la dotation de base, deux fois et demie plus que l'habitant d'une commune de moins de 500 habitants. L'Etat justifiant une telle hiérarchisation par le fait que les dépenses de fonctionnement d'une grande ville seraient supérieures à celles d'une petite commune.
Au nom de quoi, monsieur le ministre, au nom de quel principe les besoins des populations rurales seraient-ils moindres que ceux des citadins ?
L'aménagement et le développement de notre territoire prendra du temps. Il ne produira d'effets en profondeur sur les modes de vie qu'à l'échelle de plusieurs décennies. Vous vous donnez les moyens d'atteindre cet objectif, monsieur le ministre, et vous pouvez compter sur le groupe du RPR pour voter votre projet de budget et, ainsi, soutenir votre action.
Mais votre action serait vaine si d'autres réformes urgentes n'étaient pas entreprises parallèlement : réforme de la fiscalité locale, tout d'abord, qui trop souvent est un instrument de déménagement du territoire ; réforme du comportement des entreprises, ensuite, dont les décisions de déconcentration ou de délocalisation devraient s'accompagner de mesures de compensation financière pour les collectivités qu'elles quittent afin que les décisions de saine gestion qui ont motivé leur départ ne se transforment pas en catastrophe pour le territoire où elles étaient implantées auparavant.
Vous avez là de grands chantiers. Nous serons à vos côtés pour vous aider à les conduire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur l'infortuné ministre de l'aménagement du territoire, on ne sait pas vraiment comment commenter votre projet de budget ni à qui en imputer la responsabilité.
« L'aménagement du territoire en déroute », titrait hier un grand quotidien du soir, sous la plume d'un journaliste qui fait autorité. Nos collègues de la majorité ne pensent pas différemment, même s'ils le disent, ce qui est bien normal, en maniant la litote.
L'examen en commission de ces crédits a d'ailleurs donné lieu à des péripéties inhabituelles, ce qui montre l'ampleur du désaccord entre le Parlement et le Gouvernement sur un sujet qui a toujours été considéré comme très important par le Sénat.
La commission des affaires économiques, lors de sa séance du 13 novembre dernier, a décidé, sur proposition de ses rapporteurs, de renvoyer l'examen du vote des crédits de l'aménagement rural et de ceux de l'aménagement du territoire à une réunion ultérieure. Les griefs de nos collègues étaient non seulement nombreux mais justifiés.
Une délégation conduite par le président du Sénat fut alors reçue par M. le Premier ministre et, au cours d'une seconde réunion, le 27 novembre, la majorité de la commission des affaires économiques décidait d'adopter et les crédits de l'aménagement rural et ceux de l'aménagement du territoire.
Qu'est-ce qui justifiait un tel retournement ? Soixante-dix millions de francs en autorisations de programme et vingt et un millions de francs en crédits de paiement venaient abonder le fonds national d'aménagement et de développement du territoire. La belle affaire ! D'autant que ces crédits supplémentaires sont tout simplement pris sur les dotations du Fonds national de l'emploi du budget du travail, qui finance les emplois de ville.
Nos collègues se sont résignés - pas tout à fait d'ailleurs - mais le budget est resté, lui, dans sa brutale impécuniosité, ainsi que dans son absence de lisibilité politique. C'est un naufrage !
Or, bizarrement, j'éprouve quelque peine à vous en faire grief.
Au fond, vous n'êtes responsable devant nous que de la partie la plus commune et la moins bien traitée des interventions de l'Etat, puisque vous échappent la reconversion des sites militaires, les grandes infrastructures et l'avenir du monde rural, au travers de ses filières agricoles en tout cas, sans parler des interventions sur la ville.
De surcroît, rien dans votre projet de budget ne permet de retrouver, si peu que ce soit, l'une des grandes orientations qui furent au coeur des précédents débats : le rééquilibrage du territoire voulu par les gouvernements socialistes ou la réaffirmation, parfois un peu brouillonne, de l'Etat voulue par M. Pasqua, sans parler de la revitalisation du monde rural, à propos duquel un projet de loi est sans cesse annoncé et, jusqu'ici en tout cas, remis.
Et pour tout dire, en examinant les coupes claires de ce budget, j'ai le sentiment que les Parisiens et les technocrates sont de retour, ce qui ne peut en aucun cas être de votre fait, pas plus d'ailleurs que le fait du délégué à l'aménagement du territoire.
Je n'abuserai pas des chiffres ni des pourcentages ; un seul exemple me suffira.
En passant de 1,9 milliard de francs à 1,6 milliard de francs, le budget, au sens strict, de l'aménagement du territoire enregistre une diminution nette de 15,45 %. Cela donne une idée de l'ampleur du désastre, et il ne faut pas s'étonner si la DATAR est maltraitée. L'on me dit, par exemple - peut-être allez-vous me détromper - que ses crédits d'études seraient réduits à néant, ce qui serait inconcevable.
Si l'on regarde maintenant l'ensemble des crédits affectés à cette politique, les chiffres apparaissent de prime abord un peu moins négatifs : moins 19,39 % pour les autorisations de programme - tout de même ! - et moins 3,1 % pour les crédits de paiement. Mais il faut observer aussitôt que l'on inclut alors le fonds pour la restructuration de la défense, chargé de financer les mesures de reconversion, situation lourde s'il en est. Comment expliquer qu'un tel budget régresse l'année où l'exécutif prend des mesures aussi négatives pour l'économie d'un certain nombre de bassins d'emploi et de villes ?
Significatif est aussi le fait que les fonds européens suppléent de plus en plus le désengagement monétaire de l'Etat. Que se passera-t-il le jour où un élargissement de l'Union européenne tarira les fonds structurels pour un pays aussi « riche » que la France ?
Par ailleurs, on note une sous-consommation inquiétante de ces dotations alors que les besoins sont réels. Notre éminent collègue M. Genton, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, estime que la complexité des procédures nationales explique cette absence d'appétence.
Je me demande - en fait je sais, comme chacun d'entre nous - si la sous-consommation n'est pas aussi organisée d'en haut, de Bercy, pour économiser le budget national ?
Un autre fait illustre ces renoncements.
Le Parlement avait voté dans le cadre de la loi Pasqua, et malgré nos fortes résistances, la fusion de six fonds d'intervention, afin d'assurer, disait le ministre d'alors, souplesse et polyvalence au nouvel instrument.
Je ne résiste pas au plaisir de citer la liste des disparus, car elle est évocatrice : le GIRZOM, fonds de restructuration minière ; le FAD, pour la délocalisation des entreprises ; le FIAM, pour l'aide à la montagne ; le FIDAR, pour l'aide à l'aménagement rural ; enfin, le plus récent, qui était aussi le plus apprécié parce que complètement déconcentré ; le FRILE, pour les aides aux initiatives locales pour l'emploi.
Ils furent regroupés en un seul : le fonds d'aménagement et de développement du territoire. Hélas ! dès le départ, son budget a été rogné au point que les crédits mis à disposition du préfet étaient tout juste suffisants pour honorer les engagements de l'Etat en matière de contrat de plan avec les régions.
C'était encore trop beau pour le Gouvernement sans doute !
Pour 1997, la perspective est encore plus sombre. Depuis 1996, les crédits du FNADT sont en chute : moins 8,40 % pour les crédits de paiement et moins 16,5 % pour les autorisations de programme.
Pour illustrer cette régression, remarquons que, l'an prochain, les crédits de paiement auront le même niveau qu'en 1993 et que les autorisations de programme seront nettement inférieures. Et encore ! c'est sans tenir compte des éventuels collectifs !
Comme nous l'avions dit en son temps, cette fusion des fonds a été le prétexte à une diminution sévère des crédits d'intervention en région. D'ailleurs, l'Etat officialise sa position en décidant unilatéralement le report d'un an de l'échéance des contrats de plan Etat-région sans que le Parlement proteste.
On vous a connus, mes chers collègues, plus sourcilleux dans la défense des élus locaux et le respect des engagements pris par l'Etat ! Je vois des sourires qui sont sans doute des sourires d'approbation...
S'agissant de la prime d'aménagement du territoire, la sous-dotation est confondante : moins 53 % ! L'argument avancé par les services - la sous-consommation - est irrecevable. Justement, le bilan du premier trimestre 1996 montre une remontée nette du nombre des dossiers.
Cette situation s'éclaire quand on constate que le fonds national de développement des entreprises, l'un des mécanismes originaux de la loi Pasqua, n'a toujours pas été mis en place. Est-ce acceptable pour le Parlement ? Et comment comprendre cette désinvolture alors qu'il s'agit d'aider la création d'entreprise ?
Dans le même ordre d'idée, où en est, monsieur le ministre, la préparation du schéma national d'aménagement du territoire deux ans après le vote de la loi ? Comment expliquer cette sage lenteur ? En écoutant M. Puech tout à l'heure, et en approuvant, au moins sur ce point, la façon qu'il avait de fustiger le déséquilibre créé par la croissance non maîtrisée de l'Ile-de-France, je me disais : « Nous parlons et ils décident ».
Où en est, si je prends un autre exemple, la publication du décret d'application de l'article 29 de la même loi Pasqua, qui institue une procédure de consultation avant de décider l'éventuelle fermeture d'un service public ? Alors que beaucoup d'établissements publics ont sous le coude des plans de restructuration, qu'allez-vous dire à M. Trichet, gouverneur de la Banque de France, quand il va annoncer la suppression de la plupart des succursales provinciales, qui sont autant d'appuis nécessaires au tissu économique ?
Qu'allez-vous dire à la direction de La Poste quand, affaiblie par la pression européenne et par celle des banques commerciales, elle voudra sortir du moratoire et fermer, notamment en milieu rural, ses équipements qui sont au-dessous du seuil de rentabilité ?
Tels sont - et la liste n'est pas limitative ! - quelques-uns des points sur lesquels ce projet de loi marque une nette et brutale régression.
Je voudrais, au-delà des chiffres, évoquer un dernier sujet, celui de la laborieuse, mais nécessaire, mise en place des « pays ».
Vous savez, monsieur le ministre, que je suis personnellement engagé dans la réalisation d'une aspiration qui remonte à quelque trente ans. N'en déplaise à certains collègues, la naissance des pays devrait donner une nouvelle impulsion à la démocratie locale, une démocratie locale certes fondée sur les élus et le système représentatif - c'est la charpente de la République - mais enrichie aussi par la prise en compte des acteurs de terrain que sont les chefs d'entreprise, les syndicalistes ou les militants associatifs.
Courageusement, monsieur le ministre, malgré les réticences - et elles étaient fortes - vous avez réaffirmé votre attachement à un aspect important pour nous de la loi d'orientation dite « loi Pasqua ». Sur ce point au moins, nous nous rejoignons.
Mais, sur tout le reste, comme vous l'avez vu au fil de mes observations, nous ne pouvons soutenir un projet qu'au fond, et c'est le paradoxe, personne ne soutient vraiment.
Mes chers collègues de la majorité, puisque vous avez égrené à la tribune ou dans les rapports tant de critiques, certes assorties des réserves ou des prudences d'usage, faut-il vraiment que vous votiez ce budget ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Vous avez la réponse !
M. Gérard Delfau. Si vous le votez, vous prendrez alors l'entière responsabilité d'une année 1997 qui restera - je pèse mes mots - l'une des plus sombres en matière d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon propos en remerciant les rapporteurs de ce budget de l'aménagement du territoire pour les exposés de qualité qu'ils nous ont présentés.
S'il est un budget, mes chers collègues, auquel les membres de la Haute Assemblée sont particulièrement attentifs, c'est bien celui de l'aménagement du territoire. En effet, la Constitution fait de nous les représentants privilégiés des collectivités territoriales.
Les crédits sur lesquels nous devons nous prononcer constituent une partie seulement de la politique d'aménagement du territoire, puisque les fonds créés par la loi de 1995 ainsi que les fonds structurels européens viennent s'y ajouter.
Mais, surtout, l'aménagement du territoire ne saurait se restreindre à un seul ministère : c'est une ambition politique majeure qui nécessite l'engagement de l'ensemble des départements ministériels.
Alors que ce sujet si fondamental pour l'avenir de notre pays était demeuré en jachère pendant de nombreuses années, il est enfin devenu une véritable priorité gouvernementale : la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 vient en témoigner.
Le Président de la République déclarait que l'aménagement du territoire était « un acte de foi, car c'est de la vie des hommes et de la vie de notre nation qu'il s'agit ». C'est là une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que notre majorité et le Gouvernement considèrent cette question comme primordiale.
En l'espèce, de multiples dispositions législatives et réglementaires ont déjà été prises ; d'autres nous ont été annoncées.
Cependant, au-delà de la volonté politique, à l'instar de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue et ami Roger Besse, connaisseur averti de ces questions, je constate une diminution régulière des moyens affectés. Mais les dérives passées, sanctionnées par les Français, attestent que ce n'est pas parce que l'Etat dépense toujours plus et tous azimuts que la politique menée est utile et efficace pour notre pays. Dépenser moins pour dépenser mieux est une impérieuse nécessité économique à laquelle nous adhérons sans réserve.
L'examen du projet de budget de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration met en lumière une forte impulsion donnée au budget de la ville.
Nous comprenons parfaitement l'urgence qu'il y a à intervenir en faveur des quartiers urbains au bord de l'explosion sociale. Mais le territoire national n'y gagnera pas pour autant en cohésion si les zones rurales venaient à passer au second plan.
Dès lors, je tiens à attirer votre attention sur quatre points essentiels : la question de la péréquation, le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, les contrats de plan Etat-région et les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
Chacun reconnaîtra ici que la péréquation représentait un élément majeur de la loi de 1995. Dans la période de difficultés économiques et de rigueur budgétaire que nous connaissons, son entrée en vigueur est plus que jamais nécessaire pour diminuer les différences entre les zones sur lesquelles pèsent des contraintes naturelles importantes et le reste du territoire. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les études sur sa mise en oeuvre ?
Tout autant que ce principe de la péréquation, le fonds de gestion de l'espace rural est une dotation primordiale pour le monde rural. Si je ne puis que me réjouir qu'il ait été sauvé et abondé par l'Assemblée nationale, je souhaite que le Gouvernement fasse un effort supplémentaire substantiel.
Le fonds de gestion de l'espace rural doit bénéficier d'une enveloppe suffisante et certaine. Ne serait-il pas, dès lors, envisageable, comme cela vous a été proposé, de créer un compte d'affectation spéciale ? Il pourrait être alimenté par une taxe sur le changement de nature des sols. Prélevée sur la transformation annuelle de 45 000 hectares de terrains agricoles en terres constructibles, elle permettrait d'aider de manière importante le monde rural.
Les lois de décentralisation ont confié aux conseils régionaux une mission toute particulière en matière d'aménagement du territoire : c'est dans ce cadre que s'inscrivent les contrats de plan Etat-région. Vous avez justifié le report d'une année de l'échéance pour des raisons institutionnelles et politiques. Si nous pouvons les comprendre, il n'en reste pas moins vrai que le principe selon lequel les régions pourraient procéder à des avances remboursables est inquiétant. Le risque de voir l'exécution de certains volets de ces contrats se ralentir est réel et ne sera pas sans conséquences.
Ainsi, des régions au budget restreint telles que l'Auvergne - que je connais bien - ne pourront pas se substituer à l'Etat, ce qui engendrera des retards importants pour leur développement.
Je ne saurais terminer sans dire un mot des zones de revitalisation rurale. Ces dispositions, présentées en février dernier, vont naturellement dans le sens d'un développement solide et harmonieux du territoire ; mais elles devraient encore être améliorées.
Je me réjouis donc à l'idée que l'exonération de cotisations patronales pour les entreprises créant des emplois doive finalement s'appliquer dès l'embauche du premier salarié, ce qui est réaliste, étant donné la taille des PME en milieu rural.
Je pense surtout au seuil qui conditionne la mise en oeuvre de ce dispositif : exclure du classement en zone de revitalisation rurale des cantons dont la densité est supérieure à trente habitants au kilomètre carré alors que celle du département dans lequel ils sont inclus est inférieure ne me semble ni justifié ni même juste.
Je soutiens donc sans réserve, à l'instar de mon collègue Roger Besse, la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par notre ami le député Yves Coussain.
Monsieur le ministre, nous connaissons l'énergie que le Gouvernement en général et vous en particulier déployez en faveur de l'aménagement du territoire. Nous savons que tout ne peut se faire en un jour et vous pouvez compter sur notre soutien.
Au demeurant, j'espère que vous voudrez bien nous rassurer quant aux mesures prévues en faveur du monde rural, si cher au coeur du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous dois la vérité. Au demeurant, c'est toujours avec l'honnêteté la plus totale que je me suis exprimé lors des auditions auxquelles les commissions de la Haute Assemblée ont bien voulu me convier.
Je ne vous l'ai donc pas caché : le budget de l'aménagement du territoire est en baisse pour la deuxième année consécutive. J'ai expliqué aux commissions les détails de cette évolution, et les conclusions des rapporteurs montrent que mes arguments ont été entendus. Je n'y reviendrai donc pas.
Permettez-moi, à cette occasion, de remercier les rapporteurs, MM. Roger Besse pour la commission des finances, Jean Pépin et Henri Revol pour la commission des affaires économiques et du Plan, pour la qualité et l'importance de leur travail et pour la pertinence de leurs observations.
C'est sur l'initiative de la Haute Assemblée, notamment de son président, René Monory, du président de la commission des finances, Christian Poncelet, du rapporteur général du budget, Alain Lambert, et du président de la commission des affaires économiques et du Plan, Jean François-Poncet, que le Premier ministre a décidé de dégeler 70 millions de francs de crédits sur 1996 et d'augmenter de 70 millions de francs supplémentaires les crédits du FNADT en 1997. Un amendement gouvernemental sera soumis à votre approbation à cet effet.
A ces 140 millions de francs, s'ajoutent plusieurs autres contributions importantes qui n'apparaissent pas dans le budget qui vous est présenté.
S'agissant de la PAT, je dispose de 700 millions de francs de réserves qui proviennent de crédits ouverts dans le passé mais non dépensés à ce jour et qui s'ajoutent aux 250 millions de francs inscrits en 1997. Aurait-il été raisonnable de continuer à ouvrir des crédits nouveaux alors même que je peux utiliser cette épargne de 700 millions de francs ?
S'ajoutent également 800 millions de francs de crédits européens annuels que j'ai obtenus de Bruxelles pour les trois années à venir. Plusieurs programmes européens disposeront en effet de crédits en forte augmentation pour la période 1997-1999. Les crédits consacrés aux restructurations militaires bénéficieront de 100 millions de francs supplémentaires et les fonds européens destinés aux reconversions industrielles ont été augmentés de 1,9 milliard de francs et portés à 13 milliards de francs, soit une augmentation de 17 %.
Le programme communautaire Leader, qui permet de soutenir des projets locaux innovants en matière de développement rural, bénéficiera de 230 millions de francs supplémentaires. Comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné avec un peu d'ironie, j'ai obtenu, je le reconnais, plus à Bruxelles qu'à Bercy. Il doit s'agir d'une forme de politique nouvelle. (Sourires.)
Au total, la diminution de 300 millions de francs de mon budget est plus que compensée par les 800 millions de francs de crédits européens nouveaux, auxquels s'ajoutent des réserves sur la PAT et les 140 millions de francs obtenus grâce à votre aide, et je vous en remercie.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Grâce aussi à votre action, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je vous précise également que les engagements au titre des contrats de plan seront honorés pour les dépenses de fonctionnement sur le FNADT et que les investissements tiennent compte du report d'un an de l'échéance de ces contrats.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les contrats de plan. Ne soyons pas hypocrites !
Monsieur Delfau, ils n'ont été réalisés qu'en partie. Parfois, l'Etat n'a pas manifesté beaucoup d'empressement, parfois les régions et les départements ont vu trop grand et ont été conduits à abaisser leurs prétentions.
Monsieur Delfau, estimeriez-vous normal que ce soient les majorités sortantes, les conseils régionaux en fin de mandat, qui « ficellent » les projets des cinq années à venir, alors que des changements de majorité peuvent intervenir ?
Il faut également tenir compte du fait que, en 1999, il sera procédé à une remise à plat des fonds structurels européens.
Nous avons donc estimé qu'il serait préférable pour nos régions et nos départements de faire coïncider ces fonds avec la mise en oeuvre sur cinq ans des contrats de plan.
J'ai également prélevé sur le FNADT, ce que je n'avais pu faire en 1996, quelque 100 millions de francs au titre des crédits d'investissement libres d'emploi délégués au préfet, afin de pouvoir engager de nouvelles actions décidées et gérées directement à l'échelon local.
Dans ces conditions, les moyens consacrés à l'aménagement du territoire en 1997, loin de baisser, sont en augmentation et, même si l'on pourrait souhaiter qu'ils soient encore supérieurs, ils me permettront d'engager une politique vigoureuse en faveur de l'aménagement du territoire.
Ainsi, 1997 sera une année importante pour l'aménagement du territoire et ni les moyens ni la volonté politique du Gouvernement ne feront défaut.
J'ai, en effet, engagé deux chantiers qui, bien qu'ils n'aient pas actuellement de traduction budgétaire, n'en restent pas moins des projets majeurs et attendus.
Tout d'abord, j'ai préparé un plan en faveur du monde rural...
MM. Alphonse Arzel et Marcel Deneux. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... qui est actuellement soumis à la concertation interministérielle et qui constitue, après le pacte de relance pour la ville et le dossier de la zone franche corse, que j'ai défendu voilà quelques heures devant l'Assemblée nationale, le troisième volet de mon action en faveur des zones les plus défavorisées de notre territoire. J'ai d'ailleurs fait part aujourd'hui à M. le Premier ministre de l'importance que ce plan revêtait.
Par souci d'équité, j'ai fait de ce plan pour le monde rural une priorité.
MM. Alphonse Arzel et Jaques de Menou. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. L'effort important engagé par l'Etat en faveur des quartiers en difficulté et de la Corse doit en effet être équilibré par une action d'ampleur comparable en faveur des campagnes, car les Français ne comprendraient pas que nos campagnes, qui couvrent l'essentiel de notre territoire et participent à la définition de notre identité nationale, ne fassent pas l'objet de la même sollicitude.
Les propositions contenues dans ce plan pour le monde rural, qu'il s'agisse du soutien aux entreprises, de l'habitat ou des services publics collectifs, ne pourront bien évidemment pas être toutes retenues à l'issue de la concertation interministérielle en cours.
Il n'en demeure pas moins que ce plan permettra de mieux organiser la mise en oeuvre des politiques publiques et de mobiliser, en faveur des zones rurales, des moyens supplémentaires qui ne figurent pas encore dans mon budget. Mais puis-je vous faire remarquer une nouvelle fois que je ne disposais pas non plus de crédits dans le budget de 1996 de mon ministère pour mettre en oeuvre le pacte de relance pour la ville ? Cela ne m'a pourtant pas empêché de faire progresser la politique de la ville de manière satisfaisante.
Le deuxième grand chantier en 1997 concerne la présentation au Parlement du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, dont je me suis entretenu, aujourd'hui même, avec M. le Premier ministre.
Ce schéma, qui vise à construire une France mieux équilibrée et plus compétitive, sera soumis au Parlement au printemps prochain, après une large consultation qui concernera les régions, les départements, les associations représentatives de communes, le Conseil économique et social ainsi que le Conseil national de l'aménagement et de développement du territoire.
Ce schéma constituera un acte majeur pour l'aménagement du territoire puisqu'il dictera les orientations que devront respecter toutes les politiques publiques, sans exception, qui ont une incidence territoriale.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, 1997 sera une année très importante pour l'aménagement du territoire et elle verra mûrir les fruits d'une année de travail de fond que je viens d'accomplir.
Contrairement à ce que certains prétendent, 1996 a été non pas une année de pause, mais une année de travail intense, mené sans effets d'annonce, sans déclarations tonitruantes, mais avec sérieux, conviction et efficacité.
En effet, 1996 a été la première année de la mise en oeuvre effective de la loi d'orientation votée en février 1995, et mon ministère a accompli un travail considérable : des dizaines de décrets et de circulaires ont été pris. Et croyez bien qu'on ne m'avait pas laissé les décrets les plus faciles ! Ceux-là avaient été pris immédiatement.
Non, nous avons dû prendre ceux qui étaient les plus complexes ! Ainsi, mes collaborateurs et moi-même avons dû rédiger en un an vingt-huit décrets, dont dix ont été soumis au Conseil d'état. Ne me dites pas que nous avons perdu du temps, que nous n'avons rien fait ou que nous avons mis sous le coude l'aménagement du territoire !
Il est, par exemple, plus facile de prendre un décret pour préciser les modalités de gestion d'un fonds prévu par la loi que de défendre, l'année suivante, les crédits correspondants, surtout quand ce fonds est inscrit sur le budget d'un autre ministère.
A cet égard, M. Delfau et mon ami Jean Puech ont formulé un certain nombre de remarques.
Monsieur Delfau, vous vous êtes adressé à moi en parlant de « l'infortuné ministre de l'aménagement du territoire ». L'infortuné roi de France, c'était Philippe VI de Valois, à quoi son fils Jean II le Bon disait : « Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche. » (Sourires.) M. Gérard Delfau. C'est ce que j'ai dit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui, mais je souhaiterais que vous le disiez aussi aux autres ministres. Ne choisissez pas le budget de l'aménagement du territoire comme exutoire. Le fonds de développement de l'espace rural est inscrit dans le budget du ministre de l'agriculture. C'est à M. Vasseur qu'il faut vous adresser !
M. Marcel Deneux. Il n'a pas un sou !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Pourquoi, alors dois-je défendre les crédits de ce fonds ?
Mais soyons prudents, car la Haute Assemblée a largement participé à l'élaboration de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Or, pour toutes sortes de fonds tels que le fonds d'investissement des transports terrestres et voies navigables, le FITTVN, ou le fonds de péréquation des transports aériens, le FTPA,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ils n'ont pas de fonds !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... on s'adresse au ministre de l'aménagement du territoire alors que leurs crédits figurent dans le budget d'autres ministères. Et, croyez-moi, ce n'est pas facile de demander aux autres ministres leur contribution.
En réponse à M. Rigaudière, je précise que la création d'une taxe pour alimenter le fonds de gestion de l'espace rural est examinée dans le cadre du plan pour le monde rural que j'ai proposé ; mais je dois avouer que cette idée se heurte à quelques réticences interministérielles.
M. Vasseur m'a dit qu'il faisait déjà beaucoup pour les agriculteurs et les jeunes agriculteurs, mais il a accepté d'abonder le fonds de 100 millions de francs au moins. Peut-être parviendrez-vous à le convaincre de fournir un effort supplémentaire.
Plusieurs d'entre vous ont rappelé l'absence de dotations du Fonds national de développement des entreprises, le FNDE. Je vous rappellerai simplement que le Gouvernement a pris d'autres mesures qui répondent en partie aux objectifs assignés au FNDE, telle la création d'une banque des petites et moyennes entreprises.
Vous avez attiré mon attention, monsieur Besse, sur les seuils nécessaires pour bénéficier de la PAT. Je partage largement votre analyse selon laquelle les créations d'activités dans les départements et vous avez bien entendu pris l'exemple du Cantal - sont et seront vraisemblablement le fait des petites entreprises.
Divers dispositifs ont été mis en place à cet effet, telle la création du fonds de développement des PME dans les contrats de plan, fonds destiné à accompagner les projets d'investissement de taille modeste, ou encore les mesures prévues par la loi d'orientation en faveur des entreprises qui se développent dans les zones rurales, telle l'exonération d'impôt pour les sociétés qui se créent, ou bien la réduction des droits de mutation et des charges sociales.
Ces dispositifs s'adressent plus particulièrement aux petites entreprises et sont complémentaires de la PAT, qui est destinée à des projets plus importants.
Toutefois, si, pour un projet précis, cette complémentarité n'était pas satisfaisante, je serais prêt à l'examiner.
Certains disent aussi que je me suis beaucoup occupé de la ville. C'est pourtant moi qui ai publié le décret qui délimite les zones de revitalisation rurale, les ZRR, pour lesquelles j'ai débloqué, deux mois seulement après ma prise de fonctions, l'accord qui était en attente depuis un an à Bruxelles. Là encore, on ne m'avait pas laissé le plus facile !
Mon rôle ne s'est d'ailleurs pas limité à la mise en oeuvre des ZRR telles qu'elles ressortaient de la loi d'orientation. J'ai en effet constaté que le dispositif devait être amélioré car il comportait des lacunes. MM. Besse et Pépin avaient d'ailleurs attiré en commission mon attention sur ce point. Je les ai entendus.
Dans le projet de loi mettant en oeuvre le pacte de relance pour la ville, j'ai amélioré le dispositif des ZRR. D'une part, j'ai ajouté l'exonération des cotisations sociales patronales pour les deuxième et troisième salariés, alors que la loi d'orientation ne prévoyait des exonérations qu'à compter du quatrième salarié, et, d'autre part, j'ai considérablement élargi le champ des entreprises éligibles à ces exonérations.
Au total, vous avez eu la courtoisie de le reconnaître, le coût des ZRR est évalué à 1,2 milliard de francs. Cette somme, même si elle ne figure pas dans mon budget, n'en profite pas moins à l'aménagement du territoire.
Je compte apporter, à votre demande, d'autres améliorations encore aux ZRR dans le plan en faveur du monde rural.
En ce qui concerne les critères de classement en ZRR, M. Besse, rapporteur spécial, a souligné les inévitables imperfections que ceux-ci pouvaient entraîner ça et là, en laissant quelques « trous » dans le zonage.
Vous avez raison, il faut veiller à la plus grande homogénéité possible dans les zonages, car cela renforce l'efficacité des mesures qui y sont associées.
Pour autant, vous savez que toute batterie de critères a nécessairement ses avantages et ses limites, et nous nous souvenons tous des débats passionnés auxquels cela a donné lieu lors du vote de la loi d'orientation.
Toutefois, la coexistence de ces nouveaux zonages ZRR avec les autres zonages nationaux, éligibles à la PAT, aux fonds européens a conduit le Gouvernement à engager une réflexion visant à simplifier le dispositif pour en améliorer la lisibilité et l'efficacité, notamment dans la perspective de l'échéance des fonds européens au 31 décembre 1999, que j'évoquais tout à l'heure.
A ce travail de fond, se sont ajoutées aussi beaucoup de vigilance et de persuasion, comme cela a été le cas, par exemple, monsieur Delfau, avec la Banque de France ...
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. J'ai en effet obtenu du gouverneur de la Banque de France que celle-ci renonce à son programme brutal de fermeture de ses succursales de province. Il faut bien que ces hauts fonctionnaires s'habituent à ce que ce soient les élus du peuple, ceux qui portent l'écharpe tricolore qui gouvernent et qui commandent !
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Gérard Delfau. Nous sommes d'accord sur ce point !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui, mais quand c'est un ministre qui le dit, on le regarde un peu de travers, j'aime autant vous le dire ! On ne se fait pas beaucoup d'amis alors !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais non !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. En tout cas, telle est ma conception ! Comme j'ai été dix-huit ans parlementaire avant d'accéder - il était temps d'ailleurs ! (Rires) - à des fonctions ministérielles, j'ai encore le langage direct des parlementaires !
Ainsi, en 1996, j'ai mis en application et apporté des améliorations à la loi d'orientation. Sachez que je continuerai ce lourd travail en 1997 et soyez assurés que ni les moyens ni la volonté politique ne manqueront !
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que j'avais prévu de vous dire.
Toutefois, plusieurs questions m'ont été posées, auxquelles je répondrai maintenant brièvement.
M. Pépin, rapporteur spécial, a parlé du maintien du service public en milieu rural. A cet égard, je tiens à dire que le moratoire mis en place en 1993 et suspendant la fermeture des services publics en milieu rural est toujours en vigueur.
En outre, la politique de développement des services publics en milieu rural constitue l'un des axes du plan pour le monde rural que je suis en train de préparer. Tant qu'un accord n'aura pas été conclu avec les entreprises publiques pour fixer leurs obligations sur le territoire, le moratoire actuel sera maintenu.
Je tiens à attirer l'attention de M. Pépin - mais je crois qu'il le sait - sur le fait que les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics ont été mises en place dans tous les départements.
Le décret d'application de l'article 29 de la loi d'orientation fait l'objet d'ultimes arbitrages interministériels ; il sera publié au cours des prochaines semaines.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. M. Besse, rapporteur spécial, et M. Puech ont évoqué le GIP.
La loi d'orientation a prévu la création d'un groupe d'intérêt public d'observation et d'évaluation de l'aménagement du territoire.
Cette structure est sans aucun doute très utile pour assurer une meilleure évaluation des politiques d'aménagement du territoire et le recueil de l'ensemble des informations dans ce domaine. J'y suis très favorable.
La section des travaux publics du Conseil d'Etat, que j'ai saisie, examinera ce dossier au tout début du mois de janvier. Toutefois, je vous précise d'ores et déjà qu'il se confirme qu'il y aura quelques difficultés.
M. Pépin a également évoqué l'allègement des charges sociales en faveur des entreprises situées en zone de revitalisation rurale. Les mesures d'allègement des charges concernant les allocations familiales ont été appliquées dès que les zones de revitalisation rurale ont été définies, c'est-à-dire pour tous les salaires versés depuis le 17 février 1996. Les URSSAF ont reçu des instructions précises en ce sens.
Néanmoins, je sais que des problèmes d'interprétation des textes ont pu apparaître et que, dans certaines régions, les exonérations ont été appliquées prématurément alors que ces instructions n'avaient pas encore été diffusées.
A bon droit, les entreprises qui ont bénéficié de cet avantage devraient être tenues au versement des cotisations non acquittées. Toutefois, compte tenu de leur bonne foi et de celle de leurs interlocuteurs, le ministre en charge de ces questions, M Jacques Barrot, m'a confié qu'il avait demandé aux URSSAF de ne pas réclamer les cotisations que les entreprises n'auraient pas versées.
M. Pépin a également évoqué l'aide des collectivités locales à l'immobilier d'entreprise mise en place par un décret de 1982. Je lui confirme que ce décret sera modifié à très brève échéance. Le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, le CNADT, a donné, ce matin même, un avis favorable à cette modification ; elle sera donc applicable en 1997. Je suis heureux, encore une fois, de tenir le plus grand compte des avis de la Haute Assemblée.
Plusieurs d'entre vous, notamment MM. Leyzour, Deneux et Delfau, ont évoqué la politique des pays.
Monsieur Leyzour, le pays constitue non pas un nouvel échelon administratif, mais un cadre pertinent pour l'élaboration d'un projet commun de développement.
M. Hilaire Flandre. Heureusement !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Oui ! Mais c'est la loi d'orientation qui a prévu le pays, avec assentiment quasi unanime de la Haute Assemblée. Encore une fois, je ne fais qu'appliquer ce que vous appelez communément la loi Pasqua !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Et j'essaie de mettre en oeuvre cette loi de la manière la plus intelligente possible.
M. Gérard Delfau. Et là, vous avez besoin de notre aide !
M. Jean-Claude Gaudin ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le pays doit reposer sur une démarche consensuelle, souple et pragmatique. C'est l'adhésion qui doit caractériser la mise en place des pays !
Les collectivités locales jouent un rôle de chef de file : ce sont elles qui déterminent l'opportunité de la démarche et la pertinence du périmètre envisagé. Ce sont là les propos que je tiens devant les préfets lors de tous mes déplacements dans les départements ; je l'ai dit notamment à Rosières-en-Santerre, où M. Deneux m'avait invité.
Les préfets ne sont pas chargés d'élaborer les pays ! Ce rôle revient aux forces économiques, et aux élus ! Le préfet a pour mission de donner les renseignements, pour éventuellement inciter les services publics à mettre en place une organisation plus efficace et plus rationnelle. (Marques d'approbation sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Il faut, de temps à autre, bouger un peu les choses ! Il faut bousculer les conservatismes, qui, aujourd'hui, soit dit en passant, ne sont pas toujours de ce côté ! (M. le ministre désigne la droite de l'hémicycle.) On les trouve quelquefois dans la vie syndicale ou ailleurs. Alors, qu'on ne nous donne pas de leçons en cette matière !
Le pays ne constitue pas, je le répète, un échelon administratif supplémentaire. Il revient aux élus du peuple de décider s'ils veulent ou non un pays !
Vous allez me demander, monsieur Leyzour, quel est l'intérêt du pays. Je vais vous répondre ! L'intérêt, c'est que lorsque les pays seront bien organisés, ils formeront une sorte de résistance à l'attrait des villes. En effet, d'après les renseignements dont nous disposons - tous ces observatoires sont bien utiles ! - jusqu'en 2015, la ville représentera un attrait. Il faut donc que la France rurale ait une armature suffisamment forte, suffisamment établie, suffisamment attractive, elle aussi, pour que nos compatriotes ne veuillent pas tous aller habiter dans les grandes cités urbaines, mais trouvent un attrait à la France rurale.
M. Alphonse Arzel. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. M. Puech a fait allusion au schéma national. Celui-ci constituera un acte majeur de l'aménagement du territoire, puisqu'il dictera les orientations que devront respecter toutes les politiques publiques, sans exception, qui auront une incidence territoriale ; M. Puech l'a dit lui-même.
Il a également fait part de nombreuses inquiétudes, et, sur certains points, je partage un peu son sentiment.
La région d'Ile-de-France peut continuer à jouer son rôle à l'échelon international sans se développer davantage. C'est même son intérêt ! L'une des principales orientations du schéma national sera donc de ménager, de façon volontariste, des alternatives à la croissance de la région d'Ile-de-France.
M. Puech a également parlé de politique « curative ». Ce n'est pas parce qu'elle est curative qu'il ne faut pas la mettre en oeuvre ! Nous héritons d'une situation difficile dans les banlieues. Faudrait-il ne rien faire parce que cette politique pourrait être qualifiée, de façon un peu brutale, de curative ?
J'ai répondu à la volonté du Président de la République et à celle du Premier ministre. Ce dernier m'a demandé d'essayer de réduire la fracture sociale. C'était ce qui importait le plus ! Nous avions le feu dans les banlieues, nous avions une situation invraisemblable ! Nous nous en sommes occupés, et en moins de dix mois, six textes ont été promulgués et le pacte de relance pour la ville, qui globalise l'ensemble, sera publié dans quelques jours, puisque l'Assemblée nationale comme le Sénat l'ont approuvé.
Maintenant qu'un effort a été consenti en faveur des banlieues - je m'adresse en particulier à MM. Deneux et Flandre - nous voulons accomplir un effort similaire en faveur de la France rurale. Je souhaite que la Haute Assemblée ait bien conscience de la volonté qui est la mienne.
Monsieur Delfau, durant ma vie politique, j'en ai lu des articles, j'en ai livré des batailles ! Quand on s'est battu à la fois contre Tapie et contre Le Pen, on n'a plus grand chose à apprendre ! Par conséquent, ce n'est pas un article de journal qui va m'impressionner !
L'article auquel vous avez fait allusion m'aurait rendu service voilà un mois et demi ! Peut-être aurait-il pu alors impressionner Bercy ! Sans doute un membre du cabinet du Premier ministre l'aurait-il lu ! Effectivement, un peu plus d'argent nous aurait été nécessaire pour conduire la politique d'aménagement du territoire !
Toutefois, on ne peut pas dire que nous n'avons pas consenti l'effort nécessaire ! Cet article me paraît injuste, car il ne reflète pas la réalité de la situation, que je me suis efforcé de vous décrire ce soir.
Pour autant, ce n'est pas cela qui entamera ma détermination et qui m'empêchera de dormir tout à l'heure ! (Sourires.) Je continuerai à aller de l'avant, et ce n'est pas les réactions de ce parisianisme, de cette France médiatique, de ces journalistes - on ne va pas trembler devant les journalistes ! - qui m'en empêcheront.
Nous déterminons une politique et nous la conduisons sur les instructions, premièrement, du Président de la République - c'est quand même lui qui a été élu ! -, deuxièmement, du Premier ministre qu'il a choisi.
Monsieur Delfau, depuis un an, le Premier ministre, n'est pas à la fête !
M. Gérard Delfau. On s'en est aperçu !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Il est courageux, il est intelligent et il fait face.
Sur les plateaux de télévision, M. Jospin tient des propos pour le moins surprenants : « Si nous arrivons demain au pouvoir, nous créerons 700 000 emplois pour les jeunes ! Sans aucune difficulté ! » (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Pour ma part je m'efforce de créer 100 000 emplois pour les jeunes de dix-huit à vingt-six ans, et j'aimerais bien rencontrer de temps à autre l'approbation et le soutien - non seulement en paroles mais également en monnaie sonnante et trébuchante - des présidents des conseils généraux socialistes ou même communistes (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) qui pourraient financer en partie les emplois de ville et nous aider ainsi à lutter contre le chômage.
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur Flandre, je suis, bien entendu, sensible à la situation économique des Ardennes, et je ne méconnais pas le problème de la sucrerie d'Attigny. C'est sur des crédits de mon ministère qu'a été réalisée l'étude sur l'avenir économique des Ardennes. Elle révèle des possibilités de développement, et j'ai créé un commissariat à l'industrialisation sur les régions Champagne-Ardenne et Picardie pour accompagner ce développement. Je me rendrai d'ailleurs dans quelques jours dans les Ardennes, où nous nous rencontrerons donc.
Je voudrais, pour conclure, vous faire part de mon sentiment personnel, mesdames et messieurs les sénateurs. Avant d'être nommé ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, je n'avais jamais exercé de responsabilités ministérielles. Depuis un an, j'ai donc appris le métier de ministre. Ce n'est pas aussi simple que cela ! J'hérite en effet du monument législatif très important qu'est la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 5 février 1995. Même si nous n'avons pas perdu de temps, cela ne va pas assez vite, et des choses restent à faire. Il est encore nécessaire que la DATAR « phosphore » davantage et ait plus de contacts avec les élus, afin de mieux connaître la vue des élus du peuple, sur le terrain.
Voilà ce que je voudrais faire avec vous au cours de la prochaine année, mesdames, messieus les sénateurs,...
M. Jean Puech. Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... et je vous remercie de bien vouloir m'apporter votre aide.
Ce projet de budget n'a pas été facile à élaborer ; je vous promets donc que nous veillerons au caractère judicieux des dépenses. Tel est l'engagement que je prends devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aménagement du territoire, inscrits à la ligne « Aménagement du territoire, ville et intégration », seront mis aux voix samedi 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la ville et à l'intégration.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 25 991 412 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 130 772 836 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais attirer l'attention de M. le ministre sur les deux points particuliers que sont la prime d'aménagement du territoire et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire.
Compte tenu de l'heure tardive et du fait que le M. le ministre a déjà répondu par avance en grande partie, sur ces deux points, mon intervention sera brève.
S'agissant de la prime d'aménagement du territoire, si les réserves sont importantes, encore conviendrait-il de réfléchir aux raisons de cette sous-utilisation.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
Mme Janine Bardou. Certes, la situation économique est difficile, et cela peut être une explication. Cependant, ne faudrait-il pas plutôt revoir les critères d'éligibilité, afin de rendre cette dotation plus opérationnelle ? De nouveaux critères ne donneraient-ils pas un nouveau souffle à l'économie rurale ? Il faut à mon avis réfléchir pour rendre plus incitatif ce type de disposition.
J'en viens au fonds national d'aménagement du territoire, dont les crédits, notamment ceux qui sont affectés à la montage, diminuent. Or, je rappellerai que la montagne représente sept massifs, 22 % du territoire et plus de 6 000 communes.
Monsieur le ministre, en tant que président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, vous êtes confronté aux graves problèmes de la ville - je me réjouis d'ailleurs du pacte de relance pour la ville, qui me semblait une impérieuse nécessité - ainsi qu'aux difficultés d'un arrière-pays peu habité. Vous savez donc combien il est urgent de rééquilibrer notre territoire.
Je me permettrai de dire que je ne partage pas tout à fait votre avis sur l'attrait des grandes métropoles. Je m'interroge en effet sur l'intérêt d'aller habiter dans des banlieues difficiles.
La politique d'aménagement du territoire ne pourra se juger qu'à long terme. Il est impératif de pérenniser les financements de cette politique et de ne pas être confrontés chaque année à une réduction de crédits qui ne permette pas de poursuivre les actions engagées. Il faut réfléchir très sérieusement à cela, au moins pour l'année prochaine.
Vous avez annoncé que 1997 serait l'année du monde rural. Je souhaite vivement que le plan envisagé permette de poursuivre l'application des mesures prévues par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. L'aménagement du territoire doit redevenir une priorité nationale, car l'espace rural peut être une réponse au mal-vivre des banlieues ; mais, pour cela, il faudra bien sûr nous donner des moyens !
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, vous m'avez bien entendu - entre méridionaux, nous nous comprenons à demi-mot ! - et j'ai effectivement voulu vous rendre service. Il pourrait certes s'agir d'une boutade de ma part ; pourtant, mon propos est très sérieux : quand j'ai découvert l'ampleur des baisses de ce budget, j'ai décidé, puisque mon groupe m'en avait chargé, de dire sans mot excessif le sentiment que j'éprouvais. Je n'ai d'ailleurs fait que reprendre, en les amplifiant sans doute et en n'utilisant pas les prudences nécessaires de vos amis, le sentiment profond d'inquiétude qu'éprouve la Haute Assemblée. En effet, alors que la situation de l'aménagement du territoire est de plus en plus tendue, les crédits, pour des raisons sur lesquelles il n'est pas utile de revenir, sont de plus en plus restreints.
Dire cela, monsieur le ministre, n'est pas méconnaître vos qualités. Votre éloquence et votre conviction dans l'énumération, à la tribune, de centaines de millions de francs à la suite m'auraient presque fait croire que j'avais mal lu les chiffres ! Ces derniers ont d'ailleurs été « bouclés » - c'est là où je voulais en venir - non pas à Bercy, mais à Matignon.
Si j'ai parlé comme je l'ai fait, c'est parce que je pense qu'il y a eu là un arbitrage malheureux. Je tenais à le dire parce que c'est ce que pense la quasi-totalité des membres de la Haute Assemblée - pour ne pas dire la totalité des membres de la Haute Assemblée - ...
M. Jacques de Menou. Nous sommes assez grands pour parler tout seuls !
M. Gérard Delfau. ... et parce qu'il est à mon avis nécessaire que l'opposition joue son rôle.
De ce point de vue, chers collègues de la majorité sénatoriale, je tiens un propos très indulgent et équilibré par rapport à celui qui était le vôtre dans les années 1990 et 1991, lors de la présentation de certains projets de budget portant sur le même sujet !
Il reste que le problème existe, monsieur le ministre. Ne pas le dire au Parlement serait l'aggraver.
C'est pourquoi j'ai tenu à donner le sentiment des membres du groupe socialiste et, ce faisant, à faire avancer les choses, y compris les projets que vous défendez.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 4 170 000 francs ;

« Crédits de paiement : 3 670 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 891 350 000 francs ;

« Crédits de paiement : 591 850 000 francs. »
Par amendement n° II-55, le Gouvernement propose de majorer les autorisations de programme de 70 000 000 francs et les crédits de paiement de 21 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Cet amendement a pour objet de majorer la dotation du FNADT de 70 millions de francs au titre des autorisations de programme et de 21 millions de francs au titre des crédits de paiement.
Cela permettra de soutenir davantage les projets de développement locaux et la mise en oeuvre du plan en faveur du monde rural.
Un autre amendement sera déposé par le Gouvernement en seconde délibération pour gager cette ouverture par une réduction de 21 millions de francs des crédits du fonds national de l'emploi, inscrits au budget du travail.
En effet, l'entrée en vigueur du dispositif des emplois de ville au cours de cette année ne permettra pas d'atteindre le chiffre annuel de 25 000 emplois créés dès 1996, ce qui autorise une marge de redéploiement. Bien entendu, tous les emplois de ville signés avant le 31 décembre seront financés l'année prochaine, ainsi que les 25 000 nouveaux emplois de ville prévus pour 1997, conformément au pacte de relance pour la ville.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. L'amendement que vient de présenter M. le ministre témoigne à l'évidence de sa courageuse volonté d'affronter les difficultés auxquelles se heurte l'aménagement du territoire dans l'optique d'un projet de budget qui porte la marque indiscutable de la rigueur budgétaire.
En effet, le Gouvernement se trouve dans l'obligation de réduire à la fois les déficits publics, qui atteignent des niveaux insupportables et paralysent le développement économique, et les prélèvements obligatoires, en particulier l'impôt sur le revenu. Les marges de manoeuvre sont donc extrêmement étroites et ne permettent guère d'améliorer tel ou tel poste.
Malgré ces difficultés, M. le ministre a eu la volonté d'essayer d'améliorer ce projet de budget, dont chacun d'entre nous a reconnu qu'il était un peu limité. Il nous a bien sûr rappelé ses démarches auprès des autorités de Bruxelles et le montant des crédits qu'il avait obtenus. Mais je voudrais porter témoignage des efforts qu'il a déployés, aux côtés d'une délégation de la Haute Assemblée, dont il a rappelé la composition voilà un instant, pour obtenir de la part de M. le Premier ministre un arbitrage favorable à ce projet de budget, ce qui nous conduit aujourd'hui à voter un amendement tendant à majorer les crédits de 70 millions de francs.
Je voulais l'en féliciter, au nom de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-55.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Il est bien évidemment difficile de ne pas approuver une augmentation de ressources du FNADT. Et pourtant ! Cette ouverture est gagée sur 1 000 emplois de ville, et le financement destiné à augmenter cette dotation fera donc défaut ailleurs.
Au passage, monsieur le ministre, permettez-moi tout de même de relever l'habileté - peut-être un peu excessive - dont vous avez fait preuve tout à l'heure à la tribune, en prétendant que les présidents de conseils généraux ou régionaux socialistes seraient moins engagés que ceux de la majorité dans le soutien à l'emploi. Cela me paraît contraire non seulement à la réalité, mais aussi à la philosophie de notre formation politique. Il peut être légitime de marquer une hésitation - monsieur le ministre, le parlementaire que vous étiez il n'y a pas si longtemps était d'ailleurs le premier à le relever - quand l'Etat opère un transfert de compétences sur les collectivités territoriales qui sont déjà exsangues, imposant à ces dernières de nouvelles prises en charge. Cependant, de là à en tirer la leçon que vous en avez tirée, c'était, comme chacun le sait, totalement déraisonnable !
S'agissant de l'amendement n° II-55, je me sens partagé : je suis favorable à une augmentation de la dotation en faveur du FNADT, mais je suis défavorable à la source du financement. Je m'abstiendrai donc !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement numéro II-55, accepté par la commission.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.

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TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 120, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de ratification des ordonnances prises en matière pénale, pour Mayotte et les territoires d'outre-mer.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 121, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte et relatif au statut administratif, douanier et fiscal de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 122, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Accord sous forme d'un échange de lettres entre la Communauté européenne et la confédération suisse ajoutant à l'accord de libre échange un protocole additionnel relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-744 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement CE du Conseil portant reconduction en 1997 des mesures prévues au règlement CE n° 1416/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1995 pour certains produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-745 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CEE n° 2377-90 établissant une procédure communautaire pour la fixation des limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments d'origine animale.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-746 et distribuée.

12

DÉPO^T D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Christian de La Malène un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur une réforme du mode de scrutin pour les élections européennes.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 123 et distribué.

13

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 6 décembre 1996, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :

- Equipement, logement, transports et tourisme :
I. - Urbanisme et services communs :
M. Henri Collard, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 17).
Mme Josette Durrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XV).
II. - Transports :
1. Transports terrestres.
2. Routes.
3. Sécurité routière.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (Transports terrestres, rapport n° 86, annexe n° 18).
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Transports terrestres, avis n° 88, tome XVIII).
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (Routes et sécurité routière, rapport n° 86, annexe n° 19).
M. Jacques Braconnier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Routes et voies navigables, avis n° 88, tome XIII).
4. Transport aérien.
5. Météorologie.
Budget annexe de l'aviation civile :
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 20).
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Aviation civile et transport aérien, avis n° 88, tome XIX).

- Equipement, logement, transports et tourisme :
III. - Logement (et article 92) :
M. Henri Collard, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 21).
M. William Chervy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XIV).
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (Logement social, avis n° 90, tome VIII).
IV. - Mer :
M. René Régnault, rapporteur spécial (Marine marchande, rapport n° 86, annexe n° 22).
M. Marc Massion, rapporteur spécial (Ports maritimes, rapport n° 86, annexe n° 23).
M. Jacques Rocca Serra, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XX).
V. - Tourisme :
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 24).
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome XVI).

Délai limite pour les inscriptions
de parole dans les discussions
précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1997 est fixé au vendredi 6 décembre 1996, à dix-sept heures.

Scrutin public à la tribune

En application de l'article 60 bis, troisième alinéa, du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1997 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 10 décembre 1996.

Délai limite général
pour le dépôt des amendements

La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le dépôt des amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence la discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions de loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

1° Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la détention provisoire (n° 99, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 décembre 1996, à dix-sept heures.
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'épargne retraite (n° 100, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 décembre 1996, à dix-sept heures.
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural (n° 109, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 16 décembre 1996, à douze heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 décembre 1996, à douze heures.
Personne ne demande plus la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 6 décembre 1996, à zéro heure quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON