SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 1997.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Jeunesse et sports (suite) (p. 2 )
MM. José Balarello, Daniel Hoeffel, Daniel Eckenspieller, Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports.
Crédits du titre III (p. 3 )
MM. Ivan Renar, Jacques Habert.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p. 4 )
M. le ministre.
Suspension et reprise de la séance
(p.
5
)
Défense
(p.
6
)
MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les dépenses ordinaires ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Michel Alloncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie » ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ; Hubert Falco, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air ».
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
MM. André Boyer, rapporteur pour avis, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine » ; Jean-Luc Bécart, Guy Cabanel, Jacques Habert, Bernard Plasait, Yvon Bourges, Bertrand Delanoë.
Suspension et reprise de la séance (p. 8 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. François Lesein, Mme Anne Heinis, MM. Roger Husson, André Rouvière, Lucien
Neuwirth.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
MM. Marcel Vidal, Alain Dufaut, Charles Millon, ministre de la défense.
Article 37 (p. 9 )
MM. Jean-Jacques Robert, le ministre.
Sur les crédits du titre III :
Amendement n° II-42 de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Jean-Jacques Robert, le
rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
MM. Jacques Machet, André Rouvière, le ministre.
Adoption des crédits du titre III et de l'ensemble de l'article.
Article 38 (p. 10 )
Sur les crédits du titre V :
Amendement n° II-43 rectifié de Mme Heinis. - Mme Heinis, MM. le rapporteur
spécial, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s II-44 à II-46 de M. Bécart. - MM. Bécart, le rapporteur
spécial, le ministre. - Rejet de trois amendements.
Adoption des crédits des titres V et VI et de l'ensemble de l'article.
3.
Modification de l'ordre du jour
(p.
11
).
4.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
12
).
5.
Loi de finances pour 1997.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
13
).
Affaires étrangères et coopération
I. - AFFAIRES ÉTRANGÈRES (ET FRANCOPHONIE) (p.
14
)
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances ; André
Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Guy
Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les
relations culturelles extérieures et la francophonie ; James Bordas, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations
culturelles, scientifiques et techniques ; Jacques Legendre, rapporteur pour
avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ;
Robert-Paul Vigouroux, Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Jean-Pierre
Cantegrit, Mme Paulette Brisepierre, M. Guy Penne, Mme Danielle Bidard-Reydet,
MM. Jacques Habert, Christian Demuynck, Pierre Biarnès.
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères.
Crédits du titre III (p. 15 )
MM. Maurice Schumann, Adrien Gouteyron, Jacques Habert.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 16 )
MM. Charles de Cuttoli, le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 17 )
6. Modification de l'ordre du jour (p. 18 ).
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
7.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
20
).
8.
Loi de finances pour 1997.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
21
).
Industrie, poste et télécommunications
I. - INDUSTRIE (p.
22
)
MM. Bernard Barbier, rapporteur spécial de la commission des finances ;
François Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, pour l'industrie ; Jean Besson, rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, pour l'énergie ; Alfred Foy, Henri Revol,
Pierre Lagourgue, Maurice Schumann, Michel Charzat, Félix Leyzour, Pierre
Laffitte, Jacques Oudin, Mme Maryse Bergé-Lavigne.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des
télécommunications.
Crédits des titres III à V. - Adoption (p.
23
)
Crédits du titre VI (p.
24
)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Adoption des crédits.
9.
Transmission d'un projet de loi
(p.
25
).
10.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
26
).
11.
Dépôt de rapports
(p.
27
).
12.
Ordre du jour
(p.
28
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. YVES GUÉNA
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]
Jeunesse et sports
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant la
jeunesse et les sports.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Monsieur le ministre, l'importance du sport dans la vie publique, et
particulièrement dans la vie des jeunes, nécessiterait une longue intervention
et un budget beaucoup plus important que le vôtre puisqu'il ne représente
qu'environ 0,19 % du budget du pays.
Fort heureusement, les collectivités locales sont là pour relayer
l'impuissance de l'Etat. En outre, je n'oublie pas que le Stade de France, dont
les travaux sont en cours, représente, hors taxes, un investissement de 1 194
millions de francs.
Quoi qu'il en soit, ne disposant que de quelques minutes, je ne vous
entretiendrai que d'un problème auquel d'ailleurs le rapporteur pour avis, M.
Lesein, a déjà fait allusion dans son rapport et qu'il vous faut régler
d'urgence : il s'agit de la suppression du centre régional d'éducation physique
et sportive, le CREPS, d'Antibes.
Tous les élus des départements de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ainsi
que les associations sportives s'élèvent en effet contre cette décision
brutale, annoncée le 22 novembre 1996 par le directeur de l'administration
générale du ministère de la jeunesse et des sports, de supprimer, et ce dans le
cadre de la réduction des crédits de votre budget, condamné, semble-t-il, à
supprimer 150 postes budgétaires. Parmi ceux-ci, 30 sont occupés par des
fonctionnaires d'Etat travaillant dans ce CREPS. Sans personnel pour faire
fonctionner cet établissement public, celui-ci est voué à la disparition.
Or, aucune concertation préalable n'a été engagée avec les collectivités
locales ni avec les instances sportives du département.
Cette structure devrait, à compter du 1er mai 1997, être gérée par une
association privée s'occupant de camps de vacances pour le personnel du
ministère de l'éducation nationale et celui de la jeunesse et des sports.
Le CREPS d'Antibes, en perdant son statut d'établissement public, serait
transformé en association privée, spécialisée dans l'hôtellerie et la
restauration.
Il faut se souvenir que le CREPS d'Antibes, créé en 1972, est un centre
d'hébergement et d'entraînement pour les sportifs de haut niveau venant en
formation dans notre département où l'on peut pratiquer des activités sportives
de plein air toute l'année.
Il a succédé, j'en conserve encore l'image, au centre mis en place pendant la
dernière guerre pour accueillir le bataillon de Joinville, transféré en zone
sud non occupée, autour du stade du Fort-Carré, en bord de mer. L'environnement
y est remarquable.
La ville d'Antibes, autour du CREPS, a fait du sport l'une de ses priorités et
les résultats qu'elle obtient tant à l'échelon national qu'à l'échelon
international sont élogieux. Une équipe professionnelle de basket de Nationale
1A a été championne de France pour la saison 1993-1994. Par ailleurs, la ville
d'Antibes accueille un centre de formation de haut niveau de type sport-études
dans cette discipline.
Cette cité se distingue également en gymnastique. L'équipe de France s'y
entraînait avant les jeux Olympiques d'Atlanta. De grands noms de la
gymnastique y sont licencés, tels Eric Casimir, champion de France de Nationale
1, Patrice Casimir, quatrième aux jeux Olympiques d'Atlanta au cheval d'arçon
et champion d'Europe, Thierry Eymes, qui a fait partie de la sélection
olympique, et Sébastien Taillac, également sélectionné pour Atlanta, qui fut
quatrième au sol.
L'équipe de France de trampoline s'entraîne à Antibes ; l'équipe antiboise a
d'ailleurs été plusieurs fois championne de France et a remporté plusieurs
manches de la Coupe du monde.
Le cercle des nageurs antibois a envoyé trois des siens dans la sélection
française des jeux Olympiques.
Valérie Bellenolle, licenciée en tir à Antibes, fut également sélectionnée
pour Atlanta.
La ville d'Antibes se distingue aussi en handball, en hockey sur gazon et en
voile. Bref, elle possède l'un des meilleurs palmarès de France.
La disparition du CREPS, établissement public, impliquerait une migration de
ces sportifs de haut niveau de la Côte d'Azur vers d'autres régions alors que
le CREPS d'Antibes, ville également dotée d'une piscine olympique, présente
aujourd'hui un environnement prestigieux et très bien équipé, attirant en outre
de nombreux sportifs amateurs pour des stages de formations qui y sont
dispensés toute l'année.
La suppression du CREPS serait d'autant plus regrettable que, de 1985 à 1992,
dans le cadre du contrat de plan Etat-région, l'Etat, à concurrence de 25,4
millions de francs, et le conseil régional, à concurrence de 7,8 millions de
francs, ont procédé à sa modernisation.
Vous comprendrez que la suppression de cette structure performante ayant une
très grande tradition sportive ne puisse être acceptée, d'autant qu'il s'agit
d'un établissement qui, depuis de nombreuses années, présente un budget
excédentaire permettant de réaliser des investissements sans faire appel au
budget de votre ministère, sauf pour une partie du personnel, à savoir 32
fonctionnaires sur 43 employés.
Le Comité national olympique français est intervenu auprès de vous au nom des
450 000 licenciés de la Côte d'Azur. Le maire d'Antibes, le docteur Leonetti,
vous a écrit et vous devez le rencontrer le 11 décembre prochain.
Le conseil général des Alpes-Maritimes a voté, le 28 novembre dernier, à
l'unanimité, tous partis politiques confondus, sur proposition du conseiller
général, Jean Bunoz, qui est en même temps adjoint aux sports de cette ville,
une motion tendant à vous demander de bien vouloir réexaminer cette orientation
en organisant une concertation préalable avec les différents intervenants tant
à l'échelon de l'Etat qu'à celui du département.
Aussi, je vous demande avec beaucoup d'insistance de bien vouloir revenir sur
cette décision de votre administration.
Les impératifs budgétaires sont, certes, importants, mais la place des
sportifs français dans le monde et leur influence sur notre jeunesse, à
commencer par celle qui habite dans les quartiers défavorisés des zones
franches, le sont bien plus.
Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, qui avez été champion olympique,
que je rappellerai l'enthousiasme du public français pour les champions
d'Atlanta et de Malmö. La coupe Davis a rassemblé 8 500 000 téléspectateurs aux
alentours de vingt-trois heures dimanche dernier. Le tennis, sport jadis
réservé à une certaine catégorie sociale, est devenu aujourd'hui un élément
d'unité sociale. Voilà qui mérite réflexion.
J'avais déjà mené cette réflexion voilà vingt ans, monsieur le ministre,
lorsque j'ai créé à Nice la première école de tennis dans un ensemble d'HLM.
C'est le grand mérite du sport en général de combler la fracture sociale : sur
le stade, elle n'existe pas. Cette tâche mériterait un budget plus important
notamment pour créer plus de poste FONJEP, le fonds de cooopération de la
jeunesse et de l'éducation populaire : 3 253 postes FONJEP sont financés par
votre ministère ; c'est insuffisant. En outre, l'Etat devrait participer à
concurrence de 50 % du salaire brut et le fonds d'action sociale à un niveau
plus important. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour y
parvenir.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique
menée dans le domaine de la jeunesse et des sports nécessite, comme les
orateurs l'ont rappelé tout au long de ce débat, particulièrement nos
rapporteurs, des moyens et des structures correspondant aux objectifs fixés.
Votre budget, monsieur le ministre, y contribue, quelles que soient par
ailleurs les contraintes qui vous sont imposées, et vous menez votre action
avec une grande conviction.
Il convient aussi de souligner, à l'occasion de ce débat budgétaire, les
efforts importants qui sont consentis par les collectivités locales dans le
domaine de la jeunesse et des sports. Je pense particulièrement à ceux qui sont
entrepris par les départements et les communes en faveur des équipements
sportifs ainsi que du développement du sport scolaire, du sport de masse et du
sport de haut niveau. Il convient aussi aujourd'hui de rendre hommage à
l'action conduite par le monde associatif et par les bénévoles qui font vivre
le sport en France.
Je me bornerai aujourd'hui, monsieur le ministre, à évoquer deux questions.
La première concerne la politique en faveur des échanges internationaux de
jeunes, et je souhaite appeler plus particulièrement votre attention sur les
crédits affectés à l'office franco-allemand pour la jeunesse, dont vous êtes
d'ailleurs, de par vos fonctions, l'un des responsables.
A la suite de l'annonce, voilà un an, de la diminution de 5 % des crédits
accordés à cet organisme, l'Assemblée nationale avait proposé, puis adopté,
l'attribution d'une subvention de un million de francs au titre de la réserve
parlementaire et avait aussitôt été suivie par le Bundestag qui avait accordé
une somme équivalente, permettant ainsi de compenser en partie la baisse des
concours de l'Etat.
Or, cette subvention a, me semble-t-il, été finalement utilisée à d'autres
fins par le ministère de la jeunesse et des sports, ce qui, hélas !
entraînerait parallèlement la suppression de la subvention accordée par le
Parlement allemand.
Est-il possible que cette subvention ait été affectée à un autre usage que
celui qui avait été voulu par le Parlement ? Comment envisagez-vous, monsieur
le ministre, de compenser la perte qui en résulte pour l'office franco-allemand
pour la jeunesse, dont le rôle, dans la concrétisation de la construction
européenne et dans la coopération franco-allemande, me paraît, dans la période
actuelle, fondamental ?
En effet, par qui, sinon par la jeunesse, pourra-t-on construire les
fondements solides de l'échange entre les peuples et finalement de l'Europe ?
Cette question est d'autant plus d'actualité que les crédits accordés par
l'Etat à cet organisme sont encore réduits de 5 % dans le budget pour 1997.
Ma seconde question porte sur la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement
à tous les échelons de l'administration, notamment sur les orientations qui en
résultent pour la réorganisation des services déconcentrés en charge de la
jeunesse et des sports.
La déconcentration constitue, en effet, l'un des grands axes de la réforme de
l'Etat fixée par le Gouvernement. Elle doit passer par une délégation
significative des capacités de décision et de gestion à l'administration
déconcentrée dans les différents ministères.
Des informations contradictoires circulent à ce sujet. Elles suscitent des
questions et des inquiétudes parmi les personnels de la jeunesse et des sports.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous
indiquer l'état de vos réflexions en ce qui concerne l'aménagement et
l'adaptation des structures actuelles. Je suis certain que les éléments
d'information que vous nous donnerez seront de nature à dissiper ces
inquiétudes.
Bien entendu, je voterai, avec les membres du groupe de l'Union centriste,
votre projet de budget, monsieur le ministre, quelles qu'en soient les
servitudes et les contraintes. Toutefois, s'agissant en particulier du premier
problème que j'ai soulevé, je souhaiterais que vous puissiez trouver une
solution de nature à préserver la mission essentielle qui incombe à l'office
franco-allemand.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette,
comme tous ici, que la rigueur budgétaire extrême à laquelle est condamné le
Gouvernement ne lui permette pas de doter le ministère de la jeunesse et des
sports des moyens qui lui permettraient de remplir pleinement, et sur tous les
fronts, la mission qui est la sienne.
Il faut le regretter d'autant plus que la jeunesse se trouve, à bien des
égards, au coeur de la problématique de notre société et que la vie
associative, notamment la vie sportive, constitue l'un des plus efficaces
leviers pour favoriser l'éducation, l'intégration et l'harmonie sociale.
Il faut donc espérer que, très vite, le retour de la croissance et les fruits
de la sévère mais courageuse politique financière conduite actuellement
permettent de donner une nouvelle impulsion et une nouvelle dimension aux
actions entreprises en faveur de notre jeunesse.
Dans ce climat d'austérité, vous avez voulu, monsieur le ministre, utiliser au
mieux les moyens dont vous disposiez. Les résultats sont là, dans différents
domaines, pour témoigner que l'argent public a été investi avec un réel souci
d'efficacité. Il convient, me semble-t-il, de vous en féliciter.
Au travers des choix budgétaires que vous nous proposez, vous marquez les
priorités qui guident votre action.
Je souhaite en évoquer quelques-unes.
Ainsi, l'un des grands chantiers qui a été ouvert - et vous voulez
impérativement que l'élan ne soit pas freiné - est celui de l'aménagement du
temps de l'enfant.
Dans cette perspective, vous avez abondé de 40 millions de francs les crédits
ouverts à ce titre en 1997, et votre ambition est de faire passer de 100 000 à
200 000 le nombre des enfants concernés.
Aujourd'hui, nous avons suffisamment de recul pour que les premières
expériences mises en place dans ce domaine puissent être évaluées avec une
certaine objectivité.
Le résultat en est jugé globalement intéressant, il est même souvent
enthousiasmant.
L'objectif doit donc rester d'en généraliser progressivement l'application,
l'horizon affiché étant celui de l'année 2001.
Nous ne devons pas, cependant, nous dissimuler la difficulté de
l'entreprise.
En effet, les expériences engagées s'appuyaient toutes sur une conjonction de
facteurs favorables : une volonté municipale forte, des enseignants motivés,
l'échelle pertinente d'une petite ville, d'un gros bourg ou d'un quartier,
l'existence d'équipements sportifs adaptés et en nombre suffisant, enfin, la
présence d'un tissu associatif dynamique et relativement disponible.
Le défi est autrement difficile à relever lorsqu'il s'agit de couvrir
l'ensemble d'une grande cité urbaine ou lorsqu'on s'attaque à un tissu rural
très diffus.
Dans ma ville, qui compte 16 000 habitants, une école élémentaire et une école
maternelle fonctionnent selon des rythmes aménagés depuis quatre ans.
L'expérience se révèle concluante sur tous les plans, et personne ne songerait
à revenir en arrière.
Cependant, l'extension du système aux six autres écoles élémentaires et aux
huit autres écoles maternelles posera des problèmes qui me paraissent
aujourd'hui difficiles à résoudre.
Il faut bien reconnaître également que le manque de motivation, voire la
réticence de certains enseignants ou parents, ajoute encore, ici ou là, aux
difficultés liées à l'insuffisance des équipements sportifs et, surtout, à
l'ampleur financière de l'effort nécessaire.
Un rapport parlementaire récent, tirant les conclusions des expériences
conduites à ce jour, chiffre à 2 365 francs en moyenne, par élève et par an, le
coût de la mesure.
Ce coût est actuellement supporté à hauteur de 51 % par la commune, à 30 % par
le ministère de la jeunesse et des sports, à 12,6 % par les caisses
d'allocations familiales, à 3 % par les ministères de l'éducation nationale et
de la culture, le solde étant couvert par le fonds d'action sociale, le fonds
d'intervention pour la ville et d'autres collectivités territoriales.
L'ambition est généreuse. Elle est incontestablement intéressante. On ne peut
donc qu'y adhérer.
Mais il convient, me semble-t-il, d'en mesurer toutes les conséquences à long
terme. Il faut, en particulier, se poser la question de savoir si l'Etat saura
se doter, d'une manière pérenne, des moyens qui lui permettront de garantir à
l'échelle du pays tout entier la nécessaire solidarité, afin que n'y soit pas
instaurée une éducation à deux vitesses, selon les territoires concernés.
Il s'agit, me semble-t-il, d'une question essentielle qui mérite, dès à
présent, notre plus lucide et plus vigilante attention.
Je souhaite évoquer, ensuite, le volet « sport-emploi », qui constitue, lui
aussi, l'un des axes forts de votre politique.
Grâce à une contractualisation très claire - ce n'est pas toujours le cas ! -
qui comporte un engagement financier sur trois ans, les clubs sportifs ont
créé, en 1996, trois mille emplois, et il apparaît aujourd'hui tout à fait
réaliste de penser que l'ambition affichée de créer trois mille emplois
supplémentaires en 1997 sera tenue.
Il faut s'en réjouir pour les clubs, qui trouveront ainsi un encadrement de
qualité, à l'égard duquel ils pourront avoir de légitimes exigences. J'en fais
l'expérience, depuis près de six mois maintenant, dans mon club de gymnastique,
dont la salle spécialisée trouve enfin une utilisation optimale.
Il faut s'en réjouir aussi, bien sûr, pour les jeunes cadres sportifs qui ont
ainsi trouvé un emploi, souvent financé en partie par des ressources nouvelles,
liées au développement de l'accueil dans les clubs.
Si on observe, avec regret, la baisse tout à fait considérable des aides à la
réalisation des équipements sportifs, on note cependant, avec satisfaction, que
le soutien au sport de masse a été augmenté de 8,8 %.
C'est ce sport de masse que les collectivités territoriales soutiennent à bout
de bras, regrettant chaque jour de ne pouvoir le faire davantage, tant elles
mesurent ce que représente leur apport à l'oeuvre d'éducation et à l'harmonie
sociale.
Ces collectivités locales consacrent chaque année au mouvement sportif seul,
hormis les autres formes de vie associative, des montants qui se situent entre
15 milliards et 20 milliards de francs.
Elles n'en mesurent pas moins que, nonobstant leurs efforts pour la mise à
disposition des équipements, l'attribution de subventions et l'apport d'un
soutien logistique souvent important, la richesse essentielle du mouvement
sportif réside dans le travail de plus d'un million de dirigeants et amateurs
bénévoles qui consacrent leur temps, leur compétence, leur enthousiasme,
souvent leur argent, à l'encadrement de notre jeunesse sportive.
Il me semble important que cette discussion budgétaire soit l'occasion, pour
la représentation nationale, de rendre un hommage particulièrement chaleureux à
toutes les femmes et à tous les hommes qui permettent de faire vivre, au jour
le jour, nos 170 000 clubs sportifs.
Ils apportent ainsi, non seulement le témoignage de leur passion pour le
sport, mais encore celui d'une citoyenneté responsable, active et exigeante.
MM. les rapporteurs ainsi que la plupart des orateurs qui m'ont précédé à
cette tribune n'ont pas manqué de souligner que le budget qui nous est soumis
est trop étriqué pour répondre pleinement aux nécessités de l'heure, dans
l'ensemble des domaines où serait attendue une intervention particulièrement
forte.
Face à cette situation qui vous est imposée par l'état de nos finances
publiques, vous avez, monsieur le ministre, sérié le urgences, et les choix que
vous avez arrêtés dans ce contexte recueillent l'approbation des sénateurs du
groupe du Rassemblement pour la République, qui vous assurent de leur entier
soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut,
ministre délégué à la jeunesse et aux sports.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, avant de vous présenter les grandes lignes
de l'action pour 1997 du ministère dont j'ai la charge, je souhaite revenir sur
l'amendement qui a été adopté par le Sénat dans la première partie du projet de
loi de finances, qui relève à 2,6 % le taux de prélèvement sur la Française des
jeux en faveur du FNDS.
Je tiens à vous exprimer ici ma satisfaction.
En effet, tout d'abord, le vote à l'unanimité de cet amendement témoigne du
soutien du Sénat à la politique qui est conduite en faveur de la jeunesse et du
sport. Je tiens à remercier M. Lesein, rapporteur pour avis de la commission
des affaires sociales et, à travers lui, bien entendu, le Sénat tout entier, de
ce soutien. Vous savez combien j'y suis sensible. C'est toute la famille, la
grande famille du sport français, qui s'exprime par ma voix.
Ensuite, la position très ouverte adoptée par le ministre délégué au budget
sur cet amendement, dans un contexte où le Gouvernement accomplit un effort de
maîtrise des dépenses publiques sans précédent, de même que l'engagement
personnel, cet été, du Président de la République en faveur des cadres
techniques et du monde sportif - cette politique répondra à toutes les
interrogations que j'ai entendues à propos des cadres techniques - témoignent
de la réelle priorité que constitue le sport pour le Gouvernement.
Enfin, cet amendement offre au FNDS une ressource pérenne. Ainsi, les recettes
du FNDS pour 1997 peuvent être estimées à environ 915 millions de francs,
contre 820 millions de francs en 1996 ; l'augmentation de crédits est affectée
en priorité - je tiens à vous rassurer sur ce point - au sport pour tous, à
l'aide aux fédérations sportives et aux petits clubs.
Pour ce qui est des crédits budgétaires, ils s'élèvent à 2 929,10 millions de
francs dans le projet de loi de finances pour 1997, à comparer aux 2 933,19
millions de francs du projet de loi de finances de 1996, soit une variation -
cela a également été dit - de moins 0,14 %. Celle-ci est un peu plus élevée si
on établit une comparaison avec la loi de finances initiale 1996 - moins 2,7 %
- car vous aviez voté l'an dernier comme les années précédentes d'ailleurs, des
amendements spécifiques en faveur d'équipements sportifs.
Ainsi, les moyens dont disposera le ministère de la jeunesse et des sports -
crédits budgétaires et comptes spéciaux du Trésor - passent de 3,777 milliards
de francs dans la loi de finances de 1996 à 3,869 milliards de francs dans le
projet de loi de finances pour 1997, soit une augmentation de près de 100
millions de francs.
Cette augmentation de crédits, qui intervient, vous le savez, dans un contexte
budgétaire difficile, constitue à mon sens un signal tout à fait positif : j'ai
la certitude que nous disposerons, avant la fin de ce septennat, des moyens
budgétaires nécessaires pour généraliser à l'ensemble du territoire la réforme
des rythmes scolaires, ou pour exploiter pleinement les gisements d'emplois qui
existent dans le domaine du sport et en particulier dans les petits clubs. Bien
entendu, je ne saurais oublier les priorités en matière de jeunesse ou de sport
de haut niveau.
Ainsi, les moyens d'intervention du ministère, inscrits au titre IV, sont
préservés ; ils représentent 1 096,75 millions de francs en projet de loi de
finances pour 1997, contre 1 101,3 millions de francs inscrits dans le projet
de loi de finances pour 1996.
J'en profite pour vous confirmer que l'exécution du budget de 1996 a permis,
grâce à l'ouverture ces derniers jours de près de 90 millions de francs de
crédits gelés, de financer l'ensemble des engagements qui avaient été pris
cette année : les rythmes scolaires, le plan sport-emploi, le Stade de France,
y compris la dépollution, le fonds de coopération de la jeunesse et de
l'éducation populaire - le FONJEP - et, surtout, la quasi-intégralité des
conventions d'objectifs avec les fédérations sportives, ainsi qu'une provision
de 8 millions de francs pour apurer le déficit du Comité d'organisation des
jeux Olympiques, le COJO, d'Albertville qui, vous le constatez, n'est pas
oublié.
Pour utiliser au mieux ces moyens, j'ai souhaité organiser le budget de 1997
autour de quatre priorités claires : l'aménagement des rythmes scolaires, le
plan sport-emploi, le sport de haut niveau, et une politique qui se veut
ambitieuse pour la jeunesse.
J'ai également souhaité faire un important effort de déconcentration des
crédits - plus 20 % - pour que les décisions se prennent au plus près du
terrain, mais sans modifier l'organisation des directions départementales de la
jeunesse et des sports, ce qui, je crois, répond à une question posée sur ce
sujet par M. Hoeffel et certains de ses collègues. J'indique d'ailleurs que,
lorsque l'on évoque la réforme de l'Etat et les services déconcentrés à la
charge de mon ministère, il s'agit plus - c'est normal - d'interrogations que
d'inquiétudes.
J'en reviens maintenant à la réforme des rythmes scolaires.
Les objectifs de cette réforme - vous les connaissez, car je me suis à
plusieurs reprises exprimé sur ce point - sont de mieux prendre en compte les
rythmes biologiques des enfants, de donner plus de place aux activités
sportives, artistiques et culturelles, de faire découvrir à tous les enfants, y
compris et surtout aux plus démunis, la richesse du monde associatif et des
clubs sportifs, et de concourir ainsi à un meilleur épanouissement de notre
jeunesse.
Ce sont plus de 113 000 enfants répartis dans 170 sites pilotes, soit quelque
800 écoles, qui ont pu bénéficier dès le mois de septembre dernier de périodes
sans cartable.
L'évaluation sera la priorité pour l'année à venir, et elle partira du
terrain, du vécu : j'ai ainsi demandé que chaque site pilote mette en place, à
cet effet, un comité local de suivi et d'évaluation, et j'ai dégagé les crédits
d'étude nécessaires pour que ces comités puissent fonctionner efficacement. Je
sais, par exemple, monsieur Sérusclat, qu'un tel comité est en place à
Saint-Fons, site historique de l'aménagement des rythmes scolaires.
Au niveau national, j'ai mis en place un comité d'évaluation composé d'élus,
de fonctionnaires et de personnalités qualifiées, présidé par votre collègue M.
Delevoye, qui est également président de l'Association des maires de France.
L'évaluation portera bien évidemment non seulement sur les aspects éducatifs,
mais également sur les coûts et sur les qualifications des animateurs, en vue
de préparer au mieux ce que chacun souhaite, semble-t-il, de plus en plus
ardemment, à savoir une généralisation de la réforme.
A plus court terme, je souhaite qu'à la rentrée scolaire de 1997 plus de 200
000 enfants puissent bénéficier de ces nouveaux rythmes. Le projet de budget
pour 1997 prévoit une mesure nouvelle de 40 millions de francs en ce sens.
Les nouvelles écoles concernées seront prioritairement choisies, toujours sur
la base du volontariat, dans deux départements pilotes, la Marne et les
Hautes-Alpes, auxquels il faut ajouter, pour le département des
Bouches-du-Rhône, l'agglomération marseillaise, dans les sites pilotes
existants qui souhaiteront étendre l'expérience, dans les zones franches et
aussi dans d'autres communes volontaires, en particulier celles qui sont déjà
impliquées depuis longtemps dans les dispositifs ARVEJ existants, c'est-à-dire
les dispositifs d'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune, et
qui veulent évoluer vers des aménagements plus significatifs de la journée.
Dans les trois départements pilotes que je viens de citer, je me suis fixé
l'objectif d'une généralisation des nouveaux rythmes sur les trois ans à venir,
et ce - je réponds là aux interrogations de MM. Sérusclat, Lesein, Egu et bien
d'autres - en liaison constante avec François Bayrou, puisque tant les deux
ministres que les services des deux ministères travaillent en étroite
collaboration sur ce dossier prioritaire.
J'ai également évoqué à plusieurs reprises la nécessité de développer la
dimension économique de l'activité sportive.
Je dirai quelques mots sur le plan sport-emploi, dont je vous avais annoncé le
lancement voilà un an. Aujourd'hui, l'objectif de 3 000 créations d'emplois en
1996 est tenu ! Je crois objectivement que, dans la conjoncture actuelle, c'est
là une réelle satisfaction, qui s'ajoute à celle qui est ressentie devant les
performances de nos athlètes, quels qu'ils soient : en effet, cette année, les
jeux Olympiques n'ont pas été la seule occasion de voir nos athlètes briller,
et nombre d'orateurs ont évoqué la Coupe Davis, dont nous avons vécu l'épilogue
dimanche.
Il est important de conserver et de promouvoir cette image d'excellence donnée
par les deux aspects du sport français : le sport de haut niveau victorieux et
le sport pour tous, créateur d'emplois.
J'ai choisi, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, de
m'appuyer pour cela sur les élus et sur les clubs sportifs, en un mot sur le
dynamisme du terrain, et de proposer un dispositif qui a le mérite de la
simplicité : il offre à tout club sportif qui recrute un animateur un
allégement de coûts de 50 000 francs dégressif sur trois ans ; je pense en
effet qu'au bout de trois ans une demande solvable se sera constituée.
Si tel n'est pas le cas - je tiens à rassurer en particulier MM. Masseret et
Lesein sur ce point - je ne laisserai pas tomber les clubs qui auront embauché
: nous étudierons alors les dispositions qui s'imposent.
Pour 1997, je place à nouveau la barre assez haut, en fixant un objectif de
doublement du nombre d'emplois créés. Fin 1997, 6 000 emplois sportifs auront
donc été créés, au total, en deux ans. Nous aurons ainsi enclenché un processus
de création d'emplois dont on peut escompter qu'il sera continu.
A cet effet, je consacrerai, en 1997, 100 millions de francs au plan
sport-emploi : 50 millions de francs sur le FNDS - part régionale - et 50
millions de francs sur le titre IV.
Le chèque sport-emploi, qui peut être assimilé au chèque sport, fonctionne
déjà dans deux départements : la Gironde et la Manche. Je me suis rendu dans la
Manche la semaine dernière. Ce dispositif, qui fonctionne très bien, sera
généralisé dans les prochains mois, et je réponds ainsi à M. Ostermann, qui
s'était interrogé à cet égard.
S'agissant du sport de haut niveau, vous avez évoqué la Coupe Davis et les
jeux Olympiques d'Atlanta, mesdames, messieurs les sénateurs. Cap maintenant
notamment sur Nagano et la Coupe du monde de football !
Je souhaite naturellement tirer les conclusions des jeux Olympiques d'Atlanta
pour préparer la France dans les meilleures conditions aux prochaines
compétitions sportives. A court terme, l'enjeu est bien la Coupe du monde de
football qui, en 1998, constituera pour le monde entier la vitrine de la
France.
Il faut absolument que tout soit fait pour que cette vitrine sportive,
économique, culturelle, sociale soit exemplaire.
L'avancement des travaux du Stade de France est conforme au calendrier
prévisionnel.
En 1997, le FNDS ne sera pas mis à contribution pour le Stade de France, qui
fera l'objet d'un financement global de 263 millions de francs sur le titre IV.
Le ministère de la jeunesse et des sports aura contribué sur les crédits
ouverts en 1996 au financement du Stade de France à hauteur de 242 millions de
francs, dont 58 millions de francs pour la dépollution.
Par ailleurs, un montant de 78,5 millions de francs, comparable à celui de
1996, sera inscrit au FNDS en 1997 pour les travaux de rénovation des stades de
province retenus pour la Coupe du monde, comme cela avait été convenu de longue
date.
J'ai entendu des interrogations quant au club résident du Stade de France :
un, voire deux clubs seront résidents au Stade de France, en fonction de la
qualité des résultats.
J'ai aussi entendu affirmer
ex abrupto
que le PSG n'irait pas jouer au
Stade de France. J'ai le droit de m'interroger. Nous jugerons un peu plus tard.
Actuellement, je ne peux pas vous dire que le PSG jouera au Stade de France ;
mais nul n'est autorisé à dire que le PSG n'ira pas jouer au Stade de France !
L'interrogation est dans l'air ; la réponse appartient à la fois aux dirigeants
du PSG et aux élus parisiens, mais personne ne s'est prononcé
définitivement.
MM. Bernard Plasait, François Trucy et Gérard César.
Très bien !
M. Guy Drut,
ministre délégué.
Enfin, on a évoqué le fait que les crédits du ministère
de la jeunesse et des sports participent au réglement de la facture : 242
millions de francs l'an dernier et 263 millions de francs cette année. Que le
stade soit implanté à Saint-Denis ou en Seine-et-Marne, il aurait de toute
façon fallu le payer ! Je vous rappelle également que la contribution publique
s'élève à 47 % du montant global, et que cet équipement était nécessaire. Par
conséquent, je ne suis personnellement pas du tout choqué que le ministère de
la jeunesse et des sports soit mis à contribution, car, de toute façon, qu'on
le veuille ou non, il aurait fallu que cet équipement nécessaire à tous les
sportifs français soit financé par de l'argent public.
A titre d'exemple, je rappellerai simplement, s'agissant de dépenses
somptuaires, que la Grande Bibliothèque de France, qui était également
nécessaire, mais sur le coût de fonctionnement de laquelle des études plus
précises auraient peut-être pu être réalisées, coûtera 1,2 milliard de francs
par an. Cela fait un stade par an !
M. Franck Sérusclat.
Mais c'est pour longtemps ! Elle sera utilisée pendant des années !
M. Guy Drut,
ministre délégué.
C'est une comparaison ! A certains moments, des choses
doivent êtres dites.
On ne peut pas affirmer sans arrêt, d'un côté, qu'il faut équiper la France en
matière sportive et, de l'autre, que ce n'est pas pareil ! Ce n'est jamais
pareil quand cela ennuie certaines personnes !
M. Franck Sérusclat.
Ce n'est pas une bonne comparaison !
M. Guy Drut,
ministre délégué.
C'est comme cela, et je crois important de préciser de
temps en temps certaines choses !
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Et je ne parlerai pas de l'Opéra Bastille, qui était à l'origine un opéra
populaire, mais qui est devenu aujourd'hui un repaire mondain comme jamais on
n'en a vu. Des places populaires à 1 000 francs le fauteuil, excusez-moi ! Mais
il n'existe pas beaucoup de jeunes qui peuvent se les offrir !
Pour 1997, le montant des conventions d'objectifs avec les fédérations
sportives sera stabilisé à 450 millions de francs, entièrement financés sur le
FNDS.
Le montant des crédits accordés à chaque fédération sera largement fonction
des résultats obtenus, dans le haut niveau bien sûr, mais aussi à tous les
niveaux de pratique. Cette mesure répond au souci et à l'interrogation de
nombre d'entre vous, particulièrement de M. Masseret, votre rapporteur
général.
L'augmentation du FNDS que vous avez obtenue fait qu'en pratique je
disposerai, en 1997 de 50 à 60 millions de francs de plus qu'en 1996 pour les
actions en faveur du sport pour tous.
Par ailleurs, dès 1998, le Stade de France sera achevé et les 263 millions de
francs consacrés en 1997 à cet équipement seront, pour répondre à une question
unanime, affectés prioritairement à la pratique sportive au sein des petits
clubs et des écoles.
En 1997, je ferai un effort tout particulier pour aider les collectivités
locales à financer des équipements sportifs. En effet, si, en 1996, j'ai dû
apurer les dettes accumulées depuis des années, je serai en mesure l'an
prochain de financer sur le FNDS - c'est d'ailleurs, vous le savez, sa vocation
- trois fois plus de projets nouveaux qu'en 1996. Voilà qui répond, et une fois
encore, si besoin en était, à l'interrogation et au souci de la quasi-totalité
des intervenants.
Je ne verrai que des avantages à étudier, comme le propose M. Demilly, l'aide
que nous pouvons apporter, dans ce cadre, à la construction non seulement de
piscines mais aussi d'équipements sportifs permettant aux enfants, aux jeunes
et aux moins jeunes de faire du sport.
Il faut que les uns et les autres nous ayons la volonté de trouver un moyen
pour aider les communes et les collectivités locales à passer outre ce que l'un
de vos collègues a appelé la « diarrhée normative » de certaines fédérations et
de certains dirigeants, tout simplement pour mettre à la disposition des
utilisateurs un outil qui soit fonctionnel avant d'être luxueux.
Pour ce qui concerne le CREPS d'Antibes, monsieur Balarello, le ministère de
la jeunesse et des sports n'a nulle intention de le fermer ou de le vendre.
Nous sommes simplement contraints, en raison des suppressions d'emplois prévues
par le projet de loi de finances pour 1997, d'envisager un nouveau mode de
gestion pour le site. Ainsi, l'association « Education nationale, jeunesse,
sports et loisirs » - qui n'est pas un organisme commercial privé, qui ne vend
pas des vacances mais qui gère des centres divers dans les Alpes, notamment à
Tignes et à Chamonix - a posé sa candidature. Si d'autres propositions sont
présentées, notamment par les collectivités locales concernées, je les
examinerai. Au demeurant, monsieur Balarello, vous avez parlé tout à l'heure du
maire d'Antibes, M. Leonetti. Je le reçois la semaine prochaine et je suis tout
à fait disponible pour rencontrer celles et ceux qui le souhaitent afin
d'étudier toutes les solutions possibles.
Par ailleurs, en concertation avec tous les intéressés, j'ai entrepris un
projet de révision de la loi de 1984 et je vous le présenterai, bien entendu,
dès que possible.
Ce projet visera à adapter le sport à son nouvel environnement. Il comportera,
par exemple, des dispositions relatives au statut et à la fiscalité des
athlètes, au financement des clubs sportifs par les collectivités locales.
Voilà qui, je l'espère, répondra à vos demandes, et en particulier aux
questions posées par votre rapporteur spécial.
Un autre sujet dont l'examen est souhaité par de très nombreux parlementaires
est la baisse de la TVA sur les activités sportives. Vous savez comme moi qu'il
s'agit d'un sujet sensible du fait de ses conséquences possibles sur le budget
de l'Etat ainsi que de ses implications communautaires, puisque ce domaine est
régi par la directive sur l'harmonisation européenne des taux de TVA.
Enfin, le ministère de la jeunesse et des sports soutiendra activement en
1997, M. Renar le sait bien, la candidature de Lille pour l'organisation des
jeux Olympiques de 2004. Je dois, à ce sujet, rencontrer à deux reprises dans
les jours qui viennent le président Samaranch, d'abord à Paris, ensuite à
Lausanne, avec mon collègue du CIO Jean-Claude Killy. Il va sans dire que Lille
sera le point essentiel de notre rendez-vous, mais nous discuterons - je
voudrais à ce sujet rassurer M. Plasait - de la place et de l'arrivée de telle
ou telle discipline sportive dans le concert olympique.
Passons, si vous le voulez bien, à la politique de la jeunesse.
Mme Luc a rappelé hier ma volonté de faire le pari de la jeunesse. Il faut en
effet que la France fasse le pari de sa jeunesse. Je suis soucieux, à cet
égard, de mener une politique ambitieuse en faveur des nouvelles générations
pour que l'année 1997 leur soit réellement destinée.
Tout d'abord, je poursuivrai l'effort en faveur de la vie associative, qui
constitue un atout essentiel pour la vitalité et la cohésion sociale du
pays.
Ainsi, le nombre de postes FONJEP sera maintenu, monsieur Madrelle, mais je
souhaite que ceux-ci soient en priorité affectés à des jeunes responsables
associatifs, et que s'instaure une réelle mobilité. En effet, on a trop eu
tendance, jusqu'à présent, à considérer les postes FONJEP comme des rentes de
situation. Or, un tel poste, cela se mérite !
M. François Lesein,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
C'est
vrai !
M. Guy Drut,
ministre délégué.
Je vous indique à ce sujet - ce qui répondra
certainement aux inquiétudes de MM. Masseret et Lesein - que le Fonds d'action
sociale a effectivement repris à sa charge, dès 1996, le financement des 500
postes « jeunesse et sports » qui lui avaient été transférés. Avec ces 500
postes, le nombre total d'emplois « jeunesse et sports » s'élève à 3 253.
De même, les crédits du FNDVA, le Fonds national de développement de la vie
associative, devront aider en priorité les jeunes bénévoles qui acceptent de
prendre et d'assumer des responsabilités associatives. Ils ne devront en aucun
cas servir, je le confirme notamment à M. Egu, à ne financer que des études.
A ce propos, plusieurs orateurs m'ont interrogé sur le doublement des crédits
du FNDVA. Ce sujet sera examiné au sein d'un groupe de travail avec les
partenaires associatifs et le ministère du budget, mais, en tout état de cause,
il n'y aura aucun redéploiement des crédits au détriment de ceux qui sont
actuellement consacrés à l'aménagement des rythmes scolaires ou au sport.
Pour ce qui est l'OFAJ, le vote l'an dernier d'un amendement parlementaire lui
affectant 1 million de francs de crédits a permis, malgré les régulations
budgétaires intervenues en cours d'année, de ne réduire que de 5 %, et non de
10 % comme il était prévu initialement, la contribution française à cet
organisme. J'en remercie le Sénat et, en particulier, M. Hoeffel.
Les baisses de crédits ont été, comme ce sera d'ailleurs le cas en 1997,
largement compensées par l'affectation de nouveaux crédits européens à l'OFAJ
au titre du Fonds social européen. Il ne me paraît pas choquant que l'Europe
favorise, sur ce sujet, l'axe Paris-Bonn.
Par ailleurs, je poursuivrai les actions interministérielles engagées en 1996
en matière de prévention et de lutte contre toutes les formes d'exclusion. Dans
ce domaine, vous le savez, il faut être présent sur tous les fronts.
Je donnerai, bien entendu, une priorité à la prévention et à l'information sur
le danger représenté par les sectes, dans la continuité, d'ailleurs, de
l'action que j'ai engagée il y a quelques semaines.
Mais, au-delà de la prévention, je souhaite mener en 1997 une politique de la
jeunesse suffisamment audacieuse pour que l'espoir remplace la sinistrose.
Susciter les initiatives, informer, conseiller, orienter et, au total, donner
à chaque jeune les moyens de forger son propre avenir, telles seront mes
priorités.
Voilà, je crois, une ambition à la mesure des problèmes : il s'agit de
remplacer, en quelque sorte, l'assistanat par l'initiative. Et, croyez-moi,
faire confiance, soutenir les initiatives, « ça marche » ! Je le constate
régulièrement lors de mes déplacements partout en France.
Cette politique sera concrétisée dès cette année par une action forte en
faveur des initiatives des jeunes.
Une structure nouvelle, club ou fondation, soutiendra, dans la continuité du
dispositif « défi jeunes », qui a prouvé son efficacité, toutes les
initiatives, à condition, bien entendu, qu'elles soient d'intérêt général.
Cette structure bénéficiera dès 1997, dans le cadre du dispositif « défi
jeunes », d'au moins 20 millions de francs et devra monter en puissance sur une
période de cinq années.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ma volonté est forte ; je
veux que, le plus vite possible, l'action de l'Etat en faveur de l'emploi des
jeunes repose beaucoup moins sur l'assistanat et beaucoup plus sur
l'encouragement des initiatives, qu'elles soient économiques, sociales,
culturelles ou, pourquoi pas, sportives.
Cela suppose une modification profonde, non seulement de l'intervention des
pouvoirs publics, mais aussi des mentalités.
Je remarque en effet que la France a de tout temps été à l'origine des grands
mouvements d'idées, des révolutions sociales, des mouvements culturels et des
innovations technologiques et scientifiques. Or qui a toujours été à la base de
ces innovations ? Les jeunes générations, bien sûr !
La jeunesse française doit aujourd'hui être capable de continuer à faire
rayonner sa propre culture, ses propres créations, ses propres idéaux partout
dans le monde.
C'est pourquoi j'ai proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, que, dès
1997, le 20 mars, premier jour du printemps, soit, à Paris et dans toutes les
régions de France, la journée des initiatives des jeunes.
Ce jour-là, des expositions, des forums permettront de faire connaître ce dont
notre jeunesse est capable. C'est pourquoi je vous invite dès à présent à
mobiliser tous ces jeunes pour qu'ils présentent, à cette occasion, les projets
qu'ils imaginent, qu'ils souhaitent réaliser.
Je sais - M. Ostermann en a témoigné - que très nombreux seront les jeunes
qui, le 20 mars, iront à ce rendez-vous, que l'on pourrait qualifier de «
rendez-vous de l'avenir ». Dans le même ordre d'idées, j'ai décidé de financer,
en 1997, des contrats d'animation rurale, contrats que vous avez été nombreux à
évoquer. Ces contrats permettront aux jeunes des zones rurales, que l'on oublie
un peu trop souvent, de mettre en place de véritables activités susceptibles de
redonner à leur commune, à leur pays, la vitalité et l'animation qui, trop
souvent - vous l'avez signalé les uns et les autres, notamment M. Demilly -
leur font défaut. Je rappelle, à cet égard, que la jeunesse rurale représente
25 % de la jeunesse française.
Je souhaite, avant tout, donner à chacun la possibilité d'exprimer la richesse
et la diversité de ses centres d'intérêt, hors de tout carcan administratif ou
réglementaire. Un peu d'air ! Place à l'initiative !
Les jeunes pourront ainsi proposer la création d'un club de théâtre, d'une «
junior entreprise », d'un local à leur usage, d'un mur d'escalade ou de toute
autre animation.
Ces contrats s'adressent très largement aux communes des zones de
revitalisation rurale qui se regroupent en communautés de communes. Vous le
savez mieux que d'autres, la France pour tous, c'est aussi la France des
campagnes. Comme je le dis régulièrement, si la ville a un visage, la campagne
à une âme, dont il faut savoir se préoccuper.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'année 1997 sera, plus
encore que 1996, une année riche en projets. Je me suis donné les moyens
techniques et financiers de les mener à bien, pour que, en accompagnement du
sport français, ce soit toute la jeunesse française qui montre qu'elle sait
gagner.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports et figurant aux état B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 12 833 164 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute
politique ambitieuse de développement des pratiques sportives passe par une
revalorisation significative de l'éducation physique à l'école. Or, force est
de constater que l'EPS reste inexorablement le parent pauvre de l'éducation
nationale. La réduction des heures consacrées à l'éducation physique
s'accompagne en effet, d'une aggravation brutale des conditions de travail des
enseignants en EPS.
Vous connaissez bien, monsieur le ministre, le Nord-Pas-de-Calais, région
sportive, région la plus jeune de France, qui déploie les efforts les plus
grands pour accueillir les jeux Olympiques en 2004 ; je vous remercie
d'ailleurs, au passage, de votre soutien sans faille à notre candidature.
Cette particularité du Nord-Pas-de-Calais pourrait laisser croire en
l'existence de moyens significatifs et proportionnels en matière d'EPS. Il n'en
est rien, bien au contraire ; d'année en année, la situation s'aggrave.
Ainsi, lors de la dernière rentrée scolaire, un tiers des maîtres auxiliaires
employés pendant l'année 1995-1996 étaient réduits au chômage. Les affectations
sur plusieurs établissements de titulaires académiques se multiplient. Les
heures supplémentaires se développent, au détriment de l'emploi de nouveaux
enseignants.
Comment ne pas couvrir les besoins existants et comment, dès lors, exercer son
métier correctement ?
Des enseignants de l'académie de Lille ont très concrètement estimé les
besoins en postes pour la rentrée de 1997. La mise en oeuvre des seules
dispositions inscrites, par exemple, dans le nouveau contrat pour l'école
nécessiterait la création de 152 postes : 94 pour le Nord, 58 pour le
Pas-de-Calais. Et ce n'est qu'un minimum !
Offrir à chaque élève, tout au long de son année scolaire, une pratique
sportive digne de ce nom nécessiterait la création de 452 postes, en
comprenant, bien évidemment, la nécessaire revalorisation du métier
d'enseignant sportif.
Je suis, monsieur le ministre, un combattant acharné de la culture, qui est, à
mes yeux, non pas un supplément d'âme, mais l'épanouissement de toutes les
capacités humaines, incluant donc le sport.
Je revendique pour tous le droit à la culture de l'esprit et à la culture du
corps. Il m'arrive souvent de citer cette phrase d'André Malraux : « Les
jeunes, les enfants, là est la clé du trésor. ».
Il est du devoir d'une société moderne et soucieuse de son avenir d'offrir à
ses enfants la culture de l'âme et du corps. Il faut donc y consacrer les
moyens nécessaires.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Nous venons de vous écouter avec attention, monsieur le ministre. Nous avons
notamment pris acte de votre assurance que le Fonds national de développement
du sport ne sera pas mis à contribution pour la construction du Stade de
France, cette magnifique mais coûteuse réalisation qui sera le principal
théâtre de la Coupe du monde de football de 1998, dont vous contrôlez
l'organisation et qui sera, nous l'espérons tous, un très grand succès.
Les rapporteurs, MM. Lesein et Masseret, nous ont présenté le budget de la
jeunesse et des sports ; eux et d'autres ont mis en évidence certaines de ses
limites et de ses insuffisances.
Mais ce n'est pas cette année que nous allons vous créer des difficultés,
monsieur le ministre. Les splendides résultats obtenus par nos athlètes aux
jeux Olympiques d'Atlanta, le succès incroyable de nos joueurs à Malmö, en
coupe Davis, après des rencontres homériques dimanche dernier, montrent qu'une
nouvelle volonté souffle sur le sport de haut niveau en France.
Le succès de Marie-José Pérec et de bien d'autres a été, à n'en pas douter,
inspirés en partie par celui qui a su gagner une si belle médaille d'or aux
jeux Olympiques de Montréal, en 1976.
Les moments exaltants que nous avons vécus nous ont donné beaucoup de fierté
et de joie. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons les
crédits que vous nous demandez pour la jeunesse et les sports dans le projet de
loi de finances pour 1997.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
8 241 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 35 600 000 francs ;
« Crédits de paiement : 17 800 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 22 747 000 francs ;
« Crédits de paiement : 22 747 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. Guy Drut,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut,
ministre délégué.
Je souhaite, d'un mot, à remercier sincèrement les
membres de la Haute Assemblée mais également les services pour leur
participation toujours plus active à l'étude et à la discussion des crédits
dont disposera mon ministère. Ces crédits, vous le savez, seront utilisés à bon
escient.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean Renar
applaudit également.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la
jeunesse et les sports.
En attendant l'arrivée de M. le ministre, il y a lieu de suspendre la séance
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures
quarante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté
par l'Assemblée nationale.
Défense
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de la défense.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses
en capital.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, ayant le privilège d'ouvrir, en tant que rapporteur spécial, ce
débat budgétaire nouvelle façon, j'aurai le souci de ne pas en abuser. Je
limiterai donc mon propos à quelques constatations et questions. Mon rapport
écrit vous apporte d'ailleurs chiffres, précisions et compléments que, sur
cette matière vaste et complexe, vous êtes en droit d'attendre, mes chers
collègues.
Je m'en tiendrai aussi à des considérations strictement financières puisque ce
débat est le quatrième que nous aurons tenu cette année sur des questions de
défense : débat d'orientation, débat sur la programmation, débat général, au
mois d'octobre dernier, et enfin, aujourd'hui, débat budgétaire.
Première constatation, ce budget est conforme à la loi de programmation, dont
il constitue, d'ailleurs, la première annuité. Et cette conformité n'est plus
acquise - je le souligne - par le recours à la notion de « crédits disponibles
», qui ajoutait aux crédits budgétaires les crédits de reports, les fonds de
concours, les encaisses de trésorerie des comptes de commerce. L'expérience a
montré que cette hétérogénéité des crédits compliquait considérablement la
gestion budgétaire. Elle a montré, surtout, l'inconsistance de ces ressources
considérées comme complémentaires aux crédits budgétaires. Le caractère tardif
des reports entraînait, en effet, l'impossibilité de les consommer et les
ressources sur fonds de concours étaient très souvent, pour ne pas dire
toujours, surévaluées.
C'est donc avec satisfaction que la commission des finances constate le retour
à des pratiques budgétaires plus saines.
J'ajouterai que la conformité à la loi de programmation ne porte pas seulement
sur les crédits, ceux du titre III comme ceux du titre V, elle s'étend
également aux effectifs dont l'évolution, elle aussi, est programmée.
De même, elle recouvre, en termes financiers comme en termes d'effectifs, la
réalité physique de la programmation, qu'il s'agisse des commandes ou des
livraisons de matériels.
J'en viens à mon deuxième constat. Dejà amorcé en 1996, le recul des crédits
de la défense se poursuit en 1997. Le décrochement par rapport à la précédente
programmation, et pour le seul titre V, porte sur près de 15 milliards de
francs. Mais, en réalité, la régulation budgétaire à travers les annulations et
les gels de crédits n'avait consacré en 1995 que 75 milliards de francs de
crédits d'équipement ; la somme sera vraisemblablement la même en 1996.
Pour 1997, les dotations prévues, soit 88,7 milliards de francs, marqueraient
donc, en fait, une amélioration de la situation à la condition, toutefois, je
le rappelle, que le budget voté par le Parlement soit également le budget tel
qu'il sera exécuté.
Troisième constat, hélas ! moins satisfaisant : l'écart entre le titre III et
le titre V continue de se creuser et les deux lames des ciseaux continuent de
s'ouvrir. Longtemps partagé à peu près à égalité entre les deux titres, le
budget consacre désormais, chaque année, plus de ressources au titre III qu'au
titre V : 51,4 % du budget total en 1996, 53,5 % en 1997. Le coût de la
professionnalisation des armées ne peut que renforcer cette tendance, alors que
la transformation de notre appareil de défense, par la modernisation de nos
équipements qu'elle implique, sollicitera également fortement le titre V.
Quatrième constat : le budget en projet doit assurer les premiers moyens d'une
mutation très ambitieuse, puisqu'elle devra permettre, à la fois de réussir la
professionnalisation de nos forces, la restructuration de notre outil de
défense, qu'il s'agisse des forces elles-mêmes, de leurs soutiens ou de
l'appareil industriel, la modernisation de nos équipements et la construction
d'une politique de défense européenne.
Or, mes chers collègues, ces objectifs s'inscrivent dans des cycles de durée
très différente. En effet, l'échéance de la professionnalisation de nos forces
est, au plus tard, 2002, mais sans doute l'abandon de la conscription
interviendra-t-il plus tôt. En revanche, la modernisation des équipements et la
restructuration de l'appareil de défense s'inscrivent eux, dans une perspective
nettement plus éloignée. Le redéploiement des effectifs aux effets sensibles,
visibles, ne doit cependant pas conduire à repousser la réalisation de
l'objectif plus lointain qui concerne les équipements et les programmes, que la
facilité, renonnaissons-le, pourrait pousser à retarder et à amputer.
C'est donc bien sur l'équilibre tel qu'il est programmé entre le titre III et
le titre V que repose la réussite de la réforme de grande ampleur de nos moyens
de défense. Mais, j'y insiste, la tentation sera grande de privilégier le titre
III par rapport au titre V.
Ce quadruple constat me conduit à une première question, qui porte sur la
transparence réelle du projet de budget qui nous est présenté.
Je relève, tout d'abord, le transfert, aux dépens du titre V, de un milliard
de francs de crédits du titre III portant sur l'entretien des matériels. Ce
transfert s'explique dans la mesure où le titre III se trouve grevé de charges
nouvelles, comme les frais d'affranchissement entraînés par la suppression de
la franchise militaire postale et le paiement de nouvelles cotisations
d'assurance maladie des personnels civils.
Je rappelle ensuite que l'exécution du budget de 1996 a été marquée par la
poursuite, hélas ! de pratiques pernicieuses de « régulation budgétaire ». Des
crédits ont ainsi été gelés, d'autres ont été annulés. Au printemps, une
première annulation a servi à financer une recapitalisation de GIAT-Industries,
à hauteur de 3,7 milliards de francs. La deuxième, décidée en septembre, a
encore réduit de 2,75 milliards de francs les crédits d'équipement. La
troisième, toute récente - elle date du 13 novembre - a porté sur un montant
supplémentaire de 2 milliards de francs. Ce sont donc, au total, près de 8,5
milliards de francs de crédits qui ont disparu du budget de 1996 tel que nous
l'avions voté.
Est-il besoin d'insister sur les effets néfastes de telles pratiques ? C'est
la crédibilité même de la programmation qui se trouve directement mise en
cause. Le Premier ministre lui-même, dans une circulaire du 26 juillet 1995,
avait du reste annoncé que « les modalités de la régulation budgétaire seront
revues afin de réduire les aléas qui hypothèquent une bonne gestion ». Nous
comptons vivement que cet engagement sera respecté.
Mais c'est aussi la compétitivité de notre industrie d'armement qui se trouve
menacée par l'annulation ou l'étalement des commandes. Ces pratiques
bouleversent les plans de charge, retardent les paiements, compromettent les
trésoreries. C'est ainsi que le coût unitaire des matériels s'accroît par le
raccourcissement des séries et le ralentissement de leur réalisation, en même
temps que les intérêts moratoires dus aux fournisseurs de l'Etat détournent
plusieurs centaines de millions de francs - précisément 600 millions de francs
en 1996 - de leurs affectations originelles et productives. Je le rappelle en
passant, ce montant représente l'équivalent du prix de deux Rafale !
Toutes ces perturbations dans l'exécution du budget de 1996 risquent d'avoir
des conséquences sur le budget de 1997, dont nous débattons aujourd'hui. Déjà
hypothéquée par des reports de charges, l'année 1996 verra-t-elle celles-ci
entièrement apurées ? Les annulations de crédits ne vont-elles pas maintenir
ces reports, sinon les aggraver ?
Nous souhaiterions que M. le ministre de la défense nous éclaire sur les
conditions dans lesquelles se fera cette entrée dans la nouvelle programmation.
Ainsi, quel sera le montant des reports de charges de 1996 sur 1997 ? Peut-on
attendre une exécution du budget pour 1997 qui soit conforme au vote du
Parlement ?
A cette première et fondamentale incertitude s'en ajoute une deuxième. Elle
est due au nombre et à l'importance des opérations extérieures. Mes chers
collègues, elles pèsent très lourdement sur le budget de la défense. Leur coût
pour 1996 dépassera 5 milliards de francs.
A ce sujet, je ferai une remarque : cette somme représente à elle seule le
tiers des crédits du ministère des affaires étrangères, soit une part vraiment
très importante - faut-il dire trop importante ? - des moyens que la France
consacre aujourd'hui à sa présence à l'étranger.
Une troisième imprécision pèse sur le coût exact et l'imputation des
opérations de démantèlement des installations nucléaires liées au plateau
d'Albion. J'aimerais que M. le ministre de la défense nous éclaire également
sur ce point.
Mais il ne s'agit pas seulement, mes chers collègues, de préserver le montant
des crédits, il faut encore que leur répartition entre le titre III et le titre
V soit préservée. C'est là le second motif de préoccupation de la commission
des finances.
Comment préserver l'étanchéité absolue et durable entre ces deux titres, alors
que les risques de ponctions sur le titre V au profit du titre III sont
nombreux, nous venons de le voir ?
L'expérience nous montre que, d'ores et déjà, le coût des opérations
extérieures, qui devrait concerner exclusivement le titre III, est en bonne
partie gagé par des annulations sur le titre V.
De son côté, la professionnalisation des armées va conduire à remplacer une
ressource abondante, bon marché, souvent de haut niveau, par des recrutements
beaucoup plus coûteux, car ils devront, en nombre et en qualité, répondre
exactement aux besoins des armées.
Payer les engagés au niveau du SMIC permettra-t-il d'en doubler le nombre
d'ici à l'année 2002 ?
De même, les crédits de fonctionnement, de plus en plus comprimés sous le
poids des dépenses de rémunérations, qui absorbent d'ores et déjà trois quarts
des crédits du titre III, devront donner aux nouveaux engagés des conditions de
vie et de travail convenables.
Il y a là autant de risques de dérapages difficilement contrôlables qui
peuvent compromettre dangereusement la réalisation d'objectifs majeurs en
matière d'équipements.
Ces derniers, par ailleurs, suscitent quelques autres interrogations.
Tout l'équilibre de la nouvelle programmation et, partant, des budgets
correspondants repose sur une diminution de 30 % du coût et des délais des
programmes d'armement sur les six années qu'elle couvre, soit 5 % en moyenne
par an. C'est un objectif extrêmement ambitieux. La précédente programmation,
je le rappelle, tablait sur une diminution de 2 % par an de ces coûts.
La réforme de la délégation générale pour l'armement, la DGA, et le changement
des méthodes de conduite des programmes sont, il est vrai, inspirés par le
souci de réduire ces coûts et d'obtenir de subtantiels gains de
productivité.
J'ai récapitulé dans mon rapport écrit les moyens par lesquels la DGA compte
arriver à ces résultats. Je ne ferai donc ici que deux remarques.
La première porte sur les commandes pluriannuelles, pour lesquelles les
économies escomptées seront comprises entre 5 % et 15 %.
Ces commandes supposent la restauration des autorisations de programme -
désormais, il est vrai, introduites dans la programmation - et une stricte
articulation entre les autorisations de programme et les crédits de paiement
destinés à couvrir chaque année les engagements correspondants. C'est dire
qu'elles supposent, qu'elles exigent même l'abandon des pratiques de régulation
budgétaire, de gel et d'annulation de crédits évoquées précédemment.
Ma seconde remarque est inspirée - dois-je le dire ? - par une certaine
perplexité quant à l'application réelle de directives en elles-mêmes
excellentes. Ma participation aux travaux du comité des prix de revient des
fabrications d'armement m'a montré que les judicieuses instructions sur la
conduite des programmes d'armement n'étaient pas toujours - ni même très
souvent - suivies, au moins dans leur intégralité, et que des méthodes pourtant
éprouvées telles l'analyse de la valeur ou la recherche du coût de possession
n'étaient guère utilisées.
J'aimerais connaître les mesures que M. le ministre de la défense a envisagées
pour garantir le « passage à l'acte ».
J'en viens maintenant à un autre volet essentiel de la réforme que le
Gouvernement entreprend : la restructuration de nos industries d'armement.
Cette restructuration, nous l'avons entreprise plus tardivement que nos
partenaires, qui sont aussi, dans ce domaine, nos concurrents. Elle intervient
à un moment difficile. En effet, l'activité et l'emploi déclinent, comme
déclinent les budgets, et les ventes sur les marchés extérieurs se dégradent,
sous l'effet, notamment, de l'agressivité des Etats-Unis et du dumping de la
Russie.
Sans doute faut-il y regarder de plus près. Pour certaines entreprises,
Aérospatiale, Dassault, le marché civil peut compenser, dans une certaine
mesure, le déclin des commandes militaires. Pour d'autres, je pense plus
particulièrement à GIAT-Industries, la situation est franchement préoccupante.
Elle soulève deux questions.
Une première recapitalisation s'est faite cette année moyennant un prélèvement
de 3,7 milliards de francs sur le titre V, je le rappelais tout à l'heure.
Cette recapitalisation est, malheureusement, insuffisante. J'aimerais que M. le
ministre de la défense puisse nous garantir qu'à l'avenir, comme le prévoit
l'amendement introduit dans la loi de programmation, les sommes nécessaires à
la recapitalisation de GIAT et, plus généralement, à celle des entreprises
publiques, ne seront pas prélevées sur l'enveloppe allouée à la défense.
Ma seconde question concerne toujours GIAT-Industries. On parle de difficultés
techniques, et parfois de difficultés sérieuses, dans la mise au point du char
Leclerc. Ces difficultés obligent à une maintenance très coûteuse des chars
déjà livrés, tandis que les chars commandés sont encore fabriqués selon des
standards qui ne seraient toujours pas stabilisés. J'aimerais, là encore, que
M. le ministre de la défense nous précise ce qu'il en est de la maîtrise
technique de ce programme majeur tant pour l'entreprise que pour l'armée de
terre.
Enfin, j'aborderai deux autres sujets, d'une portée plus générale.
La restructuration nécessaire, et courageuse, que vous entreprenez intervient
à un moment difficile, à un moment de stagnation, sinon de récession. Or, un
facteur essentiel de notre dynamisme industriel en matière d'armement réside
dans le niveau des études et des recherches.
Notre pays a accédé dans ce domaine à un niveau technologique qui le situe
sans doute à la première place en Europe. Or nos principaux concurrents, tout
en réduisant leurs budgets, maintiennent leurs crédits budgétaires en matière
de recherche.
Ces dernières années, les Etats-Unis ont fait passer la part des « recherches
et développement » dans leur budget d'équipement militaire de 30 % à 40 %,
l'Allemagne de 15 % à 20 %, la Grande-Bretagne dans les mêmes proportions. Tel
n'est malheureusement pas le cas chez nous. En effet, les crédits de recherche
régressent depuis plusieurs années, et les crédits inscrits au titre de
l'agrégat « recherches-développements, études » sont passés, en francs
courants, de 30 milliards de francs en 1991 à 25 milliards de francs en 1996,
et ne seront plus que de 22 milliards de francs en 1997.
Il y a là un risque certain de perte de compétitivité.
J'aimerais, là encore, que M. le ministre puisse nous rassurer sur ce
point.
Le temps me manque pour en dire plus, mais je voudrais évoquer, enfin, les
restrictions financières actuelles : elles nous obligent à faire preuve
d'imagination, notamment dans le domaine budgétaire. Ainsi, qu'en est-il des
modalités de financement originales et novatrices dont on parle à propos de la
première série de Rafale, et surtout de l'avion de transport futur, l'ATF ?
Enfin, notre industrie d'armement ne peut plus se développer aujourd'hui sans
une coopération européenne : l'avion de transport futur, par exemple, est
l'affaire de huit pays européens. Nous ne pourrons, en effet, trouver de
conditions comparables à celles dont bénéficie l'industrie américaine que dans
l'espace européen. La part des programmes mis en oeuvre en coopération est
passée de 16 % en 1996 à 34 % aujourd'hui. Cela constitue, je le souligne, une
orientation excellente.
La coopération industrielle devra d'ailleurs marcher du même pas que la
coopération militaire.
Dans les deux cas, l'Allemagne est l'un de nos partenaires privilégiés. Ainsi,
dans le domaine militaire, ce partenariat se poursuit, en dépit, semble-t-il,
de divergences à forte coloration budgétaire entre le chancellier Kohl et son
ministre des armées. Malheureusement, il ne semble pas progresser de la même
façon dans le domaine industriel. Je pense notamment ici à l'Aérospatiale et à
DASA, qui contrôlent un domaine clef, celui de l'espace.
J'espère que M. le ministre pourra nous en dire plus sur ce point.
J'ajouterai un dernier mot à propos des marchés à l'exportation. Les chiffres
nous inquiètent, mes chers collègues, car notre position se dégrade, alors que
celle des Etats-Unis, pour des raisons bien connues, tenant notamment au cours
du dollar, ne cesse de s'améliorer : leur part dans les exportations mondiales
d'armement est en effet passée de 15 % en 1983 à 56 % aujourd'hui.
J'aimerais que M. le ministre nous apporte quelques lumières sur la nouvelle
stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour rattraper notre retard.
En conclusion, j'aurais aimé dire à M. le ministre, si j'avais eu l'honneur de
le rencontrer ce matin, mais je pense que j'en aurai l'occasion tout à
l'heure...
M. Roger Romani,
ministre des relations avec le Parlement.
Il ne va pas tarder !
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
... que nous affrontons un problème difficile. En
effet, la nouvelle programmation repose sur une construction financière
extrêmement tendue, et le projet de budget dont nous débattons en constitue la
première pierre.
Nous acceptons cette rigueur financière, mais elle doit s'affranchir, je le
répète une dernière fois, de toute régulation budgétaire néfaste.
Nous ne doutons ni des intentions ni de la détermination de M. le ministre de
la défense.
Mais la voie tracée par la loi de programmation est semée d'embûches. Ne les
sous-estimons pas. L'exécution de cette loi appellera donc une extrême
vigilance.
C'est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances vous
propose, mes chers collègues, d'approuver le projet de budget pour 1997, qui
constitue, en quelque sorte, le lancement de cette grande aventure.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Mes chers collègues, je me dois de rappeler que la conférence des présidents,
dans le souci d'un bon déroulement de la discussion budgétaire, a demandé à MM.
les rapporteurs, au fond et pour avis, de limiter leurs propos, pour les
premiers, à quinze minutes, pour les seconds, à cinq minutes.
Je souhaiterais que l'on s'en tienne à ces temps de parole.
La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un
budget de la défense en régression de plus de 4 %, le titre III, lui, progresse
en francs courants et reste stable en francs constants. Il devient ainsi le
titre « majoritaire » du budget, dont il représente 53,5 %, alors que, depuis
dix ans, la proportion était inverse.
Il n'y a pas lieu de s'étonner de cette situation. Le titre III, titre du
personnel et du fonctionnement, va, en effet, être particulièrement sollicité,
puisqu'il est le « pivot » financier d'une des réformes essentielles dans
lesquelles nous engage le budget en projet : la mise sur pied d'une armée
professionnelle.
Il mérite donc une attention toute particulière.
Cette attention, le rapporteur que je suis ne la porte pas seulement aux
chiffres du budget, car j'ai également pour mission, à la demande du président
de la commission des finances, M. Poncelet, de visiter les unités. Cette tâche
d'une grande importance me conduit dans les corps de troupe, sur les bâtiments
de la flotte, dans les bases aériennes, dans les formations de la gendarmerie,
les services et les écoles, les établissements de soutien.
On tire toujours un très grand enseignement de ces visites, car rien ne
remplace le contact direct avec le personnel, de tout grade et de toute
fonction, dans son cadre de travail et de vie.
Je tiens d'ailleurs à remercier M. le ministre de la défense des facilités
qu'il a bien voulu m'accorder dans mes déplacements. A l'avenir, il faudra les
maintenir, voire les multiplier, car la réforme qui est en cours accroîtra
encore l'importance de tels déplacements.
Mon premier commentaire concerne le titre III dans son ensemble. Ses crédits
iront pour plus des trois quarts d'entre eux aux rémunérations.
On rencontre tout de suite ici une première et fondamentale interrogation : le
coût de la professionnalisation. Ce coût, en réalité, est double puisqu'il
s'agit, d'une part, d'inciter au recrutement, pour doubler le nombre des
engagés d'ici à l'an 2002, et, d'autre part, d'inciter au départ toute une
partie de l'encadrement qui sera en surnombre du fait de la réduction des
effectifs.
Ces deux mouvements, de sens inverse, doivent être accomplis sur la seule base
du volontariat. C'est dire que les incitations financières, même si elles ne
sont pas les seules motivations des hommes et des femmes, prennent une
importance particulière.
Comme M. Blin, je m'interroge : qu'en est-il de la validité de ces estimations
financières ? Sont-elles réalistes ? Seront-elles suffisamment incitatives ?
Les engagés se verront offrir le SMIC. Ce salaire minimum pourra-t-il attirer
une ressource de qualité suffisante vers un service qui est et qui restera
beaucoup plus exigeant que celui qui est requis pour la plupart des métiers
civils ? A cela s'ajoute le fait que la moitié des engagés de l'armée de terre
vient, aujourd'hui, des appelés et que va disparaître ce « vivier » de
recrutement qu'est la conscription. Il s'agira donc, en réalité, de quadrupler
le nombre des engagés initiaux.
Nous ne devons nourrir aucune illusion : il faudra rapidement envisager une
progression relativement importante de la rémunération et provisionner cette
augmentation.
Quelle sera par ailleurs la durée de la carrière offerte à ces engagés ? Quels
types de contrat seront proposés ? Des carrières longues conduisant à quinze
ans de services engendreront de lourdres charges de pensions. Mais les
carrières plus courtes ne seront attractives que si les conditions de vie et de
travail sont convenables. La compression des crédits de fonctionnement sous le
poids des rémunérations permettra-t-elle de réaliser cette amélioration ? Des
mesures efficaces permettant le retour à la vie civile seront également
nécessaires.
Tout cela doit, bien entendu, être pesé, prévu, organisé. Où en est-on du
point de vue tant de la prévision que de l'organisation ?
A côté des engagés, des volontaires doivent compléter les effectifs. Au terme
de la programmation, en 2002, 30 000 volontaires côtoieront 90 000 engagés.
Or je relève, pour la rémunération des engagés, un changement que je comprends
mal. Il était, en effet, prévu de s'inspirer, en la matière, de celle des
volontaires pour un service long, les VSL, de façon à assurer à la fois une
rémunération attrayante et une durée de service suffisante. Je lis maintenant
dans la presse qu'il est question de ne consentir aux volontaires, quel que
soit le type ou la durée de service, que 2 000 francs par mois.
M. le ministre pourra-t-il nous confirmer cette information et nous expliquer,
si elle est confirmée, la raison de ce changement ?
Il est évident, en effet, que les formes militaires du service étant plus
rigoureuses que les formes civiles, le risque existe pour les armées de ne
pouvoir recruter un volume suffisant de volontaires. D'ores et déjà, la
gendarmerie, qui est pourtant attractive, envisage une modification de la
répartition de ses effectifs telle qu'elle est prévue par la loi de
programmation, en recrutant davantage d'engagés et moins de volontaires. Faute
d'accorder une solde de volontaire pour un service long, va-t-on payer une
solde d'engagé beaucoup plus élevée ?
Les mesures d'accompagnement des restructurations seront, elles aussi, à la
fois nécessaires et coûteuses.
Le Sénat a voté il y a peu la loi relative aux mesures en faveur du personnel
militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.
Or, la majorité des 26 000 emplois qui seront supprimés en 1997 portera sur
les effectifs militaires. Le solde net des suppressions d'emplois civils ne
sera que d'un peu moins de 890.
En fait, il ne s'agit que de la première phase d'une diminution programmée sur
plusieurs années. Il importe donc qu'elle soit suivie avec attention, et ce
d'autant plus qu'elle va concentrer ses effets sur quelques sites - je pense en
particulier aux établissements du GIAT et aux arsenaux de la marine. Les délais
et les modalités de mise en oeuvre devront être soigneusement étudiés.
La marche vers l'armée professionnelle nécessitera, en outre, une amélioration
sensible des conditions de travail et de vie du personnel. Les appelés seront
vite remplacés par des engagés, plus stables et nécessairement plus sensibles
au cadre de vie qui sera le leur. Cela implique la mise aux normes des
casernements, l'accroissement des logements et l'amélioration de divers types
d'infrastructures.
La professionnalisation obligera également à veiller particulièrement à
l'adaptation et à la qualité des organismes de formation, tout comme à une
amélioration du niveau des activités et de l'entraînement.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que tout cela coûte cher. Il faut
donc absolument éviter que le poids des rémunérations n'en vienne à comprimer
tellement les crédits de fonctionnement que ceux-ci n'apparaissent plus que
comme des crédits résiduels. Le mouvement a déjà, malheureusement, été
entamé.
Or il me paraît indispensable de sauvegarder, donc de doter suffisamment, les
budgets de fonctionnement des unités dont nous avons pu mesurer l'efficacité au
cours de nos déplacements.
Le titre III est un titre à deux volets : l'un pour les rémunérations,
l'autre, non moins indispensable, pour les activités, l'entraînement et la vie
courante.
D'ores et déjà - notre collègue M. Blin l'a rappelé à l'instant - c'est
souvent le titre V qui vient au secours du titre III. Nous craignons maintenant
que les crédits d'activité du titre III ne viennent à leur tour compenser les
besoins de la « politique salariale » de la professionnalisation.
Sans doute est-il aussi possible d'alléger le coût de certaines structures et
de certaines fonctions.
Je pense, en particulier - même si cela fâche - à celles de l'administration
centrale du ministère de la défense. Il serait impensable de faire porter
l'effet de réorganisation et de resserrement des effectifs sur les seules
forces, unités et services. Les précédents n'incitent cependant guère à
l'optimisme. Lorsque les effectifs militaires ont commencé à diminuer, voilà
quelques années, on a supprimé des régiments sur le terrain, mais on a
construit un étage supplémentaire boulevard Saint-Germain ; c'était avant
l'arrivée de M. Millon.
Dans mon rapport de l'année dernière, j'avais déjà souligné l'opacité des
documents budgétaires sur l'évolution des effectifs de l'administration
centrale. Je ne constate aucune amélioration sur ce point. Or M. le Premier
ministre a prescrit à tous une diminution sensible des effectifs des
administrations centrales. Dès lors, comment le ministère va-t-il conduire
cette réduction ?
Les structures de l'administration centrale des armées datent maintenant de
plus de trois décennies. Elles n'ont cessé d'être alourdies sans que l'on
perçoive très bien la raison d'être de ces ajouts, qui marquent parfois une
véritable amputation du rôle des états-majors, dont la compétence en matière de
stratégie semble remise en cause par la création d'organismes parallèles.
Je voudrais donc que M. le ministre nous donne quelques précisions sur les
effectifs de l'administration centrale de la défense, leur évolution passée et
à venir, et sur ses projets en ce domaine.
Pour en terminer avec ces premières remarques, j'insisterai sur l'inflexion
des crédits du titre III.
Au croisement déjà ancien - aux « ciseaux » disait M. Blin à l'instant - des
courbes ascendantes du titre III et descendantes du titre V, s'ajoute, en
effet, maintenant, le croisement, encore plus préoccupant, de la courbe des
rémunérations et de celle du fonctionnement. Ces deux courbes retracent très
nettement l'une de nos préoccupations majeures au sujet du budget de la
défense.
Il reste que, parfois, l'amélioration de la condition militaire n'est pas
nécessairement coûteuse. Je propose une amélioration qui ne coûte rien, je
pense à l'allégement de cette réglementation d'un autre âge qui limite la
liberté de voyager des militaires pendant leurs permissions.
A l'âge où tous les jeunes parcourent la planète, peut-on maintenir les
restrictions sur les voyages ? Est-ce vraiment une disposition attractive pour
des candidats à l'engagement ?
Je viens de dire que l'activité des forces devait être préservée par des
crédits suffisants. Cette activité conditionne notamment notre capacité
d'engagement extérieur, qui est un axe majeur de la réforme de notre dispositif
militaire.
Or, année par année, nous menons, sous l'égide de l'ONU ou de l'OTAN, de
nombreuses opérations extérieures. Dans le rapport que j'avais fait il y a deux
ans, j'avais déjà signalé les difficultés de financement de celles-ci. Ces
difficultés vont désormais s'aggraver - elles se sont d'ailleurs déjà aggravées
- puisque les plus coûteuses d'entre elles, à savoir, par exemple, les
opérations menées dans l'ex-Yougoslavie sous les auspices de l'OTAN, ne
donneront plus lieu à ces remboursements, qui, pour tardifs et partiels qu'ils
étaient, avaient au moins le mérite d'exister. En outre, ces opérations devront
désormais être financées sous enveloppe et ne pourront plus bénéficier de
l'apport d'un « collectif ». Seules les opérations dites « extraordinaires »,
et ainsi qualifiées par décision du chef de l'Etat, pourront être couvertes par
des crédits supplémentaires.
Comme le soulignait à l'instant M. Blin, ces opérations extérieures menées
sous mandat international coûteront, en 1996, au ministère de la défense 5,5
milliards de francs, dont 3,5 milliards de francs pour l'ex-Yougoslavie.
Pouvez-vous, dans ce contexte, nous éclairer, monsieur le ministre, sur les
critères de qualification de ces opérations et sur celles qui ouvriront un
remboursement par la voie du collectif ?
S'agissant toujours de notre présence à l'extérieur, nous relevons avec
satisfaction que, en dépit de la réduction de notre implantation en Allemagne,
notre participation à la brigade franco-allemande et, à travers elle, au corps
européen est préservée. Il reste maintenant à donner sa pleine signification à
cette participation en offrant au corps européen des occasions de montrer son
aptitude à remplir ses missions, ce qui ne s'est pas encore produit en Europe
ni à l'extérieur.
En Afrique, nos forces prépositionnées jouent un rôle essentiel : elles ont
une mission de veille et un effet de stabilisation dans les pays d'accueil et
confèrent une position clé à notre pays.
Si nous pouvons souscrire aux moyens d'ores et déjà envisagés pour entretenir
au moindre coût notre dispositif outre-mer, nous ne pouvons manquer d'être
surpris par l'ampleur de la réduction du volume global de nos forces outre-mer,
qui atteindra 30 % à l'horizon 2002, ce qui est nettement supérieur à la
diminution des effectifs globaux.
Cette présence de forces prépositionnées outre-mer paraît, en effet, plus
productive que notre participation aux opérations extérieures et elle est
sensiblement moins coûteuse.
Permettez-moi de dire encore un mot des forces de souveraineté, celles qui se
trouvent dans nos départements et territoires d'outre-mer. Elles sont
essentielles pour l'appartenance de ces derniers à la République française dont
ils sont partie intégrante. La suppression de la conscription ne manquera pas
d'avoir, dans ces provinces françaises d'outre-mer, des effets très
sensibles.
La conscription y revêt, en effet, une signification encore plus forte qu'en
métropole. Elle est un lien très fort avec celle-ci. Elle permet d'envoyer en
métropole des recrues des départements et territoires d'outre-mer et d'envoyer
dans ceux-ci des recrues de la métropole, ce qui tempère une situation
d'éloignement et d'isolement. Elle contribue au brassage des communautés, à la
formation générale, à l'insertion sociale et professionnelle, plus
particulièrement à travers le service militaire adapté.
C'est dire que le passage de la conscription à l'armée professionnelle suppose
des mesures indispensables mais délicates pour éviter que les forces armées
n'apparaissent que comme une armée métropolitaine « exportée ». Qu'en est-il
sur ce point ? Qu'en est-il également de l'avenir du service militaire adapté
?
S'agissant de la gendarmerie, présente partout, nous nous devons de souligner
le maintien de l'effort à son profit : ses effectifs vont encore s'accroître
d'un millier d'hommes en 1997 pour atteindre près de 98 000 postes en 2002,
contre 57 000 pour la marine, 72 000 pour l'armée de l'air et 175 000 pour
l'armée de terre. Alors que les effectifs de la gendarmerie représentent,
aujourd'hui, le tiers de ceux de l'armée de terre, ils représenteront, en 2002,
plus de la moitié de ceux-ci.
Parallèlement, son budget s'accroît : alors que, en 1980, les dotations de la
gendarmerie représentaient 15 % des crédits du titre III, elles représenteront,
en 1997, 20 % de ces crédits.
Je tiens, par ailleurs, à rappeler les conséquences de la loi du 21 janvier
1995 relative à la sécurité. Vous savez, monsieur le ministre, que celle-ci a
suscité, au sein de la gendarmerie, des motifs d'inquiétude. Les gendarmes
craignent un confinement dans leurs missions, un déclassement indiciaire et un
amoindrissement de la fonction du fait des nouveaux grades et des nouvelles
appellations des fonctionnaires de police. Cette inquiétude doit être apaisée
soit en expliquant, dans certains cas, qu'elle n'est pas fondée, soit en y
apportant des réponses concrètes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, apporter
ces apaisements ?
La marine, en revanche, à missions pratiquement inchangées, verra ses moyens
diminuer. Il s'agit là d'un lourd défi auquel elle va se trouver confrontée.
Parmi ses moyens, si nous pouvons comprendre le désarmement du porte-avions
Clemenceau,
nous ne pouvons que nous interroger sur la perte
d'efficacité d'un « groupe aéronaval » réduit à une unité.
Un jour ou l'autre, il conviendra de se reposer le problème du second
porte-avions, qu'il soit à propulsion nucléaire ou à propulsion classique.
Plus généralement, dans le domaine de la construction navale, il est
indispensable de disposer d'un outil technique et industriel et de maintenir
les compétences, les savoir-faire, l'intégration dans l'environnement maritime
que nous trouvons actuellement réunis dans les arsenaux de la marine. C'est là
le milieu où s'allient harmonieusement les responsabilités du constructeur,
celles du réparateur et celles du mainteneur en condition opérationnelle.
Ce sont les trois armées, tout comme la gendarmerie, qui sont concernées par
l'importante question des réserves. Il ne me semble pas que l'on ait pris
jusqu'à maintenant la juste mesure de cette question. Sans doute la
programmation l'a-t-elle évoquée, mais tardivement. Dans le projet de budget,
conformément à celle-ci, les crédits consacrés aux réserves s'accroîtront de
quelques millions de francs. Mais, annoncé comme devant être présenté au
Parlement avant la fin de l'année, le projet de loi concernant les réserves ne
le sera qu'au début de l'année prochaine. Quoi qu'il en soit, le niveau
quantitatif des réservistes a été fixé à 100 000 hommes, se répartissant pour
moitié entre la gendarmerie, d'une part, et dans les trois armées, d'autre
part.
Mais si cette répartition quantitative paraît insuffisante pour les armées,
elle est peut-être excessive pour la gendarmerie. L'expérience des armées
professionnelles, notamment celles des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, a
conduit à une réserve dont les effectifs sont équivalents à ceux des effectifs
d'active. Il est clair, en tout cas, que deux scénarios du Livre blanc, celui
de la crise intérieure grave et celui de la menace extérieure majeure,
requièrent un niveau d'effectif important. Faut-il rappeler que le plan
Vigipirate mis en place en 1995 avait requis le renfort de 50 000 appelés ?
Telles sont, monsieur le ministre, les principales réflexions et les questions
que je voulais formuler. Tout cela nécessite, mais vous vous y êtes toujours
prêté, une importante information et une large concertation. Fort de cette
confiance, le rapporteur spécial pour le titre III vous propose d'adopter, mes
chers collègues, les crédits de la défense pour 1997, suivant en cela la
majorité de la commission des finances
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
de la défense relevant des services communs représentent une masse budgétaire
de 48 milliards de francs regroupant des actions relativement hétérogènes.
Ils concernent, en premier lieu, le nucléaire, domaine dans lequel tous les
choix nécessaires à l'adaptation, au cours des vingt prochaines années, de
notre force de dissuasion ont désormais été effectués.
La commission des affaires étrangères demeure néanmoins préoccupée par les
perspectives de mise en oeuvre effective du traité d'interdiction complète des
essais nucléaires, le CTBT, afin que la France, qui a démantelé son centre
d'essais, ne se retrouve pas un jour en situation d'infériorité par rapport aux
autres puissances nucléaires.
D'autre part, le renouvellement, à moyen terme, de nos armes nucléaires et le
maintien de la crédibilité de la dissuasion reposent sur la réussite des
programmes de simulation des essais. La commission des affaires étrangères
estime que, dans ce domaine plus que dans tout autre, il importera de respecter
les engagements financiers calculés au plus juste et de garantir à un niveau
suffisant les dotations de la direction des applications militaires du
Commissariat à l'énergie atomique.
La commission des affaires étrangères se réjouit, en deuxième lieu, de la
relative priorité reconnue aux programmes spatiaux militaires, qui sont
indispensables au renforcement de l'autonomie stratégique de la France et qui
ne seront pas affectés par la révision à la baisse des crédits d'équipement des
armées.
S'agissant des satellites d'observation, elle considère que la poursuite des
programmes Hélios II et Horus est impérative car elle seule permettra de
disposer d'un ensemble cohérent et complet d'observation par satellite.
L'avenir de ce programme est étroitement lié à la solidité de l'entente
franco-allemande. M. le ministre de la défense a rappelé, à plusieurs reprises,
l'existence d'un accord très ferme à ce sujet entre le Président de la
République et le Chancelier allemand.
Mais, au-delà de l'accord politique, toutes les inquiétudes ne sont pas, loin
s'en faut, dissipées, s'agissant des financements qui seront effectivement mis
en place par le budget fédéral allemand dès 1997 et de la mise en oeuvre de
cette coopération sur le plan industriel. Nous souhaiterions obtenir des
précisions sur ce point.
J'en viens maintenant au domaine du renseignement, dont l'actualité nous
rappelle cruellement la nécessité. En cette matière, les moyens humains et
financiers seront accrus en 1997.
La commission des affaires étrangères a émis, à plusieurs reprises, le souhait
de voir le Parlement mieux informé et plus impliqué dans le domaine du
renseignement. M. de Villepin le rappelle régulièrement, et mon rapport écrit
présente un certain nombre d'exemples de structures parlementaires mises en
place à cet effet dans plusieurs grands pays démocratiques amis, comme les
Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.
Il nous semble que, sur ce point, la réflexion mérite d'être poursuivie, et
nous serons très attentifs aux propositions que le secrétaire général de la
défense nationale formulera à ce sujet au Premier ministre, qui l'a saisi de
cette question.
La quatrième série d'observations de la commission concerne la réforme de la
délégation générale pour l'armement, la DGA. Nous demeurons préoccupés par la
mise en oeuvre, à partir de 1997, de la restructuration de la direction des
constructions navales, qui repose largement sur la réussite du transfert de
personnels à la marine.
La commission des affaires étrangères se réjouit, en revanche, des progrès
réalisés en matière de coopération européenne, avec l'annonce récente de la
création de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement, l'OCCAR,
regroupant l'Allemagne, la France, l'Italie et la Grande-Bretagne.
Nous souhaiterions obtenir des précisions sur le statut de cette agence,
notamment au regard de l'UEO, sur son mode de fonctionnement ainsi que sur ses
perspectives d'élargissement et, bien entendu, sur les programmes qu'elle sera
amenée à gérer.
Enfin, avant de conclure, je dois vous faire part des interrogations de
nombreux membres de la commission des affaires étrangères sur la réorganisation
du service de santé des armées. Celui-ci est actuellement très dépendant des
appelés. Quelle politique de recrutement et quelles restructurations M. le
ministre de la défense va-t-il mettre en oeuvre afin d'adapter ce service au
nouveau contexte créé par la professionnalisation ?
Telles sont les principales observations de la commission des affaires
étrangères.
Au moment où va entrer en application la loi de programmation, les dotations
budgétaires prévues pour 1997 respectent le plan de charges adopté par le
Parlement l'été dernier.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Jean Faure,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires étrangères m'a toutefois
demandé de rappeler très solennellement que les crédits votés par le Parlement
doivent être respectés. Le renouvellement des pratiques de régulation
budgétaire en cours ces dernières années et les reports de charges excessifs
d'un exercice à l'autre ne pourraient que ruiner la cohérence de la
programmation militaire établie voilà quelques mois.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a
émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la défense.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Alloncle, rapporteur pour avis.
M. Michel Alloncle,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Gendarmerie ».
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits dévolus à la
gendarmerie progresseront de 1,7 % dans le projet de loi de finances pour 1997.
Dans un contexte difficile pour nos armées, cet effort traduirait-il une sorte
d'immunité ? Je ne le crois pas.
D'une part, la priorité dont bénéficie la gendarmerie s'inscrit directement
dans les perspectives tracées par la loi de programmation. D'autre part,
l'évolution des crédits recouvre des incertitudes que ce débat, monsieur le
ministre, devrait contribuer à dissiper.
Quatre questions essentielles pour le devenir de l'arme me paraissent devoir
être abordées : l'évolution des missions, l'avenir des gendarmes auxiliaires,
la restructuration des emplois et, enfin, la modernisation des matériels.
S'agissant, d'abord, de l'évolution des missions, la loi de programmation a
assigné à la gendarmerie une place décisive dans la protection du territoire.
Il s'agit là d'une notion pour le moins extensive.
Où commencera et où s'arrêtera précisément le rôle de la gendarmerie ? L'arme
saura-t-elle faire face à ces charges accrues ? Sans doute, dès cette année,
les effectifs s'accroîtront de 765 emplois. Cette progression ne suffira sans
doute pas, et la gendarmerie ne pourra échapper à une rationalisation de ses
structures et de son activité.
J'approuve, pour ma part, le redéploiement des unités dans les zones de police
d'Etat, où la gendarmerie n'a pas vocation à assurer des missions de
sécurité.
Il importe que cette réorganisation permette de renforcer les formations
implantées dans les secteurs sensibles des banlieues, où la gendarmerie exerce
seule les missions de sécurité publique.
Cependant, ces restructurations ne doivent pas remettre en cause le maillage
territorial en zone rurale, où la présence de la gendarmerie constitue parfois
le dernier rempart contre la disparition des autres services publics.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des garanties sur ce sujet
?
J'aborderai maintenant un autre problème relatif à l'avenir des gendarmes
auxiliaires. En effet, au moment même où, aux termes de la loi de
programmation, les gendarmes auxiliaires sont appelés à représenter près de 16
% des effectifs, leur recrutement, avec la suppression de l'obligation du
service national, se présente sous des auspices incertains. En effet, la
rémunération envisagée, qui est de l'ordre de 2 000 francs par mois, ne paraît
guère incitative.
Ne faudrait-il pas, dès lors, privilégier la voie d'un engagement court de
deux ans, rémunéré dans des conditions plus avantageuses, au risque, certes, de
ne pas respecter l'objectif fixé en termes d'effectifs ? Que pensez-vous,
monsieur le ministre, de cette formule et des moyens financiers qu'elle
pourrait requérir ?
Troisième élément : la restructuration des emplois de soutien.
Cette réforme repose sur le souci légitime de redéployer sur le terrain des
gendarmes aujourd'hui affectés à des tâches administratives ou techniques, et
de faire occuper les postes ainsi libérés par des civils et des militaires
provenant des autres armées. Près de 4 500 postes sont concernés d'ici à 2002.
La gendarmerie ne risque-t-elle pas d'être privée pendant un certain délai du
savoir-faire et de l'expérience des actuels titulaires de ces postes de soutien
?
Pour prévenir cette difficulté, il importe à mes yeux de s'assurer d'une bonne
adéquation entre les besoins de la gendarmerie, d'une part, et les compétences
qui se présenteront, d'autre part, sur la base d'une vision planifiée.
Pourriez-vous nous donner des précisions, monsieur le ministre, sur les
conditions dans lesquelles se déroulera cette délicate période de transition
?
Quatrième et dernier sujet de préoccupation : la modernisation des
équipements.
Je comprends et partage le souci d'accorder la priorité au déploiement du
réseau de télécommunication Rubis. Je regrette cependant qu'un nombre important
de programmes également essentiels pour la gendarmerie se trouvent suspendus.
La commission s'est inquiétée, en particulier, du sort réservé aux hélicoptères
de la gendarmerie, dont le renouvellement se trouve différé d'année en année,
alors même que le parc des douze hélicoptères a été réduit à la suite de trois
accidents. Un maillon essentiel de la surveillance du territoire paraît
aujourd'hui menacé. La situation requiert, me semble-t-il, une réponse
rapide.
En conclusion, il me paraît indispensable que la mise en oeuvre des réformes
respecte le point d'équilibre entre les besoins de la nation et les aspirations
légitimes des personnels de la gendarmerie.
A cet égard, je souhaite que le programme de requalification des emplois,
adopté à la suite des recommandations de M. Sandras, contrôleur général des
armées, puisse prendre durablement la relève du processus de revalorisation
engagé avec le protocole Durafour.
M. le président.
Veuillez hâter votre conclusion, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Michel Alloncle,
rapporteur pour avis.
J'en ai terminé, monsieur le président.
L'adhésion des forces vives de l'arme constitue, en effet, l'une des clefs du
succès où se jouera la sécurité de notre pays.
C'est au bénéfice des ces observations, mes chers collègues, que la commission
vous invite à approuver le budget de la gendarmerie.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Forces terrestres ».
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la
défense pour 1997 peut être considéré à la fois comme une formalité et comme un
élément déterminant des réformes en cours.
C'est, à certains égards, une formalité, car il constitue la première annuité
de la loi de programmation 1997-2002 et que, respectant les engagements
budgétaires prescrits par la loi, il paraît, sous bien des aspects, sans
surprise par rapport à celle-ci.
Mais le projet de budget pour 1997 représente aussi le premier chapitre de la
professionnalisation des armées, dont il accompagne la réduction de format.
Cela est particulièrement vrai pour l'armée de terre, qui est au coeur du
processus de professionnalisation.
L'armée de terre se trouve aujourd'hui au seuil d'une véritable « refondation
», à laquelle pas un aspect des forces terrestres - ni la structure de leurs
effectifs, ni leur implantation territoriale, ni la définition de leur mission,
ni les contours de leur équipement - ne saurait échapper.
Le défi auquel est confrontée l'armée de terre est de faire face, avec des
crédits stabilisés par rapport au présent exercice, aux besoins nouveaux
suscités par la professionnalisation, tout en continuant à financer les charges
liées à une armée qui sera encore très proche, pendant les deux ou trois années
à venir, de la formule de l'armée mixte, et en honorant le coût des
restructurations.
Celles-ci, en effet, seront très importantes pendant les trois premières
années de la transition, eu égard au souci de l'armée de terre de rallier au
plus vite son format futur. Or les restructurations induisent un coût, dont
l'un des aspects est l'obligation de poursuivre un entretien et une
surveillance minimale des locaux jusqu'à la cession de ceux-ci.
La difficulté de la période de transition consiste donc à trouver des
variables d'ajustement dans un budget caractérisé par d'importantes rigidités,
ne serait-ce que pour le niveau des rémunérations et des charges sociales.
Sans procéder à un examen détaillé de la dotation de l'armée de terre, je
mentionnerai, comme exemple des contraintes budgétaires caractéristiques de la
période de transition, les crédits d'HCCA - habillement, couchage, campement et
ameublement - destinés à l'environnement matériel du combattant. Ces crédits
sont en effet très révélateurs des difficultés propres à la transition, même
s'ils occupent une place mineure dans la dotation de l'armée de terre.
Ainsi, alors que l'on aurait pu s'attendre à une baisse des besoins en HCCA du
fait de la déflation des effectifs, l'armée de terre doit satisfaire des
besoins accrus en ameublement et en couchage, liés à la priorité dont
bénéficie, à juste titre, l'amélioration des conditions de vie des engagés.
Dans le même temps, les opérations extérieures induisent des besoins très
importants en matériels de protection - gilets pare-balles, casques composites
- et en matériels de campement. D'ailleurs, 80 % des crédits d'HCCA sont
absorbés par le renouvellement des matériels utilisés en opérations
extérieures.
Autre exemple des difficultés budgétaires de la transition : les crédits
d'infrastructures doivent financer à la fois les opérations liées à l'accueil
des nouveaux matériels, comme le char Leclerc, et les travaux de modernisation
et de rénovation dont une armée de terre professionnelle ne saurait faire
l'économie, tout en assumant le coût des restructurations que j'évoquais tout à
l'heure.
La contrainte budgétaire qui s'impose à l'armée de terre a donc conduit la
commission à formuler deux suggestions.
D'une part, la plus grande prudence doit être de mise pour définir les
contours du « rendez-vous citoyen ». Celui-ci doit avoir pour seuls objectifs
l'information civique de base de la jeunesse, la présentation aux jeunes des
carrières de l'armée et de la police, les perspectives offertes par le service
volontaire et par les forces de réserve, ainsi que l'évaluation de l'état
sanitaire et intellectuel de la jeunesse.
On ne saurait souscrire à une extension injustifiée du « rendez-vous citoyen »
qui assimilerait celui-ci à un service national court. Rappelons, en effet,
qu'un service obligatoire de quatre semaines, par exemple, induirait un surcoût
de 2,3 milliards de francs, et immobiliserait 16 500 professionnels,
compromettant ainsi tant l'équilibre financier sur lequel repose la
programmation que le renforcement des capacités de projection qui sous-tend la
professionnalisation.
Par conséquent, un « rendez-vous citoyen » qui excéderait quelques jours -
cinq au maximum, comme le prévoit le projet de loi - serait préjudiciable non
seulement au budget de la défense, mais aussi à la professionnalisation.
D'autre part, les économies qu'il est nécessaire de réaliser dans le domaine
de la défense incitent à s'interroger sur le poids budgétaire des opérations
extérieures.
L'armée de terre assume régulièrement environ la moitié du surcoût dû aux
opérations extérieures pour l'ensemble du budget de la défense. Cette
proportion considérable est due au poids des opérations en ex-Yougoslavie.
Dans ce contexte, la distinction entre opérations extérieures « courantes » et
opérations extérieures « exceptionnelles » revêt un intérêt évident, seules les
opérations « courantes » devant être financées sur le budget de la défense. Il
convient donc d'espérer que la notion d'opération extérieure « exceptionnelle »
puisse être interprétée de manière suffisamment large pour que le financement
des interventions extérieures n'altère pas l'équilibre sur lequel repose la
professionnalisation.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas concevable que l'armée de terre, qui subit la
moitié du surcoût dû aux opérations extérieures, soit à cet égard dans une
situation particulièrement défavorable et finance ce surcoût sans l'apport de
lois de finances rectificatives.
Le projet de budget de la défense pour 1997 devrait donc permettre à l'armée
de terre de franchir le cap décisif de la première année de la période de
transition, à condition toutefois que ce premier exercice ne soit pas abordé
avec un report de charges qui en compromettrait l'exécution.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Falco, rapporteur pour avis.
M. Hubert Falco,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Air ».
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, relever le double défi de la
professionnalisation et de la modernisation des armées nécessitera la
mobilisation des personnels de l'armée de l'air, mais aussi celle des
ressources financières. La garantie apportée par le Président de la République
à la préservation des crédits votés au titre de la loi de programmation ne
devra donc pas se démentir. A défaut, et compte tenu des contraintes déjà très
lourdes qui ont pesé sur l'élaboration de la loi de programmation, la période
de transition qui s'ouvre serait en péril.
Je passerai rapidement sur les données chiffrées. Je rappellerai simplement
que, avec une dotation globale de 36,9 milliards de francs pour 1997, l'armée
de l'air voit sa dotation globalement reconduite par rapport à l'an passé, mais
que sa part dans le budget des armées est ramenée de 19,5 % à 19,3 %.
Au titre de la professionnalisation, les effectifs de l'armée de l'air
perdront, en 1997, 270 postes de sous-officiers et 6 274 postes d'appelés ; ils
gagneront, en revanche, 1 338 postes d'engagés militaires techniciens de l'air
et 170 postes de personnels civils.
En décidant de professionnaliser dès 1997 à titre expérimental les trois bases
de Cognac, Ambérieux et Colmar, le chef d'état-major de l'armée de l'air s'est
donné les moyens de préparer au mieux les transformations que la réduction
progressive du nombre des appelés ne manquera pas d'entraîner dans les bases,
en particulier dans les domaines de la protection et des infrastrutures.
Je souhaite aborder à présent la question des équipements de l'armée de l'air,
au premier rang desquels figurent les programmes aéronautiques.
Pour compenser la réduction progressive du nombre de ses avions de combat, qui
passera de 405 en 1995 à 360 en 2002 puis à 300 en 2015, l'armée de l'air sera
dotée, pendant les cinq années à venir, de Mirage 2000-D et de Mirage 2000-5,
c'est-à-dire d'appareils neufs ou rénovés aux capacités éprouvées, ce dans
l'attente de la constitution, en 2005, du premier escadron de Rafale.
En ce qui concerne précisément le Rafale, monsieur le ministre, je vous serais
reconnaissant de faire le point devant nous de la situation actuelle du
programme. La fabrication, aujourd'hui suspendue, est-elle supposée reprendre ?
Après quels arbitrages et dans quelles conditions ? Ces dernières seront-elles
cohérentes avec le calendrier de la programmation ?
Le second sujet de préoccupation dans ce domaine concerne le remplacement des
Transall de première génération par un nouvel avion de transport tactique.
Après tout, dans un modèle d'armée qui fait une place prioritaire aux
capacités de projection, dans un contexte surtout où nos forces aériennes de
projection sont, depuis plusieurs années, les plus sollicitées pour répondre à
nos engagements internationaux, il y a quelque paradoxe à se trouver, en la
matière, dans une incertitude prolongée.
En outre, l'enjeu d'une autonomie européenne dans le domaine du transport
militaire, celui d'une réalisation industrielle européenne dans ce secteur me
paraissent des raisons suffisamment fortes pour aboutir rapidement.
Chacun s'accorde à reconnaître les nombreux mérites du projet d'avion de
transport futur pour assurer, à partir des années 2004 et 2005, le
renouvellement de notre flotte d'avions de transport : des efforts ont été
consentis sur les coûts et les spécifications, qui recueillent désormais
l'agrément définitif des états-majors français, allemand et espagnol.
L'approche commerciale du projet, quelque peu innovante dans les programmes
d'armement, est également une garantie quant à l'aboutissement du projet dans
les délais voulus et sur la base de coûts non révisables.
Pourriez-vous, là aussi, monsieur le ministre, nous indiquer si le prochain
sommet franco-allemand sera l'occasion, pour les deux pays, de se décider
clairement sur l'avenir de ce projet ?
Qu'en est-il du financement de substitution destiné à pallier l'absence de
crédits publics pour le développement et, surtout, du nécessaire engagement à
passer des commandes fermes ? L'organisation de coopération conjointe en
matière d'armement qui devrait prochainement voir le jour aura-elle un rôle à
jouer sur ce dossier ?
Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des questions que s'est posée
la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Pour en revenir à une préoccupation plus immédiate, je souhaiterais connaître
l'issue de la gestion 1996 des crédits de défense, dont le titre V a été amputé
cette année de 8,5 milliards. Les armées auront-elles la possibilité de
consommer, avant la fin de l'année, les quelques milliards de francs de crédits
de report disponibles, sachant que la base de la programmation 1997-2002 a été,
légitimement d'ailleurs, construite sur la base de crédits budgétaires ? Dans
le cas contraire, que deviendront-ils ?
Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits
de l'armée de l'air pour 1997.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le Gouvernement m'a fait savoir qu'il souhaitait une suspension de séance de
quelques instants.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à sa demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures
cinquante.)
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Marine ».
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la marine en
1997 s'élèvent à 35,5 milliards de francs et représentent 18,6 % de l'ensemble
du budget de la défense, soit un pourcentage très proche de celui de l'an
passé.
Mais, au-delà de la relative stabilité des chiffres, le trait dominant de ce
budget sera la mise en oeuvre des grandes orientations découlant de la loi de
programmation.
La réduction des effectifs et la professionnalisation se traduisent, en 1997,
par la suppression de 3 200 postes d'appelés et de 176 postes d'officiers
mariniers, alors que, parallèlement, seront créés 70 postes d'officiers, 240
postes de matelots engagés et surtout 760 postes de civils.
Par ailleurs, la marine est résolue à rallier au plus tôt son nouveau format,
de 20 % inférieur au format actuel. Aussi, treize bâtiments seront retirés du
service actif dès 1997, alors que la plupart d'entre eux étaient crédités d'une
durée de vie de plusieurs années supplémentaires.
Ce projet de budget pour la marine appelle, de la part de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, plusieurs observations
et questions.
En ce qui concerne les personnels, je tiens, en premier lieu, à souligner que,
contrairement à une idée répandue, la marine est actuellement très dépendante
des appelés. Ceux-ci sont présents dans toutes les unités, y compris à bord des
bâtiments au sein desquels ils occupent des emplois à part entière.
La professionnalisation et la réduction du format imposent donc de profondes
mutations et la mise en oeuvre d'une nouvelle politique des ressources humaines
dont l'élément essentiel sera la priorité donnée au recrutement de personnels
civils.
Cette orientation, qui répond en partie à la nécessité de reclasser plusieurs
centaines d'ouvriers de la direction des constructions navales, la DCN, a
suscité de vives interrogations au sein de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées.
Nous souhaitons bien entendu la réussite de cette opération, qui est
indispensable pour la DCN et ses personnels comme pour la marine. Mais nous
sommes contraints de constater que le légitime souci de reclasser ces
personnels des arsenaux ne s'accorde qu'imparfaitement aux nécessités imposées
par le remplacement des appelés du contingent, et ce tant sur le plan
géographique qu'en matière de qualification.
C'est à l'évidence un effort très important qu'effectue actuellement la marine
puisque, entre les postes créés et ceux qui seront libérés en 1997, ce sont au
total 1 000 postes qui seront proposés dès l'an prochain aux civils de la DCN,
sur un total de 2 400 prévus d'ici à 1998. Pouvez-vous nous dire, monsieur le
ministre, si les candidatures en provenance de la DCN sont à la hauteur du
nombre de postes offerts, et ce que vous ferez, si elles sont insuffisantes,
pour pallier les suppressions de postes d'appelés prévues en 1997 ?
En ce qui concerne les équipements, il faut rappeler que, si la loi de
programmation impose une réduction de 20 % du format de la flotte, elle n'a en
rien modifié les missions de la marine. En effet, les fonctions de prévention
et de protection, qui reposent sur la présence de bâtiments en mer, sont
maintenues. La fonction de dissuasion est renforcée par l'abandon de la
composante terrestre. Enfin, la priorité donnée aux capacités de projection
repose sur l'efficacité du groupe aéronaval.
Il faudra donc continuer de mener à bien l'ensemble de ces missions avec un
nombre de bâtiment réduit de 20 %.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est
préoccupée tout d'abord par le calendrier et la cible de plusieurs programmes
majeurs. Pouvez-vous faire le point sur le programme Rafale dans sa version
marine, notamment sur son coût et sur le calendrier de livraison ? S'agissant
de la frégate antiaérienne Horizon, quelle sera la cible définitive du
programme ?
Mais notre interrogation principale porte sur la permanence du groupe
aéronaval après 2011, dans la mesure où la construction d'un second
porte-avions n'est pas pour l'instant acquise.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
demeure perplexe face aux différentes alternatives à la construction d'un
second porte-avions qui ont été évoquées.
Peut-on vraiment envisager la constitution d'une force navale européenne dans
laquelle un bâtiment britannique, italien ou espagnol suppléerait le
Charles-de-Gaulle
en cas d'indisponibilité ? Faut-il construire un
second porte-avions en essayant de convaincre nos partenaires de prendre en
charge, de leur côté, des équipements liés à l'accompagnement de ce groupe
aéronaval européen ?
Il est évident que le renoncement à la construction du second porte-avions
conduirait à s'interroger sur la cohérence des programmes déjà engagés, dont
l'objet était bien de doter notre armée d'une capacité aéronavale sans
équivalent dans les flottes européennes.
Il s'agit là d'une question essentielle à laquelle une réponse claire devra
être apportée au plus tôt, et en tout cas avant le terme de la loi de
programmation.
Enfin, monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées est extrêmement préoccupée par l'exécution du
budget de 1996 et les éventuels reports de charges sur 1997 qui pourraient en
découler, dans la mesure où tout écart par rapport à la programmation mettrait
à mal la cohérence de l'équipement de nos armées. Pouvez-vous nous donner des
précisions à ce sujet ?
En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a constaté que les dotations prévues pour la marine répondaient
globalement au niveau attendu, tout en considérant que la cohérence de ce
budget restait subordonnée à ses conditions d'exécution sur lesquelles planent
encore des incertitudes.
Sous le bénéfice de ces observations, elle a émis un avis favorable à
l'adoption de ces crédits.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 38 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce présent
projet de budget est la première annuité de la loi de programmation militaire
votée en juin. Sa dotation initiale est fondée sur l'engagement de 185
milliards de francs en valeur de 1995 ; mais qu'en sera-t-il en fin d'année
1997 ? Des voix s'élèvent déjà pour prévenir les dérapages, les gels de crédits
et autres turpitudes qui ont marqué l'exécution des précédents budgets.
Le montant des crédits d'équipement recule de 20 %, soit 20 milliards de
francs, par rapport à la loi de programmation militaire précédente. Les crédits
de fonctionnement ne variant pas, c'est donc - rappelons-le - une baisse de 120
milliards de francs en six ans qui affectera les crédits militaires.
Nous qui passions à tort, aux yeux des élus de la majorité, pour des «
budgétiphobes » dans le domaine militaire, nous avons aujourd'hui « bonne mine
» avec notre proposition, exprimée par Robert Hue lors des dernières élections
présidentielles de l'an dernier, de réduire en cinq ans ces dépenses de 70
milliards de francs !
Que n'avons-nous pourtant pas entendu dans cette enceinte de la part de nos
collègues de la majorité comme leçons de patriotisme et d'esprit de
responsabilité, la main sur le coeur !
Nous serions fondés à leur retourner aujourd'hui leurs qualificatifs et leurs
noms polis d'oiseaux ; mais au-delà de ces rappels, il y a plus grave : en
effet, vouloir en même temps baisser de 20 milliards de francs l'enveloppe
annuelle des crédits d'équipement, engager la professionnalisation complète des
armées et la réduction de son format, maintenir l'essentiel des nouveaux
programmes d'armement, notamment nucléaire, est un exercice auprès duquel la
recherche de la quadrature du cercle est un jeu d'enfant !
Nous avons exprimé à plusieurs reprises nos inquiétudes et notre
désapprobation devant les conséquences de la mise en oeuvre de vos projets et
de votre politique.
Comment ne pas déplorer les retards sensibles et répétés que subissent les
programmes, à notre avis indispensables et prioritaires, visant à assurer
l'avenir de la défense de notre espace national, qu'il s'agisse de notre espace
aérien, avec le énième report du projet Rafale, qu'il s'agisse de notre espace
maritime, avec la baisse de 20 % du nombre de bâtiments de surface d'ici à 2002
et leur renouvellement bien trop lent au regard des nécessités, ou qu'il
s'agisse de l'équipement de nos forces terrestres, avec le report des commandes
du char Leclerc, la remise en cause des programmes d'hélicoptères ?
« Les armées françaises en faillite », titrait récemment un quotidien du soir
pourtant connu pour son sérieux en matière d'analyse.
Je ne sais s'il faut aller jusqu'à employer ce qualificatif, mis comment ne
pas s'alarmer, en sachant, par exemple, qu'il n'y aura pas en 1997 de commandes
d'avions de combat - le seuil annuel de commandes incompressible est fixé à
dix-huit par les experts - et en sachant que nos pilotes n'auront plus en
moyenne que 170 heures de vol d'entraînement, alors que leurs homologues
anglais ou américains maintiendront 210 ou 220 heures en moyenne ?
Vous le savez, nous aurions souhaité que la baisse des crédits d'équipement
affecte en priorité les crédits nucléaires. Non pas ceux qui permettent de
garder - pour l'heure - une capacité de dissuasion défensive suffisante, mais
ceux qui engagent notre pays dans la création de nouvelles armes atomiques.
Dans ce domaine, nous ne rappellerons jamais assez que notre sécurité dépend
autant de nos capacités de dissuasion - certes ! - que du respect du traité de
non-prolifération et de nos initiatives pour relancer le processus de réduction
massive des armements atomiques.
Mes chers collègues, peut-on raisonnablement penser que le club des cinq
puissances nucléaires pourra longtemps continuer à prêcher au reste du monde la
non-prolifération, notamment à de grands pays comme l'Inde, sans s'engager plus
avant dans la voie de la réduction massive des armements, comme le prévoit le
traité de non-prolifération ?
Je ne dis pas et je ne dirai jamais que la France doit désarmer
unilatéralement son arsenal nucléaire ; ce serait un non-sens politique. Mais
je dis qu'elle jouerait un rôle très attendu dans de nombreux pays du monde en
ne s'engageant pas dans de nouveaux programmes nucléaires et en prenant des
initiatives diplomatiques d'envergure s'appuyant, entre autres, sur des
décisions récentes telles que le démantèlement des Hadès et des dix-huit
missiles d'Albion, la fermeture des usines de production de matières fissiles
nucléaires de Pierrelatte et de Marcoule.
C'est ainsi, vous le savez, que nous n'acceptons pas les crédits nécessaires à
la création du nouveau missile ASMP, dont la seule différence avec celui qui
est actuellement en service sera une allonge supérieure de 100 à 150
kilomètres.
Nous n'acceptons pas davantage les crédits prévus pour le nouveau missile
stratégique M 51, d'une allonge supérieure à celle du M 45. Pense-t-on que la
Chine soit devenue à ce point une menace pour doter notre FOST de vecteurs
portant à près de 8 000 kilomètres ?
Nous n'acceptons pas non plus de lancer un programme et de construire un
équipement de simulation des essais nucléaires en laboratoire. C'est cher et
bien trop aléatoire en l'état actuel des connaissances.
Les trois équipements nouveaux que je viens de citer représentent près de 25
milliards de francs de dépenses sur l'ensemble de la loi de programmation
militaire.
Nous estimons que ces crédits seraient plus utiles pour conforter les
programmes visant à défendre notre espace national, dont je parlais tout à
l'heure, et apporteraient un bol d'air salvateur à nos industries de
défense.
Vous le savez, monsieur le ministre, les répercussions de votre politique
suscitent le mécontentement de dizaines de milliers de salariés de ce secteur.
Et ce mécontentement n'est pas uniquement motivé par la crainte de suppressions
d'emplois - 50 000 à 75 000 emplois directs ou indirects dans les six ans à
venir - il l'est aussi par le sentiment d'abandon de nos productions et de
notre souveraineté.
Les craintes persistent également par rapport à la fusion
Dassault-Aérospatiale et à la privatisation de Thomson : Dassault Electronique
vient, pour sa part, d'annoncer près de 500 suppressions d'emploi.
La perspective d'une agence européenne de l'armement n'est pas non plus
rassurante. DGA supranationale, en quelque sorte, elle serait l'intermédiaire
entre les Etats et les grands groupes issus des fusions en cours, grands
groupes qui pourraient décider de tout ou presque, notamment des prix, mais qui
pourraient aussi imposer leurs vues sur les types d'équipement. Nous redoutons
le risque de perte de maîtrise technologique.
Bien évidemment, les concepts de défense nationale doivent s'envisager en ne
perdant pas de vue l'échelle européenne : la France a besoin de construire son
avenir avec les autres peuples européens.
En même temps, la France, vieille nation plus que millénaire, ne pourra
exister qu'en exerçant sa souveraineté, qu'en sauvegardant son indépendance.
La conception que la France a de ses intérêts vitaux n'en est pas encore à
coïncider avec celle de ses voisins et, pour une période encore longue, notre
pays doit être en mesure d'assurer par ses propes moyens l'essentiel de la
protection de son espace national.
Tout cela n'exclut pas, bien évidemment, la recherche des coopérations
militaires et industrielles les plus larges avec nos voisins, et au-delà. Oui,
monsieur le ministre, c'est bien en termes de coopération que se pose la
problématique, car ce qui fait la réalité française ne saurait se dissoudre
dans un ensemble supranational, fût-il européen. Nous sommes, vous le savez,
contre un retour dans l'OTAN.
S'il est nocif pour notre pays de répandre des idées de repli nationaliste, il
est tout aussi dangereux, par excès de volontarisme européen - pour ne pas dire
d'angélisme - de faire croire à nos compatriotes que d'autres qu'eux-mêmes,
qu'une entité internationale assumerait à leur place la défense de leur
pays.
Concernant la suppression, hélas ! prochaine, du service national, notre
approche est similaire. S'il est vrai que la professionnalisation de bon nombre
d'unités est une nécessité comprise et acceptée, s'il est vrai que, faute
d'avoir été réformé à temps, le service militaire a perdu beaucoup de son
efficacité et de sa crédibilité, il n'en demeure pas moins que chaque jeune
Français a besoin, pour devenir un citoyen accompli - et non pas seulement un
consommateur exigeant - d'une formation civique et militaire de base.
Il n'en demeure pas moins vrai aussi que le service national contribuait à
contenir la fracture sociale, permettait encore le brassage des milieux sociaux
et des terroirs. Il pouvait permettre à beaucoup de jeunes de connaître une
première expérience de vie communautaire, de comprendre et de montrer leur
appartenance à la communauté nationale à l'âge des droits civiques.
Et, si l'esprit de défense se forge certes aussi dans un bon niveau
d'organisation des réserves - et sans sous-estimer
a priori
l'impact du
volontariat - nous sommes nombreux à craindre le manque à gagner civique que va
entraîner la prochaine suppression du service militaire. Nous aurons l'occasion
d'en reparler ultérieurement !
Pour l'heure, les sénateurs de mon groupe et moi-même ne pourrons voter votre
budget, monsieur le ministre, ni approuver la politique qui l'inspire.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si un terme
peut être employé pour ce budget de la défense pour 1997, c'est bien celui de
novation, et ce pour deux motifs.
Naturellement, le premier motif est la mise en chantier d'un vaste édifice
militaire nouveau, à la demande du Président de la République et sous votre
responsabilité, monsieur le ministre, selon des dispositions déjà approuvées,
d'ailleurs, par le Parlement au premier semestre de l'année en cours.
Il est vrai que la mise en chantier de ces nouveaux systèmes militaires
s'accompagne maintenant d'un choix de politique financière, avec l'encadrement
et la réduction de la dépense publique ainsi que la limitation du déficit. Ce
dispositif conduit à une structure budgétaire à laquelle le budget de la
défense ne pouvait échapper.
Cependant, monsieur le ministre, votre budget correspond bien à la loi de
programmation et traduira donc l'application d'une première tranche de cette
loi. Cette application ne sera pas forcément facile. Il faut bien se rendre
compte qu'elle entraînera, en effet, des bouleversements qui seront sensibles
auprès non seulement des jeunes nés après 1979, mais aussi des salariés des
industries d'armement, des membres des administrations de la défense, dans les
collectivités locales et, bien sûr, parmi les personnels militaires.
Ce budget est-il à la hauteur des objectifs ambitieux qui ont été définis ? Il
le semble, d'autant que la conjoncture mondiale est relativement favorable.
Sans aller jusqu'à toucher les dividendes de la paix, on peut dire
qu'actuellement une certaine période d'accalmie internationale est propice aux
grandes transformations qui sont projetées.
Hors pensions, ce budget atteint un montant de 190,9 milliards de francs,
répartis en 102,2 milliards de francs pour le fonctionnement, au titre III, et
88,7 milliards de francs pour l'équipement, aux titres V et VI.
Ce budget est suffisant pour l'application de la loi de programmation
militaire, à condition cependant qu'il n'y ait pas de nouveaux reports de
crédits - on a évoqué, lors du débat à l'Assemblée nationale, 10 à 12 milliards
de francs de reports - ni que des gels et annulations de crédits viennent
troubler un budget calculé au plus juste.
S'il faut rationaliser, les choix doivent être opérés entre les différents
programmes majeurs. Il ne faut plus, comme cela était le cas auparavant, étirer
dans le temps la réalisation desdits programmes. Le Rafale en est un exemple,
qui a vu sa réalisation étalée sur plusieurs années.
S'il est un domaine où la démarche entreprise mérite d'être approuvée, c'est
celui de la rationalisation des industries d'armement. Il est en effet
indispensable de reconsidérer le coût de nos armements, et ce pour deux raisons
: d'abord à titre interne, pour rester dans l'enveloppe qui nous est impartie
par la loi de programmation militaire ; ensuite à titre externe car,
indiscutablement, tous les budgets militaires ont été revus à la baisse et la
compétition internationale s'opère maintenant sur une enveloppe financière
beaucoup plus faible.
Je me réjouis au passage de la signature, le 12 novembre dernier à Strasbourg,
du protocole d'accord de création de l'Organisation conjointe de coopération en
matière d'armement, l'OCCAR, entre l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et
la France. C'est une bonne nouvelle, car cet organisme va doter tous les pays
signataires d'une institution qui permettra la mise en oeuvre de nouvelles
méthodes de travail et de coopération, et la naissance d'une véritable
politique commune d'investissements technologiques.
En effet, l'OCCAR, si j'ai bien compris, est la future Agence européenne de
l'armement prévue dans le traité de Maastricht. Cette organisation doit donc
déboucher sur une préférence communautaire librement consentie - il n'y aura
jamais de processus contraignant en ce domaine - et elle devrait renforcer nos
moyens de lutter face aux formidables concentrations américaines en matière
d'industries de défense.
Puisque l'OCCAR a été définie il y a un an au sommet franco-allemand de
Baden-Baden, je salue le rôle moteur joué par la coopération privilégiée entre
la France et l'Allemagne.
Naturellement, il faudra aller plus loin, vers de véritables regroupements
industriels en Europe.
A partir de ces regroupements industriels, qui permettraient d'obtenir la
standardisation et la fabrication commune, on peut développer
l'inter-opérabilité des unités.
Pour autant, il ne faut pas attendre ce processus pour préparer une
coopération européenne des forces nationales. A ce sujet, je voudrais exprimer
une satisfaction compte tenu d'évolutions récentes et poser une question
concernant, en particulier, notre groupe aéronaval.
La mise sur pied sans plus attendre de forces multinationales est en effet un
signe très favorable. Je n'évoquerai que brièvement le cas de l'Eurocorps, qui
réunit depuis plusieurs années une division blindée française et une division
blindée allemande, plus une division mécanisée belge et une brigade
espagnole.
J'espère que la réforme des armées françaises n'affectera pas cette
coopération européenne, qui se voulait exemplaire. Certains bruits ont en effet
couru. Ils mériteraient d'être démentis, car Strasbourg héberge le commandement
permanent de l'Eurocorps, fort de deux cents officiers, soit le plus grand
état-major multinational européen.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez effacer toute crainte
quant à la pérennité de l'Eurocorps et à sa place dans votre dispositif.
Il existe un vrai sujet de satisfaction : la mise en oeuvre, dès l'automne
1996, d'EUROFOR, force multinationale créée par l'Espagne, l'Italie, le
Portugal et la France. L'installation, il y a deux mois, à Florence, de
l'état-major de cette force opérationnelle rapide de 15 000 hommes, sous les
ordres du général espagnol Juan Ortuno Such, est un élément important pour la
paix et la stabilité dans le bassin occidental de la Méditerranée. Le flanc sud
de l'Europe, qui est un point de souci, intéresse particulièrement les quatre
nations ainsi associées dans l'EUROFOR. C'est une initiative qu'il faut
encourager et développer.
Il faut rappeler que ces quatre pays ont également créé, en 1995, une force
navale non permanente, l'EUROMARFOR, qui vise à mieux coordonner leurs forces
aéronavales en une escadre pouvant se rassembler en moins de quinze jours. Le
dispositif s'est mis en place et son commandement vient de connaître, en
octobre dernier, sa rotation annuelle, conformément aux principes fondateurs de
cette force. Là aussi, il faut encourager cette opération commune.
Il s'agit là de regroupements multinationaux qui peuvent favoriser des
interventions décidées par l'UEO ou l'OTAN. Ils devraient rendre plus
perceptible la nécessité d'une défense commune européenne et mettre en valeur
les forces européennes, en particulier auprès des autorités américaines, en vue
d'un partage des responsabilités au sein des états-majors de l'OTAN. Je pense,
en particulier, à l'attribution du commandement Sud-Europe.
Ces réflexions me conduisent à une interrogation, qui a trait à la réalisation
du porte-avions à propulsion nucléaire
Charles-de-Gaulle.
Mon excellent
collègue André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, a
déjà attiré votre attention sur le fait que construire un seul porte-avions
moderne conduit à l'intermittence de la disponibilité de cette pièce maîtresse
du groupe aéronaval. A l'évidence, cela constituera au début du XXIe siècle,
après les retraits du service du
Clemenceau
et du
Foch,
une
difficulté qui ne peut êtrenégligée.
J'ai trouvé dans le compte rendu de l'intervention, devant la commission de la
défense de l'Assemblée nationale, de l'amiral Jean-Charles Lefèvre, chef
d'état-major de la marine, une voie de solution. Constatant que la marine
nationale ne disposera plus que d'un seul porte-avions à partir de l'année
prochaine, d'où une limitation des capacités du groupe aéronaval, l'amiral
Lefèvre voit dans une complémentarité entre les flottes européennes allant
jusqu'à un véritable partage des tâches la possibilité pour la France de
disposer d'une seconde plate-forme aéronavale. Mon collègue André Boyer a
d'ailleurs excellemment signalé cette possibilité voilà quelques instants.
Un tel dispositif permettrait de consacrer des annuités de 1 milliard à 1,5
milliard de francs à la construction du second porte-avions. En outre, la
réalisation à l'identique du
Charles-de-Gaulle
permettrait d'économiser
le financement d'un nouveau développement. Enfin, le processus de réduction des
coûts d'armement en cours faciliterait l'opération en alimentant le plan de
charge de nos arsenaux.
Je souhaite connaître votre opinion sur cette question, monsieur le ministre.
J'ajoute que le bassin occidental de la Méditerranée nécessite une attention
particulière compte tenu de la situation politique qui prévaut actuellement sur
ses rives.
Au milieu du grand chantier de transformation des armées de la France, le
budget de la défense pour 1997 est respectueux de la loi de programmation
militaire récemment votée. En souhaitant qu'il soit appliqué sans difficultés
financières nouvelles, les membres de la majorité du groupe du Rassemblement
démocratique et social européen le voteront, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Il faut « toucher avec respect aux choses sacrées. Et, s'il y a dans la
société humaine, du consentement de tous, une chose sacrée, c'est l'armée ».
Cette citation, mes chers collègues, est d'un écrivain qui fut bibliothécaire
au Sénat pendant quatorze ans, au début de la IIIe République ; il s'appelle
Anatole France, et la phrase se trouve dans
Le Cavalier Miserey,
un livre qui évoque, après d'autres, la grandeur et
les servitudes du métier militaire.
L'examen du budget de la défense que nous avons à conduire aujourd'hui me
place dans un sentiment analogue. C'est la première loi de finances qui prend
en compte les conséquences de la politique menée par le Gouvernement, et
approuvée par le Parlement, pour ce qui concerne nos forces armées. Ce projet
de loi porte la trace des restrictions et des suppressions qui devront,
malheureusement, prendre effet en 1997.
Je vais les examiner successivement dans les trois armes. Et, si je le fais,
c'est que je ne puis me résoudre, ni comme parlementaire ni comme officier de
réserve, à voter un texte qui va entraîner leur disparition sans au moins leur
rendre hommage et évoquer d'un mot les services qu'ils ont rendus au pays.
Le budget de la marine prévoit le retrait, en 1997, des bâtiments suivants :
le sous-marin nucléaire lanceur d'engins
Le Foudroyant,
deuxième de la
série, qui a participé depuis 1974 à la dissuasion nucléaire ; le porte-avions
Clemenceau,
qui a joué un rôle pivot voilà quelques mois, dans
l'Adriatique, au moment des opérations en Bosnie ; les sous-marins d'attaque
Agosta
et
Sirène,
retirés du service par anticipation,
respectivement de cinq ans et trois ans ; la frégate anti-sous-marine
Aconit
;
l'aviso
Détroyat,
mis en service en 1977 ; le
pétrolier-ravitailleur
Durance ;
les bâtiments de soutien
Rance
et
Rhône,
et quatre chasseurs de mines.
La quasi-totalité des désarmements opérés en 1997 anticipent de plusieurs
années l'échéance prévue de fin de vie de ces bâtiments.
L'armée de l'air perdra, en 1997, sur le plan des effectifs, 249
sous-officiers et 6 276 appelés.
Trois bases aériennes seront fermées ou transformées en détachement-air :
Limoges, Chartres et Toul.
J'étais à Chartres, en juin 1940, sous un bombardement allemand. Nous avons dû
partir avec nos appareils vers Saint-André-de-l'Eure. Ce que nous craignions
surtout, d'ailleurs, c'était que la cathédrale ne soit gravement touchée ;
heureusement, tel n'a pas été le cas.
A Toul, l'escadron de chasse 3/11 va être dissous. Cet escadron est l'héritier
des traditions des escadrilles SPA 69 et SPA 88, créées respectivement en 1915
et 1917, et qui évoquent les souvenirs de Guynemer et de Fonck. L'escadron qui
va disparaître, présent à Toul depuis 1967, volait sur F 100 et sur Jaguar. Il
a participé aux opérations Tacaud-Lamentin, Manta et, plus récemment,
Desert
Storm,
dans le ciel du Koweït et de l'Irak.
L'armée de terre va procéder à la dissolution de trente-quatre organismes et
de vingt régiments. Je vais les citer, avec la ville où ils se trouvent
actuellement, car ils sont tellement attachés, on le sait, à la texture même de
la nation que, dans toutes les villes, dans tous les départements concernés,
leur départ sera vécu comme un véritable drame : le 5e régiment d'infanterie, à
Beynes, dans les Yvelines ; le 8e régiment d'infanterie, à Noyon, dans l'Oise ;
le 24e régiment d'infanterie, à Vincennes, dans le Val-de-Marne ; le 99e
régiment d'infanterie, à Sathonay, dans le Rhône ; le 151e régiment
d'infanterie, à Verdun, dans la Meuse ; le 1er régiment de dragons, à Lure,
dans la Haute-Saône ; le 4e régiment de cuirassiers, à Bitche, dans la Moselle
; le 2e régiment de dragons, à Laon, dans l'Aisne ; le 1er régiment
d'artillerie, à Montbéliard, dans le Doubs ; le 15e régiment d'artillerie, à
Suippes, dans la Marne ; le 2e régiment de commandement et de soutien, à
Versailles, dans les Yvelines ; le 71e régiment du génie, à Oissel, dans la
Seine-Maritime ; le 18e régiment de transmissions, à Epinal, dans les Vosges ;
le 51e régiment de transmissions, à Compiègne, dans l'Oise ; le 7e régiment
d'hélicoptères de combat, à Essey-lès-Nancy, dans la Meurthe-et-Moselle.
En tant que représentant des Français de l'étranger, j'y ajoute les régiments
installés à l'extérieur, et notamment ceux qui étaient ou sont actuellement
stationnés au-delà du Rhin. Les forces françaises en Allemagne ont été le
bouclier de la France et l'avant-garde de sa sécurité pendant la longue période
de la guerre froide.
Je rends hommage à ces forces, qui ont servi de façon exemplaire et, en même
temps, ont apporté une coopération nouvelle à un pays, au début ennemi, et
finalement allié et ami. Nos compatriotes, militaires ou civils, doivent être
remerciés d'avoir su communiquer avec les populations de telle façon que les
deux peuples se sentent aujourd'hui solidaires.
Les régiments qui quitteront l'Allemagne, en 1997, et seront dissous sont : le
19e groupe de chasseurs, à Villingen, le 3e régiment de dragons, à Stetten, le
53e régiment d'artillerie, à Breisach, et le 10e régiment du génie, à Spire.
Toutes les unités que j'ai citées, en France ou à l'étranger, ont un passé
glorieux. Elles ont participé à tous les combats de notre pays, non seulement
pendant les deux guerres mondiales, bien sûr, mais aussi - et dans quelles
conditions ! - pendant les campagnes d'Indochine et d'Afrique du Nord ; plus
récemment, elles ont participé aux opérations de maintien de la paix dans le
monde entier, tout particulièremnt dans l'ex-Yougoslavie.
Monsieur le ministre, nous voici de nouveau confrontés à une situation
difficile. L'immonde attentat d'hier soir nous oblige à faire de nouveau appel
à nos forces armées. Le plan Vigipirate est réactivé.
Je sais que vous-même, comme le Gouvernement tout entier, demeurez très
vigilants. Nous allons de nouveau avoir besoin de nos soldats pour la sécurité
de notre pays. Réfléchissons, soyons bien sûr qu'aucune décision, aucune
précipitation ne risque de gêner, voire d'empêcher, les missions que l'armée
française doit continuer à accomplir.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon temps de parole est
malheureusement épuisé. En dressant le tableau d'honneur des unités qui vont
disparaître en 1997, j'ai voulu rendre un dernier hommage aux marins, aux
aviateurs, aux soldats de ces glorieux régiments, à tous les citoyens français
qui, sous l'uniforme et dans leurs rangs, ont si bien servi notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Cohérence et conformité, telles sont les qualités du projet de budget de la
défense pour 1997 que vous nous présentez, monsieur le ministre.
Avec un montant de 243,3 milliards de francs, ce budget est la juste
traduction des engagements budgétaires prescrits par la loi de programmation
pour les années 1997 à 2002, votée par le Parlement en juin dernier.
Il s'inscrit aussi, et surtout, dans le long processus de réforme de notre
outil de défense, annoncé par le Président de la République le 22 février
1996.
Dans le droit-fil des propos tenus par notre collègue Serge Vinçon, dans son
excellent rapport, je me félicite que le Parlement soit aussi étroitement
associé à cette réforme en profondeur, réforme que vous conduisez, monsieur le
ministre, avec l'énergie que l'on vous connaît.
A quelques semaines de la Sainte-Geneviève, je voudrais plus particulièrement
parler de la gendarmerie, qui me paraît, à bien des égards, exemplaire.
En effet, les gendarmes sont les dignes héritiers d'une longue tradition qui a
façonné la bonne image dont ils jouissent auprès de nos concitoyens, image
renforcée par la professionnalisation accrue d'aujourd'hui.
Le gendarme, inviolable mais non invulnérable, est investi d'une mission
sacrée par le serment prêté. Il a le devoir de faire respecter la loi au péril
de sa vie, dont il consent en quelque sorte le sacrifice. Tel est le prix à
payer pour vaincre la peur de ceux qui se placent sous sa protection.
Ce prix est aujourd'hui un lourd tribut. Je voudrais ici rendre hommage aux
dix-huit gendarmes tués dans l'exercice de leur mission et à leurs 805
collègues blessés, dont 306 victimes d'agressions, depuis le 1er janvier de
cette année.
Il faut souligner la diversité des missions de la gendarmerie : protection des
personnels et des biens, secours en montagne, en mer, circulation routière,
police judiciaire, activités de recherches.
A cela s'ajoutent trois secteurs d'intervention qui retiennent
particulièrement l'attention : le travail clandestin, les atteintes à
l'environnement et même la toxicomanie, pour laquelle la gendarmerie développe
en milieu rural et périurbain des actions de prévention innovantes qui méritent
d'être saluées.
Comme l'a rappelé notre collègue Michel Alloncle dans son rapport, excellent
de clarté et de précision, la gendarmerie constate aujourd'hui le tiers des
crimes et délits et peut se prévaloir de la moitié des affaires résolues.
De plus, la participation accrue à la protection du territoire appelle la
gendarmerie à s'opposer aux actions insidieuses et aux opérations hostiles
pouvant porter atteinte à la sécurité du territoire et des populations. La mise
en oeuvre du plan Vigipirate a mobilisé, dans la période récente, 15 000
gendarmes chaque jour. Cette mobilisation va, bien entendu, s'accroître encore
du fait de la réactivation du dispositif à son plus haut niveau, à la suite du
retour sanglant de la barbarie, hier soir, à la station de métro Port-Royal.
A cet égard, je partage la préoccupation exprimée par notre rapporteur quant à
la modicité de la dotation prévue pour les dépenses centralisées de soutien
liées aux opérations de maintien de l'ordre. En effet, 133 millions de francs
sont inscrits, pour un besoin de 230 millions de francs. C'est d'autant plus
vrai que la gendarmerie mobile est toujours plus sollicitée et que le nombre
moyen de jours de déplacement des unités ne cesse d'augmenter, passant de 171
en 1990 à 208 en 1995.
Enfin, je n'oublie pas que la gendarmerie assure l'exclusivité des
transfèrements judiciaires et militaires, ce qui la contraint à mobiliser toute
l'année plus d'un millier d'hommes, situation anormale et injustifiée.
Certes, la gendarmerie vit aujourd'hui une transition dans son histoire,
source d'interrogations auxquelles vous avez répondu avec conviction, monsieur
le ministre, lors des huitièmes rencontres de la gendarmerie, le 7 novembre
dernier, à Montluçon.
Si, bien sûr, l'augmentation de 4,5 % des effectifs d'ici à l'année 2002 et
l'arrivée de 50 000 réservistes sont plutôt de bonnes nouvelles, bien des
questions se posent quant au recrutement des 16 000 gendarmes auxiliaires
prévus ou quant au programme de requalification et de revalorisation des
carrières. Néanmoins, je salue l'effort indéniable consenti dans ce budget pour
améliorer la situation des gendarmes, effort qui ne demande qu'à être
poursuivi.
Je voudrais cependant attirer particulièrement votre attention sur la
nécessité de favoriser un retour à un rythme normal de déroulement des
carrières, nécessité dont témoigne le nombre excessif de capitaines et de
lieutenants-colonels « hors créneau d'avancement » qui ont dépassé la limite
supérieure du grade pour être proposables.
Enfin, je ne peux que m'associer aux remarques déjà formulées sur
l'insuffisant renouvellement du parc d'hélicoptères de la gendarmerie, sur le
besoin d'une arme mieux adaptée pour la gendarmerie départementale ou sur les
besoins en immobilier.
Pour conclure, je formulerai, monsieur le ministre, deux observations sur des
problèmes auxquels il me semble pouvoir être remédié à moindre frais.
La première appelle un effort de communication pour mieux faire connaître à
nos concitoyens la nouvelle organisation des services de gendarmerie intervenue
depuis 1994.
La seconde a trait, d'une part à la nécessité de renforcer la présence de la
gendarmerie dans les instances de coopération européenne et, d'autre part, de
développer les actions de coopération bilatérales ou multilatérales dont
certains exemples démontrent tout l'intérêt pour la promotion d'un réseau de
transmission tel que Rubis.
On demande toujours plus à la gendarmerie. Le budget pour 1997 commence à lui
en donner les moyens. Je l'approuve dans l'espoir que les efforts engagés
seront poursuivis. Nous gardons en mémoire la phrase de Jean Anouilh, dans
Médée :
« C'est bon d'avoir le ciel pour soi, et aussi la protection du
gendarme » !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bourges.
M. Yvon Bourges.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la défense pour 1997 est le premier budget pour la mise en oeuvre de la
nouvelle politique de défense, l'adaptation de nos armées et de leurs
équipements face aux nouvelles menaces - nous en avons eu hier, hélas ! un
nouveau et tragique témoignage - ainsi qu'à la situation géopolitique née de
l'éclatement du monde soviétique en 1989.
C'est le mérite du chef de l'Etat et du Gouvernement d'avoir eu le courage de
tirer les enseignements de ces circonstances nouvelles et d'entreprendre,
certes, une réforme nécessaire, mais qui pose, dans de nombreux domaines, des
questions difficiles.
Le budget pour 1997 est donc le point de départ de cette révision et de
l'application de la nouvelle loi de programmation militaire.
La première question est celle de la conformité de ce budget à la loi de
programmation. Hors pensions, les crédits de paiement inscrits au budget pour
1997 s'élèvent à 190,9 milliards de francs, qui correspondent aux 185 milliards
de francs inscrits en 1995, comme il était prévu. La répartition entre crédits
de fonctionnement et crédits de paiement est de 102,2 milliards de francs, soit
53,5 %, pour les premiers, et de 88,7 milliards de francs, soit 46,5 %, pour
les seconds. Cela est conforme aux prévisions de l'article 2 de la loi de
programmation et aux dispositions du paragraphe 2.1.1 sur l'affectation des
crédits d'investissement, préoccupation d'ailleurs évoquée tout à l'heure par
M. Blin.
La part du budget de la défense dans le budget de l'Etat est sensiblement
maintenue de 1996 à 1997. Pour ce qui est de l'utilisation de l'affectation des
crédits, les rapporteurs de nos commissions, dans leurs analyses, ont éclairé
notre assemblée.
Les moyens dont vous disposerez en 1997, monsieur le ministre, exigent de tous
les personnels un effort constant pour assurer le meilleur service au moindre
coût. L'étalement des crédits, donc des programmes de réalisation des
matériels, ne peut que difficilement répondre aux impératifs des industries de
défense comme il exige des choix difficiles dans l'équipement des forces.
Après des années de refus d'entamer les réformes qu'appellaient les profondes
transformations de la situation internationale, après des années d'un laxisme
qui a amené à geler, c'est-à-dire à faire disparaître, une part importante des
crédits à peine votés par le Parlement - ce n'était pas sans conséquence dans
l'exécution des programmes, on le voit encore, en particulier en 1996 - nous
entrons maintenant dans une période où les ressources annuelles en crédits de
paiement sont assurées, ce qui vous permet, monsieur le ministre, de disposer
du recul et du temps suffisants pour mettre en cohérence l'adaptation de
l'armée et de ses équipements aux nouvelles formes des menaces.
Précise dans les engagements financiers, la loi de programmation établit le
catalogue des armes et des moyens dont nos armées ont besoin. Pour autant, à
partir des financements assurés, le calendrier et sans doute aussi les systèmes
d'armes ne sauraient être immmuablement définis six ans à l'avance.
L'évolution est la loi de la vie, et l'adaptation aux réalités une nécessité
si l'on veut être efficace dans l'accomplissement de ces missions. C'est cette
certitude qui inspire l'article 3 de la loi, qui prévoit la possible révision
des échéanciers des programmes industriels, ce qui permet l'adaptation de
ceux-ci.
Ne manquez pas, monsieur le ministre, d'user de cette faculté à la lumière de
l'expérience acquise au cours des premières années de la loi de programmation,
en particulier.
Dans la première phase de préparation à la mise en oeuvre de la grande réforme
dont vous avez la charge, vous vous attachez à assurer aux personnels,
militaires et civils, les voies adaptées autant que possible à chaque
situation. Le Parlement sera prochainement saisi de ce dossier et nous y
apporterons une attention vigilante, comme à la répartition des unités de nos
armées. Ce dernier point pose, en effet, des problèmes douloureux à bien des
collectivités territoriales et appelle des compensations indispensables,
notamment la délocalisation de nombreux organismes, ce qui peut être pour eux
d'ailleurs l'occasion d'adopter une organisation plus rationnelle au plan de
leurs activités.
Les difficultés qu'entraîne la réduction des commandes aux industries de
défense sont déjà actuelles, qu'il s'agisse de grands groupes, de modestes
entreprises sous-traitantes ou encore de nos arsenaux. Le Gouvernement n'en
ignore pas les conséquences, comme le prouvent les crédits alimentant le fonds
de restructuration de la défense ou le fonds d'adaptation industrielle pour ce
qui relève de votre ministère. Certains sites sont également éligibles à des
fonds européens.
Ce doit être d'ailleurs un devoir pour tous les responsables politiques et,
d'abord, pour tous les ministères d'apporter leur participation active à la
recherche des moyens pouvant permettre à la réforme décidée par le chef de
l'Etat de s'accomplir avec les concours qu'exige, en une telle tâche, la
solidarité nationale.
La recherche de marchés à l'exportation, tout comme l'ouverture des industries
militaires sur de nouvelles activités par des restructurations ou bien des
diversifications constituent la condition du maintien de la capacité nationale
et de la qualité de nos productions, ce qui est essentiel pour l'avenir.
Par la création d'une concertation régionale, alliant élus et hauts
fonctionnaires, civils et militaires, des sites concernés, comme par
l'intervention de projets et d'engagements répondant à la vocation de chacun
d'eux, le dialogue indispensable a été organisé.
Les problèmes à résoudre se décantent. Des démarches ont été faites, et
quelques réponses ont déjà pu être apportées.
Sur ce terrain, je vous demande, monsieur le ministre, que la concertation que
je viens d'évoquer soit mieux organisée, d'une part, au plan local, pour éviter
les surenchères désordonnées, ce qui, je le reconnais, ne relève pas totalement
de vous, et, d'autre part, au plan gouvernemental, spécialement au niveau du
ministère de la défense, en fixant clairement les instances d'instruction et
les niveaux de décision afin de travailler en cohérence et en confiance.
En outre, j'insiste pour que les mesures n'interviennent pas au
compte-gouttes, sans grand effet dans l'opinion, mais sous forme de nombreux
projets proposant une véritable et forte réponse aux inquiétudes et associant
tous les acteurs concernés. D'ailleurs, monsieur le ministre, dans ma région,
nous y travaillons avec vos services.
Face au malaise et au doute, la réponse ne doit plus tarder. Oui ! il y a
urgence à engager tous les partenaires dans une phase constructive mobilisant
les énergies et ouvrant la voie de l'espérance.
La réforme de nos armées étant l'occasion de problèmes sérieux et de
difficultés nombreuses, il est évidemment facile de critiquer la politique que
nous soutenons. Pour de nombreux censeurs, c'est avoir la mémoire bien courte
et oublier les responsabilités et les devoirs qu'appelle l'exercice du
pouvoir.
En effet, si les changements indispensables et urgents qu'appellent notre
société et même nos mentalités doivent s'accomplir dans une économie fragilisée
et dans une situation sociale qui interpelle chacun de nous, on ne saurait
ignorer, sauf dans le mensonge démagogique, que ces difficultés résultent d'un
héritage de plusieurs années, lourd à assumer pour le Gouvernement, mais qui
devrait interdire, ne serait-ce que par pudeur, les critiques de ceux qui y ont
une large part.
MM. Jean Chérioux et Christian de La Malène.
Très bien !
M. Yvon Bourges.
Le projet de l'armée française de demain, dont nous abordons la première
étape, lui permettra de remplir ses missions. Elle ne sera pas diminuée pour le
service de la France. Avec 340 000 hommes, hors gendarmerie, à la fin de la
période, elle est l'équivalent de l'actuelle armée allemande et son effectif
est supérieur à celui de l'armée britannique.
Enfin, la création d'un pilier européen pour la sécurité du continent doit
permettre de disposer, avec l'ensemble des armées de chaque pays, d'une force
considérable, apte à faire face à toutes les situations, notamment à la
reconstitution d'une armée adverse de masse, si elle advenait.
La réforme dans laquelle le chef de l'Etat engage la nation est justifiée et
nécessaire. S'il est vrai que la situation économique du pays contraint à en
mesurer les moyens, c'est l'exigence devant laquelle se trouvent aussi nos
partenaires. L'effort militaire mobilise, en France, en 1996, 2,4 % du PIB,
soit 12,7 % du budget, 2,6 % en Grande-Bretagne, et 1,7 %, en Allemagne, soit
10,68 % du budget fédéral.
Pour ce qui nous concerne, nous savons que la loi de programmation assure à
nos armées des ressources qui ne faibliront pas en francs constants, ce qui
n'est pas le cas chez tous nos voisins et partenaires.
Ne nous décourageons pas, mes chers collègues, et apportons au Gouvernement,
singulièrement au ministre de la défense, un soutien sans réserve pour réussir
ensemble, dans l'intérêt de la France et pour la grandeur de notre pays. Le
groupe du RPR n'y manquera pas, et approuvera le budget que vous nous proposez,
monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë.
Monsieur le ministre, le budget que nous examinons est bien conforme, comme
cela a été dit ce matin, à la première annuité de la loi de programmation. Je
note d'ailleurs avec satisfaction que le concept de « moyens disponibles » a
été abandonné. Ainsi, vous revenez à une présentation budgétaire plus
classique, ce qui permet au Parlement de mieux exercer son contrôle.
Je ne reviendrai pas sur les orientations que vous avez choisies pour la loi
de programmation militaire. Votée, celle-ci est désormais la loi de la
République. Ces choix, nous les connaissons, ce sont ceux d'une armée
professionnelle ! Ils pèsent et ils continueront de peser sur votre budget,
avec des conséquences que je juge néfastes. En effet, malgré les réductions
d'effectifs, vous êtes contraint d'augmenter sensiblement les crédits de
fonctionnement.
Ce fameux titre III est incompressible, vous le savez bien. Et si vous voulez
un recrutement de qualité, vous serez obligé de le maintenir à ce niveau,
peut-être même de l'accroître. L'exemple britannique, confirmé lors des
auditions devant notre commission au Sénat, nous a appris que les économies,
lorsqu'elles doivent se faire, se font toujours sur le titre V.
Ce n'est pas un secret : les plus hautes autorités militaires éprouvent sur ce
point de grandes craintes.
En outre, votre budget, une fois voté, sera-t-il respecté ? En effet, pour
reprendre les propos du porte-parole du groupe du RPR à l'Assemblée nationale,
M. Galy-Dejean, et du responsable défense de l'UDF, M. Darrason, l'exécution du
budget 1996 est « exécrable ».
A ce jour, 8,5 milliards de francs de crédits ont été annulés, s'ajoutant aux
12 milliards de francs de l'année 1995. A ces annulations, s'ajoute le coût des
opérations extérieures, soit 5,5 milliards de francs.
L'exécution du budget que vous nous proposez est donc fortement compromise.
Vous n'avez plus de marge budgétaire. Si le budget de l'équipement respecte la
loi de programmation, c'est un respect très formel. Par exemple, un milliard de
francs de crédits d'entretien relevant normalement du titre III ont été
transférés vers le titre V, créant un effet d'optique, mais affaiblissant
encore notre potentiel d'investissement.
Je connais l'argumentaire du Gouvernement : « C'est l'héritage des socialistes
». M. Bourges l'a d'ailleurs repris tout à l'heure. Je vais vous surprendre,
monsieur le ministre : oui ! il y a bien un héritage spécifique à la défense,
mais c'est d'abord celui de la loi de programmation militaire votée en 1987 à
la quasi-unanimité des groupes, dont le vôtre et le mien. Je ne suis pas sûr
que ce soit ce que nous ayons fait de mieux à l'époque...
Cette loi, qui fixait les crédits du budget de la défense à hauteur de 4 % du
PNB en 1991, prévoyait le renouvellement de tous les matériels en dotation dans
nos armées ainsi que la modernisation de nos forces nucléaires.
Dès ce moment-là déjà, des voix se faisaient entendre pour évoquer le goulet
d'étranglement financier qui se profilerait à la fin du siècle. Nous y sommes.
M. François Heisbourg, l'un des meilleurs experts - il était à l'époque
directeur de l'Institut international des études stratégiques - dénonçait la «
boulimie programmatique » et soulignait le décalage existant entre le poids des
programmmes militaires et l'effort budgétaire que le pays pouvait consentir.
Cette loi fut révisée à la baisse en 1989, suscitant l'opposition totale de
ceux qui gouvernent aujourd'hui. Vous-même, monsieur le ministre - vous étiez
alors président du groupe de l'UDF - vous protestiez, au mois de novembre 1989,
contre « la restriction apportée à l'effort de défense ».
Puis, en 1993, il y a donc seulement trois ans, le RPR se félicitait d'être la
seule formation politique à demander une augmentation substantielle des crédits
de la défense.
Pourtant, les problèmes étaient connus. A telle enseigne que, lors du débat
budgétaire de 1994, le rapporteur spécial pour le titre V à l'Assemblée
nationale, M. Arthur Paecht, estimait que la plupart des très grands programmes
militaires arrivaient simultanément à la phase de fabrication, pour un coût
total de 500 milliards de francs. C'est pourquoi il écrivait : « Leur
financement requiert des crédits suffisants pour les années à venir,
interdisant toute réduction du budget d'équipement ».
Or, monsieur le ministre, vous maintenez ces programmes, tout en réduisant les
cibles et, dans le même temps, vous baissez les crédits d'équipement dans des
proportions considérables. Comment, dès lors, obtenir la réduction de 30 % des
coûts de production, objectif louable et que j'approuve, alors que ces
matériels sont livrés au compte-gouttes ?
Conséquence de ces non-choix : nos armées connaissent et connaîtront des
difficultés pour mener des interventions extérieures.
Par ailleurs, aurions-nous dû, dès 1988, revoir les composantes de la force
d'action navale ? En tout cas, à titre personnel, je pense qu'il est plus que
temps d'en repenser les moyens. De ce point de vue, la coopération avec les
autres marines européennes dans le cadre d'EUROMARFOR est incontestablement un
élément positif dont nous prenons acte.
Osons poser la question : notre pays pourra-t-il se doter d'un deuxième
porte-avions nucléaire ? Toujours à titre personnel, je crois qu'il faut avoir
le courage de dire que, dans le cadre budgétaire que vous nous proposez, la
France n'aura pas les crédits nécessaires pour se doter seule d'un deuxième
porte-avions de ce type.
En revanche, les réflexions de la DCN sur un nouveau concept de l'amphibie
multi-missions, le bâtiment d'intervention polyvalent, méritent d'être
poursuivies. Je souhaiterais que vous nous donniez le plus d'informations
possible sur ce sujet, monsieur le ministre.
La rigueur budgétaire oblige à avoir des priorités. Je remarque à ce titre,
pour m'en réjouir, que le montant des crédits spatiaux permettra de terminer
Hélios I, de continuer les programmes Syracuse II, Hélios II, ainsi que le
satellite-radar Horus.
Très bien ! Mais je suis préoccupé de la participation allemande à ces
programmes. Car, à ce jour, aucun crédit n'est inscrit dans le budget allemand
de la défense pour 1997 concernant les programmes spatiaux.
Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, il n'y aura pas de défense
européenne indépendante si celle-ci n'a pas les moyens de son autonomie
concernant ses sources de renseignement et d'information.
La France en a fait la cruelle expérience lors de la guerre du Golfe, et c'est
précisément pour cette raison qu'un effort particulier fut engagé dès l'année
1991, afin d'améliorer nos moyens de renseignement. Le ministre de la défense
de l'époque, Pierre Joxe, fit alors augmenter de 17 % les crédits du spatial
militaire, doublant les dotations consacrées aux recherches « amont ». Il
restructura le renseignement en créant la direction du renseignement militaire
et la brigade de renseignement et de guerre électronique. Enfin, il regroupa,
sous l'autorité du chef d'état-major, les forces spéciales en créant le
commandement des opérations spéciales. Cela aussi, monsieur le ministre, c'est
l'héritage !
Mais cet héritage, il faut le faire fructifier. Les crédits spatiaux
représentent actuellement 3,7 % du titre V, et ce ratio constitue un
minimum.
Comme je vous l'ai dit l'an dernier après notre collègue M. Jean Faure, la
France doit continuer les études pour se doter d'un système d'alerte avancée,
véritable complément de notre force de dissuasion. De même, notre capacité
d'observation devrait être complétée par une capacité d'écoute
électro-magnétique.
Si les Européens n'ont pas suffisamment perçu l'enjeu de cette politique
spatiale, les Etats-Unis, eux, l'ont fort bien compris en proposant à
l'Allemagne un système d'observation « clés en main ». Ainsi espèrent-ils «
casser » l'émergence d'une politique spatiale militaire européenne qui, pour le
moment, n'existe pas encore.
N'en doutons pas, pour atteindre un tel objectif, les Américains joueront de
toute leur influence au sein de l'Alliance atlantique. D'ailleurs, n'est-ce pas
l'un des objets du débat actuel portant sur les commandements régionaux ?
C'est pourquoi j'aimerais revenir un instant sur le problème des alliances.
Lors du débat précédent, à la fin du mois d'octobre, je vous avais dit et je
maintiens, en pesant mes mots, que la France avait « entamé un processus de
réintégration » de l'Alliance atlantique. En réponse, vous m'aviez affirmé le
contraire. Quelle signification faut-il donner alors à l'ensemble des mesures
prises depuis un an ? Tentons de dépasser notre contradiction en ne nous en
tenant qu'aux faits.
Monsieur le ministre, vous participez désormais aux réunions des ministres de
la défense des pays membres de l'OTAN. La France occupe toute sa place au
comité militaire, que vous avez vous-même qualifié d'« instance majeure de
l'organisation ».
Certes, nous ne sommes pas dans le comité des plans de défense, ni même dans
le groupe des plans nucléaires, mais nous acceptons désormais de parler de «
dissuasion concertée » au sein de l'OTAN. La France approuve le concept de «
groupes de forces interarmées multinationales », proposé en janvier 1994 par
les Américains. Et vous nous avez présenté, lors du débat sur la défense en
mars, un modèle d'armée conforme aux schémas de l'OTAN.
D'ailleurs, si j'en crois les propos par un haut responsable militaire - et
pas n'importe lequel ! - tenus dans
Terre magazine,
- l'armée de terre
se prépare à ce « retour progressif dans l'OTAN ». Il s'agit d'augmenter le
taux d'encadrement, afin de participer pleinement aux structures militaires de
l'Alliance, et d'adopter en outre les procédures de l'OTAN, afin que
l'interopérabilité soit totale.
Toutes ces décisions ont illustré votre volonté de privilégier la rénovation
de l'OTAN de l'intérieur, afin d'y construire, disiez-vous, le pilier européen
de la défense.
Une autre démarche était possible : celle qui consistait à privilégier l'UEO
comme instrument d'une future entité européenne de défense.
C'est ainsi que le président François Mitterand a toujours considéré que la
défense de l'Europe ne pouvait se concevoir en dehors de l'Alliance atlantique.
Encore fallait-il, selon lui, « connaître les limites de l'Alliance et de son
organisation ». Vous venez, semble-t-il, de les découvrir après le refus
américain de confier à un Européen le commandement du sud de l'Europe.
Mais François Mitterrand ajoutait que « l'Europe en tant que telle ne doit
manquer aucune occasion de se structurer par une politique commune et par là
même se donner une défense propre ». C'est pour cette raison que, voilà douze
ans, le 27 octobre 1984, la France a pris l'initiative de « réactiver » l'UEO,
par la déclaration de Rome. Je me réjouis d'ailleurs que votre collègue M. de
Charette ait reconnu, lui, l'importance de cette décision.
Toutefois, vous avez récemment évolué, j'en conviens.
(M. le ministre
sourit.)
Un pas significatif a ainsi été franchi avec la création de
l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ce qui établit
le principe d'une « préférence européenne ».
Mais nos différences d'appréciations n'ont pas porté que sur ce sujet. En
effet, lors du débat sur la loi de programmation militaire, le groupe
socialiste n'a pas voté le texte, parce que nous récusions la philosophie qui
le sous-tendait.
Nous ne pouvons que confirmer nos désaccords, car, en plus, au nom de la
professionnalisation, vous désorganisez nos forces armées et vous mettez en
péril notre tissu industriel de défense.
Non seulement vous compromettez les capacités opérationnelles de nos armées,
en ne les dotant pas des matériels nécessaires, mais vous sacrifiez l'avenir en
opérant des coupes injustifiées dans les crédits recherche et développement
!
M. le président.
Monsieur Delanoë, je dois vous dire que vous commencez à amputer le temps de
parole des collègues de votre groupe.
M. Bertrand Delanoë.
Je vous remercie de m'en prévenir et je conclus donc.
Contrairement à vos propos, monsieur le ministre, le ministère de la défense
ne se gère pas comme une entreprise privée. Il est du devoir du Gouvernement de
planifier sur le long terme, ce qui implique de conserver le contrôle de notre
industrie de défense.
Or, vous préférez la démanteler en la privatisant dans des conditions
hasardeuses, comme ce fut le cas pour l'entreprise Thomson.
Comment M. le Premier ministre a-t-il pu oser dire que le numéro 3 mondial de
l'électronique de défense ne valait rien ? En rendant un avis non conforme, la
commission de privatisation a sanctionné votre démarche. Nous condamnons cette
politique de Meccano industriel qui dessert non seulement les intérêts de la
France, mais aussi de l'Europe !
Pour toutes ces raisons, vous l'avez compris, et conformément à la position
que nous avons prise au mois de juin, nous voterons contre votre budget !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix, sous
la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
ministère de la défense.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il
encore nécessaire d'expliquer que la défense de la France doit évoluer en
fonction de la situation géopolitique et stratégique européenne, voire
internationale, dont les données fondamentales ont subi une profonde
transformation ces dix dernières années ?
Le président Jacques Chirac nous a soumis une nouvelle programmation militaire
tenant compte de ces facteurs nouveaux. Nous allons, aujourd'hui, examiner les
moyens alloués à la première annuité de cette programmation.
La situation économique et sociale de la France, associée aux défis financiers
et monétaires que nous devons relever, compliquent cet exercice budgétaire et
lui imposent des contraintes drastiques ; nous en sommes conscients.
La tâche s'en trouve démesurée, comme le seront les conséquences sur notre
pays, ses industries, ses entreprises, ses populations, l'emploi, ses
collectivités locales, l'aménagement de son territoire. Voilà pourquoi je me
demande si le rythme imposé pour atteindre nos objectifs n'est pas un peu trop
précipité.
Ne serait-il pas préférable, monsieur le ministre, d'accorder le temps
nécessaire pour que s'opèrent des changements au demeurant indispensables ? Un
rythme plus mesuré permettrait aux acteurs locaux de mettre en place les
aménagements utiles à une véritable mutation plus constructive.
Votre budget montre que vous avez évalué et programmé le coût direct de la
professionnalisation des armées, même si ces financements me semblent très
serrés, voire trop serrés.
Cependant, avez-vous calculé le coût indirect de cette professionnalisation du
point de vue de l'aménagement du territoire ? Vous me direz que ces questions
ne sont pas entièrement de votre ressort et vous me conseillerez de m'adresser
au ministre compétent, qui a d'ailleurs prévu des compensations tant françaises
qu'européennes. Mais, vous apprendrai-je qu'en matière de gestion tous les
facteurs sont liés, que vous ne pouvez réaménager un secteur sans en affecter
profondément au moins un autre ? Je ne citerai que deux exemples : la fonction
publique territoriale, pour laquelle vous avez souhaité avoir des emplois
réservés, et la gendarmerie, qui sera sans doute tentée, pour résorber des
effectifs venant directement de l'armée, de restreindre l'accès à ses concours
de recrutement direct.
Le prix à payer en termes de difficultés sociales et économiques sera lourd,
j'en suis persuadé, pour les innombrables collectivités dont la survie est
souvent étroitement liée aux garnisons.
A nouveau, monsieur le ministre, je vous invite à venir le constater dans la
petite ville de l'Aisne dont je suis le maire, Sissonne, où nous vous attendons
toujours. Nous nous heurtons exactement à cette problématique, qui est
inquiétante, certes, mais qui est surtout désespérante.
En décidant de relancer la campagne des essais nucléaires, le Président de la
République a désigné la dissuasion comme l'un des piliers de la défense à la
fois française et européenne. C'est bien, car la dissuasion nucléaire française
s'inscrit dans le cadre d'une concertation européenne forte au sein duquel
notre pays a un rôle à jouer, et c'est heureux.
La France doit également agir aux niveaux national et européen pour encourager
les coopérations aussi bien en matière d'armement que de défense.
Les ministres de la défense des treize pays de l'Union de l'Europe
occidentale, parmi lesquels notre pays joue un rôle moteur, viennent de
concrétiser ces objectifs en approuvant les statuts de l'Organisation de
l'armement de l'Europe occidentale, l'OAEO, prévue à l'article 8 du traité de
Bruxelles. Je m'en félicite, comme vous, je suppose.
Je minorerai cependant mes propos pour constater l'existence d'un large fossé
entre les déclarations d'intention européennes et les pratiques en cours sur le
continent.
Je n'en donnerai qu'un exemple récent parmi de nombreux autres : celui de la
Grèce, membre associé de l'UEO à travers son appartenance à l'Union européenne,
qui procède également de son côté à un plan de modernisation de ses armées,
étalé sur dix ans.
Dans cet esprit, la Grèce envisage l'achat de nouveaux avions de combat,
d'hélicoptères de transport et de systèmes de défense antiaérienne pour
rajeunir ses moyens de défense. La plus grande partie de ces acquisitions
devrait être faite aux Etats-Unis. L'achat éventuel d'un aéronef européen, un
Mirage 2000, pourrait, nous dit-on, être envisagé.
Je souhaite connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur cette
épineuse question : peut-on, selon vous, dans un tel cas, faire jouer le
principe de préférence communautaire ?
Par ailleurs, sommes-nous déjà placés auprès des pays d'Europe centrale, voire
auprès de certains pays de l'Est - je pense notamment à l'Ukraine - qui
frappent à la porte de l'OTAN et de l'UEO ? J'ai eu l'occasion, ce matin,
d'entendre le président de la République polonaise déclarer devant l'Assemblée
de l'UEO que son pays choissirait comme partenaires ceux qui lui proposeraient
des projets en rapport avec ses moyens, ne citant la France que parmi d'autres
pays.
La production du véhicule blindé du futur, dont la mise en service en nombre
interviendra dès 2007, fait partie des projets qui bénéficieront des
coopérations européennes. C'est, à l'évidence, dans de telles réalisations que
la dimension européenne doit en premier lieu s'exercer, c'est-à-dire dans le
cadre de dynamiques de projets concrets et bénéfiques pour nos pays, pour leurs
industries, leurs économies et leur politique de défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la défense qui nous est présenté aujourd'hui sera, vous le savez comme moi,
très difficile à respecter. Il ne comprend pas beaucoup de marges de manoeuvre.
De plus, certains postes de financement ne sont que partiellement pris en
compte, celui des actions extérieures notamment. En outre, quelques zones
d'ombre entourent les points qui sont matière à interrogations, comme les
reports, dont vous avez tenu compte pour seulement six mois.
Telles sont quelques-unes des inquiétudes et des interrogations que m'inspire
votre budget. J'attends vos réponses, monsieur le ministre, car il est
indispensable aux parlementaires et aux élus locaux que nous sommes, d'y voir
plus clair. Je partage le point de vue pragmatique de la grande majorité des
Français qui accepte le changement quand il est utile, les efforts et les
restrictions quand ils sont nécessaires. Je souhaite que vos propositions
aillent dans le sens de l'intérêt de notre pays et de l'Europe, qu'elles
participent à la réalisation de l'édifice qui améliorera l'avenir de nos
concitoyens. Si tel est le cas, vous pourrez compter sur mon adhésion pleine et
active.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
se limitera à quelques observations relatives à la direction des constructions
navales, la DCN.
Le budget de la marine s'inscrit cette année dans le cadre de l'exécution de
la loi de programmation militaire du 6 juin 1996, votée pour la période
1997-2002.
Il s'agit de mettre en oeuvre la première étape de ce véritable défi que
constitue le passage à la réduction des formats et à la
professionnalisation.
La capacité d'équipement future de la marine est largement conditionnée par
l'avenir de la DCN.
Depuis 1992, cette dernière a considérablement évolué, puisque les activités
étatiques ont désormais une structure distincte des activités industrielles.
Rattachée au délégué général pour l'armement, la DCN étatique représente
l'Etat investisseur.
La DCN industrielle, c'est-à-dire les 9 arsenaux d'Etat, devrait évoluer vers
un mode de fonctionnement qui la rapproche d'une entreprise.
Parallèlement, depuis 1991, la DCN international, société de droit privé, a
vocation à développer les actions commerciales à l'exportation des matériels
navals.
A cet égard, tout le monde s'accorde à reconnaître que le secteur de la
construction navale est surcapacitaire au regard des commandes nationales, ce
qui nécessite de recourir à la diversification et à l'exportation.
L'objectif de porter les exportations à 5 milliards de francs à court terme
est ambitieux, car il représente le tiers du marché international ouvert. Il
n'est toutefois pas hors de portée.
La DCN se trouve bien placée pour répondre à la demande du marché mondial :
elle maîtrise, en effet, tous les types de navires depuis la vedette en
matériaux composites jusqu'au porte-avions nucléaire.
Sa compétence s'étend depuis les premières études jusqu'au retrait du navire
du service actif en passant par la construction, la maîtrise de l'intégration
des armes à bord ainsi que l'entretien en service, ce qui est particulièrement
précieux pour l'exportation.
Dans le contexte concurrentiel international, force est de constater que les
principaux pays européens possèdent une industrie navale capable de répondre à
l'ensemble des besoins d'une marine, avec toutefois quelques nuances que je ne
développerai pas.
Les Etats-Unis, pour leur part longtemps absents du marché, ont bien
l'intention d'y rentrer en force, et feront peser sur les constructeurs navals
européens une menace toujours plus grande dans les prochaines années, mettant
en oeuvre une longue tradition de soutien aux exportations d'armement. Quant à
l'ex-Union soviétique, en dépit de handicaps techniques et de problèmes de
logistique, elle mène actuellement une politique d'exportation très
agressive.
Face à cette offre, se trouvent au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud
des zones où les possibilités de contrats sont les plus grandes.
En Asie du Sud-Est notamment, ont été entamés des programmes d'acquisition
dans le domaine des navires de surface mais aussi de sous-marins et même de
porte-aéronefs.
C'est sans doute là que se décidera l'avenir de certains constructeurs
européens, d'autant que ces pays sont très soucieux de développer leurs
industries de pointe et demandent que les contrats soient assortis de
transferts de technologie.
La réforme que vous avez engagée, monsieur le ministre, comporte un axe fort
du développement des marchés à l'exportation, et la DCN entend prendre un
pourcentage significatif - 30 % - de parts de marchés, notamment en matière de
sous-marins.
Pour ce faire, il faut impérativement réunir plusieurs conditions : d'abord,
il convient que la ventilation des programmes prévus dans le budget de la DCN
soit de nature à faciliter cet objectif ; ensuite, il est nécessaire de
conserver un socle de personnel suffisant en nombre et en gamme de compétences
pour rester opérationnel, ainsi qu'un plan de charges suffisant pour maintenir
le savoir-faire.
Permettez-moi de rappeler que la marine américaine, qui ne compte plus de
sous-marins diesel électrique depuis de nombreuses années, a perdu le
savoir-faire dans la construction de ce type de navire, mais qu'elle cherche
des partenaires pour retrouver sa compétence dans ce domaine.
Or nos plans de charge sont en dents de scie en raison de la nature même des
activités qui voient se succéder études et constructions.
A l'heure actuelle, à la DCN de Cherbourg, et pour l'année 1997, l'activité
études est en forte chute ; elle doit remonter à la fin de 1998.
L'activité construction, creuse dans les prochaines années, devrait remonter
après l'an 2000.
Il est donc particulièrement important, monsieur le ministre, pour faire la
soudure, assurer l'avenir et utiliser le personnel disponible, de mettre en
oeuvre dès 1997 les moyens nécessaires au développement de la politique
ambitieuse d'exportation que vous souhaitez mener et dont je me félicite ; il y
a urgence en la matière.
C'est à cette fin que je proposerai un amendement visant à mettre en place une
procédure de pré-financement de matériel à exporter et à engager l'ensemble des
études nécessaires à la vente, y compris les transferts de technologie. Pour
cela, le soutien et l'accompagnement de l'Etat sont nécessaires. J'espère vous
avoir convaincu, monsieur le ministre, de l'urgence qui s'attache, pour notre
DCN, au fait d'être en mesure de répondre à des commandes à l'exportation le
plus rapidement possible.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la défense pour 1997 n'est autre que la première application de la
loi de programmation militaire votée en juin dernier.
Il traduit d'une façon concrète les engagements pris par le Président de la
République, chef des armées, le 22 février dernier et, par cohérence, je ne le
critiquerai pas dans son ensemble.
Cependant, si cette première tranche annuelle reçoit mon approbation, elle
mérite aussi toute ma vigilance. Je suis donc à la fois rassuré et inquiet.
Je suis rassuré, parce que ce budget, pilier de la réforme, respecte les
objectifs de la loi de programmation, avec 190,9 milliards de francs, répartis
entre 102,2 milliards de francs pour le titre III - fonctionnement - et 88,7
milliards de francs pour les titres V et VI - équipements - et ce malgré une
diminution de 20 milliards de francs par rapport aux précédentes prévisions.
Je suis toutefois inquiet, car des incertitudes demeurent sur le plan
budgétaire et sur l'évolution des capacités opérationnelles de nos armées.
Je commencerai par examiner l'aspect budgétaire.
L'apurement de la gestion 1995 au cours de l'exercice 1996 va se traduire par
des reports de charges dont le montant n'est pas encore connu. Par ailleurs, on
peut se demander si les annulations supportées par le titre V et décidées en
avril, en septembre et en novembre derniers, pour un montant de 8,4 milliards
de francs, ne vont pas peser sur l'exécution de la programmation et gager les
ouvertures de crédits au titre des opérations extérieures.
Si l'on veut mettre en oeuvre, de façon méticuleuse, le projet de réforme du
chef de l'État, la plus grande rigueur s'impose, dès 1997, dans la gestion et
l'exécution budgétaire, mais cette ambition est soumise à une condition :
l'invariabilité des crédits établis par la loi de programmation militaire. En
effet, tout report, tout gel, toute annulation pourrait rendre nos forces
armées plus fragiles, mais, en outre, si les compteurs ne sont pas mis à zéro,
c'est toute la loi de programmation militaire qui pourrait être remise en
cause.
J'en viens, maintenant, au volet militaire.
On peut se demander si les moyens alloués au titre de ce budget seront
suffisants pour être en phase avec la doctrine de projection.
En effet, si les crédits dédiés au nucléaire restent importants par rapport
aux autres domaines, si des crédits sont inscrits pour la poursuite des
programmes majeurs tels que le char Leclerc, l'hélicoptère Tigre, le
porte-avions nucléaire
Charles-de-Gaulle,
si les crédits spatiaux et la
dotation en missiles sont en partie préservés, si les programmes dits de «
cohérence interarmées » - renseignement, commandement et communication - ont le
vent en poupe, certaines évolutions des capacités opérationnelles de l'armée de
terre, de la marine et de l'aviation de guerre me préoccupent néanmoins.
Tout ayant été dit à ce propos lors de l'examen du projet de loi de
programmation militaire et lors du dernier débat sur la défense qui a eu lieu
en octobre dernier, je m'attarderai plus particulièrement sur trois aspects :
l'aéromobilité, le renseignement et l'aviation de combat.
En ce qui concerne l'aéromobilité, la capacité de projection des forces et de
la puissance d'une armée de terre est fonction notamment des matériels.
Or l'aéromobilité est en panne.
Selon le chef d'état-major de l'armée de terre, l'ALAT, l'aviation légère de
l'armée de terre, est bien entendu maintenue, et la composante aéromobile
évoluera en cohérence avec la réduction du format et les besoins de l'armée de
terre. Elle comprendra quatre régiments d'hélicoptères organisés principalement
au sein d'une brigade aéromobile.
Or je constate que le projet de budget ne prévoit aucune commande
d'hélicoptères. Certes, l'industrialisation du Tigre sera lancée, et le
développement du NH 90 poursuivi. Mais le Tigre ne sera commandé qu'à
vingt-cinq exemplaires entre 2000 et 2005, les premières livraisons ayant lieu
vers 2003. Quant à l'hélicoptère de manoeuvre NH 90, il sera commandé à
soixante exemplaires, mais pas avant l'an 2000.
De plus, le Tigre et le NH 90 font partie d'un programme d'armement mené en
coopération avec l'Allemagne. Or cette coopération n'est plus ce qu'elle était
: elle a été entamée par un certain nombre d'initiatives unilatérales de la
France.
Des malentendus risquent d'avoir des conséquences sur le déroulement de ce
programme, lequel, d'ailleurs, est actuellement remis en question et fait
l'objet de discussions n'associant pas nos partenaires.
J'espère, dans l'intérêt de notre défense, que ce programme sera poursuivi.
Dans le cas contraire, c'est toute la capacité de la 4e division aéromobile -
DAM - à assurer des missions de projection qui serait remise en question.
Comme certains de mes collègues, je m'interroge donc sur l'avenir de
l'ALAT.
Mon deuxième sujet de préoccupation touche au renseignement.
La stratégie de prévention que développe notre pays repose pour l'essentiel
sur le renseignement.
Les outils principaux du renseignement stratégique seront le satellite
d'observation Helios 2 et le satellite radar Horus, dont les crédits figurent
dans le projet de budget pour 1997 à concurrence de 3,3 milliards de francs ;
le renseignement satellitaire est développé dans le cadre d'un partenariat
franco-allemand. Or, la participation de Bonn aux programmes bilatéraux demeure
incertaine.
L'absence de réponse ferme de la part de l'Allemagne, au 1er octobre dernier,
n'a pas permis de lancer la procédure d'appel d'offres pour le satellite de
reconnaissance Hélios 2.
Les problèmes sont du même ordre du côté du renseignement de théâtre, avec
l'abandon du projet franco-allemand de drones de type Brevel.
Il est donc capital d'obtenir toutes assurances sur la participation de
l'Allemagne à ces projets. Tout retrait, même partiel, ou tout retard
nécessiterait soit le maintien en orbite du satellite Hélios 1 soit un
accroissement de notre effort financier, qui n'a pas été programmé.
La participation de l'Allemagne est d'autant plus importante que les projets
Hélios 2 et Horus sont liés.
Le 12 novembre dernier, l'agence franco-allemande de l'armement a été mise en
place. Il est temps que l'Allemagne s'engage dans ces projets spatiaux et
qu'elle le confirme lors du sommet franco-allemand du 9 décembre prochain ;
j'espère vivement qu'elle le fera.
Le dernier aspect préoccupant de l'évolution de nos forces armées concerne
notre aviation de combat.
A considérer l'équipement, c'est-à-dire les titres V et VI, le projet de
budget pour 1997 de l'armée de l'air est effectivement conforme à la loi de
programmation militaire.
Ces crédits s'élèveront à 21,63 milliards de francs en 1997, soit une
augmentation apparente de 2,5 %, en raison des transferts de crédits
d'entretien programmés du titre III vers le titre V. En réalité, ils sont en
diminution de 3,7 % par rapport aux crédits disponibles alloués en 1996, qui
s'élevaient à 22,46 milliards de francs.
Quant aux crédits de fonctionnement du titre III, ils baisseront de 5 % en
francs constants en 1997. Les crédits consacrés à l'activité aérienne, qui
représentaient à eux seuls 14 % du titre III en 1996, n'en représenteront plus
que 11 % en 1997.
Enfin, en ce qui concerne les crédits destinés au carburant des aéronefs, ils
ont simplement été reconduits en francs courants, sans tenir compte du prix de
baril ni des fluctuaux monétaires.
Il faut savoir que, depuis 1993, notre armée de l'air était parvenue, malgré
les restrictions budgétaires, à maintenir un taux moyen annuel de 180 heures,
soit le taux standard minimal de l'OTAN, alors que ce taux est de 230 heures
aux Etats-Unis.
Si aucune solution n'est trouvée avant la fin de l'année, la moyenne des
heures de vol de nos pilotes de chasse pourrait passer de 180 heures à 170
heures par an, ce qui, à terme, se ressentirait sur la sécurité des vols et le
niveau même de nos pilotes.
A quoi sert-il d'avoir des avions si l'on ne peut les utiliser sans danger,
faute d'entraînement ? Cette situation devra impérativement être améliorée en
1997. Des compléments de crédits devront être trouvés en 1997, comme cela a été
le cas en 1996.
Quoi qu'il en soit, l'armée de l'air est particulièrement touchée puisque
aucun aéronef ne sera commandé en 1997. Elle recevra seulement six Mirage 2000
D et le premier Mirage 2000-5, avec deux ravitailleurs Boeing KC 135, achetés
aux Américains, et un hélicoptère Cougar de secours.
Les programmes Mirage 2000 mobiliseront 3,2 milliards de francs, alors que le
programme Rafale, qui continue selon le calendrier prévu, malgré un quasi-arrêt
cette année, recevra près de 3,6 milliards de francs dans la perspective d'une
livraison des premiers appareils, en principe, à partir de 1999.
Bref, notre armée de l'air fait figure, sinon de sacrifiée, du moins de
parente pauvre de nos armées.
Considérée un peu vite comme l'armée la plus professionnalisée, saura-t-elle
faire face, pour reprendre sa devise, au nécessaire renouvellement de sa flotte
de combat ? Je me le demande.
D'ores et déjà, un point est acquis : le reformatage de l'armée de l'air avec
380 avions en 1997 place la France à un rang inférieur à celui de nos
principaux alliés, en particulier l'Allemagne, qui alignera en 1997 plus de 900
avions de combat.
Monsieur le ministre, en conclusion, je dirai que, sous réserve des
observations qui précèdent, le budget que vous nous proposez est courageux et
globalement conforme à la première année de la loi de programmation militaire.
Il s'inscrit dans la voie tracée par le chef de l'Etat tout en tenant compte
des difficultés du présent. Il reste cependant à en garantir l'exécution. Je
vous fais confiance pour y parvenir, tout en faisant, bien entendu, preuve
d'une grande vigilance. Je voterai donc votre budget.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'insécurité
est un fléau qui ne frappe pas que les villes et leurs banlieues ; le monde
rural n'y échappe pas.
Les populations supportent de plus en plus mal cette situation. D'ailleurs,
des manifestations d'exaspération éclatent ici et là. Les élus locaux sont
interpellés : on exige d'eux qu'ils trouvent des solutions. Nous avons beau
expliquer que les statistiques sont apparemment bonnes, l'état d'esprit
continue à se dégrader.
Les populations rurales attendent beaucoup des gendarmes, mais ceux-ci ont
beaucoup à faire ! Leurs missions se diversifient et augmentent en nombre ainsi
que, souvent, en complexité.
Disposent-ils, monsieur le ministre, des moyens indispensables à l'exercice de
leurs responsabilités ?
Le budget de la gendarmerie augmente de 1,72 %. Mais s'agit-il réellement
d'une augmentation ? Déjà, l'inflation risque de n'être pas totalement
compensée. De plus, l'accroissement de leurs missions n'est pas, me
semble-t-il, pris en compte.
Dans beaucoup de cas, le renouvellement du matériel ne se fera pas. Même le
carburant risque de manquer, car, dans ce domaine, l'effort d'économie me
paraît trop grand.
Votre budget, monsieur le ministre, est insuffisant s'agissant tant du
fonctionnement que de l'investissement.
Or cette situation ne va pas s'améliorer : la population augmente, la
population âgée augmente encore plus vite, le chômage s'accroît et ses
conséquences très souvent négatives sur les comportements se font de plus en
plus sentir.
Bientôt, il n'y aura plus de gendarmes auxiliaires. Certes, leur remplacement
est prévu, mais le financement ne l'est pas et les volontaires coûteront plus
cher que les auxiliaires.
Un proche avenir confirmera que vous avez sous-évalué le coût de la
disparition de l'actuel service national, car, malgré le remplacement des
gendarmes auxiliaires, le remplacement des gendarmes indisponibles pour des
raisons diverses n'est pas toujours facile.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous suggère la mise
en place de brigades non affectées territorialement qui, au niveau d'un
département, pourraient remplacer les gendarmes absents.
Dans les petites brigades, ce non-remplacement pose des problèmes de
fonctionnement très délicats. Malgré, parfois, le renfort d'un gendarme
auxiliaire, l'effectif théorique n'est généralement pas atteint. Dans la
plupart des cas, ces renforts sont très appréciés des élus communaux, mais ces
derniers doivent les loger. Ces transferts de charges ont tendance à se
généraliser. Lorsque le maire en évoque le coût, il lui est répondu que le
renfort peut aller ailleurs !
Monsieur le ministre, êtes-vous au courant de cette pratique ? Si vous l'êtes,
qu'en pensez-vous ? Pourquoi la gendarmerie ne prend-elle pas en charge tout
son personnel, les auxiliaires et les renforts ?
Monsieur le ministre, votre budget s'inscrit dans la rigueur que le
Gouvernement a adoptée comme règle. Mais il y a des limites à tout, même à la
rigueur. Vous ne pouvez pas, en même temps, demander plus et donner moins. Vous
ne pouvez pas élargir le champ des missions de gendarmerie sans augmenter
proportionnellement ses moyens en personnel et en matériel.
Si votre règle majeure est la maîtrise budgétaire, il faut reconsidérer les
missions des gendarmes et redéfinir l'ordre des priorités. La prévention et la
lutte contre les délits, notamment les vols et les crimes me paraissent devoir
figurer en priorité.
La prévention ne peut se concevoir et s'organiser sans la présence physique,
et visible, du gendarme ; d'où l'impérieuse nécessité de ne pas supprimer les
brigades en milieu rural.
Les patrouilles de nuit doivent également être multipliées.
Souvent, nos populations, exaspérées par les agressions et les vols, demandent
aux élus locaux d'utiliser la police municipale pour compléter l'action de la
gendarmerie. Si cette pratique se développait, elle entraînerait de nouveaux
transferts de charges, que la plupart des budgets communaux ne pourraient pas
supporter longtemps.
Mais cela soulève d'autres problèmes, monsieur le ministre, notamment en
matière de responsabilité, et je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer,
aujourd'hui ou ultérieurement, quelle est votre position sur ce problème de
l'utilisation de la police municipale en complément de la gendarmerie.
Monsieur le ministre, votre projet de budget n'indique pas comment vous
pourrez répondre au « plus de sécurité » qu'exigent les populations rurales.
Bien sûr, comme vos collègues du Gouvernement ou comme certains membres de la
majorité de cette assemblée, vous pourrez une fois de plus faire allusion à
l'héritage socialiste, qui revient comme un leitmotiv.
(Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Lorsque je l'entends, j'ai
l'impression d'un vieux disque rayé jouant sans cesse le même air, et c'est
souvent, l'air de la calomnie !
(Sourires.)
Mais cette tactique, monsieur le ministre, ne pourra pas longtemps
masquer vos propres responsabilités.
Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas vos
propositions budgétaires.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
budget du ministère de la défense pour 1997 est le premier tendant à la mise en
oeuvre de la réforme des armées voulue par M. le Président de la République.
Cette restructuration profonde - pour ne pas dire : « cette élaboration
nouvelle des moyens assurant la sécurité de la nation » - s'accompagne d'un
corollaire majeur pour notre économie : la réorganisation des industries de
l'armement.
Monsieur le ministre, vous avez participé, le 12 novembre dernier, à la
signature d'un protocole d'accord sur la création de l'agence européenne de
l'armement qui nous associe à nos partenaires allemands, britanniques,
italiens, auxquels se sont joints les Hollandais.
La collaboration européenne sur de grands projets a fait ses preuves, tant
dans le domaine de l'espace que dans la production d'armes. L'organisation
européenne des industries de l'armement est donc une étape essentielle du
corollaire que j'ai évoqué.
Cependant, monsieur le ministre, il ne faudrait pas reproduire la funeste
erreur commise lors de la mise en place des institutions européennes, sous
prétexte de ne pas faire de
lobbying
- c'était, à l'époque, en France,
le péché absolu : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! » - et qui explique
l'influence prépondérante des pays de l'Europe du Nord que l'on constate
aujourd'hui. On le voit bien avec les normes européennes que nous impose
Bruxelles, notamment dans le domaine alimentaire - rappelez-vous ce que nous
avons payé pour nos abattoirs ! -, mais dans d'autres aussi, normes européennes
qui ne tiennent aucun compte des traditions et habitudes de l'Europe du Sud.
Ce serait beaucoup plus grave en matière d'armement, car il y a là,
sous-jacent, un véritable problème de souveraineté nationale : il n'est pas de
nation sans son glaive. Préférence européenne, oui, face à la concurrence
américaine. Mais la France a un rôle important à jouer dans ce processus
économique et industriel, afin que soient sauvegardés des outils de production
de haute qualité, les emplois et une certaine indépendance technologique.
GIAT-Industries est fortement implanté dans le département de la Loire, autour
de trois sites que vous connaissez, monsieur le ministre : Roanne,
Saint-Chamond et Saint-Etienne. L'activité armurière de cette dernière ville
participe à l'effort de défense de notre pays depuis 1535, date à laquelle
François Ier décida d'y créer une fabrique d'armes à feu !
Cette longue tradition, porteuse de compétences, ne saurait impliquer une
vision passéiste de l'outil manufacturier. Bien au contraire, chacun s'accorde
à reconnaître à GIAT Saint-Etienne la maîtrise de techniques de pointe, un
savoir-faire original et de qualité, mis en oeuvre par des salariés
compétents.
L'analyse montre ainsi que GIAT-Industries, dans la Loire, dispose des atouts
fondamentaux qui le mettent en position de collaborer à la mise en oeuvre de
l'outil de défense français du début du xxie siècle, lui assurant la maîtrise
technique et l'indépendance nécessaires à une armée moderne d'un grand pays
développé, dont le rôle international se réaffirme sous l'impulsion et la
volonté du chef de l'Etat. Permettez-moi de rappeler les activités que regroupe
ce site.
Le secteur de l'arme de petit calibre, qualifié RAQ 1, le plus haut degré de
qualité conféré par le ministre de la défense, s'oriente vers la production du
FA-MAS marine, du FA-MAS CRS et du PM armée de l'air.
La détection-protection-décontamination nucléaire, biologique et chimique est
fortement ouverte sur les marchés à l'exportation et sur les marchés de la
sécurité civile.
L'optique plane-Episcope est la seule activité française du genre et fait du
site stéphanois le fournisseur unique des épiscopes diurnes des engins blindés
français.
La mise en oeuvre de techniques innovantes et de très haute technologie en
matière d'optique permet d'ores et déjà d'associer le centre stéphanois au
développement de produits de très haute utilité stratégique comme le projet
Laser mégajoules, que vous connaissez bien, en liaison, pour l'optique, avec
l'université et l'institut de l'image en Rhône-Alpes, structure pionnière dans
ce domaine.
L'activité mécanique de précision et de traitement des surfaces, enfin, répond
aux attentes de clients extérieurs comme GEC-Alsthom.
Lors des débats relatifs à la loi de programmation militaire pour 1997-2002,
répondant à mes interrogations quant à l'avenir de ce site, vous aviez
vous-même reconnu, monsieur le ministre, cette capacité en me rassurant en ces
termes : « Oui, monsieur Neuwirth, la pérennité du centre GIAT-Industries de
Saint-Etienne sera assurée et son développement poursuivi ! Les compétences en
matière d'armes légères mais aussi tous les efforts de diversification seront
valorisés. Saint-Etienne est le pôle français des armes légères et du
développement d'activités au sein de l'entreprise. »
Il est inutile de dire, monsieur le ministre, le formidable élan d'espoir que
vos propos ont suscité auprès de la population stéphanoise, en particulier des
salariés.
Par ailleurs, il convient, je le crois, de retenir les propositions concrètes
de la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne - Montbrison.
Elle a proposé le maintien dans la Loire des compétences et du savoir-faire
développés par l'industrie de l'armement tant dans les techniques et les
technologies que dans les ressources humaines.
Elle a suggéré le rapprochement des compétences humaines des sites de
l'armement avec le milieu des PME et des PMI pour développer des projets
internes à celles-ci ou pour créer de nouvelles activités par un transfert et
un apport de technologies nouvelles.
Elle a proposé le développement d'activités civiles à partir des savoir-faire
des sites de l'armement soit en croissance interne soit pas essaimage, lequel
est essentiel dans le développement de l'emploi.
Elle a, enfin, suggéré la recherche d'une synergie entre l'arme de chasse et
de tir et les armes de petit calibre dans le domaine de la production, de
l'ingénierie, des méthodes et de la promotion internationale, pour le secteur
civil, qu'il s'agisse de
show-room,
de sécurité, de protection, de
centre de tir ou de manifestation mondiale.
Ces propositions s'insèrent naturellement dans le schéma régional
d'accompagnement à la mutation de l'industrie de l'armement que le président du
conseil régional de Rhône-Alpes connaît bien.
A l'heure où nous examinons le budget de la défense, dont les conséquences
directes sur les industries de l'armement sont certaines, je souhaite, monsieur
le ministre, avoir la confirmation que celui-ci correspond parfaitement aux
espoirs et aux assurances données en juin dernier et ce, afin de ne laisser
planer aucun doute qui serait de nature à alimenter d'inutiles polémiques.
Monsieur le ministre, nous faisons confiance à votre volonté et surtout à
votre connaissance personnelle du dossier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos
porteront sur le rôle et les moyens de la gendarmerie nationale. En effet, un
budget doit tracer des perspectives et refléter surtout une ambition. Il s'agit
non pas de gérer le quotidien, mais d'assurer aux gendarmes les moyens
indispensables pour mener à bien les multiples et délicates missions qui leur
incombent.
Cela peut sembler une évidence, mais des situations constatées ici ou là
méritent que l'on demande au ministre compétent de rappeler et même de définir
les nouvelles missions de la gendarmerie, notamment en milieu rural. Cette
démarche est uniquement dictée par les nombreuses remarques et réflexions dont
nous font part les élus et les administrés que nous rencontrons fréquemment. A
cet égard, notre collègue André Rouvière, sénateur du Gard, a déjà donné le
ton.
Ce débat est l'occasion d'exprimer dans cet hémicycle les inquiétudes des élus
locaux qui, par exemple, se heurtent à des répondeurs téléphoniques lorsqu'ils
appellent la nuit une brigade ou qui sont confrontés à des systèmes de
transferts d'appel et qui, finalement, doutent et s'interrogent sur le rôle de
l'Etat car ils ne perçoivent pas les missions que doit exercer la
gendarmerie.
La rigueur budgétaire décrétée par le Gouvernement depuis 1993 et son
corollaire, la réduction constante des effectifs, a entraîné un effacement de
la gendarmerie, alors qu'elle est, c'est évident, un service public de
proximité.
Comment une brigade en sous-effectif peut-elle assurer une mission d'accueil
et de prévention, lorsqu'elle doit en même temps être sur le terrain pour
surveiller et dissuader, répondre aux appels urgents, intervenir dans les cas
de flagrants délits et se consacrer, après chaque mission, aux tâches
administratives lourdes, aux inévitables rapports et autres procès verbaux ?
En effet, comme vous le savez, chaque mission ou période d'astreinte est
suivie de jours de récupération indispensables, auxquels s'ajoute le temps de
repos légal. Mais, dans un contexte de sous-effectif, la charge de travail
devient lourde et les brigades ne peuvent fonctionner normalement, en dépit du
dévouement manifesté, d'une façon générale, par les gendarmes.
Je voudrais, en particulier, insister sur les conséquences de cette situation,
en soulignant les difficultés que rencontrent les citoyens pour joindre une
gendarmerie.
Depuis quelques années, s'est mis en place un système de centralisation des
appels d'urgence sur un poste de commandement qui alerte une brigade
d'astreinte. Ce système, qui a probablement été adopté dans le souci d'une
meilleure gestion et d'une plus grande efficacité, ne donne pas
satisfaction.
Ainsi, de nombreux maires, confrontés à des troubles dans leurs communes, ne
sont pas parvenus à obtenir l'intervention et le renfort de la brigade de
permanence, parce que, sur les trois gendarmes de garde, deux étaient déjà sur
le terrain et le troisième assurait la permanence de la gendarmerie.
Cet exemple peut prêter à sourire, mais je peux vous assurer que, lorsque des
troubles se produisent, ce qui arrive malheureusement de plus en plus souvent
lors de fêtes locales, de bals ou de manifestations diverses, les maires sont
totalement démunis pour rétablir le calme dans leurs communes.
Un sentiment de malaise et d'insécurité s'installe, créant ainsi une mauvaise
image de la gendarmerie, dont les serviteurs ne sauraient être tenus pour
responsables.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il faut rapidement améliorer le système des
appels d'urgence, afin d'éviter que des situations graves nécessitant une
intervention quasi immédiate ne s'enveniment et ne dégénèrent.
Je profite également de cette occasion pour aborder la question de la gestion
des effectifs durant la période estivale et plus précisément de la répartition
des renforts de gendarmerie.
J'ai déjà eu l'occasion de saisir vos prédécesseurs de cette question, mais il
est des sujets qui méritent d'être répétés pour être mieux compris et peut-être
mieux pris en compte.
Que constate-t-on dans les départements touristiques durant l'été ?
Chaque année, au début de la saison estivale, les brigades rurales sont vidées
de leurs effectifs, qui sont affectés dans les stations du littoral, dont les
problèmes, j'en conviens, sont réels et aigus.
De même, les renforts, constitués essentiellement d'appelés du contingent,
sont affectés prioritairement et en grande majorité sur les plages. Seuls
quelques appelés sont envoyés dans les gendarmeries rurales, mais ils ne
constituent en aucun cas des renforts, car ils ne font que remplacer les
gendarmes titulaires partis en vacances ou dans une brigade du littoral. Tel
est notamment le cas en Languedoc-Roussillon. Cette situation ubuesque a deux
conséquences, qui méritent d'être soulignées.
D'une part, il est urgent et judicieux de prendre enfin, en considération le
fait que le littoral, certes très fréquenté, n'est plus le seul lieu de
villégiature de nos concitoyens. Depuis quelques années, l'espace rural est en
effet devenu une destination de vacances et le « schéma des années soixante »,
selon lequel la population se concentre sur les plages, est aujourd'hui
périmé.
Cette évolution mérite d'être prise en compte lors de la répartition des
renforts saisonniers.
D'autre part, certains peuvent se satisfaire des quelques appelés affectés
dans les brigades rurales, mais, comme vous le savez, ces jeunes gens, du fait
de leur statut particulier, ne peuvent accomplir les mêmes missions que les
titulaires qu'ils sont censés remplacer.
Ainsi, certaines brigades ne peuvent pas fonctionner durant la saison
estivale, faute de gendarmes titulaires et de renforts suffisants.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, un changement dans cette gestion des
effectifs qui tienne vraiment compte tant de la réalité que de la nécessaire
adaptation à toute évolution ? Par exemple, en raison de la mise en service de
l'autoroute A 75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers et de l'A 750 via
Montpellier, nous espérons que, dès 1997, vous voudrez bien reconsidérer les
moyens des brigades du département de l'Hérault.
Enfin, j'aborderai le problème de la formation permanente des gendarmes, qui
est essentiel.
Nous le savons, les gendarmes remplissent aujourd'hui une mission de plus en
plus complexe qui les confronte à des réalités sociales et sociologiques
auxquelles ils doivent s'adapter en permanence.
Que d'archaïsmes - je dis bien « archaïsme » - observons-nous aujourd'hui
encore, ici ou là !
Quelle orientation nouvelle allez-vous donner à votre action et surtout quels
crédits avez-vous l'intention d'affecter à la formation continue des gendarmes
et à la modernisation indispensable de ce service public ?
Sur toutes ces questions, monsieur le ministre, nous attendons des réponses
précises et des engagements concrets pour donner véritablement à la gendarmerie
les moyens financiers et humains indispensables à son action.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenir
le dernier dans ce type de débat est toujours un exercice difficile, puisque
tout a été dit ou presque. Je me contenterai donc de vous faire part de mes
préoccupations relatives à l'accompagnement des restructurations militaires et
industrielles.
Il s'agit, bien évidemment, de l'un des aspects fondamentaux de la réforme
mise en oeuvre et voulue par le Président de la République. Son incidence
budgétaire est certaine, et il est normal que les parlementaires et les élus
locaux soient sensibilisés à ce type de problème.
Le nombre de communes et de départements concernés est très important. Comme
vous le savez, monsieur le ministre, des zones particulièrement fragiles et
défavorisées sont touchées, pour lesquelles les conséquences de ces mesures
seront considérables. Or, en raison des difficultés d'évaluation du coût total
des compensations des pertes économiques à mettre en oeuvre, il est permis de
s'interroger sur le niveau des crédits alloués au fonds pour l'adaptation
industrielle ainsi qu'au fonds pour les restructurations de la défense.
La grande question, comme certains orateurs l'ont souligné ce matin, est de
savoir si les crédits inscrits au titre III permettront de faire face au coût à
la fois de la professionnalisation des armées et des mesures d'accompagnement
social des restructurations ou s'il faudra opérer des prélèvements sur les
crédits du titre V.
A cet égard, le rapporteur spécial, M. Maurice Blin, ne nous a pas
particulièrement rassurés ce matin. Il a, en effet, insisté sur le caractère
très ambitieux d'un projet de budget devant répondre à trois objectifs
difficilement maîtrisables, qu'il conviendra donc de préserver dans son montant
et dans sa structure.
On ne peut certes pas programmer ces suppressions en tenant exclusivement
compte de cet aspect du problème. Toutefois, il est absolument indispensable de
prendre en compte la portée de telles décisions sur les situations locales
souvent déjà fragilisées, dans le monde rural par la dévitalisation et la
désertification ou dans les zones plus urbanisées ou industrialisées par un
taux de chômage préoccupant.
Il serait, en effet, incohérent de préparer un ambitieux projet de loi pour
l'aménagement du territoire en milieu rural et ne pas mesurer exactement les
conséquences économiques de la dissolution d'un régiment ou de la
délocalisation d'une usine militaire dans une sous-préfecture de province.
J'illustrerai mon propos par un exemple que je connais bien puisqu'il s'agit
du département de Vaucluse qui est, comme vous le savez, monsieur le ministre,
au coeur du problème.
Le démantèlement du 1er GMS du plateau d'Albion et des installations
nucléaires militaires de l'usine Cogema de Pierrelatte entraînera, comme
plusieurs études le démontrent, de très importantes conséquences sur le tissu
économique et social, respectivement de la région de Sault et d'Apt au pied du
Ventoux, et du nord du Vaucluse, d'autant que l'économie de ces zones est
fortement dépendante des implantations militaires.
Pour affronter ces bouleversements considérables de l'économie d'un pays, nous
estimons que trop d'inconnues pèsent actuellement sur le calendrier et la
teneur des indispensables compensations qui devront accompagner dans le temps
ces suppressions. Cette incertitude nous conforte sur l'imprécision de ce titre
III du projet de loi de finances pour 1997.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'absence,
provisoire je l'espère, de réponses précises de l'Etat nourrisse et amplifie
les très vives inquiétudes qui s'expriment sur le terrain, d'autant que mon
département souffre de maux que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à cette
tribune.
S'agissant, en premier lieu, du retrait du service de la composante sol-sol de
notre force de dissuasion sur la base aérienne 200 de Saint-Christol d'Albion -
dont la portée symbolique est évidemment très forte pour le gaulliste que je
suis, puisqu'elle fut le pilier de la force de dissuasion nucléaire mise en
place par le général de Gaulle au début des années soixante - le Président de
la République s'est engagé, à plusieurs reprises, afin que « la reconversion du
site et l'implantation de nouvelles activités militaires... » - il s'agit,
selon moi, d'un point essentiel - « ... soient étudiées avec le souci
prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des activités économiques de la
région ». Vous vous doutez que ces propos ont été largement diffusés auprès des
élus locaux par la presse locale.
Cet objectif, et je rends grâce au chef de l'Etat et au Gouvernement d'en être
parfaitement conscients, ne pourra être atteint qu'en concertation avec les
élus et les acteurs locaux et avec leur participation active, sur la base des
résultats convergents des différentes études d'impacts économique et social
diligentées par ces derniers ou directement par l'Etat.
Actuellement, il faut bien reconnaître que, sur le terrain, la phase de
concertation pilotée par le délégué interministériel aux restructurations de
défense, M. Thierry Klinger, manque d'éléments précis sur le devenir de la
base. Je rejoins ici les propos tenus par Yvon Bourges ce matin pour dire que
cette concertation devrait être mieux organisée.
Monsieur le ministre, il faut que nous disposions d'informations sur le coût
immédiat du démantèlement de la base d'Albion et sur les économies à moyen
terme qui pourront ainsi être réalisées.
L'annonce, par votre collègue M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement
du territoire, de la ville et de l'intégration, de l'extension du programme
européen Konver à quatre sites français concernés par les restructurations
militaires, dont Apt et le plateau d'Albion, constitue, c'est vrai, un point
extrêmement positif.
Cela ne peut que favoriser la mise en oeuvre d'un programme de développement
économique et social. Encore faut-il que le fonds de restructuration de la
défense complète les moyens financiers ainsi dégagés et que le Gouvernement
annonce rapidement de quoi sera constituée la composante militaire de la
reconversion du plateau d'Albion.
En ce qui concerne, en second lieu, le démantèlement des installations
nucléaires militaires Cogema du Tricastin, les responsables locaux insistent
sur la nécessité de faire en sorte que ce soit la Cogema elle-même, et
directement, qui assure ces opérations et que les communes de Vaucluse
concernées bénéficient des mêmes dispositions que celles dont a profité le
département voisin de la Drôme.
Enfin, pour la Cogema, il est indispensable que la convention de conversion
soit étendue à tout le bassin, y compris au nord du Vaucluse, et ne concerne
pas la seule partie de la région Rhône-Alpes.
A la lumière de ces deux exemples apparaissent toutes les difficultés
auxquelles est confronté le Gouvernement pour assumer les conséquences d'une
décision courageuse et sans doute inéluctable.
Je sais pouvoir compter sur votre volonté de mener à bien cette mission,
monsieur le ministre. Les compensations sur lesquelles le chef de l'Etat s'est
engagé seront longues à mettre en oeuvre sur le terrain. Mais, je vous en
conjure, il convient d'en définir rapidement, j'y insiste, les contours et de
rassurer à la fois les élus locaux et les populations. Par avance, je vous en
remercie.
Bien évidemment, le groupe du RPR votera le projet de budget que vous nous
présentez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je
vous prie, tout d'abord, d'excuser mon retard de ce matin, motivé uniquement
par les événements tragiques qui se sont produits à la station Port-Royal. Je
tiens d'ailleurs, avant toute chose, à m'incliner devant les victimes de cet
acte atroce et à assurer les familles de la sympathie et du soutien du
Gouvernement.
Je tiens également à rendre hommage à la compétence, à la célérité, aux
qualités de coeur des sapeurs-pompiers, des gendarmes, des policiers, des
médecins, des membres du SAMU qui ont porté secours aux victimes dès les
premières minutes qui ont suivi ce drame.
Face à cet acte de barbarie, le Gouvernement est déterminé : tout est fait,
tout sera fait pour assurer la sécurité des Français et terrasser le
terrorisme.
Ce sont 3 500 engagés militaires, dont 1 700 gendarmes mobiles et 1 800
militaires d'autres armes, qui vont d'ores et déjà exercer, dans le cadre du
plan Vigipirate, leur vigilance aux frontières, dans les aéroports, les gares,
les stations de métro, dans l'ensemble des zones sensibles du territoire
national.
Je souhaite les assurer en votre nom, j'en suis sûr, mais aussi au nom du
Gouvernement et en mon nom personnel, de notre pleine confiance.
Dans cette épreuve, je tiens à saluer nos concitoyens ; ils font preuve de
sensibilité, de sérénité, de sang-froid et de solidarité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens maintenant à la discussion
budgétaire.
Au terme de ce débat, qui est le cinquième que votre Haute Assemblée consacre
cette année aux questions de défense, je désire vous remercier, une fois de
plus, pour la qualité de vos interventions, qui témoigne de l'intérêt que les
membres du Sénat portent à la réforme de la défense de notre pays.
Bien évidemment, ma gratitude s'adresse tout spécialement aux rapporteurs
spéciaux de la commission des finances et aux rapporteurs pour avis de la
commission des affaires étrangères, qui ont souligné ce matin la cohérence de
la démarche gouvernementale. Elle s'adresse aussi aux porte-parole des groupes
de la majorité. MM. Bourges, Plasait et Cabanel, qui ont exprimé de nouveau
leur soutien à la mise en oeuvre de la réforme engagée sur l'initiative du
Président de la République.
Cette réforme est en marche. Elle a été préparée dès le lendemain de
l'élection présidentielle par le comité stratégique. Elle a été mise au point
au cours de l'année qui s'achève dans les conditions que vous connaissez, en
étroite concertation avec toutes les personnes et tous les organismes
concernés. Elle sera mise en oeuvre dès l'année prochaine si vous votez le
projet de budget qui est soumis à votre approbation.
Sans prétendre à l'exhaustivité, je répondrai aux orateurs qui se sont
exprimés en abordant successivement le volet financier, le volet militaire et
le volet industriel de la réforme.
S'agissant tout d'abord du volet financier, permettez-moi de remercier ceux
d'entre vous - ils ont été nombreux - qui ont souligné la conformité du projet
de budget pour 1997 avec la première annuité de la loi de programmation
militaire que vous avez votée au mois de juin dernier.
Je vous ferai un aveu : je suis certain que, lorsque je prenais cet engagement
en juin dernier, vous étiez peu nombreux à croire qu'il serait tenu.
Aujourd'hui, vous pouvez constater, à la lecture du projet de budget pour 1997,
que cet engagement est tenu.
Parce qu'elle fixe les moyens humains et financiers d'une réforme de notre
outil de défense sans précédent depuis les années soixante, cette loi présente
un ensemble de caractéristiques qui la distinguent de toutes celles qui l'ont
précédée. Ces caractéristiques, je vous les rappelle d'autant plus volontiers
qu'elles correspondent, M. de Villepin le sait bien, aux recommandations
exprimées ces dernières années par la commission des finances et la commission
des affaires étrangères : programmation détaillée des effectifs du ministère de
la défense ; programmation du titre V, mais aussi du titre III des armées ;
programmation des crédits de paiement, mais aussi des autorisations de
programme ; abandon de la notion de « crédits disponibles » ; enfin, indexation
des sommes consacrées à la défense sur l'indice des prix retenu pour
l'élaboration du budget de l'Etat.
Cette loi de programmation qui donne un cadre financier à la réforme sera donc
intégralement appliquée l'année prochaine.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est d'abord en termes de
crédits : les 190,9 milliards de francs soumis à votre approbation
correspondent, en effet, à l'actualisation des 185 milliards de francs prévus
par la loi.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est aussi en termes
d'effectifs, ce qui permettra à la professionnalisation de s'engager.
Conforme à la programmation, le projet de budget l'est, enfin, en ce qu'il
autorise la mise en place des deux fonds dont le Parlement avait demandé la
création : le fonds d'accompagnement de la professionnalisation, auquel 730
millions de francs seront affectés l'année prochaine, et le fonds pour
l'adaptation industrielle, qui sera doté de 646 millions de francs.
Le projet de budget pour 1997 étant conforme à la programmation, je ne suis
pas surpris que plusieurs d'entre vous se soient interrogés sur l'exécution de
la loi de finances de 1996. En effet, si cette exécution posait trop de
problèmes, elle mettrait en cause la conformité du projet de budget pour 1997
avec la loi de programmation. Je voudrais essayer de vous rassurer en
complétant les indications que j'avais données à M. de Villepin, lors du débat
d'orientation qui s'est tenu au Sénat le 23 octobre dernier.
Quel est, en ce domaine, notre objectif commun ? Il est de faire en sorte que
les perturbations qui, traditionnellement, marquent la consommation des crédits
du ministère de la défense ne compromettent pas le démarrage de la réforme. En
clair, et pour reprendre les termes en vigueur dans les états-majors, il s'agit
« d'entrer dans la programmation » dans les meilleures conditions possibles.
Bien que la gestion ne soit pas close, tant s'en faut, je crois pouvoir vous
dire, sans prendre un grand risque, que nous sommes en passe d'atteindre cet
objectif, et je voudrais vous expliquer pourquoi.
Au titre III, le remboursement des 4 milliards de francs dont les armées ont
fait l'avance pour assurer le financement des opérations extérieures dans
lesquelles elles ont été engagées cette année s'est effectué en deux étapes :
2,8 milliards de francs ont été ouverts par le décret d'avance du 26 septembre
dernier, le solde, c'est-à-dire 1,2 milliard de francs, devant l'être dans le
cadre du collectif qui vous sera prochainement soumis. Comme j'en avais exprimé
devant vous l'espoir en octobre dernier, cette ouverture ne sera pas gagée par
un prélèvement sur les crédits d'équipement du ministère de la défense.
Quant au titre V, sa gestion devrait être marquée, malgré les « péripéties »
que vous connaissez et sur lesquelles je reviendrai, par un niveau de
consommation voisin de celui qui était prévu pour la première annuité de la
programmation.
Certes, 6,4 milliards de francs ont été annulés en avril et en septembre
dernier. Cependant, ces annulations ne devraient peser que très faiblement sur
l'exécution de la programmation. Au printemps de 1996, l'échéancier des
programmes d'armement a en effet été calé non pas sur le niveau des crédits
normalement disponibles en 1996, c'est-à-dire 94,9 milliards de francs, mais
sur le niveau des crédits budgétaires du titre V, qui est inférieur de 6
milliards de francs, puisqu'il s'élève à 88,9 milliards de francs.
S'agissant des 2 milliards de francs qui ont été annulés le 13 novembre
dernier en prévision du collectif budgétaire, ils correspondent, vous le savez,
au « préfinancement » du budget civil de recherche et de développement, le
BCRD, de 1997. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances de
l'année prochaine, il a été décidé que ce prélèvement sur le budget des armées
serait compensé par le « dégel » d'un montant équivalent de crédits de report.
Je suis donc en mesure d'indiquer aujourd'hui à votre Haute Assemblée que, à la
demande du Premier ministre, ces crédits ont été effectivement mis à la
disposition de mon ministère, et cela en temps utile pour être consommés.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
De la même manière, je souhaite indiquer à ceux
d'entre vous qui sont intervenus sur ce point, notamment M. Falco, que j'ai bon
espoir que les 5,2 milliards de francs de crédits de report dont l'utilisation
a été prévue lors de l'élaboration du budget de 1996 puissent être
intégralement - j'y insiste - affectés au paiement des entreprises qui ont
réalisé des travaux pour le compte des armées.
Si tel devait être le cas, la fin de l'exercice en cours constituerait, sur ce
plan, une heureuse exception si l'on veut bien se rappeler que, sur les 5,5
milliards de francs théoriquement remis à la disposition des armées en 1994,
500 millions de francs seulement ont été finalement « dégelés », ce « dégel »
n'atteignant, en 1995, que 100 millions de francs pour 7 milliards de francs
théoriquement consommables. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et je pense que la
Haute Assemblée a pu être éclairée par mes explications.
Pour ce qui est, enfin, des reports de charges de la fin de l'exercice 1995
évoqués par MM. Vinçon, Lesein et André Boyer, je vous indique que les
états-majors et la délégation générale pour l'armement, la DGA, ont prévu d'en
résorber la moitié cette année, l'autre moitié devant l'être au cours de la
période couverte par la programmation. Nous saurons prochainement ce qu'il en
est pour 1996.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation du budget du
ministère, pour tendue qu'elle soit, n'est pas mauvaise ou catastrophique, n'en
déplaise à MM. Delanoë et Bécart. La fin de la gestion 1996 augure bien, en
tout cas, du respect de toutes - je dis bien « toutes » - les dispositions de
la loi de programmation ; je le dis pour rassurer aussi M. Blin. Je suis
certain que cette information est de nature à satisfaire votre assemblée.
Permettez-moi, en cet instant, de remercier tout particulièrement M. de
Villepin de la force et de la constance de son soutien afin d'établir ce projet
de budget.
J'en viens au volet militaire de la réforme. A cet égard, il convient
d'aborder successivement la professionnalisation des armées et la modernisation
de leur équipement.
En ce qui concerne la professionnalisation des armées, l'année 1997 constitue,
comme vous le savez, l'an 1 de cette professionnalisation. Elle se traduira par
une réduction du format global des armées, par un accroissement du taux de
professionnalisation des unités et par des mesures d'accompagnement
spécifiques.
La réduction des effectifs du ministère de la défense sera, en 1997, de 4,4 %.
Elle correspond - je reprends là les propos de M. Habert - à la première
tranche des dissolutions, des transferts ou des réorganisations dont le
programme pour les trois ans à venir a été rendu public le 17 juillet. Elle
reflète également la réforme de la direction des constructions navales dont les
principes ont été annoncés en juin et les modalités en septembre de cette
année.
La professionnalisation conduira à accroître le nombre des engagés - il faut
savoir que, aujourd'hui, le ministère de la défense embauche - selon un rythme
qui permettra, dès 1997, d'améliorer de manière sensible le taux de
professionnalisation des unités des forces et donc leur degré de disponibilité.
Je tiens à souligner que pour atteindre 98 000 engagés en 2002, 48 000 postes
nouveaux seront créés en six ans ; 7 700 emplois supplémentaires étant inscrits
dans le projet de loi de finances pour 1997. Je le précise pour ceux qui voient
toujours la vie en noir...
A ce propos, je voudrais apaiser les inquiétudes de M. Trucy en lui précisant
que pendant de nombreux mois encore, la présence d'appelés au sein des armées
continuera à jouer le rôle de vivier pour le recrutement des engagés.
J'ajoute que, dès le début de l'année prochaine, les armées vont entreprendre
une nouvelle politique de recrutement direct, qui empruntera des voies
originales telles que la déconcentration du recrutement au niveau de certaines
unités.
Le caractère attractif de l'engagement, dont vous soulignez justement la
nécessité, sera notamment obtenu par les améliorations statutaires contenues
dans le projet de loi que votre assemblée a examiné et voté récemment. Je pense
plus précisément à l'instauration d'un véritable droit à la reconversion.
Ces dispositions statutaires seront complétées par l'amélioration des
conditions de vie et de rémunération.
Les mesures d'accompagnement spécifiques au profit des personnels militaires
et civils de la défense seront mises en place conformément aux engagements pris
par le Gouvernement lors du débat qui avait précédé le vote de la loi de
programmation militaire.
En ce qui concerne les personnels civils, le ministère de la défense - je me
permets d'attirer l'attention de votre assemblée sur ce point - a fait oeuvre
d'innovation, de concertation et a montré sa capacité d'écoute et de dialogue.
Il est bon, parfois, de se féliciter des conclusions.
Une véritable négociation avec les organisations syndicales a en effet permis
d'aboutir, le 18 novembre dernier, à un plan original dont j'aimerais que tous
les parlementaires aient connaissance, le plan « formation et mobilité », qui
comprend un ensemble de mesures d'accompagnement social applicables au
personnel ouvrier, fonctionnaire, mais aussi, pour la première fois, aux agents
contractuels ou de droit privé.
Conformément aux engagements pris, les adaptations seront conduites sans
licenciement, je dis bien « sans licenciement ». Les personnels conserveront
leur statut, leurs conditions de rémunération et leurs perspectives de
déroulement de carrière. La mobilité de proximité sera la règle, à travers une
gestion par bassin d'emploi reposant sur le dispositif Proxima. La mobilité
géographique volontaire sera encouragée en 1997.
En outre, l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail
seront expérimentés. Le départ anticipé des ouvriers à cinquante-cinq ans sera
mis en oeuvre. Le droit à la formation sera accessible à tout agent dont
l'emploi est supprimé ou transformé.
Des aides financières diversifiées à la mobilité et une indemnité de départ
volontaire notablement revalorisée seront accordées.
En tout état de cause, c'est un traitement déconcentré et individualisé qui
sera la règle. Ce dispositif, qui a vocation à s'appliquer sur toute la durée
de la loi de programmation, fera l'objet d'une évaluation périodique de ses
résultats, notamment dès le début de 1998. Il devrait permettre, en reposant
sur un dialogue social renforcé et rénové, de réussir, au profit de tous, les
réformes indispensables.
Au titre du projet de budget pour 1997, 722 millions de francs seront
consacrés à ces mesures, dont 327 millions de francs en provenance du fonds
pour l'adaptation industrielle au bénéfice des mouvements concernant les agents
de la DCN. Voilà pour ce qui est du personnel civil.
Quant au personnel militaire, il bénéficiera, dans le cadre de la
professionnalisation des armées, de mesures importantes et diversifiées,
prévues par le projet de loi auquel je viens de faire allusion.
Ce dispositif est issu d'une large concertation, qui a été menée en
particulier au sein du conseil supérieur de la fonction militaire.
Il exclut tout dégagement des cadres et vise deux objectifs : d'une part, la
réduction des effectifs globaux et, d'autre part, le rajeunissement des cadres
et la restauration des perspectives de carrière et d'avancement.
Je ne reviens pas sur la création du pécule, ni sur les nombreuses mesures
réglementaires d'accompagnement dont fait partie la revalorisation de la solde
des engagés.
Vous mesurez cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, l'importance des
efforts engagés, à travers l'ensemble de ces mesures, par le pays tout entier,
sur la proposition du Gouvernement. Je voudrais, en outre, souligner l'apport
du Parlement, notamment du Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi. La
création d'un droit à la reconversion, l'amélioration de la situation des
engagés, l'adoption de mesures qui facilitent les départs ou qui accompagnent
les restructurations montrent l'attachement de notre pays à la préservation de
la condition et du statut des militaires.
J'aborderai maintenant, toujours au sein du volet militaire, la question de la
modernisation de l'équipement de nos forces.
Je l'ai dit devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, et je le répète aujourd'hui devant vous, l'exécution de tous les
programmes d'armement sera poursuivie en 1997, selon le calendrier prévu par la
loi de programmation. Permettez-moi cependant de dire quelques mots à propos de
ceux qui ont été évoqués à cette tribune.
A M. Blin, qui m'a interrogé sur les crédits de recherche et d'études en
amont, je souhaite préciser que, déduction faite du BCRD, auquel mon ministère
ne contribuera plus, leur part relative dans le projet de budget du ministère
est préservée.
A M. Faure, qui a souligné, à juste titre, que les programmes de simulation
conditionnent désormais la crédibilité de notre dissuasion, je confirme que les
progrès réalisés par nos scientifiques font de la France une des nations les
plus en avance en la matière.
MM. Faure, Husson et Delanoë m'ont interrogé sur Helios et Horus. La France a
toujours accordé une priorité éminente à ces deux programmes. Je ne reviendrai
pas sur l'importance des moyens de prévention dans la loi de programmation
militaire et dans le Livre blanc.
L'accord initial franco-allemand de coopération conclu lors du sommet de
Baden-Baden a été confirmé à Dijon par le Chancelier Kohl et par le Président
de la République, M. Jacques Chirac. Comme vous le savez, ce sujet est de
nouveau à l'ordre du jour du prochain sommet franco-allemand. Certes, il y a
des difficultés budgétaires du côté allemand, mais, comme vous le savez, et je
le confirme, tout est entrepris pour les surmonter sans remettre en cause les
éléments essentiels de ces programmes.
En ce qui concerne la modernisation des équipements de l'armée de terre, je
voudrais dire qu'il est exact que le char Leclerc a connu, comme tous les
matériels de nouvelle génération, des difficultés de mise au point, mais les
problèmes principaux sont désormais résolus. Nous en avons eu une démonstration
éclatante le 2 décembre dernier à l'occasion de la fête nationale des Emirats
arabes unis, à laquelle quatre-vingts chars Leclerc ont participé. J'ai eu
l'honneur d'y représenter le Président de la République et le Gouvernement, et
j'ai pu assister au défilé des chars Leclerc de fabrication française devant
les quatre-vingts délégations alors présentes.
Pour atteindre cet objectif, GIAT-Industries avait consenti un effort
exceptionnel en accélérant sa cadence de production. Je voudrais, ici, rendre
hommage aux personnels de cette entreprise, qui ont donné à l'occasion de la
préparation de ce défilé une brillante illustration de leur remarquable
savoir-faire et de leurs éminentes compétences.
D'ailleurs, en réponse à M. Neuwirth, je voudrais confirmer ma volonté de voir
se poursuivre à Saint-Etienne l'effort de développement de nouvelles activités,
notamment dans l'optique et le nucléaire, biologique, chimique - NBC -, qui
constituent des réussites exemplaires. Je confirme aussi ma volonté de voir se
constituer et se maintenir un pôle français de l'arme légère autour de
GIAT-Industries à Saint-Etienne.
Pour ce faire, toutes les énergies doivent être mobilisées et les propositions
examinées. Vous le savez, lors de ma dernière rencontre avec les acteurs
économiques et les élus locaux à Saint-Etienne, j'ai confirmé que je mettrai
tout en oeuvre pour que soient engagées les initiatives qui s'imposent.
La recherche de marchés extérieurs est, là peut-être plus qu'ailleurs, une
condition essentielle, et le ministère engagera les efforts nécessaires à un
tel redéploiement.
M. Lucien Neuwirth.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
S'agissant de l'hélicoptère Tigre, je confirme à
M. Husson que son industrialisation débutera en 1997. Le développement et
l'industrialisation du NH 90 seront, quant à eux, poursuivis.
Pour ce qui concerne l'armée de l'air, je le dis à M. Husson, il n'y a pas de
« parent pauvre ou de sacrifié » dans le présent projet de budget. Ses
capacités opérationnelles seront en effet renforcées : outre les programmes de
missiles Apache et Mica, d'armement air-sol modulaire, de PODS de
reconnaissance de nouvelle génération, les travaux relatifs aux vecteurs
concerneront notamment la modernisation des AWACS, les ravitailleurs KC 135,
les hélicoptères de recherche et de sauvetage Puma.
Quant au Rafale, le bon déroulement du programme permettra la mise en oeuvre
d'une première flottille opérationnelle « marine » en 2002. L'armée de l'air
disposera, pour sa part, d'un escadron complet en 2005.
La suspension de l'industrialisation du programme, rappelée par M. Hubert
Falco, est cohérente avec ce calendrier et préserve l'effort de développement,
essentiel au maintien des compétences.
J'ajoute que l'hypothèse d'une commande anticipée de dix appareils, dont je
mesure toute l'importance industrielle, mais qui doit être sans incidence sur
le budget de l'Etat, fait l'objet d'un examen approfondi par mes services.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
J'ajoute enfin qu'un certain nombre de pays
s'intéressent actuellement au Rafale et que, compte tenu des différentes
négociations que nous pouvons mener avec eux, le rythme de la mise en service
pourrait être revu.
Concernant l'avion de transport ATF, je ne reviendrai pas sur la méthode
reposant sur une démarche commerciale dont nombre d'observateurs doutaient et
qui recueille maintenant l'approbation quasi générale. Je voudrais simplement
indiquer à M. Hubert Falco que nous avons jusqu'à la fin de l'année 1997 pour
préciser toutes les modalités de réalisation de ce programme. Un groupe
interministériel est sur le point d'être créé : il devra fixer notamment la
façon dont l'Etat doit intervenir et l'organisation internationale du
programme.
La marine, pour sa part, évolue vers un format de 80 bâtiments modernes et de
coût d'entretien réduit, sans pour autant renoncer à aucune des grandes
capacités opérationnelles qui lui ont été fixées.
En réponse à M. André Boyer, je voudrais indiquer que la loi de programmation
prévoit la commande de deux frégates de la classe Horizon et que la cible du
programme pour la France est de quatre bâtiments.
MM. André Boyer, François Trucy et Bertrand Delanoë m'ont également interrogé
sur la permanence du groupe aéronaval.
Il est prévu - je ne fais que le répéter - que le
Charles-de-Gaulle
entre en service au second semestre 1999 et connaisse une première grande
période d'entretien en 2004 d'une durée de dix-huit mois. Le
Foch
,
disponible jusqu'en 1999, puis « mis en sommeil » avec un équipage réduit à
l'arrivée du
Charles-de-Gaulle
, sera réactivé en 2004. En 2005, le
Charles-de-Gaulle
assurera donc à nouveau les missions du groupe
aéronaval avec un potentiel de fonctionnement de ses coeurs nucléaires de
l'ordre de sept ans.
Le second porte-avions devrait pouvoir être mis en service au plus tard en
2011, s'il est commandé en 2004. Il pourra être réalisé - je le répète - si les
conditions économiques le permettent et, en particulier, si la démarche de
gains de productivité de la DCN et de réduction des coûts globaux des
programmes d'armement est conduite avec succès. Je tiens toutefois à confirmer
que ce second porte-avions est inscrit dans la planification.
J'aborderai enfin la dimension industrielle de la réforme. Il y aurait
beaucoup à dire à ce sujet, mais je concentrerai mon propos sur deux axes
essentiels : la restructuration de l'industrie et la politique d'accompagnement
de cette restructuration.
Je laisserai de côté le choix industriel européen - je prie les orateurs ayant
abordé cette question de bien vouloir m'en excuser - car j'ai déjà traité ce
point lors du débat d'orientation.
Je confirmerai simplement que, le 12 novembre dernier, à Strasbourg, a été
signé un accord entre la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et la France
pour mettre sur pied ce qui, j'en suis certain, deviendra l'Agence européenne
d'armement. Je suis convaincu que cette méthode pragmatique nous permettra de
doter la défense européenne d'une véritable agence d'armement.
Je précise également que, lors de la réunion de l'Union de l'Europe
occidentale - mais cela a déjà été indiqué - a été décidée la création de
l'organisation des armements de l'Europe occidentale.
J'en viens maintenant aux deux domaines que j'ai d'abord cités : la
restructuration de l'industrie et la politique d'accompagnement de cette
restructuration.
S'agissant de la restructuration de l'industrie, trois objectifs sont
poursuivis.
Le premier de ces objectifs est la fourniture des équipements nécessaires à
notre défense, tout en contribuant à la réduction des déficits publics. C'est à
une véritable révolution des modes d'acquisition d'armement que nous allons
procéder.
Les coûts et les délais des programmes seront réduits de 30 % sur les six
années de la programmation. Comme l'a souligné M. Blin, la gestion des
programmes doit, naturellement, faire l'objet de la plus grande rigueur. La
généralisation des méthodes les plus modernes de gestion de projet et le souci
permanent d'économies sont aujourd'hui des priorités absolues des services du
ministère de la défense.
Les commandes pluriannuelles, qui avaient été proposées par divers rapporteurs
depuis un certain nombre d'années et auxquelles je suis très attaché,
participent à cet effort d'économie. Elles sont en cours de négociation et
concerneront certains des programmes majeurs d'équipement de nos armées.
Mais à ces commandes pluriannuelles doivent correspondre des réductions de
coût. L'objectif de 10 milliards de francs de commandes pour 1997, que j'avais
évoqué devant vous lors du débat prébudgétaire, pourrait ainsi être dépassé.
Le deuxième objectif est un rôle à la mesure de notre rang dans la
constitution d'une base industrielle et technologique de défense européenne.
Comme leurs partenaires occidentaux, les grands maîtres d'oeuvre industriels
français devront atteindre une taille qui leur permette de dégager des
économies d'échelle, des capacités d'investissement suffisantes et donc de
renforcer leur compétitivité sur le marché mondial.
Je ne reviendrai pas sur toutes les actions engagées par le ministère de la
défense, s'agissant du redressement du GIAT et de la DCN, et d'un certain
nombre d'actions qui ont concerné aussi bien la SNECMA que la SEP.
Je tiens seulement à aborder deux questions qui ont été traitées par un
certain nombre d'entre vous : la fusion de Dassault Aviation et d'Aérospatiale
et, d'autre part, Thomson.
La fusion de Dassault Aviation et d'Aérospatiale se poursuit selon le
calendrier prévu. Je souhaite que cette fusion contribue à l'objectif de
construction d'une base industrielle européenne dans le domaine de l'armement
et de l'aéronautique.
La privatisation de Thomson, décidée en février dernier par M. le Président de
la République, correspond à la volonté de voir se constituer autour de Thomson
un grand pôle électronique à vocation mondiale : à côté du pôle de dissuasion
nucléaire, du pôle aéronautique et spatial qui naîtra de la fusion
Dassault-Aérospatiale, le pôle électromécanique se constitue autour du GIAT et
de la DCN.
La décision de suspendre la privatisation de Thomson, prise par le
Gouvernement, répond à un avis non favorable de la commission de privatisation.
Celle-ci s'est en effet déclarée dans l'incapacité d'émettre un avis favorable
sur l'offre déposée par le groupe Lagardère, compte tenu des modalités de
reprise de TMM par Daewoo Electronics.
Le Gouvernement arrêtera rapidement les conditions dans lesquelles le
processus de privatisation sera poursuivi. C'est une opération indispensable à
la continuation du développement de Thomson, à la restructuration de
l'industrie de défense, au développement de l'emploi et à la préservation des
technologies de pointe des différentes entités du groupe.
J'en viens au troisième objectif, qui consiste à retrouver le chemin de la
compétitivité et à affronter avec succès la concurrence internationale pour
conquérir les marchés extérieurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez mon implication personnelle
et celle du Gouvernement dans le soutien aux exportations de matériels de
défense.
Vous savez comme moi que la survie de notre industrie d'armement passe par la
conquête de nouveaux marchés à l'exportation. Je partage totalement les
analyses et les préocccupations de M. Blin à ce sujet.
Le Gouvernement élabore actuellement un plan stratégique pour nos
exportations. Un rapport vous sera remis dans quelques semaines, à l'issue de
ces travaux.
Je saisis cette occasion pour souligner que nous n'avons pas attendu ce plan
stratégique pour agir sur les marchés de l'armement. Personnellement, je me
suis impliqué, en développant des contacts internationaux très nombreux et en
entreprenant plusieurs voyages pour convaincre un certain nombre de nos
partenaires d'acquérir du matériel ou de l'équipement français.
M. Christian Bonnet.
Très bien !
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Il s'agit d'un travail en profondeur, qui doit
combiner dimension politique, dimension de coopération internationale et
dimension industrielle. Cette action de longue haleine est la seule à pouvoir
garantir le succès.
Le développement des exportations suppose parallèlement l'amélioration de la
compétitivité et de la santé financière des entreprises.
Ainsi en va-t-il de GIAT-Industries ou de la DCN. C'est par un redéploiement
volontariste que GIAT-Industries emportera des marchés nouveaux à la mesure de
la qualité de ses produits. Quant à la DCN, qu'à longuement évoquée Mme Heinis,
nous avons pour ambition de lui voir conquérir 20 à 30 % du marché mondial des
bâtiments de guerre et des systèmes de combats navals.
Compte tenu d'un certain nombre d'actions de prospection menées actuellement,
j'ai bon espoir que la France pourra relever le défi qu'elle s'est fixé.
J'en viens à l'accompagnement des restructurations industrielles ; ces
dernières vont de pair avec une politique d'accompagnement volontariste,
notamment pour la DCN.
A MM. Jean Faure et André Boyer, je répondrai que la hausse des effectifs
civils de la marine, alors même que ceux de la DCN doivent être réduits, est
une véritable chance. Ces deux adaptations parallèles s'effectueront, le plus
souvent, dans des établissements proches, même s'il faudra envisager des
mobilités géographiques.
Ainsi, un effort tout particulier a été fait par la marine nationale pour
proposer des postes attractifs à ces personnels de la DCN : 2 400 postes ont
d'ores et déjà été proposés, dont une très large part correspond bien aux
qualifications des ouvriers de la DCN, d'autres pouvant être occupés moyennant
une formation spécifique.
Les mesures de redéploiement de la DCN seront conduites en s'appuyant sur le
dispositif d'accompagnement social « formation et mobilité », que j'ai déjà
évoqué voilà quelques instants.
Le fonds pour l'adaptation industrielle prévu par la loi de programmation sera
doté à cet effet de 327 millions de francs en 1997.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont des moyens
exceptionnels qui sont réunis, avec un double objectif : améliorer la
compétitivité industrielle de la DCN, réussir la professionnalisation de la
marine.
J'ajoute - et cela concerne l'ensemble des entreprises de défense - que les
bassins d'emploi touchés par les restructurations font d'ores et déjà l'objet
d'une action vigoureuse d'accompagnement au travers des interventions du fonds
de restructurations de la défense, le FRED, des sociétés de conversion et des
programmes communautaires.
De plus, la coordination des actions de l'Etat, des collectivités et acteurs
locaux a été mise en oeuvre par la signature de dix conventions régionales -
trois sont encore en discussion - et la délégation interministérielle pour les
restructurations de défense permet de mobiliser pleinement l'ensemble des
moyens disponibles.
Certes, il existe toujours des problèmes de coordination, et j'ai donc écouté
avec beaucoup d'attention MM. Bourges et Dufaut, ainsi qu'un certain nombre
d'orateurs, qui ont souhaité une plus grande efficacité de cette coordination.
C'est là - je le leur dis très clairement - un domaine difficile. Ils le savent
d'ailleurs puisqu'ils sont eux-mêmes impliqués dans le suivi d'actions de
reconversion, de redéploiement ou de redressement. C'est un domaine difficile -
je le répète - car la situation économique ne permet pas la multiplication des
projets. Or, il est souvent nécessaire d'engager des actions diverses dans les
domaines de la formation, de l'investissement, de l'accompagnement économique
et social, dont la coordination peut présenter des difficultés. Quoi qu'il en
soit, je veillerai - je le confirme à MM. Yvon Bourges et Alain Dufaut - à
l'organisation aussi efficace que possible des services du ministère de la
défense.
M. Alain Dufaut m'a plus particulièrement interrogé sur les mesures concernant
le plateau d'Albion et le site du Tricastin. Il sait que la création d'une zone
KONVER permettra d'apporter une dotation complémentaire de 15 millions de
francs environ, auxquels s'ajouteront, en tant que de besoin, les interventions
du FRED et de la SODIE.
Pour le site du Tricastin, un protocole de site est en cours d'élaboration. Je
souhaite que ce protocole permette véritablement d'accompagner la reconversion
du site. Les crédits du FRED pourront être sollicités. En outre, dès l'année
prochaine, l'action d'une société de conversion sera recherchée pour
accompagner la région dans cette période de mutation.
Monsieur Yvon Bourges, comme vous le savez, je suis toujours attentif à tous
les dossiers que la région Bretagne me soumet : je mettrai donc tout en oeuvre
pour que la coordination entre les services de l'Etat, de la région et des
collectivités locales puisse être la meilleure possible, car je suis bien
convaincu que, si l'on veut réussir le redéploiement de la DCN, on doit, par
des actions ciblées, permettre non seulement d'améliorer le climat social, mais
aussi créer des conditions économiques de l'expansion.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions dont
je voulais vous faire part en réponse à vos propos.
Je terminerai en abordant quelques questions diverses.
Tout d'abord, en ce qui concerne la gendarmerie, vous comprendrez que je ne
partage pas le pessimisme de M. Rouvière et de M. Vidal, qui ont dressé un
tableau bien sombre de la situation du monde rural. Je suis moi-même élu rural,
et je rencontre les brigades de gendarmerie à longueur de semaines. Or je
constate à l'évidence que, aujourd'hui, même si leurs moyens ne sont jamais
suffisants - mais peuvent-ils l'être un jour ? - les brigades rurales sont là
pour veiller à la sécurité des biens et des personnes et qu'elles assument leur
tâche d'une manière remarquable. Je voudrais d'ailleurs, avec M. Rouvière et M.
Vidal, leur rendre hommage du haut de cette tribune.
Je suis reconnaissant à M. Alloncle d'approuver le redéploiement des unités de
la gendarmerie nationale en zone de police d'Etat, où la gendarmerie n'a pas
vocation à assurer les missions de sécurité. C'est grâce à un tel
redéploiement, conjugué à l'accroissement des effectifs de l'armée à partir de
1999, que le maillage territorial pourra partout être maintenu.
Je rappelle que la gendarmerie verra ses effectifs augmenter de 4,5 % durant
la loi de programmation, et que seule la gendarmerie sera dans ce cas.
S'agissant des volontaires, et pour répondre aux interrogations de M. Plasait,
je vous confirme l'étude d'une hypothèse qui permettrait, sous plafond
budgétaire, de faire cohabiter volontaires et gendarmes auxiliaires sous
contrats courts de deux ans et d'atteindre ainsi les objectifs fixés par la loi
de programmation militaire.
M. Jean Faure m'a interrogé sur le service de santé des armées.
Je n'ignore pas l'importance de la mutation que va connaître le service de
santé dans le cadre de la professionnalisation. Cela étant, je tiens à
souligner que l'effectif budgétaire en personnel de carrière du corps des
médecins des armées va s'accroître de 109 postes. Par ailleurs, un corps de
chirurgies-dentistes des armées devrait être créé.
Enfin, il est probable que le service de santé pourra, lui aussi, participer
au rendez-vous citoyen que nous comptons mettre en place à partir du second
semestre de 1997.
S'agissant précisément des réserves, sur lequelles M. Trucy m'a interrogé, je
voudrais rappeler toute l'importance du rôle qui sera donné à la réserve pour
répondre à des situations de crise dont l'intensité ou la durée dépassent ce à
quoi peuvent faire face les forces d'active. Ce rôle opérationnel est
naturellement essentiel pour la protection du territoire.
Le projet de loi qui sera présenté au Parlement s'inscrira dans la ligne des
travaux de M. le sénateur Haenel et de M. le député Teissier.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éclairages que je pouvais
vous apporter sur ce budget pour 1997.
L'année 1997, comme vous avez déjà pu le constater à la lecture de ce projet
de budget, marquera le début d'une ère nouvelle pour notre défense.
Nous savons où nous allons et nous disposons de beaucoup d'atouts pour réussir
la réforme : le soutien constant du Président de la République, qui a inscrit
la réforme de notre défense dans la durée de son septennat ; le soutien du
Parlement, qui a voté la loi de programmation militaire et qui adoptera, je
l'espère, le projet de budget qui lui est soumis ; le soutien des hommes et des
femmes, militaires ou civils, qui portent nos couleurs et auxquels je voudrais
rendre un hommage particulier ; le soutien des Français, enfin, qui adhèrent
aux grandes lignes de la réforme, comme on a pu le constater lors du débat qui
a été organisé au printemps dernier dans les mairies.
Toutefois, la réforme de notre défense serait inachevée si elle n'était
complétée par un renouveau de l'esprit de défense. Or qu'est-ce que l'esprit de
défense ? Non pas un idéal abstrait, une formule rhétorique, mais un élan
spontané de chaque Français pour défendre une communauté nationale et des
valeurs partagées.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de proposer une nouvelle politique de
la réserve qui diffusera, à tous les niveaux de la société, la culture et
l'esprit de défense.
C'est pourquoi le Gouvernement propose de remplacer le service militaire, mal
adapté aux nouvelles réalités stratégiques, par un nouveau service national
conçu autour du rendez-vous citoyen et des volontariats.
Construit sur des valeurs de civisme, de proximité, de convivialité, le
rendez-vous citoyen doit renforcer le sentiment d'appartenance à la communauté
nationale et offrir à chaque jeune Français l'occasion d'une nouvelle
chance.
Rejoignant les aspirations à la générosité, à l'engagement et à la
responsabilité personnelle qui existent dans notre jeunesse, les volontariats
sont un antidote à l'individualisme, à l'égoïsme et au communautarisme qui
menacent notre société. Ils constituent une façon moderne de vivre son civisme
et de se mettre au service de la nation.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de notre défense
n'est pas seulement une affaire militaire, technologique ou industrielle :
c'est aussi une grande ambition pour la République. C'est la raison pour
laquelle je vous demande, modestement, d'accorder au Gouvernement les moyens de
la mener à bien.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 37 et 38.
Article 37
M. le président.
« Art. 37. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre
des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des
autorisations de programme s'élevant à la somme de 2 182 338 000 F, applicables
au titre III "Moyens des armes et services".
« II. - Pour 1997, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des
services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et
services" s'élèvent au total à la somme de 1 392 041 000 F. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
revenir sur le sentiment croissant d'insécurité ressenti par nos concitoyens et
souligné par les élus.
La gendarmerie est le fer de lance de la lutte contre cette insécurité, elle
est de service vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais, malheureusement !
les temps ont changé : en effet, ses missions sont de plus en plus nombreuses,
elle assume des responsabilités de plus en plus lourdes, et la sécurité
routière l'occupe beaucoup.
Il faudrait, comme le veut sa tradition, que la gendarmerie puisse garder le
contact avec la population, qu'elle puisse, si vous me permettez cette
expression très simple, « causer » avec les gens.
Pour cela, nous estimons qu'il faudrait que ses effectifs croissent de 10
%,...
MM. André Rouvière et Marcel Vidal.
Très bien !
M. Jean-Jacques Robert.
... afin de lui permettre de remplir les missions nouvelles que lui impose
notre époque.
Or, dans la rigueur ambiante des différents projets de budget de la loi de
finances, vous êtes, monsieur le ministre, au sein du Gouvernement, le seul qui
puisse agir dans ce sens sans qu'il soit nécessaire de prévoir des crédits
supplémentaires. En effet, la modernisation de notre défense et les nouvelles
mesures qui seront bientôt prises obligeront certains sous-officiers de l'armée
de terre à répondre à de nouveaux objectifs. Pourquoi ne pas mettre en oeuvre
un programme favorisant rapidement le transfert de certains effectifs vers la
gendarmerie, au travers d'incitations et de mesures privilégiant la promotion,
par exemple, à l'instar de ce qui se passe dans le privé ?
Avec leurs élus, nos concitoyens attendent une sécurité constante et sans
faille. Ils souhaitent que je réussisse à vous convaincre du bien-fondé d'une
mesure que je présente simplement, car il s'agit d'une mesure de bon sens,
qu'il est possible de prendre sur-le-champ, si j'ose dire.
Vous ai-je convaincu, monsieur le ministre ? Je vous remercie par avance de
bien vouloir me répondre.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du RDSE et sur
les travées socialistes.)
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu
attirer mon attention sur la mission essentielle de la gendarmerie, qui est
d'assurer la protection des biens et des personnes.
Croyez bien que le Gouvernement est tout à fait convaincu de l'importance de
cette mission : aux termes de la loi de programmation qu'il vous a proposée et
que vous avez votée, la gendarmerie, compte tenu des nouvelles menaces qui
apparaissent, que ce soit en matière de trafics, de mafia ou de terrorisme -
j'en parle aujourd'hui avec une grande anxiété et une grande tristesse - verra
ses effectifs augmenter de 4,5 % en six ans.
Vous souhaitez, en réalité, une autre approche. Je vous précise cependant que
l'augmentation des effectifs à laquelle je viens de faire allusion interviendra
dès l'année 1997 ! Le projet de budget qui vous est présenté prévoit ainsi la
création de 771 emplois dont, notamment, 74 sous-officiers pour les autoroutes
- vous m'avez parlé de la sécurité sur les routes - 230 officiers pour répondre
à la nécessité de requalification des emplois de la gendarmerie et 271 emplois
civils dans les tâches de soutien et de gestion permettant à autant de
gendarmes de se consacrer à des fonctions opérationnelles.
La montée en puissance d'un corps de sous-officiers à vocation administrative
et technique va également dans le sens du renforcement des effectifs affectés
sur le terrain : 565 emplois seront ouverts à ce titre en 1997 et seront
notamment pourvus par des sous-officiers de l'armée de terre.
Enfin, la formation des personnels ainsi recrutés sera naturellement
effectuée.
Encore faut-il que la gendarmerie dispose des crédits nécessaires à cet effet
! Or la réduction que vous envisagez dans l'amendement n° II-42 - que vous
n'avez pas encore soutenu - correspondrait à un abattement de 10 % des crédits
de fonctionnement et des activités de formation de la gendarmerie.
J'ai bien compris, certes, qu'il ne s'agissait que d'un amendement
d'interpellation, et c'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je
vous serais reconnaissant de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Par amendement n° II-42, M. Jean-Jacques Robert propose, au paragraphe II de
l'article 37, de réduire les mesures nouvelles de 174 000 000 francs.
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous envisagez de ne pas me
suivre dans la voie que je vous propose d'un transfert de personnels accéléré,
justifié par la situation que nous vivons.
Vous l'avez dit à plusieurs reprises, vous êtes pour la loi de programmation.
Je partage votre avis, mais, en matière de sécurité, nous avons besoin d'être
efficaces dès maintenant. En 2000 ou en 2001, la situation aura peut-être
changé !
Pour être efficace dès aujourd'hui, il faut que ce corps d'élite de la
gendarmerie dispose d'hommes de qualité. Or qui est plus qualifié que des
sous-officiers formés par l'armée ? Il y a là un gisement intéressant qui vous
permettrait d'aller au-delà de ce que vous avez fait. J'y suis très sensible,
certes, et je vous remercie d'avoir prévu ces effectifs, mais, sur le terrain,
nous voyons les choses - et, puisque vous êtes vous aussi sur le terrain, vous
devez les voir comme moi - d'une manière beaucoup plus urgente. Si nous en
restions aux mesures que vous avez prévues, nous ne répondrions pas à l'attente
de nos concitoyens, pour qui, aujourd'hui, la sécurité est le problème numéro
1.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous acceptiez cette proposition
pour accélérer le recrutement nécessaire au sein de la gendarmerie.
M. Marcel Vidal.
C'est le bon sens !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'a pas examiné cet
amendement, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Je demande une nouvelle fois à M. Jean-Jacques
Robert de bien vouloir retirer son amendement, et ce pour deux raisons.
D'abord, parce qu'il me demande d'exploiter un gisement de recrutement. Or
nous allons exploiter ce gisement ! D'ailleurs, ce faisant, nous ne ferons que
respecter la loi, puisque c'est inscrit dans la programmation. Nous le ferons
donc au rythme qui a été décidé dans la loi de programmation, en respectant
intégralement la programmation.
Ensuite, monsieur le sénateur, si vous voulez vraiment que j'exploite ce
gisement, il faut m'en donner les moyens. Or, étant donné que votre amendement
tend à supprimer des crédits, il faut absolument que vous le retiriez.
M. Henri de Raincourt.
Bravo !
M. le président.
L'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le ministre, j'avoue ne pas bien comprendre votre argumentation. Si
j'ai déposé un tel amendement, c'est parce que je n'avais que ce moyen-là pour
attirer votre attention sur le problème qui me préoccupe. La représentation
nationale dispose malheureusement de peu de moyens pour s'exprimer, et c'est
après avoir reçu les conseils nécessaires que j'ai retenu celui-là.
Cela étant dit, accédant à votre demande, monsieur le ministre, je retire cet
amendement, en souhaitant que, profitant de ce gisement, vous accélériez
l'augmentation des effectifs, afin que les gendarmes soient plus nombreux et
plus efficaces sur le terrain.
M. le président.
L'amendement n° II-42 est retiré.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Jacques Machet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Je voterai, certes, les crédits figurant au titre III, en vous demandant,
comme tous mes collègues, monsieur le ministre, de faire preuve d'une grande
vigilance dans la mise en place, au travers de l'ensemble de votre budget, de
ce premier acte important de la professionnalisation de notre défense, « le
grand défi de notre époque » comme vous aimez à le rappeler.
Lors d'une conversation avec M. le Président de la République, après qu'il eut
pris cette importante décision, il m'a dit très simplement : monsieur le
sénateur, c'est vous qui prendrez la responsabilité de cette transformation, et
je compte sur vous.
Quand je suis dans ma région, en Champagne, dans les camps militaires, auprès
des officiers, eux aussi me disent : monsieur le sénateur, c'est vous qui
prendrez la décision de financer notre budget, et nous comptons sur vous.
Quant à M. Blin, président du groupe de l'Union centriste, il a fait part, en
sa qualité de rapporteur spécial sur ce budget, des soucis inhérents à la
responsabilité qui lui incombe.
C'est vrai, c'est moi, c'est nous qui prendrons la décision. Nous le ferons
avec humilité parce que, voilà tout juste vingt-trois heures, se produisait cet
acte de barbarie aveugle qui a supprimé des vies et frappé des familles dans
leur amour.
C'est avec cette humilité, faite de force et de respect des autres, que, avec
les membres du groupe de l'Union centriste, je voterai votre projet de budget
pour 1997, monsieur le ministre.
M. André Rouvière.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, je constate que le problème des moyens de la gendarmerie
n'intéresse pas que les membres de l'opposition ; même dans la majorité, cette
préoccupation est très forte.
Vous avez cité l'exemple des brigades de votre département. C'est sans doute
un cas quelque peu isolé. En effet, votre situation, qui permet parfois de
compenser le manque de moyens des gendarmes, n'est pas celle de la plupart
d'entre nous.
Je regrette, par ailleurs, que vous n'ayez pas répondu à un certain nombre de
questions que mon collègue Marcel Vidal et moi-même vous avons posées sans
aucun esprit polémique. Nous avons soulevé de véritables problèmes, qui
préoccupent la population et auxquels nous avons énormément de difficultés à
apporter une réponse.
Il en va ainsi, notamment, des relations entre les polices municipales et la
gendarmerie. Dans le Gard, ce problème concerne quasiment toutes les communes
où siège une brigade ou une compagnie de gendarmerie. Ce n'est donc pas un
problème isolé.
Si vous ne pouvez me répondre aujourd'hui, monsieur le ministre, j'aimerais au
moins que vous preniez l'engagement de me répondre par la suite.
Une autre question avait trait au logement des renforts, qu'on demande aux
communes de prendre en charge, ce qui leur pose des problèmes d'ordre
budgétaire. Elles sont en effet confrontées au dilemme suivant : renoncer aux
renforts ou les loger à leurs frais, d'où un transfert de charges
préoccupant.
D'avance, je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter,
monsieur le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Monsieur Rouvière, je vous répondrai très
précisément sur les relations entre polices municipales et gendarmerie
ultérieurement, par écrit, car ce problème ne me paraît pas relever du débat
budgétaire.
Je rappelle simplement que la gendarmerie a fait l'objet d'une attention toute
particulière puisque ses effectifs vont augmenter de 4,5 %. Actuellement,
j'essaie de revoir le mode de financement de son logement pour faciliter ce
dernier.
Pour ce qui est de la répartition sur le territoire, vous le savez, s'il y a,
en fait, un nouveau rééquilibrage entre zones de compétence exclusive de la
police et zones de compétence exclusive de la gendarmerie, il n'y aura pas de
révision drastique des effectifs de la gendarmerie en zones rurales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 38
M. le président. « Art. 38. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
« Titre V : "Equipement" 87 184 020 000 F
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 1
519 000 000 F
« Total 88 703 020 000 F
« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre des
mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
crédits de paiement ainsi répartis :
« Titre V : "Equipement" 17 689 903 000 F
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 861
500 000 F
« Total 18 551 403 000 F »
Par amendement n° II-43 rectifié, Mme Heinis propose :
I. - De réduire les autorisations de programme de 1 100 000 000 de francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 500 000 000 de francs.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
Gouvernement affiche sa volonté de développer les marchés à l'exportation de la
DCN en matière de sous-marins classiques ; c'est même un des quatre axes de la
réforme de la DCN.
En ce qui concerne les sous-marins, tant nucléaires que classiques, la DCN de
Cherbourg est le seul pôle de construction en France, et l'avenir de la marine
en dépend dans une très large part.
Mais, les commandes nationales se réduisant, celles-ci, ne sont pas
suffisantes, on le sait, pour assurer la continuité du plan de charge, aussi
bien en matière d'études que de construction.
D'où l'intérêt majeur du recours à l'exportation, qui vise à la fois à assurer
la continuité de ce plan de charge et à procurer des recettes nouvelles, ce qui
est tout de même extrêmement important.
Le marché international prévoit la construction d'une quarantaine de
sous-marins classiques dans les prochaines années. L'objectif de la DCN et du
Gouvernement est de conquérir un tiers de ce marché, soit une quinzaine de
bâtiments.
Mais la concurrence internationale est dure et, pour l'affronter, il faut se
préparer à l'avance, c'est-à-dire dès maintenant.
En effet, les étrangers sont d'ores et déjà intéressés par nos projets de
bâtiments les plus nouveaux, type Scorpène, comme en témoigne le Chili, qui
vient de retenir en
short list,
c'est-à-dire une sorte de « préliste
finale », deux pays seulement : l'Allemagne et la france.
Or, la DCN est confrontée à des nécessités apparemment contradictoires, qu'il
lui faut impérativement résoudre. Cela ne peux se faire que dans une optique
dynamique.
Il faut donc dès maintenant, en ce qui concerne les sous-marins de type
Scorpène, passer de la phase de l'avant-projet à celle dite
d'industrialisation, qui consiste à transformer un avant-projet en un projet
réalisable, sorte de mode d'emploi de construction conçu pour la vente et que
les américains appellent
Technical data package
- si j'utilise des mots
anglais, ce dont vous voudrez bien m'excuser, c'est parce que, dans la
construction navale internationale, le vocabulaire est, malheureusement,
essentiellement anglo-saxon.
Ce projet comprend alors l'ensemble des procédés technologiques, les plans
nécessaires ainsi que les conditions de transfert de technologie. En effet, la
conjugaison de la demande de l'étranger et des prévisions de « creux » du plan
de charge impose que l'on commence ces études dans les meilleurs délais,
c'est-à-dire dès 1997, puisque nous aurons du personnel disponible, et la
construction du premier navire de la série vers 1998-1999.
C'est à cette condition que nous serons prêts en temps voulu pour répondre au
marché et que nous utiliserons de façon optimale notre potentiel de travail sur
le plan de la rentabilité financière et opérationnelle.
Mais cela nécessite, bien sûr, un préfinancement de l'Etat, préfinancement
qui, je le souligne, a vocation à être remboursé dès la vente du premier navire
de la série.
Pour la partie à réaliser par la DCN de Cherbourg, les montants indicatifs des
coûts sont les suivants.
Le coût des études est d'environ 450 millions de francs pour la partie
transfert de technologies. Ces études sont réalisées, bien sûr, pour l'ensemble
de la série des sous-marins et permettent de donner le plus vite possible du
travail aux sous-traitants, qui ne travaillent guère à l'heure actuelle. C'est
donc très important pour le bassin d'emploi de Cherbourg, déjà durement
touché.
Le coût de construction du navire est d'environ 800 millions de francs pour la
partie faite à Cherbourg, dont la moitié en achats de matériaux et l'autre
moitié en coût de main-d'oeuvre.
Mon amendement vise donc à dégager les montants indicatifs nécessaires à ces
réalisations, à savoir 500 millions de francs en crédits de paiement pour les
études en 1997, et 1 100 millions de francs en autorisations de programme pour
le total du coût de la construction du premier sous-marin, qui sera, bien
entendu, vendu ensuite.
Il est à noter que les crédits de paiement, en 1997, malgré l'importance
apparente de la somme, ne représentent qu'environ 10 % à 12 % des fonds de
restructuration de la DCN, alors qu'ils lui permettent à la fois d'optimiser
ses rendements, d'avoir les instruments nécessaires pour se placer sur le
marché international - lequel doit lui apporter des recettes nouvelles, je l'ai
signalé - et de faire travailler les sous-traitants.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ils s'inscrivent dans la ligne de la
politique fixée par la Gouvernement, en précisant, pour ce qui concerne la DCN
de Cherbourg, les moyens à dégager pour y parvenir.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
La commission n'a pas davantage examiné le présent
amendement. Celui-ci ne lui a pas été soumis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
Madame le sénateur, j'ai bien entendu votre
plaidoyer en faveur de l'exportation en matière d'armements, en particulier
pour la construction navale. Croyez bien que je partage totalement
l'argumentation que vous avez développée.
Vous avez souligné la nécessité absolue, pour l'industrie d'armement et pour
la construction navale, d'exploiter un certain nombre de marchés extérieurs si
elles veulent garder un taux de rentabilité suffisant pour rendre pérenne
l'activité et pour assurer les emplois.
Vous avez parlé plus particulièrement de Cherbourg et des sous-marins. Pour
notre part, nous témoignons du même intérêt pour les équipements, frégates,
patrouilleurs, systèmes de combats, car la France a effectivement, dans ces
domaines, la capacité de conquérir des marchés. Je m'en rends compte à
l'occasion de chaque déplacement que je fais ou de chaque rencontre
internationale à laquelle je participe pour essayer d'ouvrir un certain nombre
de marchés.
J'ai d'ailleurs bon espoir que les succès à l'exportation déjà enregistrés par
la DCN sur le marché des sous-marins classiques soient confirmés. Vous le
savez, un certain nombre de pays font actuellement l'objet d'une prospection
approfondie. Des études ont déjà été engagées en collaboration avec certains
d'entre eux pour mettre au point une éventuelle négociation. J'aurai d'ailleurs
l'occasion de reparler de tout cela lors de la présentation du plan stratégique
pour les exportations d'armements que je soumettrai à votre commission des
affaires étrangères au cours des prochaines semaines.
La procédure de l'article 29, à laquelle vous avez fait référence, est-elle
bien l'instrument adapté pour un soutien à l'exportation de la DCN ? Comme vous
le savez, cette procédure permet de donner à une entreprise une garantie de
rachat de matériel si, passé un certain délai, ses démarches à l'exportation
n'ont pas rencontré le succès escompté.
Personnellement, je ne suis pas hostile à ce que les projets proposés par la
DCN soient éligibles à cette procédure. En tout état de cause, le montant des
autorisations de programme disponibles actuellement est suffisant pour assurer
le financement d'éventuels projets. Il n'est donc pas nécessaire d'abonder
cette ligne budgétaire, comme vous le suggérez.
En revanche, la suppression directe des crédits que vous proposez par votre
amendement, madame Heinis, poserait, vous pouvez l'imaginer, de graves
problèmes pour le budget d'équipement des armées. Aussi, compte tenu des
informations que je viens de vous donner, je souhaite que vous retiriez votre
amendement.
M. le président.
Madame Heinis, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, avant de retirer l'amendement, je souhaite
m'expliquer.
Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous m'avez
données. Je suis, d'ailleurs, tout à fait consciente de la pertinence de vos
arguments.
Effectivement, le problème des études nécessaires pour la vente se pose non
pas seulement pour les sous-marins, mais bien pour l'ensemble de l'armement et
des équipements que nous avons à construire. Si je me suis permis de citer
l'exemple des sous-marins, c'est tout simplement parce que je le connais
davantage.
Le problème est donc général, à ceci près, monsieur le ministre, qu'en ce qui
concerne, à ma connaissance du moins, les frégates et les corvettes, nous
vendons des bâtiments que nous avons déjà construits. Donc, la première phase
d'étude de réalisation est accomplie, ce qui n'est pas le cas pour les
sous-marins Scorpène, qui sont encore à l'état d'avant-projet. C'est une étape
différente dans le déroulement des choses.
J'en suis également consciente, la procédure de l'article 29 n'est pas
absolument celle qui s'impose dans ce cas, mais, faute de disposer d'une autre,
je l'ai prise à titre d'exemple pour montrer que le principe du préfinancement
avait déjà été accepté par l'Etat dans le passé pour soutenir précisément des
ventes à l'exportation. Je n'ai eu d'autre ambition que de m'inscrire dans une
tradition, puisque l'Etat a déjà utilisé cette procédure, et à plusieurs
reprises.
Quand l'Etat veut soutenir l'exportation de matériels construits par des
entreprises publiques, il est souvent obligé, d'une façon ou d'une autre, de
préfinancer un certain nombre de dépenses. C'était donc dans cet esprit que
j'avais choisi la procédure de l'article 29.
Vous avez bien voulu m'indiquer également, monsieur le ministre, que les
autorisations de programme actuelles étaient suffisantes pour prendre en charge
de tels projets. Permettez-moi de m'en réjouir profondément, car, au fond,
c'est la seule chose que je demande. Il n'était pas, bien entendu, dans mon
intention d'obtenir une diminution des crédits. La procédure parlementaire
m'obligeait à utiliser la voie de l'amendement pour attirer votre attention. Je
souhaite, vous l'aurez compris, l'affectation à un but précis de crédits pris
dans la masse de l'ensemble du budget.
Il s'agissait donc, monsieur le ministre, d'un amendement d'appel. Toutefois,
sur le fond, je vous demande tout de même de rester extrêmement attentif à ce
problème, qui me paraît capital. En effet, vous avez raison, si nous voulons
vendre à l'exportation, et je souhaite que la France réussisse dans ce domaine,
nous sommes contraints de nous doter d'outils particuliers, qui sont
nécessaires sur les marchés internationaux. Or, si nous n'avons qu'un
avant-projet à présenter, si intéressant soit-il, et il l'est en l'occurrence
puisque c'est au vu de cet avant-projet que le Chili a retenu la France et
l'Allemagne, ce ne sera pas suffisant pour passer les marchés et aller plus
loin dans la réalisation. Incontestablement, il reste à déterminer une forme
budgétaire pour assurer ce type de financement.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je retire
l'amendement.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
L'amendement n° II-43 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements présentés par MM. Bécart, Billard, Mme
Bidard-Reydet, MM. Leyzour et Minetti.
L'amendement n° II-44 tend :
I. - A réduire les autorisations de programme de 6 551 000 000 francs.
II. - A réduire les crédits de paiement de 1 644 000 000 francs.
L'amendement n° II-45 a pour objet :
I. - De réduire les autorisations de programme de 4 300 000 000 francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 997 000 000 francs.
L'amendement n° II-46 vise :
I. - A réduire les autorisations de programme de 2 040 000 000 francs.
II. - A réduire les crédits de paiement de 950 000 000 francs.
La parole est à M. Bécart, pour défendre ces trois amendements.
M. Jean-Luc Bécart.
Comme je l'ai indiqué ce matin dans la discussion générale, les sénateurs du
groupe communiste républicain et citoyen considèrent que, si le projet de
budget de la défense doit contribuer au maintien en état opérationnel d'une
capacité de dissuasion nucléaire défensive suffisante au regard de l'évolution
des menaces, rien d'essentiel ne justifie pour autant de lancer aujourd'hui de
nouveaux programmes d'armements atomiques, d'autant que ces nouvelles dépenses
pèsent sur l'exécution d'autres programmes qui sont, à nos yeux, prioritaires,
parce qu'ils nous permettent d'assurer directement l'avenir de la défense de
notre espace national.
Par l'amendement n° II-44, nous proposons de ne pas poursuivre, en 1997, le
programme de simulations des essais nucléaires en laboratoire et de consacrer
les crédits correspondants au renforcement des programmes d'armements
terrestres, notamment pour le char Leclerc, le GIAT ayant besoin, en
particulier ses établissements de Roanne, de Tarbes et de Bourges, de ballons
d'oxygène dans ses plans de charges.
Par l'amendement n° II-45, nous souhaitons geler les crédits initialement
affectés à l'amélioration du missile air sol moyenne portée ou ASMP, dont
l'utilité est plus que contestable, le missile actuel étant parfaitement à
même, et pour quelque temps encore, de remplir son éventuelle mission. Nous
proposons que les crédits ainsi dégagés servent à renforcer le programme
Rafale, qui en a bien besoin.
Enfin, par l'amendement n° II-46, nous proposons de transférer les crédits
prévus pour la conception du nouveau missile nucléaire stratégique M 51 à la
rénovation et au renouvellement de notre flotte de surface, afin de donner de
l'air aux plans de charge de la DCN et de sauvegarder ainsi au maximum le
potentiel humain dont dispose cet établissement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-44, II-45 et II-46
?
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, ma réponse sera la même qu'à
l'égard des amendements précédents.
J'ajoute cependant, à titre personnel, que, compte tenu de l'approbation
générale qu'elle a donnée à l'ensemble du projet de budget des armées, la
commission des finances n'aurait probablement pas émis un avis favorable sur
ces trois amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon,
ministre de la défense.
M. Bécart sait d'ores et déjà que le Gouvernement
est totalement défavorable à ces amendements.
Le Gouvernement a présenté une loi de programmation qui a été votée par le
Parlement au mois de juin dernier, dans laquelle sont prévus certains
investissements destinés à permettre précisément à la France de conserver sa
force de dissuasion. C'est la raison pour laquelle il serait totalement
inacceptable d'agréer ces propositions.
Cela étant, monsieur Bécart, je relève, non sans humour, un léger paradoxe
dans ces amendements. Vous réclamez une baisse des crédits là ou l'Etat
intervient directement, c'est-à-dire au détriment du Commissariat à l'énergie
atomique, pour affecter les sommes ainsi dégagées à des entreprises privées. Je
croyais que vous apparteniez à une formation politique qui était assez
défavorable à ce genre de procédure ! Je note donc que c'est, de votre part,
une innovation !
(Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-45, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-46, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le
ministère de la défense.
3
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Le Gouvernement, en accord avec la commission des finances, demande que, lors
de la séance de demain, jeudi 5 décembre, les crédits de la ville et de
l'intégration soient examinés avant ceux qui sont relatifs à l'aménagement du
territoire.
L'ordre du jour de la séance de demain est modifié en conséquence.
4
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à l'emploi dans la fonction publique et à
diverses mesures d'ordre statutaire.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Alain Juppé »
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission
mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
5
LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Affaires étrangères et coopération
I. - AFFAIRES ÉTRANGÈRES (ET FRANCOPHONIE)
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères (et francophonie).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, il fut un temps où la politique extérieure était
la seule politique véritable, et où la politique économique n'était qu'un moyen
au service de la puissance de la France, de sa grandeur et de son rayonnement
dans le monde.
Depuis 1969, les choses ont changé : l'économique s'est vengé. Mais il nous
faut veiller, monsieur le ministre, à ce que notre politique extérieure ne
devienne pas un sous-produit de la politique monétaire et à ce que le Quai
d'Orsay ne devienne pas, un jour, une annexe de la Banque de France !
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Fort heureusement, nous en sommes très loin et il
faut se féliciter des initiatives audacieuses prises par le Gouvernement, sous
l'autorité du Président de la République, en ex-Yougoslavie, en Afrique
subsaharienne et au Moyen-Orient, comme il faut se réjouir qu'à Singapour, puis
à Bangkok - vous y étiez, monsieur le ministre - le Président de la République
ait assigné à notre diplomatie une nouvelle frontière : la puissante Asie
redevenue elle-même.
Dans cette conjoncture, monsieur le ministre, votre budget est-il compatible
avec les exigences des actions traditionnelles de la France et les ambitions
nouvelles qui nous sont assignées ?
Avec 14 440 millions de francs, ce budget baisse de 4 % par rapport aux
crédits votés l'an dernier. Représentant 0,93 % du budget global de l'Etat, il
atteint son plus bas niveau depuis 1985, l'« effort » étant surtout répercuté
sur les crédits de la direction générale des relations culturelles,
scientifiques et techniques, diminuant de 7 %.
Mais il est clair, monsieur le ministre, que le ministère des affaires
étrangères doit s'associer à l'effort de réduction des déficits publics. C'est
la raison pour laquelle je me demande, comme il y a un bon usage des maladies,
s'il ne faut pas profiter de ces contraintes redoutables pour effectuer des
réformes de structure inéluctables. Dans cette perspective, m'exprimant au nom
de la commission des finances, je voudrais vous livrer quelques réflexions.
Tout d'abord, nous avons, avec les Etats-Unis, le plus grand réseau
diplomatique et consulaire du monde, comprenant 150 ambassades, 112 consulats,
17 représentations permanentes. De plus, à la différence de toutes les autres
grandes puissances - ce qui est extraordinaire - à l'intérieur même de ce
réseau, on démontre dix-huit autres réseaux, qui vibrionnent et concourent à un
gaspillage certain, et à une incohérence certaine : il y a des attachés de
défense, des attachés scientifiques, des attachés culturels, des attachés des
postes d'expansion, des attachés financiers, etc.
C'est pourquoi je suis persuadé, monsieur le ministre, qu'il convient de
continuer dans la voie que vous avez tracée : il ne faut pas hésiter, dans les
pays du champ, à fusionner les postes d'ambassadeur et de chef de mission,
d'aide et de coopération et, sur l'ensemble des pays, à fusionner, si possible
de manière plus active, comme cela va être le cas par exemple à Delhi, les
postes d'attachés financiers et les postes d'expansion.
J'en profite pour suggérer que les personnels chargés des postes d'expansion
veuillent bien s'intéresser aussi aux PME, et ne se contentent pas de répartir
quelques crédits du protocole entre trois ou quatre sociétés et de livrer des
guerres picrocholines aux chambres de commerce locales.
Deuxième réflexion : il est indispensable que le ministre des affaires
étrangères puisse gérer librement à l'étranger le patrimoine et les biens qui
appartiennent à l'Etat.
Nos ambassadeurs devraient avoir la possibilité de vendre, d'acheter et de
gérer notre patrimoine. Dans un certain nombre de sites - le centre culturel de
Tunis, nos bureaux et nos locaux de Djakarta, par exemple - on pourrait
réussir, sans qu'il en coûte rien à l'Etat, à régler le problème des centres
culturels, des lycées, des locaux.
Mais il est clair qu'après quelques années passées à guerroyer avec les gnomes
de Bercy pour leur arracher un consensus mou et éviter qu'ils ne prélèvent trop
d'argent sur les transactions, les acheteurs ou les vendeurs ont disparu. Il en
résulte que nos bureaux, nos locaux et nos lycées sont laissés à l'abandon,
sont exigus et vétustes, alors que cette situation aurait pu parfaitement être
évitée et qu'enfants, lycéens et services pourraient être installés dans des
locaux neufs sans bourse délier. C'est au ministre des affaires étrangères ou à
son représentant, et à lui seul, qu'il devrait revenir de gérer les biens de
l'Etat français à l'étranger.
Troisième réflexion : nos compatriotes n'iront pas s'installer à l'étranger
pour y travailler et concourir au développement économique de la France s'ils
ne trouvent pas dans tous ces pays des écoles et des lycées susceptibles de
donner à leurs enfants l'enseignement nécessaire.
Nos compatriotes ne sont pas responsables du type d'enseignement très
particulier qui est le nôtre. C'est ainsi qu'ils hésitent à inscrire leurs
enfants à l'école internationale parce qu'un très grand nombre d'entre eux sont
passés par les classes préparatoires aux grandes écoles et rêvent de faire
entrer leurs enfants à leur tour dans la classe préparatoire de Louis-le-Grand,
réputée la meilleure.
Ils exigent donc des écoles et des lycées de qualité, et ils ont raison. Par
conséquent, il faut engager une réflexion sur ce sujet.
Je suis persuadé, par exemple, monsieur le ministre, qu'il eût été bon, cette
année, de consacrer 5 millions de francs au lycée de Singapour. En effet, il
eût fallu ouvrir cet établissement, non pas avec 800 places, mais avec 1 000,
et éviter le désengagement de l'Etat dans cette opération très importante.
De la même manière, je suis persuadé que beaucoup plus de Français iraient à
Kuala Lumpur s'il y avait, dans cette ville, un établissement susceptible
d'accueillir leurs enfants. Par ailleurs, peut-être serait-il moins nécessaire
d'augmenter le nombre de places du lycée de Singapour s'il y avait un véritable
établissement à Kuala Lumpur.
Sur ce thème, je me permets de vous faire une suggestion : ne pourrait-on pas
dégager de l'argent pour les lycées et les écoles en fermant certains consulats
en Europe, quelques consulats extrêmement agréables, certes, mais dont je me
demande s'ils ont d'autre utilité réelle que de permettre à quelques agents
fatigués d'attendre la retraite dans la paix et le recueillement ?
Ma quatrième suggestion porte sur nos ambassades.
Nous allons en construire une à Berlin. Mais il faut aussi en construire en
Asie, notamment à Pékin. Or les opérations ont un coût élevé.
Quel sera l'avenir de nos ambassades en Europe, lorsque nous aurons progressé
dans la voie de l'unification européenne ? Qu'en sera-t-il dans les années à
venir ? Ne devons-nous pas avoir des bureaux faciles à revendre et à
reconvertir à d'autres fonctions ?
Sauf pour le Palais Farnèse, qui reviendra à l'Etat italien en 2030, nous
devrions réfléchir dès à présent à la vocation future de nos ambassades en
Europe.
Pour ce qui est maintenant des crédits pour la coopération et les
interventions internationales, soit 6 milliards de francs, ils ont fortement
baissé. Il ne faudrait pas que cette diminution des contributions volontaires
continue.
Nous avions des retours extrêmement importants sur un certain nombre de
contributions. Mais surtout, monsieur le ministre, de grâce ! la parole et
l'honneur de la France exigent que, même si les contributions sont en forte
diminution, une fois votées, elles ne soient pas gelées puis annulées. De
telles pratiques ont des effets désastreux sur la réputation de la France.
En ce qui concerne l'action audiovisuelle extérieure, elle progresse
fortement, pour atteindre 935 millions de francs.
Les crédits sont destinés pour l'essentiel aux grands opérateurs :
Radio-France internationale, Canal France international et TV 5. Monsieur le
ministre, une réunion interministérielle extrêmement importante était consacrée
hier à l'audiovisuel public extérieur. Je serais très heureux, notre assemblée
tout entière serait très heureuse que vous nous disiez quelle est désormais la
politique du Gouvernement dans ce secteur.
Pour ma part, j'exprimerai le souhait que les programmes soient beaucoup plus
nettement régionalisés, que les journaux télévisés soient adaptés à chaque
région du monde.
Ainsi, nous devrions éviter de diffuser, en Afrique noire, des journaux
télévisés où les immigrés sont souvent traités de manière inconvenante ou de
diffuser en Asie du Sud-Est, où la liberté d'expression n'est pas toujours
totale, des images de grève qui ne sont pas toujours conformes à l'image que
l'on veut donner de notre pays.
En outre, pour les émissions de divertissement, on pourrait donner à chaque
pays ce qu'il attend : par exemple, Khaled aux Indiens, Clémentine aux
Japonais, Jordi aux Indonésiens et Cantona à tout le monde.
Je voudrais enfin évoquer deux questions, monsieur le ministre.
Est-il concevable que nous consacrions autant d'argent à la Tunisie, qui est
le premier pays bénéficiaire de nos crédits, alors qu'elle est le seul pays qui
continue à confisquer des biens français et à spolier nos compatriotes ?
Ma seconde interrogation porte sur l'Inde. Notre collègue M. François-Poncet a
fait un rapport d'information extrêmement intéressant sur ce pays, au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan : « Le pari indien ». Je
souhaiterais que notre présence soit beaucoup plus forte dans ce pays.
Voilà, monsieur le ministre, brièvement esquissés, quelques éléments de
réflexion sur votre budget, qui doit concourir au redressement économique de
notre pays, au renouveau de sa puissance, sans laquelle il n'y aurait pas de
politique extérieure valable.
Je tiens enfin à vous indiquer, monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, que la commission est très sensible à l'action sur le
terrain de l'ensemble de nos agents, qu'elle constate qu'ils sont tous d'une
excellente qualité et que, malgré quelques réserves, elle a donné un avis
favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 1997.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, la nouvelle organisation de notre débat ne permettant pas de
longues digressions, je me bornerai à évoquer trois ou quatre points sur
lesquels s'est plus particulièrement attardée la commission des affaires
étrangères. Notre collègue M. Chaumont a parfaitement évoqué certains d'entre
eux, mais il est peut-être nécessaire de vous les mettre une nouvelle fois en
mémoire.
Le premier point qui a préoccupé notre commission concerne la baisse de plus
de 8 % des crédits consacrés à l'informatique. Voilà qui semble
particulièrement regrettable, compte tenu des insuffisances qui caractérisent
encore l'équipement central de l'état civil de Nantes et qui imposent à nos
compatriotes des délais difficilement tolérables en matière d'attribution des
pièces d'état civil.
Il est donc dommage que les crédits destinés à l'informatique aient constitué
l'une des variables d'ajustement d'un titre III, lequel est, par ailleurs,
fortement contraint.
La modicité des moyens consacrés par le ministère des affaires étrangères à la
coopération militaire est une autre faiblesse de ce budget, alors même que la
coopération militaire peut contribuer au développement de nos exportations de
matériels d'armement, à un moment où l'augmentation des exportations constitue,
selon le chef de l'Etat, l'une des priorités de notre action diplomatique.
Or la faiblesse des moyens consacrés à la coopération militaire du Quai
d'Orsay - soit 85,5 millions de francs en 1997 - ressort d'autant plus
clairement si l'on compare ces crédits aux 640 millions de francs que le
ministère délégué à la coopération consacre à la coopération militaire avec les
pays relevant de son champ d'influence, essentiellement l'Afrique subsaharienne
et le Laos.
Ce contraste entre la modestie des crédits du Quai d'Orsay et ceux du
ministère de la coopération nous conduit une nouvelle fois à nous interroger
sur une éventuelle fusion entre les services compétents du Quai et la mission
militaire de coopération. C'est d'ailleurs un objectif qui a été évoqué à
l'occasion du comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger.
En ce qui concerne les 130 millions de francs consacrés à l'assistance aux
Français de l'étranger - ils ont été préservés en dépit de la rigueur
budgétaire - votre commission des affaires étrangères estime, là encore, que la
volonté de développer nos exportations doit induire, à terme, une augmentation
des crédits. En effet, nous ne pourrons encourager l'expatriation de nos
compatriotes que si l'on peut, par ailleurs, assurer des crédits d'assistance
répondant aux demandes de nos concitoyens qui acceptent de vivre et de
travailler à l'étranger.
Comme M. Chaumont, nous nous sommes interrogés sur le coût étonnamment élevé
de certaines opérations immobilières conduites par le Quai d'Orsay, notamment
sur les 80 millions de francs consacrés au transfert de notre chancellerie de
Lagos à Abudja, nouvelle capitale du Nigeria, les 20 millions de francs
consacrés à la reconstruction de notre chancellerie à Kigali, ou encore les 250
millions de francs affectés à la création de notre ambassade à Berlin. Certes,
il s'agit d'un symbole mais quel prix pour un symbole, monsieur le ministre
!
Nous nous sommes demandés si l'état des marchés locaux n'aurait pas permis de
négocier ces opérations au mieux de nos intérêts. En d'autres termes,
pouvons-nous encore nous permettre d'affecter 80 millions de francs à
l'édification d'une ambassade dans un pays qui ne se situe pas nécessairement
au coeur de nos priorités diplomatiques ?
Je traiterai maintenant du redimensionnement de notre réseau diplomatique et
consulaire.
Il est clair que la nécessité de réduire les déficits publics justifie la
révision des ramifications d'un réseau qui est devenu excessivement dense au
regard de nos moyens, même si l'on aurait tout naturellement préféré, dans une
conjoncture économique idéale, maintenir dans son intégralité le deuxième
réseau diplomatique du monde.
La question clé sur ce sujet est la suivante : comment, avec des moyens
budgétaires contraints et des effectifs régulièrement décroissants, accompagner
le déplacement géographique de nos priorités diplomatiques vers l'Asie et
l'Amérique latine, qui consituent aujourd'hui, vous l'avez souligné, monsieur
le ministre, les « nouvelles frontières » de notre diplomatie ?
A cet égard, la commission des affaires étrangères s'est interrogée sur le
format idéal de nos ambassades et de nos centres culturels dans les pays
membres de l'Union, où les progrès de la construction européenne pourraient
permettre de revoir à la baisse les missions des ambassades, comme d'ailleurs
des postes d'expansion économique.
En revanche, la commission des affaires étrangères a relevé que l'activité
consulaire connaît, au sein de l'Union européenne, une croissance continue, en
dépit des mécanismes de Maastricht ou des accords de Schengen. Cette situation
implique de préserver les moyens consacrés à l'action consulaire dans les pays
d'Europe communautaire, ce qui n'exclut pas de renforcer les sections
consulaires de ces ambassades tout en poursuivant la rationalisation de notre
maillage consulaire. A cet égard, la fermeture des consulats de Florence et de
Mons paraît aller dans le bon sens.
En conclusion, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable
à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 1997, tout
en s'interrogeant sur les conditions logistiques de la présence de la France à
l'étranger dans les années à venir. Il est probable, en effet, que nos
ambitions devront être adaptées à la réalité de budgets désormais très
contraints.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, notre diplomatie culturelle est un aspect essentiel de notre
diplomatie tout court. C'est parce qu'elle contribue très largement au
rayonnement de la France que nous sommes tous ici, je pense, soucieux de lui
accorder les moyens nécessaires à son action.
Soucieux est bien le mot qui convient, cette année encore, à la lecture de la
dotation budgétaire réservée à la direction générale. Reconduite globalement
par rapport au budget régulé de 1996, elle est, avec 5 082 millions de francs,
en recul de 3,5 % par rapport aux crédits que le Parlement avait votés l'an
dernier à la même époque.
Nul ne conteste que les programmes d'économies s'appliquent à tous, bien que
je sois de ceux qui pensent que les missions régaliennes de l'Etat devraient
faire l'objet de quelques ménagements.
M. Charles Pasqua.
Très bien !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
On est cependant parvenu à un seuil où l'approche
exclusivement comptable a atteint ses limites. Avec les crédits
d'investissement, les crédits d'intervention de la direction générale sont les
plus affectés par la baisse ; or ces derniers constituent le coeur de notre
action culturelle et de notre coopération scientifique et technique. Si la
tendance se poursuit, notre réseau culturel risque de n'être plus qu'une
coquille vide.
Je n'ignore pas les efforts d'imagination déployés par la direction générale
pour restructurer un réseau et tenter, avec des moyens réduits, de préserver
l'essentiel.
Je voudrais cependant, monsieur le ministre, vous faire part de certaines
interrogations.
Avons-nous encore les ressources nécessaires à la mise en oeuvre d'une
ambition universelle en la matière, ou le moment n'est-il pas venu de concevoir
une nouvelle géographie de notre action culturelle extérieure ?
En 1997, cinq centres et instituts fermeront et d'autres suivront. Si une
stratégie de redéploiement est engagée, elle doit être établie sur une base
pluriannuelle. De même conviendrait-il que le Parlement soit informé, en amont,
de son ampleur et des critères qui guident sa définition : quelles sont les
zones prioritaires et celles qui ne le sont pas ? Quelle part fait-on à la
proximité géographique, à l'accompagnement de notre implantation économique et
commerciale, à la préservation d'une influence politique ou linguistique ?
Bref, la liste n'est pas limitative.
Ne faut-il pas, enfin, imaginer une structure juridique nouvelle pour le
réseau culturel, qui lui ouvre les mêmes opportunités que le British Council ou
le Goethe Institut ?
Permettez-moi d'aborder, avant de conclure, deux autres sujets.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger tout d'abord, bien
qu'il soit préservé, les postes d'expatriés sont encore en diminution et leur
transformation en postes de résidents entraîne une augmentation des frais
d'écolage. Les recrutés locaux restent toujours en fonction au salaire minimum
et sans couverture sociale.
Dans certains pays, nos établissements, en scolarisant très majoritairement
des élèves nationaux, contribuent largement à la diffusion de nos valeurs et de
notre culture ; il faut s'en réjouir. Ne conduit-il cependant pas aussi, c'est
le revers de la médaille, à déresponsabiliser les autorités nationales à
l'égard de leurs propres structures éducatives ? La mise en place, uniquement
pour ces établissements, de conventions de coopération éducative leur
permettant de recruter des détachés administratifs libérerait des postes
d'enseignant du réseau, qui seraient redéployés vers des zones prioritaires.
Le second sujet concerne l'audiovisuel extérieur, qui suscite de ma part un
constat et une question.
Je dresse le constat que 83 millions de francs manqueront en 1997 par rapport
aux prévisions établies en 1995 par le conseil de l'audiovisuel extérieur de la
France, le CAEF. Cela implique l'étalement de nombreux projets pourtant
essentiels pour conforter notre présence audiovisuelle dans le monde.
La question concerne la configuration future du pôle, ou des pôles, de
l'audiovisuel extérieur. Il semble que l'idée du CAEF 1995 de donner une part
majoritaire aux opérateurs télévisuels publics nationaux dans le capital de
Télé-FI soit désormais abandonnée. On en sait d'ailleurs un peu plus depuis -
et j'y reviendrai dans mon intervention générale - mais, à l'époque où le
rapport a été rédigé, nous ne savions pas ce que nous savons aujourd'hui. Cette
idée avait pourtant le mérite d'impliquer France Télévision dans l'action
extérieure.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez devant nous le point sur ce
dossier, sur lequel le Gouvernement semble avoir infléchi sa position
initiale.
Malgré les inquiétudes partagées par l'ensemble des commissaires, la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné
un avis favorable à l'adoption des crédits 1997 de l'action culturelle
extérieure.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la direction générale
des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay est
incontestablement placé sous le signe de la rigueur avec ces 5,82 milliards de
francs, soit 3,43 % de moins par rapport à la loi de finances de 1996.
Faisant suite aux exercices de régulation budgétaire qui ont entamé, au cours
des six dernières années, les moyens de cette direction générale, la diminution
des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 affecte toutes
les composantes de l'action culturelle et scientifique extérieure : le plan
quinquennal pour l'audiovisuel extérieur sera rééchelonné sur une année
supplémentaire, la restructuration du réseau des établissements culturels sera
accélérée, les programmes de création de classes bilingues et de filières
universitaires francophones seront « révisés » à la baisse. Le soutien accordé
aux programmes de diffusion artistique à l'étranger décroîtra, comme le feront
également les crédits destinés à l'accueil des boursiers étrangers en France,
aux échanges scientifiques, aux fouilles archéologiques, à la diffusion du
cinéma français à l'étranger, à la coopération linguistique et éducative.
Dans ce contexte, on peut se féliciter de la progression de la dotation
accordée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou à Radio-France
internationale, même si cette évolution traduit en réalité une reconstitution
de leur base budgétaire consécutive aux prélèvements opérés sur les fonds de
roulement de ces organismes.
Dans ces conditions, il importe tout particulièrement que soit scrupuleusement
respecté, en 1997, le budget voté par le Parlement.
A défaut, il est à craindre que la récurrence des exercices de régulation
budgétaire finisse par compromettre la définition même d'une politique de
coopération culturelle, éducative et scientifique cohérente.
Parce que les annulations de crédits en cours d'année portent prioritairement
sur les crédits d'intervention, la répétition de ces exercices pourrait
conduire la France à entretenir à l'étranger un réseau d'établissements
culturels surdimensionné au regard des moyens d'intervention mis à sa
disposition.
Parce que les économies significatives sont plus facilement réalisées, en
cours de gestion, sur les enveloppes richement dotées, les mesures de
régulation budgétaire freinent le redéploiement nécessaire de l'action
culturelle et scientifique vers les zones géographiques prioritaires,
c'est-à-dire essentiellement vers l'Asie et les pays d'Europe centrale et
orientale.
Enfin, et parce qu'elles perturbent le rythme d'exécution des projets de
coopération arrêtés conjointement avec des partenaires étrangers, ces pratiques
fort regrettables risquent finalement de porter atteinte au crédit de la France
hors de ses frontières.
Compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je
consacrerai le reste de mon exposé à la politique audiovisuelle extérieure de
la France, et plus particulièrement à sa composante télévisuelle.
Nous nous inquiétons du retard pris dans la constitution du pôle télévisuel
extérieur qui doit réunir, au sein d'une même société holding, Canal France
international et TV5.
Ce retard doit, semble-t-il, être imputé aux hésitations qui caractérisent la
volonté gouvernementale en ce domaine.
Après que le ministre de la culture eut annoncé cet été, à l'université
d'Hourtin, que France Télévision serait « le pivot » du remaniement de
l'audiovisuel extérieur et qu'elle détiendrait « la majorité de la holding
contrôlant TV5 et Canal France international », des rumeurs insistantes
laissent entendre - ou peut-être devrais-je dire « laisseraient » entendre -
que la préférence du Premier ministre irait à la constitution d'une société au
sein de laquelle l'Etat serait majoritaire et dont la présidence pourrait être
confiée à M. Jean-Paul Cluzel, président de Radio-France internationale. J'ai
l'impression que les choses ont avancé ces dernières vingt-quatre heures, et
vous nous apporterez sans doute des précisions à ce sujet, monsieur le
ministre.
En tout état de cause, la querelle entre les tenants de la « logique des
métiers », qui a prévalu lors d'un récent CAEF, et les partisans de la création
d'une BBC à la française réalisant la fusion, en un pôle unique, des activités
radiophoniques et télévisuelles, doit être définitivement tranchée.
Reste encore à préciser le rôle que jouera France Télévision au sein du futur
pôle télévisuel. Les uns font valoir qu'une participation majoritaire des
chaînes publiques au capital de la nouvelle société serait de nature à
faciliter l'accès de Canal France international aux programmes ; les autres
soutiennent que l'Etat ne peut rester minoritaire au sein d'une société chargée
de véhiculer « l'image et la voix de la France » à l'étranger.
Quelle que soit la solution qui sera appelée à prévaloir, il importe qu'une
décision soit prise dans les plus brefs délais. Les atermoiements qui semblent
caractériser la conduite de la politique audiovisuelle extérieure, et que ne
contribue pas à simplifier la multiplicité des interlocuteurs ministériels
compétents, ont des conséquences regrettables sur l'action des deux principaux
opérateurs télévisuels que sont CFI et TV5.
Je conclurai mon exposé en vous indiquant, monsieur le ministre, que la
commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits consacrés aux relations culturelles, scientifiques et techniques, en
souhaitant fermement que le budget voté par le Parlement puisse être
intégralement préservé en cours d'exercice.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la francophonie se veut un espace de solidarité. Cette solidarité
doit se manifester envers la population de trois pays francophones : le Rwanda,
le Burundi et le Zaïre, plongés dans un drame épouvantable.
Pour son honneur, la France a été l'un des tout premiers pays à réagir et à
proposer sa participation à une force multinationale de protection des
organisations humanitaires. Le Canada, autre pays francophone, a accepté de
prendre la tête de cette force.
Il faut bien constater qu'au lendemain du vote du Conseil de sécurité les
médias nord-américains ont largement répandu l'image de réfugiés rentrant au
pays, laissant entendre à la communauté internationale qu'était venu le moment
du lâche soulagement.
Malgré l'imprécision des informations, il est pourtant évident que de très
nombreuses vies humaines sont encore menacées, notamment au Rwanda, au Kivu et
au Burundi, parmi les réfugiés comme parmi la population zaïroise de souche,
ainsi que l'a rappelé le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Mieux que d'autres, les francophones l'ont compris. Un tel drame montre la
nécessité pour la francophonie de se doter de structures efficaces lui
permettant d'acquérir une véritable personnalité dans le concert politique
mondial.
La décision de choisir au sommet de Hanoi, à l'automne 1997, un véritable
secrétaire général de la francophonie marquera une étape essentielle dans cette
reconnaissance, à condition que ce responsable obtienne bien le rôle prééminent
qui assurera son autorité.
Aux côtés de l'exécutif francophone, il y a place aussi pour une véritable
francophonie parlementaire.
Reconnue comme l'assemblée parlementaire consultative de la francophonie au
sommet de Maurice, l'Assemblée internationale des parlementaires de langue
française, l'AIPLF, attend encore que les procédures de consultation ainsi
évoquées entrent dans les faits.
Je suis convaincu que vous aurez à coeur, monsieur le ministre, de faire
reconnaître, dans la charte de la francophonie qui se prépare, ce souhait des
représentants de cinquante parlements.
Il me faut maintenant parler des crédits de la francophonie.
Comme bien d'autres rapporteurs, j'ai été très irrité l'an dernier par la
mesure de gel appliquée à une partie des crédits votés peu après leur examen
par le Parlement.
Il est indispensable que de tels faits ne se renouvellent pas, car ils mettent
en cause l'intérêt même du débat budgétaire.
En 1997, les crédits d'intervention du service des affaires francophones
s'établissent à 61,3 millions de francs, c'est-à-dire, à très peu de chose
près, la même somme que l'an dernier après le gel de 2,4 millions de francs
auquel il a été procédé.
Ce montant est encore acceptable s''il n'y a pas de nouveaux gels. En
revanche, si cette détestable pratique devait se renouveler, nous serions alors
entrés dans une spirale de régression inadmissible, et cela d'autant plus que
la faculté d'orientation du secrétaire d'Etat ne s'exerce guère que sur 11,7
millions de francs, les autres étant déjà affectés au titre des engagements des
sommets de la francophonie.
Il faut, bien sûr, considérer le total des crédits consacrés par les pouvoirs
publics - tous ministères réunis - à la défense de la langue française et au
développement de la francophonie.
Ce total peut être estimé à 5 213,3 millions de francs en dépenses ordinaires
et en crédits de paiement, soit une baisse de 2,1 % par rapport aux crédits de
1996. Il faut souhaiter que soit mis un terme à cette lente, mais constante,
érosion des crédits.
Notre effort ne doit pas se relâcher. En effet, malgré l'importance de notre
action, le rôle international de la langue française est en recul.
L'explication en est simple.
Au Vietnam, nous faisons un gros effort pour enseigner notre langue. Mais quel
sera le devenir des étudiants francophones si les entreprises françaises au
Vietnam embauchent de préférence des anglophones parce que la langue de
l'entreprise est l'anglais ? On pourrait constater les mêmes faits au Liban.
Le Président de la République a répété à diverses reprises que l'avenir du
français se jouerait dans l'Union européenne.
Or des faits inquiétants, inacceptables, nous sont rapportés : les cabinets de
consultants travaillant pour l'Union européenne au Liban exigent de tenir leurs
réunions en anglais.
Les programmes européens TACIS à destination de la CEI et PHARE à destination
de la Pologne et de la Hongrie sont rédigés en anglais.
Tout se passe comme si l'anglais devenait la langue unique des relations
internationales de l'Union européenne. S'il en était ainsi, le français
perdrait une grande partie de sa raison d'être internationale. Il faut donc
réagir et ne pas hésiter éventuellement à aller à l'incident.
Une volonté forte, une action vigoureuse et coordonnée peuvent permettre au
français de maintenir sa place. L'action menée avec succès aux jeux Olympiques
d'Atlanta l'a prouvé.
En proposant l'adoption des crédits de la francophonie, la majorité de la
commission des affaires culturelles a montré sa volonté de vous aider dans un
combat essentiel au rayonnement de la France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 34 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, très
attaché, personnellement, au devenir du bassin méditerranéen comme à celui du
continent africain, je salue l'heureux hasard du calendrier qui fait
aujourd'hui coïncider notre réflexion sur le budget des affaires étrangères
avec l'ouverture du 19e sommet franco-africain regroupant les représentants de
quarante Etats. Je consacrerai une partie de mon intervention à ce
continent.
Je commencerai par formuler un premier constat d'ordre général : ce projet de
budget n'échappe pas à la baisse décidée pour résorber les déficits et
maîtriser les dépenses publiques.
En régression de 5,5 % en francs constants, ce budget permettra-t-il de
continuer à affirmer l'action internationale de la France, que nous voulons
ambitieuse, stratégique et cohérente, tant sur le plan du rayonnement de notre
pays que sur celui de l'aide humanitaire et de l'aide au développement ? La
question reste posée d'autant qu'une dualité ministérielle en complique parfois
la compréhension, en dépit d'un travail de partenariat des deux ministères
impliqués... quand un troisième n'entre pas en jeu ! Mais ce problème n'est pas
à l'ordre du jour.
L'effet en soi négatif de cette baisse des crédits alloués au ministère des
affaires étrangères, comme à celui de la coopération, peut être partiellement
atténué par une modernisation des structures et un recentrage des objectifs.
Pratique de bons sens ! On ne peut qu'encourager l'approfondissement d'une
telle réflexion s'il atteint un double dessein : participer à l'indispensable
évolution des affaires étrangères tout en s'attaquant à la compression des
dépenses publiques.
Ce budget est affecté par une réduction de crédits de 230 millions de francs
consacrés au maintien de la paix en ex-Yougoslavie. Cette baisse est
heureusement neutralisée par l'imputation de cette action et des crédits
correspondants au budget de la défense, glissement qui semble rétablir une
logique dans les types de missions.
Il faut, en revanche, déplorer le non-remboursement actuel par l'ONU de trois
milliards de francs investis dans des opérations de maintien de la paix. Cette
régularisation demeure problématique dans le futur, compte tenu du nombre des
Etats débiteurs, dont le plus important reste les Etats-Unis.
S'agissant du réseau diplomatique de la France dans le monde, je ne peux
qu'approuver le travail que vous poursuivez, monsieur le ministre, depuis votre
prise de fonctions. Nous savons, en effet, l'importance de ce réseau tant sur
le plan politique, administratif, culturel, commercial que sur le plan
prospectif.
La réflexion relative à un tel réseau diplomatique appelle cependant plusieurs
observations.
Nous remarquons combien, parfois, une mission aux multiples facettes repose
sur des structures insuffisantes. Je n'en donnerai que deux exemples. Ainsi,
dans le secteur allant de la Volga à l'Oural, nous n'avons qu'un seul attaché
linguistique, et l'on conçoit aisément la charge démesurée d'un tel rôle. Par
ailleurs, j'ai pu constater, à l'occasion du jumelage de Marseille et de
Shanghai, « ville-moteur » du développement économique dans la région, que nos
structures, malgré tout le travail accompli, ne pouvaient satisfaire l'ampleur
des besoins.
Mon premier exemple figure certes parmi les extrêmes, mais il est révélateur
des faiblesses d'une partie de notre réseau diplomatique eu égard à l'évolution
de certaines contrées. C'est pourquoi je souhaiterais connaître votre point de
vue, monsieur le ministre, quant à l'utilité de renforcer nos représentations
vers des régions émergentes d'Europe centrale et orientale, des pays du
Mercosur et d'Asie. Considérez-vous notre réseau comme suffisant dans sa
composition actuelle ou bien estimez-vous important de le développer et de
redéployer postes et crédits ? Si oui, dans quels délais et selon quelle
progression géographique ? Doit-on prévoir des dépenses supplémentaires dans un
budget en baisse, impliquant des économies dans d'autres représentations qui
peuvent, elles, s'avérer moins importantes dans la conjoncture ?
Je m'interroge également - je ne suis pas le seul, je l'ai vu - sur l'avenir à
moyen terme des représentations françaises dans les Etats de l'Union
européenne. Quel peut être le rôle des nouvelles ambassades de France, au
demeurant fort coûteuses, à Bruxelles ou à Berlin ? Que deviendront les
missions imparties aux ambassadeurs en poste dans les Etats membres de l'Union
européenne ? Ne pourrions-nous pas envisager, dans la construction européenne,
la mise en commun de représentations dans certains pays ?
J'aborderai un autre sujet de réflexion : les crédits de la culture, dont les
montants baissent de 2,9 %. J'observerai tout d'abord que les actions
culturelles jouent le rôle de vitrine de la France à l'étranger, de ses modes
de vie et de pensée. Elles attirent un public disposant d'un bon niveau de
formation et dont les motivations à l'égard de la France sont très
positives.
Voilà pourquoi je persiste à penser que les baisses de crédits destinés aux
actions culturelles ne peuvent agir qu'au détriment de la France. Si ces
économies sont nécessaires pour des raisons budgétaires en 1997, j'espère que
les crédits alloués à ce poste ne subiront pas un sort similaire en 1998. En ce
domaine encore, des coopérations européennes peuvent être envisagées en
conservant la diversité des racines, des langues et la spécificité de
chacun.
Lors du récent débat sur la politique étrangère, j'ai orienté une partie de
mon propos sur l'intérêt du bassin méditerranéen. Je voudrais aujourd'hui
évoquer l'Afrique subsaharienne, vers laquelle nos regards de Méditerranéens se
portent bien sûr.
Sans affirmer que le continent africain figure parmi les nouvelles zones
émergentes, je souhaite néanmoins combattre le préjugé fort répandu qui
condamne d'emblée à une issue négative toute entreprise en rapport avec
l'Afrique.
L'afro-pessimisme est en soi un handicap qui joue sur tous les plans au
détriment des projets africains, même - et j'ose aborder ce sujet - dans le
secteur du tourisme où l'Afrique dispose d'atouts majeurs encore
inexploitables, il est vrai, en bien des pays, alors que le développement de ce
secteur permettrait une meilleure connaissance humaine et une compréhension
mutuelle plus étayée.
De nombreux spécialistes de cette région du monde s'accordent aujourd'hui pour
penser qu'après quarante ans d'indépendance l'Afrique commence à donner des
signes positifs. Une démocratisation s'instaure dans certains pays africains et
remplace des pouvoirs totalitaires. N'est-ce pas une raison de nous engager
dans ce processus ? On constate aussi que plusieurs Etats africains effectuent
un décollage économique significatif, avec parfois une croissance à deux
chiffres. Parmi ceux-là figurent, en premier lieu, l'Ouganda, la Côte-d'Ivoire,
le Mali, le Burkina et le Sénégal.
Autre fait remarquable : le continent a connu en 1995 une croissance
économique de 4 % en moyenne, supérieure d'un point à sa croissance
démographique moyenne, qui s'élève à 3 %. Une accélération de cette croissance
économique est bien sûr indispensable, mais on peut enfin constater qu'un
renversement de situation est bien en cours.
C'est pourquoi il est impératif de combattre le préjugé qui joue au détriment
de l'investissement privé en Afrique. Ce continent n'a, jusqu'à présent, attiré
que 3 % des flux mondiaux d'investissements privés. La voie doit être montrée
par l'investissement public, qui doit intervenir dans les secteurs de la santé,
de l'éducation, des infrastructures routières des transports et des services
agricoles.
Autre progrès significatif : on note que la plupart des Etats africains ont
procédé à l'amélioration de leur cadre législatif. Ils ont consenti des
avantages fiscaux et douaniers qui se sont matérialisés par la conclusion de
260 accords bilatéraux et de 150 traités pour éviter la double fiscalité.
La répartition par Etat est certes très inégale : le Nigeria concentre, par
exemple, la moitié des investissements, suivi de l'Angola et du Ghana, dont le
développement est spectaculaire.
La toute récente constitution de l'alliance pour l'industrialisation de
l'Afrique, destinée à contrecarrer la gestion déficitaire des peu nombreuses
industries africaines, est un bon signe. Elle fait partie des coopérations
indispensables consacrées à l'amélioration de la répartition des
productions.
Ces coopérations sont pour lors envisageables au niveau bilatéral, par exemple
entre la Côte-d'Ivoire et le Mali, entre le Congo et le Gabon, ou bien encore
entre le Burkina et le Niger. On trouve là l'amorce d'une intégration régionale
qui permettrait le développement de structures d'acheminement, indispensable
outil du développement. Après des décennies d'aide sans véritable signe de
résultat positif pour l'avenir, allons-nous, monsieur le ministre, réduire
notre effort alors même qu'il semble commencer à porter ses premiers fruits
?
Comment ne pas évoquer néanmoins la crise des Grands Lacs ?
La responsabilité de l'Europe dans cette partie du monde lui donne le devoir
de participer au sauvetage des réfugiés non rentrés au Rwanda. Après la
résolution 1080 autorisant l'acheminement de l'aide humanitaire, adoptée par
l'ONU le 15 novembre dernier, rien n'a, à ce jour, été décidé, si ce n'est des
parachutages de vivres bien aléatoires. Le mot est même faible puisque le
commissaire européen Mme Emma Bonino indiquait dernièrement : « C'est une vraie
honte ! La vérité c'est qu'on ne veut rien faire. »
Ce problème semble insoluble, dans la mesure où les réfugiés entrés au Rwanda
ne pourront bénéficier de l'aide, ce pays refusant aux forces multinationales
d'utiliser son territoire et l'Etat zaïrois venant d'annoncer qu'il s'opposait
lui aussi à l'entrée des ces forces sur son territoire ou au survol de
celui-ci. Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour que nous ne
fassions plus rien.
Selon le président malien, M. Alpha Oumar Konaré, l'instabilité politique et
la circulation des armes en Afrique prennent leur source dans un déficit
démocratique. Notre pays, qui affirme à juste titre que l'état de droit est la
grande priorité de sa politique de coopération, est bien au coeur du
problème.
En effet, les pouvoirs en place à Kigali, à Bujumbura et à Kinshasa ne sont
pas issus du suffrage universel. C'est pourquoi je me demande si nous pouvons
justifier l'aide militaire de 55 millions de francs, dont 20,5 millions de
francs de matériels, que la France a attribuée au Rwanda en 1993. Ne
pensez-vous pas que, dans les pays de non-droit, la France devrait se limiter à
apporter une aide humanitaire ?
L'état de droit et la démocratie me conduisent à une réflexion concernant les
immenses problèmes posés par l'actuelle phase de transition qui fait suite à
l'effondrement du bloc de l'Est.
Alexandre Soljenitsyne, dans
Le Monde
daté du 27 novembre 1996, dénonce
l'oligarchie qui gère les destinées de son pays. Il souligne que « le système
de gouvernement jouit de la même absence de contrôle, de la même absence de
responsabilité devant le corps social et de la même impunité que l'ancien
pouvoir communiste » et qu'« on ne saurait, avec la meilleure volonté du monde,
l'appeler démocratie ». Mais la démocratie ne s'impose pas, elle se gagne, et
difficilement. La présence française ne peut que favoriser une telle
évolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux
inquiétudes, aux interrogations que je viens de vous livrer, j'aimerais ajouter
une idée exprimée par Tolstoï : « Ce qui a toujours mené le monde, c'est la
coïncidence des volontés. » La mission confiée au ministère des affaires
étrangères consiste justement à faire naître les concordances et à fédérer les
coïncidences.
Monsieur le ministre, entre ces divers impératifs, votre mission consiste à
relever un défi pour concilier ce qui peut paraître inconciliable. Malgré les
réserves, les doutes et les inquiétudes que j'ai pu émettre, je garde
confiance.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de
l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère des affaires étrangères pour 1997 est en réduction de 4 %,
soit une baisse sensiblement supérieure à celle qui est appliquée au budget
général qui est de 0,8 %.
Bien que partageant avec le Gouvernement la préoccupation de maîtrise des
dépenses publiques et de préparation de notre pays à l'Union économique et
monétaire, je déplore cette ponction sur un projet de budget déjà trop modeste,
au moment où il est admis que c'est de plus en plus sur les plans politique et
diplomatique que les problèmes internationaux doivent être traités et résolus,
les solutions militaires appartenant davantage au passé, comme en témoignent
les réductions qu'enregistrent les budgets militaires des grands pays.
La mondialisation des échanges exige aussi qu'un effort particulier soit
réalisé pour accroître les parts de marché à l'extérieur ; c'est le
développement des exportations qui stimulera la croissance en France et, par
voie de conséquence, l'emploi, ce dont nous avons tant besoin. Cette seule
donnée aurait justifié que le projet de budget du ministère des affaires
étrangères soit considéré comme prioritaire et augmenté.
La politique que vous conduisez en ce sens, monsieur le ministre, suivant les
directives du Président de la République, est très encourageante. La rencontre
organisée dans les Pays de la Loire entre nos ambassadeurs et des entreprises
de la région est, à ce titre, exemplaire, et nous vous en félicitons.
Nous ne doutons pas que vos services sachent mieux s'organiser pour compenser
la réduction de leurs moyens. Mais ne doit-il pas en être de même dans tous les
autres ministères, qu'ils soient prioritaires ou non ? Certes, le budget du
ministère des affaires étrangères ne représente qu'une partie des crédits
consacrés à l'action extérieure de la France : 14 milliards de francs sur 48
milliards de francs. Ne conviendrait-il pas que votre ministère, dont c'est la
vocation par excellence, exerce une plus grande unité de direction dans le
cadre du comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, en opérant
tous les regroupements souhaitables ? Je pense, bien sûr, aux services du
ministère de la coopération, dont l'action s'exerce sur soixante-dix pays
indépendants. Il en va de même de nombreux crédits de l'action extérieure gérés
par la direction du Trésor, dont le rôle est de les mettre en place et d'en
contrôler la bonne application. Ainsi, vous seriez mieux à même de répondre à
l'évolution de plus en plus rapide du monde en procédant au redéploiement de
votre important réseau diplomatique et consulaire vers les nouvelles zones
d'expansion.
Deux zones des plus prometteuses se trouvent très éloignées de notre pays,
abritant de ce fait une communauté française quantitativement très insuffisante
; je songe ici à l'Asie du Sud-Est, et je rappelle le grand succès du récent
sommet de Bangkok, ainsi qu'à l'Amérique latine, où notre influence reste forte
et où se rendra le Président de la République au printemps prochain.
Les postes mixtes regroupant les problèmes économiques, administratifs et
culturels, comme à Canton, ne constituent-ils pas la solution si l'on cherche à
assurer une présence plus efficace sur le terrain ? Ce regroupement des
services ne devrait-il pas être généralisé à l'ensemble des pays ?
Un grand sujet de satisfaction dans votre budget, monsieur le ministre, est le
maintien des crédits en faveur des Français résidant à l'étranger, tant pour
l'assistance et la solidarité aux personnes les plus démunies qu'en ce qui
concerne l'enseignement français à l'étranger. La sauvegarde de ces lignes
budgétaires marque la nette volonté du Gouvernement de poursuivre son action
envers ceux de nos compatriotes qui portent courageusement les intérêts de la
France à l'extérieur.
L'agence pour l'enseignement français à l'étranger pourra ainsi renforcer ses
implantations scolaires en les orientant vers les zones émergentes. Le succès
de nos établissements, dans une période mutation où les rencontres humaines
sont primordiales, est confirmé par les brillants résultats qu'ils obtiennent
aux baccalauréats. A leur sujet, je poserai deux questions.
L'expatriation française restant insuffisante, ne vous paraît-il pas important
de continuer à développer pour les élèves français l'excellent système actuel
des bourses, dont l'enveloppe représente seulement 8,5 % des crédits de l'Etat
pour l'enseignement français à l'étranger, quitte à rapprocher les droits de
scolarité des coûts réels, à l'instar de ce que pratiquent les grands pays
comparables au nôtre ?
Par ailleurs, ne pensez-vous pas indispensable, monsieur le ministre,
d'harmoniser les traitements des enseignants français à l'étranger titulaires
de l'éducation nationale, dont la disparité des salaires, proche de 3 à 1, à
tâches et à diplômes équivalents, crée de graves inégalités et frustrations
?
En tout état de cause, la réduction des dépenses publiques nous impose
d'imaginer des formules nouvelles pour le développement de l'enseignement
français à l'étranger, soit par des formules de coopération entre les
établissements scolaires de l'Union européenne, quand cela est possible, soit
par la création de postes d'enseignants français, chargés de cours de langue
française en particulier, dans les établissements étrangers qui le souhaitent,
avec, bien entendu, la réciprocité d'accueil d'enseignants de langues
étrangères en France, ce qui éviterait toute incidence budgétaire.
Je terminerai en insistant sur deux points.
Par suite de l'insuffisance du nombre de nos expatriés, une réelle volonté
politique est nécessaire pour dynamiser les départs de France, indispensables à
la représentation de notre pays dans le monde...
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
... et au renouvellement des générations d'expatriés. La formule des
coopérants du service national, que la prochaine réforme de la conscription va
supprimer, doit être remplacée par un volontariat d'apprentissage à
l'étranger,...
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
... avec un nombre de postes qui pourrait être accru jusqu'à 10 000 cancidats
volontaires. Des dispositions ont-elles été prévues à cet égard ?
Enfin, dernier point, l'action audiovisuelle extérieure constitue de plus en
plus le véritable vecteur du développement de la francophonie et du rayonnement
mondial de notre pays.
Sans mésestimer l'importance des crédits et des personnels qui doivent être
consacrés à l'action extérieure, les médias constitueront un élément
déterminant de notre présence internationale, tant pour le soutien à l'action
économique et diplomatique que pour le lien indispensable avec nos
ressortissants sur les cinq continents.
M. Charles de Cuttoli.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
Une telle ambition ne se traduit pas encore dans les chiffres. Il convient
d'envisager dès à présent, pour 1998, un rattrapage des mesures nouvelles
initialement prévues pour 1997 dans le programme pluriannuel défini par le
centre audiovisuel extérieur mais que le budget que nous examinons aujourd'hui
ne pourra réaliser.
Au-delà des crédits budgétaires, compte tenu de l'action du Gouvernement
tendant à renforcer l'action extérieure de la France et des progrès indéniables
accomplis, nous vous assurons de notre confiance et nous voterons votre budget,
monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Jacques Habert.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Voilà plusieurs années, monsieur le ministre, que je mets à profit la
discussion du budget de votre ministère pour attirer l'attention du
Gouvernement sur les répercussions du maintien de l'embargo qui est appliqué à
l'Irak depuis la guerre du Golfe.
Bien entendu, comme la plupart d'entre nous, j'ai été solidaire de la
diplomatie française et de la communauté internationale lorsqu'il s'est agi de
sanctionner l'agression qu'a subie le Koweit de la part de son voisin irakien.
Je continue à souscrire aux mesures mises en oeuvre pour contrôler les
armements en Irak et pour proscrire la fabrication d'armes nucléaires et
chimiques par ce pays.
Il s'avère toutefois que le maintien de l'embargo constitue la manifestation
de la volonté politique des pays anglo-saxons de « punir un Etat » qui est
ainsi mis au ban de la communauté internationale. Il importe de souligner que
l'Irak a globalement satisfait aux obligations internationbales en démantelant
son dispositif militaire offensif.
Les observateurs des Nations unies ont pu, en effet, constater que l'Irak
avait exécuté les obligations qui lui avaient été prescrites en matière
d'armement.
Encore convient-il de relever que la commission des Nations unies chargée du
contrôle et de la destruction des armements prohibés comporte une
sur-représentation de pays anglo-saxons, hostiles au régime irakien pour des
raisons de politique intérieure, cette caractéristique étant sans doute à
l'origine de certains procédés de contrôle excessivement tatillons, voire
vexatoires pour l'Irak.
Ce comportement de la commission de contrôle semble aboutir, en définitive, à
différer la normalisation des relations entre l'Irak et la communauté
internationale.
Est-il besoin de répéter que la pénurie alimentaire a ramené la ration
quotidienne de la population irakienne en dessous du minimum vital. La
malnutrition, les carences alimentaires et les insuffisances en matière
médicale et hospitalière touchent gravement le peuple irakien, et en
particulier les enfants.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est vrai !
M. Serge Mathieu.
Ainsi, l'UNICEF a constaté que plus de 9 % des bébés étaient plus ou moins mal
nourris.
La pénurie de médicaments et de matériel médical a provoqué une augmentation
de la mortalité, notamment chez les enfants, alors même que médecins et
chirurgiens doivent faire face à un profond dénuement du système médical et
hospitalier.
On peut, dès lors, s'interroger sur les raisons de l'acharnement de certains
membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies à maintenir
l'embargo.
S'il s'agit de précipiter la chute du président irakien, le calcul se révèle
profondément erroné puisque la misère engendrée par l'embargo nourrit un
sentiment nationaliste qui favorise son maintien à la tête du pays.
J'ajoute que, reconnaissant sans restriction la souveraineté de l'Etat du
Koweit, l'Irak a satisfait aux obligations de la résolution 833 du Conseil de
sécurité de l'ONU.
Toute la communauté internationale - et en particulier la France - s'était
réjouie que le Conseil de sécurité des Nations unies ait autorisé la mise en
oeuvre de la résolution 986, dite « pétrole contre nourriture », qui devait
permettre à l'Irak de vendre pour 2 milliards de dollars de pétrole tous les
six mois afin de disposer de devises lui permettant d'acheter des vivres et des
médicaments.
Les Etats-Unis ont pris prétexte des troubles survenus dans le Kurdistan, en
septembre dernier, pour opposer, une fois encore, leur veto à l'application de
la résolution 986, privant de ce fait l'Irak des quelques ressources qui
auraient permis d'améliorer la situation alimentaire et sanitaire de sa
population.
Je me réjouis que l'Irak ait accepté, le 25 novembre, les conditions fixées
par les Nations unies pour l'application de la résolution 986.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de poursuivre vos efforts pour
que la communauté internationale prenne acte des efforts réalisés par l'Irak
pour satisfaire aux obligations dictées par l'ONU et, par conséquent, pour que
l'embargo soit progressivement levé.
Je vous exprime cette demande au nom des liens historiques nous liant au
peuple irakien, que l'embargo continue à plonger dans le dénuement et à
étrangler.
Je tiens à rendre hommage et à approuver sans réserve les propos tenus par le
Président de la République, M. Jacques Chirac, lors de son récent voyage dans
les pays arabes et en Israël, sur la situation au Proche-Orient et sur la
nécessité de rompre l'isolement qui frappe l'Irak. J'ai eu le sentiment,
empreint d'une certaine fierté pour mon pays, en écoutant ses déclarations, que
l'on pouvait de nouveau parler de la « politique arabe de la France ».
Ayant eu l'honneur d'accompagner M. le président du Sénat au cours d'un voyage
en Albanie, je souhaite évoquer la situation de ce petit pays qui ne compte, en
effet, que 3,42 millions d'habitants, qui est la nation la plus pauvre d'Europe
et dont 60 % de la population active occupent un emploi dans l'agriculture.
Depuis la chute du régime communiste, en 1991, l'Albanie a accompli un
remarquable processus de démocratisation et a engagé des programmes de
réorganisation de son économie, complètement destructurée après plus de
quarante ans de dictature communiste.
Des élections démocratiques, tant présidentielles que législatives et,
récemment, municipales, sont intervenues. Toutefois, il convient de déplorer
l'échec du référendum de novembre 1994 tendant à doter le pays d'une nouvelle
constitution. En effet, il est quelque peu paradoxal que, en dépit de la
démocratisation engagée, ce soit toujours la constitution de l'ancien régime
qui continue à définir l'organisation des pouvoirs publics.
Je crois devoir souligner l'importance de l'effort qui a été entrepris en
matière de développement agricole par ce pays et qui a permis d'éliminer toute
malnutrition et tout déficit alimentaire.
Grâce à l'action vigoureuse du président Sali Berisha, qui a su galvaniser les
énergies du pays, mais aussi à l'intervention du Fonds monétaire international,
l'Albanie a renoué avec la croissance. Celle-ci a atteint 11 % en 1995, soit le
taux le plus élevé de tous les pays ex-communistes de l'Europe de l'Est.
Il est indispensable que la communauté internationale, en particulier l'Union
européenne et la France, apporte leurs concours à l'effort de développement
engagé par l'Albanie.
Je me réjouis, à cet égard, qu'une loi du 3 avril 1996 ait autorisé
l'approbation de l'accord entre la France et l'Albanie sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements.
Je me réjouis également que la diplomatie française ait, sous l'impulsion du
Président de la République et sous votre autorité, monsieur le ministre,
renforcé sa cohérence et sa crédibilité. Ce constat s'applique à l'action menée
dans l'ex-Yougoslavie comme au Proche-Orient et en Afrique.
La France reste, plus que jamais, une grande puissance sur la scène
internationale. Le résultat doit beaucoup à votre action déterminée et
courageuse, monsieur le ministre. Tels sont les motifs pour lesquels je
voterai, sans aucune réserve, votre budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous
le savez, ma préoccupation principale concerne les quelque 1 700 000 Français
qui se sont expatriés. Cette expatriation est faible au regard de nos
principaux partenaires, notamment européens.
Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour développer notre expatriation,
ainsi que l'ont indiqué à plusieurs reprises le Président de la République et
le président du Sénat.
Nos compatriotes ne doivent pas craindre de s'expatrier. Ils doivent être
assurés que, quelles que soient les conditions de leur résidence à l'étranger,
ils seront traités de la même façon que les Français demeurés en métropole et
qu'ils bénéficieront des mêmes droits.
C'est dans cet esprit que, en 1977, sous le gouvernement de M. Barre, avait
été créé au sein de votre ministère le fonds d'action sociale. L'idée était
alors de faire un parallèle entre les aides accordées en métropole aux plus
défavorisés et celles qui étaient destinées aux Français de l'étranger.
A l'époque, un plan quinquennal avait permis la constitution de ce fonds et
l'attribution aux Français âgés nécessiteux ou aux handicapés d'une aide
comparable au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés. Le
fonds d'action sociale devait d'ailleurs progresser jusqu'à ce que les
allocations ainsi attribuées atteignent un niveau comparable à celui de la
métropole et assurent la couverture maladie des allocataires.
Cette progression a bien eu lieu pendant quelques années mais, après 1982, on
a assisté à une stagnation des crédits. Ce n'est qu'en 1994 et en 1995, alors
que M. Alain Juppé était ministre des affaires étrangères, que ces crédits ont
connu une hausse sensible puisqu'elle a été de 7,5 %, mais cette progression
n'a été, pour 1996, que de 0,7 %.
Le fossé se creuse donc entre l'idée originelle de 1977, les aides
métropolitaines et la réalité de celles qui sont accordées aux expatriés les
plus démunis. Trois raisons peuvent être avancées.
Tout d'abord, le nombre des demandes d'aide est en progression constante.
Je rentre de plusieurs voyages qui m'ont conduit en Afrique, dans les pays du
Sahel et en Amérique du Sud. Partout, nos consuls m'ont indiqué qu'ils étaient
confrontés à une explosion des demandes. Ainsi, au Niger, elles sont passées,
cette année, du simple au double.
Or, les statistiques qui nous sont communiquées par la direction des Français
à l'étranger, lors de la réunion de la commission permanente pour la protection
sociale des Français de l'étranger, font apparaître une légère inflexion. Le
nombre des allocataires est de 5 572 en 1996 contre 5 978 en 1995.
Ces chiffres semblent donc contredire la réalité du terrain. Mais peut-être
s'agit-il simplement d'une question de méthode de calcul. Les demandes de
secours temporaires, par exemple, ne sont peut-être pas incluses. Il serait
donc intéressant de savoir, monsieur le ministre, comment ces calculs sont
effectués afin de comprendre les raisons de cette disparité.
Ensuite, les crédits affectés à ce fonds stagnent. La hausse de 0,7 % pour
1996, si elle est rapportée à l'augmentation du coût de la vie en France pour
la même période, soit 2,5 %, correspond en fait à une diminution de 1,4 %.
Pour 1997, ces crédits devraient, semble-t-il, être maintenus en francs
constants. Vous m'avez, monsieur le ministre, donné des engagements en ce sens,
le 20 juin 1996, lors d'une séance de questions d'actualité à laquelle M. le
ministre du budget assistait.
Enfin, la troisième raison réside dans une plus grande sélectivité dans
l'attribution de ces aides. Nos consulats ont en effet reçu des directives leur
demandant d'être beaucoup plus stricts et plus rigoureux dans la prise en
compte des revenus ou avantages dont peuvent disposer, par ailleurs, les
éventuels allocataires. Ainsi, il est désormais tenu compte des aides qu'ils
pourraient recevoir de leurs enfants au titre de l'obligation alimentaire.
Cette position me paraît pour le moins étrange au moment où, en France, le
Gouvernement y renonce en ce qui concerne le RMI, lequel n'est pas assimilable
à une prestation familiale. Le même raisonnement doit s'appliquer, me
semble-t-il, aux allocations de solidarité attribuées par nos consulats.
Un autre point, particulièrement délicat, concerne la non-prise en charge de
la couverture maladie des allocataires du fonds d'action sociale. Il est
choquant que ces personnes, qui sont parmi les plus démunies, en soient exclues
alors que, en métropole, le simple fait de recevoir l'allocation vieillesse,
l'allocation aux adultes handicapés ou même le RMI permet cette prise en
charge.
Une fois de plus, nous constatons donc l'écart entre l'idée originelle et son
application concrète vingt ans plus tard, alors qu'une solution peu onéreuse
par rapport à l'ensemble du budget des affaires étrangères existe.
Pourquoi en effet, monsieur le ministre, ne pas élaborer un nouveau plan
quinquennal, à l'image de celui qui avait été élaboré en 1977, qui permettrait,
grâce à une augmentation annuelle de 4 à 5 millions de francs, de doter de 20 à
25 millions de francs supplémentaires au bout de cinq ans les crédits du fonds
d'assistance de votre ministère ? Cette somme permettrait non seulement de
faire face à l'accroissement des demandes mais également de prendre en charge
le coût de l'assurance maladie des allocataires du fonds d'assistance auprès de
la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger que je préside.
La caisse des Français de l'étranger est prête, de son côté, à faire un effort
et à accomplir son devoir de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes, en les
assurant en troisième catégorie de cotisation, catégorie pour laquelle le
montant de la cotisation est le moins élevé, mais qui ouvre des droits à
prestations identiques en tous points à ceux des première et seconde
catégories, et ce même si nous savons pertinemment qu'il s'agit d'une
population à risque et même à mauvais risque, en raison de son âge - elle est
âgée de plus de soixante-cinq ans - et de sa condition physique - il s'agit de
handicapés - ce qui peut être dangereux pour l'équilibre de la caisse qui, je
vous le rappelle, est une caisse d'assurances volontaires.
Mais il est des circonstances où nous nous devons d'exprimer notre devoir de
solidarité à l'égard de tous, y compris des expatriés, d'autant que les études
qui ont été menées montrent que c'est tout à fait réalisable.
Alors, aujourd'hui, monsieur le ministre, je formule solennellement le voeu
que vous mettiez très rapidement en oeuvre un plan de ce type. La caisse des
Français de l'étranger est prête à collaborer et à travailler avec vous. Nos
compatriotes vous en seront très reconnaissants.
Un dernier point retient mon attention. Il s'agit toujours du domaine social
de votre ministère puisqu'il concerne les assistantes sociales en poste dans
nos consulats et dont la mission première est d'aider nos compatriotes
expatriés ou de passage qui sont en difficulté.
Leur nombre est très restreint puisqu'elles sont treize, à savoir deux
titulaires de votre ministère, à Madagascar et au Maroc, et onze qui sont en
fait pour la plupart des fonctionnaires détachés d'un autre ministère et donc
contractuelles de votre département. Leur nombre est bien entendu très
insuffisant et les demandes de postes sont concordantes.
Aussi dois-je vous faire part de mon étonnement, monsieur le ministre, lors de
la récente mission que j'ai effectuée au Chili, lorsque j'ai constaté que
l'assistante sociale du consulat de France à Santiago-du-Chili parlait à peine
le français et qu'elle ne s'occupait, pour la plus grande part, que des anciens
réfugiés chiliens que nous avons accueillis en France dans des moments, certes
difficiles, mais qui ont choisi de revenir dans leur pays d'origine.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je souhaitais
formuler sur l'action sociale de votre ministère. Les gouvernements successifs
de la France depuis vingt-cinq ans ont voulu que votre ministère soit le maître
d'oeuvre et l'organisateur de tout ce qui touche à l'action sociale et à
l'enseignement des Français expatriés.
Je comprends qu'il en soit ainsi mais, à partir du moment où l'on assume une
telle tâche, il faut savoir s'en donner les moyens, faute de quoi nos
compatriotes, qui ne connaissent pas nos subtilités budgétaires et leur
affectation, retiendront que, eux qui sont à l'étranger, et qui dépendent du
ministère des affaires étrangères, voient le montant de leur aide s'écarter de
plus en plus de la norme métropolitaine, surtout en ce qui concerne les plus
démunis, et je suis sûr, monsieur le ministre, que, tout comme moi, vous ne
pouvez pas l'accepter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre.
Monsieur le ministre, j'ai étudié attentivement le projet de budget du
ministère des affaires étrangères, en gardant constamment à l'esprit l'effort
auquel est contraint le Gouvernement, dans l'optique de l'assainissement des
finances publiques et des exigences budgétaires auxquelles il doit faire
face.
Cela dit, monsieur le ministre, je m'inquiète des conséquences que ce projet
de budget, tel qu'il figure dans le projet de loi de finances pour 1997,
entraînera pour le fonctionnement de votre ministère.
L'analyse qui peut en être faite, même au regard du nécessaire effort
financier entrepris globalement par le Gouvernement, conduit à s'interroger sur
le bien-fondé des contraintes supplémentaires imposées, cette année encore, à
ce département ministériel qui a déjà accompli des efforts considérables en
termes de maîtrise de sa gestion et de resserrement de son réseau diplomatique,
consulaire et culturel.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, dont le volume est pourtant
parmi les plus faibles, est, proportionnellement, l'un de ceux auxquels est
demandé le plus gros effort : il passe ainsi de 15,34 milliards de francs à
14,438 milliards de francs.
Ce projet de budget pour 1997 fait apparaître trois caractéristiques :
l'extrême limitation des moyens des services, la réduction accentuée des
crédits d'intervention et, enfin, la quasi-suppression des moyens
d'investissement. Ces mesures mettent de plus en plus en difficulté les
missions spécifiques des agents de votre ministère en ce qui concerne tant
l'action extérieure de la France que celle au service des Français de
l'étranger.
Je formulerai à cet égard un certain nombre d'observations : on constate, en
fait, une réduction continue des emplois ; les mesures de gel ont été, une fois
encore, transformées en annulation de crédits ; les dépenses de fonctionnement
sont en diminution de 83 millions de francs ; les crédits relatifs au fonds
d'action pour l'aide humanitaire ont été réduits de 15 % ; enfin, les moyens
d'intervention culturelle sont amputés de 3,1 %.
Nous avons, toutefois, un élément de satisfaction : les budgets de la
commission nationale des bourses et de l'agence pour l'enseignement français à
l'étranger ont été reconduits. Cependant, cela n'a pas empêché une augmentation
des droits de scolarité, difficile à supporter pour les familles. N'oublions
pas, en effet, que, contrairement à la France, la scolarité est payante pour
les Français de l'étranger.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Paulette Brisepierre.
Au total, le projet de budget pour 1997 est en diminution de 3,96 % par
rapport à la loi de finances de 1996 déjà régulée.
Je souhaite maintenant revenir brièvement sur le nombre important, cette année
encore, des suppressions de postes à l'étranger.
Cette mesure est d'autant plus inquiétante que la réforme du service national,
entreprise depuis le début de cette année, aboutira, à terme, à la suppression
des postes de coopérants du service national, les CSN.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très juste !
Mme Paulette Brisepierre.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si les CSN seront
remplacés par une autre structure et laquelle.
Il est évident qu'il ne faudra pas trop compter, dans l'avenir, sur des
engagements volontaires de jeunes diplômés lorsque le service national ne sera
plus obligatoire.
Par conséquent, de nombreuses questions se posent, et continueront de se
poser, sur les incertitudes du volontariat liées à la réduction constante des
emplois.
Il ne faut pas oublier que, en 1995, 5 272 jeunes gens ont occupé des postes
de CSN et que, pour 1996, 6 160 postes de CSN ont été proposés.
Par quoi remplacera-t-on ces quelque 6 000 postes si, d'un côté, on supprime
les CSN et, de l'autre, on continue à réduire les emplois à l'étranger ?
M. Jacques Habert.
Très bien !
Mme Paulette Brisepierre.
Même si l'optimisme de certains concernant le nombre de volontaires dans
l'avenir se concrétise, aurons-nous, encore une fois, suffisamment de
volontaires possédant les diplômes et la formation qui étaient exigés
auparavant pour les candidats aux postes de CSN ? Leurs études terminées, ils
risquent de vouloir entrer immédiatement dans la vie active si les entreprises
leur proposent des postes intéressant.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
C'est évident !
Mme Paulette Brisepierre.
Le second point de mon intervention porte sur la carte diplomatique
elle-même.
Alors qu'en plus des fermetures précédentes il a encore été décidé, en 1996,
la fermeture de quatre ambassades et de cinq consulats, je m'interroge sur les
possibilités qui seront laissées à notre réseau diplomatique, consulaire et
culturel pour remplir les objectifs affichés de la politique extérieure de la
France, et permettre l'amélioration des services dus à nos compatriotes de
l'étranger. N'oublions pas que les consulats sont considérés, à juste titre,
comme la préfecture ou la mairie des Français de l'étranger ; ils sont donc
indispensables à leur implantation dans les pays étrangers.
Dès lors, je m'inquiète du calendrier éventuel de fermetures de postes dans
l'avenir, qui amenuiseraient notre réseau à l'étranger par rapport à celui de
nos partenaires européens, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Je
souhaiterais obtenir la garantie que de nouvelles fermetures de postes ne sont
pas programmées en 1997 et, dans le cas contraire, je désirerais savoir
lesquelles.
Enfin, il me paraît essentiel, monsieur le ministre, que puisse être mis un
terme aux procédures de régulation, de gel ou d'annulation de crédits mises en
oeuvre les années précédentes par le ministère du budget.
Ces procédures sont non seulement contestables puisqu'elles annulent des
crédits votés par le Parlement, mais également extrêmement préjudiciables à
l'action extérieure de la France.
Cela dit, je voterai votre budget, monsieur le ministre, en espérant fermement
que les remarques que je viens de formuler seront prises en considération.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système
international se caractérise par la globalisation des échanges, l'essor des
nouvelles technologies, le développement de réseaux de communications
transfrontalières et l'extension de laviolence intra-étatique. En même temps,
ce paysage renouvelé se pare aussi des vieux habits : le clivage pays pauvres -
pays riches subsiste, et de graves phénomènes de pauvreté extrême se sont
développés au coeur même des nations industrialisées.
La question des migrations humaines massives, le problème des réfugiés
imposent aux nations et aux organisations internationales de nouvelles règles
politiques, humanitaires et réclament une solidarité accrue.
L'enjeu est de taille pour la Conférence intergouvernementale, la CIG.
L'Europe sera-t-elle capable d'avancer vers une union politique réelle ? Il
s'agit de faire face au risque d'une marginalisation politique et économique de
l'Europe dans l'organisation du monde marquée par la globalisation. Une relance
de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC est primordiale.
L'Union européenne à quinze éprouve d'énormes difficultés à fonctionner avec
les institutions actuelles. L'objectif de la CIG est justement d'y remédier. Or
cette Conférence intergouvernementale manque d'élan politique, elle manque de
nerf. La vraie négociation n'a pas encore commencé et il convient de s'atteler
dès maintenant à l'après Dublin, en particulier pour ce qui est de l'aspect
institutionnel.
J'en viens à la sécurité européenne. Nous sommes favorables à une architecture
européenne de sécurité sur des bases nouvelles qui ne recrée pas des lignes de
fracture en Europe. Toutefois, le virage vers l'OTAN pris par le Président de
la République est contradictoire avec cette volonté d'ouverture, que nous
soutenons.
Nous sommes passés de la complémentarité nécessaire entre l'Alliance
atlantique et l'identité de sécurité et de défense européenne proclamée en 1991
à l'intégration atlantique de 1996.
La reconnaissance du pilier européen de défense n'implique pas, aux yeux des
Etats-Unis, autre chose qu'une reconnaissance virtuelle. La construction
européenne et la politique étrangère et de sécurité commune sont
fragilisées.
Avant même qu'elle ne se réforme, l'Alliance, sous l'impulsion des Etats-Unis,
tente de réussir son élargissement. La France joue la rénovation contre
l'élargissement. Or, sans rénovation à la française, pas d'élargissement à
l'américaine. Nous risquons de perdre sur les deux tableaux.
La position adoptée par le Président de la République consiste à demander que
l'élargissement de l'Alliance aux anciens membres du pacte de Varsovie, qu'il
considère manifestement comme étant inéluctable, s'accompagne d'un accord de
sécurité entre l'OTAN et la Russie pour éviter « une nouvelle coupure de
l'Europe en deux ». Toutefois, l'Alliance d'aujourd'hui apparaît encore comme
un vestige de la guerre froide, ce qui rend difficile son élargissement.
L'échec dans la construction d'une défense européenne se confond
fondamentalement avec celui d'une Europe politique. Grâce à la faible volonté
politique dont font preuve les Européens pour créer une défense commune,
l'organisation du traité de l'Atlantique Nord règne sans partage sur la
sécurité en Europe, sans craindre de concurrence à moyen terme.
En ce qui concerne l'ONU, depuis plusieurs années déjà, la France s'est
prononcée pour une réforme en profondeur de l'Organisation des Nations unies,
qui subit une sorte d'embargo financier des Américains, qui lui doivent plus de
1,5 milliard de dollars.
Au moment où les Etats-Unis essaient d'empêcher la réélection de M. Boutros
Boutros Ghali, nous tenons à dire que si les Nations unies ont connu des
défaillances, si les interventions des Casques bleus ont parfois été en deçà de
ce que nous attendions, la responsabilité principale en incombe aux membres du
Conseil de sécurité.
Combien de résolutions non appliquées ! Trop souvent les pays qui ont voté la
résolution s'en désintéressent une fois éteintes les lumières de la salle de
réunion !
J'aborderai maintenant la prévention des crises et des conflits.
Dans notre proche voisinage, en Méditerranée, dans les Balkans, dans le
Caucase, les crises éclatent, des conflits violents se développent. Nous
devrions nous atteler à la tâche afin d'obtenir, sur notre continent, des
moyens de prévention.
L'Office statistique des communautés européennes, l'OSCE, doit pouvoir donner
aux Etats les garanties nécessaires pour qu'ils acceptent de respecter des
normes de comportement applicables à tous les Etats, dans tous les domaines, en
particulier, dans le domaine militaire. Le sommet de Lisbonne de l'OSCE vient
de se dérouler. Quel est le bilan de cette réunion, monsieur le ministre ?
Prévention, règlement pacifique des conflits, cela passe aussi par le contrôle
des ventes d'armes, par le contrôle des ventes de matériels sensibles,
chimiques, bactériologiques, nucléaires, par la responsabilité qui incombe aux
pays producteurs sans lesquels, bien souvent, il n'y aurait pas de pays
utilisateurs.
S'agissant de la politique volontaire pour le désarmement, jusqu'au 6 décembre
prochain se tient à Genève la conférence sur « l'interdiction de la mise au
point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques et sur leur
destruction ». Bien entendu, lors de ces débats, le principal problème absorbé
est celui des contrôles et des vérifications.
Il existe un danger réel de prolifération de ce type d'armes de destruction
massive et l'utilisation au Japon, par la secte Aum, de gaz sarin est encore
dans toutes les mémoires.
Certains sujets nous semblent essentiels : le traité d'interdiction des mines
antipersonnel ; la poursuite des efforts après la reconduction du traité de
non-prolifération nucléaire - il faut parvenir à ce que tous les Etats
nucléaires et « du seuil » y adhèrent ;
l'aggiornamento
du traité sur
les forces conventionnelles en Europe, pour qu'il soit adapté à la situation de
l'Europe d'aujourd'hui ; l'ouverture du registre des armes conventionnelles de
l'ONU, élément très positif, qui a permis d'assurer une certaine transparence
dans les transferts d'armes, et qui doit être complété et développé ; enfin, le
développement des vérifications en ce qui concerne la convention chimique.
J'aborderai maintenant la situation très alarmante provoquée par l'épidémie de
sida dans les pays du Sud. A l'occasion de la « journée mondiale contre le sida
», nous avons eu connaissance de l'évolution de la maladie dans le monde.
Le dernier rapport de l'ONUSIDA dresse un état des lieux catastrophiques : 14
millions de personnes sont infectées, et les pays en voie de développement sont
plus particulièrement touchés.
Des mesures urgentes s'imposent. La difficulté majeure qu'éprouvent ces pays
pour affronter l'escalade de la propagation du virus réside dans les moyens
permettant d'assurer la prévention et dans l'accès aux soins. Les prix
pratiqués par les industries pharmaceutiques interdisent l'accès aux
médicaments dans la plupart de ces pays. C'est une injustice que nous devons
combattre.
Sur cet aspect concret, la France peut, nous semble-t-il, s'engager et se
trouver à l'origine d'initiatives propres ou prises dans le cadre européen. En
conséquence, monsieur le ministre, ce n'est vraiment pas le moment de réduire
certains de nos crédits d'action internationale destinés aux organisations qui
luttent contre le développement de ce fléau.
J'en viens à l'Afrique. Selon des propos repris par
Le Figaro
et
Le
Monde
du 2 décembre dernier, l'ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa a
exprimé publiquement ce que d'autres pensent depuis quelque temps déjà : « La
France n'est plus capable de s'imposer en Afrique » !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Ce sont des propos honteux !
M. Guy Penne.
Même si je laisse à l'ambassadeur Daniel Simpson l'entière « irresponsabilité
» de ses propos, que ne semble pas couvrir le département d'Etat, d'ailleurs,
je constate tout de même un flottement certain de la stratégie française en
Afrique. Que voulons-nous ? Quels sont les principes de notre action ?
S'agissant des Grands Lacs, étant peu aimés dans la région, nous avons lié
notre intervention à celle des Etats-Unis, ce qui nous a privé de toute action
politique autonome.
Las de nos pressions, les Américains firent mine d'accepter l'intervention
internationale et c'est à ce moment-là qu'était annoncé le retour des réfugiés
au Rwanda. Nous avons été manipulés.
Les Etats-Unis ont des conseillers militaires sur le terrain. Nous, silence
radio !
Il n'y a plus d'intervention de forces multinationales, ni même peut-être de
parachutages de vivres et de médicaments, car le commandement canadien pense
qu'ils sont inutiles, voire dangereux. N'allons-nous pas ainsi vers le lâchage
des réfugiés ?
Les Canadiens se sont montrés actifs, mais dans quelles conditions le
commandant Baril, de la force multinationale qui n'existe toujours pas, a-t-il
rencontré les « autorités autodésignées » de la « République démocratique du
Congo » ? Par qui a-t-il été habilité à discuter et à négocier la présence de
l'aide humanitaire et d'une éventuelle force internationale avec les insurgés
?
Sur le principe même, se pose là un problème grave. Et si un Etat tampon ou
Tutsiland
sont en préparation, la représentation nationale française
doit en être informée avant que des soldats français soient envoyés sur
place.
Sommes-nous à la veille d'une nouvelle conférence de Berlin après celle de
1885 ?
Parmi les idées avancées, sur votre initiative, monsieur le ministre, la
France a fait allusion à une conférence régionale. C'est une bonne idée, me
semble-t-il, sur laquelle il faut insister. Mais il importe de ne pas se
limiter aux représentants des Etats ; il convient d'y associer également les
minorités, une représentation de l'ONU et des bailleurs de fonds. Les attitudes
équivoques des pays industrialisés, dont le nôtre, au regard du président
Mobutu pourraient être clarifiées à cette occasion.
Pour ce qui est de la République centrafricaine, lors de l'éclatement de la
crise en avril 1996, la France, après avoir tergiversé, a soudainement
développé une force surdimensionnée. Celle-ci a heureusement facilité la
protection et le départ des populations civiles étrangères, mais,
corollairement, elle nous a conduits à nous immiscer un peu plus encore dans
les méandres de la politique centrafricaine en renforçant le président Patasse
qui se trouvait déstabilisé.
Aujourd'hui, pour de multiples raisons qui s'ajoutent aux anciennes, les
mutins manifestent à nouveau leur présence, et l'opposition dans ses diverses
composantes s'est regroupée.
Conclusion : les troupes françaises quadrillent à nouveau Bangui.
Notre ambassadeur, que nous ne pouvons que féliciter pour ses initiatives,
invite régulièrement les représentants des associations et les chefs d'îlots
pour faire le point. Ils font preuve de peu d'optimisme et l'attente flirte
avec la lassitude pour les uns, l'inquiétude pour les autres : lycée ouvert à
mi-temps, économie réduite, paierie fermée, des enfants qui meurent en
pédiatrie par manque d'oxygène, grève du personnel non payé, couvre-feu, zones
occupées, etc.
Nos compatriotes se posent beaucoup de questions : que font-ils là-bas ? De
quoi ou de qui sont-ils otages ?
En ce qui concerne les accords de défense, les responsables africains sont
confrontés au problème des relations entre le pouvoir civil et l'armée.
Depuis plusieurs années, je souhaite la révision des accords de défense,
officiels et secrets. Je suis persuadé que le positionnement de nos troupes à
Bangui, à Djibouti ou ailleurs doit être repensé, car il correspondait à
d'autres stratégies. Il convient d'en redéfinir les missions afin que nous
n'entrions pas dans des engrenages infernaux.
S'agissant de l'Angola, monsieur le ministre, je souhaite vous féliciter d'y
avoir effectué un récent voyage. En effet, si nous n'y prenons garde, les liens
qui nous unissent à ce pays seront fragilisés.
Si l'Angolas est officiellement lusophone, il n'en demeure pas moins que près
de 800 000 Angolais parlent français. Nos intérêts économiques y sont nombreux,
et pourraient l'être bien davantage ! Il faut que la France aide à sa
reconstruction sinon, nous déroulerons un tapis sur lequel seuls les Américains
auront le droit de circuler. Ce pays est riche de potentialités - c'est
peut-être le plus riche de l'Afrique - mais il est encore malade après cette
guerre civile meurtrière.
Je suis navré, monsieur le ministre, qu'un certain nombre de membres de la
majorité, qui n'ont rien compris ni au problème des relations angolo-françaises
ni aux problèmes de la région, aient cru bon d'adresser à la presse un
communiqué très désagréable, voire scandaleux, qui ne pouvait qu'aggraver les
conditions difficiles de votre voyage récent en Angola. Ils ne savent pas que
la situation de « ni guerre ni paix » est extrêmement tendue et que ce n'est
pas la peine de souffler sur les braises dans un pays malheureux !
Sur l'Afrique, je vous poserai une dernière et brève question : pourquoi la
France semble-t-elle négliger le Mali, où les avancées démocratiques évoluent
bien ? Ce pays mérite d'être soutenu. Il ne faut pas laisser l'opinion publique
française sur la seule image que ce pays ne produit que des immigrants
clandestins. Le Mali et ses dirigeants méritent mieux que cela.
S'agissant du budget, je partage l'opinion de MM. les rapporteurs. Vous
pratiquez la « diplomatie économique ». Il est certes nécessaire de présenter
le catalogue de nos productions industrielles, mais il ne faut pas réduire de
plus en plus à cela le message diplomatique et culturel de la France. Certaines
économies coûtent cher à l'image de la France.
Les crédits destinés aux contributions volontaires à des dépenses
internationales sont en régression de 14,7 %.
On coupe les crédits concernant le Haut-commissariat aux réfugiés, le
programme des Nations unies pour le développement - PNUD - et l'UNICEF, qui
s'occupe de l'enfance en détresse.
Autre victime de la rigueur budgétaire : le fonds d'urgence humanitaire dont
les crédits pour 1997 pourraient atteindre 80 millions de francs, soit un
montant largement en dessous de la masse critique évaluée par le service de
l'action humanitaire à 120 millions de francs.
Je passerai très rapidement sur la question des personnels, qui sera traitée
par mon collègue M. Biarnès.
Les associations de parents d'élèves expriment leur mécontentement au regard
de l'augmentation constante des frais d'écolage, en moyenne 1 000 francs par
élève et par mois. Cette augmentation est liée directement à la défausse de
l'Etat en matière de postes d'enseignant.
Venons-en à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
En juillet 1990, nous avons créé cet établissement public, qui est géré par un
directeur.
Cette agence, qui a fonctionné à partir du 1er janvier 1991, est placée sous
la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la
coopération.
Notre idée, combattue alors par nos collègues de la droite, s'est imposée
maintenant à tous, puisque vous avez maintenu cette agence.
Malheureusement, dès le départ, nous nous sommes aperçus nous-mêmes qu'il
manquait un peu de ressources dans le budget de cette agence. Aujourd'hui, le
directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques qui la
préside voit d'année en année, et surtout depuis 1993, ses crédits fondre comme
beurre en poêle.
Pour alléger vos budgets, vous transformez les postes d'expatriés titulaires
totalement à la charge de l'Etat en postes de résidents dont la moitié de la
charge salariale est financée par les familles.
Quant aux recrutés locaux, parfois non titulaires, leur salaire est local, ils
n'ont pas de protection sociale, sauf volontaire, laquelle est parfois d'un
coût équivalent au salaire reçu, totalement à la charge des familles.
Il faut tendre vers la gratuité pour les enfants français, qui sont
actuellement 60 000 et qui passeront peut-être à 80 000 avec l'arrivée
d'enfants issus de milieux plus défavorisés.
Il faut réunir, comme cela a été fait pour la politique de la ville, une
conférence, avec d'autres ministres qui fixeront les buts, chacun apportant des
moyens et améliorant éventuellement le statut.
Il s'agit d'établir la gratuité pour les enfants français, ce qui nous
permettra de récupérer une partie des crédits de bourses.
Il s'agit aussi de prendre en compte les frais réels d'écolage pour les élèves
étrangers.
Il s'agit, enfin, de ne pas remettre en question la tutelle pédagogique de
l'éducation nationale, mais il est nécessaire de penser à l'enseignement
technique, qu'il faut développer, ainsi qu'à l'enseignement agricole.
L'Agence peut conserver ses doubles tutelles, mais il est impératif que
l'éducation nationale s'engage financièrement.
En France, l'éducation nationale consacre, en moyenne, 33 800 francs par
élève. A l'étranger, l'agence consacre 10 200 francs par élève. Sans des
concours supplémentaires, votre budget ne parviendra jamais à la parité avec la
situation en France.
J'ajouterai, parmi les concours financiers, ceux du commerce extérieur,
puisque notre diplomatie est également économique et que les bons résultats du
commerce extérieur dépendent non seulement des producteurs dans l'Hexagone,
mais aussi de la présence de nos expatriés, qu'il faut donc aider.
Il faut procéder à la titularisation et à l'intégration progressive des
personnels en poste pour aboutir à deux statuts seulement : expatriés et
résidents.
Souvent, les élèves étrangers qui ont fréquenté notre réseau ne trouvent plus
de bons prolongements pour vivre notre culture au-delà des établissements
d'enseignement. C'est pour cette raison qu'il faut avoir une approche, à
travers la francophonie, de la réorganisation des instituts culturels - ou tout
autre organisme - qui favorisent la diffusion de notre culture en général et du
français en particulier.
Il faudrait peut-être, idée déjà suggérée dans mon rapport, créer un
établissement public qui gérerait l'ensemble des moyens et sous votre autorité,
monsieur le ministre, mais avec un partenariat élargi : francophonie,
coopération, éducation nationale et, surtout, culture, et une ligne budgétaire
autonome lisible.
Une autre critique qui vous est faite porte sur la méthode. Il ne semble pas
que vos projets de suppression de postes soient suffisamment mûris.
L'impression est que vous agissez au coup par coup, uniquement en fonction des
économies qui vous sont demandées.
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Absolument pas !
M. Guy Penne.
Eh bien, vous allez me répondre et nous rassurer.
Je vais vous faire immédiatement une autre suggestion. Les mesures de
redéploiement provoquent des difficultés humaines aggravées par leur
soudaineté. Si je suis dans l'erreur - c'est ce que vous semblez dire - ...
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Absolument !
M. Guy Penne.
... alors pourquoi n'associez-vous pas la représentation parlementaire en
amont de vos décisions, et plus particulièrement les sénateurs représentant les
Français établis hors de France, qui sont à votre entière disposition, sur la
carte scolaire et sur la carte générale des postes culturels, diplomatiques et
consulaires ?
Il est vrai que les crédits du secrétariat d'Etat à la francophonie sont aussi
malmenés. Pourquoi avoir diminué de 50 % les fonds d'aide à l'expansion
économique de la presse française à l'étranger ? Il s'agit peut-être d'un
support élémentaire, mais il est efficace !
Pourquoi ne pas donner les moyens à Mme Sudre de mener à bien ses projets dans
le domaine audiovisuel pour les francophones d'Amérique et la contraindre à
faire appel à la réserve parlementaire ?
Comme je l'ai déploré dans mon rapport, les orientations du conseil pour
l'audiovisuel extérieur de la France pour 1995, qui avaient de nombreux
mérites, sont remises en cause. Les financements sont amputés et la
réorganisation des structures dans une logique des métiers a été annulée.
En ce qui concerne la SEPT-Arte, les amputations budgétaires s'élèvent à 13
millions de francs. Peu d'argent a été économisé, et pourtant les dégâts commis
sont importants. Il y a arrêt de la diffusion d'Arte en version française,
comme sur la cinquième chaîne, sur Eutelsat en mode analogique, et qui couvre
l'Europe et le bassin méditerranéen.
Depuis la rédaction de mon rapport, les événements se sont précipités pour la
Société méditerranéenne de Radiodiffusion, RMC - Moyen-Orient. La SOFIRAD s'est
retirée de la restructuration, abandonnant des créances pour une centaine de
millions de francs et RFI a racheté l'ensemble pour 1 franc symbolique - c'est
ce franc symbolique que l'on retrouve souvent. A terme, cela entraînera la
fermeture de la station et les 68 personnes qui travaillent dans l'entreprise
vont vivre maintenant dans l'espoir d'un reclassement à RFI.
Mais nous sommes à l'ère du « tout-RFI » ou de son président et la conception
du pôle de télévision qui fut évoquée voilà encore quelques mois est une idée
aujourd'hui récusée par ses auteurs. Si l'on en croit les informations parues
dans la presse, je ne comprends pas bien la logique du Gouvernement, qui se
lance dans la voie bizarre de l'étatisation, alors que les solutions proposées
précédemment étaient la création d'un holding.
Ces bouleversements risquent d'entraîner des dépenses supplémentaires, puisque
le futur directeur envisage la mise en place d'une chaîne supplémentaire
d'information internationale. Mais où prendra-t-on les moyens financiers ?
Et/ou que supprimera-t-on ? Quelles conclusions les ministres, au nombre
desquels vous étiez, ont-ils tiré de leur réunion d'hier ? Peut-être
pourrez-vous nous le dire si ce n'est pas un secret défense.
Il me paraît regrettable de fonder une stratégie sur le choix d'un homme pour
le placer à la tête de l'audiovisuel, quels que puissent être ses mérites,
plutôt que de s'en tenir au projet de structures qui avait reçu un accueil
favorable. Il serait inquiétant que des décisions engageant le moyen et le long
terme aient été décidées par arbitrage de M. le Premier ministre, parce que
celui-ci était mécontent du traitement de certaines informations dans les
journaux de France 2.
M. Charles de Cuttoli.
A juste titre !
M. Guy Penne.
Pour aller dans le même sens, mon cher ami, va-t-on rattacher les instituts de
sondages, qui peuvent sans doute contrarier M. Juppé, à RFI ?
Sur de nombreuses questions que j'ai évoquées, les socialistes sont opposés ou
réticents à la politique du Gouvernement. C'est pourquoi ils ne pourront pas
voter le projet de budget des affaires étrangères.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, comme vous le savez, M. le ministre des affaires
étrangères doit se rendre à Ouagadougou et le décalage qui est intervenu dans
le déroulement de nos travaux est évidemment contrariant pour lui et pour ceux
d'entre vous qui doivent l'accompagner. A l'évidence, chacun fait un effort
pour être bref et s'il continue à en être ainsi, nous pourrions achever la
présente discussion vers vingt heures trente, et ce à titre exceptionnel.
Je pense que vous serez tous d'accord pour que nous procédions ainsi et
j'appelle donc chacun à être aussi concis que possible.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le ministre, un peu plus d'un mois après la déclaration du
Gouvernement, au Sénat, sur les affaires étrangères, nous examinons le projet
de budget de votre ministère pour 1997.
Comme l'a souligné le rapport de notre collègue M. Dulait, le projet de budget
des affaires étrangères s'inscrit dans le contexte d'extrême rigueur qui
caractérise l'ensemble du projet de loi de finances pour 1997. Il s'élève à 14
437,79 millions de francs, contre 15 033,84 millions de francs en 1996, soit
une diminution de 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale de 1996,
déjà réduite de 1 % par rapport à celle de 1995. Si l'on tient compte de
l'économie réalisée sur nos contributions à l'ONU au titre des forces de
maintien de la paix en ex-Yougoslavie, la FORPRONU, la diminution de votre
budget représente 365 millions de francs. Cette somme fera défaut à l'action du
ministère des affaires étrangères, qui, selon nous, doit rester un grand
ministère du rayonnement international de notre pays.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Ainsi, la part du budget du ministère des affaires étrangères dans le budget
de l'Etat n'est plus que de 0,93 %, ce qui entérine le passage, en 1995, de la
part de ce budget en deçà de 1 % du budget de la nation. Ce mouvement de
régression ne correspond nullement à la prise en compte dans notre activité
diplomatique de nouveaux espaces en Amérique latine, en Asie, au Proche-Orient,
voire en Afrique. Il ne correspond pas non plus aux grandes ambitions qui
devraient être les nôtres en vue de favoriser l'émergence d'un monde plus
juste. J'ose espérer, monsieur le ministre, que votre projet de budget, déjà
insuffisant, n'aura pas à subir ces trop fameux « gels » budgétaires condamnés
par la quasi-totalité des parlementaires.
Après cette rapide analyse strictement budgétaire, je souhaite examiner
quelques aspects de notre politique internationale.
J'évoquerai tout d'abord l'activité diplomatique de la France. Les évolutions
mondiales font sans cesse apparaître de nouvelles priorités. Le réseau
diplomatique et consulaire constitue un outil important de la politique
étrangère. Il faut certes l'adapter aux situations nouvelles, mais, depuis
1991, trente-trois postes ont été fermés, dont dix en Afrique.
A chacun de nos déplacements à l'étranger, mes collègues et moi-même
constatons qu'il existe une demande très forte pour une plus grande présence de
la France en matière diplomatique, consulaire et culturelle. Force est de
constater que ce projet de budget n'y répond pas et que notre volonté de nous
ouvrir sur le monde mériterait une attention plus soutenue.
En ce qui concerne la situation des Français établis hors de France, la
subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger reste stable,
mais les conditions de travail des enseignants de ce réseau se dégradent
nettement. Une précarité de plus en plus grande s'installe dans les
établissements culturels français à l'étranger : le nombre de postes est à
renégocier chaque année et le niveau des salaires garantis baisse. Cette
situation met à mal la mise en oeuvre d'une véritable politique culturelle
pourtant indispensable à notre présence économique. Elle est, contrairement à
l'attitude d'autres pays, notre originalité nationale. Ne gâchons pas ce
patrimoine historique.
J'avais déjà eu l'occasion de le regretter, mais permettez-moi d'y revenir,
les contributions volontaires de la France aux organismes internationaux tels
que l'UNICEF, l'UNESCO ou la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le
commerce et le développement subissent une diminution de 16 % en francs
constants. Nous sommes opposés à de telles réductions alors que les conflits
dans le monde perdurent et que le rôle de ces organismes pourrait être
prépondérant.
Lors du débat du 31 octobre dernier, vous nous avez fait part de vos regrets
et vous avez expliqué que le contexte de rigueur budgétaire vous a contraint à
prendre ces dispositions. Nous le regrettons et continuons à penser qu'elles
pénalisent nos actions.
A contrario
, et le je répète, nous soutenons et
soutiendrons toute initiative visant à une plus grande indépendance de
l'ONU.
Comment aborder le contexte international sans parler en premier lieu de la
tragédie que connaît la région des Grands Lacs en Afrique ? Les parlementaires
communistes ont maintes fois rappelé qu'il n'y a pas de solution militaire à ce
drame. Si l'aide humanitaire se fait chaque jour sentir plus fortement, c'est
également pour un règlement politique des conflits que la France doit peser et
agir.
Il est indispensable de dire qu'une solution, tout d'abord africaine, existe
face aux conflits existants non pas seulement au Zaïre, mais dans toute cette
région. Elle passe tout d'abord par le respect des accords d'Arusha conclus le
4 août 1993 et par l'organisation d'une conférence régionale proposée par
l'Organisation de l'unité africaine, l'OUA, et par le secrétaire général de
l'ONU. Elle passe également par l'annulation de la dette des pays pauvres aux
pays riches. Je rappelle que la dette de l'Afrique subsaharienne a triplé en
dix ans. Ce continent rembourse chaque année plus qu'il ne reçoit. En ce qui
concerne la France, le projet de loi de finances pour 1997 fait apparaître que
notre pays devrait recevoir 1,6 milliard de francs des pays du Sud contre 1
milliard de francs de dépenses.
Dans le même temps, la coopération internationale en faveur de l'Afrique ne
cesse de diminuer ; mon ami Jean-Luc Bécart reviendra sur ces problèmes lors de
l'étude du budget de la coopération.
A propos du Proche-Orient, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire l'appréciation
positive que nous portions sur la position de la France quant à ce problème
difficile. Aujourd'hui, pourtant, le processus de paix est toujours bloqué, les
accords signés non respectés, les colonisations israéliennes en Cisjordanie
renforcées et accélérées. Une telle situation ne peut qu'aviver les souffrances
et déboucher sur des actes très graves. Le temps n'est-il pas venu de dépasser
les déclarations pour prendre des mesures concrètes, significatives de notre
volonté de peser plus fortement en faveur du respect des actes négociés ?
La construction européenne est d'actualité. Son rôle pourrait être d'aider des
partenaires souverains à se solidariser dans leur action pour s'extraire de la
guerre économique, pour organiser leur codéveloppement et contribuer à rendre
les relations internationales plus justes et plus équilibrées. Or, comment
parler de partenaires lorsque l'Union économique et monétaire préfigure, comme
le signale M. le rapporteur, une Europe à géométrie variable entre des Etats «
in » et des Etats « pré-in » ? Comment peut-on imaginer s'extraire de la guerre
économique alors que la mise en place de la monnaie unique exacerbera les
tensions financières et la concurrence et supprimera des emplois ?
Le scepticisme face au passage à l'euro touche des travées d'un bout à l'autre
de l'hémicycle. La contestation va jusqu'aux formations de votre propre
majorité, monsieur le ministre. Les débats houleux de la réunion des quinze
ministres de l'économie et des finances, qui s'est tenue avant-hier à Bruxelles
en vue d'avaliser le pacte de stabilité, en témoignent également. Le point
central de ce pacte est la définition des cas exceptionnels qui permettraient à
un pays participant à l'euro d'échapper à des sanctions en cas de dépassement
des fameux 3 % de déficit public.
L'« euromalaise » n'est pas de mise seulement dans les états-majors des partis
politiques ou sur les bancs du Parlement. Les Français s'interrogent. Ils
veulent débattre de ce sujet et connaître l'ensemble des éléments de ce
dossier. Ils contestent les contraintes des critères de convergence en
manifestant de plus en plus clairement leur opposition.
Cette contestation n'est pas propre à la France. Ainsi, en Italie, le
président de Fiat a fait la déclaration suivante : « Nous sommes à deux doigts
de la récession économique. L'application du traité de Maastricht ne pourrait
qu'accentuer un tel phénomène, en particulier au niveau du marché du travail. »
Les importantes manifestations dans ce pays, notamment sur l'initiative des
métallurgistes, ont souligné les contradictions auxquelles l'économie italienne
est et risque d'être de plus en plus confrontée.
En Espagne, à Madrid, puis tout récemment àBarcelone, des centaines de
milliers de fonctionnaires ont manifesté leur opposition au gel de leurs
salaires, mettant ainsi en cause la politique suivie.
En Allemagne, enfin, les réticences à l'entrée dans la monnaie unique ne
faiblissent pas. De plus en plus de personnalités s'interrogent sur
l'utilisation, voire la pertinence, de ces fameux critères de Maastricht. Selon
une enquête d'opinion publiée au début de cette année, 43 % des personnes
interrogées exprimaient leur refus général de la monnaie unique et 41 % en
souhaitaient le report ; seules 10 % se prononçaient pour le respect du
calendrier prévu.
Le refus du Président de la République d'organiser un référendum,
contrairement à ses déclarations antérieures, apparaît de plus en plus aux
Français comme une volonté d'occulter un certain nombre de vérités qui ne
seraient pas « bonnes à divulguer ». Nos concitoyens veulent connaître,
débattre, décider. Vous ne pourrez l'éviter !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que la
France joue pleinement son rôle dans la construction d'un nouvel ordre
international plus juste, au service de la paix et du développement des
peuples.
Le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 1997 ne
correspondant pas à ces ambitions, nous ne pourrons donc pas le voter.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, le temps imparti à la réunion administrative des
sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe est épuisé, à trente-quatre
secondes près.
Je donne donc la parole à M. Habert, pour une minute.
(Rires.)
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
Quel favoritisme !
(Nouveaux rires.)
M. Jacques Habert.
Monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'une seule petite minute m'est
accordée, il me faut, à regret, renoncer à l'intervention que j'avais préparée.
Pour tenir dans cette limite, je me contenterai de poser trois questions.
Depuis la loi du 6 juillet 1990 qui a créé l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger, le ministère de l'éducation nationale a été exclu de sa
tutelle et donc, en même temps, dispensé de son financement. Dépendant
uniquement des ministères des affaires étrangères et de la coopération, qui
sont infiniment moins bien dotés que le ministère de l'éducation nationale,
l'enseignement français à l'étranger souffre d'un manque chronique de moyens,
ce qui a imposé aux parents d'élèves le paiement de frais de scolarité de plus
en plus élevés.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le ministère de l'éducation
nationale devrait au moins participer à la scolarisation des enfants français
résidant à l'étranger, qui, s'ils se trouvaient en France, auraient droit à la
gratuité de l'enseignement ?
Deuxième question : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dispose
de certaines réserves, d'un fonds de roulement, ce qui est normal pour un
établissement public. Je crois savoir que ce fonds est considérable : il
dépasse les 100 millions de francs, mais l'AEFE ne peut l'utiliser sans
l'accord des finances.
Vous serait-il possible, monsieur le ministre, d'autoriser l'AEFE à puiser
dans une petite partie de ces réserves pour financer des investissements pour
lesquels les crédits font totalement défaut ?
Alors que seulement 24 millions de francs sont inscrits au titre III - pour
des centaines d'écoles ! - l'agence devrait pouvoir recourir à ce fonds pour
réparer, aménager ou construire rapidement des établissements ne disposant pas
sur place des ressources nécessaires.
De même, quelques subventions de fonctionnement devraient pouvoir être
exceptionnellement dégagées de ce fonds, pour aider - voire sauver - des
petites écoles se trouvant à l'étranger dans une situation financière trop
difficile.
Troisième et dernière question : un député des Yvelines, M. Pierre Lequiller,
a remis récemment à M. le Premier ministre un rapport sur l'état de
l'enseignement français à l'étranger et l'avenir de l'AEFE. Vous en avez eu
connaissance, monsieur le ministre, et nous en avons parlé au Conseil supérieur
des Français de l'étranger.
Je comprends, compte tenu des délais, qu'il n'y ait aucune traduction
financière dans le projet de budget que nous examinons. Cependant, pouvez-vous
nous indiquer si vous pensez donner suite, en 1997, à certaines des conclusions
de ce rapport ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez aujourd'hui
s'inscrit dans le cadre de la rigueur décidée par le Gouvernement pour
redresser les finances publiques et la situation économique de notre pays.
Au cours des débats budgétaires, certains parlementaires n'ont pas manqué de
rappeler la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, car la France a vécu
pendant de nombreuses années au-dessus de ses moyens. Ce sont en effet les
années de gestion socialo-communistes qui nous obligent aujourd'hui à serrer
les dépenses.
Le ministère des affaires étrangères participe, comme l'ensemble des autres
ministères, à cet effort indispensable.
Le budget que vous présentez, monsieur le ministre, est en diminution de 3,96
% par rapport à la loi de finances initiale de 1996. Mais cette diminution doit
être, à mon sens, relativisée, d'une part, du fait de la régulation budgétaire
en cours d'année 1996 et, d'autre part, parce que vous n'aurez pas à supporter,
en 1997, les dépenses résultant de la FORPRONU. Vous disposerez donc de moyens
à peu près équivalents à ceux de 1996.
Dans le domaine des affaires étrangères comme dans bien d'autres secteurs,
l'efficacité d'une politique ne se mesure pas uniquement à l'analyse comptable
des moyens mis en oeuvre. Elle doit se juger aussi au degré de volonté du
Gouvernement à appliquer une politique. Il faut donc expliquer aux Français
qu'il n'est pas forcément nécessaire de dépenser plus pour étendre le
rayonnement politique, économique et culturel de notre pays.
Au-delà des crédits, l'examen de ce budget est bien évidemment l'occasion
d'évoquer la politique étrangère du Gouvernement. Monsieur le ministre, nous
connaissons votre volonté, ainsi que celle du Premier ministre et du Président
de la République, de conduire une politique dans laquelle la France assume
pleinement ses responsabilités. Nous savons tous la difficulté d'assurer les
nombreuses missions qui vous sont imparties, notamment le maintien de la paix
en association avec nos partenaires européens.
Dans le cadre de ce budget, je voudrais aborder les problèmes liés aux
demandes du droit d'asile traitées par l'Office français de protection des
réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Entre 1989 et 1995, ces demandes ont été divisées par trois et le taux de
reconnaissance a baissé de 40 %. Il faut dire que de nombreuses mesures ont
consisté à rendre la demande d'asile moins attractive : l'octroi du droit au
travail a été supprimé ; l'OFPRA s'est doté d'un fichier informatisé de lecture
des empreintes digitales ; les officiers de l'OFPRA peuvent désormais entendre
les demandeurs à la frontière ; la loi du 24 août 1993 a donné aux préfets les
moyens de refuser l'admission au séjour en cas de fraude manifestée ; enfin,
ces dernières années, l'OFPRA a cessé d'accorder le bénéfice de la convention
de Genève aux réfugiés d'un certain nombre de pays tels ceux de l'Europe de
l'Est, du Bénin ou du Chili.
Malgré toutes ces mesures, les mailles du filet restent suffisamment larges et
la tentation grande pour qu'un nombre important de fraudeurs soient tentés de
détourner le droit d'asile pour entrer irrégulièrement en France : près de 200
000 déboutés de ce droit continuent à résider sur le territoire national. Sur
le nombre de décisions négatives rendues par l'OFPRA, très peu sont suivies
d'une conduite à la frontière.
En fait, nous nous trouvons dans une situation pour le moins paradoxale : la
recherche des clandestins ne peut être effectuée, puisque les services de
police n'ont les moyens ni de les retrouver ni de les poursuivre. Pourtant,
l'OFPRA connaît, par le biais de son fichier informatisé, les empreintes
digitales, la nationalité et l'identité de ces personnes ; mais il ne peut
communiquer ces informations. L'arrêté ministériel du 6 novembre 1995 précise
en effet que l'OFPRA est le seul utilisateur et destinataire des informations
du fichier, que ce dernier ne peut faire l'objet d'aucune cession, d'aucune
interconnexion ni d'aucun rapprochement avec des fichiers extérieurs.
Monsieur le ministre, est-il envisageable que vous preniez des mesures pour
permettre à des services extérieurs à l'OFPRA d'accéder aux données des
fichiers ? Cela faciliterait bien la tâche dans la lutte contre l'immigration
clandestine.
Actuellement, les délais pour obtenir une réponse de l'OFPRA, recours compris,
restent encore longs - entre six et huit mois en moyenne - ce qui laisse le
temps aux personnes d'organiser leur clandestinité. La solution ne peut-elle
pas être trouvée en aval, c'est-à-dire dans une réorganisation des conditions
d'étude du droit d'asile ? N'est-il pas possible, monsieur le ministre, de
créer une commission interministérielle destinée à réfléchir sur les moyens de
ne pas laisser s'évaporer dans la nature les déboutés du droit d'asile ?
Je voudrais également aborder le problème des étudiants étrangers. Le montant
des bourses qui leur sont attribuées est d'environ 460 millions de francs, dont
près de 40 % vont aux ressortissants du Maghreb. Mais il est dommage qu'un
certain nombre de boursiers souhaitent, après l'obtention de leur diplôme,
exercer leur profession en France. A quoi sert-il que la France finance leurs
études s'ils ne retournent pas dans leur pays d'origine ? Il faut donc que nous
les encouragions à le faire. Monsieur le ministre, ne peut-on pas conclure des
accords avec les représentants des pays en difficulté et réfléchir sur les
moyens d'inciter les intellectuels à s'installer chez eux ? C'est un point qui
me paraît capital si nous voulons aider au développement de ces Etats, tout en
participant à la lutte contre l'immigration dans notre propre pays.
Monsieur le ministre, telles sont les quelques observations que je souhaitais
évoquer à l'occasion de l'examen de ce projet de budget. Le département de la
Seine-Saint-Denis, dont je suis élu, est malheureusement confronté au problème
de l'immigration.
Cela étant, le budget que vous présentez est un budget de fermeté, qui
s'attache à garantir une utilisation utile et rationnelle des crédits. Je vous
assure de tout mon soutien dans cet exercice difficile que représente la
diplomatie et la défense des intérêts de la France à travers le monde.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Monsieur le ministre, je souhaite vous parler aujourd'hui de l'enseignement
français à l'étranger, qui, hélas ! relève de votre ministère.
(Rires.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Quel début !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Nous voilà bien !
(Nouveaux rires.)
M. Pierre Biarnès.
Avec ses quelque 300 établissements répartis sur les cinq continents, l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure cet enseignement,
poursuit, en fait, deux missions différentes, également légitimes : d'une part,
scolariser les enfants des Français de l'étranger selon les normes
métropolitaines ; d'autre part, contribuer à la diffusion de notre langue et de
notre culture à l'étranger, en complément, capital dans de nombreux pays, de
l'action de nos instituts et de nos centres culturels, ainsi que de celle des
alliances françaises.
Mais, si la seconde de ces missions est clairement de la vocation du ministère
des affaires étrangères, la première ne l'est pas nécessairement et relève
plutôt de celle du ministère de l'éducation nationale, car c'est une affaire
avant tout franco-française.
Ainsi que l'avaient reconnu Valéry Giscard d'Estaing, il y a plus de
vingt-cinq ans déjà, et François Mitterrand, par la suite - malheureusement,
ils n'ont tenu l'un et l'autre que très imparfaitement leurs promesses - les
enfants français de l'étranger ont droit non seulement à un enseignement de
même qualité que celui qui leur serait dispensé en métropole mais aussi à la
gratuité de cet enseignement.
La première de ces exigences est aujourd'hui, pour l'essentiel, satisfaite ;
on est encore assez loin du compte pour ce qui est de la seconde.
En moyenne internationale, l'Etat ne contribue que pour moitié, par des
subventions à la construction de quelques bâtiments, par la mise à disposition
de certains personnels à ses frais et par l'octroi de bourses, à la couverture
des coûts de scolarité des enfants français à l'étranger, contre la totalité en
France, et la situation tend à s'aggraver d'année en année : de moins en moins
de constructions sont financées par lui ; le nombre des personnels « expatriés
», qui sont les seuls totalement à sa charge, à la différence des « résidents
», qui ne le sont que pour partie, et des « recrutés locaux », qui sont
totalement payés par les parents, ce nombre, dis-je, diminue régulièrement ; le
volume des bourses stagne à un niveau assez bas.
Au total, le réseau scolaire français à l'étranger tend inexorablement à
devenir un réseau d'écoles pour les riches.
En moyenne internationale, tous cycles confondus, les familles doivent payer
actuellement 1 200 francs par élève et par mois ! Sont tout particulièrement
touchées les familles de la classe moyenne, qui n'ont pas droit aux bourses
sans être pour autant vraiment à l'aise et, parmi elles, les familles
binationales, qui constituent plus de la moitié de l'expatriation française. Un
nombre grandissant d'enfants de ces familles sont, en fait, exclus du réseau,
ce qui est non seulement inique, mais également contraire à nos intérêts
nationaux les plus évidents : cette perte de locuteurs français d'origine
franco-étrangère est, à moyen et à long terme, un gâchis culturel, commercial
et politique.
Globalement, le phénomène est aggravé par la scolarisation d'enfants étrangers
dans des proportions tout à fait excessives : autour de 80 % dans d'assez
nombreux pays. En Amérique latine, mais aussi en Espagne, au Maroc et en
Tunisie, par exemple, la République française, pour des raisons largement
fantasmatiques héritées du passé, se substitue à des enseignements nationaux
plus ou moins défaillants pour aider des classes dirigeantes à se reproduire
socialement. C'est scabreux et, en tout état de cause, dans ce contexte de
pénurie, cela mobilise beaucoup trop de personnels expatriés, qui, de ce fait,
manquent cruellement ailleurs, au détriment des enfants français.
Le fait que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit sous la
tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères - ce que symbolise la
présidence ès qualités de l'AEFE par le directeur général des relations
culturelles, scientifiques et techniques - et donc que son financement public
ne dépende que du budget bien trop insuffisant de ce ministère éminemment
pauvre et, secondairement, de son « annexe », le ministère de la coopération,
qui est encore beaucoup plus mal loti, est la cause fondamentale de cette
situation de plus en plus intolérable.
M. Jacques Habert.
La faute à qui ?
M. Pierre Biarnès.
Comme il est difficile d'imaginer que les crédits alloués aux affaires
étrangères seront augmentés de façon substantielle dans le futur ou que la part
de ceux-ci qui est affectée à l'enseignement français à l'étranger augmentera
de façon suffisante dans les prochaines années, il en découle que, pour assurer
son avenir, l'agence doit être libérée de cette tutelle exclusive et
impécunieuse, et que le plus tôt sera le mieux !
L'idée d'une cotutelle affaires étrangères-éducation nationale vient
immédiatement à l'esprit. La tutelle des affaires étrangères doit être
maintenue, du simple fait qu'il s'agit d'activités françaises à l'étranger qui
s'exercent dans le cadre de conventions internationales. Mais l'éducation
nationale doit être beaucoup plus impliquée qu'aujourd'hui, où elle n'a en
charge que la responsabilité pédagogique du réseau ; en fait, la charge
financière de celui-ci doit également lui être confiée totalement, soit d'un
coup, soit progressivement, et donc la cotutelle, par modification en
conséquence de la loi de 1990, qui régit l'agence.
Il s'agira d'une décision éminemment politique, dont le Premier ministre devra
faire son affaire, avec l'appui, s'il se révèle nécessaire, du chef de l'Etat,
afin que soient mis au pas les tenants de toutes les vieilles routines
corporatistes qui ont fait jusqu'à présent obstacle à une telle solution.
Car, enfin, comment l'enseignement primaire et secondaire est-il gratuit en
France, si ne ce n'est non pas par un système d'octroi de bourses, mais par la
prise en charge par le ministère de l'éducation nationale, qui en a les moyens
budgétaires, du coût des bâtiments - construction et entretien - des
personnels, dans leurs catégories statutaires respectives, et des fournitures
?
Dans un budget qui est de l'ordre de 20,5 % du budget total de la nation, dont
près de 17,5 % au seul titre de l'enseignement primaire et secondaire - à
comparer avec les moins de 1 % du budget du ministère des affaires étrangères
pour toutes les activités de celui-ci - le financement de l'enseignement des
enfants français à l'étranger ne représenterait vraiment pas un montant
excessif pour ce ministère riche, riche, en tout cas, par comparaison avec le
vôtre, monsieur le ministre : en fait, une somme annuelle de l'ordre de 3
milliards de francs au maximum, sur un total d'environ 273 milliards de francs
pour les seuls enseignements primaire et secondaire, soit autour de 1 % de
cette partie de ce budget.
En revanche, dans ce nouveau système, à la différence de ce qui prévaut quasi
généralement aujourd'hui, la scolarisation des enfants étrangers fréquentant
les établissements du réseau - j'entends ceux qui ne sont pas ressortissants de
l'Union européenne, car, dans ce cas, nous sommes tenus à une obligation de
réciprocité - devrait être facturée à son coût réel. Ce serait justifié dans la
mesure ou, sauf de très rares exceptions dont il faudrait tenir compte, les
Etats dont ces enfants sont les ressortissants ne contribuent pas du tout au
financement du système. Les ressources ainsi dégagées seraient pour l'agence
l'équivalent des subventions des collectivités locales aux écoles, lycées et
collèges de la métropole, au moins pour partie.
L'injustice sociale d'un tel système pour les familles des élèves étrangers -
une injustice qui ne m'échappe évidemment pas - pourrait toutefois être
grandement atténuée par l'octroi de bourses, au concours, bien sûr, et même
d'un grand nombre de bourses, par le ministère des affaires étrangères, votre
ministère. N'ayant plus à sa charge le financement de la scolarisation des
enfants français expatriés, celui-ci retrouverait ainsi les moyens d'une des
ses importantes vocations. De même pourrait-il mieux doter les établissements
de son réseau culturel, qui sont, eux aussi, dans une situation de plus en plus
précaire.
Il ne s'agirait guère plus, en somme, que d'une réforme de la répartition de
quelques crédits budgétaires, à condition, bien entendu, que l'on admette,
enfin, que les enfants français de l'étranger ont le droit d'être traités comme
des enfants français à part entière. Au-delà de l'équité profonde de la
réforme, nos intérêts culturels nationaux, on le voit, y trouveraient de
surcroît très largement leur compte.
J'aimerais beaucoup que vos services et vous-même, monsieur le ministre, ainsi
que le chef du Gouvernement et le chef de l'Etat, soyez enfin convaincus de
tout cela ; mais je ne vous cacherai pas que j'en doute beaucoup.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Vous avez raison !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, je veux, tout
d'abord, remercier le Sénat d'avoir accepté de modifier quelque peu ses
horaires habituels de travail. Cela me laisse l'espoir d'arriver à Ouagadougou,
sinon sous le soleil africain, du moins sous la lune africaine, à une heure à
peu près acceptable.
Je tiens surtout à remercier le Sénat d'avoir fait précéder l'examen de ce
projet de loi de finances d'un débat sur la politique étrangère de la France,
qui nous a réunis, si mes souvenirs sont bons, à la fin du mois d'octobre, et
qui nous a permis, en réalité, de séparer ce qui est habituellement mélangé,
autrement dit de faire en sorte que le débat d'aujourd'hui soit strictement
budgétaire.
Je me plierai à cette discipline que vous avez vous-mêmes suggérée, mesdames,
messieurs les sénateurs, même si j'ai bien noté que certains d'entre vous
avaient évoqué des questions de caractère général.
Ainsi, M. Mathieu a parlé de la situation en Irak ou en Albanie et M. Demuynck
du droit d'asile, question assez complexe sur les aspects techniques de
laquelle il me permettra de lui répondre par écrit. M. Vigouroux a évoqué la
présence méditerranéenne de la France, à laquelle nous sommes tous attachés.
Quant à M. Penne et à Mme Bidard-Reydet, ils ont évoqué toute une série de
questions intéressant l'ensemble de la politique étrangère française.
J'ai d'ailleurs observé que, sur de nombreux points, nous avions, les uns et
les autres, des vues très proches.
La seule précision que j'apporterai en l'instant concerne l'Angola, dont a
parlé M. Penne.
Je veux qu'il soit clair que la politique de la France est simple : elle
reconnaît, comme représentants de l'Angola, le président élu, M. Dos Santos,
son gouvernement et le Parlement. Elle n'a pas d'autre interlocuteur. Si,
naturellement, chacun, en France, quelles que soient par ailleurs ses
activités, ses fonctions, peut voyager librement à l'étranger, rien d'autre ne
saurait engager la responsabilité de la politique internationale de la France
que ce je vous dis là.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères,
et M. Guy Penne. Très
bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Bien sûr, cela ne nous empêche pas de
souhaiter, voire d'essayer de faire en sorte, que l'Angola parvienne à
l'accomplissement de processus qui a été engagé et qui doit d'ailleurs arriver
à son terme dans les semaines ou les mois à venir.
Mais, je le répète, la France reconnaît les autorités légales de l'Angola et,
par conséquent, c'est avec elles qu'elle parle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de remercier le rapporteur
spécial, M. Chaumont, ainsi que les rapporteurs pour avis, MM. Dulait, Penne,
Bordas et Legendre, des excellents rapports que j'ai eu le plaisir
d'écouter.
Vous avez, les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs soulevé
des questions qui sont tout à fait essentielles pour la conduite et les moyens
de notre politique étrangère. Les réductions de crédits prévues ne
risquent-elles pas d'entraver l'action diplomatique de la France ? Quelle sera
l'évolution de nos réseaux dans les années à venir ? Quels redéploiements
sont-ils possibles ? Faut-il aller plus loin dans la protection de nos
compatriotes à l'étranger ? Quelle priorité donner à notre présence
audiovisuelle dans le monde ? Ce sont les questions auxquelles je veux
maintenant m'efforcer de répondre.
Le budget que le Gouvernement propose pour le ministère des affaires
étrangères est en réduction, cette année, de 3,96 % par rapport à la loi de
finances initiale de 1996.
Je comprends qu'à cette tribune nombre d'entre vous aient déploré cette
réduction. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs - et je m'adresse ici
d'abord à ceux d'entre vous qui appartiennent à la majorité - n'avons-nous pas
affiché ensemble une volonté politique commune de maîtriser les crédits pour
maîtriser les déficits ?
Certes, il y a eu une belle époque, que vos collègues socialistes connaissent
bien. L'argent alors coulait à flots, paraît-il. J'ai ici le tableau de
l'accroissement annuel du budget du ministère des affaires étrangères. Je vois
qu'en 1982 le budget a été augmenté de 20,37 % et en 1984 de 16,20 %. Ah, la
belle époque ! Or c'est parce que, en effet, dans cette période-là - cela a
d'ailleurs continué - l'argent public a été dépensé de façon si effrénée
qu'aujourd'hui nous sommes contraints de « serrer les boulons », de réduire nos
dépenses, de maîtriser nos déficits ce qui, j'en conviens volontiers, demande
des efforts, des sacrifices, des renoncements. Après avoir vécu comme des
cigales, les Français redécouvrent le temps des fourmis !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Pierre Biarnès.
Ce sera bientôt le temps des cerises !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Il en est ainsi pour notre budget comme
pour les autres. Je me présente donc devant vous avec un budget d'effort et de
maîtrise de la dépense. Cela étant, connaissant le Sénat, assemblée résolue et
sage, je voudrais tout de même que nous prenions ensemble l'exacte mesure des
choses.
Le budget pour 1997 sera de 14,438 milliards de francs, à comparer au budget
initial de 1996, qui s'élevait à 15,033 milliards de francs, soit une
diminution d'à peu près 570 millions de francs par rapport à l'année dernière.
Cela correspond
grosso modo,
d'une part, à la régulation que nous avons
supportée en 1996 et qui s'est élevée à 350 millions de francs, et, d'autre
part, au fait que, les dépenses de la FORPRONU ayant disparu, nous avons pu
redéployer 230 millions de francs de crédits. Autant dire que nous commencerons
l'anné 1997
de facto
avec des moyens assez comparables à ceux dont nous
avons effectivement bénéficié pendant l'année 1996.
Bien sûr, je préférerais présenter des crédits en augmentation plutôt qu'en
diminution, mais je crois que nous pouvons aussi être raisonnables et ne pas
considérer la situation avec le misérabilisme habituel.
M. Alain Pluchet.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Ainsi donc, mesdames, messieurs les
sénateurs, en dépit des sacrifices que nous consentons, et dont je ne
disconviens pas, nous aurons, en 1997, les moyens de mener la politique
étrangère ambitieuse que nous ne cessons de conduire sous l'autorité du
Président de la République depuis maintenant bientôt vingt mois.
J'ajouterai que je ne connais pas de système qui ne soit capable de gagner en
productivité, c'est-à-dire d'être plus efficace demain qu'aujourd'hui, et je
suis persuadé que le ministère des affaires étrangères est capable, plus que
tout autre, de cet exercice qui consiste, dans une période un peu austère, à
déployer des capacités d'imagination, de réforme et d'adaptation pour faire en
sorte que nous soyons aussi performants demain que dans le passé. Cela exigera,
n'en doutez pas, un certain nombre d'adaptations et de réformes, dont je
voudrais maintenant vous parler.
S'agissant tout d'abord de notre réseau diplomatique, que vous avez évoqué les
uns et les autres, je constate que s'il est un sujet de consensus entre nous,
quelles que soient nos familles politiques, c'est bien la fierté que nous
tirons ensemble de voir la France disposer du deuxième réseau diplomatique
mondial.
J'ai écouté Mme Bidard-Reydet comme M. Penne ainsi que les orateurs de la
majorité et je constate que nous souhaitons tous maintenir ce réseau à un haut
niveau de capacité, car il est l'outil de notre présence à l'étranger, l'outil
de notre ambition internationale.
Nous poursuivrons, naturellement, en ce sens, de même que nous poursuivrons
l'effort d'adaptation et de modernisation de ce réseau.
Le fait que nous ayons le deuxième réseau diplomatique du monde nous impose
non seulement d'en maintenir l'ampleur, mais aussi d'en adapter les modalité
d'action.
Ainsi, en matière d'effectifs, nous poursuivons l'application du plan
quinquennal de réductions couvrant la période 1994-1998 qui avait été arrêté
par le gouvernement précédent et dont nous mettrons en oeuvre, en 1997, la
quatrième et avant-dernière tranche, soit un resserrement des effectifs de 119
postes sur un total de 610 sur cinq ans. Tel est l'engagement pris par le
ministère des affaires étrangères vis-à-vis du ministère de l'économie et des
finances, et je le respecte, comme il se doit.
Nous avons obtenu que la moitié des crédits correspondant à ces économies
revienne au Quai d'Orsay, permettant ainsi à notre administration, en même
temps qu'elle supprime les postes, d'affecter ces sommes à d'autres dépenses en
fonction de nos choix.
Nous continuerons de la même façon l'action que nous avons entreprise dans le
domaine informatique. M. Dulait, rapporteur pour avis, s'est inquiété de savoir
si nous étions en état de poursuivre l'équipement informatique du service
central de l'état civil à Nantes. Ma réponse est : oui. Certes, l'enveloppe
globale des crédits informatiques est en légère réduction, mais soyez assuré,
monsieur le sénateur, que je maintiendrai le montant des crédits affectés au
service central de l'état civil de façon que nous puissions améliorer, en 1997,
la qualité et la rapidité du service qu'il rend, et qui est évidemment
essentiel pour nos concitoyens.
Toujours sur notre réseau consulaire, Mme Brisepierre a exprimé des
inquiétudes, de même que M. Chaumont, rapporteur spécial, qui nous a rappelé, à
juste titre me semble-t-il, que ce réseau doit être adapté à une diplomatie qui
n'est plus simplement politique, mais est aussi économique et culturelle. En
effet, vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur spécial, notre
réseau doit se mettre au service des petites et moyennes entreprises
françaises.
Il ne vous a d'ailleurs pas échappé que, dans une ville que nous connaissons
bien l'un et l'autre, puisque c'est notre capitale de région, nous avons réuni,
la semaine dernière, près de cinq cents représentants de ces PME ainsi qu'une
douzaine d'ambassadeurs venus des cinq continents.
Cette première rencontre a été extrêmement intéressante et particulièrement
appréciée par les chefs d'entreprise, qui ont eu l'occasion de découvrir qu'un
ambassadeur était un être humain, accessible et disponible, tout comme les
diplomates présents ont pu mesurer leurs préoccupations et leur sensibilité.
Nous prolongerons cette première initiative dans les différentes régions de
France. Ainsi, cette diplomatie économique, qui est désormais notre priorité,
cessera d'être mise exclusivement au service des grandes entreprises, déjà fort
expérimentées en ce domaine, pour se consacrer de plus en plus au service de
notre puissant réseau de PME, la nécessité d'exporter se faisant de plus en
plus sentir pour ces dernières.
Néanmoins, madame Brisepierre, il nous faut, dans le même temps, être capables
d'adapter notre réseau. Adapter, cela veut dire fermer ici et ouvrir là. Il ne
s'agit pas de fermer pour réduire les dépenses et de sacrifier à un exercice à
vocation budgétaire. Je ne cède pas à des pressions que je subirais de la part
du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de fermer ici parce que
tel consultat, utile hier, l'est moins aujourd'hui, pour ouvrir là où, en
revanche, des besoins très importants se font jour. Plusieurs d'entre vous ont
d'ailleurs évoqué la nécessité dans laquelle nous sommes d'être davantage
présents en Asie, je préciserai même en Asie centrale, et de l'être peut-être
un peu moins en Europe, notamment au sein de l'Union européenne. Pour autant,
je ne souscris pas à l'idée selon laquelle les ambassades ne seraient plus
utiles dans les pays de l'Union européenne. Leur utilité évolue, mais elle
demeure.
M. Jacques Habert.
Absolument !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
De surcroît, un certain nombre de
consulats européens, qui datent, je dirai, du temps des diligences - ils en ont
souvent le charme, d'ailleurs - sont moins utiles que de nouvelles
représentations dans des pays dont nous sommes encore absents.
Ainsi ouvrirons-nous prochainement un consulat général à Canton, où notre
absence est très dommageable à nos intérêts. De même, une ambassade au
Turkménistan a été ouverte. Deux ambassadeurs non résidents permanents ont été
nommés, l'un en Mongolie, l'autre en Erythrée. Il est vrai que, dans le même
temps, nous fermerons quatre ambassades en Jamaïque, au Liberia, au Sierra
Leone et au Malawi, et cinq consulats, ceux de Florence, d'Edmonton,
d'Honolulu, de Porto Rico et de Mons. Mesdames, messieurs les sénateurs, je
sais que vous êtes sensibles à ces considérations. Oui, dans chaque cas, c'est
une difficulté, parfois un arrachement et, en tout cas, une évolution qui n'est
pas sans inconvénients, mais c'est aussi une nécessité.
D'ailleurs, l'évolution du réseau consulaire en Europe depuis 1983 est, à cet
égard, très intéressante, puisque dix-neuf postes consulaires ont été fermés,
et ce toutes majorités confondues, aussi bien en Allemagne et au Royaume-Uni
qu'en Belgique, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche. A ces
fermetures s'ajoutent celles auxquelles il est procédé cette année. Il est vrai
que c'est de la responsabilité du Gouvernement que de choisir, que de décider
les consulats qu'il faut créer, les ambassades qu'il faut fermer, mais je ne
vois que des avantages à en parler avec vous. Aussi, mais vous le savez sans
doute, je viendrai régulièrement devant la commission des affaires étrangères
du Sénat pour l'informer très précisément au fur et à mesure que les décisions
seront prises.
Cette action incessante de remodelage sera poursuivie en 1997 ainsi qu'en
1998.
S'agissant toujours du réseau, il nous faut de plus en plus avoir présent à
l'esprit que nous devons marier, quand c'est nécessaire, nos services
diplomatiques au sens classique du terme à d'autres services, notamment ceux du
ministère de l'économie et des finances. Nous aurons de plus en plus des postes
mixtes, c'est-à-dire des postes ayant la double vocation consulaire et
économique.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Les premières initiatives en ce sens
sont en cours de préparation. En plein accord avec mon collègue Yves Galland,
je pousse les feux pour que, dans ce domaine, nous soyons assez allants. Si, en
effet le consul est capable d'être, ici, un excellent représentant de
l'économie française, le conseiller commercial ou l'agent commercial est
capable d'être, là, un excellent représentant de nos intérêts consulaires.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Cette disponibilité, cette souplesse,
cette flexibilité administrative me paraissent aller dans le bon sens, celui de
l'économie et de l'efficacité.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
En réponse à M. Vigouroux, je voudrais
évoquer ce que j'appellerai une curiosité parlementaire.
Monsieur le sénateur, vous êtes le deuxième à faire état devant moi du drame
qui résulterait du fait que, entre la Volga et l'Oural, il n'y aurait qu'un
attaché linguistique. Comme je l'ai entendu à l'Assemblée nationale, très
exactement dans les mêmes termes - monsieur le sénateur, prenez mes propos de
la façon la plus amicale - cela signifie - mais ce n'est pas la première fois
que cela arrive - que tel réseau de fonctionnaires, jugeant que les moyens dont
il dispose ne sont pas suffisants, et mécontent sans doute de son dialogue avec
la direction générale de l'administration, passe par le Parlement pour obtenir
gain de cause.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Dialogue difficile
!
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, très franchement,
on vous a mal informé. Entre la Volga et l'Oural, il y a au moins quatre
attachés linguistiques. Il y a un centre de francophonie à Ekaterinbourg, à
Nijni Novgorod, à Kazan et à Saratov. Bref, il y a tout ce qu'il faut ! Ceux
qui vous ont donné ces informations ne vous ont donc pas bien informé. C'est
pour cela que j'ai tenu à vous apporter ces précisions, en toute amitié.
Plusieurs d'entre vous - M. Habert dans sa brève question, MM. Bordas,
Durand-Chastel, Penne et Biarnès - ont évoqué la question de l'enseignement du
français à l'étranger.
M. Biarnès me pardonnera si je lui dis que je ne partage pas son analyse.
Mais, enfin, c'est la vie démocratique... A mon avis, il n'est souhaitable ni
de faire passer cette action entre les mains du ministère de l'éducation
nationale, qui s'en désintéresserait, croyez-moi, du jour au lendemain, ni
d'appliquer à l'étranger les règles qui prévalent à l'échelon national. Les
situations ne sont pas les mêmes.
Notre réseau d'enseignement est tout à fait remarquable. Depuis dix-huit mois,
j'en suis le témoin étonné et admiratif. Je constate que la mobilisation des
parents est toujours exceptionnelle, que la mobilisation des enseignants est
remarquable et que les résultats scolaires sont très supérieurs à la moyenne
nationale. C'est pourquoi il faut soutenir et développer, chaque fois qu'on le
peut, ce réseau très remarquable.
Notre pays est le seul au monde à posséder un tel réseau d'établissements
scolaires et d'enseignement.
C'est pourquoi les crédits de l'Agence seront maintenus en 1997. Je n'ose pas
vous dire qu'ils augmenteront car la hausse n'étant que de 0,2 %, vous pourriez
quelque peu ironiser sur ce pourcentage léger. Mais, enfin, dans un budget qui
baisse de 3,96 %, les crédits destinés à l'enseignement de nos jeunes Français
à l'étranger sont maintenus, et cela est important.
En toute hypothèse, il est indispensable de travailler à la régionalisation de
ce réseau, de préparer l'avenir, d'envisager sa modernisation. M. Habert me
demandait où en était le rapport de M. Pierre Lequiller : il a été remis au
Premier ministre et à moi-même. Nous sommes actuellement en train d'étudier ce
document de très grande qualité et j'aurai sans doute l'occasion, au cours des
mois prochains, de rendre compte, devant vous-même et votre commission, des
conclusions que nous en aurons tirées.
Sachez enfin que les crédits des bourses seront eux-mêmes maintenus,
permettant ainsi, avec 185 millions de francs, de délivrer 17 000 bourses aux
jeunes Français expatriés. Je crois donc que nous maintenons un effort
important.
Vous avez, par ailleurs, évoqué la question de l'assistance aux Français de
l'étranger. Il faut avoir conscience, dans ce domaine, que les crédits du
ministère des affaires étrangères - crédits eux aussi maintenus à 130 millions
de francs, c'est-à-dire prioritaires à nos yeux - s'intègrent dans un ensemble
où, directement ou indirectement, la totalité des crédits consacrés aux
Français de l'étranger par le département est, en réalité, de l'ordre de 1,4
milliard de francs.
Les crédits destinés à l'action sociale atteindront, en 1997, 97 millions de
francs, contre 89 millions de francs il y a trois ans. Autrement dit, sur trois
années, leur progression réelle a marqué notre volonté de continuer à soutenir
l'action des comités consulaires pour la protection et l'action sociale et,
surtout, de faire en sorte que ceux des expatriés qui ont besoin de la
solidarité publique puissent continuer à en bénéficier.
Il faut adapter ce réseau aux besoins croissants de nos communautés
d'expatriés, notamment en essayant, quand c'est possible, d'associer nos
partenaires européens à la création, par exemple, de cabinets médicaux
communautaires, comme nous le faisons au Rwanda. Il faut aussi nous efforcer
d'associer nos efforts entre Européens.
M. Cantegrit a formulé des propositions très précises. Je ne suis pas surpris
que le président du groupe UDF au CSFE et, surtout, de la Caisse des Français
de l'étranger ait développé devant nous, avec précision et compétence, un très
grand nombre de propositions pratiques.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre volonté de soutenir
l'action sociale en faveur des Français de l'étranger sera poursuivie non
seulement en 1997, mais dans les années qui viennent.
La proposition de M. Cantegrit d'établir un programme sur plusieurs années
permettant de mener une action non seulement annuelle, mais également située
dans une perspective, me paraît tout à fait intéressante. Je vais donc demander
à nos services de l'examiner avec ceux du ministère des finances, afin que nous
puissions vous apporter, dans les prochains mois, une réponse précise à la
question précise que vous avez posée. Sachez en tout cas que, pour ma part, je
suis très ouvert à cette démarche que je juge tout à fait positive.
A ce stade de mon intervention, je voudrais dire quelques mots de
l'audiovisuel public extérieur, dont plusieurs d'entre vous, notamment MM.
Bordas et Penne, ont parlé.
Dans ce domaine, nous avons maintenu les crédits - que dis-je ! nous les avons
augmentés, puisque RFI disposera cette année de 60 millions de francs de plus
que l'année dernière - de façon à rétablir la situation un peu particulière
dans laquelle se trouvait cette station de radio qui, l'année dernière, a vu
ses crédits amputés de 60 millions de francs à l'occasion de la régulation
budgétaire. Elle avait pu compenser cette perte par un prélèvement sur sa
trésorerie, mais cela ne peut pas se reproduire cette année. C'est pourquoi le
montant de la dotation de RFI sera donc augmenté de 60 millions de francs.
Par ailleurs, nous avons pris hier soir, avec M. le Premier ministre, un
certain nombre de décisions concernant le secteur de la télévision.
La création de Télé France International, Télé-FI, a été décidée. Il s'agira
d'une société holding opérationnelle regroupant TV 5 et Canal France
International, CFI, et qui sera chargée de trois missions principales :
définir, en concertation avec les chaînes publiques françaises, les
orientations stratégiques concernant la présence de celles-ci à l'étranger,
étudier la possibilité de créer une chaîne, vitrine de la France, axée sur
l'information et les documentaires, laquelle devrait s'appuyer sur l'ensemble
des fournisseurs d'images, français et étrangers, publics et privés,...
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
... et, enfin, poursuivre le soutien à
l'exportation pour les programmes audiovisuels français, en relation étroite
avec Télé France International.
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Il a été convenu que je confierai à M.
Jean-Paul Cluzel la mission de créer Télé France International, et que sera
élaboré, avec le concours de M. Michel Meyer, un projet précis, sur le plan
financier, pour cette chaîne vitrine de la France, qui prévoira la possibilité
de mettre en place un réseau d'informations permanentes ou régulières dont nous
ne disposons pas pour l'instant.
Nous sommes enfin convenus qu'un comité stratégique composé d'experts et
présidé par M. Francis Balle sera constitué auprès de moi afin de conseiller le
Gouvernement sur la politique télévisuelle extérieure.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la francophonie, en particulier M.
Legendre, mais ce sujet n'est-il pas, si j'ose cette familiarité, son enfant
chéri ?
(Sourires.)
La francophonie est désormais un mouvement extrêmement important, je
dirais une dimension essentielle de la politique étrangère de la France.
L'entrée de pays connaissant une évolution démocratique majeure - je songe à
la Roumanie ou à la Moldavie - témoigne de l'appétit de ces peuples pour un
ensemble pluraliste et respectueux des cultures et des identités.
Je suis frappé du nombre de pays qui souhaitent rejoindre ce groupe, lequel
représente aujourd'hui quarante-neuf Etats et est appelé, dans les années à
venir, à accroître encore sa dimension. C'est, pour nous, non seulement un lien
particulier d'amitié avec un certain nombre de peuples, mais aussi l'expression
de notre volonté tenace de défendre notre langue, notre culture, la diversité
des cultures francophones, et d'être présents dans un monde où règne la menace
permanente de l'uniformisation des cultures et des langues.
Nous souhaitons que cette francophonie soit, à l'avenir, un mouvement certes
chaleureux, sympathique, mais plutôt à vocation culturelle, afin qu'il devienne
progressivement capable d'exprimer, dans la vie politique internationale, son
rôle, sa force et sa dimension.
Bien entendu, monsieur le sénateur, il faut que cette francophonie-là, un peu
plus politique qu'hier, au bon sens du terme, ait sa dimension parlementaire,
et je puis vous affirmer que tout sera fait, notamment dans la perspective du
sommet de Hanoï, pour que l'AIPLF puisse jouer pleinement le rôle qui, je
crois, lui revient. Il est en effet très important que les parlementaires
francophones soient les partenaires actifs de ce mouvement de la francophonie
qui se met en marche.
Je terminerai, mesdames, messieurs, par quelques brèves indications.
L'informatisation des services du ministère sera poursuivie.
La délivrance des visas doit continuer à faire l'objet d'une attention
particulière, même si, je le sais, vous en êtes vous-mêmes les témoins, cette
politique des visas, pourtant nécessaire, ne manque pas, au jour le jour, de
provoquer des difficultés que nous nous efforçons de régler au mieux. Mais, je
le répète, la politique des visas reste un élément stratégique de la politique
de la France, et, pour ma part, je continuerai à la défendre.
De même nous efforcerons-nous, dans des enveloppes évidemment restreintes, de
maintenir une politique immobilière active.
L'année 1997 sera marquée par l'inauguration de la nouvelle résidence de
France à Beyrouth. La résidence des Pins sera inaugurée, je l'espère, le 14
juillet 1997. Je crois que c'est le signe à la fois de la renaissance du Liban
et du retour de la France.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Bravo !
M. Adrien Gouteyron.
C'est hautement symbolique !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
C'est hautement symbolique, il est
vrai, monsieur le sénateur.
Nous commençons le processus qui aboutira à la réalisation de notre ambassade
de France à Berlin, dont vous avez trouvé l'évaluation bien chère. Mais rien
n'est encore fait ; nous n'en sommes même pas encore aux appels d'offres. Si
cette évaluation est élevée, c'est parce que nous l'avons fondée sur un prix de
20 000 francs le mètre carré pour une opération assez considérable de 12 000
mètres carrés.
Restons prudents, et soyez assuré que je serai très attentif à faire en sorte
que toutes ces opérations soient conduites avec un souci d'économie que,
parfois, dans le passé, je n'ai pas observé.
Je suis allé au Mexique il y a quelques mois. J'ai pu y constater en effet
que, dans le cas d'espèce, excusez-moi l'expression, on n'avait pas « mégoté »
avec les moyens de l'Etat. Nous aurons une gestion à la fois digne de la
France, pour sa présence internationale, et économe de ses moyens, qui sont
ceux de nos concitoyens.
Enfin, je voudrais vous rappeler que, cette année, vous disposez d'un document
tout à fait remarquable et intéressant : le budget de l'action extérieure de la
France. C'est une grande première. C'est en effet la première fois que, sur
l'initiative du Premier ministre, et grâce aux travaux poursuivis au sein du
comité interministériel des moyens de l'action extérieure de la France, se
trouve rassemblé dans un même document l'ensemble des crédits que l'Etat
affecte à cette action extérieure, à savoir 48 milliards de francs.
Ce rapport, qui sera désormais annuel, mettra, à l'occasion de chaque
discussion budgétaire, la représentation parlementaire en mesure de porter un
jugement éclairé sur cette réalité.
Il s'agit d'un document jaune ; peut-être un jour sera-t-il bleu...
(Sourires.)
M. Jacques Habert.
Ah !
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Si cela advient, cela
signifierait...
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Que nous aurons gagné
!
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
... que l'Etat aura accompli le progrès
décisif consistant non seulement à savoir une vue globale des choses mais aussi
à prendre les décisions d'une manière également globale, tant il est vrai que
cette action interministérielle, que je crois fort utile, mérite sans nul doute
qu'il soit procédé à une appréciation globale, afin que ces 48 milliards de
francs servent au mieux les intérêts généraux de notre pays.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous
apporter. J'espère, monsieur le président, avoir respecté le délai que vous
avez bien voulu m'accorder.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires
étrangères.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 83 686 546 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann.
Monsieur le ministre, il est inutile de vous préciser que je vous apporterai
mon suffrage. Je vous l'apporterai d'autant plus volontiers que certaines de
vos déclarations les plus récentes m'ont réconforté ; je n'ai pas besoin d'en
dire davantage pour être entendu.
Je veux toutefois dire ici quelques mots de nos consulats et consulats
généraux.
J'aurais mauvaise grâce à vous reprocher d'adapter notre représentation
diplomatique et consulaire à un monde métamorphosé, méconnaissable. Moi-même,
entre 1969 et 1973, à une époque où l'univers paraissait plus stable, j'ai
procédé à de nombreuses suppressions de consulat.
Il reste que nos consulats généraux et nos consulats ne sont plus aujourd'hui
ce qu'ils étaient : ils ont une mission économique ainsi qu'une mission
culturelle et linguistique à remplir.
S'agissant du consulat général de Mons, qui disparaît, je voulais simplement
vous demander de faire le choix, comme en d'autres circonstances, d'ailleurs,
d'un consul honoraire qui donne aux défenseurs et aux champions de la
francophonie, ainsi qu'aux amis de la France le sentiment que nous ne les
abandonnons pas. D'avance, je vous en remercie.
Vous venez de susciter les applaudissements du Sénat en évoquant l'action
extérieure de la France. Je vous en donne acte bien volontiers et je suis sûr
que vous serez d'accord avec moi pour penser que, si nous voulons - nous le
voulons et, je le sais, vous le voulez aussi - maintenir et développer l'action
extérieure de la France, encore faut-il que la France demeure maîtresse de son
destin.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le ministre, mes propos ne portent pas sur les crédits inscrits à
votre budget mais ils vous concernent et vous comprendrez vite pourquoi.
Je veux en effet évoquer la diffusion d'Arte sur le satellite Eutelsat.
Ce satellite permet à Arte d'être diffusée - c'était, je le sais, votre
souhait - dans toute l'Europe et même jusqu'au Maghreb, ou, pour parler d'une
manière imagée, des Canaries à Saint-Pétersbourg. Il s'agit donc d'une affaire
extrêmement importante.
Comme vous avez la responsabilité et le souci du rayonnement de notre pays, de
la présence de sa langue, vous ne pouvez être insensible à la demande pressante
que je veux vous adresser ici.
Monsieur le ministre, nous devons examiner samedi les crédits concernant la
communication. Il serait très heureux que, d'ici là, même si le délai est
court, je ne l'ignore pas, vous puissiez intervenir auprès de votre collègue
concerné ou auprès de qui a pouvoir de décision en ce domaine, afin qu'on ne
prenne pas une mesure qui serait extrêmement fâcheuse.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à deux des trois
questions que je vous ai posées précédemment. L'examen des crédits du titre III
me donne l'occasion de revenir sur celle à laquelle aucune réponse n'a été
donnée.
Commentant les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger,
l'un de nos collègues a relevé, au titre III, chapitre 36-30, la suppression de
vingt-sept postes d'enseignant expatrié, ce que nous regrettons avec lui. Mais
il a omis de dire que, en regard, il était créé vingt-huit postes de
résident.
Il n'y aura pas de coûts supplémentaires pour les établissements puisque le
ministère s'est engagé à prendre entièrement en charge le traitement et les
indemnités de ces résidents.
Il n'y a pas non plus de perte de postes, mais simplement transformation de
postes d'expatrié en postes de résident. De plus, cela permet à l'Agence de
faire des économies ; elle peut ainsi mettre de côté quelques petites réserves,
qu'elle place dans son fonds de roulement.
Par conséquent, de l'argent entre dans les caisses de l'Agence. Mais alors
intervient le ministère des finances, qui réclame le retour de ces sommes dans
le Trésor public. Ces économies sont perdues pour l'enseignement français à
l'étranger, ce qui est injuste et tout à fait navrant !
Or l'Agence doit faire face à des besoins pressants, surtout dans le domaine
des investissements pour les établissements conventionnés ou dans celui des
subventions de fonctionnement pour les cas d'urgence.
Monsieur le ministre, il faut que vous obteniez du ministère des finances que
l'Agence puisse disposer au moins d'une partie des fonds qu'elle a économisés.
Ce serait tout à fait normal !
L'enseignement français à l'étranger a besoin d'avoir accès à ces réserves,
comme il a besoin des aides directes que vous lui accordez.
Nous apprécions grandement que ces crédits, prévus au titre III du projet de
loi de finances, n'aient pas baissé et que, malgré la rigueur budgétaire, vous
ayez réussi à maintenir intégralement le montant des aides aux écoles
françaises de l'extérieur, ainsi qu'à l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger.
C'est la raison pour laquelle nous voterons ce budget, malgré les sérieuses
insuffisances notées par ailleurs.
Nous le ferons pour qu'aucune des aides prévues dans le projet de loi de
finances pour 1997 ne vienne à manquer à ce magnifique réseau de l'enseignement
français à l'étranger, qui est pour nous une raison de fierté.
En terminant, nous nous associons, monsieur le ministre, à l'hommage que vous
avez rendu tout à l'heure à ces établissements, à ceux qui les gèrent, à ceux
qui les dirigent, aux parents d'élèves qui veulent donner à leurs enfants la
meilleure éducation possible, aux enseignants et aux personnels qui font tous
preuve d'un admirable dévouement dans ces écoles lointaines situées sur tous
les continents.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, moins 186 131 834 francs. »
Sur les crédits figurant au titre IV, la parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli.
En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je suis
bien entendu concerné par tout ce que recouvrent ces crédits, mais ce n'est
certes pas en cinq minutes que je pourrai exposer de manière détaillée les
appréciations que je porte sur l'action que vous menez, monsieur le ministre.
Je limiterai donc mon propos à un point précis, déjà évoqué par plusieurs de
mes collègues : l'action audiovisuelle de la France.
Il s'agit là d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur.
En 1986, en effet, j'ai fait partie, avec M. Gouteyron, de la commission
sénatoriale dont les travaux ont abouti aux lois de septembre 1986. En outre,
depuis plusieurs années, j'ai l'honneur de représenter le Sénat au conseil
d'administration de Radio-France International, RFI, qui est, par excellence,
un élément de notre action audiovisuelle à l'extérieur.
Je suis d'ailleurs heureux de constater que, cette année, parmi les mesures
nouvelles, 60 millions de francs sont affectés à RFI.
On a souligné le caractère peut-être un peu factice de cette mesure, qui ne
fait que compenser les prélèvements opérés l'année dernière, au titre de la
régulations, sur le fonds de roulement de RFI. Je souhaite, bien entendu, qu'il
n'y ait pas d'autre régulation, mais j'ai cru comprendre, monsieur le ministre,
que vous aviez donné l'assurance qu'il n'y en aurait pas. Cela permettra en
tout cas le rééchelonnement pendant au moins une année du plan quinquennal.
J'approuve entièrement la réorganisation de Radio-France internationale en RFI
1, RFI 2 et RFI 3.
J'approuve également l'utilisation des nouveaux moyens de diffusion tels que
le satellite Astra ou le réseau Internet, qui améliorera la couverture de RFI
en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
En ce qui concerne l'Asie du Sud-Est, j'espère que l'on pourra arriver à créer
un émetteur. C'est un serpent de mer dont on parle depuis vingt ans. On ne
trouve aucun pays qui soit politiquement suffisamment stable ou au moins
susceptible de remplir un certain nombre de conditions. Aussi RFI en est-elle
réduite à louer des heures d'émission à des postes chinois ou japonais avec,
bien entendu, tous les inconvénients - y compris, souvent, quant à la qualité
de l'information - que cela peut entraîner.
Je suis bien sûr très attentif aux émissions intéressant les Français de
l'étranger, dont j'avais obtenu la création au cours de l'élaboration des
différentes lois sur RFI. Ces émissions doivent être pérénnisées. Au demeurant,
elles sont prévues dans la loi et font l'objet de précisions dans le cahier des
charges.
Si j'ai un souhait à formuler, c'est évidemment de voir augmenter les crédits
concernant ces émissions extrêmement intéressantes.
Je terminerai en évoquant le CAEF de 1995, qui avait prévu l'existence de deux
pôles extérieures, l'un radiophonique, l'autre télévisuel, complètement
indépendants l'un de l'autre. Il n'est plus question maintenant de bruits de
couloirs ou de presse puisque vous nous avez confirmé, monsieur le ministre,
qu'une décision gouvernementale venait d'être prise, qui unifierait cette
action audiovisuelle extérieure, tant sur le plan radiophonique que sur le plan
télévisuel. En outre, les noms que vous avez cités nous inspirent totalement
confiance.
Je suis partisan, quant à moi, d'une seule direction.
Cette action audiovisuelle extérieure, à mon sens, doit être unique. Il ne
peut exister de concurrence entre l'action radiophonique et l'action
télévisuelle. Ce sont des actions communes et complémentaires, relevant d'un
service public. D'ailleurs, RFI n'est-elle pas une société nationale de
programme ? Il semble logique que la voix et l'image de la France puissent être
confondues.
Sous le bénéfice de ces trop brèves explications, j'indique que, bien entendu,
je voterai ces crédits.
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé de Charette,
ministre des affaires étrangères.
M. Charles de Cuttoli a abordé un sujet
auquel j'attache la plus grande importance : notre action audiovisuelle
extérieure.
Je partage la plupart de vos appréciations, monsieur le sénateur, mais je
voudrais apporter, sur un ou deux points, un éclairage plus personnel.
Je suis convaincu de la nécessité d'une logique des métiers. Bien sûr,
l'audiovisuel comprend la télévision et la radio, et il s'agit bien de
l'audiovisuel public extérieur, relevant donc d'une responsabilité propre de
l'Etat - même si celui-ci n'est pas seul en cause - dans la mesure où la
présence audiovisuelle de la France à l'étranger est une mission que l'Etat
doit assumer. Néanmoins, radio et télévision doivent rester bien séparées.
C'est dans cet esprit - je souhaite que vous en soyez bien conscient - que nous
allons créer au cours des prochains mois Télé FI.
Par ailleurs, nous devons nous efforcer d'associer tous les partenaires à
cette action, notamment, puisqu'il s'agit d'une responsabilité première de
l'Etat, ceux de la télévision publique. Cet exercice-là sera probablement, pour
nous, le plus délicat - c'est du moins ainsi que je le perçois - mais nous nous
y emploierons. Nous agirons ainsi, me semble-t-il, dans le sens que vous
souhaitez.
M. Charles de Cuttoli.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Guy Penne.
Très intéressant !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 250 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 95 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 10 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 10 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères.
6
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Le Gouvernement demande, en accord avec la commission des finances, que
l'examen des crédits affectés au commerce extérieur, qui était initialement
prévu à l'ordre du jour de la séance de ce soir, soit reporté à la séance du
samedi 7 décembre, après l'examen des crédits de la coopération.
L'ordre du jour de ce soir et celui du samedi 7 décembre sont modifiés en
conséquence.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures
quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à
l'emploi dns la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, François Blaizot, Michel Rufin, François
Giacobbi, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Claude Peyronnet et Robert Pagès ;
Suppléants : MM. Guy Allouche, Philippe de Bourgoing, Jean-Patrick Courtois,
Patrice Gélard, Daniel Hoeffel, Jean-Jacques Hyest et Jacques Mahéas.
8
LOI DE FINANCES POUR 1997
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Industrie, poste et télécommunications
I. - INDUSTRIE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'industrie,
la poste et les télécommunications : I. - Industrie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Barbier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget de l'industrie est l'un des budgets
qui diminuent le plus fortement dans le projet de loi de finances pour 1997. En
effet, avec quelque 14 140 millions de francs, il s'inscrit en baisse de près
de 17 % par rapport à celui de l'année dernière.
Cette diminution s'inscrit dans une tendance générale, observée depuis
plusieurs années, de baisse des crédits de l'industrie. Ce budget est, en
effet, passé de 20 milliards de francs dans la période 1992-1993 à 14 milliards
de francs cette année. Les crédits d'intervention et les dépenses
d'investissement ont subi les plus fortes réductions.
Dans le projet de loi de finances pour 1977, tous les titres du budget sont en
diminution et sont donc appelés à contribuer à l'effort de maîtrise de la
progression de la dépense publique. Les dépenses d'intervention diminuent de
plus de 27 % et les crédits d'investissement d'un peu plus de 20 %.
L'analyse détaillée de ces crédits figure dans mon rapport écrit. Aussi, je
vais limiter mon propos à un certain nombre d'observations. Je vous poserai
également, monsieur le ministre, quelques questions.
S'agissant des crédits énergétiques tout d'abord, la subvention à Charbonnages
de France pour 1997 diminue de 1,6 milliard de francs. Cette subvention est
passée de près de 7 milliards de francs en 1991 à moins de 3 milliards de
francs aujourd'hui, soit une baisse très significative, alors que les besoins
de l'entreprise n'ont pas été réduits dans les mêmes proportions, bien au
contraire.
Le Gouvernement promet, en contrepartie, le versement d'une dotation en
capital de 2 440 millions de francs. Mais cela ne suffira pas à combler les
besoins de Charbonnages de France dont la situation financière est
particulièrement alarmante. Je vous rappelle que l'endettement de cette
entreprise, qui reviendra à la charge de l'Etat dans quelques années, s'élève
déjà à près de 30 milliards de francs et que la charge financière de cette
dette représente plus de 40 % du chiffre d'affaires de Charbonnages de France.
Aussi, si l'on fait bien une économie cette année, il faut avoir conscience que
l'on crée parallèlement une charge importante et inéluctable pour les années
futures. Cela est, pour la commission des finances, une véritable
préoccupation.
J'en viens au Commissariat à l'énergie atomique, le CEA. Sa subvention de
fonctionnement atteint 3,7 milliards de francs et progresse de 1,1 %. En
revanche, les crédits d'investissement qui lui sont destinés pour ses activités
civiles - d'un montant bien inférieur, il est vrai - sont réduits sensiblement,
de 200 millions de francs à 50 millions de francs. Ces crédits ont connu une
évolution particulièrement erratique au cours des dernières années, ce qui nuit
à la visibilité nécessaire pour mener à bien des programmes de recherche d'une
telle importance. Pour 1997, le Gouvernement a cependant décidé de corriger
cette baisse par l'octroi d'une dotation en capital de 350 millions de
francs.
Cependant, comme pour la dotation affectée à Charbonnages de France, il faut
noter le caractère aléatoire de ces crédits. Leur versement dépendra en effet
du montant des privatisations qui seront effectuées cette année, de leur rythme
d'encaissement et des priorités qui seront retenues par le Gouvernement pour
l'attribution des dotations en capital. En effet, les besoins de dotations en
capital en 1997 risquent, hélas ! d'être nombreux à satisfaire.
Enfin, il faut remarquer que si les débudgétisations ainsi effectuées
permettent une économie de l'ordre de 2 milliards de francs sur le budget de
l'industrie, elles n'en rendent pas moins indispensables les dépenses
correspondantes.
Les autres crédits de politique énergétique sont également en diminution, et
notamment les subventions de fonctionnement et d'investissement en faveur de
l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. A ce
sujet, monsieur le ministre, des mesures vont-elles être prises pour améliorer
la gestion de cette agence qui est en déficit mais qui a aussi la charge de
gérer d'importants excédents au titre du produit de taxes parafiscales ? Quelle
solution pourrait-on adopter pour remédier à cette situation ?
J'en viens aux crédits relatifs à la politique industrielle.
Parmi les crédits affectés à la recherche industrielle et à l'innovation, les
subventions de fonctionnement et d'investissement à l'ANVAR, l'Agence nationale
de valorisation de la recherche, diminuent et les crédits des grands programmes
sont fortement réduits, principalement du fait de l'étalement de certains
grands programmes interministériels sur une année supplémentaire.
Seule la dotation destinée à la diffusion des techniques auprès des PMI est
maintenue à son niveau antérieur. D'une façon générale, les crédits d'aide aux
PMI sont plutôt moins réduits que les autres dans le projet de budget pour
1997, ce qui, monsieur le ministre, à défaut d'être suffisant, constitue un
choix opportun.
Les crédits d'accompagnement de l'activité industrielle sont également en
diminution, de 11,7 % par rapport à 1996.
Ils comprennent des crédits variés, presque tous en baisse. Nous espérons
cependant que la décision d'étaler sur une année supplémentaire l'application
des contrats de plan Etat-région ne sera pas prorogée l'année prochaine car il
s'agit de crédits utiles et nécessaires pour mener une politique d'aménagement
du territoire.
Par ailleurs, des économies sont faites sur les crédits destinés aux
restructurations industrielles. En effet, ce chapitre bénéficiera de reports de
crédits importants du fait de l'accumulation de crédits non consommés. Cela est
de bonne gestion.
Au sein de ces crédits relatifs à la politique industrielle, un seul chapitre
connaît une véritable progression. Il s'agit des aides à la construction
navale, qui atteignent 850 millions de francs en autorisations de programme et
750 millions de francs en crédits de paiement, soit des hausses respectives de
23 % et de 6 %. Grâce à ces ouvertures, les aides à la commande prévues
pourront être accordées.
Cet examen rapide des crédits de l'industrie montre bien à quel point il
s'agit d'un budget rigoureux.
Il permet toutefois de maintenir une relative priorité en faveur des PMI et de
la formation des ingénieurs. Par ailleurs, il crée les conditions de la mise en
place du nouveau cadre réglementaire des télécommunications, toutes choses que
nous pouvons constater avec satisfaction.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots de la situation du secteur
public industriel et énergétique.
M. Félix Leyzour.
Thomson !
M. Bernard Barbier,
rapporteur spécial.
Dans le secteur industriel, après les privatisations
de Pechiney et de Renault, il ne reste plus que deux groupes à majorité
publique, Bull et Thomson.
M. Félix Leyzour.
Ah !
M. Bernard Barbier,
rapporteur spécial.
La privatisation de ces deux groupes est toutefois en
cours.
Le Gouvernement avait annoncé son intention de céder de gré à gré Thomson au
groupe Lagardère.
M. Félix Leyzour.
Il a dû céder !
M. Bernard Barbier,
rapporteur spécial.
Or cette cession est suspendue à la suite de l'avis
de la commission de privatisation. Pourriez-vous nous dire ce soir, monsieur le
ministre, où nous en sommes exactement ?
La commission des finances souhaiterait également savoir où en est le
rapprochement en cours de négociation entre Alcatel et Framatome. Il y va en
effet de l'avenir d'un maillon important de la filière nucléaire française, et
il est essentiel que ce rapprochement soit opéré dans la plus grande clarté et
de manière à préserver nos intérêts.
Dans le domaine énergétique, nos opérateurs publics se trouvent aussi
confrontés à de nouvelles perspectives. L'ouverture du marché européen de
l'énergie représente un vrai défi pour EDF et GDF, même si ces deux entreprises
sont en relativement bonne position pour affronter la concurrence. Le
redressement de leur situation financière est devenu un atout pour l'une comme
pour l'autre.
Il convient cependant de veiller à ce que de véritables efforts soient encore
accomplis par EDF et GDF pour franchir, dans de bonnes conditions, une nouvelle
étape de leur développement. Ainsi, il est essentiel que les relations avec
l'Etat, notamment financières, soient définitivement clarifiées et que des
règles précises soient établies.
Par ailleurs, les contrats de plan en cours de négociation devront comporter
les éléments d'une réflexion et d'une politique claire et cohérente sur
l'avenir de la filière nucléaire en France et en Europe, sur la question du
démantèlement des installations existantes ainsi que sur le degré
d'internationalisation souhaitable de chacune de ces entreprises.
En conclusion, je vous indique, monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, que, sous le bénéfice de ces observations, la commission
des finances a décidé d'émettre un avis favorable sur le projet de budget de
l'industrie pour 1997.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le rapport pour avis du budget de l'industrie que j'ai l'honneur de
vous présenter, hormis l'énergie, l'espace et l'armement qui ne sont pas de ma
compétence, se caractérise par deux faits saillants : d'une part, une rigueur
budgétaire très stricte et, d'autre part, des nouveautés en matière d'aide à
l'innovation.
Je ne reviens pas sur les chiffres qui viennent d'être présentés par notre
collègue M. Bernard Barbier, je voudrais surtout m'attacher à vous présenter
l'importance que revêt l'innovation, les dysfonctionnements dont elle souffre
et les remèdes apportés pour la dynamiser.
Je regrette, pour ma part, la baisse des dotations de l'innovation d'une année
sur l'autre ; je le regrette, car je considère que l'innovation est un des
facteurs importants de la relance, sinon du maintien de l'activité
économique.
Que ces innovations soient technologiques - ce sont les plus reconnues -
commerciales, organisationnelles ou financières, qu'elles aient pour objectif
d'améliorer un produit - plus de 80 % des cas - ou de créer un nouveau produit,
elles sont indispensables à côté de bien d'autres démarches, certes, soit pour
créer des emplois, soit pour maintenir des emplois puisque les innovations de
procédés sont souvent des conditions de survie de l'entreprise.
Sans citer de nom, je puis donner dans ce domaine l'exemple de ce grand groupe
français spécialisé dans les boissons alcoolisées à base d'anis qui a dû
innover dans la création d'une nouvelle bouteille, donc de nouvelles chaînes
d'embouteillage, simplement pour lutter contre les « sans marques ».
Je regrette, certes, cette baisse de dotations, mais je dois reconnaître que
le frein à l'innovation résulte non pas toujours du manque de moyens financiers
qui freine l'innovation mais plutôt des dysfonctionnements d'organisation, de
procédure ou de communication à l'intérieur comme à l'extérieur de
l'entreprise.
Ces dysfonctionnements peuvent être de natures très diverses.
Il est dommage, par exemple, qu'un chercheur de l'université, qui doit, dans
le processus d'innovation, passer beaucoup de temps en réitérations successives
avec l'entreprise, soit noté sur le volume de ses publications plutôt que sur
le nombre de ses contrats ou l'efficacité de ceux-ci.
L'entreprise, et surtout la PME ou la PMI qui veut innover, doit faire face à
de multiples problèmes : au niveau des financements, parce que les banques ont
encore du mal à financer l'immatériel qui est, au départ, de l'innovation ; au
niveau de la formation, qui ne peut pas être strictement adaptée aux besoins de
l'entreprise et qui devra se développer de plus en plus en alternance ; au
niveau des partenariats avec l'université, qui a ses règles et sa culture ; au
niveau de la connaissance des programmes communautaires ; au niveau de
l'élaboration du processus de protection industrielle enfin, en dépit des
efforts faits par nos administrations.
Face à ces problèmes, il faut à nos PME et à nos PMI un guide, un chef de file
qui les conduise à travers les chemins de l'innovation, parce que ces
entreprises de taille moyenne ont un rôle important à jouer, à côté de nos
grands groupes.
C'est une sécurité pour nous tous que de garder des entreprises performantes
dont les centres de décision sont attachés à leur terroir.
Quand je parcours le Bade-Wurtemberg, voisin de l'Alsace dont je suis
originaire, je constate que chaque village ou presque a son usine. Les emplois
que nos PME et nos PMI génèrent sont des emplois de qualité. C'est la raison
pour laquelle il me semble important de leur apporter toute l'expertise dont
elles ont besoin.
A cet effet, nous devons reconnaître que de véritables innovations sont mises
en oeuvre aussi bien au niveau des méthodes que des types d'aides apportées par
notre ministère de l'industrie.
C'est le cas, s'agissant des méthodes, à travers trois actions majeures : la
mise en place d'un interlocuteur unique des services du ministère face à
l'entrepreneur, le renforcement des moyens de l'ANVAR en région et la mise en
place du serveur « Evariste Innovation » sur Minitel et Internet.
C'est également le cas, s'agissant des types d'aides : ces dernières seront
axées sur les cent technologies clefs identifiées par le ministère, dont
cinquante sont prises en considération dans un premier temps ; par ailleurs,
elles seront validées en fonction de la création d'emplois identifiables dès le
départ, lors de l'instruction du dossier par l'ANVAR. C'est la procédure
Atout.
Trois domaines technologiques transversaux ont été retenus dans la procédure
Atout : celui des composants électroniques, celui des nouveaux matériaux et
technologies associées, celui de l'intégration informatique. Elles ont un point
commun important, qui est de diffuser des techniques connues mais non mises en
oeuvre dans les PME, parce que les chefs d'entreprise n'ont pas toujours le
souci de ces améliorations.
Ces nouvelles approches à travers les méthodes et les aides, qui vont dans le
sens d'une plus grande pertinence dans l'emploi des fonds publics et d'un
partenariat plus proche des entreprises, sont nécessaires et positives. Il faut
bien reconnaître aussi que l'entrepreneur se laisse parfois emporter par des
démarches qui sont innovantes à la marge ou qui répondent à un besoin du marché
mais qui débouchent sur des produits ne se vendant pas car coûtant trop
cher.
En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d'adopter le projet de
budget qui, malgré l'encadrement dont il est l'objet, permet d'honorer les
actions engagées grâce à des efforts d'organisation, de rationalisation et
d'imagination remarquables.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'énergie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, les années 1995 et 1996 ont été riches en événements intéressant le
secteur de l'énergie.
L'événement le plus important concerne sans doute le projet de directive
communautaire sur le marché intérieur de l'électricité, adopté par le Conseil
européen extraordinaire du 20 juin 1996. S'il impose des dispositions aux Etats
membres, ce projet laisse également une marge de manoeuvre aux pays, notamment
les modalités d'accès au réseau et le choix du type de consommateurs éligibles.
Il tient ainsi compte des thèses défendues par la France, ce dont la commission
des affaires économiques et du Plan se félicite.
Je tiens toutefois à vous rappeler mon attachement aux principes essentiels
suivants, monsieur le ministre : la préservation de l'efficacité de notre
politique énergétique, avec l'indépendance, la planification à long terme des
investissements et la sécurité des installations ; la conservation de
l'organisation actuelle de la distribution et la confirmation d'EDF dans ses
missions de service public et dans sa structure d'entreprise d'Etat à caractère
intégré, afin de garantir la péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire
; enfin, le maintien du statut du personnel d'EDF.
La discussion sur l'éventuelle ouverture à la concurrence du marché européen
du gaz s'est ouverte tout récemment - en juillet dernier - et elle s'annonce
difficile.
Compte tenu de la spécificité du marché gazier, la commission des affaires
économiques souhaite que soit préservée la capacité des opérateurs à prendre
des risques associés à la conclusion des contrats d'approvisionnement à long
terme. En effet, seuls ces derniers sont de nature à garantir la sécurité de
nos approvisionnements.
Il faut également que les Etats membres gardent la faculté de définir les
missions de service public du secteur gazier.
L'avenir de la filière nucléaire française, en particulier dans l'hypothèse
d'une fusion de Framatome et de GEC-Alsthom - M. le rapporteur spécial a
d'ailleurs évoqué ce point - constitue un autre sujet majeur suscitant les
inquiétudes de la commission des affaires économiques. Il convient de préserver
les choix de stratégie industrielle de Framatome et les moyens de les
réaliser.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques s'est inquiétée du
caractère précaire d'une partie non négligeable des ressources affectées aux
investissements du CEA et devant provenir soit des privatisations, soit des
cessions d'actifs de CEA-Industrie.
En outre, préoccupé par les suppressions d'emplois qui devraient accompagner
la fermeture de certains sites, y compris la COGEMA, la compagnie générale des
matières nucléaires, dans mon département, je souhaite que les nouveaux
programmes en ce domaine soient développés sur les sites existants.
S'agissant des économies d'énergies et des énergies renouvelables, j'aimerais,
monsieur le ministre, que vous nous exposiez vos intentions concernant la
filière bois-énergie, qui mériterait d'être davantage encouragée.
Par ailleurs, je m'inquiète des conditions dans lesquelles l'ADEME, l'agence
de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, pourra désormais poursuivre
ses missions dans la mesure où le projet de budget de votre ministère prévoit
une forte baisse des crédits consacrés à cet organisme.
S'agissant de nos deux grands opérateurs publics que sont Electricité de
France et Gaz de France, la commission des affaires économiques souhaite
impérativement que les contrats qui les lient avec l'Etat et qui devraient être
renouvelés d'ici à la fin de cette année - le contrat de plan pour EDF et les
contrats d'objectifs pour GDF - clarifient les relations entre l'Etat et ces
deux entreprises. On ne peut, en effet, continuer à multiplier les prélèvements
inopinés de façon non concertée et non programmée, comme cela a été le cas ces
dernières années, sauf à risquer d'entraver les entreprises dans leur politique
de désendettement et de compétitivité, surtout au moment où elles sont
confrontées à une concurrence croissante.
Le secteur pétrolier connaît une embellie conjoncturelle depuis le début de
l'année 1996, embellie qui ne doit pas cacher des problèmes structurels
persistants : la fiscalité applicable à la production doit être adaptée pour la
rendre plus attractive ; la restructuration tarde dans le secteur du raffinage
; les marges de distribution sont très faibles, et de nombreuses
stations-service sont en difficulté, surtout dans les milieux ruraux. Il est
probable que le fonds de 60 millions de francs destiné à les aider ne leur
suffira pas pour garder la tête hors de l'eau... Enfin, monsieur le ministre,
le Gouvernement a récemment présenté au Parlement un rapport sur les
conséquences de l'utilisation du gazole, qui conclut à un nécessaire
rééquilibrage de la fiscalité sur les carburants.
La commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement ait le
courage politique de réduire progressivement cet écart.
Parallèlement, des solutions devront bien entendu être trouvées pour que la
compétitivité des transports routiers et de notre industrie automobile n'en
souffre pas.
Enfin, la commission des affaires économiques s'inquiète de l'accroissement de
l'endettement des Charbonnages de France et du caractère aléatoire d'une partie
de leurs ressources.
En conclusion, la commission des affaires économiques, dans sa majorité, a
donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie pour 1997.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes
pour décortiquer un budget aussi riche que celui de l'industrie, voilà qui
relèverait d'un exploit surhumain !
Je me contenterai donc, mais à regret, de quelques remarques tout à fait
liminaires.
Dans le cadre général de la maîtrise des dépenses publiques, voulue par le
Gouvernement, votre budget, monsieur le ministre, est l'un de ceux qui
diminuent fortement.
Il est vrai que votre ministère, par essence colbertiste et interventionniste,
n'est guère dans le vent européen, et que ses crédits baissent ainsi sans
discontinuer depuis 1991.
L'exercice était donc bien malaisé, et je tiens à vous rendre un hommage
appuyé, car vous avez réussi à maintenir les grands équilibres et les objectifs
que vous vous étiez fixés.
Trois priorités sont en effet réaffirmées dans ce budget : l'aide aux
restructurations industrielles, au développement technologique, et, enfin, aux
petites et moyennes entreprises. Ce dernier point me semble d'autant plus
important que les PMI sont particulièrement fragilisées dans le contexte
économique actuel, alors même qu'elles constituent un vivier d'emplois.
Le rapprochement de l'Agence nationale de valorisation de la recherche avec
les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement
était indispensable, dans un but de simplification et d'efficacité, et je ne
peux donc que me réjouir de cette initiative. Il est évident en effet que,
aujourd'hui, les aides publiques aux PME et aux PMI sont beaucoup trop
complexes et diverses. A cet égard, le récent rapport sur cette question de
notre collègue Bernard Carayon, député du Tarn, est riche d'enseignements sur
la nécessité d'unifier les différentes aides publiques.
Un autre aspect de ce budget appelle également un rapide commentaire : trois
postes voient leurs dotations réduites au motif que des dotations en capital,
inscrites sur compte d'affectation spéciale, viendront en compenser la baisse :
il s'agit de la subvention de fonctionnement à Charbonnages de France, de la
subvention d'investissement au Commissariat à l'énergie atomique et des crédits
de reconversion des zones minières. Je souhaiterais savoir, monsieur le
ministre, si ces débudgétisations feront jurisprudence, si j'ose dire, pour les
années à venir.
Enfin, le dernier point que je souhaite soulever ici concerne l'attitude de la
Commission européenne. C'est ma grande inquiétude. L'élu du Nord que je suis a,
vous l'imaginez bien, suivi de près les péripéties de votre courageux plan
d'aides au secteur textile.
D'après une étude menée par les instances communautaires, l'ouverture
provoquée par le GATT aurait eu pour conséquence une baisse de la production
dans l'Union européenne de l'ordre de 1 % et une perte de près de 5 % des
emplois dans ce secteur.
Cela seul justifiait l'action des pouvoirs publics en faveur de cette
industrie, et le dispositif mis en place par la loi du 12 avril dernier fut
accueilli comme un soulagement, dans la mesure où son article 99 prévoyait une
exonération dégressive des charges patronales sur les plus bas salaires.
Malheureusement, les autorités de Bruxelles y mettent de sérieux freins ; on
aurait souhaité qu'elles se montrent aussi sévères à l'égard des pays de
l'Union qui ont pratiqué des dévaluations compétitives, tant elles se montrent
aujourd'hui intransigeantes avec la France dans l'orthodoxie avec laquelle
elles défendent l'article 92 du traité de Rome, relatif aux aides d'Etat. Cette
position est d'autant plus incompréhensible et incohérente que les dévaluations
de la lire, de la peseta et de la livre étaient totalement contraires à
l'esprit de l'Union, puisqu'elles ont entraîné un déséquilibre des échanges
intracommunautaires. C'est ainsi qu'elles ont considérablement aggravé les
difficultés de l'industrie textile française.
L'ultra-libéralisme de la Commission ne laisse donc pas d'inquiéter.
M. Félix Leyzour.
Tout à fait !
M. Alfred Foy.
Notre pays, dont la tradition se trouve ainsi mise à mal, est amené à faire
des efforts considérables pour s'adapter à cette nouvelle donne.
Monsieur le ministre, vous qui êtes également ministre de la poste et des
télécommunications êtes bien placé pour savoir que nos services publics sont
gravement menacés dans leur existence. Même l'avenir de La Poste me donne
quelque crainte. Qui peut dire en effet que, dans un avenir plus ou moins
proche, une combinaison des articles 37 et 90-2 du traité ne la mettra pas à
mal ?
Toute la question est là : l'Europe que nous voulons sera-t-elle
ultra-libérale ? Qu'adviendra-t-il de notre politique industrielle, notion à
laquelle les instances européennes sont plus que rétives ? Une politique
industrielle commune sera-t-elle mise en place un jour ? Voilà toutes les
questions que je tenais à vous poser, monsieur le ministre.
Cela étant dit, quoi qu'il advienne, les sénateurs non inscrits, connaissant
votre volonté de défendre les intérêts de notre pays, vous font confiance pour
faire valoir la position de la France sur tous les grands dossiers dont vous
avez la charge. C'est pourquoi ils voteront votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Félix Leyzour.
« Quoi qu'il advienne » !
M. le président.
La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol.
Monsieur le ministre, l'un de vos prédécesseurs avait déclaré une fois qu'il
serait heureux le jour où son ministère n'existerait plus.
M. Félix Leyzour.
C'est presque fait !
M. Henri Revol.
Par cette boutade, il voulait exprimer son souhait que l'Etat renonce à un
interventionnisme bien de tradition dans notre pays colbertiste.
On pourrait croire, en considérant sans analyse la baisse globale de 17 % de
votre budget, que vous souscrivez à ce point de vue.
Comme vous l'avez rappelé à l'Assemblée nationale, on ne peut, d'un côté,
sélectionner les recettes et, de l'autre, globaliser les dépenses ; la baisse
effective de votre budget est plutôt de 0,7 %, compte tenu des dotations en
capital qui serviront pour le CEA, pour Charbonnages de France et pour le fonds
d'industrialisation des bassins miniers.
J'aborderai, au cours de cette intervention, quelques sujets qui me paraissent
importants et qui ont déjà, pour plusieurs d'entre eux, été abordés dans les
excellents rapports qui nous ont été présentés.
Dans le cadre de cette discussion budgétaire, vous me permettrez, monsieur le
ministre, de revenir sur la procédure de privatisation de Thomson.
Le Gouvernement vient d'annoncer ce matin que, en raison de l'avis négatif
rendu par la commission de privatisation, il suspendait cette procédure. Je
dois vous l'avouer, monsieur le ministre, cette décision, bien que logique,
dans la mesure où le Gouvernement est tenu par cet avis, me déçoit.
Mon département, la Côte-d'Or - c'est aussi celui de M. le rapporteur spécial
- est, parmi d'autres, concerné au premier chef par l'avenir de Thomson, qui y
compte cinq sites, d'autres de Thomson CSF, d'autres de TMM.
En tant qu'élu local et national, j'ai pu m'entretenir, comme mes collègues,
d'ailleurs, tant avec les représentants des groupes Lagardère et Daewoo qu'avec
les différents acteurs locaux de TMM.
Je ne doute pas que l'avis rendu par la commission de privatisation ait été
influencé, pour ne pas dire altéré, par la grande appréhension qu'ont montrée
les salariés de TMM,...
M. Félix Leyzour.
Bien sûr !
M. Henri Revol.
... légitimement inquiets pour leur avenir, à l'égard de l'offre de Daewoo.
Tous ne sont pas opposés à la privatisation, mais ils étaient nombreux à
craindre un nouveau « péril jaune ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notez bien que je reprends là une
expression que j'ai pu voir moi-même sur les banderoles de certains
manifestants. Je me permets d'exprimer ici ma stupéfaction que certains
syndicats, prompts à dénoncer, à juste titre, la xénophobie et le racisme de
certains, aient pu se laisser entraîner vers de telles dérives.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Henri Revol.
Alors que la région Lorraine s'est battue pour des implantations industrielles
coréennes et semble en être satisfaite, pourquoi ce tintamarre ?
Les médias, en particulier la télévision, n'ont pas manqué de diffuser de
nombreux reportages montrant sous un jour plus que sombre les méthodes de
travail coréennes : droit du travail bafoué, méthodes brutales, syndicats moins
que désirables.
Je vois, pour ma part, dans ces attitudes le reflet d'une défiance que je
qualifierai de « culturelle » à l'égard du Japon et de ces nouvelles puissances
industrielles asiatiques. A titre d'anecdote, rappelons-nous tel Premier
ministre français qui avait comparé les Japonais à des fourmis !
(Sourires.)
Cependant, sans méconnaître les inquiétudes légitimes des salariés de
TMM, comme je l'ai déjà indiqué, le jeu est dangereux qui consiste à vouer à
l'opprobre un groupe qui, s'il trouvait des intérêts dans sa stratégie
industrielle au rachat de TMM, était, d'une part, complémentaire de TMM et
s'était, d'autre part, engagé à créer 5 000 emplois, à terme, en France. Quoi
qu'on en dise, l'objectif sur lequel s'était engagé Daewoo a été tenu en
Lorraine. Il y a quelque chose de choquant à réclamer à cor et à cri
l'ouverture des marchés asiatiques et, dans le même temps, à mépriser les
offres d'investissement de ces mêmes pays.
Je suis, monsieur le ministre, mes chers collègues, littéralement stupéfait
par les déclarations de certains responsables politiques et syndicaux qui
parlent de « bradage » de l'industrie française. Ainsi, si l'on suit ce
raisonnement, il serait dans l'ordre naturel des choses que, par exemple, un
grand assureur français rachète le premier assureur australien, que EDF
s'implante en Afrique du Sud ou en Argentine, que Thomson ait racheté RCA à
General Electric en 1987, alors que la France pourrait jouer la coquette et la
fière en déclinant l'offre de Daewoo pour des raisons plus ou moins spécieuses
!
En effet, on aura entendu beaucoup d'arguments pour convaincre coûte que coûte
les Français que, décidément, les offres de ces Coréens n'avaient rien de
bon.
Ainsi, TMM, qui oeuvre, à travers certaines de ces activités, dans des
domaines sensibles, devrait, paraît-il, rester public. Or, les entreprises
d'armement américaines, à ce qu'il semble, ne sont pas les moins performantes,
bien qu'elles aient l'insigne inconvénient d'être privées.
Par ailleurs, TMM, pour ces mêmes raisons, devrait rester français. C'est
oublier, d'une part, que l'on ne peut aller à contre-courant d'une
internationalisation croissante de l'économie et, d'autre part, que, sur les 50
000 salariés de TMM, 5 000 seulement travaillent en France.
Gardons-nous donc d'une trop grande frilosité, qui, à terme, pourrait nous
être dommageable !
J'espère que le temps perdu en raison du non-aboutissement de la proposition
du groupe Lagardère ne nuira pas à Thomson. Je ne voudrais pas que certains de
mes honorables collègues se réjouissent trop vite de ce qui pourrait apparaître
comme une fausse victoire. L'enjeu, c'est l'avenir de Thomson et de ses
milliers de salariés. Que la France se garde de donner une image de frilosité
et d'aller à rebours de l'évolution de l'économie mondiale, dont elle ne
saurait certainement pas tirer le meilleur parti si elle la contrariait !
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si la décision prise par le
Gouvernement de suspendre la procédure de privatisation à la suite de l'avis
rendu par la commission exclut définitivement l'association de Lagardère et
Daewoo ou si seules les modalités de cette association sont à revoir ?
Je souhaite évoquer maintenant différentes questions relatives au secteur
nucléaire.
En ce qui concerne le CEA, j'ai pu noter que notre excellent collègue de
l'Assemblée nationale, M. Bernard Carayon, rapporteur de votre budget, monsieur
le ministre, avait pu qualifier cet organisme de « budgétivore ».
Sans remettre en cause la liberté d'appréciation de ce collègue député, je
dois toutefois dire que ce jugement très péjoratif m'étonne beaucoup, eu égard
au travail considérable qu'accomplit le CEA dans le domaine de la recherche
nucléaire, et au-delà.
La recherche sans moyens financiers adéquats est un leurre, et si la France
veut tenir son rang, elle doit s'en donner les moyens.
Vous avez d'ailleurs fait remarquer, monsieur le ministre, que les dépenses du
CEA augmentent cette année d'un peu plus de 1 % - cette progression des moyens
alloués s'inscrit dans le cadre d'un contrat d'objectifs - en raison de
l'augmentation des frais de transport, de l'effet de GVT, glissement
vieillesse-technicité, et de l'évolution de la charge fiscale supportée par le
CEA, qui atteint 500 millions de francs.
Dans le domaine de l'énergie, je souhaite relever le jugement porté par
l'Agence internationale de l'énergie sur la politique énergétique de notre
pays.
Il faut rappeler que cette agence examine notre politique énergétique en
profondeur tous les quatre ans, afin d'évaluer nos résultats en ce domaine au
regard des objectifs communs de l'agence. Ces objectifs ont été arrêtés par les
pays membres, principalement en réponse au choc pétrolier de 1973. Ils ont été
complétés depuis dans les domaines de la préservation de l'environnement, du
commerce et de la coopération internationale.
En considérant les objectifs clés que sont la sécurité des approvisionnements,
la compétitivité économique et le respect de l'environnement, le rapport de
l'agence fait apparaître des appréciations très positives. Celles-ci sont dues
essentiellement au programme nucléaire développé par le France et à la
continuité exceptionnelle de la politique énergétique menée depuis les années
soixante-dix.
Ces succès se sont traduits de manière concrète par une diminution des
importations d'hydrocarbures, par une réduction des pollutions - en particulier
une diminution de l'effet de serre puisque les rejets en dioxyde de carbone ont
été réduits de façon spectaculaire - et par une intensité énergétique nationale
qui figure parmi les meilleures des pays membres.
Je me réjouis personnellement de ce jugement international porté sur l'option
nucléaire française. En revanche, je m'étonne parfois que certains de nos hauts
responsables n'en tirent pas fierté, comme s'il fallait quelque peu dissimuler
ces succès à notre opinion parce qu'il serait plus ou moins repréhensible de
produire de l'électricité à partir de l'atome !
J'avais lu, au début de l'année 1996, dans la presse, qu'un grand programme de
production d'électricité par des éoliennes allait être entrepris. Un chiffre
était même avancé quant à la puissance installée : 500 mégawatts.
Cette information a peu été relayée dans les médias, d'ordinaire plus prompts
à dénoncer la construction de lignes de transport d'électricité. Il me semble
en effet qu'un tel programme consistant à construire environ un millier
d'énormes pylônes à hélices aurait un effet désolant sur nos paysages, qu'ils
soient littoraux ou de montagne.
Au moment où nos collectivités locales, avec le concours d'EDF, consacrent des
sommes considérables à l'enfouissement des lignes électriques, investissements
en soi purement improductifs mais réalisés pour des raisons d'esthétique, à
l'heure où l'investissement industriel dans notre pays a atteint un niveau très
bas, au moment où des procès sont intentés à EDF pour la construction de lignes
nouvelles, est-il raisonnable, pour céder à la mode dite écologiste, ou
pseudo-écologiste
(M. Bernard Piras s'exclame),
de laisser sur notre
territoire d'affreux moulins à vent ? Ne faudrait-il pas prévoir
l'enfouissement de ces éoliennes ?
(Rires.)
Pour en revenir à l'énergie nucléaire, monsieur le ministre, je vous
demanderai de bien vouloir compléter notre information sur les recherches en
matière de gestion des déchets nucléaires.
La loi du 30 décembre 1991, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur devant
la Haute Assemblée, a prévu trois directions de recherche : le stockage en
couches profondes, qui est, semble-t-il, en bonne voie ; la réduction du volume
des déchets et leur stockage en surface ; enfin, la réduction du temps de vie
des déchets radioactifs à vie longue ou leur destruction, généralement désignée
sous le terme d'incinération.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont les moyens
consacrés aux études relatives à cette dernière solution ?
En ce qui concerne encore l'incinération, et j'aborde là en même temps le
sujet des réacteurs du futur, pouvez-vous nous indiquer si des moyens sont
consacrés à l'étude de la filière de réacteurs producteurs d'énergie et
incinérateurs qu'a proposée le prix Nobel Carlo Rubia et son équipe du CERN,
l'organisation européenne pour la recherche nucléaire, dont une audition
remarquable a été organisée par le député Claude Birraux en sa qualité de
rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques ?
Dans le cadre des recherches sur la réduction de la durée de vie des déchets
nucléaires et sur la consommation de plutonium, je souhaiterais m'étonner du
bruit fait autour du rapport de la Cour des comptes sur Superphénix. Tout le
monde sait, et depuis longtemps, le Parlement en tout premier lieu, que le
réacteur expérimental Superphénix a représenté un investissement énorme -
l'équivalent de plusieurs années de chiffre d'affaires de la Française des jeux
- et que c'est un instrument de recherche. Si la Cour des comptes doit émettre
des avis sur la régularité de l'emploi des fonds publics, peut-elle émettre des
avis sur l'opportunité des dépenses qu'elle contrôle ?
La Cour des comptes ignore-t-elle les conclusions de la commission Castaing,
qui a confirmé l'intérêt de Superphénix comme outil de recherche, intérêt
d'ailleurs affirmé par le Gouvernement en juillet 1996 ?
Enfin, monsieur le ministre, dans le cadre des études que j'évoquais tout à
l'heure sur les réacteurs du futur, pouvez-vous nous indiquer quelle vision
vous avez de l'avenir de Framatome ?
Le réacteur du futur, enfant légitime du couple concubin Framatome-Siemens,
pourra-t-il vraiment être reconnu par GEC-Alsthom, le concurrent féroce de
Siemens, en cas de mariage avec Framatome ? Le trésor de Framatome, qui a déjà
fait bien des envieux - rappelons-nous, déjà Thomson, une certaine veille de
Noël, il y a quelques années - pourra-t-il être préservé ?
Monsieur le ministre, renforcer notre capacité d'innovation est un défi
prioritaire pour notre pays. Nous avons de nombreux atouts, notamment la
qualité des hommes, la maîtrise des technologies les plus pointues, source de
cette innovation, et, pourtant, force est de constater que nous ne récoltons
pas tous les fruits économiques de ce potentiel considérable.
Le sujet est vaste. Aussi, je voudrais vous interroger sur trois questions
majeures pour le développement de l'innovation.
Là où les ingénieurs américains envisagent de créer leur entreprise ou de
participer à la création d'une entreprise, les diplômés d'écoles d'ingénieurs
français sont trop attirés par l'Etat ou la grande entreprise. Que pouvons-nous
faire, concrètement, dans nos formations pour développer l'initiative, pour
apprendre les métiers d'entrepreneur et de manager de projets ?
La propriété industrielle permet de valoriser et de défendre l'innovation. La
stagnation du nombre des brevets déposés par les entreprises françaises est un
signe inquiétant au regard de notre capacité d'innovation. Par ailleurs, le
système de propriété industrielle national et européen apparaît complexe,
coûteux et d'une efficacité discutable. Que comptez-vous faire, monsieur le
ministre, pour le réformer et l'adapter au mieux aux besoins des entreprises
?
Les PMI expriment un grand besoin de simplification administrative. Dans votre
communication au conseil des ministres du 10 avril dernier, vous avez annoncé
des mesures de rapprochement géographique des DRIRE et des délégations
régionales de l'ANVAR ainsi que des expériences de mise en place
d'interlocuteurs uniques dans les PMI. Où en sommes-nous de la mise en oeuvre
de ces décisions ?
Telles sont les quelques questions que je souhaitais soulever sur le budget du
ministère de l'industrie, non sans avoir remercié nos excellents rapporteurs.
Le groupe des Républicains et Indépendants votera votre budget, monsieur le
ministre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue.
Vous me permettrez d'attirer votre attention, à l'occasion de l'examen du
budget de l'industrie, sur un problème qui se pose à la Réunion et qui relève
directement des services placés sous votre tutelle. monsieur le ministre.
Il s'agit du prix du carburant destiné au transport aérien.
En effet, il ressort d'une étude conduite par la direction régionale de
l'industrie et de l'environnement de la Réunion et d'un audit commandé par les
compagnies aériennes elles-mêmes que le prix du carburéacteur est anormalement
et abusivement élevé à la Réunion.
Les chiffres sont éloquents. Tel qu'il est pratiqué, le prix du carburéacteur
est 44 % supérieur à celui qui est en vigueur à Paris, 32 % supérieur à celui
qui est en vigueur à l'île Maurice, notre voisin immédiat, et 20 % supérieur à
celui qui est en vigueur à Madagascar ou aux Seychelles.
Or le coût du carburant à une incidence directe et sensible sur les tarifs
proposés par les compagnies aériennes, puisqu'il représente environ 20 % du
prix d'un billet Paris-la Réunion et plus de 40 % des offres promotionnelles,
qui intéressent au moins un voyageur sur deux.
On comprend, dans ces conditions, le frein qu'il constitue pour les compagnies
aériennes dans leur recherche de réductions tarifaires et, par voie de
conséquence, pour le développement du tourisme dans l'île.
Cette situation est due à la position de monopole de fait qu'occupent les
compagnies pétrolières pour l'approvisionnement et le stockage. Si elle peut
s'expliquer historiquement, elle n'a plus de raison d'être aujourd'hui et
s'apparente même, selon certains, à une pratique anti-concurrentielle.
Il faut savoir qu'en 1975 - voilà donc plus de vingt ans - deux sociétés
pétrolières françaises, Elf et Total, ont été désignées par les pouvoirs
publics pour réaliser les investissements nécessaires au ravitaillement en
carburant des appareils sur la plate-forme aéroportuaire de la Réunion. En
contrepartie, ces sociétés bénéficiaient d'un monopole d'implantation sur
l'aéroport.
Par la suite, ces sociétés se sont constituées en GIE de moyens, auquel s'est
joint Mobil, pour gérer les installations de stockage et de distribution du
carburant.
Cette position monopolistique est devenue insupportable depuis l'apparition
des vols directs, liés à la mise en place de la piste longue, les compagnies
n'ayant désormais plus la possibilité de s'approvisionner à meilleur coût dans
les pays voisins, lors des escales intermédiaires qui n'existent plus, ce qui
exclut donc toute concurrence.
Je ne nie pas que, dans la composition du prix du carburéacteur à la Réunion,
entrent divers éléments qui contribuent à un surcoût par rapport aux prix
applicables dans la zone de l'océan Indien. Je pense, en particulier, au coût
du transport maritime, puisque le carburant est acheminé, depuis le golfe
Persique jusqu'à, la Réunion, par un seul bateau, français, qui fut imposé par
le gouvernement de l'époque lors de sa mise en service pour renflouer un
chantier naval. Ce navire est devenu obsolète et le risque de rupture des
approvisionnements est permanent.
Cependant, une éventuelle entente tacite entre les distributeurs n'est pas à
exclure dans la détermination du prix du carburéacteur à la Réunion.
La chambre de commerce et d'industrie de l'île a pris, de son côté, des
dispositions pour tenter d'améliorer la situation, notamment en prenant à sa
charge, avec la participation de fonds européens, des travaux sur la
plate-forme aéroportuaire.
Il n'en demeure pas moins que son action ne peut être que limitée en l'absence
d'une expertise détaillée de la structure des prix et de la politique tarifaire
pratiquée par les compagnies pétrolières.
Monsieur le ministre, une telle situation est gravement préjudiciable au
désenclavement de notre île, qui souffre cruellement de son ultrapériphéricité.
Vous en conviendrez, le transport aérien est le seul facteur d'ouverture et de
liaison de ce département d'outre-mer, non seulement avec la métropole, mais
également avec le reste du monde, puisque le transport des passagers ne peut
s'effectuer ni par chemin de fer, ni par voie maritime, faute de bateau de
transport de passagers.
Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement, les Réunionnais ne
veulent pas et ne peuvent pas être les otages des compagnies pétrolières. Aussi
s'avère-t-il urgent qu'une mission vienne dans notre département pour étudier
cette question et, à partir d'un examen de la structure du prix du kérosène,
propose des mesures propres à réduire de façon significative les coûts
d'approvisionnement des compagnies aériennes.
L'amélioration de la compétitivité de l'escale de la Réunion et la rupture de
l'isolement de l'île sont à ce prix.
Je sais que nous pouvons compter sur votre appui et sur votre action, monsieur
le ministre, et je voterai donc votre budget, comme les membres du groupe de
l'Union centriste.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe d'étude des industries
textiles et de l'habillement sait ce qu'il doit à M. Franck Borotra. Je vous
exprime, monsieur le ministre, sa gratitude et je saisis l'occasion qui m'est
offerte pour faire l'éloge du combat quotidien que vous menez contre la
Commission de Bruxelles qui, hélas ! fait de plus en plus figure
d'adversaire.
J'en citerai trois exemples, très brièvement.
J'évoquerai, en premier lieu, la difficulté que vous rencontrez, qui, je
l'espère, sera surmontée, pour faire reconnaître la légitimité du plan textile
que nous vous devons, alors que, comme l'a souligné il y a un instant mon
collègue et ami Alfred Foy, la même Commission s'est montrée singulièrement
réticente, pour ne pas dire plus, quand il s'est agi de faire face aux
conséquences de plus en plus fâcheuses des dévaluations compétitives.
Mon deuxième exemple se rattache à l'intégration d'un certain nombre de
produits sensibles dans le GATT. Là, vous avez remporté, par votre ténacité, un
succès dont je tiens à vous féliciter. Vous avez évité l'intégration des
produits les plus sensibles, en particulier les tissus de laine. Mais il y a
quelque chose qui justifie un effort de réflexion. Imaginons, en effet, que
vous ne soyiez pas parvenu à vos fins. Nous aurions vu le marché européen
envahi par des tissus de laine en provenance des pays tiers, ces pays tiers
n'ayant à acquitter qu'un droit de douane de 11 %. En revanche, si nous avions
voulu, dans une situation ainsi créée, tenter de nous ouvrir les marchés
extérieurs, nous nous serions heurtés, aux Etats-Unis, à un droit de douane
supérieur à 35 % et, en Asie, plus particulièrement en Inde et au Pakistan, à
des droits de douane parfaitement prohibitifs.
Je voudrais, à l'appui de cet exemple, m'élever une fois pour toutes contre la
tendance de la Commission, qui a été créée par le traité de Rome pour défendre
l'Europe, à confondre la libéralisation des échanges commerciaux, qualifiée de
mondialisation, avec une politique équilibrée. Car il ne peut y avoir de
légitime mondialisation que dans la mesure où l'ouverture des frontières est
réciproque, dans la mesure où la règle de réciprocité est posée et respectée.
Dans le cas contraire, il s'agit, non pas d'une libéralisation, mais d'une
véritable sujétion imposée à l'Europe.
M. Bernard Barbier,
rapporteur spécial.
Bravo !
M. Maurice Schumann.
Vous avez fait preuve, dans cette circonstance, d'une ténacité et d'une
clairvoyance assurément louables. Je suis cependant un peu surpris, mais vous
n'y avez aucune part de responsabilité, d'entendre qu'une contrepartie aurait
été accordée sur deux produits, les vêtements de travail en particulier. Mais
qu'importe !
Les conséquences immédiates ne sont pas graves. Il reste que, le 1er janvier
1998, l'Union européenne aura intégré dans le GATT vingt-trois produits sans
l'ombre d'une réciprocité, ni même l'ombre d'un espoir de réciprocité de la
part des pays tiers. C'est là ce qui est grave !
En troisième et dernier lieu, avant le président de la commission des
finances, qui sera amené à le faire, j'en suis sûr, d'ici la fin du débat
budgétaire, je souhaite souligner le poids qui pèse sur les industries de
main-d'oeuvre du fait de la taxe professionnelle.
Un exemple m'a été tout récemment soumis, celui d'une importante entreprise de
mon département, que je ne nommerai pas, bien entendu, dont la taxe
professionnelle a augmenté de 40 % en cinq ans et qui, à l'heure actuelle,
souffre encore d'un écart de 10 % par rapport à son principal concurrent
italien, la taxe professionnelle entrant dans 40 % dans cet écart de 10 %.
Puisque je parle de la concurrence italienne, c'est-à-dire la concurrence d'un
pays qui a pratiqué une dévaluation compétitive, je voudrais bien entendu me
féliciter du retour de l'Italie dans le système monétaire européen. Je ferai
toutefois remarquer que ce pays n'a accepté de réintégrer le système monétaire
européen qu'en conservant une partie, et une partie assurément non négligeable,
du bénéfice qu'elle a retiré des dévaluations compétitives.
Cela me ramène, pour en finir, une fois de plus à la Commission de Bruxelles.
Vous aviez - Dieu sait si c'était légitime ! - demandé qu'au moins les pays
ayant pratiqué une dévaluation compétitive ne puissent plus bénéficier, en
plus, des libéralités, des fonds structurels européens. Vous vous êtes heurté,
le 31 juillet dernier, à une réponse brutalement négative, mais je suis
convaincu que vous ne vous considérerez pas comme définitivement vaincu.
Alors, poursuivez ce combat. Nous vous soutiendrons dans la mesure où vous le
livrerez, mais dites et répétez sans cesse, face à la Commission de Bruxelles :
l'Europe ouverte, oui, l'Europe offerte, non !
(« Très bien ! » et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France,
comme ailleurs, l'industrie reste le coeur du développement économique et
social et la condition du maintien de la souveraineté nationale.
Sur le long terme, la base économique de la compétitivité repose sur
l'industrie qui crée la richesse, permettant de développer des services et donc
de l'emploi.
Mais à l'ère de l'affrontement concurrentiel mondial, les positions acquises
doivent être défendues par une volonté politique capable d'en maintenir les
conditions sur une durée suffisamment longue.
Or, mes chers collègues, l'industrie française cède du terrain depuis quelques
années : évolution erratique de la production industrielle, qui a perdu cinq
points depuis 1991 et dont les performances se situent au dernier rang des
puissances industrielles de l'Union européenne ; dégradation de notre
compétitivité-prix vis-à-vis de nos principaux partenaires ; recul de 21 000
emplois dans les effectifs de l'industrie manufacturière depuis le début de
l'année et baisse du nombre des créations d'entreprises en 1996.
Ce constat n'est pas le mien ; il est celui de M. Robert Galley, rapporteur de
la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement a-t-il pris conscience de cette évolution ? A-t-il voulu
réagir ? Ce n'est pas le cas.
L'exécution du budget de 1996 montre que l'industrie a vu ses crédits les plus
dynamiques lourdement amputés.
En cours d'année, les autorisations de programme ont été annulées à hauteur de
20,3 % du total des crédits d'engagement, pénalisant plus particulièrement les
grands programmes ainsi que l'ANVAR. L'essentiel des annulations porte de
surcroît sur les dépenses d'investissement, comme le déplore Philippe Auberger
dans son rapport à la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, ce projet de budget pour l'industrie scelle l'abandon des
ambitions exprimées jusqu'alors par M. Borotra, contraint qu'il est par la dure
loi de la solidarité ministérielle.
Le « souci d'économie budgétaire » qui préoccupe aujourd'hui les pouvoirs
publics frappe les crédits de façon aveugle, négligeant les aspects
stratégiques et multiplicateurs de certains investissements.
Le budget de l'industrie recule de près de 3 milliards de francs : 14,1
milliards de francs contre 17 milliards de francs en 1996. La diminution est de
17 % pour les dépenses ordinaires, de 20 % pour les autorisations de programme.
Les très contestables opérations de débudgétisations, au profit des dotations
en capital, sont particulièrement aléatoires, comme le remarque judicieusement
notre collègue, M. Bernard Barbier, au nom de la commission des finances du
Sénat.
Les crédits les plus actifs, ceux qui permettent d'innover, de structurer les
métiers, de transférer de la technologie sont frappés de plein fouet par ces
coupes claires.
Les grands programmes, en particulier électroniques, sont en diminution de
13,4 %. L'érosion de 17 % de la dotation allouée à l'ANVAR se poursuit, alors
que cette agence représente l'instrument essentiel de soutien à l'innovation
dans les PMI.
La procédure ATOUT en faveur de la diffusion des techniques stagne. Pourtant,
M. Borotra rappelle que chaque million de francs mobilisé entraîne de quatre à
huit créations directes d'emplois et de dix-huit créations indirectes.
Enfin, le développement local, cette autre dimension d'une politique
industrielle moderne, à l'échelle de l'Europe, sera atteint par la décision
d'étaler les actions sur une année supplémentaire.
Seul le secteur de l'énergie semble épargné par ce désengagement. Mais je
regrette que les moyens accordés à l'ADEME soient à nouveau en chute libre :
par rapport aux moyens affectés à la maîtrise de l'énergie en 1990, l'ADEME ne
bénéficie plus que du quart de ce dont elle disposait en 1990 !
Monsieur le ministre, nous voici bien loin de « l'ardente obligation » prônée
par le général de Gaulle, bien loin de « l'impératif industriel » cher au
président Georges Pompidou. Mes chers collègues, que sont devenus les
engagements du candidat Chirac contre l'immobilisme, contre l'économie de la
rente ?
La France serait-elle vouée au destin d'un pays frileux, gérant le déclin
industriel, faute d'ambition collective et de volonté politique ? Un pays
musée, un pays de rentiers et de spéculateurs ? Nous ne le voulons pas.
La mondialisation, cette contrainte, la construction de l'Europe, cette
opportunité, appellent un projet industriel, une mobilisation des énergies au
service de la performance globale : chefs d'entreprises, salariés, Etat,
collectivités locales, partenaires sociaux, société civile, tous doivent
développer les synergies permettant d'améliorer l'organisation du système
économique et social, de former les hommes, de transférer de la technologie.
Encore convient-il que l'Etat joue un rôle régulateur en favorisant les
coopérations, en allongeant la vision des acteurs et en assurant une certaines
mutualisation des risques inhérents à l'aventure industrielle et
technologique.
Monsieur le ministre, renoncez à cette vulgate libérale, invoquée par
d'autres, pour justifier le désarmement unilatéral de la France, comme le
remarquait à l'instant M. Schumann.
Tenez compte des faits, comme nous avons su le faire, nous à gauche, en
révisant certaines illusions étatistes.
Or, que proposez-vous à notre pays ? Un budget de l'industrie qui entrave
l'entraînement vers le haut des stratégies de compétitivité, qui affaiblit
l'impulsion en faveur de la nécessaire politique technologique et industrielle
européenne, qui brouille la vision de l'avenir.
Avez-vous pour autant conçu une stratégie de recours, dont les privatisations
auraient pu être le vecteur ?
Le moment du bilan, sur ce point aussi, est venu au terme de dix années de
retrait de l'Etat actionnaire, le capitalisme français demeure fragile, faute
de capitaux suffisants. En effet, l'Etat a utilisé le butin d'abord pour
alléger sa dette, puis maintenant pour renflouer les entreprises publiques. Il
a privilégié les tours de table politiques au détriment d'alliances durables et
de stratégies claires.
Or, même dans le cadre d'une gestion conjoncturelle, votre marge de manoeuvre
se restreint. La cession programmée de la banque Hervet au CCF a été
abandonnée, le dossier du CIC vient d'être suspendu. L'éventuel rapprochement
Framatome-GEC Alsthom devra être soumis au Parlement.
Enfin, et surtout, la tentative de privatisation de Thomson ne pouvait qu'être
interrompue au terme des folles péripéties de ces dernières semaines. La
commission de privatisation, qu'on ne peut suspecter d'hostilité de principe à
la privatisation, vient de vous infliger un cinglant camouflet : elle a
considéré « qu'elle ne pouvait émettre un avis favorable à cette opération,
compte tenu des modalités de reprise de Thomson multimédia par Daewoo
Electronics ». Je constate d'ailleurs que la commission européenne s'était émue
de votre projet, il est vrai étonnant, de recapitalisation de Thomson comme
préalable à sa privatisation.
L'opacité de cette privatisation ne pouvait être compatible avec une éthique
industrielle et financière moderne : il faut désormais renoncer à la
privatisation du groupe Thomson et examiner d'autres solutions permettant à la
France de garder une position de leader dans les domaines de la défense et du
multimédia, conformément au souhait de trois Français sur quatre et aux
intérêts vitaux de notre pays. C'est le préalable au rétablissement d'une
situation permettant, du moins nous l'espérons, de limiter les dégâts provoqués
par votre gestion, désastreuse, de la privatisation.
Monsieur le ministre, à défaut de conduire une politique publique volontaire
en matière de compétitivité, à défaut de vouloir mettre un Etat régulateur au
service d'une stratégie de performance globale, ayez le souci du rang et de la
réputation de la France. Renoncez à cette opération suspecte, à cette
privatisation qui illustre l'incohérence des choix et qui souligne l'abandon de
toute stratégie industrielle. Nous refuserons évidemment de voter ce budget.
Nous vous demandons à tout le moins de ne pas injurier l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'industrie tel qu'il nous est présenté ne nous semble pas être à la hauteur
des exigences actuelles de notre économie, ni être en mesure de répondre aux
véritables besoins de notre pays.
Il est dans la lignée de celui de l'année dernière, qui avait notamment
traduit la disparition d'une politique industrielle. Sa réduction sensible, au
moment où sont organisées des restructurations, des privatisations aux
conséquences désastreuses, est là pour le prouver.
Dans un secteur aussi crucial pour l'activité économique, l'emploi, la
croissance et la coopération, dans un secteur essentiel pour l'avenir, vous
soutenez des choix qui nous mènent sur la voie de la régression économique et
sociale. Les aides à la reconversion, aux restructurations, aux nouvelles
technologies et à l'innovation sont toutes affectées par la contraction des
crédits. Dans tous les domaines stratégiques d'intervention du ministère, la
tendance est à l'affaiblissement. Ainsi, les moyens des services baissent de 8
%, les crédits de recherche et d'innovation baissent, eux, de 23 %, tandis que
les crédits d'accompagnement de l'activité industrielle diminuent de 13 %.
Cela est révélateur d'une politique qui porte tous ses coups contre le secteur
public et nationalisé et qui a pour dogme une compétitivité fondée sur la
baisse du coût du travail.
C'est également votre frénésie de privatisation qui mine et destructure le
potentiel économique national ; je n'en prendrai pour exemple que les projets
du Gouvernement concernant Thomson, Framatome, la SFP, le Crédit Lyonnais, le
CIC, Bull, etc.
A cet égard, alors que le Gouvernement prétend diminuer de façon drastique les
déficits publics, il est tout à fait aberrant de poursuivre ce programme de
privatisations qui, de plus, est ruineux pour le pays : Thomson en est
l'exemple le plus criant.
En effet, les privatisations engagées coûtent maintenant plus cher que ne
rapporte la vente des entreprises publiques et se traduisent, en outre, par des
dizaines de milliers de licenciements qui creusent le déficit de la sécurité
sociale et de l'assurance chômage.
En 1996, la politique de privatisation des entreprises du secteur public a
déjà coûté près de 5 milliards de francs aux finances de l'Etat, qui n'accepte
en fait de jouer son rôle d'actionnaire que pour mieux préparer des bénéfices
futures pour des intérêts privés. Cette politique est complétée par l'abandon
des activités jugées les moins immédiatement rentables avec le cortège de
licenciements et de suppressions de postes de travail que cela implique.
Nous assistons là à un véritable bradage du patrimoine national, au bradage
des emplois hautement qualifiés, des capacités technologiques et de recherche,
et de l'argent public. On a ainsi le sentiment d'assister à une gigantesque
partie de « Monopoly financiaro-industriel » engagée sur le dos des
travailleurs et des contribuables.
Mais de tels choix provoquent un profond mécontentement, et parfois même de la
colère. Dans les entreprises du pays monte l'exigence d'un arrêt des plans dits
« sociaux », qui sont en fait des plans de mise au chômage, de la précarité,
des privatisations, des délocalisations, ainsi que l'exigence d'un grand débat
national sur l'avenir de l'industrie française. Vous le savez bien, votre
politique d'abandon national suscite une telle émotion, une telle indignation
que le Gouvernement vient d'être contraint de suspendre la privatisation de
Thomson.
Vous nous répondrez sans doute que suspension ne veux pas dire annulation. Il
n'empêche qu'il se passe des choses dans le pays et que la commission de la
privatisation les traduit à sa façon, comme le sismographe traduit les
mouvements qui se passent en profondeur. De nombreuses collectivités ont voté
des demandes de moratoire face aux restructurations des industries de
l'armement, de l'aéronautique, de l'électronique.
Oui, notre pays a besoin d'une grande politique industrielle qui permette de
résoudre le problème du chômage et des déficits sociaux.
Oui, il faut suivre une autre logique, une logique fondée sur une autre
utilisation des ressources, sur la réconciliation du progrès humain et du
progrès économique.
Pour répondre aux besoins, il faut orienter autrement l'argent : selon des
critères d'utilité et d'efficacité sociales, vers des investissements utiles,
créateurs d'emplois, pour répondre aux besoins.
Pourquoi ne se fixerait-on pas pour objectif, en prenant appui notamment sur
France Télécom, le CNET, Thomson, Alcatel, Bull, de créer un grand pôle
national de l'électronique et du multimédia ?
Cela implique aussi une réelle réforme de la fiscalité et une orientation du
crédit qui découragerait les investissements spéculatifs, les exportations de
capitaux, les délocalisations.
Cela suppose également la transparence dans l'attribution et l'utilisation des
fonds publics, ainsi qu'une extension des droits d'intervention des
salariés.
Ce budget ne se situe pas du tout dans cette logique, il n'est pas doté de
moyens propres à aider véritablement à la définition de l'ambition industrielle
créatrice d'emplois qui manque à notre pays.
En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le
comprendrez, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mers chers collègues, une
industrie innovante, compétitive, à forte valeur ajoutée, de technologie
avancée permet seule de créer des richesses, donc des emplois. C'est elle aussi
qui permet de redistribuer, de payer les fonctionnaires, de construire les
infrastructures, d'éduquer, de soigner, etc.
Le Gouvernement, le Parlement et les Français le savent-ils ? Comparons le
temps qui est dévolu à ce débat sur l'industrie à celui dont bénéficient
d'autres débats et concluons qu'il reste fort à faire !
Je crois que nous souffrons, dans notre pays, d'une véritable absence de
culture scientifique, technique, industrielle et entrepreneuriale.
Certes, il existe de grands organismes voués à la diffusion de cette culture,
mais ils sont pour la plupart parisiens. Ils ne sont pas encore incités à
irriguer l'Hexagone, en particulier les lieux où peut se développer une forte
culture d'innovation entrepreneuriale, et je pense notamment ici aux
technopoles. J'ai déjà demandé à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la
culture, qui est en charge de la Cité des sciences et de l'industrie, de faire
en sorte que cet établissement étende son influence à tout le territoire.
Pourrez-vous appuyer cette demande, monsieur le ministre ?
Peut-être ce manque de culture explique-t-il en partie que les crédits alloués
à votre ministère pour 1997, indépendamment des circonstances budgétaires très
difficiles ne soient pas plus substantiels.
Mais il y a crédits et crédits, et je pense que certaines subventions
publiques ne sont pas forcément sources de création de richesses.
A cet égard, vous avez adopté une stratégie intelligente, notamment en
concentrant les appuis à l'innovation sur les cinquante technologies clés que
vous avez retenues pour 1997.
Vous avez réservé au financement de cette action un milliard de francs sur
deux ans, dont 500 millions de francs pour 1997, c'est-à-dire plus que la
totalité des crédits du fonds de la recherche et de la technologie, ce qui
n'est pas mince. Je connais des centaines d'entreprises innovantes, notamment à
Sophia-Antipolis et dans d'autres technopoles, qui répondront certainement à
votre appel à propositions.
La culture entrepreneuriale doit être fortement encouragée dans certains pôles
d'excellence.
Votre ministère, qui doit veiller à favoriser la création de richesses, et
donc apporter un appui à ceux qui veulent gagner, qui se sentent forts et
enthousiastes, est par nature hostile au camp déjà trop nombreux des
administrations égalitaires, qui se bornent à redistribuer
(murmures sur les travées socialistes),
à écrêter, à empêcher les
gagneurs de gagner, parfois à les dégoûter, voire à les inciter à émigrer, donc
à faire perdre tout le monde.
Il y a là un problème de fond, et je crois qu'il s'agit d'un problème
culturel.
Le fait de se battre et de gagner n'est tout de même pas réservé, en France,
aux seuls joueurs de tennis ou de rugby !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Gagner au
tennis, c'est important !
(Sourires.)
M. Pierre Laffitte.
Je suis heureux que nos joueurs de tennis et de rugby gagnent, mais je serais
heureux que nous aimions et aidions nos entrepreneurs qui gagnent des marchés,
qui créent des emplois et qui s'enrichissent, au lieu de réserver notre
compassion à ceux qui quémandent des subventions et qui, souvent, finissent par
licencier du personnel.
Aimons et aidons aussi nos bonnes équipes de recherche, qui génèrent des
créations d'entreprises ! Je pense, par exemple, aux écoles d'ingénieurs qui
sont les plus appréciées, notamment celles qui dépendent de vous, monsieur le
ministre, en particulier l'école des Mines de Paris. Aidons-les, fût-ce au
détriment d'autres qui seraient moins performantes. Il faut avoir le courage de
ses choix. A bas l'égalitarisme source de languidité !
(Nouveaux murmures sur les travées socialistes.)
Vive la performance,
source de progrès, de richesses et d'emplois ! Parce que c'est grâce à cela
qu'on pourra redistribuer !
Pour terminer, je dirai quelques mots sur le transfert des technologies et le
nécessaire développement de l'action de l'ANVAR, l'Agence nationale de
valorisation de la recherche, dans son rôle de premier plan.
Evitez, monsieur le ministre, de laisser l'ANVAR dériver vers une fonction
financière. L'organisme à compétence technique qu'est l'ANVAR est irremplaçable
pour aider les poules aux oeufs d'or de l'économie à se développer.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Pierre Laffitte.
Nous avons, avec l'ANVAR, un instrument extraordinaire, souple, dynamique,
très peu bureaucratique. Gardons-le ! Les établissements financiers ont besoin
d'une compétence technique, que l'ANVAR devra leur apporter en liaison avec les
DRIRE et autres services déconcentrés de l'Etat. Ainsi pourront être financées
localement les PMI susceptibles de créer des emplois.
Bien entendu, monsieur le ministre, le groupe du RDSE, dans sa majorité, vous
apportera son soutien.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me
permettrez, à cette heure tardive, d'abréger mon propos : je me contenterai de
rappeler un postulat, de dresser trois constats et de formuler quelques
orientations.
Le postulat tient en quelques mots : il ne saurait y avoir de croissance
durable sans un socle industriel fort.
L'industrie a toujours été la source et de la compétitivité et du rayonnement
de notre pays. C'est l'industrie qui génère les services, non l'inverse, et
c'est sur le terrain industriel que la compétitivité et le combat économique se
gagnent.
Premier constat : pendant quinze ans, nous avons laissé se perdre notre
ambition industrielle. Plus d'un million d'emplois industriels ont disparu, ce
qui ne s'était jamais vu auparavant. L'investissement a chuté dans des
proportions considérables, parfois de plus d'un tiers. Notre croissance
industrielle a été inférieure à celle de l'Allemagne, des Etats-Unis ou du
Japon. Bref, nous avons reculé. Certains secteurs de notre industrie ont
considérablement décliné, d'autres ont quasiment disparu, et nous entendons
fréquemment les plaidoyers, à la fois passionnés et émus, de nos collègues
représentant des régions où industries textiles, chantiers navals risquent de
n'être bientôt plus que des souvenirs.
Deuxième constat : l'Etat est un mauvais industriel. Oh, je ne crois pas que
cela tienne à la qualité des hommes. C'est bien plutôt affaire de structures,
d'insuffisante réactivité des processus de décision. Cela tient peut-être aussi
à une certaine irresponsabilité de l'ensemble des dispositifs étatiques.
Cela n'a pas empêché, il est vrai, la réussite éclatante de certains secteurs
: l'électronucléaire, parce que c'était pour nous une question de survie,
l'espace, le TGV, etc. Cependant, ces réussites ne sauraient masquer l'échec
des plans volontaristes. Je me souviens d'avoir entendu, au cours de ma
carrière au ministère de l'industrie, parler des plans informatiques - on en
voit les résultats à l'heure actuelle - des plans machines-outils - y en a-t-il
eu dix, onze, douze ou treize ? Je ne me souviens plus ! - des plans textiles -
nous voyons où nous en sommes aujourd'hui - des plans sidérurgie, et j'en
passe.
Troisième constat : l'accélération des évolutions dues à la modernisation met
en évidence tous les jours certaines de nos faiblesses, et ces faiblesses
tiennent aux charges qui pèsent sur notre compétitivité.
Le processus est bien connu, et nous en avons débattu tout au long de la
discussion de la première partie du projet de loi de finances : des dépenses
qui s'accroissent plus vite que la richesse ou que les capacités contributives,
des déficits qui se creusent, des impôts qui augmentent, des taxes que l'on
crée, finalement, un ensemble de prélèvements obligatoires qui constituent
autant de fardeaux difficilement supportables pour notre industrie.
Et cela s'observe aussi bien à l'échelon national qu'à l'échelon local. M.
Maurice Schumann a parlé des taxes professionnelles dont on a allègrement
augmenté le taux au cours des dernières années et qui pèsent sur nos
entreprises.
D'ailleurs, nous en sommes bien conscients puisque, chaque fois que nous
voulons aider un secteur, nous allégeons ses charges. C'est vrai, monsieur le
ministre, des allégements de charges portant sur 50 milliards de francs ont été
décidés. Mais peut-être est-ce précisément parce qu'il y avait 50 milliards de
charges de trop.
M. Félix Leyzour.
Le résultat n'est pas brillant !
M. Jacques Oudin.
Ce n'est qu'un palliatif, même si c'est un palliatif coûteux.
J'en viens à la formulation de quelques propositions. Elles vont à peu près
dans le même sens que celles dont il a déjà été fait état. Certaines sont
d'ordre général, d'autres sont plus spécifiques.
Pour ce qui est des propositions d'ordre général, à l'évidence, il faut
essayer de rétablir au niveau mondial davantage d'ordre dans le domaine
commercial, mais aussi dans le domaine monétaire.
Nous avons plaidé avec un certain succès pour la création de l'organisation
mondiale du commerce, l'OMC, dont certains de nos concurrents ne voulaient pas
trop parce qu'ils sentaient bien que, dans ce monde de la jungle, la victoire
va peut-être au plus fort et qu'une telle institution est là pour faire
respecter certaines règles, pour empêcher certaines pratiques : les obstacles
non tarifaires indûment appliqués, les pratiques non concurrentielles, les
contrefaçons. Monsieur le ministre, comme notre industrie souffre de ces
contrefaçons !
Mais il y a aussi les désordres monétaires : désordre lancinant des
sous-évaluations chroniques du yen ou du dollar ; désordres plus brutaux des
dévaluations compétitives.
Bien entendu, ces problèmes dépassent le strict cadre d'une discussion
budgétaire, mais essayons au moins de voir comment on peut les régler au niveau
européen.
Je suis bien conscient de pousser ainsi la porte d'un débat qui n'est pas
tranché puisque la monnaie unique ne recueille pas l'assentiment général.
Regardons les choses en face : si nous ne faisons rien, que se passera-t-il
dans quelques années ? Il y aura une zone mark, avec l'Allemagne, l'Autriche,
l'Europe du Nord, le Bénélux et l'Europe de l'Est ; et puis, à côté, la France,
les pays de l'Europe du Sud, avec des monnaies modérées ou faibles.
Je crois que la voie qui a été choisie, celle de la recherche de l'euro, a au
moins un avantage : elle pourra créer une zone de stabilité. Elle pourra
surtout nous permettre, vis-à-vis des autres grandes monnaies, de rétablir les
équilibres, afin que nous ne subissions plus autant les désordres que j'ai
évoqués et leurs conséquences néfastes sur nos systèmes industriels.
S'agissant de l'Europe, évitons de continuer à pécher par naïveté. J'ai bien
aimé la formule de Maurice Schumann : « Nous voulons bien une Europe ouverte,
mais non pas une Europe offerte ».
Evitons d'ouvrir les marchés européens sans exiger de contreparties et,
surtout, monsieur le ministre, lorsqu'on a obtenu des contreparties, exigeons
de pouvoir contrôler la réalité de leur application.
Essayons de donner à l'Europe, dans un autre domaine, une conscience
industrielle au-delà de sa seule obsession libérale.
L'Europe doit pouvoir préparer notre industrie à affronter l'épreuve de la
mondialisation, mais avec des structures adaptées à cette compétition. Je songe
ici à la doctrine européenne en termes de concentration ou de regroupement
d'entreprises. N'ayons pas comme seul horizon l'horizon européen. Mettons-nous
au moins au diapason des enjeux mondiaux.
J'en viens maintenant aux propositions à l'échelon national.
Monsieur le ministre, lorsque nous examinons les chiffres, nous nous
apercevons que, dans toutes les nations industrielles, les petites et moyennes
industries sont plus nombreuses que les grandes entreprises, lesquelles
licencient. Les petites et les moyennes industries sont le fer de lance de la
croissance industrielle.
Lorsque nous comparons le tissu des PMI françaises et celui des PMI
allemandes, nous nous apercevons de notre relative faiblesse : nos industries
emploient entre 20 % et 30 % de salariés en moins ; elles investissent moins et
exportent moins.
Vous connaissez ce constat et la priorité. Le Gouvernement a d'ailleurs, sur
votre proposition, engagé un programme important d'aide aux petites et moyennes
industries, mais nous connaissons les problèmes récurrents auxquels elles sont
confrontées, qu'il s'agisse de leurs relations avec les banques - et ce n'est
pas le réseau bancaire quelque peu fragilisé que nous connaissons qui permettra
d'améliorer ces relations - ou des difficultés à l'exportation.
A cet égard, monsieur le ministre, je vous demande d'être particulièrement
attentif au problème de l'assurance prospection.
Comment les entreprises vont-elles financer les marchés qu'elles ont obtenus ?
Je sais que, dans certains cas, vous avez réussi à trouver des solutions pour
financer les marchés à l'exportation mais ce n'est pas par des solutions
ponctuelles que le problème général sera résolu.
Si nous voulons conforter le tissu des PMI, il faut le renouveler. A cet
égard, des entreprises doivent pouvoir se créer, ce qui, dans le domaine
industriel, est plus difficile, plus lourd et plus coûteux que dans d'autres
domaines.
Le plan d'aide aux créations d'entreprise comporte une mesure essentielle : je
veux parler des exonérations fiscales. Lorsqu'elles se créent, les entreprises
font moins de bénéfices, elles sont plus fragiles et ont moins de fonds
propres. Si nous voulons qu'elles se développent, il faut maintenir un système
d'exonérations fiscales.
Par la suite, elles ont besoin de maintenir leur outil de production à la
hauteur des enjeux de la compétition. Elles doivent donc pouvoir le renouveler
et investir rapidement. Dans ces conditions, vous n'avez qu'une solution : vous
devez mener une politique d'amortissement conforme aux impératifs de la
compétitivité.
Il est aberrant que nous soyons le seul pays dans lequel une entreprise ne
peut pas amortir la première année au moins la moitié de l'investissement
industriel qu'elle a engagé, sauf à recourir au crédit-bail. Le Premier
ministre avec qui je me suis entretenu à ce sujet estime qu'il existe une piste
de réflexion en ce domaine.
Il est vrai que, à court terme, cette politique d'amortissement coûte cher,
mais elle rapporte beaucoup plus à moyen terme. Elle doit être, par ailleurs,
adaptée à l'évolution des technologies, et il s'agit là d'un immense
chantier.
Dans le même ordre d'idées, il faut mener une politique en matière de
recherche, de développement et de crédits d'impôt - recherche compatible avec
l'accélération des technologies.
Le quatrième axe, à l'échelon national, concerne la pérennité et la
transmission des entreprises. Je sais qu'il est difficile de trouver une
disposition tendant à faciliter cette transmission dans la mesure où elle
profitera nécessairement au vendeur alors qu'elle devrait profiter à
l'acquéreur.
Un problème se pose que personne n'a réussi à résoudre complètement, mais ce
n'est pas une raison pour baisser les bras.
Enfin, le dernier point de mon intervention a trait à la construction navale
dont vous êtes un peu le tuteur, monsieur le ministre. M. le rapporteur pour
avis a dit tout à l'heure que seuls les crédits consacrés à l'aide à la
construction ont augmenté. Ils atteignent en effet 850 millions de francs.
C'est une bonne chose, mais une aide, sans une politique d'accompagnement, est
insuffisante. Or, la France a une nouvelle ambition en matière de politique
maritime que M. le Président de la République a définie et que le Gouvernement
a engagée. Nous avons voté ici-même une loi sur les quirats.
Nous avons mis en place une politique d'agrément que je vous demande
d'utiliser au mieux de nos intérêts, monsieur le ministre. Nous venons de
perdre deux paquebots qui sont partis en Finlande alors que nous avons les
meilleurs chantiers navals. C'est dommage ! Nous avons là un exemple d'une
politique industrielle dynamique que nous pouvons mener.
En conclusion, face au défi de la concurrence et de la mondialisation, nous
devons, à l'évidence, faire preuve d'une grande énergie et de détermination. Je
sais, monsieur le ministre, que vous en avez à revendre et que le Gouvernement
a engagé des politiques courageuses en ce domaine.
Si l'Etat n'a ni la vocation d'être un industriel ni la capacité de l'être, il
a au moins le mérite de pouvoir redevenir un chef d'orchestre, un concepteur,
un dynamiseur de notre développement industriel. C'est la clé de notre audience
européenne et mondiale.
Monsieur le ministre, nous savons que, pour ce challenge, nous pouvons compter
sur vous comme vous pouvez d'ailleurs compter sur notre soutien.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont
souligné les orateurs précédents, notamment le rapporteur spécial, M. Barbier,
le budget de l'industrie est l'un de ceux qui enregistrent la baisse la plus
forte. Les dépenses d'intervention, notamment, diminuent de 27 % et les crédits
d'investissement de 20 %.
Ces chiffres traduisent, à l'évidence, le désengagement de l'Etat du secteur
industriel, ainsi que l'a parfaitement démontré notre collègue M. Michel
Charzat.
En outre, entre 1986 et 1988, et depuis 1993, vous avez entrepris un processus
de privatisations à marche forcée de nos grands groupes industriels publics.
Ainsi, l'Etat et la collectivité nationale se trouvent dépouillés des derniers
instruments de leur souveraineté.
Vous livrez au marché les plus beaux fleurons de notre industrie chèrement
acquis et entretenus par le travail et l'épargne de tous.
Je m'interroge, monsieur le ministre, sur les motifs qui vous incitent à vous
engager dans cette frénésie de privatisations, dans cet abandon au
totalitarisme des marchés. Nos entreprises nationales ont-elles démérité ?
Honnêtement, mes chers collègues, si l'Etat n'avait pas apporté son soutien,
serions-nous aujourd'hui la patrie de Caravelle, de Concorde, d'Airbus,
d'Ariane et de Spot ?
Pourrions-nous nous féliciter de notre réseau EDF, de celui de France Télécom
et de la télévision haute définition ?
Ces activités à haut risque, à forte exigence de capital, à cycles longs, à
retours d'investissements à dix ou quinze ans, avec un espoir de profit bien
éloigné de l'horizon des marchés financiers, existeraient-elles sans la volonté
et l'intervention de la puissance publique ?
Votre principal et unique argument, régulièrement asséné par le ministre de
l'économie, se réduit à déclarer que « l'Etat n'a pas vocation à gérer des
entreprises ». Voilà une affirmation qui reste encore à démontrer, un
présupposé ultralibéral que vous énoncez sans douter, lorsque l'on vous
interroge sur votre démarche. Mais quelle est donc la vocation de l'Etat,
monsieur le ministre ?
Est-elle d'inciter des entreprises étrangères à s'implanter, puis de les
laisser partir, et avec elles les emplois, lorsqu'elles ont asséché toutes les
subventions et les aides diverses ?
Est-elle de donner un coup de pouce aux entreprises automobiles par la
distribution de primes à la casse et, dans le même temps, de privatiser Renault
?
Est-elle de suppléer les défaillances du patronat en payant, par exemple, à la
place des patrons, comme nous l'avons vu dans le conflit des routiers ?
Est-elle de payer encore quand, par exemple, le président-directeur général
d'une société pétrolière fraîchement privatisée veut encore faire appel à
l'Etat pour maintenir en France ses raffineries non rentables selon les critère
du marché ?
Pour vous, l'état « naturel » de la société, c'est le marché. Cette raideur
idéologique vous conduit à des choix qui vont être dramatiques pour notre pays.
Plutôt que de parier sur des entreprises qui ont fait leurs preuves sur le
terrain technologique, vous préférez vous en tenir à un choix strictement
comptable.
Appréciez-vous, à leur juste prix, les conséquences pour la collectivité
nationale de décisions qui peuvent s'avérer rentables pour quelques-uns et fort
coûteuses pour tous les autres, notamment en termes de suppressions d'emplois
?
Les nationalisations de 1982 ont permis, qu'on le veuille ou non, de sauver de
la faillite le patrimoine industriel de la France. Rhône Poulenc, Pechiney et
Saint-Gobain ont pu être redressées et sont aujourd'hui attractives pour les
investisseurs boursiers parce que l'Etat a, dans les années quatre-vingt,
engagé un effort sans précédent en matière d'aides, de développement et de
recapitalisation.
Ainsi, un rapport de la Cour des comptes de 1990 montre que, sur un
échantillon de dix entreprises nationalisées en 1982 et privatisées entre 1986
et 1988, l'Etat, qui avait investi près de 32 milliards de francs, en a retiré
54 milliards de francs. En l'occurrence, l'Etat n'a pas été un aussi mauvais
gestionnaire que vous voulez le faire croire.
Monsieur le ministre, en vendant nos groupes industriels à un moment
particulièrement mal choisi, vous livrez ces entreprises à la jungle des
marchés dans un environnement particulièrement hostile pour les salariés. Vous
dépouillez l'Etat, vous l'appauvrissez et vous le privez de toute possibilité
d'intervention pour garder les emplois ainsi que de bonnes conditions de
travail et de rémunération.
Pourquoi, monsieur le ministre ? Je ne vois pas d'autre explication que ce
dogme libéral réaffirmé régulièrement, par exemple, par le groupe de Davos qui
ne cesse de vanter la politique monétaire restrictive, la flexibilité du
travail, le démantèlement de l'Etat providence et qui applaudit aux
privatisations.
La compétition reste, pour les membres de ce groupe, la seule force motrice et
malheur aux gouvernements qui ne suivraient pas cette ligne. « Les marchés les
sanctionneraient immédiatement, » avertit Hans Tietmeyer, président de la
banque centrale allemande car, selon lui, « les hommes politiques sont
désormais sous le contrôle des marchés financiers ».
Ainsi que le déclare Marc Blondel : « Les pouvoirs publics ne sont au mieux
qu'un sous-traitant de l'entreprise. Le marché gouverne. Le Gouvernement gère.
» Il ne reste plus aux peuples que le choix entre la pauvreté et le chômage. Il
fut un temps où licencier en masse était une honte, une infamie. Aujourd'hui,
plus les licenciés sont nombreux, plus la Bourse se porte bien.
Mais quelque chose bouge au sein de l'aréopage des tenants du marché à tout
prix. On sent planer un doute, une inquiétude et le sentiment qu'une période
s'achève.
Le professeur Klaus Schwabe, fondateur du forum de Davos, a lui-même formulé
une mise en garde : « La mondialisation est entrée dans une phase très
critique. Le retour de bâton se fait de plus en plus sentir. On peut craindre
qu'il n'ait un impact fort néfaste sur l'activité économique et la stabilité
politique de nombreux pays. »
D'autres experts dressent un constat encore plus pessimiste. Ainsi, Mme
Rosabeth Moss Kanter, ancienne directrice de la
Harvard Business Review
et auteur de
The World Class
a averti : « Il faut créer la confiance
chez les salariés et organiser la coopération entre les entreprises afin que
les collectivités locales, les villes et les régions bénéficient de la
mondialisation. Sinon, nous assisterons à la résurgence de mouvements sociaux,
comme nous n'en avons jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. »
Les mouvements sociaux en Europe, ceux de l'hiver 1995 et de 1996 en France,
bien compris et bien soutenus par les opinions publiques, montrent que les
limites de l'insupportable sont atteintes.
Les citoyens commencent à exprimer fortement - pardonnez-moi l'expression -
leur « ras-le-bol » à l'égard des gouvernements qui acceptent, inertes,
l'extension des inégalités, du chômage et de la misère.
L'idéologie libérale, qui croit avoir tout gagné, est en réalité déclinante.
Comme son interface bureaucratique et totalitaire, elle est du XIXe siècle,
alors qu'il nous faut inventer le XXIe. « Il y a crise quand le vieux ne veut
pas mourir et que le neuf ne peut pas naître », disait Gramsci. Nous y sommes.
Plus d'Etat, moins d'Etat, ce débat stérile est dépassé. Imaginons mieux
d'Etat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, je m'efforcerai de répondre le plus rapidement
possible, mais de manière précise à vos interventions, la plupart du temps très
intéressantes. D'abord, je voudrais remercier MM. les rapporteurs des propos
qu'ils ont tenus et des rapports qu'ils ont faits et qui sont très
remarquables.
Monsieur Barbier, votre intervention appelle quelques réflexions de ma part.
Je souhaiterais tout d'abord faire une mise au point : le budget de l'industrie
ne baisse pas de 17 %. Je le dis une fois pour toutes et moins pour vous que
pour tous ceux qui se sont exprimés sur ce point. Pour certains, cela ne pose
pas de problème car, on le sait depuis longtemps, ils sont brouillés avec les
chiffres.
M. Félix Leyzour.
Les chiffres sont les chiffres !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Pour
d'autres, c'est plus difficile à comprendre. Le budget de l'industrie diminue
de 0,71 %. On ne peut pas, d'un côté, comptabiliser toutes les dépenses et, de
l'autre, oublier une partie des recettes. On peut se demander si les dotations
en capital sont la solution de financement la mieux adaptée. Cependant, quand
on examine les crédits du budget de l'industrie, on ne peut pas considérer que
ces dotations en capital n'existent pas.
A tous ceux qui ont retenu des chiffres de cet ordre, je demande d'ajouter aux
recettes du budget de l'industrie 2 780 millions de francs, c'est-à-dire 2 445
millions de francs au titre de Charbonnages de France, 160 millions de francs
au titre du FIBM et 175 millions de francs au titre du CEA.
Il faut, je crois, cesser ce type d'approche qui est tout à fait comptable et
qui a pour conséquence de ne pas prendre en compte les réalités. J'ajoute qu'il
faudrait en plus enlever un demi-point du budget de fonctionnement pour tenir
compte de la modification du périmètre du budget de l'industrie. En effet, deux
agences, l'ANF - agence nationale fréquences - et l'ART - agence de régulation
des télécommunications - ont « quitté » le budget de l'industrie, avec leurs
crédits et leur personnel, pour donner naissance à des agences indépendantes
dans le cadre de la libéralisation des télécommunications.
Telle est la première remarque que je tenais à formuler. Je ne reviendrai pas
sur ce point, car, j'en suis sûr, chacun, ici, est de bonne foi.
Je voudrais maintenant souligner que, concernant Charbonnages de France -
puisque vous en avez parlé, monsieur le rapporteur - les crédits augmentent de
18 % par rapport à ceux de l'année dernière. Cela répond à une logique
financière. En effet, le déficit de Charbonnages de France a été séparé de ses
charges spécifiques. En tout état de cause, s'il est vrai que l'endettement est
celui que vous annoncez, il s'agit d'engagements de l'Etat que celui-ci devra,
bien sûr, respecter.
En ce qui concerne le CEA, les crédits augmentent de 1,7 %. Je relève, en
particulier, 650 millions au lieu de 600 millions de francs, avec, en plus, en
termes d'investissements, le respect du contrat d'objectifs, c'est-à-dire les 1
200 millions de francs affectés chaque année. J'ajoute que tout cela s'inscrit
dans un effort de réorganisation permanent du CEA, engagé pratiquement depuis
1985 et qui a conduit à une diminution de ses effectifs de 23 %, c'est-à-dire
un effort sans équivalent dans l'ensemble des structures administratives. En
1997, il y aura, au CEA, 670 départs dont la moitié seront remplacés.
Pour répondre à une préoccupation qui a été exprimée tout à l'heure, je
précise que j'ai décidé d'engager une étude pour voir comment on peut
pérenniser le financement de la recherche du CEA. En effet, il me paraît
naturel non seulement d'assurer le respect du contrat d'objectifs en termes
d'investissements, mais aussi de donner de la visibilité, en particulier au CEA
pour qu'il soit certain de pouvoir assurer les engagements sur lesquels je
dirai un mot tout à l'heure, en particulier en ce qui concerne la filière
nucléaire.
S'agissant de l'ADEME, il est vrai que l'on observe une baisse de 5 % des
crédits de fonctionnement. Lorsqu'on examine la question globalement, on peut
avoir une vision quelque peu déformée. Le ministère de l'industrie paie un
tiers des frais de fonctionnement de l'ADEME, alors que les actions qui le
concernent n'en représentent que 10 %. Je rappelle tout de même que les autres
ressources proviennent du ministère de la recherche et des taxes parafiscales,
en particulier de la taxe de mise en décharge.
Les excédents de trésorerie, qui naissent du décalage entre l'entrée et la
dépense, génèrent effectivement des produits financiers. Il faut savoir que ces
derniers sont affectés à l'investissement, en particulier aux dépenses liées à
la mise en décharge des déchets. Dans le choix que j'ai été conduit à faire,
j'ai en effet donné la préférence aux dépenses de fonctionnement pour permettre
à cette agence de continuer à progresser.
Comment peut-on faire pour essayer d'améliorer son fonctionnement, puisque
vous avez posé la question, monsieur le rapporteur ? L'une des directions
serait d'augmenter le prélèvement sur la taxe de mise en décharge au profit du
fonctionnement. Cela pourrait, si les sénateurs le souhaitent et si les députés
l'acceptent, faire l'objet d'un amendement sur le collectif budgétaire.
En tout état de cause, en ce qui concerne l'ADEME, nous sommes décidés à
conduire une réflexion à plus long terme sur les actions à mener, en
particulier dans ce domaine très important de la maîtrise de l'énergie. Je
serais partisan de confier éventuellement cette mission à un sénateur, pour
avoir une vision d'ensemble sur ce problème.
S'agissant de la construction navale - j'aurai l'occasion d'y revenir tout à
l'heure - je voudrais simplement préciser que nous avons augmenté
substantiellement les crédits en autorisations de programme pour 1997 par
rapport à 1996 ; il en est de même des crédits de paiement. Il s'agit d'essayer
d'aider ce secteur industriel à se maintenir, car la volonté du Gouvernement
est qu'une industrie de la construction navale marchande existe en France et se
maintienne.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Parfait !
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
En ce qui
concerne Alcatel et Framatome, sujet sur lequel je reviendrai car il a été
évoqué par d'autres intervenants, je voudrais apporter une précision.
La filière nucléaire française, c'est quelque chose de très important, mais ce
n'est pas seulement Framatome. En effet, la filière nucléaire française c'est
le CEA, EDF, la COGEMA et Framatome. Je voudrais d'ailleurs rappeler que,
pendant la quasi-totalité de son histoire, Framatome a été une entreprise
privée et que si la filière électro-nucléaire française est devenue un modèle
dans le monde, c'est par l'effort permanent que tous les gouvernements ont
consenti depuis 1973, en s'appuyant sur les efforts de recherche qui avaient
été engagés bien avant par le CEA, gouvernements qui avaient consacré 1 000
milliards de francs à la construction des cinquante-sept tranches nucléaires
qui représentent l'outil nucléaire français.
Le maintien de la maîtrise française sur la filière nucléaire française, c'est
la volonté des pouvoirs publics de remplacer les tranches quand le besoin s'en
fera sentir, de maîtriser l'ensemble du cycle du combustible et en particulier
de maîtriser clairement les conditions du retraitement et du recyclage, de la
vitrification et de la mise en stockage souterrain des déchets nucléaires.
C'est cela la filière nucléaire !
Sur ce point, je voudrais que les choses soient claires : la France est
décidée à maintenir sa propre maîtrise sur la filière nucléaire française. On
peut discuter du rapprochement entre GEC Alsthom et Framatome. Cependant, le
fait d'associer ces deux entreprises est conditionné par le respect d'un
certain nombre de conditions.
J'en ai fixé cinq : premièrement, le maintien par la France de la maîtrise
nucléaire française ; deuxièmement, le maintien de l'accord entre Siemens et
Framatome, accord qui est confirmé au plus haut niveau par M. le Président de
la République française et par le Chancelier Kohl ; troisièmement, le maintien
du périmètre de l'activité nucléaire de Framatome, le maintien de son identité,
de sa structure, de ses implantations et de sa marque ; quatrièmement, la
préservation des réserves de démantèlement qui naissent de l'activité de
Framatome ; enfin, la nécessité d'une majorité française s'appuyant à la fois
sur le pôle public et sur les intérêts français à travers un pacte
d'actionnaires. Cela constitue, à l'évidence, pour Framatome, si le projet
industriel est jugé intéressant par les différents partenaires, la protection
absolue de la filière nucléaire française.
(M. Laffitte fait un signe d'assentiment.)
Monsieur Grignon, vous avez insisté à juste titre sur l'importance de
l'innovation. Je voudrais, même si l'on ne peut pas être d'accord sur tout, que
l'on prenne au moins acte du fait que, dans le présent projet de budget, on a
accordé la priorité à l'innovation, notamment en faveur des petites et moyennes
industries.
M. Pierre Laffitte.
C'est exact !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Je
voudrais vous éclairer un peu sur les chiffres. En pratique, 3,3 milliards de
francs seront dépensés pour financier l'ANVAR et le FRT, ainsi qu'au titre des
crédits industriels. Ces derniers représentent à eux seuls 1,9 milliard de
francs pour 1997, et il est vrai que, s'ils sont en recul par rapport à la loi
de finances initiale de 1996, ils connaissent une forte hausse par rapport aux
crédits effectivement engagés après régulation.
Je voudrais que l'on comprenne bien ce que nous cherchons à faire.
Premièrement, nous avons recentré les crédits dont nous disposons sur les
technologies clés. M. Laffitte a évoqué ce point tout à l'heure. Ainsi, 1
milliard de francs sur deux ans seront consacrés à ces technologies clés pour
permettre aux entreprises, en particulier aux PMI, d'adopter les technologies
du XXIe siècle. Ce n'est pas négligeable.
Deuxièmement, nous avons maintenu les crédits destinés aux PMI, en soumettant
leur utilisation à des procédures d'évaluation. L'un d'entre vous a indiqué
clairement tout à l'heure que l'on connaît en effet, par million de francs
dépensés pour aider les PMI, le retour en termes de création d'emplois directs
ou indirects, de chiffre d'affaires et de recettes fiscales. Si tout le monde
fournissait le même effort d'évaluation de l'efficacité des crédits affectés à
l'aide aux entreprises, je crois que nous ferions des progrès.
Troisièmement, nous avons réorienté ce que l'on appelle les grands projets
innovants - il s'agit, vous vous en souvenez sans doute, du PREDIT, de
l'ex-BIOAVENIR, aujourd'hui appelé REACTIF, ou de MEDEA - en nous appuyant
davantage sur les entreprises privées et en essayant de nouer des partenariats
européens. De plus, nous privilégierons ceux qui dans le cadre de ces grands
projets, s'associent à des moyennes industries.
J'ajoute que j'ai pris une première initiative en matière d'innovation, qui
est de confier au Plan la mission de nous aider à mettre en place un dispositif
dans le domaine de la normalisation et de la certification, qui permettra aux
entreprises d'accéder aux marchés étrangers et de faire face à la
concurrence.
Je souligne, en particulier, au-delà de la normalisation, que compte tenu de
l'inexistence en France de grands bureaux d'études capables d'arrêter les
cahiers des charges d'appels d'offres internationaux, la quasi-totalité de ces
appels d'offres étant réalisée à partir de normes ou de cadres anglo-saxons,
ils sont, par voie de conséquence, plus difficiles à remplir de la part des
entreprises françaises.
Nous discutons également de la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs avec le
LNE, le laboratoire national d'essais. En tout cas, nous sommes décidés à aider
ces moyennes industries, lesquelles sont au nombre de 23 000 et comptent entre
20 et 500 salariés. Leur taille est insuffisante comme leur financement et leur
accès à l'exportation, si bien qu'elles emploient moins de salariés qu'elles ne
pourraient le faire si elles avaient la même taille que leurs concurrentes
allemandes. D'après nos calculs, si ces 23 000 entreprises avaient la même
taille que leurs concurrentes allemandes, elles emploieraient 400 000 salariés
de plus.
Je tiens à la disposition de ceux que cela intéresse l'ensemble des chiffres
sur l'évaluation de ces procédures, que ce soit sur le GPI, les procédures
Atout ou les procédures Eurêka. Il faut étudier cela, car l'examen de la bonne
utilisation des finances publiques est la fonction des parlementaires.
M. Besson a fait un rapport intéressant sur l'énergie. A cet égard, je dirait
tout d'abord qu'il n'y a pas de désaccord entre nous, s'agissant des problèmes
de mission de service public. Nous nous battons au niveau de l'Europe. J'ai eu
le plaisir de constater que, lors de la première discussion sur une éventuelle
directive relative au gaz, l'obligation de service public a été adoptée
unanimement, quelques réserves émanant simplement des ultralibéraux ; c'est une
nouveauté, car je me souviens des batailles que nous avons menées dans les
domaines de la poste, des télécommunications et de l'électricité.
Par ailleurs, dans le secteur de l'électricité, nous avons mis en place une
directive qui doit être examinée le 10 décembre prochain par le Parlement
européen.
Les choses doivent être clarifiées, car, à cette heure tardive, il n'est plus
temps de se livrer à la polémique ! La planification à long terme est reconnue
comme un principe essentiel de l'organisation du marché de l'électricité pour
ceux qui choisissent l'acheteur unique plutôt que l'accès des tiers au réseau,
lequel est l'ouverture à la libération généralisée du marché que nous avons
refusée.
Nous conservons l'organisation de la distribution en l'état ; elle sera donc
préservée. EDF restera un établissement public, totalement sous capital d'Etat,
et le statut du personnel d'EDF - cela a déjà été dit - restera couvert par les
conventions collectives électriques et gazières.
Je peux donc vous apporter des réponses très claires sur ce point, monsieur le
rapporteur.
S'agissant de la directive du gaz, les discussions commencent.
Nous accepterons une ouverture limitée et maîtrisée à la concurrence pour la
raison très simple que l'interconnexion des réseaux va apparaître au travers de
la mise en service en 1998 d'Interconnector, et que je ne vois pas pourquoi la
France serait le seul pays à ne pas bénéficier de la baisse effective du prix
du gaz liée à ce que l'on appelle la bulle gazière, c'est-à-dire le surplus de
production des gaz britanniques.
Néanmoins, il y a des éléments sur lesquels je ne céderai pas lors de la
négociation : tout d'abord, il n'y aura pas de déréglementation généralisée du
marché du gaz en France ; par ailleurs, les obligations de service public
seront au coeur de la directive ; enfin, nous ne lâcherons pas sur la
programmation à long terme et donc sur les contrats à long terme engageant le
vendeur et l'acheteur.
Il n'y aura donc pas de remise en cause de la distribution en France, qui, du
reste, est une organisation commune avec l'électricité ; pour l'ouverture
ménagée à la concurrence, c'est la subsidiarité qui doit permettre la
définition des clients éligibles.
S'agissant des énergies renouvelables, des efforts très importants ont été
faits depuis 1973, c'est-à-dire depuis vingt-trois ans.
Je rappellerai que nous avons quatre orientations.
Tout d'abord, dans la filière bois énergie, dix-sept projets d'utilisation du
bois dans des chaufferies collectives ou dans des réseaux de chaleur ont été
montés avec des collectivités locales, ce qui représente une économie de 60 000
tonnes d'équivalent pétrole et la création de 500 emplois.
Par ailleurs, le programme Eole 2005 est destiné à mettre en oeuvre entre 250
et 500 mégawatts d'origine éolienne. Peut-on enfouir les éoliennes sous terre ?
A cet égard, je compte sur M. Laffitte pour réaliser une étude fort
intéressante sur la façon de capter le vent sous la terre
(Sourires.)
!
Mais il y a des zones isolées et des départements d'outre-mer défavorisés quant
à la possibilité de produire de l'électricité. Il y a également la volonté de
développer une bonne maîtrise de la production d'électricité à partir de
l'énergie éolienne, tout simplement parce qu'il y a des énergies renouvelables
à vendre à l'extérieur. Ne pas être présents sur ce type de marchés alors que
nous sommes parmi les meilleurs du monde dans le domaine de la production
d'électricité serait une forte erreur.
Je dirai un mot sur les prélèvements opérés par l'Etat sur EDF-GDF. Il faut
séparer ce qui relève de la fiscalité traditionnelle de ce qui relève de la
rémunération de l'Etat en tant qu'actionnaire. En effet, vouloir amalgamer tout
cela conduit à une vue fausse de la situation. De toute façon, il est sûr que,
s'agissant d'un certain nombre d'impôts, de taxes telles la taxe
professionnelle, les taxes foncières et la contribution au FACE, les
obligations de cette entreprise sont du même type que celles des autres
entreprises.
Le problème posé est celui de la rémunération de l'Etat. Il est à mon avis
effectivement souhaitable de clarifier les relations entre l'Etat et les
entreprises au travers du contrat de plan : la rémunération de l'Etat doit
faire l'objet d'une inscription claire dans le contrat de plan pour que la
lisibilité de ces entreprises soit assurée à terme sur le contrat de plan.
Monsieur Foy, je ne répéterai pas que les crédits ne baissent pas, et que
c'est la modification du financement qui a changé. J'insisterai simplement sur
le fait que, sur 2,95 milliards de francs d'aides aux entreprises sous forme
d'innovation, 1,2 milliard de francs est affecté aux PMI, ce qui représente 35
% des crédits. Les débudgétisations font-elles jurisprudence ? Je ne sais pas
répondre à cette question, sauf à dire que pendant les dix ans au cours
desquels j'ai été rapporteur à l'Assemblée nationale, je les ai vu utiliser par
des gouvernements de droite comme de gauche. Ma responsabilité, s'agissant des
Charbonnages de France et du CEA, particulièrement de l'investissement du CEA,
c'est de trouver pour l'avenir des solutions permettant d'assurer la
pérennisation des engagements d'investissement.
Je rappellerai que l'aide au secteur du textile et de l'habillement s'applique
de droit pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés. Sur 13 000
entreprises du secteur du textile et de l'habillement en France, 1 300 ont plus
de cinquante salariés et 11 700 ont moins de cinquante salariés. Par
conséquent, grâce à la modification que nous avons obtenue de la règle
de
minimis
concernant les aides d'Etat pour ces 11 700 entreprises, la réforme
opérée est applicable de droit, quelle que soit la réponse de Bruxelles.
Cette aide a eu des résultats. L'observatoire que nous avons mis en place
s'est réuni : il a montré que le rythme de disparition des emplois avait été
divisé par deux ; pratiquement les deux tiers des effectifs des professions
sont couverts par des accords correspondant au mécanisme mis en place,
c'est-à-dire que plus de 220 000 personnes sur les 320 000 que représente la
filière sont couvertes à ce jour par le mécanisme.
Il nous appartient bien évidemment de vérifier que tout se déroule
normalement. Mille conventions ont été signées avec des entreprises de plus de
50 salariés - 1 000 sur les 1 300 potentielles - et une convention de groupe
existe pour un certain nombre d'entreprises, de telle manière que l'on puisse
couvrir la société mère et les filiales.
S'agissant des relations avec Bruxelles, la France ne fait pas l'objet, pour
le moment, d'une injonction ; nous avons des explications à donner à la
commission concernant le type de mécanisme que nous avons mis en place.
Je rappelle qu'il s'agit d'un mécanisme d'aide à l'emploi et que les
politiques de l'emploi, jusqu'à plus ample informé, relèvent des politiques
d'Etat.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Par
ailleurs, c'est un mécanisme général qui s'applique à des entreprises dont la
main-d'oeuvre rémunérée au SMIC est de l'ordre de 70 %.
L'aide, c'est-à-dire, en fait, la diminution des charges, - en biseau jusqu'à
1,5 SMIC - a pour contreparties l'engagement d'éviter la destruction d'un
certain nombre d'emplois, des mesures d'aménagement et de réduction du temps de
travail et, enfin, des engagements de gel.
Je continue à considérer que ce mécanisme relève de notre politique. J'ajoute
qu'il serait pour le moins étonnant que ceux qui se conduisent bien au niveau
de l'Europe soient montrés du doigt et qu'on envisage de les sanctionner, alors
que ceux qui se sont mal conduits en pratiquant des dévaluations compétitives
sont aujourd'hui exonérés de toute charge et reçoivent la bénédiction
bruxelloise.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
La France
défendra le service public postal. Nous n'accepterons pas une directive qui
déstabilise l'activité de La Poste, en particulier en libéralisant le
transfrontalier et le publipostage.
Un accord existant entre les Allemands et les Français doit mettre à l'abri La
Poste de la volonté ultralibérale de certains partenaires, volonté que nous ne
partageons pas.
Faut-il, monsieur Revol, supprimer le ministère de l'industrie ?... Monsieur
le président, à cette heure, peut être faut-il dire au ministre de l'industrie
d'être court, mais supprimer son ministère, non ! En tout cas, pas tant que je
serai ministre de l'industrie !
(Sourires.)
M. le président.
Les deux sont difficiles, monsieur le ministre !
(Nouveaux
sourires.)
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Certes,
mais il ne me reste plus que quelques réponses à apporter.
On peut faire des déclarations un peu enflammées, dogmatiques ou doctrinales
sur l'évolution générale de l'économie du monde ; toujours est-il que l'on n'a
pas trouvé meilleur système que les entreprises privées pour créer des
richesses et donc des emplois. Mieux vaut donc créer de bonnes conditions pour
le développement des entreprises privées.
L'intérêt de l'existence d'un ministère de l'industrie est donc de rappeler du
haut en bas du pays la nécessité de la priorité industrielle, qui consiste non
pas seulement en des crédits, mais aussi en la création et le développement
d'entreprises industrielles.
Le ministère de l'industrie a donc pour responsabilité d'aider à la création
et au développement de l'entreprise, comme M. Jacques Oudin l'a indiqué à juste
raison.
Il a également pour mission d'essayer de faire bouger l'Europe pour faire
comprendre à nos partenaires qu'en acceptant une naïveté industrielle et
commerciale on s'engage dans la voie de la désindustrialisation de l'Europe et,
du même coup, on privera l'Europe de sa puissance économique et donc de sa
puissance politique.
M. Jacques Oudin.
C'est évident !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
S'agissant de Thomson, il ne faut pas mélanger les mécanismes : d'un côté, il y
a l'avis de la commission de privatisation et, de l'autre côté, l'avis de la
Commission de Bruxelles.
La Commission de Bruxelles s'exprime sur deux sujets.
Elle se prononce tout d'abord sur la recapitalisation : elle vérifie que cette
dernière n'est pas une aide cachée à l'entreprise qui créerait une distorsion
de concurrence avec d'autres entreprises présentes sur le secteur.
Elle vérifie par ailleurs les conditions de la fusion, et donc, la position en
termes de concentration sur le marché européen.
La commission de privatisation a un rôle très simple : elle a pour
responsabilité, sur le critère de la défense des intérêts patrimoniaux de
l'Etat, de donner un avis conforme ou non conforme à la préférence exprimée par
le Gouvernement.
Je constate que, voilà quelques mois, on considérait que l'affaire était
faite, et qu'Alcatel serait choisi. Puis on nous a dit que cette commission
entérinerait l'avis du Gouvernement, car elle n'était pas indépendante. Or, le
Gouvernement a fait un autre choix que celui que tous ceux qui dénonçaient la
procédure prétendaient connaître et la commission de privatisation a exprimé un
avis non conforme. C'est la raison d'être de la commission de privatisation !
C'est la preuve du caractère démocratique et de la transparence de cette
procédure.
D'ailleurs, dans tout ce tintamarre, on n'avait pas entendu ce qu'avait dit le
Gouvernement, à savoir que, si l'avis de la commission de privatisation n'était
pas conforme, il suspendrait la privatisation et qu'il lui appartiendrait de
déterminer les conditions dans lesquelles il réengagerait une opération de
privatisation.
La privatisation de cette entreprise est absolument nécessaire.
Elle l'est pour Thomson CSF parce qu'il est de notre devoir, au moment où l'on
restructure les industries de l'armement, de créer un pôle d'électronique
professionnelle et de défense fort, susceptible d'être à la base d'une série
d'associations avec des partenaires européens pour créer les conditions d'une
entreprise concurrentielle au niveau mondial dans ce secteur.
Elle l'est pour Thomson Multimedia parce que, si l'on veut valoriser les
atouts humains et technologiques de cette entreprise, il faudra la désendetter
et lui assurer des gains de productivité pour qu'elle puisse être compétitive
et accéder à de nouveaux marchés.
Qu'on le veuille ou non, ces conditions, qui étaient à la base de la volonté
de privatisation, n'ont pas changé à ce jour. Il appartiendra donc au
Gouvernement d'en tirer les conséquences et de choisir la procédure qu'il
souhaite.
On a parlé tout à l'heure, avec des accents plus ou moins sincères, de la
présence souhaitée ou non d'entreprises étrangères sur le territoire
français.
Je rappelle que la France est le troisième pays du monde pour l'accueil des
investissements étrangers sur son territoire et le quatrième pays du monde pour
ses investissements dans les pays étrangers.
Aujourd'hui, ces investissements dans un sens et dans l'autre représentent
entre 90 milliards et 100 milliards de francs par an.
Tout cela, à l'évidence, intègre l'économie française dans l'espace européen -
aujourd'hui il n'est plus de problème industriel qui ne prenne la dimension
européenne - et prépare, qu'on le veuille ou non, les entreprises à la
concurrence mondiale.
S'agissant de l'Agence internationale de l'énergie, si une partie de son
rapport nous est effectivement favorable, une autre, celle qui appelle la
France à être plus libérale dans l'organisation de ses marchés d'électricité,
l'est beaucoup moins. Le jour où le secrétaire général de l'AIE a présenté son
rapport, j'ai été obligé de lui dire que, sur ce point, la France ne changerait
pas d'avis. Elle est engagée dans un programme électronucléaire qui est le
fondement de son indépendance et, en même temps, la condition d'un coût
énergétique faible rendant compétitives ses entreprises.
Pour ce qui est de la fin du cycle nucléaire, globalement, c'est 1 milliard de
francs que le CEA investit chaque année à la fois dans la moxisation après
retraitement des déchets, dans les laboratoires souterrains et dans les
recherches engagées sur les réacteurs à neutrons rapides - c'est, en
particulier, le cas de Superphénix. Nous sommes bien décidés à poursuivre dans
ce sens.
L'accord entre Siemens et Framatome autour de l'EPR peut-il être maintenu si
l'on s'associe à GEC-Alsthom ? Oui ! GEC-Alsthom produit des centrales de type
classique, ce qui est aussi le cas de Siemens, mais Framatome est engagé avec
Siemens dans un programme qui est, pour nous, essentiel.
Monsieur Lagourgue, la situation anormale que vous avez évoquée, et que nous
connaissions, est très préjudiciable à l'activité de l'île. Elle mérite un
examen attentif.
Je rappelle que le prix du carburéacteur, contrairement à celui du fioul
domestique, n'est pas déterminé par l'administration. Son prix est libre, ce
qui a effectivement permis une entente. Je rappelle, du reste, que les deux
pétroliers que vous avez nommés ont été condamnés par le conseil de la
concurrence.
Je vais demander très rapidement au directeur de la DRIRE de faire un dernier
point très précis d'une situation que l'on connaît très bien et saisir M. le
ministre de l'économie pour qu'une solution puisse être apportée à cette
affaire.
A M. Maurice Schumann, j'ai envie de répondre que je suis d'accord avec lui et
qu'il exprime son sentiment avec un tel talent que j'aurai du mal à faire aussi
bien.
Je dirai simplement que nous sommes face à une Commission qui a tendance à
s'engager de manière dogmatique, doctrinale, dans l'ultra-libéralisme. De
l'ultra-libéralisme, moi, je ne veux pas. Je suis libéral parce que je suis
convaincu que la libéralisation des échanges est un des éléments déterminant de
la croissance, et donc de l'emploi. Mais je suis pour une conception libérale
fondée sur la réciprocité...
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunication.
... et qui
laisse la naïveté aux vestiaires.
Quand je vois des commissaires prendre l'initiative de continuer un débat sur
l'éventuelle création d'une zone de libre-échange entre l'Europe et les
Etats-Unis alors qu'ils n'ont pas mandat de le faire, quand je vois la pression
à laquelle on nous soumet pour essayer d'opérer plus vite que prévu dans le
cadre de l'OMC le démantèlement des accords multifibres, je dis que notre
devoir est de défendre les intérêts industriels de la France et de l'Europe et
de nous opposer aux comportements de ceux qui les compromettent.
C'est très simple : il nous faut modifier nos règles.
En ce qui concerne la concurrence de l'extérieur, l'Europe ne doit rien
concéder qui ne soit fondé sur la base de la réciprocité. Elle doit éviter,
comme on le fait trop souvent, de concéder avant de commencer à négocier, ce
qui est la phase ultime de la naïveté. Enfin, elle doit utiliser les armes de
défense commerciale dont elle dispose chaque fois qu'elle est en face de
concurrences déloyales, ce qu'elle ne fait pas assez.
Quant à la concurrence interne, il faut également faire respecter les règles,
en particulier quand on est confronté à deux éléments très perturbateurs du
marché européen : d'un côté, les dévaluations compétitives, de l'autre, le
dumping social - M. Barnier en a parlé hier - certaines entreprises mettent à
profit, finalement, le coût social inférieur de certains pays pour y faire
réaliser des travaux à des prix très inférieurs à ceux que peuvent pratiquer
nos entreprises.
Monsieur Charzat, vous avez eu raison de parler de l'importance de
l'industrie. Avez-vous-eu raison de nous reprocher, à nous, notre absence de
volonté industrielle ? Je ne le crois pas. Il ne faut pas avoir la mémoire
courte, monsieur Charzat, M. Oudin y a fait allusion.
Je vous rappelle que, en quinze ans, un million d'emplois industriels ont été
supprimés. Ce n'était pas une chose acquise puisque, dans le même temps, 200
000 ont été créés en Allemagne, plusieurs millions aux Etats-Unis et plusieurs
millions au Japon.
Je vous rappelle que, pendant ces quinze ans, la croissance de la production
industrielle en France a été de 12 %. Elle a été de 18 % en Allemagne, qui pèse
industriellement deux fois plus lourd que la France, et de 51 % aux Etats-Unis,
qui pèsent quatre fois plus lourd que l'Allemagne.
Je ne voudrais pas être injuste en vous rappelant qu'on a assisté à la
destruction du tissu industriel. On a pris quinze ans de retard dans les
restructurations susceptibles de permettre à des secteurs industiels d'avoir la
masse critique nécessaire pour trouver des partenaires européens et pour être
compétitifs au niveau mondial.
Tout cela parce que, pendant ces quinze ans, s'il est vrai que l'on a fait un
effort pour essayer de s'intéresser à l'entreprise, on a oublié la priorité
industrielle ! Il est donc malvenu de votre part, monsieur Charzat, avec un tel
bilan, de nous reprocher à nous, aujourd'hui, cet oubli.
J'ajoute que les déficits et l'endettement sont tels, aujourd'hui, que leur
réduction est une priorité absolue. Il faut voir les choses telles qu'elles
sont : cette situation du budget de l'Etat, dont la contrepartie sont les
charges supportées par les entreprises et les ménages, est l'une des causes
essentielles de l'asphyxie ou de l'atonie de l'économie française.
Actuellement, 55 % de la dépense en France est une dépense publique. Elle a
donc une contrepartie en termes de prélèvements. La France est le seul pays
qui, entre 1990 et 1994, a vu l'emploi public augmenter et l'emploi privé
baisser.
Compte tenu de l'évolution de l'endettement, alors que l'Etat prélevait 48 %
des émissions nettes sur le marché obligatoire en 1990, il en l'on prélève
aujourd'hui 98 %, ce qui a pour conséquence de réduire le marché obligataire
pour toute entreprise privée arrivant sur le marché. Tant qu'on n'aura pas
cassé ce moule, baissé de manière substantielle les dépenses de l'Etat et
réduit son endettement, une chape pèsera sur l'économie et, du même coup, sur
la croissance et sur l'emploi.
Je ne reviendrai pas sur le problème des nationalisatons. Je suis le premier à
reconnaître qu'elles ont eu des effets positifs, en 1981. Je veux néanmoins
souligner trois éléments négatifs. Le premier, c'est le choix des dirigeants -
je préfère ne pas y insister. Le deuxième, c'est l'incapacité de l'Etat à
financer les entreprises publiques pour leur permettre d'assurer leurs besoins
en investissements et leur croissance - voir Thomson ! Le troisième, c'est,
malheureusement, l'orientation des restructurations vers des solutions
franco-françaises, alors que, à l'évidence, aujourd'hui, la dimension minimale,
je le répète, c'est la dimension européenne.
Monsieur Leyzour, les crédits de restructuration ne diminuent pas, les aides à
la technologie sont constantes et la priorité est laissée aux PMI. Je ne
reviens pas sur les chiffres, je les ai communiqués.
Toutes les entreprises du secteur concurrentiel ont vocation, selon moi, à
revenir au secteur privé parce que c'est le seul moyen, à l'évidence, qu'elles
ont de se développer.
Les plans de restructuration, c'est vrai, posent un grave problème. Votre
parti m'a demandé, cet après-midi même, l'arrêt des restructurations et des
plans sociaux.
Monsieur le président, je ne sais si j'ai le temps...
M. le président.
Monsieur le ministre, vous disposez de tout le temps que vous décidez de
prendre.
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Je ne
voudrais pas abuser !
M. le président.
Vous êtes seul juge de la réponse que vous devez apporter au Sénat, monsieur
le ministre.
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Voltaire
a dit : « Usez, n'abusez point, le sage ainsi l'ordonne. »
Quand on regarde ces problèmes de manière globale, on le fait parfois - ce
propos ne vise nullement ceux qui se sont exprimés ici - de manière un peu
fantaisiste.
Il faut savoir que, chaque année, deux millions d'emplois se font et se défont
dans les entreprises françaises ; dans les entreprises industrielles, 700 000
disparaissent et 700 000 se créent. Pourquoi ?
Parce que des entreprises se créent, que d'autres disparaissent. Cela provient
aussi des transformations, des processus industriels, de l'innovation, de la
modification du process, des modifications de management, de l'organisation, du
fonctionnement des entreprises.
C'est une dimension indispensable à la vie de l'entreprise. On ne peut
contraindre l'évolution de l'entreprise, interdire à celle-ci de s'adapter aux
conditions du marché, c'est-à-dire à la demande, au « référendum de la ménagère
», ménagère qui, en changeant de produit, peut ruiner une entreprise.
Face à ce type de problème, on observe trois attitudes. Il y a ceux qui disent
que rien ne doit bouger. Ne le prenez pas mal, mais ceux-là condamnent les
entreprises à mort. Ensuite, à l'autre bout de l'échiquier, il y a ceux qui
prônent le « zéro emploi industriel », plaidant la délocalisation généralisée.
Je les condamne de la même manière. Le vrai problème est de trouver
l'équilibre, la troisième altitude, de telle sorte que les entreprises puissent
maintenir un projet industriel, des emplois industriels, et, en même temps,
être compétitives. En effet, si l'on maintient des emplois industriels sans
garder la compétitivité, l'entreprise, là aussi, est condamnée.
Je répondrai d'un mot à M. Laffitte sur la réforme de l'ANVAR. Nous sommes
d'accord sur le fond. Il s'agit, en effet, de redéployer les moyens humains sur
le terrain, notamment au profit des régions, de donner une priorité aux
entreprises à forte croissance, de concentrer une partie de l'intervention de
l'ANVAR sur les technologies clés.
Nous avons pris la décision de regrouper le plus possible dans un même lieu
l'ANVAR et l'ensemble des acteurs de l'innovation. Nous avons, de même, mis en
place une procédure d'interlocuteur unique dans quatre régions. Cette
expérience sera généralisée en 1997. Nous souhaitons, d'une part, que l'ANVAR
participe davantage à l'instruction des dossiers pour permettre l'élargissement
du capital-risque et, d'autre part, mettre plus en synergie ses crédits avec
l'Europe et les régions.
Je suis d'accord avec vous, notre pays souffre d'une absence de culture
scientifique, industrielle et entrepreneuriale. C'est une dimension qui nous
manque beaucoup. En effet, les emplois naissent d'entreprises qu'on crée, et
les entreprises qu'on crée naissent d'hommes et de femmes qui prennent le
risque de créer une entreprise.
Je vous remercie de l'hommage que vous avez rendu en particulier aux écoles
des mines. Comme mes prédécesseurs, j'ai moi-même essayé d'animer ces écoles,
qui sont très ouvertes, en particulier en ce qui concerne l'aide qu'elles
apportent à l'innovation pour les petites et moyennes industries et les
contrats qu'elles développent avec les laboratoires, pour déboucher finalement
sur des ingénieurs de terrain qui doivent représenter 40 % des ingénieurs de
production et 20 % de la totalité des ingénieurs en France.
Sur les technologies clés, un effort considérable reste à faire. Jugez-en :
sur cent cinq technologies clés importantes pour l'industrie à un horizon de
cinq ou dix ans, la France en maîtrise soixante-six au plan scientifique et
elle accuse des faiblesses pour vingt-quatre d'entre elles, mais, sur le plan
de la maîtrise industrielle, elle n'en domine plus que vingt-quatre et elle
enregistre des faiblesses pour quarante-neuf d'entre elles.
En ce qui concerne les technologies qui sont en voie d'émergence, la France
n'en maîtrise que deux, alors qu'il faut reconnaître que son niveau
scientifique est bon. Il convient donc de corriger cette exception, qui n'est
pas seulement une exception française, mais qui est aussi une exception
européenne.
Je souscris pour l'essentiel aux propos de M. Jacques Oudin. L'importance du
socle industriel est indéniable. Tout le drame vient d'une vision économique
qui ne tient compte que des agrégats. Sous prétexte que le secteur secondaire
ne représente plus que 29 % de la production intérieure brute, l'industrie
serait moins importante. Je voudrais simplement rappeler au Sénat que, si l'on
ajoute aux revenus de l'industrie ceux des services rendus pour l'industrie,
c'est plus de un franc sur deux de la richesse créée en France qui est
directement ou indirectement lié à l'industrie. De même, la part de la
recherche-développement et de l'exportation de l'industrie dans la croissance
est très importante.
L'Etat est un mauvais industriel. Il faut abaisser les charges, comme il faut
rétablir un ordre international, en particulier dans le domaine monétaire,
notamment pour faire disparaître les barrières protectionnistes. Vous avez fait
une proposition concernant la politique d'amortissement. Je vais la transmettre
à mon collègue chargé du budget. Une réflexion est à mener dans ce domaine.
De la même manière, monsieur Oudin, des mesures doivent être prises pour aider
à la création d'entreprises et, en particulier, pour éviter à l'avenir, comme
vous l'avez demandé, que, dans leurs premières années de création, les jeunes
entreprises n'accusent un taux de mortalité aussi élevé qu'à l'heure actuelle.
On peut, pour ce faire, envisager de les aider sur le plan juridique ou
comptable, notamment pour ce qui est de la présentation de leurs comptes, voire
songer à des exonérations.
J'en aurai terminé, monsieur le président, après avoir répondu à Mme
Bergé-Lavigne.
M. le président.
C'est non pas avec moi que vous aurez des ennuis, monsieur le ministre, mais
avec votre collègue de l'agriculture !
(Sourires.)
M. Franck Borotra,
ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Madame
Bergé-Lavigne, dans les nationalisations, tout n'est pas négatif, mais
l'ensemble des entreprises du secteur concurrentiel ont besoin d'avoir une
liberté de décision et d'appréciation pour s'engager. Le niveau des
prélèvements obligatoires est insupportable, ce qui a pour conséquence que
l'Etat, aujourd'hui comme hier, est incapable de doter en capital les
entreprises qui en ont besoin.
Il faut simplement organiser notre action autour d'entreprises
concurrentielles qui recherchent la compétitivité, la voie dogmatique de
l'économie administrée ou dirigée n'étant plus ouverte à un pays comme la
France, qui est à l'évidence aujourd'hui trop impliqué dans la concurrence
mondiale et qui a accepté de jouer totalement le jeu de l'ouverture de ses
frontières par rapport à ses partenaires européens.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant l'industrie, la poste et les télécommunications : I. -
Industrie.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III,
moins
76 807 520 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Félix Leyzour.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV, moins 1 652 751 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Félix Leyzour.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le groupe socialiste aussi.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 55 500 000 francs ;
« Crédits de paiement, 18 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
M. Félix Leyzour.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le groupe socialiste également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 4 555 500 000 francs ;
« Crédits de paiement, 1 270 360 000 francs. »
Sur les crédits figurant au titre VI, la parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je souhaite intervenir sur le titre VI relatif aux subventions
d'investissements accordées par l'Etat, et plus précisément sur les crédits
affectés à la recherche dans le secteur de la construction navale.
La construction navale civile française est, depuis longtemps, totalement
mondialisée, mais elle présente la particularité d'être divisée entre un
secteur civil et un secteur militaire, ce qui limite considérablement
l'éventail des débouchés sur le marché intérieur.
Ce secteur industriel connaît une situation paradoxale. En effet, la France a
acquis depuis des décennies une réputation d'excellence sur les marchés
internationaux et sur des créneaux aussi variés que la construction de
paquebots, bien sûr, mais aussi de pétroliers et, désormais, de méthaniers.
Tout cela réclame une haute technicité et une adaptation incessante des
compétences des personnels.
Le régime commercial particulièrement ouvert de ce secteur industriel ignore
les lois antidumping - et l'on sait qu'en matière monétaire le dumping est un
instrument qui fausse la concurrence - et qui est, par ailleurs, privé de
barrières douanières.
La complexité des réseaux de financement, la diversité des régimes sociaux et
bien d'autres considérations encore entraînent une distorsion dans les coûts de
production, qui sont, en Europe, d'environ 20 % supérieurs à ceux de nos
principaux concurrents, du Sud-Est asiatique notamment.
C'est pourquoi l'Union européenne doit opposer un front commun dans les
négociations qui se déroulent dans le cadre de l'OCDE. C'est pourquoi encore
cette distorsion doit être prise en compte dans les discussions actuelles,
relatives au renouvellement de la directive sur les aides à la construction
navale.
Par ailleurs, la construction navale doit fournir en permanence de gros
efforts de compétitivité. Cela passe par une recherche continue et par des
hautes technologies. C'est la mission de l'Institut de recherches de la
construction navale, l'IRCN, installé à Nantes depuis 1992, qui travaille en
coopération avec l'Ecole centrale. Ensemble, ces deux structures collaborent
avec les bureaux de recherches des différents chantiers.
Sur ce point, je souhaitais savoir, monsieur le ministre, si l'aide à la
recherche dans la construction navale de 15 millions de francs inscrite sur la
ligne 66-01, article 70, sera bien maintenue en 1997.
C'est d'autant plus nécessaire que ce secteur va entreprendre, l'an prochain,
un effort de recherche de 100 millions de francs. De plus, d'autres secteurs
industriels connaissent des taux de financement public de leur stratégie de
recherche nettement plus élevés.
Je rappelle qu'aux Etats-Unis les pratiques dans ce secteur sont en total
décalage avec les grands principes prônés par l'OCDE, contre lesquels nous
sommes nombreux à nous être prononcés à plusieurs reprises. Ainsi, outre
l'initiative nationale lancée en 1994 par le président Clinton afin de
conforter les constructeurs américains sur les marchés des navires civils, il
est désormais prévu que l'Etat prenne en charge 50 % des dépenses de recherche
et développement. A ce jour, cinquante-trois projets ont été retenus pour un
montant de 100 millions de dollars, ce qui n'est pas mince !
Si l'aide française est plus modeste, pouvons-nous au moins compter, monsieur
le ministre, sur la détermination du Gouvernement afin que cette aide soit
maintenue ?
Cette interrogation est d'autant plus pressante que le plan de charges de nos
entreprises est fragilisé. Ainsi, la semaine dernière - notre collègue, M.
Oudin, l'évoquait tout à l'heure - les chantiers de l'Atlantique et la
population de la région nazairienne ont subi un véritable choc suite à l'échec
des négociations ouvertes avec le leader mondial de la flotte de croisière, la
compagnie américano-norvégienne RCCL, pour la construction de deux
super-paquebots.
Les déclarations d'intention prétendant préserver ce secteur dans notre pays
ne font pas défaut. Le Président de la République déclare souhaiter le maintien
d'une construction navale civile. Il faut savoir qu'elle emploie, dans notre
pays, plus de 5 000 salariés directement dans les chantiers, avec une
irrigation profonde vers un réseau de PME très dense.
Nous devons nous interroger sur la dimension et le développement qu'il nous
faut impérativement accorder au transport maritime dans notre pays : si 50 % de
notre commerce extérieur s'effectue par navires, seulement 15 % de nos
exportations se font sous pavillon français.
Certes, le Parlement a adopté voilà quelques mois la loi sur les quirats, mais
ce dispositif ne saurait constituer à lui seul l'armature d'une véritable
politique maritime.
M. le président.
Je vous remercie de conclure, madame le sénateur.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je termine, monsieur le président.
C'est dans le cadre de cette politique que le génie naval doit être assuré du
soutien des pouvoirs publics afin d'explorer de nouvelles pistes, par exemple
celle des navires à grande vitesse.
Une réponse positive sur le point précis des crédits attribués à l'IRCN,
monsieur le ministre, nous rassurerait.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Félix Leyzour.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant
l'industrie.
9
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'emploi dans la
fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 119, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- produits sidérurgiques UE-Ukraine. Demande d'avis conforme du Conseil au
titre de l'article 95 du traité CECA concernant un projet de décision de la
Commission concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres
entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Ukraine prorogeant
l'accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Ukraine
sur le commerce de certains produits sidérurgiques pour la période du 1er
janvier au 30 juin 1997.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-740 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- produits sidérurgiques UE-Fédération de Russie. Demande d'avis conforme du
Conseil au titre de l'article 95 du traité CECA concernant la conclusion d'un
accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne du
charbon et de l'acier et la Fédération de Russie prorogeant l'accord entre la
Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Fédération de Russie sur
le commerce de certains produits sidérurgiques pour la période du 1er janvier
au 30 juin 1997.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-741 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- lettre de la Commission européenne - DG XXI - Douane et fiscalité indirecte.
Notification du Royaume d'Espagne concernant l'établissement de taux
différenciés pour l'essence sans plomb en application des dispositions de
l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE du Conseil.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-742 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen établi
conformément à l'article 8, paragraphe 6 de la directive 92/81/CEE sur la
situation des exonérations et des réductions introduites pour des raisons de
politiques spécifiques en vertu de l'article 8, paragraphe 4, sur l'exonération
obligatoire des huiles minérales utilisées comme carburant pour la navigation
aérienne autre que l'aviation de tourisme privée et les exonérations ou
réductions facultatives pour la navigation sur les voies navigables intérieures
autre que la navigation de plaisance, prévues respectivement à l'article 8,
paragraphe 1, point b et à l'aricle 8, paragraphe 2, point b de la directive.
Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à continuer à
appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les
réductions de taux accises ou les exonérations d'accises existantes,
conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4 de la directive
92/81/CEE.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-743 et
distribuée.
11
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe François, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait
au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 116 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Delevoye un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Alain Joyandet,
Michel Alloncle, Louis Althapé, Jean Bernard, Jean Bizet, Dominique Braye, Mme
Paulette Brisepierre, MM. Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré Debavelaere,
Jean-Paul Delevoye, Michel Doublet, François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien
Gouteyron, Georges Gruillot, Roger Husson, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, André
Jourdain, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Maurice Lombard, Lucien Neuwirth, Mme
Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Jean Pourchet, Victor Reux, Michel Rufin,
Maurice Schumann, Louis Souvet et Alain Vasselle, visant à modifier le code
général des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des
districts (n° 34, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 117 et distribué.
J'ai reçu de M. Georges Othily un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif à la détention provisoire
(n° 99, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 118 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 5 décembre 1996, à dix heures trente, à quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budget annexe des prestations sociales agricoles :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 43) ; M. Bernard
Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n°
90, tome V).
Agriculture, pêche et alimentation et articles 83, 83
bis,
83
ter
et 84
:
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 3) ; M. Alain
Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du
Plan (Agriculture, avis n° 88, tome I) ; M. Josselin de Rohan, rapporteur pour
avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Pêche, avis n° 88,
tome II) ; M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (Aménagement rural, avis n° 88, tome III) ; M. Aubert
Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du
Plan (Industries agricoles et alimentaires, avis n° 88, tome IV) ; M. Albert
Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
(Enseignement agricole, avis n° 87, tome V).
Aménagement du territoire, ville et intégration :
II. - Ville et intégration :
M. Philippe Marini, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 5) ; M.
Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (Ville, avis n° 88, tome XXIII) ; M. Paul Blanc, rapporteur pour
avis de la commission des affaires sociales (avis n° 90, tome III).
I. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 4) ; M. Jean
Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du
Plan (avis n° 88, tome XI).
En outre, à quinze heures, questions d'actualité au Gouvernement.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1997
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1997 est fixé au vendredi 6 décembre 1996, à dix-sept heures.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60
bis,
troisième alinéa, du règlement, le
vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1997 aura lieu, de droit,
par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 10 décembre
1996.
Délai limite général
pour le dépôt des amendements
La conférence des présidents a fixé un délai limite général pour le dépôt des
amendements expirant, dans chaque cas, la veille du jour où commence la
discussion, à dix-sept heures, pour tous les projets de loi et propositions de
loi ou de résolution inscrits à l'ordre du jour, à l'exception des textes de
commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai
limite spécifique.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
1° Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à la détention provisoire (n° 99, 1996-1997) : délai
limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale, mardi 10
décembre 1996, à dix-sept heures.
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'épargne
retraite (n° 100, 1996-1997) : délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale, mercredi 11 décembre 1996, à dix-sept heures.
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et
des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural (n° 109, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements, lundi 16 décembre 1996, à douze
heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale,
lundi 16 décembre 1996, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 5 décembre 1996, à une heure trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON