M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Delong, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1997 marque une double rupture par rapport à la tendance des années antérieures.
La première rupture est d'ordre budgétaire. En effet, le budget de l'éducation nationale, hors enseignement supérieur, ne progressera, en 1997, que de 1,5 % par rapport aux crédits disponibles en 1996, ce qui représente une inflexion notable par rapport aux années passées.
Je rappelle que les années 1994, 1995 et 1996 ont vu le budget de l'enseignement scolaire augmenter respectivement de 3,8 %, 4,3 % et 4,2 %. Depuis 1990, les crédits sont ainsi passés de 200 milliards de francs à 273 milliards de francs, ce qui représente une augmentation en francs courants de plus de 36 %. Aucun autre département ministériel n'a connu une évolution aussi favorable.
Malgré le ralentissement de la croissance des crédits en 1997, le budget de l'enseignement scolaire demeure cependant le premier budget de l'Etat après celui de la défense nationale, avec 277,2 milliards de francs. Pour mémoire, on peut rappeler que l'impôt sur le revenu rapporte à l'Etat une somme très inférieure à ce chiffre.
La seconde rupture, qui constitue une première dans ce budget, concerne la politique de recrutement des personnels de l'enseignement scolaire. Pour la première fois depuis cinquante ans, le Gouvernement prévoit non pas une augmentation du nombre de postes d'encadrement, mais une diminution du recrutement des personnels enseignants et non enseignants. Ainsi, 5 239 suppressions de postes sont prévues, contre 313 créations de postes.
Je tiens à préciser d'emblée que cette diminution nette de quelque 4 900 emplois à la rentrée de 1997 ne remettra pas en cause les moyens dévolus à l'encadrement des élèves puisqu'il s'agit uniquement de porter une attention plus soutenue à l'évolution de la démographie.
Ces deux ruptures appellent plusieurs observations.
En premier lieu, il convenait de récuser l'argument selon lequel la priorité attribuée à l'éducation nationale doit nécessairement se traduire par une augmentation des postes et des crédits, et je tiens à féliciter le Gouvernement pour son courage.
L'effort d'économies réalisé est tout à fait louable et conforme aux souhaits que j'exprimais à cette tribune l'an dernier, en faveur d'un redéploiement des crédits de façon plus qualitative que quantitative. Le chemin parcouru est d'autant plus remarquable que le budget de l'enseignement scolaire est constitué, à plus de 95 %, de dépenses de personnels depuis que les collectivités locales, départementales et régionales ont à leur charge l'entretien des bâtiments.
En deuxième lieu, les suppressions d'emplois, presque toutes concentrées sur des postes de stagiaire ou sur des moyens d'accompagnement linguistiques dont l'efficacité n'était pas avérée, ne portent en rien atteinte à ce que l'on appelle les « moyens devant élèves ». La quadrature du cercle, problème difficile s'il en est et dont nous avons tous entendu parler, vous semblez, monsieur le ministre, l'avoir enfin résolue dans ce budget.
M. Jean-Louis Carrère. Oh !
M. Jacques Delong, rapporteur spécial. Mais il est bien évident que votre tâche a été facilitée car l'évolution démographique a permis un redéploiement des moyens au service des activités d'enseignement.
En effet, dans l'enseignement primaire, le nombre d'élèves a baissé de près de 200 000 entre la rentrée de 1990 et celle de 1996. Il n'était pas possible de ne pas tenir compte de cette diminution de quelque 200 000 élèves en six ans dans l'élaboration d'un budget comme celui de l'enseignement scolaire. Cette diminution des effectifs est, hélas ! aussi le signe qu'un pays comme la France rencontre désormais des problèmes démographiques d'une importance telle que des mesures, qui n'ont pas leur place dans ce budget, devront être prises rapidement pour y porter remède, comme cela s'est d'ailleurs fait à plusieurs reprises dans le passé.
La prochaine rentrée scolaire devrait encore voir les effectifs diminuer de 59 000 élèves. Dans le second degré, les collèges perdront plus de 18 000 élèves à la rentrée de 1997, après en avoir perdu plus de 25 000 à la rentrée de 1996. Seuls, par l'effet naturel, les lycées voient encore leurs effectifs s'accroître, avec 27 000 élèves supplémentaires attendus en 1997.
Mais l'importance des chiffres que je viens de citer donne une idée de l'évolution, pour ne pas dire de la révolution, qui s'effectue actuellement au sein de l'éducation nationale dans son ensemble.
Grâce à cette évolution ou à cette révolution, le Gouvernement peut désormais réduire le recrutement des personnels enseignants et non enseignants tout en redéployant les postes au profit des lycées et de l'enseignement supérieur, là où les effectifs continuent de croître, et en améliorant les conditions d'accueil dans tous les niveaux d'enseignement. En outre, la modernisation de l'administration centrale - il convient de rappeler que cette dernière ne constitue que 0,5 % des effectifs - permet de supprimer près d'une centaine d'emplois.
La marge de manoeuvre reste cependant très importante, monsieur le ministre, puisqu'il existe plus de 311 000 emplois d'instituteur pour 259 000 classes, soit une différence de 52 000 emplois. Ainsi, le volant d'enseignants remplaçants constitue près de 10 % des effectifs devant élèves - pour employer une expression couramment utilisée - soit 25 000, ce qui devrait être largement supérieur aux besoins.
A cet égard, il convient de féliciter le Gouvernement pour l'effort qu'il déploie en faveur de la titularisation des suppléants du premier degré et des maîtres auxiliaires. Leur nombre a diminué de 17 % pendant l'année scolaire 1995-1996 par rapport à l'année précédente. En outre, le recours à des auxiliaires, dont le statut demeure précaire en dépit des efforts réalisés, est de moins en moins nécessaire compte tenu de l'amélioration du rendement des concours de recrutement des professeurs titulaires.
Par ailleurs, je tiens à préciser que le nombre total de mises à disposition prononcées s'élevait, au 1er septembre 1996, à 861 équivalents-emplois à temps plein, dont 294 faisaient l'objet d'un remboursement au budget de l'Etat par voie de fonds de concours pour un montant de 73 millions de francs, ce qui relativise certains préjugés, bien que l'effort de redéploiement devant élèves puisse être poursuivi.
En troisième lieu, il convient de souligner que, en dépit de la quasi-stagnation des crédits, le projet de budget pour 1997 respecte fidèlement les engagements pris par l'Etat au titre de la revalorisation de la situation des enseignants. Près de 1 milliard de francs sera consacré à l'application des divers plans de revalorisation de la fonction enseignante et du protocole sur la réforme de la grille indiciaire de la fonction publique en 1997. Pour rappel, le simple coût de l'intégration des instituteurs dans le corps de professeurs des écoles s'élève à près de 500 millions de francs pour presque 15 000 transformations d'emplois prévues en 1997.
La commission des finances tient cependant à préciser que la revalorisation de la situation des personnels passe également par une considération plus soutenue de la fonction enseignante et des personnels administratifs de la part des autorités, à plus forte raison en période de diminution du recrutement.
A cet égard, je souhaiterais faire une observation sur la politique de gestion du personnel ; la multiplication des candidatures aux concours de recrutement a conduit le Gouvernement à supprimer les incitations financières telles que l'allocation de première année d'IUFM - institut universitaire de formation des maîtres - ou l'allocation de première affectation. Or la mise en place comme la suppression de ces incitations financières sont le signe d'une gestion à court terme des besoins en recrutement puisqu'elles signifient que les gouvernements successifs n'avaient anticipé ni les forts besoins en recrutement des années quatre-vingt et du début des années quatre-vingt-dix ni le retournement de la démographie qui devrait se poursuivre jusqu'en 2005. Je suggère que la résorption de ces « coups d'accordéon » passe à l'avenir par une gestion prévisionnelle des ressources humaines de l'éducation nationale.
En quatrième lieu, je tiens à saluer l'effort réalisé en faveur des zones rurales et des zones urbaines sensibles. Dans un contexte de restriction budgétaire, le Gouvernement tient ses engagements au titre tant de la politique démographique que de la loi de programmation du Nouveau contrat pour l'école.
Ainsi, le moratoire de la fermeture des classes en milieu rural sera renouvelé en 1997 et portera sur plus de 300 établissements ; 1 300 classes accueilleront moins de 13 élèves. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la nécessité du maintien de ces classes uniques, qui sont souvent situées dans des zones montagneuses et difficiles d'accès, notamment en hiver. J'encourage en revanche le Gouvernement à poursuivre son effort en faveur du regroupement des collèges, trop nombreux encore à posséder des effectifs inférieurs à cinquante élèves.
J'ajoute, que, devant la commission des finances, vous avez donné sur ce point toutes assurances de prendre en charge ces problèmes, et que vous avez pour habitude, à ma connaissance, de tenir vos engagements.
Les nombreuses mesures qui tendent par ailleurs à diminuer l'échec scolaire dans les zones urbaines sensibles et dans les zones d'éducation prioritaires, les ZEP - ces zones devraient au demeurant ne former plus qu'une seule catégorie à l'issue du Pacte de relance pour la ville - traduisent le souci de prévenir l'échec scolaire plutôt que d'y remédier.
Ainsi, l'objectif du Nouveau contrat pour l'école visant à limiter le nombre d'élèves par classe maternelle à vingt-cinq dans les zones d'éducation prioritaire sera atteint dès la rentrée 1997.
M. Jean-Louis Carrère. Ça...
M. Jacques Delong, rapporteur spécial. Enfin, la rentrée 1997 devrait être celle du quasi-achèvement du Nouveau contrat pour l'école.
Dans les écoles, la rénovation des programmes, qui consiste en un recentrage sur les savoirs essentiels, a été engagée l'an dernier au cours préparatoire et au CE 2 et se poursuivra pour le CE 1 et le CM 1. Les langues vivantes déjà enseignées par vidéo-cassettes à 250 000 élèves de CE 1 doivent faire l'objet d'une expérimentation en CE 2. L'expérimentation des nouveaux rythmes scolaires se poursuivra dans deux départements entiers à la rentrée 1997.
Dans les collèges, le nouveau découpage en trois cycles prend effet lors de cette rentrée 1996 pour toutes les classes. La réforme, fondée sur des dispositifs de soutien pour les élèves les plus en difficulté, l'instauration d'études dirigées pour tous, un renforcement de l'horaire de français et d'éducation physique, est également marquée par la mise en place de nouveaux programmes.
Dans les lycées, le redécoupage des premières et des terminales en sept sections est achevé.
M. le président. Monsieur Delong, je vous rappelle que les temps de parole sont limités.
M. Jacques Delong, rapporteur spécial. J'en termine, monsieur le président.
M. Jean-Louis Carrère. La limitation des temps de parole n'est vraiment pas une bonne chose, monsieur le président !
M. Jacques Delong, rapporteur spécial. Ces évolutions appellent plusieurs remarques.
Les efforts du ministère de l'éducation nationale doivent désormais porter sur l'évaluation : il faut pouvoir mesurer les progrès accomplis par rapport à des objectifs préalablement fixés, et les orientations en ce domaine demeurent trop floues. Il convient également que le ministre prenne clairement position par rapport à l'une des propositions du rapport Fauroux, qui consistait à définir un « savoir minimum ». A cet égard je rappelle que le redoublement devrait non pas être subi par les élèves comme une mesure de sanction, mais interprété comme un sas ou un assouplissement leur permettant d'acquérir les savoirs fondamentaux à leur propre rythme.
Je n'évoquerai pas les rythmes scolaires en raison du peu de temps de parole qui me reste.
Je me réjouis enfin que la rénovation pédagogique des lycées mise en place à la rentrée de 1992 conduise un nombre croissant d'élèves à adopter les voies professionnelles et technologiques ; les taux de réussite au baccalauréat technologique sont passés de 71 % en 1994 à plus de 78 % en 1996. Les séries technologiques s'affirment de plus en plus comme des voies de réussite à part entière, ce qui contribue au rééquilibrage des séries et à leur égale valorisation.
En conclusion, je formulerai une remarque qui sort du domaine budgétaire : le manque d'harmonie qui règne au sommet de l'Etat entre une circulaire ministérielle et les jugements des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat me semble porter atteinte à l'autorité des chefs d'établissement auprès des élèves. Certes, les arrêts du Conseil d'Etat traduisent une jurisprudence constante consistant à dire que le port de signes religieux distinctifs doit être toléré dès lors qu'il ne trouble pas les conditions du service public de l'enseignement. Néanmoins, il conviendrait que les autorités politiques et jurictionnelles s'entendent pour suivre une ligne cohérente en matière de laïcité. Mais il s'agit là de propos lénifiants, qui ne correspondent pas à ceux que j'aurais personnellement tenus si ma liberté de langage avait été plus grande à cette tribune.
Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous demande, au nom de la commission des finances, d'adopter les crédits ouverts par le projet de loi de finances au budget de l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, vous me pardonnerez de vous avoir rappelé l'existence des temps de parole. J'ajoute, à l'intention de M. Carrère, qu'il ne s'agit pas d'une nouveauté. Par conséquent, essayons de respecter les règles que nous avons mises en place.
La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 277 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1997 enregistre une progression de 1,5 % et représente les trois quarts des moyens du ministère, lesquels, dans une certaine mesure, ont été redéployés vers l'enseignement supérieur.
Cette progression, que certains estimeront limitée, doit cependant être comparée à celle des autres budgets et rapportée à la nette pause démographique observée au niveau des écoles et des collèges.
L'enseignement scolaire reste le premier budget de la nation, et sa part dans le budget de l'Etat continue à augmenter, puisqu'il représentera près de 18 % de l'ensemble des crédits en 1997.
Même si ce projet de budget prévoit pour la première fois depuis cinquante ans des suppressions d'emplois, celles-ci, qui concernent des personnels non titulaires, ne devraient pas affecter l'encadrement des élèves.
Afin de situer ce projet de budget dans une optique démographique, je voudrais d'abord rappeler que l'enseignement scolaire a perdu 200 000 élèves entre 1990 et 1996, et qu'il devrait encore en perdre 59 000 en 1997, dont 18 400 dans les collèges ; j'indiquerai également que les projections établies pour les dix ans à venir prévoient une perte de 300 000 élèves dans le premier degré et de 230 000 élèves dans le second degré.
M. Emmanuel Hamel. C'est le résultat de la politique de natalité du Gouvernement !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. S'agissant des emplois, le premier degré devrait en perdre 2 900 en 1997 et le second degré 1 893, soit une réduction de 10 % des effectifs des personnels non titulaires et stagiaires.
En application du Nouveau contrat pour l'école, le projet de budget prévoit cependant des créations d'emplois de personnels médico-sociaux, d'encadrement et de surveillance, et il permettra notamment de faire passer le nombre d'appelés du contingent affectés dans les établissements de 2 500 à 4 700.
Ce projet de budget s'inscrit également dans un mouvement de suppression progressive des aides créées pour inciter les étudiants à se tourner vers les carrières d'enseignant.
Il doit enfin être apprécié en fonction des perspectives de départs en retraite des personnels, qui devraient concerner 38 % de ceux-ci d'ici à 2005, ce qui devrait conduire l'éducation nationale à recruter, à partir de 1998, 16 000 enseignants par an dans le premier degré et 12 000 dans le second degré.
La commission des affaires culturelles a exprimé le voeu que la politique de recrutement des personnels tienne compte de ces évolutions et s'inscrive dans une certaine continuité en évitant les à-coups préjudiciables à la gestion des corps des personnels.
J'évoquerai d'un mot la situation des maîtres auxiliaires, qui a défrayé la chronique lors de la dernière rentrée scolaire : leurs effectifs enregistrent une baisse importante et continue depuis 1991,, mais leur taux de chômage, quelques mois après la rentrée scolaire, semble rester stable, et ils continuent à bénéficier de la politique de résorption de l'auxiliariat engagée depuis plusieurs années.
Je voudrais également indiquer que la moindre progression des crédits de l'enseignement scolaire ne devrait pas hypothéquer la mise en oeuvre des mesures du Nouveau contrat pour l'école et la programmation des crédits qui ont déjà été très largement engagées par les lois de finances de 1995 et de 1996 : les moyens prévus pour 1997 au titre du Nouveau contrat pour l'école devraient ainsi permettre d'augmenter de 30 millions de francs les crédits du fonds social collégien, de créer 50 emplois médico-sociaux et 250 emplois dans le cadre du plan de prévention de la violence.
J'aborderai ensuite les réponses apportées par l'école aux nouveaux défis qui lui sont lancés : l'accueil d'une population scolaire de plus en plus précarisée, la nécessité de refondre le système d'aides aux élèves, la prise en compte de la sécurité de ces derniers dans les établissements.
Comme vous le savez, les quelque 560 zones d'éducation prioritaires ont pris aujourd'hui une importance considérable : 1,18 million d'élèves, 6 185 écoles et établissements et 75 000 enseignants, dont il convient de saluer ici la qualité du travail.
L'effort engagé en faveur des ZEP se traduit notamment par des crédits pédagogiques qui sont près de trois fois plus élevés que dans les autres établissements.
J'ajouterai que le dispositif des ZEP devra s'harmoniser avec la politique de la ville puisque 40 % des communes en ZEP sont en contrat de ville. Les 175 établissements sensibles ont bénéficié, pour leur part, d'un renforcement de leur encadrement au niveau des enseignants, des conseillers principaux d'éducation et des maîtres d'internat surveillants d'externat.
S'agissant des aides accordées aux élèves, je rappellerai que l'allocation de rentrée scolaire a été réduite, pour des raisons budgétaires, de manière substantielle en 1996, que l'aide à la scolarité et les bourses de lycée devraient bénéficier de 26 millions de francs supplémentaires en 1997, et que les crédits prévus en faveur du fonds social collégien et du fonds social lycéen devraient s'élever respectivement à 180 millions de francs et à 140 millons de francs.
J'insisterai par ailleurs sur le problème de la baisse de la fréquentation des cantines scolaires : selon un rapport récent de l'inspection générale de l'éducation nationale, cette baisse reste circonscrite aux zones les plus défavorisées et aux familles en grande difficulté ; d'après ses auteurs, le remplacement des bourses de collège par l'aide à la scolarité n'agirait que comme facteur d'aggravation d'une situation déjà dégradée.
La commission, monsieur le ministre, souhaiterait à cet égard que les conclusions de ce rapport, ainsi que celles du rapport de MM. Huriet et de Courson, soient prises en compte par le Gouvernement afin d'aménager le système actuel de l'aide à la scolarité, qui fait l'objet de critiques convergentes.
S'agissant de la sécurité des élèves, je rappellerai que le plan de lutte contre la violence annoncé le 20 mars 1996 a pour objectif de renforcer l'encadrement des élèves, de leur apporter une aide, à eux, à leurs familles et aux personnels, notamment aux enseignants débutants, et de renforcer la protection des établissements.
J'ajoute que le renforcement de l'encadrement des élèves s'est traduit davantage par un recours aux appelés du contingent que par une augmentation du nombre d'emplois de maître d'internat-surveillant d'externat, ce qui est sans doute regrettable. Par ailleurs, la commission ne peut que se féliciter de ce que les fonctions de directeur d'école et de chef d'établissement aient été, à bon droit, revalorisées.
Quant à la sécurité des bâtiments, elle devrait être assurée par diverses mesures financières. Ainsi, 12 milliards de francs de prêts bonifiés sur deux ans sont prévus pour les collèges et les lycées ; de même, une subvention de 2,5 milliards de francs sur cinq ans est prévue pour les écoles et les travaux de désamiantage dans les lycées et collèges seront financés par l'Etat à hauteur de 25 % sur une enveloppe de 500 millions de francs.
L'école doit également rester l'un des repères essentiels de notre société.
Dans cette perspective, la commission ne peut que se féliciter du maintien du moratoire de 1993 suspendant la fermeture des classes en milieu rural. Ce moratoire n'est pas destiné, selon elle, à figer la situation actuelle, mais doit plutôt permettre de mettre en place, à terme, un dispositif garantissant la présence, dans tous les points du territoire, d'un service public d'éducation de qualité.
Je rappellerai à cet égard que le moratoire a été particulièrement efficace puisque huit cent cinquante-deux écoles à classe unique ont pu être maintenues depuis 1993, le niveau des élèves de ces classes ayant d'ailleurs été reconnu comme satisfaisant.
J'ajoute que la mise en place d'observatoires des flux d'élèves, dans une vingtaine de départements, a permis d'engager un véritable partenariat entre l'éducation nationale et les élus locaux, ce dont la commission, qui a été à l'origine de cette initiative, ne peut que se féliciter.
L'école doit aussi apporter des réponses aux atteintes qui peuvent être portées aux principes républicains, notamment à celui de la laïcité. La commission des affaires culturelles a ainsi estimé que la jurisprudence administrative la plus récente, qui tend à annuler les décisions d'exclusion prises par les chefs d'établissement en raison du port ostentatoire du foulard islamique, semble faire peu de cas de notre tradition laïque et républicaine.
Monsieur le ministre, ne conviendrait-il pas de modifier votre circulaire de 1994 ou de déposer un projet de loi afin de clarifier une situation aujourd'hui confuse pour les chefs d'établissement ?
J'en terminerai en traitant des réformes en cours, engagées dans l'enseignement scolaire.
Elles portent, d'abord, sur la refonte des programmes et sur le développement d'une nouvelle politique de l'orientation, qui a d'ailleurs été préconisé par la mission d'information que notre commission a menée sur les premiers cycles universitaires.
J'insisterai surtout sur la réforme des rythmes scolaires et sur la poursuite de l'initiation aux langues vivantes dans le premier degré.
Comme vous le savez, la réforme des rythmes scolaires ne se fait pas sans difficultés.
La commission des affaires culturelles a estimé que l'éducation nationale devrait en rester le maître d'oeuvre et que cette réforme ne devrait pas avoir pour conséquence de réduire les horaires des apprentissages fondamentaux, sauf à accentuer encore les inégalités entre les élèves.
Votre rapporteur considère également que la coopération intercommunale permettra difficilement d'assurer une égalité de traitement entre les élèves, du fait des fortes disparités financières existant entre les communes, et exprime son scepticisme sur les perspectives d'une cohabitation durable d'intervenants rémunérés et bénévoles dans le domaine de l'encadrement des activités périscolaires ou parascolaires.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. Sur un plan général, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions complémentaires sur les perspectives de développement de la réforme des rythmes scolaires, sur ses modalités et sur son financement ?
S'agissant de l'initiation aux langues vivantes dans le premier degré, tout le monde s'accorde pour juger satisfaisant son bilan quantitatif, mais la commission exprime la crainte que cette initiative ne contribue à renforcer le « tunnel du tout anglais » qui a été dénoncé l'an dernier par sa mission d'information sur l'enseignement des langues vivantes.
M. Jacques Legendre. Tout à fait !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. Pouvez-vous, d'une part, nous indiquer, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre pour mettre en oeuvre les orientations du rapport de cette mission et, d'autre part, nous donner l'assurance que la suppression de mille emplois d'assistant de langues dans le second degré sera sans conséquence sur l'enseignement des langues étrangères ?
Au total, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1997 peut être considéré comme satisfaisant, compte tenu notamment de son contexte budgétaire et « démographique ». Cette satisfaction semble d'ailleurs partagée par les parents d'élèves, notamment pour le premier degré, comme en témoigne un récent sondage sur l'école.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de l'enseignement scolaire pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et des Indépendantset du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carrère, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique. Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà fait l'an dernier, je voudrais souligner encore la difficulté d'appréhender les efforts que vous consentez en faveur de l'enseignement technologique et professionnel.
L'absence de tout document budgétaire spécifique en ce domaine est d'autant plus regrettable que ces filières, qui sont encore trop souvent considérées comme des structures d'accueil de l'échec scolaire, reçoivent, en fait, un nombre d'élèves considérable, que ce soit dans le second cycle technologique, dans le second cycle professionnel, mais aussi dans les classes de quatrième et de troisième technologiques des collèges et des lycées.
Ces filières accueillent de plus en plus d'élèves du fait d'un rééquilibrage engagé depuis quelques années, et aujourd'hui confirmé, entre les formations générales ou technologiques, d'une part, et les formations professionnelles, d'autre part.
Vous vous êtes réjoui de cette évolution, monsieur le ministre, mais j'ai le regret de constater que ce rééquilibrage n'a pas été pris en compte dans votre projet de budget pour 1997. Je ne peux donc que m'interroger sur la volonté du Gouvernement de revaloriser cette filière dans la perspective d'une articulation avec les formations technologiques supérieures, dont la réforme ne devrait être effective, selon vos propres indications, que dans plusieurs années.
Tout d'abord, je voudrais indiquer que ce projet de budget tend quasiment à reconduire les crédits de 1996 de l'enseignement technologique et professionnel. S'élevant à 35,7 milliards de francs, ils enregistrent une faible hausse de 1,2 %, alors que leur progression avait été de 3,3 % en 1996 et de 4,1 % en 1995, étant rappelé que les crédits de l'enseignement scolaire, qui englobent ceux de l'enseignement technique et professionnel, augmenteront, pour leur part, de 1,5 % en 1997, comme le faisait remarquer précédemment M. Bernadaux.
Je soulignerai, ensuite, qu'aucune création d'emploi n'est prévue en 1997, alors que 858 emplois avaient été créés en 1996 et que 320 postes étaient pourtant prévus par la loi de programmation du Nouveau contrat pour l'école. Je dois logiquement en déduire, monsieur le ministre, que ces postes seront pourvus par redéploiement, éventuellement, ou bien je dois m'inscrire en faux contre l'appréciation du rapporteur spécial. (M. le rapporteur spécial, s'exclame.)
Je dois cependant indiquer que le projet de budget permettra de faire passer 5 000 professeurs de lycée professionnel du premier au deuxième grade, selon un plan d'intégration qui a été engagé depuis plusieurs années.
S'agissant des effectifs, le nombre des élèves du second cycle professionnel devrait connaître une légère progression, ce mouvement étant appelé à se poursuivre à un rythme moins soutenu que par le passé, pour les deux ans à venir.
Pour ce qui concerne l'apprentissage, le nombre des apprentis est en progression continue, il convient de le souligner ou de s'en féliciter, selon l'appréciation que l'on porte sur cette formule de formation en alternance. Ainsi, en 1995-1996, plus de 277 000 jeunes étaient en formation dans les centres de formation d'apprentis, les CFA, soit une hausse de 10 % par rapport à l'année précédente.
Il convient également de remarquer que l'enseignement professionnel a joué un rôle très important dans la réduction du nombre des jeunes sortant du système éducatif sans qualification. Il représentait 27 % d'une génération en 1973, 16 % en 1980, 12 % en 1991 et 8 % en 1993 - dont acte ! - même si les deux tiers de ces « laissés-pour-compte » de l'école partent aujourd'hui en cours de CAP ou de BEP, d'ailleurs souvent suivis en apprentissage.
J'évoquerai ensuite rapidement les orientations de la politique suivie par le Gouvernement dans le domaine de l'enseignement technologique et professionnel. Elles peuvent être rangées sous quelques grandes rubriques que sont la rénovation des diplômes professionnels, la décentralisation de la formation professionnelle, dont le bilan a été jugé mitigé dans un rapport officiel, enfin et surtout, la mise en oeuvre des mesures du Nouveau contrat pour l'école.
Précisément, les mesures du Nouveau contrat pour l'école tendent tout à la fois à organiser un cursus complet dans la voie professionnelle, à coordonner les deux dispositifs de l'alternance, à professionnaliser les filières et à développer la formation continue des adultes, les réseaux d'établissement et l'apprentissage dans les lycées professionnels.
Sans entrer dans le détail, j'indiquerai sur un plan général que ces mesures restent, pour la plus grande part d'entre elles, au stade de l'expérimentation et concernent des effectifs d'élèves, certes, non négligeables, mais encore limités.
A titre d'exemple, je voudrais insister sur la mise en place particulièrement lente des sections et des unités de formation par apprentissage dans les lycées professionnels, qui rencontre par ailleurs une résistance de la part des personnels enseignants, vous le savez, monsieur le ministre. Sur vingt-huit académies, neuf n'ont ouvert aucune section ou unité de formation par apprentissage et quatre-vingt-trois ouvertures devaient être réalisées en 1995 et en 1996. On est donc encore bien loin des quelque cinq cents sections annoncées par vous-même en juillet 1996.
Dans le même sens, je signalerai que les CLIPA, c'est-à-dire les classes d'initiation préprofessionnelles en alternance, ouvertes à partir de quatorze ans, qui étaient pourtant présentées comme un dispositif essentiel de la loi quinquennale pour le travail, l'emploi et la formation professionnelle de 1993, n'ont été expérimentées que dans quelques CFA de la région parisienne et dans les lycées agricoles.
Je terminerai sur ce point, monsieur le ministre, en vous demandant de bien vouloir nous indiquer, quand vous le pourrez, le nombre d'apprentis et d'enseignants d'ores et déjà concernés par la mise en oeuvre de l'apprentissage dans les établissements scolaires.
La commission a ensuite souhaité évoquer le problème de la sécurité dans les établissements d'enseignement technologique et professionnel. Comme vous le savez, l'observatoire national de la sécurité a établi, en 1996, un constat particulièrement alarmant sur l'état du parc des ateliers. J'attire l'attention de mes collègues sur ce point très particulier : 60 % des machines ne seraient pas aux normes fixées par une directive européenne qui doit entrer en application au début de 1997. Je rappelle, à cet égard, que les machines sont à l'origine de 20 % des accidents qui touchent les lycéens et que 70 % des machines installées dans les lycées privés ont été jugés obsolètes ou nécessitant des travaux de sécurité.
A ce jour, les régions n'ont engagé que 900 millions de francs sur un programme de rénovation estimé à 2,1 milliards de francs, et l'on voit mal comment elles pourraient respecter l'échéance du 1er janvier 1997, sauf à neutraliser l'activité d'enseignement dans les établissements concernés. Monsieur le ministre, quelles mesures d'urgence comptez-vous proposer pour répondre à la gravité de cette situation, étant observé qu'en cas d'accident la responsabilité des chefs d'établissement et des régions risque d'être engagée à partir du 1er janvier 1997 ?
J'en terminerai avec les mesures que la commission a estimé nécessaires pour relancer et pour revaloriser l'enseignement technologique et professionnel.
Il convient de rappeler que la commission Fauroux a préconisé un certain nombre de mesures qui vont en ce sens. Je citerai la création d'une direction générale de l'enseignement professionnel au sein du ministère, la recherche d'une polyvalence des diplômes en réduisant fortement leur nombre et le développement d'une coéducation avec l'entreprise.
Pour sa part, la commission souligne la nécessité de mettre en place un cursus entre les formations secondaires et supérieures, qui passerait par le développement d'une filière technologique ou professionnelle, du lycée jusqu'aux plus hauts diplômes universitaires.
Cet objectif suppose, à l'évidence, que les jeunes ayant un diplôme de type BEP ou baccalauréat professionnel, par exemple, aient la possibilité de reprendre des études après une expérience professionnelle validée, et que le problème de la poursuite des études pour les bacheliers technologiques et professionnels soit pris en compte de manière satisfaisante.
Dans le droit-fil des conclusions de sa mission d'information sur l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires, mission très fructueuse, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles estime ainsi nécessaire de mettre fin au détournement massif des instituts universitaires de technologie, les IUT, et des sections de techniciens supérieurs, les STS, par les bacheliers généraux, et d'envisager des quotas qui seraient fixés par académie pour ouvrir plus largement aux bacheliers technologiques non seulement les IUT et les STS, mais aussi les classes préparatoires aux grandes écoles.
Elle a également exprimé le souhait que le problème de l'accès des diplômés des filières courtes technologiques - titulaires de BTS et du DUT - fasse l'objet d'une étude dans la perspective de la réforme de la filière technologique supérieure, la mise en oeuvre de celle-ci devant être impérativement accélérée.
La commission propose également une réglementation nationale des étudiants pour limiter les abus souvent constatés : cette réglementation devrait notamment préciser les objectifs et les contenus des stages, ainsi que les modalités d'encadrement et de la rémunération des stagiaires.
La commission des affaires culturelles appelle ensuite de ses voeux un développement de l'apprentissage dans les formations supérieures ; encouragées par les régions et certaines grandes entreprises, des expériences se sont multipliées en ce sens au cours des dernières années.
Il convient d'étendre cette formule qui contribue à réduire l'échec universitaire, notamment des bacheliers technologiques, et à faciliter l'insertion professionnelle des diplômés.
Je soulignerai, enfin, la nécessité d'une orientation positive des élèves vers l'enseignement technologique et professionnel.
Comme je l'ai déjà indiqué, une mission d'information de la commission a préconisé toute une série de mesures concernant aussi bien l'orientation des lycéens que celle des étudiants. Dans la ligne de ses propositions, je rappelle qu'une orientation satisfaisante des élèves de l'enseignement du second degré passe par la mise en place d'une éducation à l'orientation depuis la classe de cinquième, par une formalisation et une extension rapide des séquences réservées à l'orientation à toutes les classes du collège et du lycée, par une mobilisation de tous les acteurs chargés de l'orientation dont la formation devrait être améliorée et le nombre augmenté, et par un recours subsidiaire aux professionnels, aux étudiants avancés dans leurs études et, peut-être, à certains bénévoles.
Pour la commission des affaires culturelles, ces mesures sont de nature à modifier la démarche d'orientation des élèves vers l'enseignement technologique et professionnel, en substituant à la pratique actuelle de l'orientation par défaut un système fondé sur une véritable orientation choisie, et vous savez que tel est l'objectif fixé.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technique pour 1997.
Monsieur le président, je souhaiterais que vous preniez un jour ma place pour exposer un rapport pour avis avec un temps de parole de dix minutes ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je tiens à vous féliciter, monsieur Carrère, car vous avez présenté un excellent rapport dans le temps de parole qui vous était imparti.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 32 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, permettez-moi de débuter mes propos en citant Socrate. Ce philosophe grec a écrit voilà des siècles : « La pédagogie est le meilleur système à condition d'éduquer le peuple. » Cette phrase reste plus que jamais d'actualité. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'y reviendrai après avoir relevé les grandes lignes de votre budget.
Je n'entrerai pas dans le détail des actions et des chiffres. D'une part, vous êtes venu vous-même nous les présenter devant la commission. Soyez-en remercié ! D'autre part, nos rapporteurs en ont parfaitement défini les grandes lignes et les enjeux auxquels il fait face.
De ce budget, je relève trois caractéristiques majeures : l'affirmation que l'éducation est la priorité du Gouvernement, votre souci d'une maîtrise budgétaire et votre volonté de solidarité.
La première caractéristique est donc l'affirmation que l'éducation reste la priorité du Gouvernement.
La masse budgétaire consacrée à l'enseignement scolaire dépasse les 277 milliards de francs et augmente de 1,5 % par rapport à 1996. Ajoutée à celle qui est consacrée à l'enseignement supérieur et à la recherche, votre budget est la première ligne du budget de la nation, avec plus de 324 milliards de francs.
Les mutations et les évolutions rapides des sciences et des technologies, et la mondialisation de l'économie nous incitent à donner à nos enfants le meilleur investissement qui soit : celui de la formation.
Nous devons faire de notre pays le premier pôle de matière grise au monde. Dans mon esprit, la matière grise inclut au même niveau l'intelligence abstraite, celle de la main, celle de l'acte. Les filières techniques et professionnelles doivent être traitées avec la même considération. La pire des attitudes serait, bien sûr, de les opposer par une sélection fondée sur l'échec.
La deuxième caractéristique est votre souci de maîtrise budgétaire.
Je voudrais vous dire combien, comme l'ensemble de mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants, je partage ce souci, et cela pour au moins pour trois raisons.
D'abord, cette maîtrise budgétaire entre dans le cadre général défini par M. le Premier ministre de réduire le déficit du budget de la nation. C'est la priorité des priorités. Tout le monde doit y contribuer : le secteur public, comme celui du privé.
Ensuite, cette maîtrise est facilitée et se justifie par une baisse des effectifs, baisse constatée de 200 000 depuis 1990, et attendue à la rentrée 1997 de 59 000.
Cet effort de gestion doit être poursuivi, en particulier dans le primaire, où l'on compte un remplaçant pour dix classes.
Enfin, la qualité d'une politique, fût-elle éducative, ne se mesure pas par la seule inflation de son budget, le mieux pouvant, ici comme ailleurs, devenir l'ennemi du bien.
Le contexte actuel doit nous inviter à recentrer le système éducatif sur sa mission : la pédagogie, au sens socratien du terme.
La troisième caractéristique de votre budget, monsieur le ministre, est votre volonté de solidarité.
En effet, votre souci d'opérer une meilleure gestion ne se fait pas au détriment de la qualité de l'enseignement, notamment envers ceux qui connaissent des difficultés scolaires ou sociales. Bien au contraire, et j'en prendrai pour preuve quelques exemples : la diminution du nombre moyen d'élèves par classe, la création de plus de 300 emplois nouveaux destinés à améliorer les conditions d'encadrement, à prévenir la violence et à améliorer la situation médico-sanitaire, le doublement des appelés du contingent, qui apportent un complément intéressant à la communauté éducative, l'augmentation sensible des bourses comme du fonds social collégien et, enfin, votre souci de préserver l'aménagement du territoire par la prolongation du moratoire en milieu rural.
Telles sont les actions et les directions que je partage et pour lesquelles le groupe des Républicains et Indépendants vous apporte son soutien.
Mais, permettez-moi aussi, à l'occasion du budget, qui est l'acte majeur de toute collectivité et exprime de façon concrète la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité, de revenir sur cette fonction première du système éducatif : la pédagogie, car, dans ce domaine comme dans d'autres, le débat porte trop souvent sur les structures et pas assez sur la finalité politique. Le contexte actuel que traverse notre pays nous oblige plus que jamais à cette réflexion.
La maîtrise budgétaire et le poids sans cesse croissant du secteur public sur les finances de la nation nous conduisent à recentrer notre système d'éducation sur sa mission première : la pédagogie, c'est-à-dire enseigner, apprendre à apprendre et apprendre à comprendre. Il doit laisser à d'autres les fonctions périphériques.
Les lois de décentralisation ont montré l'efficacité des collectivités locales. Pourtant, rappelez-vous, mes chers collègues, les craintes venues de tous horizons ! Dix ans de décentralisation démontrent aujourd'hui combien M. Gaston Defferre a eu raison. Car, plus que l'effet de levier induit par l'effort financier des collectivités, c'est le changement de mentalité qui s'est opéré qui est le plus important.
D'une compétence unique avant 1986, nous sommes passés à des compétences séparées pour entrer aujourd'hui dans le cadre de compétences véritablement partagées.
On peut s'interroger sur les raisons de ce succès et de ce changement. Pourquoi ce qui est possible au niveau local est plus difficile au niveau national ? Les raisons sont multiples et complexes. J'en retiendrai trois.
La première est d'ordre physique. Dans tout système, chaque fois qu'on rapproche une décision de son lieu d'action, on gagne en efficacité. Le suivi est meilleur, les évaluations sont possibles.
La deuxième raison tient à la nécessité de mieux répondre à la diversité des situations. Nous sommes dans un monde où la solution unique est de plus en plus inadaptée. De plus en plus, le sur mesure est plus efficace que le prêt-à-porter.
La troisième raison est une raison sociétale. Nous sommes dans une société rongée par des corporatismes de tous ordres qui freinent, voire interdisent, souvent toute réforme avant même qu'elle soit évoquée. Ces corporatismes ont donc généré la complexité et le cloisonnement.
Certes, les corporatismes existent à tous les niveaux de notre société. Mais le niveau local permet à tous les partenaires de se mettre autour d'une table sans être sous la pression des médias. Vous le savez, aussi bien que moi, monsieur le ministre, les solutions résultent bien plus de discussions autour d'une table que de la voie législative ou réglementaire. C'est la raison pour laquelle, à partir d'expérimentations locales, certaines fonctions, comme l'entretien, la restauration, l'hébergement, méritent une approche nouvelle. Cette approche doit bien sûr tenir compte des situations actuelles.
A la fin du XXe siècle, où la qualité première de tout système doit être sa réactivité, le pouvoir, et ce quel que soit le niveau, n'est plus de vouloir tout faire, mais bien celui d'oser faire faire.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de quelques suggestions, puisque nous sommes confrontés au problème numéro un auquel nous devons faire face : celui de l'orientation. Ces suggestions sont fondées sur le partenariat, la proximité, l'expérimentation.
Notre pays est parmi ceux qui, au monde, ont fait le plus pour l'éducation et la formation de ses enfants. J'ai l'habitude de citer ce chiffre : 9 700 francs par an et par habitant. Nous avons, je le dis, le meilleur système éducatif au monde. De nombreux pays nous l'envient. Pourtant, les réalités, les chiffres, nous interpellent. Malgré cet effort sans précédent, 24 % des jeunes connaissent le chômage et, dans le même temps, nos entreprises se plaignent de ne pas trouver de personnels qualifiés.
La France est le pays au monde qui a le plus grand nombre de grandes écoles. Jamais la durée des études n'a été aussi longue et, dans le même temps, jamais le taux de déclassement, quel que soit le diplôme, n'a été aussi élevé.
Certes, la sélection n'est ni souhaitable, ni réaliste, ni applicable. Mais, là encore, la réalité nous interpelle. Vous le savez comme moi, un enfant qui connaît des difficultés au cours préparatoire n'a que de 5 % à 10 % de chances d'atteindre et de réussir le bac.
Mais le chiffre, qui m'interpelle le plus, monsieur le ministre, est celui qui résulte d'une enquête de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, l'ONISEP. Lorsqu'on interroge un jeune lycéen sur son avenir professionnel, un sur trois répond qu'il veut être enseignant ou faire carrière dans la fonction publique.
Le côté positif de ce choix est la bonne image qu'a le lycéen de la profession. Mais, c'est le côté qui est un peu moins positif, comment allons-nous faire face à cet engouement ? Le secteur public n'a de réalité que celle que lui donnent les ressources et les richesses de la nation.
Certes, les solutions ne sont pas évidentes. Mais il en est deux qui, j'en suis certain, sont à exclure.
La première attitude à bannir est de ne tenir compte que de la seule réponse sociale, c'est-à-dire du souhait du jeune, sauf s'il résulte d'un projet profondément mûri, ce qui n'est que très rarement le cas, le souhait étant souvent le fruit du hasard ou la conséquence d'un effet de mode. L'engouement actuel pour les sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS, en est aujourd'hui l'illustration.
La seconde attitude à bannir est de fournir une réponse totalement adéquationniste aux besoins de l'économie.
Là encore, des exemples prouvent son inefficacité.
La seule réponse possible, à mon sens, est celle qui intègre simultanément les souhaits des jeunes et les besoins à moyen terme, quantitatifs et qualitatifs, du monde professionnel, tant du secteur public que du secteur privé.
Cette réponse ne peut résulter que d'une triple concertation, d'un triple engagement, d'un triple partenariat, entre la communauté éducative, qui doit avoir la même considération pour la formation générale que pour la formation professionnelle en alternance ou sous statut scolaire, les professions, qui doivent s'engager sur des contrats d'objectifs et des gestions en plan de carrière de leurs effectifs afin de sortir des contrats de précarité, et le jeune et sa famille, cette dernière étant prise dans sa dimension non seulement de parents d'élèves, mais de cellule de base, premier cercle de décisions. Sans ce triple partenariat, nous ne réussirons pas une orientation positive. Nous persisterons, au contraire, dans la sélection par échecs successifs.
Je connais votre volonté, monsieur le ministre, d'améliorer la situation. Un certain nombre d'initiatives ou d'expérimentations le prouvent.
Vous avez engagé le grand chantier de la modification des rythmes scolaires. Pourquoi ne pas profiter de ces espaces d'expérimentation pour valider quelques initiatives ? Autant il est souhaitable, dans le segment du primaire, d'améliorer l'adéquation entre matières enseignées et horloge biologique, autant, au collège, et davantage encore au lycée, la notion de rythmes scolaires prend une dimension plus large. Ce doit être l'occasion privilégiée d'ouvrir le jeune à d'autres cultures que la seule culture émanant des disciplines scolaires, de lui faire connaître le monde économique, culturel, associatif, de l'initier à la vie politique au sens éthymologique, celui de la gestion de la cité.
Il est clair que cela ne peut être demandé aux seuls membres de la communauté éducative, et, qui plus est, aux seuls enseignants, d'autant que le contexte économique nous interdit toute inflation de postes. Cela ne serait d'ailleurs pas souhaitable.
En revanche, pourquoi ne pas s'appuyer sur des compétences qui existent ? Elles sont souvent bénévoles et ne demandent qu'à s'exprimer.
En matière de connaissance des métiers, amplifions les partenariats avec les professions et les chambres consulaires. Pourquoi ne pas demander également aux retraités ou préretraités qui, outre le témoignage de leur expérience de toute une vie professionnelle, pourraient tout simplement apporter, monsieur le ministre, l'expérience de la vie, celles des aînés, des grands-parents, si importante pour le jeune et qui, aujourd'hui, fait cruellement défaut. Son absence est souvent à l'origine de nombreux problèmes sociaux que nous connaissons.
Pourquoi dans le domaine de la solidarité, de l'action humanitaire, ne pas s'appuyer davantage sur les organisations non gouvernementales, les ONG ?
Pourquoi, en matière de gestion de la cité ne pas engager un partenariat avec l'Association des maires de France ?
Tout cela pourrait être mis en place sous l'égide des centres d'information et d'orientation, les CIO, et des professeurs principaux. Ces actions seraient ouvertes aux familles. N'est-ce pas cela la pédagogie ?
En effet, monsieur le ministre, par-delà la frilosité des jeunes, leur attitude de repli, leur angoisse compréhensible face à l'avenir se cache un mal plus profond que, jour après jour, nous leur transmettons : le manque, voire l'absence de civisme.
Le civisme, ce n'est pas la peur d'entreprendre par peur de l'échec ; ce n'est pas la seule défense des droits acquis, c'est le devoir de se remettre en cause. Ce n'est pas le repli derrière l'égoïsme, c'est l'ouverture vers l'autre. Ce n'est pas d'accepter les réformes à condition qu'elles ne touchent que le voisin. Tout cela n'est pas inné ; cela s'apprend, s'enseigne et se comprend.
Monsieur le ministre, telle est la véritable dimension pédagogique à laquelle notre système éducatif doit répondre aux côtés de la famille.
J'ai débuté mon propos en citant Socrate. Comme je n'ai pas beaucoup de culture, je l'emprunte aux autres, et je conclurai cette intervention par une phrase de Michelet qui, parlant de la politique, a écrit : « Quelle est la première partie de la politique ? L'éducation. La seconde ? L'éducation. La troisième ? L'éducation. »
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants soutient votre politique d'éducation et votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Girod remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le ministre, comme la majorité de la commission des affaires
culturelles, comme la totalité de mon groupe et comme, je le pense, la majorité
du Sénat, je voterai votre projet de budget car nous savons que vous avez à
faire face à une tâche extrêmement lourde. Vous vous efforcez, année après
année, de faire avancer le système éducatif en évitant les blocages et en
répondant à des demandes qui sont parfois contradictoires.
Vous me permettrez aujourd'hui d'aborder un domaine qui est rarement l'objet
de nos débats, même si, et je le tiens à l'en remercier, M. Bernadaux,
rapporteur pour avis, a souligné son acuité tout à l'heure.
Il y a un an, presque jour pour jour, la mission d'information sur
l'enseignement des langues vivantes dans l'enseignement secondaire, dont
j'avais proposé la création au Sénat, rendait ses conclusions et publiait son
rapport intitulé
Vers un nouveau contrat pour l'enseignement des langues
vivantes.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, un an après, je souhaite saisir
l'occasion de ce débat pour évoquer avec vous les suites données à ce
rapport.
La mission, composée bien sûr de représentants de tous les groupes du Sénat,
avait rendu ses conclusions à l'unanimité, et nous étions persuadés d'avoir mis
au jour de vrais problèmes, appelant des réponses urgentes.
L'accueil qui a été réservé à ce rapport par les associations d'enseignants de
langues et par les linguistes en général nous renforce dans ce sentiment.
Samedi et dimanche derniers, ici même au Sénat, l'association européenne des
linguistes et des professeurs de langues organisait un colloque sur les langues
à l'école, avec le concours de l'inspection générale et de toutes les
associations de parents d'élèves du public et du privé.
Demain, c'est à Nantes que se tiendra un colloque sur l'enseignement des
langues.
Le 1er novembre, à Tours, 1 500 enseignants d'allemand en France ou de
français en Allemagne s'inquiétaient du recul de leur discipline dans leurs
pays respectifs et lançaient un appel solennel pour le maintien d'une véritable
diversité dans l'apprentissage des langues.
Bientôt, c'est une réunion « interlangues » avec tous les présidents
d'associations de professeurs de langues vivantes qui sera organisée pour vous
faire des propositions, car, me disent mes interlocuteurs, il y a urgence.
Mesurez-vous bien, monsieur le ministre, l'angoisse des enseignants de russe,
qui voient disparaître leur discipline ? Pensez-vous qu'il est normal que
s'éteigne chez nous la formation d'enseignants d'une langue qui sous-tend une
culture importante ?
Notre rapport a prouvé que l'enseignement français offre, sur le papier, une
remarquable diversité de langues au choix des familles et des élèves, mais que
la réalité est bien différente. La théorie, c'est la diversité ; la réalité
c'est le tunnel de l'anglais.
Parce que l'on affirme que l'enseignement d'une langue doit commencer tôt,
vous développez actuellement, monsieur le ministre, une initiation à une langue
étrangère dans le primaire. Cette volonté doit être portée à votre crédit - je
l'approuve bien entendu - mais en avez-vous bien mesuré toutes les conséquences
?
Le professeur Candelier, dans un article qu'il vient de publier, rappelait, à
juste titre, qu'il y a antinomie entre la diversification de l'enseignement des
langues, qui est indispensable à la réalisation de l'Europe plurielle que vous
appelez et que nous appelons de nos voeux, et un apprentissage précoce, réalisé
dans le cadre de l'enseignement primaire et qui doit tenir compte d'abord des
ressources en enseignants compétents et des voeux des parents.
Interrogé sur ce point en commission des affaires culturelles, vous avez
répondu en citant le professeur Hagège, qui affirme qu'il faudrait ne pas
enseigner l'anglais dès le primaire, pour conclure - et je le comprends - qu'il
n'est pas possible d'interdire.
C'est se débarrasser trop vite du problème, monsieur le ministre. Entre
l'interdiction de l'anglais, choquante et irréaliste, et le laisser-faire qui
conduit au « tunnel de l'anglais », il y a place pour plusieurs actions qui
sont détaillées précisément dans le rapport de la mission, mais dont vous
n'avez pas, en tout cas pas encore, tenu compte.
Il faut que le choix de la langue soit présenté aux parents et aux enfants
pour ce qu'il est : un choix important, qui pèsera sur l'orientation future de
l'élève, qui engage là son avenir.
Il faut que tous les partenaires du système éducatif, parents, enseignants,
élus, soient partie prenante dans la réalisation d'un schéma régional
d'enseignement des langues qui tienne compte des réalités de chaque
région,...
M. Jean-Louis Carrère.
Telles que le basque, n'est-ce pas, monsieur le ministre ?
M. Jacques Legendre.
... des ressources offertes par la présence de communautés humaines, de la
situation géographique, des politiques d'échanges et des jumelages.
Il faut sans doute atténuer l'écart existant entre la langue vivante 1, celle
que l'on retiendra, et la langue vivante 2, souvent destinée à l'oubli, alors
même qu'un étudiant - et la grande majorité de nos élèves sont maintenant, fort
heureusement, destinés à devenir des étudiants - se doit de maîtriser deux
langues étrangères.
A-t-on dit aux parents, aux jeunes, combien sont importantes les langues lues,
parlées, écrites, quand on fait une demande d'emploi ? La différence se fait
moins sur la connaissance de l'anglais, qui se généralise, que sur la
connaissance - ou la méconnaissance - d'une autre langue.
Comment ne pas voir enfin, monsieur le ministre, qu'il existe un rapport entre
la place que nous réservons chez nous à la langue des autres et la place que
les autres réservent chez eux à l'enseignement du français ?
Comment reprocher à l'Italie d'abandonner le français qu'elle a parlé si bien
pendant longtemps alors que nous n'avons que 228 élèves en langue vivante 1
italien pour toute la France ?
Allons-nous dans l'avenir devoir travailler, échanger, dialoguer par le
truchement de l'anglais avec la Pologne, ce pays ami, allié de si ancienne
tradition alors même que vivent en France des centaines de milliers
d'excellents Français d'origine polonaise ?
Monsieur le ministre, je ne prêche pas pour un apprentissage communautaire des
langues, qu'il n'y ait pas de malentendu sur ce point, mais je crois qu'une
communauté d'origine, c'est aussi une ressource qu'il est dommage de
dilapider.
Et que dire de la place réservée à l'arabe - vous savez combien ce sujet est
important - au russe, au portugais ?
Monsieur le ministre, vous appartenez à un Gouvernement qui, à juste titre,
plaide pour le plurilinguisme, pour l'Europe plurielle.
En tant que ministre de l'éducation, vous êtes un acteur essentiel du
plurilinguisme réel. Ce que je dis là, je l'exprimais hier devant le ministre
de la culture ; je le dirai demain, bien sûr, dans le débat sur la francophonie
; mais je crois que, si je ne l'exprimais pas ici devant vous, qui êtes le
ministre de l'éducation, je négligerais un acteur essentiel. Nous comptons sur
vous pour que soient prises enfin les mesures raisonnables qui s'imposent.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
discutons d'un budget qui, sans doute pour la première fois, et contrairement à
ce qui a été dit, ne fait plus partie des priorités de l'Etat ; la meilleure
illustration de mes propos réside dans la présentation générale qu'a faite du
projet de loi de finances pour 1997 M. Lamassoure, dans lequel ne figurait pas,
au titre des priorités, le secteur qui nous retient actuellement.
Les chiffres de ce projet de budget illustrent d'ailleurs mes propos. En
effet, celui-ci augmente à peine plus que l'inflation, si nous tenons compte de
la courbe des salaires, donc de leur évolution mécanique.
Quand on connaît l'acharnement avec lequel vous vous êtes battu au cours des
exercices précédents, cela conduit à se poser la question : est-ce un budget de
renoncement ? Est-ce, monsieur le ministre, un budget de départ ?
Nous voici donc, pour la première fois depuis longtemps, devant un budget de
régression, et cela se répercute tant sur les crédits que sur les emplois.
Je m'attarderai d'abord sur les emplois.
Ainsi sont prévues 5 290 suppressions d'emplois cette année pour seulement 313
créations de postes, dont 250 constituent des consolidations d'emplois dégagés
en juillet dernier pour faire face à la violence dans les établissements ; et
je ne comptabilise pas les quelque 15 000 maîtres auxiliaires au chômage à la
rentrée 1996, point sur lequel je reviendrai tout à l'heure.
Vous tentez, monsieur le ministre, de justifier les très nombreuses
suppressions de postes par la baisse démographique ; or cet argument ne « tient
pas la route » deux secondes.
En effet, la baisse démographique, même si elle est réelle, équivaut à une
diminution d'un élève par école primaire et de seulement 0,15 élève par classe,
de trois élèves par collège et de seulement 0,16 élève par division !
Bien sûr, vous pourrez me rétorquer que je torture un peu les chiffres et que,
au lieu d'annoncer leur globalité, je les rapporte au nombre de classes. Mais
quand on supprime un poste et qu'on me dit que cela n'aura pas d'incidence,
qu'il y aura toujours le même nombre d'enseignants devant les élèves, je peux
dès lors, moi aussi, utiliser cette méthode qui est mathématiquement
correcte.
Par ailleurs, je tiens, monsieur le ministre, à vous rappeler une
déclaration.
Lors de la mise en oeuvre du Nouveau contrat pour l'école, le Premier ministre
de l'époque - dont vous étiez le ministre de l'éducation nationale - avait
affirmé que la baisse démographique à venir serait mise à profit pour améliorer
le taux d'encadrement et les conditions d'études.
Enfin, j'attire votre attention sur le fait que la baisse démographique
enregistrée cette année est la même que celle qui avait été enregistrée en
1993, quand le budget avait été préparé par le gouvernement de Pierre Bérégovoy
; or, à l'époque, dans la loi de finances était inscrite la création de 700
postes supplémentaires.
Toutes ces données prouvent bien que les orientations politiques ont
radicalement changé entre les gouvernements socialistes et celui auquel vous
appartenez, mais l'on constate, de surcroît, une rupture des engagements pris
il y a trois ans.
A ce propos, j'ouvre une parenthèse, monsieur le rapporteur spécial, pour
noter que cette année nous fait craindre bel et bien l'enterrement définitif du
Nouveau contrat pour l'école : l'application de ses dispositions est réduite à
une telle peau de chagrin que, dans le bleu budgétaire, les dépenses qui y sont
consacrées et qui sont d'ailleurs plus que rares ne sont même plus
identifiées.
M. Jacques Delong,
rapporteur spécial.
Je vous laisse la responsabilité de vos propos !
M. Jean-Louis Carrère.
J'en reviens aux emplois.
Je soulignerai d'abord le fait que, depuis une dizaine d'années, époque où M.
Monory était ministre de l'éducation, c'est la première fois que l'on assiste à
des suppressions d'emplois d'enseignants ; quant aux emplois non enseignants
ils n'ont souvent pas été épargnés !
Je n'arrive pas à me consoler de ce que les emplois sur le terrain ne soient
pas touchés par les suppressions, cette année, même si ce que vous dites est
vrai, monsieur le ministre ; celles-ci portent sur les recrutements et les
postes de stagiaires.
Ainsi, les effets néfastes de votre polique ne sont pas encore visibles. Mais
la politique de recrutement pour les prochaines années est déjà mise à mal.
Vous le savez, cela s'appelle une bombe à retardement : c'est dans deux ou
trois ans qu'elle produira ses effets.
Tout cela est particulièrement regrettable, à la fois compte tenu de ce que
sont les besoins en période de chômage et vis-à-vis des maîtres-auxiliaires
sans affectation à la dernière rentrée.
Les besoins sont en effet criants en maternelle, où, pour aboutir à un
abaissement des effectifs à vingt-cinq élèves par classe, et pas seulement en
ZEP, il aurait fallu créer quatre cents postes.
Par ailleurs, concernant les directeurs d'école, monsieur le ministre, vous
avez récemment promis une décharge pour les écoles à cinq classes ; fort bien.
Mais je ne suis pas certain que les emplois budgétaires soient suffisants pour
rendre cette décharge possible. Je souhaite que vous vouliez bien m'éclairer
sur ce point ?
S'agissant du problème spécifique des recrutements, je m'inquiète des
suppressions de 1 700 postes en IUFM - instituts universitaires pour la
formation des maîtres - et des douze semaines passées sur le terrain, en
deuxième année, au lieu de huit semaines.
Certes, la formation concrète sur le terrain, ce peut être intéressant. Mais
on peut aussi considérer que cela permet d'économiser des emplois. En effet, si
l'on multiplie le nombre de stagiaires par le nombre de semaines de stages
effectués dans une classe, et si l'on traduit cela en emplois...
Je m'inquiète également - et c'est beaucoup plus grave - de la suppression,
cette année, de l'allocation pour les jeunes d'origine modeste en IUFM,
suppression qui fait suite à celle de l'allocation de première affectation, que
j'avais dénoncée l'an dernier.
Est-ce ainsi, monsieur le ministre, que vous comptez oeuvrer en faveur de
l'égalité de tous les jeunes ? Est-ce ainsi que vous comptez compenser la
montée attendue des départs à la retraite ? On ne peut vraiment pas dire que
vous participiez activement à la lutte que décrète le chef de votre
gouvernement en faveur de l'emploi ! D'ailleurs, elle est peut-être décrétée
mais elle n'a pas de traduction budgétaire.
M. René-Pierre Signé.
D'après les sondages, l'opinion ne s'y trompe pas !
M. Jean-Louis Carrère.
A ce propos, je m'attarderai un instant sur la situation dramatique que vivent
quelque 15 000 maîtres-auxiliaires.
J'ai noté avec satisfaction que le projet de loi relatif à l'emploi statutaire
dans la fonction publique résolvait, par le biais de concours réservés, la
situation actuellement précaire de certains maîtres-auxiliaires. Cependant, ce
texte ne va pas assez loin puisqu'il laisse ces 15 000 maîtres-auxiliaires «
sur le carreau ».
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Non, non, non !
M. Jean-Louis Carrère.
Moi, c'est l'interprétation que j'en fais ! J'attends donc vos explications.
Mais je me laisserai peut-être plus facilement convaincre que les intéressés
!
Parallèlement, on se trouve face à 800 000 heures supplémentaires, dont aucune
ne sera, cette année, transformée en emploi. Vous allez me dire que vous êtes
le premier à en avoir transformé, et cela pendant un certain temps ; c'est
vrai. Il reste que, en 1997, il n'y aura pas de transformations.
Certes, l'ensemble des 800 000 heures n'est pas transformable en postes
budgétaires : ce serait une imbécillité de vouloir appliquer une règle
arithmétique pour les transformer toutes en postes, car une certaine souplesse
est nécessaire. Mais la moitié, voire un tiers de ces heures pourraient être
transformées, et cela permettrait d'embaucher d'ores et déjà 15 000
chômeurs.
Votre décision de ne pas créer d'emplois de fonctionnaires constitue une
décision politique lourde de conséquences, monsieur le ministre ! Tout d'abord,
on n'est pas loin de pouvoir y déceler une volonté de mettre à mal le service
public. Ensuite, vous le savez bien, ralentir les créations de postes emporte
des conséquences désastreuses pour la revalorisation.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Non, non et non !
M. Jean-Louis Carrère.
Vous me l'expliquerez !
Cela étrangle un peu plus le « sifflet » puisque les transformations d'emplois
dans les différents corps s'effectuent normalement à parité avec les créations
de postes dans lesdits corps.
Je consacrerai quelques minutes de mon intervention aux emplois de
non-enseignants ou plutôt au manque de ces emplois. La pseudo-création de 150
postes de MI-SE, maître d'internat et surveillant d'externat, et de 100 postes
de CPE, conseiller principal d'éducation, n'abuse personne longtemps. Sur ces
100 CPE, 80 correspondent à des consolidations d'emplois, décidées au printemps
dernier pour honorer les objectifs du plan de lutte contre la violence dans les
établissements. Les 150 postes de MI-SE sont également des consolidations. Il
n'y a donc que 20 créations réelles de postes de non-enseignant pour 1997.
Ce manque à gagner doit être ajouté au déficit d'emplois cumulé sur trois
exercices budgtaires : ce sont au total 230 des postes prévus par la loi de
programmation pour le Nouveau contrat pour l'école qui n'ont jamais été créés
!
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, faire face à l'ouverture des
nouveaux établissements ? Sans doute en continuant à recourir à des appelés du
contingent. Mais j'observe que les 4 700 « emplois » supplémentaires prévus à
ce titre pour 1997 constituent aussi des consolidations.
Monsieur le ministre, tout ce qui a trait aux emplois et aux personnels de
l'éducation nationale ne nous laisse augurer rien de bon ni pour l'avenir des
personnels ni pour celui de nos enfants.
Je serai plus bref, faute de temps, sur les crédits, mais je constaterai
néanmoins qu'ils subissent une hémorragie dans nombre de secteurs de première
importance.
Ainsi, les crédits pédagogiques baissent de plus de 50 millions de francs, ce
qui laisse présager le pire pour les crédits destinés au premier degré dans les
ZEP.
Les aides sociales aux familles et aux élèves diminuent de 1,2 %, alors même
que l'allocation de rentrée scolaire a subi une baisse spectaculaire - 1 000
francs au lieu de 1 500 francs - et que de nombreuses familles n'ont plus les
moyens d'envoyer leurs enfants déjeuner à la cantine. Toutes ces baisses
s'ajoutent à la suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité :
400 francs en primaire, 1 000 francs au collège et 1 200 francs au lycée.
Enfin, l'enveloppe dévolue aux frais de déplacement accuse elle aussi une
baisse. On peut donc s'attendre au pire puisque, à l'heure actuelle, les
intéressés doivent souvent patienter un an avant que les frais en question leur
soient remboursés.
A ce sujet, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à ce qu'il y ait une
ligne propre dans chaque rectorat. Or force est de constater que cette mesure
n'est pas effective partout. Que comptez-vous faire pour remédier à cette
carence ?
Ces chutes drastiques de crédits nous donnent une idée du projet social que
vous nourrissez pour l'école et ses « acteurs » ! Quand je dis « vous », ne le
prenez pas en pleine face, comme une accusation personnelle, monsieur le
ministre. C'est, bien entendu, à travers vous, au Gouvernement que je
m'adresse. Peut-être devrais-je même considérer que vous subissez ce projet.
Avez-vous conscience de compromettre l'avenir de nos jeunes, la carrière des
personnels de l'éducation nationale et la renommée de notre enseignement à
l'étranger ? Et ne me répondez surtout pas que l'effort est maximal, en
particulier par rapport à nos voisins européens. Comme je le disais en
commençant mon intervention, votre budget, monsieur le ministre, est un budget
de renoncement.
A cet égard, je voudais citer quelques-uns des résultats d'une étude menée
récemment par l'OCDE, qui prouve que la France a l'un des plus faibles taux
d'encadrement par élève : 22,78 élèves par enseignant chez nous, contre 21,5 au
Royaume-Uni, 20,5 en Allemagne, 20,3 au Japon et 15,2 aux Etats-Unis !
Voilà, monsieur le ministre, l'essentiel de ce que je tenais à vous dire.
D'autres membres de mon groupe aborderont tout à l'heure d'autres aspects de
votre politique, mais je ne pense pas vous étonner en vous indiquant d'ores et
déjà que le groupe socialiste du Sénat ne votera pas votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Excellente intervention !
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français
aiment leur école ; ils y sont très profondément attachés et ont une immense
reconnaissance envers le travail de grande qualité effectué par les enseignants
et tous les personnels, au service de la réussite optimale des enfants.
Les Français le réaffirment avec force : la formation des jeunes doit être la
mission absolument prioritaire de l'Etat. Cette formation doit garantir à
chacun un haut niveau de culture générale et des savoirs ouverts toujours plus
et mieux sur la vie, permettant d'accéder au monde du travail et de se préparer
aux futures mutations technologiques et professionnelles.
Plus que jamais, le système éducatif doit être mobilisé pour former le citoyen
de demain.
Des transformations méritent d'être engagées, qui passent par l'accroissement
significatif des moyens humains et matériels, pour garantir un véritable
travail d'équipe auprès des jeunes, privilégiant le dialogue et
l'individualisation nécessaires à l'acte éducatif.
La FSU, la fédération syndicale unitaire de l'enseignement, de l'éducation, de
la recherche et de la culture, s'est mise à l'écoute de l'opinion en procédant
avec audace à une grande consultation publique ; des dizaines de milliers de
parents, de jeunes, d'acteurs de l'école y ont répondu.
Les résultats de cette démarche sans précédent, que je viens de résumer très
brièvement, rappellent avec force l'attente de tout un pays pour une école de
la qualité, de l'égalité et de la citoyenneté.
Militant avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen depuis
des années à la réalisation de cet objectif, vous le savez, monsieur le
ministre, lors des discussions budgétaires annuelles, comme à l'occasion du
débat sur le nouveau contrat pour l'école, je ne vous cacherai pas toute
l'importance que j'attache au rappel de cette exigence prioritaire pour
l'avenir de notre pays et à laquelle, hélas ! votre projet de budget répond
négativement en imprimant une régression importante du système éducatif.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, quelques jours après notre première
journée nationale des droits de l'enfant, de souligner le foisonnement
d'initiatives et d'expressions qui ont porté l'aspiration au droit fondamental
à l'éducation, y compris par les enfants eux-mêmes.
Comme auteur, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen,
de la proposition qui a fait de la France le premier pays à célébrer une telle
journée et a fait progresser la notion d'enfant citoyen, je vous ai rencontré,
après l'adoption unanime de ce texte par le Sénat et l'Assemblée nationale,
pour que l'éducation nationale prenne toute sa part à la journée du 20
novembre. Après la publication, dans le
Bulletin officiel,
de vos
directives à tous les recteurs et à tous les établissements, ce qui est
positif, un bilan de cette journée dans les écoles sera-t-il établi ?
J'aimerais évidemment, dans l'affirmative, que vous nous en communiquiez le
résultat, monsieur le ministre.
Les circonstances m'ont conduite à prendre connaissance en même temps de votre
dernier ouvrage et de vos interventions lors du débat sur votre budget à
l'Assemblée nationale.
Je me suis demandé si c'était bien la même personne qui était l'auteur de ce
livre et de ces interventions.
D'un côté, je vois une réflexion qui se veut dénonciatrice de l'emprise des
marchés financiers sur la conduite de la société, qui prône la nécessité
impérieuse d'être à l'écoute et à l'unisson des citoyens, qui reconnaît les
apports irremplaçables des syndicats, pour conclure que, s'agissant de l'école,
« la seule manière d'être pris au sérieux » consiste à « respecter, dans les
actes et la conduite quotidienne, tous ceux qui en sont les piliers et les
soutiens, de la maternelle au Collège de France ».
Voilà une forte déclaration d'intention.
Mais, de l'autre côté, il y a un ministre qui refuse, avec le Gouvernement,
d'entendre la communauté éducative - je le dis après avoir consulté toutes les
composantes syndicales du monde enseignant et les associations de parents
d'élèves -, qui est porteur d'une politique et d'un budget proposant exactement
l'inverse des lignes écrites par l'essayiste. La traduction de cette politique,
c'est un bien triste record : la suppression nette de 5 000 emplois pour
l'école, 89 % du total des suppressions d'emplois publics.
Le ministre écrivain dénonce avec virulence les marchés financiers qui,
écrit-il, sont « devenus prescripteurs d'organisation des sociétés », et là je
vous approuve. Malheureusement, le ministre gestionnaire de l'éducation
nationale présente un budget fer de lance d'une politique de réduction des
dépenses publiques utiles, imposée par les mêmes marchés financiers, qui sera
source de chômage supplémentaire et de reculs graves pour la jeunesse.
Mon ami Guy Hermier a fort pertinemment et précisément analysé votre budget
pour l'enseignement scolaire, le 14 novembre dernier, à l'Assemblée
nationale.
Aussi reviendrai-je surtout ici - puisque, avec la suppression par la majorité
sénatoriale de quarante heures de temps de discussion budgétaire, le temps me
manque - sur les décisions qui compromettent l'avenir immédiat, c'est-à-dire la
prochaine rentrée scolaire, et l'avenir à plus long terme.
Dans le premier degré, les 2 900 emplois supprimés ne permettront pas,
contrairement à ce que vous affirmez, de maintenir le même nombre de classes et
d'enseignants devant les enfants, sauf à ne pas respecter les engagements pris
concernant les vingt-cinq élèves en maternelles de ZEP, le maintien des classes
rurales, dont certaines sont à trois niveaux, et les mesures nouvelles de
décharges de direction d'école, sauf à toujours plus restreindre la formation
continue des maîtres et à toujours moins pourvoir au remplacement de certains
congés, comme, par exemple, au collège de Rossons-Matz, dans l'Oise, où, pour
420 élèves, il y a eu 1 500 heures non remplacées, soit deux postes
d'enseignant.
La suppression de 1 700 emplois de professeur stagiaire, à laquelle s'ajoute
la liquidation des allocations en IUFM, est une mesure grave. Elle obère
l'avenir, le renouvellement des 16 000 départs annuels en retraite ainsi que
l'accès de milliers d'étudiants motivés et d'origine scolaire diversifiée à
cette profession.
La baisse démographique, limitée à un élève en moyenne par école, ne sera donc
pas mise à profit pour améliorer l'encadrement et l'aide aux enfants, comme s'y
était pourtant engagé formellement, en son temps, le Premier ministre, M.
Balladur, au gouvernement duquel vous apparteniez.
Quant au personnel, les engagements sont de moins en moins tenus, notamment en
matière d'accès à la hors classe, ou de congés de mobilité. Deux cent vingt
mille instituteurs attendent de devenir professeurs d'école. Au rythme actuel,
la fin de l'intégration arrivera en 2017. Il faut, je vous le demande, à
nouveau, monsieur le ministre, en accélérer le rythme.
Pour le secondaire, avec 18 000 élèves supplémentaires, le coup d'arrêt est le
même : on assiste à 1 000 suppressions d'enseignants stagiaires et à la
suppression d'emplois d'assistants étrangers. Est-ce ainsi que vous faites
l'Europe des langues vivantes ? Les créations de postes de surveillant, de
conseiller d'éducation, d'assistant social, de personnel d'orientation et de
santé scolaire sont en nombre infinitésimal. Quant aux ATOSS, 650 à 800 emplois
vont disparaître en raison d'une moindre compensation des temps partiels.
Cette situation est très dommageable quand la présence d'adultes qualifiés
s'impose pour lutter contre la violence et la fracture sociale, aider et
soutenir les jeunes en difficulté en dehors et en plus des heures de cours.
La Cour des comptes considère, pour sa part, les 70 000 CES comme de
véritables emplois. Aussi, il faut arrêter de se servir d'eux comme substitut à
la non-création d'emplois. Il faut les titulariser et les former ; ce sera
efficace contre le chômage et utile pour les jeunes et les élèves.
Il en va de même du gâchis humain que représente le chômage des 10 000 maîtres
auxiliaires alors que la transformation d'un tiers des 800 000 heures
supplémentaires créerait 20 000 emplois et permettrait une économie de 1,2
milliard de francs. Voilà une réduction judicieuse des dépenses publiques que
je réitérerai dans un amendement.
L'admission initialement refusée des candidats figurant sur la liste
supplémentaire, et que nous avons fortement soutenus dans leur lutte, doit être
suivie de la décision de réemploi des maîtres auxiliaires et de leur
intégration.
L'Etat de l'école,
qui vient d'être publié, fait apparaître une
stagnation de la réussite scolaire. Cette étude montre que de nouveaux progrès
passent désormais, pour les élèves en difficulté, par des investissements
éducatifs proportionnellement beaucoup plus importants que ceux qui ont prévalu
jusqu'à présent.
Il faut une individualisation, une prise en charge globale de ces jeunes par
des équipes complètes et complémentaires, des mesures sociales spécifiques pour
les familles, comme le rétablissement de l'aide à la rentrée scolaire, l'ARS, à
son niveau précédent, le retour du versement des bourses de demi-pension aux
collèges, que je vous demande depuis deux ans, et sur lequel le directeur du
cabinet du Président de la République m'a fait part de son accord, lors d'un
entretien récent que M. André Lajoinie, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis et
moi-même avons eu avec lui, et ce afin d'enrayer ce phénomène intolérable de
malnutrition que plus personne ne peut nier.
Confirmez-vous, monsieur le ministre, qu'une expérimentation sera menée à ce
sujet dans plusieurs départements ? En tout cas, les départements du
Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis sont candidats.
Tous ces nouveaux besoins appellent un changement radical d'échelle tant sur
le plan qualitatif que sur le plan quantitatif. Cette orientation indispensable
ne figure pas concrètement dans votre programme d'action, monsieur le
ministre.
Pourtant, quel gisement d'idées, de savoir-faire, d'enthousiasme,
d'imagination, d'initiatives et d'innovation pourrait-on trouver dans la
communauté scolaire ! Je citerai en exemple l'atelier d'écriture co-animé
depuis deux ans dans le collège Jules-Vallès de Choisy-le-Roi par le professeur
de français, la documentaliste et Mme Pascale Roze, le dernier prix Goncourt.
Ils ont d'ailleurs écrit un livre à ce sujet. J'ajoute - je ne résiste pas à ce
plaisir - que ce collège est situé dans mon quartier.
Cette expérience est très intéressante et bénéfique pour les élèves. Tous ces
potentiels auxquels des associations de parents d'élèves sont, elles aussi,
partie prenante, ne demandent qu'à pouvoir s'exprimer et se développer. L'année
1997 sera une année noire à cet égard. Elle ne permettra pas « de voir pousser
des racines nouvelles, d'inventer des floraisons inédites », que semblait
pourtant appeler de ses voeux l'auteur du
Droit au sens.
Il ne faudra alors plus vous étonner, monsieur le ministre, que nos
contemporains courent de désillusion en désillusion et que, plus grave encore
et je vous cite à nouveau, « les yeux de nos enfants lisent la honte de l'échec
de nos entreprises ».
Le 23 novembre dernier, non loin d'ici, nous rendions hommage à André Malraux.
En cet instant émouvant et fort auquel j'ai assisté s'avançait un cortège
symbolique de repères et d'idéaux qui fondent la seule noblesse qui vaille de
l'engagement politique, celle de la volonté face à la pesanteur des choses, aux
dominations des puissants, celle du courage, de la détermination pour aller
contre le cours du fleuve de l'histoire quand il détruit, menace ou obscurcit
la vie des hommes. Comme le dit si magnifiquement Aragon dans un poème de
La
Diane française...
M. le président.
Veuillez conclure, madame Luc.
M. Emmanuel Hamel.
N'interrompez pas la citation d'Aragon, monsieur le président !
Mme Hélène Luc.
... « que la vie en vaut la peine ! » N'est-ce pas le plus beau message
d'espoir pour la jeunesse ? Alors oui, la mission éducative, parce qu'elle
ouvre à la vie et à la civilisation, ne peut s'accomplir qu'en se nourrissant
de ces valeurs.
M. le président.
Madame Luc, la citation est terminée mais, malheureusement, votre temps de
parole aussi.
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
Aujourd'hui, celles-ci ne sont pas déployées, les amputations sans précédent
des dépenses au préjudice des missions essentielles de l'Etat en 1997 en
attestent. Monsieur le ministre, en toute logique, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen ne voteront donc pas votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Merci d'avoir cité Aragon et
La Diane française
qui est en train de
mourir avec l'Europe !
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dans leur
majorité, voteront votre budget parce que c'est un bon budget.
Je traiterai essentiellement de l'entrée dans la société de l'information qui
va profondément modifier nos habitudes, notre conception de la vie, les
relations entre les citoyens et les pouvoirs publics et les relations
hiérarchiques. Nous aboutissons à une humanité mondialisée comme, dès les
années quarante, Teilhard de Chardin le prévoyait et qui, en même temps,
renforce ses racines locales.
L'école, ce lieu privilégié au sein duquel se construit l'avenir, doit prendre
à bras-le-corps le défi de ce qui est une vraie révolution culturelle. Ce défi
n'est pas simplement l'acceptation de techniques pédagogiques mais il est lié à
un fait de société.
Ce défi donne un sens nouveau, il doit propager une nouvelle éthique et une
nouvelle responsabilité individuelle. Ceux qui pratiquent, depuis de nombreuses
années, Internet - je pense, en particulier, aux scientifiques - savent bien
qu'il s'agit d'un domaine anti-hiérarchique, voire porteur d'une culture «
anarchique » au sens littéral du terme.
Célestin Freinet, mon maître à l'école primaire de Saint-Paul, dont nous
célébrons cette année le centenaire, s'y serait senti à l'aise car s'il a
appartenu à un moment de sa vie à un parti dans lequel la hiérarchie était
pesante, il était profondément anarchiste. Il était certainement plus favorable
aux gens du POUM qu'au boucher d'Albacete.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Pierre Laffitte.
Je crois que les héritiers des hussards de la République sont nombreux à
participer à ces conceptions. Je vous avais demandé, monsieur le ministre, lors
du débat budgétaire qui s'était tenu l'année dernière, de donner un signal fort
en faveur de l'entrée dans la société de l'information.
L'éducation nationale doit se préparer et préparer la nation aux nouvelles
conditions de la révolution culturelle que j'évoque.
Bien des initiatives au sein des académies, notamment des académies pilotes,
existent. Nombreuses sont les expérimentations en cours. Les académies ont
souvent le sentiment que l'administration centrale, voire le pouvoir politique,
ne les soutient pas assez ; c'est du moins ce qu'on entend dire.
En commission des affaires culturelles, monsieur le ministre, vous m'avez
affirmé, en répondant à une question similaire, que vous alliez prendre une
initiative forte. Le projet de budget pour 1997 reflète-t-il celle-ci ? Cette
question a été évoquée, ici même cette nuit, par l'un de vos collègues
ministres, en charge des inforoutes.
L'observatoire des télécommunications dans la ville, qui se préoccupe, lui
aussi, de cette question, comme de nombreuses associations, m'a demandé de
présider en janvier une table ronde sur l'enseignement en réseau. Je crains
fort de devoir alors constater que, en la matière, l'école de la République
n'est pas une pionnière.
En effet, le Québec, dix fois moins riche et dix fois moins peuplé que la
France, a lancé, en 1996, des programmes qui, à l'échelle de notre pays,
représenteraient la connexion de plus d'un million d'ordinateurs au réseau
Internet dans les écoles.
Face à des chiffres de cet ordre, nous pourrions d'ailleurs peut-être
envisager de demander à France Télécom et à ses futurs concurrents de consentir
des tarifs adaptés en faveur des écoles. L'exemple du Canada et des Etats-Unis,
où les organismes chargés d'autoriser les opérateurs de Télécom privilégient
ceux qui offrent au système éducatif un accès gratuit au réseau Internet et des
tarifs privilégiés est là ! Il pourrait sans doute être transposé en France.
J'appelle, monsieur le ministre, à un grand sursaut de tous les acteurs
publics et privés, et des mécènes pour que l'école de la République montre la
voie de l'entrée dans la société de l'information.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres
le démontrent : l'éducation nationale a échappé à la rigueur budgétaire. Nous
nous en réjouissons.
En effet, vous allez disposer, monsieur le ministre, d'un budget dont le
montant atteindra, en 1997, 277 milliards de francs pour le seul enseignement
scolaire auquel il faut ajouter - nous en parlerons cet après-midi - les 47
milliards de francs destinés à l'enseignement supérieur, soit un total de 324
milliards de francs. Tous vos collègues du Gouvernement vous envient, monsieur
le ministre !
Nos excellents rapporteurs, MM. Delong, Bernadaux et Carrère, ont analysé ces
chiffres sur lesquels je ne reviendrai pas.
En tant que sénateur des Français établis hors de France, je ne formulerai
qu'une remarque préliminaire : l'enseignement français à l'étranger,
malheureusement, ne bénéficiera nullement de cette manne, puisque la loi du 6
juillet 1990, que le Sénat d'ailleurs n'a pas adoptée, a exclu le ministère de
l'éducation nationale de la tutelle et donc du financement de cet
enseignement.
Nous le déplorons profondément, mais ce n'est pas la faute du gouvernement
actuel ni celle de la majorité du Sénat.
Votre ministère, cependant, par l'intermédiaire de la DRIC, la délégation des
relations internationales et de la coopération, garde la responsabilité
pédagogique, pour ce qui concerne les programmes, les orientations, les
inspections et l'accréditation des écoles.
Sur ce point, permettez-moi de vous poser une première question. La liste
annuelle de reconnaissance est très importante. L'an passé, elle a fait l'objet
du décret du 6 novembre 1995 et elle a été publiée au
Journal officiel
du 15 décembre 1995. Peut-on l'espérer bientôt ?
Seconde question : la loi du 28 mai 1996, en son article 25, a prévu pour les
enseignants français à l'étranger des possibilités nouvelles de titularisation.
A une question écrite que je vous ai posée à ce sujet, vous avez répondu,
monsieur le ministre, que l'application de cette loi nécessitait «
l'intervention du pouvoir réglementaire », autrement dit des décrets
d'application. Les personnels concernés les attendent avec impatience. Quand
ces décrets vont-ils paraître, monsieur le ministre ?
Je formulerai maintenant quelques observations générales. C'est notre collègue
M. André Maman, membre de la commission des affaires culturelles, qui devait
vous les présenter. Il en est empêché et il m'a chargé de dire que « grâce à
votre méthode, fondée sur la concertation et le dialogue plutôt que sur des
réformes à l'emporte-pièce, les choses avancent de façon positive dans
l'éducation nationale. »
A cet égard, en effet, le premier bilan des deux premières années
d'application de la loi relative au Nouveau contrat pour l'école témoigne du
fait que, pour l'essentiel, les engagements ont été respectés. La réduction du
nombre des élèves dans les classes maternelles, la mise en place de nouveau
cycles d'études à l'école primaire et au collège, la réintroduction de
l'apprentissage du latin en classe de cinquième, tous ces projets sont en voie
d'accomplissement, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
La revalorisation du statut des instituteurs se poursuit, et nous pouvons
mesurer le chemin parcouru depuis quelques années.
L'augmentation de la rémunération des enseignants, dont le rôle est
naturellement essentiel, est tout à fait fondamentale.
Enfin, l'effort tout particulier que votre ministère a réalisé en matière de
sécurité et de prévention de la violence à l'école mérite d'être souligné.
L'accroissement sensible de la présence des adultes dans les collèges et les
lycées par la création de 250 postes de maître d'internat, de surveillant
d'externat et de conseiller principal d'éducation, ainsi que par l'arrivée de
50 assistantes sociales et infirmières, semble, en effet, être une bonne
réponse pour que nos écoles demeurent des lieux d'intégration, éloignés des
désordres et de la violence sociales.
Toutefois, à côté de la satisfaction de ces créations de postes, le projet de
budget de votre ministère nous apporte une énorme déception par la suppression
de 1 010 postes d'assistant de langue ! Il s'agit des universitaires ou jeunes
enseignants étrangers anglais, espagnols, allemands, etc. qui viennent en
France pour un an ou deux, afin de donner une bonne connaissance de leur langue
à nos collégiens, lycées et étudiants de l'enseignement supérieur.
Rien que pour l'anglais, langue si importante pour nos enfants et nos jeunes,
700 postes seraient ainsi supprimés !
De plus, il s'agit d'un programme d'échanges, programme qui d'ailleurs, pour
l'Angleterre, remonte à l'Entente cordiale. Nous envoyons de jeunes diplômés en
Grande-Bretagne, et ils s'intègrent au service de l'éducation britannique pour
l'enseignement de la langue française.
Des programmes analogues existent pour d'autres pays limitrophes comme
l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Des assistants linguistiques français y
apprennent notre langue à des milliers d'élèves étrangers.
A propos de l'Angleterre encore, je rappelle que M. le Président de la
République, lors de sa visite à Londres en mai dernier, a parlé du « dialogue
pour l'an 2000 » et il a exprimé l'espoir que les deux peuples deviendraient de
plus en plus bilingues. Une telle suppression de postes, si elle était
confirmée, irait évidemment à l'encontre de ces engagements et de ces
attentes.
M. Emmanuel Hamel.
Renforçons l'Entente cordiale !
(Sourires.)
M. Jacques Habert.
Pour terminer, je n'ajouterai qu'un mot : n'est-il pas extraordinaire qu'une
telle mesure ait pu être prise sans aucune consultation, pas même celle du
ministère des affaires étrangères ?
Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais
présenter et les questions que je voulais vous poser à l'occasion de la
discussion du projet de budget de votre ministère ; j'espère que vos réponses
seront réconfortantes.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos
compatriotes sont satisfaits du système éducatif de notre pays.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah !
M. Philippe Richert.
Telle est la conclusion d'un récent sondage dont la presse s'est très
largement fait l'écho voilà une dizaine de jours.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Certes, ce n'est pas le bonheur parfait, mais ce constat qui ne
veut pas ignorer les difficultés perdurant dans de nombreux établissements,
lesquelles sont liées en particulier à la persistance, voire à la montée, de la
violence, démontre, si besoin était, que l'école est aujourd'hui mieux
considérée par nos concitoyens que ce qu'on a voulu prétendre ici et là.
Monsieur le ministre, ce résultat est aussi celui de votre action au ministère
de l'éducation nationale depuis 1993. Comme certains ne veulent faire qu'une
lecture pessimiste de votre action, je vais m'efforcer de relever les aspects
incontestablement positifs de votre politique, qu'il faut apprécier à sa juste
valeur en la replaçant dans la conjoncture particulièrement difficile qui
caractérise notre temps.
Monsieur le ministre, vous avez su, en traversant vents et tempêtes, grâce à
votre engagement personnel et constant, gardant le cap que vous vous êtes fixé,
redonner confiance en l'école, aux élèves, à leurs parents et à la grande
majorité des enseignants.
Pour ce faire, vous avez pris le parti d'une démarche originale, fondée sur le
dialogue et la concertation. Le Nouveau contrat pour l'école et ses
prolongements législatifs ont permis de mettre en oeuvre en douceur, sans
fracture ni fracas, la réforme de notre système éducatif. Le rapport d'étape
rendant compte de l'application et du respect de la loi de programmation que
vous nous avez adressé permet de juger de l'ampleur du travail accompli.
Le présent projet de budget prévoit le financement de nouvelles mesures du
contrat pour l'école ; nous nous en réjouissons. Comme vous le soulignez fort
bien, l'école est un organisme vivant en mutation permanente. Elle se nourrit
des mesures contenues dans le nouveau contrat, précisément parce qu'elles sont
dues à l'initiative des acteurs du système éducatif.
N'oublions pas que l'école a une finalité majeure : offrir à tous une
formation ouverte sur la société et préparant à un métier. Elle doit aussi, et
surtout, respecter les grandes valeurs de la République, et je n'en citerai que
quelques-unes auxquelles, je le sais, vous êtes attaché : laïcité, intégration,
égalité des chances et esprit civique. C'est là un enjeu primordial que votre
projet de budget entend relever.
Mais avant d'en venir plus précisément aux crédits consacrés à votre
ministère, je tiens à indiquer que l'effort de la nation en faveur de
l'éducation demeure considérable. Je ne citerai qu'un chiffre pour l'illustrer
: en 1995, la dépense d'éducation a représenté 9 700 francs par habitant, pour
une enveloppe globale de 563 milliards de francs.
Si l'Etat est le premier contributeur de l'éducation, n'oublions pas que les
charges assumées par les collectivités locales sont importantes. Elles ont, en
dix ans, permis une transformation radicale des établissements. Les écoles, les
collèges et les lycées construits par les communes, par les conseils généraux
et par les conseils régionaux dépassent en quantité, mais surtout en qualité,
tout ce que l'on a pu connaître jusqu'à présent.
Récemment, un grand architecte me disait qu'il était conscient de la chance de
vivre comme bâtisseur cette période exceptionnelle, exaltante pour les
créateurs, et qui marquera, pour les siècles à venir, la qualité des
constructions publiques, scolaires en particulier.
Oui, les collectivités territoriales en s'investissant dans l'éducation de
façon aussi volontariste ont donné à la décentralisation ses lettres de
noblesse. Mais, aujourd'hui, sachons veiller à ne pas alourdir encore et
toujours leur contribution qui pourrait mettre en péril l'équilibre déjà
fragile de leurs budgets.
Dans un contexte rigoureux, le projet de loi de finances pour 1997 donne à
l'éducation nationale les moyens nécessaires à la réalisation de ses objectifs
prioritaires. Les crédits alloués à l'enseignement scolaire s'élèvent à 277,2
milliards de francs, soit une augmentation de plus de 4 milliards de francs par
rapport à l'année précédente. Nul, ici, ne peut contester l'effort réalisé,
même si dans de nombreux secteurs la situation reste tendue. Il tranche
nettement avec l'évolution générale des budgets des autres ministères.
Parmi les grandes tendances affichées par votre projet de budget, je
soulignerai que la baisse substantielle des effectifs dans les écoles et les
collèges permet de poursuivre l'amélioration des conditions d'accueil des
élèves. Rappelons simplement qu'entre 1990 et 1996, dans l'enseignement
primaire, le nombre des élèves a baissé de 200 000. Cette baisse démographique,
qui en elle-même n'est pas une bonne nouvelle pour notre pays, comporte
cependant un aspect positif : elle concourt à l'amélioration de
l'encadrement.
Par ailleurs, le maintien du moratoire rural, élément majeur d'une véritable
politique d'aménagement du territoire, est un impératif économique et social.
Par le maintien des écoles dans les zones rurales, auquel le Sénat et moi-même
sommes particulièrement attachés, vous démontrez votre volonté de garantir
l'égalité des chances de tous les jeunes Français. Mes collègues du groupe de
l'Union centriste et moi-même souhaitons fortement que ce moratoire soit
reconduit non seulement cette année, mais également en 1998 afin que les
solidarités intercommunales se renforcent, grâce, par exemple, à la mise en
place de réseaux scolaires concertés.
J'exprimerai cependant un regret en ce qui concerne l'Observatoire des flux
d'élèves. Nous avions décidé avec votre accord, monsieur le ministre, de le
mettre en place afin de mieux accompagner les différentes mesures relatives à
la carte scolaire dans les départements, où nous avions constaté qu'il existait
parfois une difficulté de compréhension entre les autorités académiques et les
élus chargés, pour la part financière des collectivités territoriales, de ce
chapitre.
Je considère que cet observatoire ne fonctionne pas comme nous l'aurions
souhaité. Il s'agit beaucoup plus l'un lieu où l'on annonce les chiffres sans
qu'il y ait une véritable écoute ou une véritable concertation. Il serait
nécessaire de faire le point afin, éventuellement, de réorienter cette action
pour les années à venir.
Un autre objectif est, selon moi, prioritaire : l'aménagement des rythmes
scolaires. A travers des aménagements de la semaine, voire de la journée, les
expérimentations ne peuvent être le fruit que d'une coopération efficace entre
les services de l'Etat et les collectivités locales. Cependant, avant de
généraliser ces nouveaux rythmes, il convient de bien mesurer, dès à présent,
les conséquences qu'ils ne manqueront pas d'entraîner tant en termes de coûts
et de gestion des moyens pour les collectivités locales qu'en termes de
contraintes occasionnées aux familles.
Une école sur quatre est aujourd'hui engagée dans un projet d'aménagement des
rythmes de vie de l'enfant. Il s'agit d'une avancée considérable. Veillons à ce
que cette tendance se poursuive.
L'apprentissage des langues - chapitre qui vous tient à coeur et qui nous
tient aussi à coeur - constitue un autre enjeu majeur de votre action, auquel
vous me savez particulièrement attaché. L'initiation aux langues vivantes dès
le primaire traduit votre volonté d'intégrer la dimension européenne dans
l'éducation. Je crois qu'il faut poursuivre sur la voie des expérimentations
tant en CE 1 qu'en CE 2. Cependant, le prolongement de ce système pourrait à
terme être source de discrimination et rompre l'égalité des chances. C'est
pourquoi, je forme le voeu de voir s'accélérer la formation des enseignants aux
langues étrangères.
Par ailleurs, il serait souhaitable d'encourager les échanges d'instituteurs,
à l'instar de ce qui se fait depuis longtemps dans le cadre de la coopération
franco-allemande qui, en l'occurrence, me semble être à l'avant-garde.
J'en viens à l'enseignement secondaire. Malgré une baisse des effectifs moins
sensible que dans le primaire, vous faites, monsieur le ministre, un effort
très important pour renforcer l'encadrement sanitaire et social des élèves et
pour accroître la présence des adultes dans les établissements. Je salue votre
souci de prévenir la violence au sein des collèges et des lycées.
Dans le cadre de la prévention de la violence à l'école, les créations
d'emplois ainsi que le quasi-doublement des appelés du contingent - dont
l'action est très appréciée par la communauté éducative - devraient pouvoir
prévenir des dérives qui marquent fortement les élèves comme leurs parents et
donnent le sentiment caricatural d'une école laissée aux mains des voyous et
des gangs.
Il nous paraît indispensable de développer une véritable politique de
formation du citoyen. Le plan que le Gouvernement a commencé à engager y
répondra certainement. Cependant, nous le savons bien, nous ne pouvons pas tout
demander à l'éducation nationale.
Dans un contexte social tendu, votre projet de budget maintient une véritable
politique de recrutement reposant sur la gestion prévisionnelle de l'emploi.
Nous sommes particulièrement sensibles, par exemple, à l'amélioration des
conditions d'affectation des personnels nouvellement recrutés. Il s'agit d'une
avancée importante dans la gestion du personnel enseignant. A ce sujet, je
tiens à vous faire remarquer qu'il serait souhaitable de ne pas s'appuyer
exagérément sur les listes complémentaires à une liste d'admission dans les
concours de recrutement.
Je voudrais évoquer un autre sujet sensible : la résorption des maîtres
auxiliaires. Il convient de noter, avec satisfaction, que les progrès accomplis
sont indéniables. Pour autant, il faut être tout à fait clair et rappeler qu'il
existe un volant de main-d'oeuvre incompressible et nécessaire pour assurer la
continuité du service public.
Enfin, la revalorisation de la condition des personnels est garantie par votre
projet de budget. Je me réjouis également des mesures permettant la
revalorisation de la fonction de directeurs d'école primaire, avancée tout à
fait primordiale. Vous avez sur ce point aussi respecté votre engagement,
monsieur le ministre.
Avant de conclure mon propos, je voudrais vous interroger sur la formation
continue des enseignants.
Le 22 février dernier, un accord-cadre sur la formation continue a été signé
par le ministre de la fonction publique et par de nombreuses organisations
syndicales : l'UNSA, la FSU, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC.
Cet accord général doit être décliné dans les différents ministères ; dans
votre cas, monsieur le ministre, il s'agit d'établir un protocole d'accord sur
la formation continue de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale.
La formation continue des personnels est une clé indispensable de réussite et
de progrès. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations sur la formation
continue dans votre ministère ?
Monsieur le ministre, vous défendez avec talent la double mission de l'école :
diffuser les savoirs et renforcer la cohésion sociale. C'est pour cela que les
membres du groupe de l'Union centriste voteront votre projet de budget et vous
assurent, une nouvelle fois, de tout leur soutien.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plus
d'un siècle, Jules Ferry rendait l'école obligatoire ! Quel chemin parcouru
depuis ! La France est l'un des Etats où la durée de la scolarisation des
enfants est la plus élevée. D'après les chiffres du ministère de l'éducation
nationale, nos enfants passent plus de dix-neuf ans de leur vie à étudier, de
l'école maternelle aux études supérieures, pour ceux qui ont la chance d'y
accéder...
Ce quart de vie consacré aux livres permet-il pour autant à nos chères têtes
blondes d'avoir « une tête bien faite », comme l'aurait dit Montaigne au siècle
des Lumières ?
Malheureusement, je n'en suis pas convaincu. Je regrette de constater que le
système éducatif se cherche. Certes, dans l'ensemble, nous voyons croître
d'année en année les taux de satisfaction.
Cependant, les critiques aussi sont fortes. En effet, comment accepter que 14
% des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas correctement notre langue
française ainsi que les savoirs de base ? Peut-on se satisfaire que, à l'issue
de leur scolarité obligatoire, à seize ans, 20 % des enfants se soient pas
parvenus à acquérir les connaissances élémentaires ? Comment comprendre
qu'environ 60 % d'une tranche d'âge de lycéens décrochent le baccalauréat et
que, dans le même temps, 65 000 élèves sur les 725 000 élèves concernés
quittent le système éducatif sans aucun diplôme chaque année ? Comment réagir
pour éviter que ces jeunes ne se retrouvent sans emploi, et, bien malgré eux, à
la charge de la société ?
Peut-on continuer d'avoir une dépense intérieure d'éducation de 33 800 francs
par élève ou étudiant pour aboutir à un constat qui n'est pas satisfaisant ?
Comment les partenaires qui financent le système éducatif pourraient-ils
accepter plus longtemps une telle situation ?
L'école, qui est le creuset de la citoyenneté, est l'un des principaux repères
de notre société. Elle est jugée sur sa fonction de justice sociale ;
l'obligation scolaire est une obligation de résultat.
Aujourd'hui, l'école doit faire face à la « massification » de son public. Or,
l'école n'assure pas ou opère mal l'intégration de ses élèves les plus
défavorisés ou les plus vulnérables. Sa relation à l'économie, aux entreprises
et aux métiers est déficiente.
Dès lors, que pouvons-nous mettre en oeuvre pour remédier à ce constat ? Il me
paraît en effet urgent de définir quelques axes principaux autour desquels doit
s'orienter la réforme que nous souhaitons tous, monsieur le ministre.
Je parlerai, tout d'abord, du savoir primordial : les connaissances de
base.
« Il est politiquement correct de dire que le niveau monte ; ce n'est qu'une
vérité superficielle. Il est politiquement incorrect de dire que, pendant que
le niveau monte, beaucoup de savoirs primordiaux s'étiolent, et pourtant c'est
vrai. » J'ai cité là un extrait de l'excellent rapport
Pour l'école
de
la commission présidée par M. Fauroux.
Il convient en effet de garantir à tous l'acquisition de savoirs élémentaires
et d'atteindre cet objectif, en diminuant par exemple les formes précoces
d'échecs scolaires. Il faut éviter l'excès des matières enseignées ; un
trop-plein de disciplines variées explique pour partie les ignorances
constatées dans des domaines essentiels.
M. Jean-Louis Carrère.
Il faut alors dire ce que l'on abandonne ! Sinon, c'est trop facile !
M. Pierre Martin.
Dans un second temps, permettez-moi d'évoquer rapidement le problème des
rythmes scolaires.
En une génération, la durée de la scolarité a plus que doublé. Empiétant sur
le temps de la crèche, elle mord largement sur l'âge adulte. Nous devons
rythmer l'acquisition des connaissances selon le développement des aptitudes et
les goûts des élèves. Il importe qu'aucun enfant ne manque le coche de la
lecture, de l'écriture et du calcul.
A l'école primaire se pose le problème de l'aménagement du temps de l'enfant ;
par expérience professionnelle, je sais qu'il doit être tenu compte des courbes
d'attention des élèves. Le rythme scolaire doit épouser d'aussi près que
possible les variations de la capacité d'apprendre.
Ancien instituteur en milieu rural, dans le département de la Somme que je
représente au Sénat, je peux témoigner du fait que le maître demeure le pivot
essentiel de la formation des enfants, mais que le meilleur gage de leur
réussite réside dans l'efficacité du partenariat entre les enseignants, les
parents, les élus et les enfants.
Ensuite, j'insisterai sur la formation professionnelle et sur la nécessité de
l'orientation. En effet, jusqu'à une période récente, l'école était surtout
accaparée par la préparation des diplômes, se souciant peu de préparer à des
emplois.
M. Robert Castaing.
Peu de chose !
M. Pierre Martin.
Hélas ! le diplôme n'est qu'un élément de choix parmi d'autres pour
l'employeur, et n'est plus une garantie d'emploi.
Le système éducatif doit, à mon sens, davantage tenir compte de cet état de
fait.
La formation devient de plus en plus un point de passage obligé et un élément
stratégique de toute politique de développement économique.
Orienter, c'est apprendre à l'élève à faire lui-même ses choix. L'orientation
doit être non pas une procédure autoritaire, mais une attention bienveillante
et lucide au caractère propre de chaque individu. Il faut apprendre aux
adolescents à choisir leur voie ; j'insiste auprès de vous, monsieur le
ministre, pour qu'un processus continu d'information sur les filières soit
développé, et ce dès la classe de cinquième. L'orientation doit devenir la
priorité de l'école.
Je préconise aussi et surtout le développement du partenariat entre l'école et
l'entreprise ; favorisons la coéducation avec l'entreprise.
Un dernier point me tient particulièrement à coeur : celui des technologies
modernes d'information et de communication dans le domaine de l'éducation. En
effet, c'est un moyen de communication qui rend plus disponible le savoir,
modifie l'éducation et la formation des enfants. Utilisons l'exemple du livre,
que l'école a su s'approprier pour en faire l'un des instruments clés de la
démocratisation de l'enseignement, pour développer le multimédia au service du
plus grand nombre.
Pour la première fois, textes, données numériques, images et sons sont
concentrés sur un même écran et permettent l'accès à des mémoires fabuleuses ;
saisissons cette opportunité décisive pour développer cet outil et généraliser
les tests d'application, tel le projet EDUCAPOLE, qui bénéficie, en Picardie,
d'un contrat Etat-région et donne toute satisfaction.
Défendons, mes chers collègues, notre langue et notre culture dans la
francophonie, grâce à ces réseaux où s'impose massivement la langue
anglaise.
Les moyens passent plus particulièrement par la formation des maîtres aux
nouvelles technologies et par la généralisation des manuels multimédias.
Créons des réseaux permettant des échanges généralisés entre enseignants,
élèves, apprentis et centres de formation, grâce à une politique conjuguée de
l'Etat et des collectivités territoriales.
Ne laissons pas une petite élite s'approprier cet outil fabuleux et en
exclure, faute de politique publique, ceux qui en auraient le plus besoin et
qui s'éloigneront un peu plus des nouveaux emplois créés par les nouvelles
technologies.
Je terminerai mon intervention par quelques remarques diverses que ma carrière
professionnelle et mon statut d'élu m'inspirent.
L'enseignement, qui ne peut pas être confondu avec l'éducation, doit répondre
aux nouveaux défis de notre société. Pour relever ce challenge, le personnel
enseignant doit se sentir soutenu ; le désespoir et parfois la démotivation qui
gagnent ses rangs doivent être enrayés. L'image de l'enseignant reflète l'image
de notre société.
Par ailleurs, préserver la qualité de l'enseignement implique que les élus
municipaux fixent clairement les objectifs et assument pleinement leurs
responsabilités en matière d'inscription dans les écoles. Ayons le courage, mes
chers collègues, de reconnaître que la valeur de notre école n'existe pas
uniquement en fonction du nombre de classes ou du nombre d'enfants par
classe.
Soyons conscients que les enfants d'aujourd'hui seront les étudiants de
demain, les décideurs d'après-demain en tant que citoyens et élus. Ils
formeront à leur tour la nation.
Dans le cadre de sa scolarisation, l'enfant doit pouvoir aller au maximum de
ses possibilités ; en ce sens, tout le monde a le droit de tenter sa chance.
Nul ne doit être laissé de côté. Toutes les situations qui peuvent conduire à
la marginalisation scolaire et sociale doivent être combattues.
Cependant, il ne s'agit pas de confondre la sélection et l'orientation. Soyons
réalistes, mes chers collègues : le succès à l'examen du baccalauréat constitue
un leurre s'il n'est pas le marchepied pour une formation supérieure.
M. Jean-Louis Carrère.
Sélection !
M. Pierre Martin.
Trop de jeunes vont à l'université avec un manque de connaissances de base,
avec un manque d'autonomie intellectuelle et de formation méthodologique, qui,
seules, permettent de construire un projet personnel de formation
universitaire.
A l'image de la conclusion que Roger Fauroux emploie sous forme de leitmotiv,
je dirais que « l'école souffre d'un discrédit injuste aux yeux de l'opinion,
qui en fait souvent un bouc émissaire de ses propres erreurs ou projette sur
elle ses angoisses. Il incombe à chacun et à tous, plutôt que de s'ériger en
juge, de faire avec elle cause commune ».
Nous devons réunir les énergies, les moyens, les volontés pour offrir à nos
jeunes l'enseignement de qualité dont ils ont besoin et auquel ils ont
droit.
M. René-Pierre Signé.
Et qu'ils n'ont pas !
M. Pierre Martin.
Et, rappelons-nous que, pour ce secteur important de notre société, comme pour
d'autres, le pessimisme est d'humeur, l'optimisme de volonté.
Bien entendu, monsieur le ministre, le groupe du RPR votera ce projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le ministre, je n'ai que quelques minutes pour vous faire part d'une
inquiétude, d'une conviction et d'une déception personnelle.
Je parlerai d'abord de mon inquiétude. J'ai examiné votre projet de budget,
monsieur le ministre, et je n'ai pas trouvé de ligne valable concernant les
nouvelles techniques d'information et de communication. En outre, lors de votre
audition par la commission des affaires culturelles, vous n'avez pratiquement
rien dit à cet égard.
J'ai parcouru attentivement le Nouveau contrat pour l'école et le projet de
loi de finances pour 1997. On peut considérer à la rigueur que l'informatique
fait son entrée dans l'enseignement technologique. Néanmoins, on constate un
fort recul par rapport à 1985. J'ai trouvé, pour ma part, non pas des
prévisions significatives, mais simplement quelques suggestions. Le projet de
1985 était beaucoup plus directif. Il n'a pas eu de suite, ce que je
regrette.
J'ai eu l'occasion d'avoir un entretien avec des représentants de
l'enseignement public et informatique, l'EPI, dont les subventions ont été
supprimées cette année, alors que cet organisme a réalisé des efforts
importants dans un certain nombre de secteurs.
J'en viens à ma conviction : aujourd'hui, le numérique constitue un moyen
d'accès aux connaissances sans commune mesure avec l'imprimerie. Nous sommes
donc dans l'obligation d'en prendre conscience et d'arrêter des décisions. Je
crois, monsieur le ministre, que vous pourriez au moins envisager déjà le
schéma d'un parcours scolaire et savoir à quel moment l'enseignement de
l'informatique débutera. En effet, des essais étonnants sont effectués. On
découvre ou on redécouvre combien l'enfant âgé de trois à sept ans s'adapte
très facilement aux nouvelles techniques l'entourant, et ce quelles qu'elles
soient, et à quel point sa capacité d'apprendre est importante. Il y a donc une
période pendant laquelle cette capacité peut être éveillée ; c'est à mon avis
plus important que le cours préparatoire.
Les initiatives de Créteil - vous les connaissez certainement aussi bien que
moi, monsieur le ministre - sont extrêmement positives et intéressantes,
s'agissant des lycées et des collèges.
Il est donc d'une importance indiscutable de déterminer à quel moment il
convient de mettre l'outil informatique et ses diverses formes d'expression
actuelles entre les mains des enfants, non qu'il faille, du reste, supprimer le
porte-plume, mais plutôt parce qu'il convient de faire entrer l'ordinateur très
tôt à l'école, les capacités de maîtrise et d'autonomisation étant alors
manifestes.
Monsieur le ministre, je ne pense pas que vous ayez encore le temps
d'attendre. Pourquoi ? Parce qu'une double menace se profile à l'horizon. D'une
part, les familles aisées achètent des ordinateurs aux enfants dès l'âge de
cinq ans, ce qui permet à ces derniers d'utiliser l'informatique à la maison et
le porte-plume à l'école. Il y a là un risque de clivage social et d'exclusion
lourd de conséquences potentielles. D'autre part, les centres de formation du
réseau Futurekids, dont vous avez sûrement entendu parler, monsieur le
ministre, et qui sont d'origine américaine, commencent à s'implanter en France
avec la prétention d'être en quelque sorte les « McDonald's du savoir »
puisque, pour 125 francs de l'heure, de trois à soixante-dix-sept ans, on peut
effectivement apprendre tout ce que, monsieur le ministre, vous devriez déjà
faire enseigner dans vos écoles.
Je regrette vraiment que, au moment où vous avez la possibilité de profiter
d'une baisse démographique, vous n'ayez pas envisagé, au lieu de supprimer des
postes, de commencer à former davantage les maîtres et, surtout, à les
confronter à une autre organisation de la classe. Au maître à son pupitre
dominant du regard des élèves dociles, comme jadis, au temps de Jules Ferry,
succédera un « maître d'apprentissage » évoluant dans une autre
organisation.
Monsieur le ministre, en prenant conscience de cette situation, vous auriez
l'opportunité d'asseoir votre réputation. C'est un conseil que j'avais déjà
donné en son temps à Lionel Jospin, qui l'avait mis à profit pour instaurer les
trois cycles.
Je terminerai sur une déception. Monsieur le ministre, vous nous avez fait
parvenir tout récemment une plaquette, du reste intéressante, sur les rythmes
scolaires. Je comptais sur votre humanisme laïque pour ne pas faire de
ségrégation politique entre les communes. Or vous avez cité deux communes :
Epinal, sur laquelle je ne formule aucune critique, et Annecy. Quid de
Hérouville-Saint-Clair ou de Saint-Fons ?
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Elles figureront dans la prochaine édition, je m'y engage !
(Sourires.)
M. Franck Sérusclat.
Peut-être, mais elles ne sont pas dans la première édition qui vient de nous
parvenir, et je le regrette.
Telles sont les quelques réflexions que je voulais formuler dans les cinq
minutes qui m'étaient imparties !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Les crédits consacrés à l'enseignement scolaire pour 1997 répondent à un souci
général de maîtriser les dépenses publiques. C'est, en effet, la première fois
depuis longtemps que leur progression ralentit.
Dans ce contexte de restrictions budgétaires, il faut toutefois reconnaître
que l'enseignement scolaire demeure l'une des priorités du Gouvernement,
puisque les moyens alloués connaissent une augmentation importante par rapport
à 1996.
Le projet de budget pour 1997 permettra de poursuivre la réforme du système
éducatif entreprise depuis quelques années et, pour cette raison, je ne peux
que soutenir votre action, monsieur le ministre. Cependant, permettez-moi
d'évoquer devant vous certains problèmes qui touchent l'outre-mer.
Le système éducatif de l'outre-mer français est imparfait, d'un point de vue
tant quantitatif que qualitatif. Monsieur le ministre, vous êtes arrivé en
Guyane au mois de novembre, sur fond de guerre civile, d'émeutes provoquées par
une jeunesse en désarroi et inquiète sur son avenir. C'est vrai, il fallait des
décisions, et vous les avez prises.
Sur un plan quantitatif, la population guyanaise se caractérise par une
démographie hétérogène et galopante, forcée par une immigration incontrôlée. Il
en résulte de graves conséquences pour l'école, qui se trouve confrontée à une
population scolaire qui augmente sans cesse et qui se diversifie de plus en
plus. A cela s'ajoutent la scolarisation tardive de beaucoup d'enfants et
l'arrivée constante de nouveaux élèves étrangers, peu ou pas scolarisés.
Au premier rang des objectifs fixés par le nouveau contrat pour l'école,
figure la lutte contre l'échec scolaire. L'insuffisance des structures et
l'immigration mettent malheureusement en péril cette initiative en Guyane.
C'est pourquoi il apparaît à l'évidence urgent de prendre en considération
cette situation et d'y apporter des remèdes exceptionnels, conformes à la
réalité sociologique guyanaise. Je voudrais simplement en proposer
quelques-uns.
Il s'agit, tout d'abord, d'ouvrir massivement et rapidement des écoles
maternelles et élémentaires ainsi que des collèges. En effet, 3 000 enfants
âgés de trois à douze ans ne sont pas actuellement scolarisés. Ce constat est
terrible. A l'échelle de la France, cela représenterait des millions d'enfants
non scolarisés. Il est de notre devoir de remédier rapidement à cette
situation.
Il s'agit également de recruter des personnels ATOS, administratifs,
techniciens, ouvriers et de service, et des personnels d'encadrement, ainsi que
des enseignants, qui font cruellement défaut dans notre département.
Il manque actuellement environ soixante postes de personnels ATOS, et
l'insuffisance du nombre des surveillants pose des problèmes de discipline, de
sécurité et de violence.
C'est pourquoi j'ai depuis longtemps attiré l'attention de tous les ministres
de l'éducation nationale, qu'ils aient été de droite ou de gauche, sur
l'urgente nécessité de répondre, par la simple application du décret de 1978, à
la légitime revendication des instituteurs suppléants et des maîtres
auxiliaires exerçant depuis plus de huit ans.
Le système éducatif guyanais est également imparfait sur le plan qualitatif.
Les insuffisances en termes de personnels et de locaux ne peuvent que
compromettre gravement la qualité de l'enseignement dans notre département.
Il semble indispensable de prendre les mesures qui s'imposent, c'est-à-dire
diminuer les effectifs de chaque classe, créer des classes d'alphabétisation,
installer des classes d'accueil linguistique et développer l'école maternelle,
pour n'en citer que quelques-unes.
Il apparaît également nécessaire de mettre en place une meilleure organisation
des études. L'aménagement du temps scolaire constitue d'ailleurs aujourd'hui
une préoccupation majeure de votre ministère, et le Président de la République
en a fait une priorité.
Je suis convaincu du bien-fondé d'une telle mesure. Elle permet, en effet, de
prendre en compte les besoins biologiques et physiques de chaque enfant et de
lui offrir la possibilité de découvrir des disciplines artistiques, culturelles
ou sportives auxquelles il n'aurait peut-être pas accès autrement.
J'ai cependant quelques inquiétudes quant à l'application de ce dispositif
dans notre département. La réforme des rythmes scolaires est adaptée aux écoles
de métropole. Il est logique que, pour être appliquée en Guyane, qui se trouve
près de l'Equateur, elle fasse l'objet d'un aménagement propre à tenir compte
de la situation géographique et climatique de notre département. Il
conviendrait donc de mettre en place une commission spéciale dans laquelle
siégeraient des acteurs de l'éducation et des médecins, afin de trouver
l'équilibre nécessaire à la bonne mise en oeuvre d'une proposition de bon sens
et pleine d'intérêt pour nos enfants. L'aménagement du temps scolaire a donc
pour objet de permettre à nos enfants de découvrir de nouvelles disciplines
telles que le sport, qui est un instrument nécessaire au renforcement de la
cohésion sociale.
Malheureusement, leur situation financière ne permet pas aux collectivités
locales de Guyane d'engager les dépenses indispensables à la réalisation de ce
programme. Monsieur le ministre, vous avez récemment perçu la réalité
guyanaise. Il nous faut plus d'écoles, plus de collèges, une dotation
départementale d'équipement des collèges et une dotation régionale d'équipement
scolaire revues à la hausse, ainsi que notre dotation générale de
décentralisation, si mal déterminée dès le début de la décentralisation.
Je me dois ici de vous rendre publiquement hommage, au nom de la jeunesse
guyanaise, pour le courage des décisions que vous avez annoncées lors de votre
passage en Guyane avec M. de Peretti. Nous attendons les décrets.
La population guyanaise, toutes communautés confondues - française, haïtienne,
guyanaise, surinamienne, buschinenguée, amérindienne et autres - constitue, par
sa diversité, l'avenir de la Guyane. Ce peuple, par une alchimie peut-être
extraordinaire, fera un jour entrer dans les faits la devise que l'on voit sur
les frontispices de nombre de nos mairies : « Liberté, égalité, fraternité
».
A ce titre, il me plaît de reconnaître que vous avez décidé la création d'une
académie de plein exercice, qui devra naturellement nous donner un rectorat et,
d'abord un recteur. Il nous faut des titulaires d'enseignement, des dotations
supplémentaires, bref, une autre politique de l'éducation, et ce de la
maternelle à l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, je crois que l'on ne peut pas réussir la réforme de
l'école si, tous ensemble, nous ne commençons pas à ouvrir le livre d'école, le
cahier d'école, si nous n'écrivons pas l'histoire d'une nouvelle école de la
République sur la terre de l'espace.
Victor Hugo a écrit : « L'école primaire imposée à tous, l'école secondaire
offerte à tous, c'est là la loi. De l'école identique sort la société égale. »
Monsieur le ministre, donnez-nous les moyens, avec votre gouvernement et avec
l'ensemble des acteurs qui participent à l'émancipation des hommes, d'offrir à
nos enfants ce droit au savoir.
Dans sa majorité, le groupe du Rassemblement démocratique social et européen
vous apportera son soutien et votera votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui montre bien votre volonté,
monsieur le ministre, d'accorder la priorité à l'éducation malgré les
restrictions budgétaires.
En effet, avec 277 milliards de francs, le budget de l'enseignement scolaire
progresse de 1,5 % par rapport à 1996. Il est vrai que cette progression ne
répond pas à toutes les attentes, mais nous pouvons toutefois nous féliciter
d'un tel effort si nous prenons en compte la baisse démographique effective
dans l'enseignement primaire et dans les collèges.
Cette baisse des effectifs, dont nous ne nous réjouissons pas, ne peut
qu'améliorer le cadre de vie des élèves et du personnel enseignant.
Monsieur le ministre, je voudrais plus particulièrement attirer votre
attention sur les élèves dits en échec scolaire. Cet échec est parfois dû aux
difficultés financières des familles. Maire de Garges-lès-Gonesse, dans le
Val-d'Oise, ville dont tous les établissements sont classés en zone d'éducation
prioritaire, je suis concernée de très près par les conditions de vie et
d'accueil des élèves.
M. Emmanuel Hamel.
Nous le savons !
Mme Nelly Olin.
En cela, les nouvelles mesures proposées par votre ministère ne peuvent que me
réjouir. Elles viennent renforcer la loi de programmation du Nouveau contrat
pour l'école, dont l'un des objectifs était la mobilisation de tous contre
l'échec scolaire, notamment contre l'échec scolaire précoce.
Ainsi, l'ambition était de porter à vingt-cinq le nombre moyen d'élèves dans
les classes de maternelle des zones d'éducation prioritaire pour la rentrée
1997. Il semble, monsieur le ministre, que vous soyez sur la bonne voie,
puisque la moyenne était de vingt-six à la rentrée de 1996.
Le budget de votre ministère prouve que vos objectifs sont toujours les mêmes.
De nombreux crédits augmentent dans les domaines prioritaires.
Ainsi, le fonds social collégien progresse, ce qui va permettre aux chefs
d'établissement d'éviter que les difficultés financières des familles ne
viennent nuire à la scolarité des enfants.
A cela s'ajoute une nette croissance des crédits destinés à améliorer le
régime boursier des lycéens.
De plus, de gros efforts sont faits pour l'exonération des frais de pension
dont bénéficient les familles lorsqu'un enfant est scolarisé en école régionale
du premier degré ou en lycée d'enseignement adapté.
Enfin, la mise en oeuvre de campagnes de vaccination contre l'hépatite B et le
développement du dispositif « école ouverte », permettant d'accueillir les
élèves qui le désirent pendant les vacances scolaires, sont autant de mesures
positives pour l'école.
Cependant, la lutte contre l'échec scolaire n'est pas uniquement un problème
financier. Par la lecture et par l'écriture, la priorité est donnée à
l'apprentissage de la langue. Un premier pas a été fait, puisque le plan de
développement des bibliothèques scolaires et des centres documentaires a été
mené à son terme en 1996. L'objectif est clair : les enfants doivent savoir
lire et écrire en entrant en classe de sixième. Cette réflexion fait parfois
sourire mais, dans ma ville comme dans beaucoup d'autres, la réalité est bien à
ce niveau-là. L'échec scolaire mène trop souvent à l'échec de toute une vie,
monsieur le ministre.
Les trois grandes mesures - peut-être devrais-je dire les trois grands
chantiers - qui sont mises en oeuvre par votre ministère, que sont
l'enseignement des langues à l'école, le nouvel élan pour les sciences et
l'aménagement des rythmes scolaires, apportent, sinon des solutions, tout au
moins de grandes aides dans le combat que nous menons tous contre ce fléau.
Je voudrais également évoquer l'éducation à la citoyenneté.
L'éducation civique est d'autant plus nécessaire que trop d'enfants ont perdu
leurs principaux repères. Face à la violence, cette formation du citoyen paraît
beaucoup plus efficace, à long terme, que l'augmentation du nombre de
surveillants ou d'appelés du contingent, qui ont une liberté d'action limitée à
la fois dans le temps et dans l'espace. Je ne dis pas cela pour dévaloriser
leur fonction.
Apprendre aux enfants quels sont leurs droits et leurs devoirs, leur apprendre
simplement qu'ils appartiennent à un groupe et qu'ils y ont leur place pourrait
les aider à adopter un autre langage que celui de la violence.
En ce qui concerne ces jeunes, plusieurs remarques me semblent nécessaires.
Nous avons souvent affaire à des êtres fragiles, facilement influençables.
C'est pourquoi il serait peut-être bon de renforcer la prévention de certains
fléaux tels que le tabac, l'alcool, la drogue et, bien sûr, le sida. Plus tôt
les jeunes seront avertis, plus tôt ils seront responsabilisés.
Je m'attriste ainsi de constater que beaucoup d'écoles manquent aujourd'hui de
conseillers d'orientation psychologues, c'est-à-dire d'un personnel qualifié et
renseigné sur les problèmes comportementaux. En effet, beaucoup trop nombreux
sont ceux qui sont obligés de « jongler » entre les établissements, ne pouvant
réellement pas établir de liens solides et durables avec la populations
concernée.
Toutefois, les crédits consacrés à l'enseignement des plus défavorisés sont
révélateurs de la volonté que nous avons tous - et que vous avez monsieur le
ministre - de donner les mêmes chances de réussite à tous les Français.
Mais les élèves défavorisés existent aussi hors de nos banlieues. A cet égard,
la décision que vous avez prise de maintenir le moratoire rural était
excellente. En effet, si les problèmes sociaux sont moins flagrants dans nos
campagnes, les problèmes de sous-effectifs dans les écoles rurales sont autant
de facteurs contribuant à l'inégalité des chances.
Le maintien des écoles, souvent à classe unique, dans les zones rurales est
une priorité qu'il convient de ne pas perdre de vue. Nous avons pu voir avec
plaisir qu'aucune classe n'avait été fermée sans l'accord du maire, et la «
pénurie » d'élèves à laquelle il a fallu faire face a permis le regroupement de
communes et donc d'enfants, facilitant ainsi l'homogénéité recherchée dans tout
établissement scolaire.
Je voudrais également dire quelques mots sur la situation du personnel
enseignant.
Les efforts du ministère sont maintenus puisque les crédits consacrés à la
revalorisation de la fonction enseignante sont portés à 310 millions de
francs.
Toutefois, l'effort de réintégration du personnel enseignant au sein de
l'éducation nationale reste très inférieur à la demande. Aujourd'hui, ce sont 5
229 emplois qui sont supprimés et, même si cette suppression n'affecte en rien
l'encadrement des élèves, cette mesure ne peut que nous attrister.
Nous devons malheureusement ajouter à ce chiffre 360 contrats de maître de
l'enseignement privé qui vont disparaître à compter du 1er septembre 1997.
Le personnel enseignant subit la baisse des effectifs dans les écoles et, de
ce fait, la demande en enseignants diminue chaque année.
Nous devons cependant nous réjouir de la création de 313 emplois - 50 emplois
de personnels sociaux et de santé - qui pourront corriger le manque de
prévention dans les établissements scolaires.
Enfin, nous devons nous féliciter de la bonne gestion des personnels
enseignants dans les écoles. Le recrutement est en effet mieux ciblé, l'accent
est mis sur la formation initiale et continue, et une attention spéciale est
donnée aux affectations des débutants ou sur des postes particuliers.
Monsieur le ministre, malgré les quelques remarques que j'ai pu formuler, je
voterai, avec mes collègues du groupe du RPR, ce projet de budget qui est un
bon projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Merci, madame Olin.
M. le président.
La parole est à M. Castaing.
M. Robert Castaing.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, plus que jamais,
l'éducation nationale doit demeurer l'une des priorités de notre pays.
Il importe que, dans un environnement remis en question par le doute dans
l'avenir, l'école soit plus que jamais attentive au sort de chacun, qu'elle
nourrisse les appétences, fasse barrage à l'échec, corrige et redresse les
faiblesses, oriente l'enseigné avec perspicacité et vision vers des filières
porteuses, qu'elle redonne, monsieur le ministre, du « sens » à notre
société.
M. René-Pierre Signé.
Que cela est beau !
M. Robert Castaing.
Dans les nouveaux styles de vie, même en espace rural, il m'a été donné
d'observer que, pour mieux défendre leur établissement et le maillage des
collèges et des lycées, de nombreux principaux et proviseurs les valorisaient
en les ouvrant vers l'extérieur, en les intégrant à la vie associative de la
commune, en inventant, avec les équipes pédagogiques, des projets originaux.
Ces établissements deviennent alors un formidable instrument de lutte contre la
désertification pour la valorisation de l'espace rural.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est vrai !
M. Robert Castaing.
C'est le cas pour mon département, le Gers, dans lequel je me suis permis de
faire, avec l'assentiment de l'inspection académique et enthousiasmant un
accueil des cinq établissements observés, une évaluation de l'application des
principales mesures du Nouveau contrat pour l'école en sixième.
Une fois de plus, j'ai été impressionné par la qualité du travail des
enseignants et des chefs d'établissement. En effet, la conscience, ici aussi,
des défis, des mutations et des difficultés de notre société est concrètement
intégrée dans leurs démarches. Les études dirigées ont souvent permis aux
enseignants de jouer le jeu de la pluridisciplinarité, et aux élèves
d'apprécier un nouveau relationnel et une ambiance différente.
Les classes de jazz à Marciac, les ateliers de lecture et de théâtre à
Masseube ou à Lectoure ont ouvert l'école sur la ville, ont permis aux parents
d'écoliers du primaire de connaître la valeur pédagogique de ces établissements
et, partant, d'arrêter dans une certaine mesure le déficit d'inscriptions, de
renforcer la crédibilité des collèges ruraux, voire d'accroître les effectifs
de leurs classes et de leurs internats.
Ce travail en profondeur a été conduit grâce au renforcement des horaires de
classes de français et d'éducation physique. Très souvent, les heures
supplémentaires en études dirigées ou à l'occasion de « classes vertes », par
exemple, n'ont pu être rémunérées, alors que les situations révélaient la
nécessité d'un soutien accru.
Hélas ! les établissements pilotes de mon département n'ont pas retrouvé le
même volume de moyens en 1996 qu'en 1995.
M. Jean-Louis Carrère.
Et voilà !
M. Robert Castaing.
De ce fait, ils n'ont pu offrir toutes les richesses que les structures
demandent. Cela me semble dommageable si, effectivement, on souhaite
maximaliser le travail de qualité accompli par les équipes pédagogiques.
A l'heure où les dispositions du nouveau contrat pour l'école se mettent en
place, les carences diagnostiquées et les besoins révélés nécessitent un
traitement à la mesure de l'ambition affichée. C'est sans doute le moyen de
répondre favorablement aux besoins en personnels enseignants, en sauvant du
chômage tant de maîtres auxiliaires en attente d'un poste, et aux besoins en
personnels non enseignants. Il faut aussi apporter des solutions plus
appropriées, s'agissant du « plan contre la violence », que l'engagement
précaire et palliatif des appelés du contingent immergés dans des contextes
délicats qui requièrent, certes, de la bonne volonté, mais surtout une
formation spécialisée solide.
Je voudrais également souligner, à un moment où l'orientation vers
l'enseignement professionnel est choisie par un nombre croissant d'élèves, que
je connais trop d'enseignants titulaires d'un certificat d'aptitude au
professorat de l'enseignement du second degré, le CAPES, qui sont nommés dans
des lycées d'enseignement professionnel, les LEP, dans des disciplines qui ne
sont pas les leurs !
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
Or, à mon sens, il faut que des maîtres formés pour les LEP soient mis en
place car, fort légitimement, les élèves souvent écartés des filières
classiques ont l'impression d'être délaissés et les enseignants mal employés
dans cette filière exigeante, qui demande une formation spécialisée.
Pourrez-vous veiller également, monsieur le ministre, au sort qui est réservé
aux mille postes d'assistants de langues étrangères ? La suppression qui pèse
sur eux ne favorise-t-elle pas le lent déclin de notre culture et de notre
langue à l'étranger ?
Monsieur le ministre, avec à-propos et sans doute raison, mes collègues auront
souligné les points qui leur paraissaient discutables dans le projet de loi de
finances pour 1997 de votre ministère. Pour moi, notre passion n'a d'autres
visées que celles de défendre un patrimoine éducatif envié, des équipes
enseignantes dévouées qui méritent notre considération et notre respect.
Evitons plus que jamais, monsieur le ministre, que l'école soit la première
étape chronologique de l'exclusion et de la fracture sociale !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, je voudrais attirer l'attention de mes collègues sur la
situation dans laquelle je suis placée.
En tant que présidente du groupe communiste républicain et citoyen, je dois
assister à la conférence des présidents, qui se tient aujourd'hui à douze
heures quinze, mais je ne pourrai pas entendre la réponse de M. le ministre.
Il n'est pas possible de continuer à travailler de la sorte. Déjà, en raison
des nombreuses réunions de commission qui se tiennent ce matin, plusieurs
membres de mon groupe sont dans l'impossibilité d'assister à ce débat.
S'il est important que le ministre écoute les orateurs, il est tout aussi
important que les orateurs puissent entendre les réponses du ministre. Pour ma
part, comme j'ai un esprit de responsabilité développé et que c'est la moindre
des courtoisies envers le ministre, j'ai demandé à mon ami Ivan Renas de me
représenter à la conférence des présidents.
Pour attirer l'attention sur la situation dans laquelle nous nous trouvons, je
tenais, monsieur le président, à formuler cette protestation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Madame Luc, vous savez qu'un président de groupe peut plus facilement se faire
représenter en conférence des présidents qu'en séance publique s'il tient à
être personnellement présent dans l'hémicycle.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la priorité
accordée à l'éducation nationale, dont le caractère d'investissement pour
l'avenir est évident, est clairement lisible dans l'évolution des crédits qui
lui sont affectés malgré un contexte budgétaire marqué par la volonté de
réduire les déficits publics, passage obligé pour assainir nos bases. Le rôle
de l'école a toujours débordé la transmission du savoir, qui est sa mission
principale. Depuis l'instruction rendue obligatoire jusqu'aux mesures
spécifiques pour les zones d'éducation prioritaires, l'école vise à former des
citoyens actifs et responsables.
Première étape de la sociabilisation, la maternelle construit l'accueil
environnemental des savoirs primordiaux qui doivent être acquis à l'issue du
cycle de l'enseignement primaire. Ce monde devient de plus en plus souvent le
seul espace structuré dans lequel les enfants évoluent. La violence qui s'y
développe marque une volonté d'exister par rejet, faute d'avoir la capacité de
proposer. Elle révèle l'absence de repères. Les modèles classiques, comme la
famille et les groupes d'appartenance successifs, sont flous. On constate un
nombre croissant de cellules familiales monoparentales, de naissances hors
mariage, de groupes en état de déculturation.
Ce sont autant d'éléments qui élargissent le champ de la mission initiale de
l'éducation nationale en lui assignant, par substitution, une vocation de
relais des pôles défaillants.
Il faut se féliciter que la baisse des effectifs accueillis lors de la
dernière rentrée scolaire n'ait pas affecté le nombre d'instituteurs en poste,
soit 311 000 pour 260 000 classes. Cette chute de près de 200 000 élèves depuis
1990 se poursuivra en 1997 avec une nouvelle diminution de l'ordre de 60 000.
Ces conditions ont permis, dès cette année, d'abaisser à vingt-cinq élèves
l'effectif moyen des zones d'éducation prioritaires.
Toutefois, si le redéploiement vers l'enseignement supérieur était commandé, à
l'inverse, par un nombre d'étudiants plus important, on ne peut que regretter
de voir 5 200 postes disparaître. Je suppose, monsieur le ministre, que s'il
avait pu en être autrement le chiffre eût été plus modeste au regard des
besoins du monde rural.
Les handicaps sont d'une nature différente de ceux qui sont observés en zone
urbaine. C'est en milieu rural que se trouvent 8 000 écoles à classes uniques,
dont 1 300 accueillent moins de treize élèves. C'est là que pèse l'éloignement,
tant pour le ramassage scolaire que pour l'accès aux équipements et aux
produits culturels. Les initiatives doivent y être soutenues.
Certains établissements haut-saônois se sont tournés vers l'enseignement
précoce des langues étrangères. Cette mesure inscrite dans les dispositions du
Nouveau contrat pour l'école contribue à la lutte contre l'échec scolaire et
facilite l'évolution dans la dimension européenne. Est vite apparu tout le
bénéfice que les enfants tiraient de la venue d'assistants de la nationalité
concernée. Les linguistes s'accordent pour conseiller de procéder à
l'élargissement de la capacité auditive le plus tôt possible. Encore faut-il
réussir le montage associant un nombre d'interventions convenables et
géographiquement harmonieusement articulées.
Une autre sensibilisation est allée vers la découverte du patrimoine
architectural. La Franche-Comté est riche de petites cités de caractère que ses
habitants doivent intégrer dans leur histoire personnelle. Pour que ces
témoinages ne soient pas vécus comme figés, les élèves deviennent acteurs, et
des échanges interscolaires s'établissent grâce aux classes « patrimoine ».
A l'issue du CM 2, la maîtrise de la langue parlée, de l'écriture, de la
lecture et du calcul élémentaire devrait être acquise. La réalité étant
différente, des aides à la lecture ont été mises en place dans certaines
classes de sixième de mon département. Comment laisser un enfant entrer dans un
nouveau cycle sachant qu'il y perdra pied à coup sûr !
Un groupe de travail départemental a réfléchi sur l'implantation des réseaux
d'aides spécifiques aux élèves en difficulté, les RASED, pour redéployer les
moyens existants sur les endroits où la densité était la plus forte. Or
l'étendue du constat de carence réclame des interventions plus soutenues.
L'entrée dans le quart monde commence avec la marginalisation que constitue
l'illettrisme, et cet état de dénuement nous le côtoyons tous, tous les jours
!
Si j'ai relevé ces actions, monsieur le ministre, c'est qu'il me semble
qu'elles seraient mieux servies si plus de responsabilités étaient données au
chef d'établissement et à l'équipe pédagogique. L'ensemble serait plus
performant et motivant si son poids sur les moyens à mettre en oeuvre était
plus grand.
Ainsi, en complément des pôles éducatifs, associant l'exécutif local et les
services déconcentrés de l'Etat, et visant à offrir aux élèves du milieu rural
un secteur éducatif de qualité, les mêmes partenaires ont, depuis septembre
dernier, mis en place une charte de fonctionnement des réseaux d'écoles
rurales. Ce maillage a pour objectif une meilleure prise en compte des besoins
des enfants, à laquelle répond la constitution d'un cadre d'action adapté.
L'élément déterminant du système reste le projet de l'équipe pédagogique. Il
est bâti directement en fonction des lieux, repose sur un large accord et
requiert une volonté d'ensemble.
Les collectivités locales apportent leur contribution matérielle. Mais, sans
l'inspection d'académie, qui met à disposition les moyens humains
d'intervention et de formation, rien ne peut être fait.
Il nous est indispensable de savoir, monsieur le ministre, si l'éducation
nationale continuera à s'impliquer dans ces actions adaptées, si indispensables
pour l'avenir.
L'égalité des chances exige non un traitement identique des situations, mais
bien une réponse spécifique. La situation de crise développée par les zones à
risque des concentrations urbaines appelait la mise en place d'un dispositif de
fond. Le malaise du monde rural, rarement destructeur dans ses manifestations
collectives, allume, néanmoins, des clignotants alarmants. Le taux de suicide
élevé dans une région calme en apparence est inquiétant.
Traiter le mal à la racine requiert le développement d'une dynamique
permettant au plus grand nombre d'élèves de bénéficier des meilleures
prestations scolaires et périscolaires où qu'ils résident.
Les nouvelles donnes de l'école d'aujourd'hui et de demain que vous mettez en
place, monsieur le ministre, après une large consultation, démarche que vous
privilégiez, tiennent compte de la diversité de la société française et
s'attachent à rééquilibrer les handicaps du monde rural en état de souffrance,
je vous en félicite.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, il est toujours un peu difficile de parler en dernier,
surtout quand on représente l'opposition. Tout a déjà été dit : mon propos sera
donc un peu répétitif par rapport à ce qu'ont exprimé, sûrement mieux que moi,
mes collègues et amis.
Le projet de budget de l'éducation nationale pour 1997 est en modeste
progression. C'est le seul budget qui, dit-on, ait été épargné par le plan de
rigueur. Ce serait heureux si c'était tout à fait vrai !
Malheureusement, le budget pour l'enseignement scolaire est en baisse en
francs constants de 0,7 % pour la première fois depuis 1981, ce qui, dans le
climat social actuel, dans le contexte particulier de fracture sociale et de
fracture territoriale, alors que la croissance stagne, le chômage s'envole, le
pouvoir d'achat baisse, est bien regrettable. D'ailleurs ce budget sera-t-il
complètement appliqué ? On vote, mais ensuite on gèle, on supprime ;
finalement, on n'y trouve plus son compte ! Evidemment, les comparaisons avec
les budgets des gouvernements socialistes, qui, de 1988 à 1993, avaient
progressé de 40 %, ne sont pas en votre faveur. Cette situation n'est
évidemment pas sans conséquences : la violence, la précarité, la pauvreté font
leur entrée à l'école.
La réduction des dépenses publiques a des effets récessifs car les besoins
sociaux et éducatifs sont immenses.
Certes, en zone rurale, la violence est moins visible, mais l'alcoolisme, le
taux de suicide élevé, les cas sociaux, le niveau de vie inférieur à celui des
habitants des zones urbaines font partie des caractéristiques du monde rural et
militent pour un traitement différencié, en particulier pour l'éducation
nationale.
La fréquentation des cantines, faute pour bien des intéressés de pouvoir
acquitter leur coût, est passée de 66 % à 30 %, et la baisse de l'allocation de
rentrée scolaire, la déduction budgétaire réduite qui doit disparaître en 1998
ne vont pas dans le bon sens.
Les bourses, maintenues dans l'enseignement agricole, mériteraient d'être
rétablies à un bon niveau avec une implication dans le parcours scolaire de
l'élève. Ce serait déjà une première amélioration.
La grande mission de l'Etat doit se développer sur des axes prioritaires,
comme l'amélioration des conditions d'études et de travail, l'amélioration des
carrières, le maintien d'un bon niveau de recrutement, la résorption de la
précarité.
Mais, déjà, le manque de classes, de postes et de moyens est flagrant : 2 898
emplois dans le primaire et 1 893 emplois dans le secondaire sont supprimés.
On pratique la règle du redéploiement. Le nombre de postes de professeur des
écoles hors classe est bloqué en 1997 ; la transformation des postes
d'instituteur en professeur des écoles évolue à un rythme si lent qu'il exige
une longue patience. Il faudra attendre l'année 2017, on l'a déjà dit, pour que
n'existe qu'une seule classe d'enseignant dans le premier degré. Sur ce
chapitre, le projet visant à modifier les règles de représentativité et de
modalités d'élection des organismes paritaires dans la fonction publique risque
d'entraver l'exercice des libertés syndicales.
Pour les classes, on observe la même insuffisance : en maternelle, 7 000
classes supplémentaires seraient nécessaires pour abaisser les effectifs à 25
élèves par classe, et 3 500 classes pour scolariser 50 % des enfants âgés de
deux à trois ans ; en classe élémentaire, 1 300 classes de plus seraient
indispensables pour parvenir à un nombre maximum de vingt-cinq élèves par
classe, et il faudrait 8 000 classes supplémentaires pour attribuer un
allégement de service à toutes les directions.
La baisse démographique - raison trop souvent avancée - explique mal cette
réduction de postes. Elle n'est pas convaincante.
Cette baisse est en effet de 1 % environ : soit de 3 à 4 élèves par collège.
Il y a en moyenne 0,15 élève de moins par classe, alors que l'on a tablé sur
une baisse beaucoup plus importante ; ainsi, dans la Nièvre, ont été fermé en
toute bonne conscience, 17 classes. Cette baisse démographique oblige donc à un
transfert de postes vers des zones suburbaines plus peuplées. Une telle
logique, critiquable car on pourrait profiter de ce nombre plus faible d'élèves
pour alléger les classes et donc améliorer l'encadrement, pourrait être
défendable par souci d'économie. Mais seuls les postes sont transférés,
monsieur le ministre. Les enseignants restent sur place sans affectation
précise, et on s'interroge sur l'économie réalisée.
Les crédits de fonctionnement sont réduits pour le fonctionnement des
services, le fonctionnement pédagogique, la formation continue, les
investissements, etc.
Ce budget traduit, en fait, un retrait de l'Etat. Il est vrai que la
décentralisation est souvent prétexte à ce désengagement, et la mise en oeuvre
d'une réelle politique d'aménagement du territoire en souffre.
Cette évidente dérive sollicite les collectivités locales pour l'enseignement
des langues vivantes en section primaire ; ce sera demain pour les sports, les
arts, la technologie des sciences expérimentales, la gestion des équipements
sportifs scolaires, l'organisation des rythmes scolaires et peut-être, pis
encore, le désamiantage alors qu'en l'occurrence la faute revient à l'Etat.
Sous couvert d'autonomie, sous prétexte de projet d'établissement, on alimente
ce transfert.
Evidemment, en découle une inégalité qui va de pair avec la disparité entre
départements.
Sur le plan de l'emploi, la persistance d'un grand nombre d'heures
supplémentaires - 800 000 - ne favorise pas le recrutement. Une réduction des
deux tiers d'entre elles entraînerait la création de plusieurs milliers
d'emplois dans le second degré, comme l'a déjà dit Jean-Louis Carrère.
Cette décision serait-elle onéreuse ? Payer dix-huit heures supplémentaires
coûte plus cher que rémunérer un emploi d'auxiliaire ou un emploi de jeune
titulaire si l'on prend en compte le manque à gagner pour les cotisations
sociales et l'indemnisation du chômage. Cette addition aboutit à un résultat
inattendu !
Et que dire de la création de postes notoirement insuffisants d'infirmières
qui, pourtant, se substituent souvent aux parents pour des soins quotidiens
indispensables et qui sont transformés en postes de conseillers principaux
d'éducation ? Que dire également de la pénurie des médecins scolaires, si
grande que le suivi médical élémentaire n'est pas assuré ?
Quant aux non-enseignants, leur recrutement est restreint pour ne pas dire
bloqué. Les établissements fonctionnent avec des titulaires de CES, procédé
dénoncé par la Cour des comptes. Ces derniers occupent bel et bien,
contrairement à la loi, un emploi permanent.
Le désir d'adapter notre système éducatif à la crise nous a fait retrouver,
pour l'apprentissage et la formation, et par le biais des centres de formation
d'apprentis CFA, la vieille notion d'école du patronat avec une taxe
d'apprentissage versée par les entreprises parapubliques, le recrutement d'un
personnel enseignant sans statut, des contrats à durée déterminée, sans
exigence bien précise, l'ouverture de sections par décision politique des
conseils régionaux, etc.
La concurrence avec les lycées professionnels est indéniable et les résultats
sont médiocres. Ils sont l'illustration typique de la fausse bonne idée.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé.
Je souhaitais dire quelques mots sur les zones d'éducation prioritaires, très
affectées par les réductions de crédits. Elles sont en train de perdre une
grande partie de leur sens, et leur avenir nous cause quelques soucis.
Pourtant, il n'y aura aucune place demain pour ceux qui se sont soustraits à
l'école ou que l'école n'a pas suffisamment pris en charge. Tout l'avenir est
conditionné par le niveau de formation.
Il est bien regrettable, monsieur le ministre, que, faute de moyens et malgré
la qualité des enseignants, l'école ne puisse totalement jouer son rôle.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
ministre, au terme de cette discussion et avant votre réponse, je voudrais vous
dire que moi aussi, en tant que président de la commission des affaires
culturelles, je me réjouis que vous ayez réussi à maintenir vos crédits à un
niveau satisfaisant malgré la rigueur des temps, et, à ce propos, je partage
bien sûr l'analyse faite par MM. les rapporteurs.
Je souhaiterais maintenant vous poser quelques questions rapides sur des
points importants me semble-t-il.
Ma première question portera sur l'évaluation.
Vous avez réalisé de grands efforts, je le reconnais et je m'en félicite, pour
que soient diffusées les études de la direction des études et de la prévision
et pour que soit réalisé annuellement cet « Etat de l'école » que nous
apprécions parce qu'il nous fournit des informations appréciables. Cependant,
il s'agit d'informations quantitatives et statistiques. Or, monsieur le
ministre, le Nouveau contrat pour l'école est en cours d'application et cette
application aboutit à une généralisation. Je prendrai l'exemple de la nouvelle
sixième et des études surveillées : ne croyez-vous pas qu'il serait utile que
nous disposions d'une évaluation à la fois aussi générale et aussi précise que
possible sur des mesures de cette importance ?
Ma deuxième question concerne les programmes.
Monsieur le ministre, je pourrais relever la césure dommageable entre l'école
primaire et le collège puisque le nouveau programme de la classe de CM2 n'est
pas encore publié.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
L'ensemble des programmes de l'école primaire est publié.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Si l'ensemble des
programmes de l'école primaire est publié, je m'en réjouis. On fait, c'est
vrai, beaucoup d'efforts, mais il reste encore à introduire de la cohérence.
Ainsi, en sixième, on étudie
l'Iliade et l'Odyssée
en littérature, mais
on n'étudie pas la Méditerranée en géographie.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Cela va changer !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Espérons-le, mais il
y a encore des efforts à faire.
Je ne reprendrai pas, après d'autres, les recommandations de la commission
Fauroux pour la constitution de ce socle de compétences et de connaissances
dont doivent disposer tous les jeunes Français, mais je crois que cet aspect
mérite réflexion et que l'on devrait agir dans ce sens.
Je veux maintenant évoquer les élèves en grande difficulté. Combien sont-ils ?
Quelle part de l'effectif total représentent-ils ? 5 % ? 10 % ? Ce qui est
certain, c'est que 65 000 élèves quittent encore tous les ans le système
éducatif sans qualification.
Où en est-on de la mise en place progressive des classes de formation
préprofessionnelle en alternance, dont la création était prévue par la loi
Giraud, et où en est-on quant à l'instauration d'un dispositif de formation qui
représente une nouvelle chance pour ces élèves en grande difficulté qui n'ont
pas de mots assez durs quand ils parlent du collège ?
Je suis persuadé qu'il y a là quelque chose à faire et, surtout, que le temps
est venu de le faire.
Par ce biais, j'en viens à la liaison entre l'école et la vie
professionnelle.
M. le rapporteur s'est réjoui tout à l'heure, ainsi que d'autres orateurs, du
montant des crédits de l'enseignement technique et du développement de
l'apprentissage. Il faudrait profiter de ce développement pour faire en sorte
que nos établissements d'enseignement y tiennent leur place. Pourquoi ne pas
faire l'effort, qui me semble s'imposer, d'ouvrir au sein de nos établissements
d'enseignement, au sein des lycées professionnels en particulier, des sections
de CFA, afin que des élèves aux parcours différents fréquentent les mêmes
établissements...
M. François Giacobbi.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles...
utilisent les
mêmes machines, aient les mêmes professeurs ? Ce serait un pas considérable
vers le rapprochement de deux populations qui sont actuellement trop éloignées
l'une de l'autre. Ce serait un pas vers la cohésion sociale.
Je suis obligé d'aller très vite, mais chaque point mériterait un
développement. Je ferai toutefois une dernière remarque.
Je crains que l'éducation nationale ne se prépare pas suffisamment à une
évolution inéluctable, à savoir la généralisation de la formation continue
qualifiante, pour reprendre une expression du rapport de Virville. Cette
généralisation ne pourra se faire que par la validation des compétences
acquises dans la vie professionnelle. Comment l'éducation nationale
anticipe-t-elle cette évolution ?
Je citerai moi aussi, pour conclure, monsieur le ministre, votre dernier
livre,
Le Droit au sens
: « Citoyens parlant à des citoyens, avons-nous
quelque chose à dire qui permette de rendre un sens à la vie ? » Il s'agit là
d'une question à la fois fondamentale et effrayante : avons-nous quelque chose
à dire ?
Je ne peux pas penser que vous ayez écrit cela sans songer aussi aux
enseignants. Les enseignants ont-ils quelque chose à dire qui permette de
rendre ou de donner un sens à la vie des jeunes qui leur sont confiés ? La
question peut donc être posée aux enseignants autant qu'aux politiques.
Cependant, monsieur le ministre, c'est aux politiques qu'il appartient de
faire en sorte que les enseignants puissent répondre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
vais m'efforcer de satisfaire aux exigences de l'horaire de la séance, qui doit
s'interrompre à treize heures précises. Je vous demande par avance pardon si,
n'ayant pas, à cette heure, fini de répondre aux différents intervenants, je me
vois contraint de poursuivre mon propos cet après-midi.
Un certain nombre des inquiétudes qui ont été exprimées ou des souhaits qui
ont été formulés à la tribune doivent d'emblée recevoir une réponse
rassurante.
Les difficultés budgétaires sont ce qu'elles sont, mais il n'y aura, l'année
prochaine, aucune baisse des moyens de l'éducation nationale. Je veux dire par
là que les moyens du service public, qui lui permettent de répondre aux
demandes des élèves et de leur famille, ne seront en aucune manière affectés
par les contraintes budgétaires.
Il n'y aura pas, l'année prochaine, moins de classes ouvertes dans
l'enseignement primaire qu'il n'y en a cette année. Il n'y aura pas, l'année
prochaine, moins d'enseignants du secondaire en poste qu'il n'y en a cette
année, pas moins de maîtres d'internat, pas moins de conseillers principaux
d'éducation, pas moins d'assistantes sociales ou d'infirmières, par moins de
personnels de direction. Il n'y aura pas moins de maîtres du primaire à la tête
d'une classe ou dans les réseaux d'aide aux élèves en difficulté. Il n'y aura
pas moins de décharges horaires pour les enseignants qui dirigent des
écoles.
M. Jean-Louis Carrère.
Votre dialectique est méritoire, mais c'est faux !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Tous ces moyens, et je vais en apporter la preuve, seront
intégralement respectés en 1997 et au cours des années suivantes. C'est ce
qu'un certain nombre d'orateurs de l'opposition ont dit à cette tribune qui est
faux : les postes de stagiaire qui sont affectés par les redéploiements
n'entraînent pas de baisse ultérieure du nombre des enseignants. Pourquoi ?
Parce que leur nombre est maintenu tant que les recrutements sont supérieurs
aux départs à la retraite.
M. Jean Bernadaux,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le « stock des
enseignants », expression affreuse, ou tout simplement leur nombre, pour parler
une langue plus convenable : chaque fois que le nombre des recrutements est
supérieur au nombre des départs à la retraite, les moyens de l'éducation
nationale ne sont pas affectés.
Il se trouve que, pour une raison louable, les recrutements étaient très
supérieurs aux départs à la retraite. Je dis : « pour une raison louable »
parce que je suis sensible à l'argument selon lequel il faut lisser dans le
temps les recrutements pour éviter les à-coups qui correspondent à la
succession de générations d'enseignants relativement creuses et de générations
d'enseignants très nombreuses, entraînant, à un certain moment, de très
nombreux départs à la retraite.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas renoncé à relever le difficile défi
que constitue la programmation des recrutements. Cela passe par une
concertation très active.
Ainsi donc, malgré les difficultés budgétaires, les moyens seront maintenus,
et j'en apporterai la preuve, du moins je l'espère, l'année prochaine, lorsque
je vous soumettrai le projet de budget pour 1998.
Par ailleurs, l'esprit de réforme ne cessera pas de guider nos réflexions et
notre travail.
Autrement dit, l'ensemble des mesures du contrat pour l'école, sans aucune
exception, à peut-être une ou deux, près sur cent cinquante-huit,...
M. Jean-Louis Carrère.
Alors, ce n'est pas « sans aucune exception » !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Encore que je ne reponce pas, pour cette année, à la seule
mesure qui n'avait pas été appliquée : l'attribution de livres gratuits aux
élèves. C'est la seule qui n'avait pas été appliquée !
M. Jean-Louis Carrère.
Si vous « épluchez » le Nouveau contrat pour l'école, vous verrez qu'il y en a
d'autres !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
L'ensemble des mesures du Nouveau contrat pour l'école seront
intégralement réalisées selon le calendrier fixé. Et c'est normal,...
M. Jean-Louis Carrère.
Et ils le croient !
M. Jean Chérioux.
Vous en avez cru et vous en croyez bien d'autres !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... car, si j'étais venu devant le Sénat et l'Assemblée
nationale sans que nous ayons respecté ces engagements, j'aurais, me
semble-t-il, manqué à une des missions que nous partageons : notre mission
d'éducation civique.
J'ai adressé à chacun d'entre vous le bilan extrêmement complet du contrat
pour l'école et je suis prêt, sur chaque point, à comparer les engagements avec
la réalité ; ce contrat sera respecté dans le délai prévu. C'est une nécessité
parce que l'école a besoin de poursuivre la grande entreprise d'adaptation
qu'elle a engagée.
Telles sont les deux idées principales : d'une part, dans un contexte de
rigueur budgétaire, le budget de l'éducation nationale - et nous verrons cet
après-midi que le projet de budget de l'enseignement supérieur est, de loin,
dans ce projet de loi de finances, celui qui progresse le plus - reste le
premier budget de la nation, l'effort est maintenu et les moyens ne seront pas
affectés par les redéploiements d'organisation que nous allons devoir conduire
; d'autre part, l'esprit de réforme est celui qui guide l'éducation nationale.
Bien entendu, il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'une réforme pour la réforme
: il s'agit de mieux satisfaire les besoins, les attentes des enfants et de
leur famille, dans une société dont chacun sait ici quelle crise profonde elle
traverse.
Je vais maintenant m'efforcer de répondre de manière à la fois aussi précise
et aussi concise que possible à chacun de ceux qui se sont exprimés.
M. Delong, rapporteur spécial, a évoqué en particulier les problèmes de
l'auxiliariat.
Il n'y a pas, cette année, plus de maîtres-auxiliaires sans emploi qu'il n'y
en avait l'an dernier ou l'année précédente à la même époque ; les chiffres
sont les mêmes.
Par ailleurs, je demande que l'on veuille bien faire une distinction entre les
maîtres-auxiliaires qui, ayant enseigné pendant longtemps, ont acquis un droit
moral à voir leur situation prise en compte avec une attention particulière et
ceux qui ont assumé, pour l'éducation nationale, une mission brève, en quelque
sorte une mission d'intérim. Il me paraît normal et juste de ne pas mettre les
uns et les autres sur le même plan.
Je n'ai pas attendu l'année 1996 pour m'émouvoir de la situation des
maîtres-auxiliaires. D'ailleurs, j'ai, le premier, créé à leur intention des
concours spécifiques, afin qu'ils puissent intégrer le corps des personnels
titulaires de l'éducation nationale. Dans quelques semaines, sera créé un
deuxième concours, qui sera réservé aux maîtres-auxiliaires ayant plus de
quatre années d'ancienneté.
Il est légitime de leur dire que les droits acquis ne seront pas remis en
question même si leur mission a été interrompue. Je réponds ainsi à un certain
nombre de remarques qui ont été formulées.
En outre, j'ai donné instruction aux recteurs de donner la préférence,
lorsqu'ils doivent recruter des remplaçants, aux plus anciens des
maîtres-auxiliaires.
M. Jacques Delong,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Cela me semble juste.
Il restera, c'est vrai, un volant d'auxiliariat, comme il reste un volant
d'intérimaires dans toutes les entreprises. Il faudra toutefois absolument
veiller à ce qu'il ne soit pas trop important.
En vérité, je considère - et je réponds ainsi en particulier à Mme Luc, mais
aussi à d'autres orateurs - que la transformation des heures supplémentaires en
emplois doit être poursuivie. Je suis le premier parmi les ministres successifs
de l'éducation nationale à l'avoir fait - M. Carrère l'a rappelé - pour
plusieurs milliers d'emplois.
MM. Jean-Louis Carrère et René-Pierre Signé.
Il ne faut pas s'arrêter !
M. François Bayrou,
ministre de l'éduction nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Il faut poursuivre, j'en suis convaincu, et ce sera
probablement pour nous une exigence dans les années à venir, car la charge d'un
professeur pour le budget de l'éducation nationale n'est pas, il faut le
rappeler, supérieure à la charge des heures supplémentaires qui équivalent à
son emploi.
M. René-Pierre Signé.
C'est ce que nous avons dit !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Sans jamais faire, monsieur Signé, ce que moi, j'ai fait.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Laissez-nous revenir au pouvoir !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère.
Vous l'avez fait, mais vous ne le faites plus !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
C'est pourquoi je dis que, sur ce point, il faudra poursuivre
l'effort.
S'agissant des heures supplémentaires, je voudrais relever ce qu'il y a
d'hypocrite dans un certain nombre de prises de positions du groupe
socialiste.
M. Jacques Delong,
rapporteur spécial.
Ah ça oui !
M. François Bayrou.
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je citerai des chiffres, afin que chacun sache ce qu'il en est
réellement de cette condamnation indignée des heures supplémentaires.
En 1990, il y avait 598 000 heures supplémentaires et, en 1993, le pouvoir
socialiste en a porté le nombre à 805 000.
M. Jean-Louis Carrère.
Certes, et ce n'était pas bien !
M. René-Pierre Signé.
C'était un héritage de votre gestion !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Leur nombre est donc passé de 598 000 à 805 000.
M. Jean-Louis Carrère.
Vous ne mettiez pas 19 milliards de francs pour l'enseignement supérieur !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Le nombre d'heures supplémentaires s'élève aujourd'hui à 804
000. C'est donc à la gestion du pouvoir socialiste que nous devons le nombre
excessif d'heures supplémentaires qui figurent dans le budget d'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants, et du RPR ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère.
A qui doit-on le plan « Université 2000 » ? Ce n'est ni aux centristes ni au
RPR !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je tiens ces chiffres à la disposition de tous.
M. Jean-Louis Carrère.
Et la décentralisation ?
M. le président.
Monsieur Carrère, vous n'avez pas été interrompu tout à l'heure : laissez M.
le ministre s'exprimer.
M. Jean-Louis Carrère.
Je suis provoqué, monsieur le président.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Non, vous ne l'êtes pas ; vous êtes mis devant vos
responsabilités !
M. Jacques Delong,
rapporteur spécial.
Il provoque tout le monde !
(M. Carrère proteste.)
M. le président.
Monsieur Carrère, je vous pris de plus interrompre M. le ministre.
M. Jean-Louis Carrère.
Je ne suis pas impressionné par votre ton !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
La vérité n'est pas provocatrice, elle est seulement..
M. François Giacobbi.
Insolente !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Ce n'est pas le terme que j'emploierai !
M. Jean-Louis Carrère.
C'est de l'hypocrisie car vous ne prenez en compte qu'une partie de mes
propos.
M. le président.
Monsieur Carrère, vous n'avez pas la parole. Si vous continuez ainsi, je serai
obligé de vous adresser un rappel à l'ordre.
M. Jean-Louis Carrère.
Faitez-moi « virer » !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà bien longtemps que
nous n'avions pas eu ensemble une séance aussi animée.
M. Jean-Louis Carrère.
Vous animez ce débat ; je vous réponds.
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'ensqeignement supérieur et de la
recherche.
Je me réjouis que nous renouions avec cette tradition !
Plusieurs orateurs ont évoqué les zones d'éducation prioritaires. La carte des
ZEP ne recouvre pas nécessairement celle des ZUS. Certains besoins en matière
d'éducation ne recouvrent pas strictement les besoins économiques. Il faut
certes chercher à harmoniser, mais je ne pense pas qu'il faille obligatoirement
faire coïncider les uns avec les autres. Il faut avoir en ce domaine un souci
d'équilibre et un certain réalisme pour éviter des accidents.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très juste !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Enfin, plusieurs orateurs, notamment MM. Delong et Bernadaux
ont évoqué les problèmes liés au foulard islamique. Je répéterais brièvement ce
que j'ai eu l'occasion de déclarer ce matin. Ce problème est très important à
mes yeux, parce que de la façon de l'aborder dépend la capacité d'intégration
de la société française.
Ce problème est d'autant plus important qu'il touche à deux aspects
principaux. Le premier est l'intégrisme, dont nos sociétés contemporaines sont
porteuses, et le second est la condition des femmes dans la société. Je
rappellerai que, sur ce point, la République a adopté un certain nombre de
principes. Elle ne se plie pas à l'intégrisme et elle n'accepte pas la
discrimination des femmes par rapport aux hommes.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Nous n'avons pas de leçons à recevoir en ce domaine !
M. Jean-Louis Carrère.
Présentez des femmes sur vos listes électorales !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, ayez la courtoisie de laisser M. le
ministre s'exprimer !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
C'est la raison pour laquelle, face à la multiplication de ces
signes de prosélytisme et de discrimination, j'ai pris, voilà deux ans, une
circulaire qui précisait que, sauf cas particulier, ils ne devaient pas être
acceptés à l'intérieur de l'école de la République.
M. René-Pierre Signé.
Sauf l'intégrisme chrétien !
M. Lucien Neuwirth.
Il n'y a pas que cet intégrisme là ! Il existe des formes d'intégrisme dans
tout le Moyen-Orient !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Cette circulaire a pleinement porté ses fruits, puisque le
nombre de ces affaires, qui s'élevait à environ 3 000 lorsque j'ai pris cette
circulaire, a diminué, depuis, de 90 %. Nous étions donc en mesure de contenir
ce danger et ce risque.
(M. le président de la commission des affaires culturelles fait un signe
d'assentiment.)
Un certain nombre de décisions juridictionnelles, et plus encore
peut-être les commentaires qu'elles ont suscités, ont modifié quelque peu la
situation. D'ici à quelques semaines, nous allons juger si les textes et
l'attitude des enseignants, des proviseurs et des principaux ont permis de
maintenir l'équilibre auquel nous étions parvenus.
Si nous constations un retour de ces signes qui traduisent à la fois
l'intégrisme et la discrimination, je n'exclurais aucune décision.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'entends
par là que, par voie réglementaire ou par voie législative, nous pourrions
essayer de reprendre ce problème.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles,
et M. Jacques Delong,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
S'agissant des valeurs les plus profondes de la République,
nous ne pourrons agir que dans le cadre d'un accord général.
Je prendrai contact avec les présidents des groupes de la majorité et de
l'opposition tant de l'Assemblée nationale que du Sénat afin d'examiner avec
eux les conditions dans lesquelles ce problème peut être traité par la nation
et par la République.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Il existe, c'est vrai, une originalité française en matière de
laïcité, que, pour ma part, j'estime fondée. Je dis cela en tant qu'homme ayant
des convictions religieuses qu'il ne dissimule pas.
Je suis certain que la laïcité est l'une des clés de voûte de notre vie en
communauté. C'est ainsi que nous devons en aborder les principes, avec la
certitude que nous traitons là de la vocation intégratrice de la France, de sa
vocation à faire un seul peuple avec des individus différents, ayant des
convictions diverses...
MM. François Giacobbi et Jacques Machet.
Très bien !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
... refusant le communautarisme, le chacun pour soi, les lois
spécifiques, qui, hélas ! menacent, me semble-t-il, profondément la vocation
historique et républicaine de la France.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants du RPR,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je veux, en tout cas, assurer de mon soutien tous les enseignants et tous ceux
qui ont en charge l'éducation et qui sont, dans cette affaire, en première
ligne. Je tiens à leur dire que le Gouvernement ne les laissera pas seuls face
à ce risque sans leur donner des indications claires et sans être à leur côté
pour résoudre ce problème.
(Très bien ! sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est essentiel
!
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Monsieur Bernadaux, je suis d'accord avec vous lorsque vous
soulignez la nécessité d'éviter les à-coups en matière de politique de
recrutement des personnels.
Vous avez souhaité que soient traités les problèmes d'aides à la scolarité. Je
proposerai aux caisses d'allocations familiales de procéder à une
expérimentation dans deux ou trois départements afin d'étudier les effets sur
la population scolaire et la fréquentation des cantines d'un autre mode
d'attribution de ces aides, ce qui permettra, notamment, de redonner aux
établissements une partie de leurs responsabilités antérieures.
M. Lucien Neuwirth.
C'est nécessaire !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Je note que la revalorisation de la fonction des directeur
d'école et des chefs d'établissement est en cours. Ce matin même, le dernier
texte qui restait à signer, à la suite du protocole que j'avais conclu avec les
chefs d'établissements à ce sujet, a été avalisé par le ministère du budget et
celui de l'économie et des finances. J'indiquerai aux chefs d'établissement
qu'ils ont obtenu satisfaction sur l'ensemble des mesures que nous avions
retenues ensemble. De même, les directeurs d'école se sont vu offrir des
possibilités nouvelles.
Toutes ces mesures nous semblent aller dans le sens que le Sénat et vous-même
souhaitez, monsieur le rapporteur pour avis.
Je reprendrai brièvement les questions relatives au moratoire à propos de
l'école rurale. A mon avis, ce terme n'est pas juste car il suggère une
parenthèse qui se refermerait un jour. Or, autant qu'il sera en mon pouvoir,
cette parenthèse ne se refermera pas.
Il s'agit non pas d'un moratoire mais d'une politique nouvelle. Une mairie
doit pouvoir maintenir son école à classe unique - et, monsieur Carrère, vous
avez eu parfaitement raison de souligner la différence entre classe et école -
si elle le souhaite.
Au demeurant, j'ai résisté à un certain nombre de pressions, y compris au sein
de mon ministère, me demandant de mettre un terme à cette politique. Et bien
m'en a pris car un institut d'évaluation a pu mesurer les performances des
élèves d'une classe unique par rapport à celles des élèves des écoles à classes
multiples.
Il est désormais reconnu que les performances des premiers sont largement
comparables, voire supérieures, à celles des élèves scolarisés dans un autre
système. Je n'en suis guère surpris. J'en avais l'intuition, et je vous en
avais fait part voilà quelques années. Je suis heureux de constater que cette
politique est non seulement fondée en termes d'aménagement du territoire mais
aussi d'un point de vue pédagogique, ce qui doit être, pour nous, la règle
d'or.
Mme Hélène Luc.
Cela dépend des effectifs de chaque classe !
M. François Bayrou,
ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche.
Quels que soient les effectifs, la moyenne des élèves montre le
bien-fondé d'une scolarisation de proximité.
Enfin, j'évoquerai les rythmes scolaires. Nous avons retenu, monsieur
Bernadaux, les départements de la Marne et des Hautes-Alpes, à la suite de la
candidature de leur conseil général, ainsi que la ville de Marseille, soit un
département très rural, un département équilibré et une unité urbaine très
importante, pour mener l'année prochaine, sur une véritable échelle, une
politique en matière d'aménagement des rythmes scolaires.
Nous allons avoir un travail considérable car je sais que les exigences sur le
terrain ne sont pas les mêmes. Je remercie M. Othily d'avoir rappelé que, pour
le département et la région qu'il représente ici, des adaptations sont
naturellement nécessaires et que des décisions différentes doivent être prises
en fonction du climat, de l'attente des élèves, de leurs maîtres et des
familles.
En effet, une politique d'aménagement des rythmes scolaires doit être une
politique à l'écoute du terrain. Je me réjouis donc que nous puissions engager
une expérience sur une véritable échelle.
Monsieur le président, vous m'avez fait part de la nécessité de suspendre la
séance à treize heures. Je vous propose d'arrêter là mon propos. Je répondrai
cet après-midi aux autres orateurs.
M. le président.
En effet, monsieur le ministre, le Sénat doit, à quinze heures, rendre un
hommage solennel à André Malraux.
Nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à
quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la
présidence de M. René Monory.)