SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Outre-mer (p. 3 )

MM. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances ; Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer ; Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires d'outre-mer ; Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Claude Lise, Jean-Luc Bécart, Georges Othily, Paul Vergès, Daniel Millaud, Edmond Lauret, Rodolphe Désiré, Marcel Henry, Victor Reux, Dominique Larifla, Pierre Lagourgue.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

MM. le ministre délégué, le président.

Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 5 )

Article 93. - Adoption (p. 6 )

Culture
(p. 7 )

MM. Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Mme Danièle Pourtaud, MM. Jack Ralite, Georges Othily, Jacques Habert, Charles Revet, Philippe Richert, Marcel Vidal, Daniel Eckenspieller, Pierre Laffitte, Jean Boyer, Denis Badré, Jacques Legendre, Jean-Paul Hugot, Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture.

Crédits des titres III et IV. - Adoption (p. 8 )

Crédits du titre V (p. 9 )

Amendement n° II-37 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Jack Ralite, Mme Danièle Pourtaud, M. le président de la commission des affaires culturelles. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre VI. - Adoption (p. 10 )

Industrie, poste et télécommunications


II. - POSTE, TÉLÉCOMMUNICATIONS ET ESPACE (p. 11 )

MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les technologies de l'information et la poste.

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

4. Communication du Gouvernement (p. 13 ).

5. Loi de finances pour 1997. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 14 ).


Industrie, poste et télécommunications

II. - POSTE, TÉLÉCOMMUNICATIONS ET ESPACE (Suite) (p. 15 )


MM. Claude Billard, Pierre Laffitte, Jacques Habert, Henri Revol, Pierre Lagourgue, Gérard Delfau, Georges Othily, Mme Maryse Bergé-Lavigne.
M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace.
Vote des crédits réservé.

Charges communes
et
comptes spéciaux du Trésor (p. 16 )

MM. Alain Lambert, en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les charges communes ; Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les comptes spéciaux du Trésor ; Alain Richard, Paul Loridant.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.

CHARGES COMMUNES (p. 17 )

Crédits des titres I à III. - Adoption (p. 18 )

Crédits du titre IV (p. 19 )

M. Paul Loridant.
Amendement n° II-40 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 20 )

Article 88 (p. 21 )

Amendement n° II-41 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 89. - Adoption (p. 22 )

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR (p. 23 )

Articles 42 et 43. - Adoption (p. 24 )

Article 44 (p. 25 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Adoption de l'article.

Article 45. - Adoption (p. 26 )

Article 45 bis (p. 27 )

Amendement n° II-27 de M. Gaillard. - MM. Gaillard, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 46. - Adoption (p. 28 )

Article 47 (p. 29 )

Amendements n°s II-38 et II-39 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial, Richard. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles 48 à 53. - Adoption (p. 30 )

Renvoi de la suite de l'ordre du jour (p. 31 )

M. le président.

6. Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire (p. 32 ).

7. Dépôt d'une proposition de loi (p. 33 ).

8. Dépôt de rapports d'information (p. 34 ).

9. Ordre du jour (p. 35 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 novembre 1996, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

3

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997).]

Outre-mer

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de l'outre-mer atteignent, pour 1997, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, 4,86 milliards de francs, soit un montant à peu près identique à celui qui était inscrit dans la loi de finances initiale pour 1996.
Le total des autorisations de programme subit, en revanche, une baisse sensible, de près de 9 %, et descend à 1,95 milliard de francs.
Cette stabilisation en valeur des crédits de l'outre-mer recouvre, en réalité, de fortes variations, essentiellement dues à trois facteurs : tout d'abord, la poursuite de la montée en régime du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, issu de la loi Perben de 1994 ; ensuite, l'étalement sur un exercice complémentaire du financement des engagements contractuels de l'Etat, dans le cadre des différents contrats de plan et de développement ; enfin, la disparition de la section décentralisée du fonds d'investissement des départements d'outre-mer.
Je vous renvoie à mon rapport pour le détail de l'ensemble des mesures nouvelles. Je me limiterai, dans la présentation orale, à développer, compte tenu de leur importance, les trois points que je viens de mentionner.
Premier point : la poursuite de la montée en puissance du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Les crédits figurant à ce titre dans le projet de loi de finances initiale pour 1997 s'élèvent à 1 486,9 millions de francs ; ils sont en hausse de 43,5 % par rapport aux crédits inscrits en 1996. La progression n'est toutefois plus que de 10,7 % si l'on tient compte de l'enveloppe de 307 millions de francs ouverte sur le chapitre concerné par le décret d'avances du 26 septembre dernier.
Il faut bien sûr se féliciter de la poursuite d'une politique ambitieuse de soutien au développement économique et social des départements d'outre-mer.
Les rapporteurs pour avis ne manqueront pas de souligner la mise en place, parfois empreinte de difficultés, des agences départementales d'insertion, les ADI, ainsi que l'extension aux départements d'outre-mer de l'allocation parentale d'éducation et de l'allocation pour jeune enfant.
Pour ma part, j'exprimerai une légère réserve sur le mode de fonctionnement du FEDOM.
L'exercice 1996 aura vu, en effet, une demande forte en faveur des contrats emploi-solidarité. Il ne faudrait pas que la prolongation de cette tendance finisse par créer un effet d'éviction au détriment des formules d'insertion par le secteur privé, au moment où la Cour des comptes fustige, à juste titre, les dérives des CES.
Le chapitre des aides au logement dans les départements d'outre-mer, ou ligne budgétaire unique, la LBU, apparaît également comme relativement privilégié, puisque ses autorisations de programme sont maintenues à 1 150 millions de francs, soit au niveau atteint en loi de finances initiale pour 1996, conformément à la volonté du Président de la République.
Par ailleurs, la créance de proratisation du RMI permettra d'augmenter les moyens d'engagement de la LBU de 540 millions de francs supplémentaires, soit un montant équivalent à celui qui est constaté cette année.
Le ministère de l'outre-mer considère que les moyens dégagés permettront l'achèvement des réformes décidées lors des assises de l'égalité sociale de février 1996 et la poursuite de la politique ultramarine du logement social au même niveau que l'exercice en cours, soit environ 11 000 nouveaux logements construits par an, auxquels s'ajoutent 4 000 opérations de réhabilitation.
Monsieur le ministre, je désire que nos débats soient l'occasion de préciser l'état d'avancement des réflexions du Gouvernement sur la mise au point de nouveaux produits, notamment l'extension du prêt à taux zéro aux départements d'outre-mer.
J'en viens au deuxième sujet que je souhaitais développer dans mon intervention : hors LBU, le budget d'investissement du ministère de l'outre-mer est marqué par l'étalement sur une année supplémentaire des contrats de plan avec les départements d'outre-mer, des conventions avec Mayotte et Wallis-et-Futuna ainsi que du contrat de développement avec la Polynésie française. Seuls les contrats de développement signés avec les provinces de Nouvelle-Calédonie échappent à cette disposition.
L'étalement sur un exercice supplémentaire de la charge pour l'Etat de ses engagements contractuels à l'égard des collectivités d'outre-mer, excepté la Nouvelle-Calédonie, n'est que le pendant du même principe appliqué aux contrats de plan en métropole.
Cet aspect du budget de l'outre-mer me donne l'occasion de faire le point sur la situation en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.
Parallèlement au contrat de développement, la Polynésie bénéficie de la convention du 25 juillet dernier qui tire les conséquences de la fin des essais nucléaires et fixe les modalités du maintien d'un flux annuel de 990 millions de francs pendant dix ans au profit du territoire.
Je n'aurai qu'un souhait à ce sujet, monsieur le ministre : que le Gouvernement isole mieux ces flux qu'il ne le fait actuellement dans le « bleu » de la défense.
Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, de retour d'une mission qui m'a conduit sur place du 2 au 16 septembre dernier, je ne peux que me féliciter de la décision du Gouvernement de ne pas imposer à ce territoire le principe de l'étalement de ses engagements contractuels sur une année supplémentaire.
A dire vrai, cette solution était la seule qui soit acceptable compte tenu de l'échéance référendaire de 1998.
Au terme des entretiens que j'ai eus sur le territoire, je souhaite toutefois appeler votre attention, monsieur le ministre, sur trois points qui me semblent devoir faire l'objet d'une vigilance accrue alors que les pourparlers sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie entrent dans une phase décisive.
En premier lieu, il paraît indispensable de préserver la capacité d'action de l'agence de développement rural et d'aménagement foncier, l'ADRAF, dont l'action reste décisive et, de surcroît, appréciée par toutes les parties s'agissant de la redistribution des terres, essentiellement au profit des Mélanésiens.
En moyenne, les dépenses sur les années 1992 à 1995 au titre des achats de terres effectués par l'ADRAF ont été de 10 millions de francs par an. Ce rythme paraît raisonnable au regard des besoins recensés.
Or les montants délégués en 1996 ne s'élevaient au mois de septembre dernier qu'à 4,25 millions de francs et l'administration, compte tenu des moyens en diminution dont elle disposera en 1997 sur la section générale du FIDES, s'apprête à proposer au comité directeur du fonds l'inscription d'une enveloppe limitée à 6 millions de francs pour les achats de terre de l'ADRAF.
Une solution, strictement conjoncturelle, peut consister à solliciter le fonds de roulement dont dispose l'agence. Cette voie n'apparaît toutefois pas pérenne et met en danger l'action d'une institution indispensable à la paix civile en Nouvelle-Calédonie.
En deuxième lieu, il paraît également utile, dans le climat actuel, de préserver la capacité d'action du représentant de l'Etat sur le territoire pour le financement des opérations « jeunes stagiaires du développement ».
Les crédits nécessaires sont traditionnellement dégagés par prélèvement sur l'enveloppe « autres opérations » du chapitre 68-93, qui concentre les moyens destinés à la Nouvelle-Calédonie. Or, cette enveloppe a tendance à diminuer pour deux motifs concomitants : la stabilisation en valeur des crédits demandés sur le chapitre 68-93 et la progression constante de l'indemnité compensatrice versée à la province Sud au titre d'une partie de ses charges d'enseignement primaire et d'assistance médicale gratuite, en application de l'article 34 du statut de 1988.
De ce point de vue, il est heureux que le Gouvernement ait manifesté son intention a priori de maintenir cette indemnité, en 1997, au même niveau qu'en 1996, soit 58 millions de francs. Mais il faudra tenir cette ligne en gestion.
Enfin, l'une des clés du dialogue aujourd'hui en cours sur le territoire réside dans la garantie apportée par les pouvoirs publics à la province Nord d'un développement durable à travers la construction d'une usine de traitement du minerai de nickel. A ce sujet, l'accord récent intervenu entre ERAMET et la Société minière du Sud-Pacifique en vue de permettre l'accès des investisseurs à la ressource ne semble pas encore avoir porté tous ses fruits. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet, monsieur le ministre ?
Le troisième et dernier axe de mon intervention concerne l'opération de suppression du FIDOM-section décentralisée.
Le chapitre en question était doté, en loi de finances initiale pour 1996, de 55 millions de francs en autorisations de programme. Celles-ci tombent à zéro pour 1997.
Le Gouvernement dispose d'un argument certes paradoxal, mais non dénué de tout fondement, pour justifier cette opération : les amputations importantes et régulières pratiquées depuis le début de la décennie sur le chapitre concerné ont conduit à minorer fortement la part de cette ressource dans les budgets des départements et des régions d'outre-mer. Le FIDOM-décentralisé ne représenterait plus qu'une très faible part des recettes de ces collectivités, même si, localement, et pour telle opération particulière, le taux de participation du fonds peut encore atteindre des niveaux significatifs.
Toutefois, les élus « domiens » ne manqueront pas de rappeler la politique conduite lors de la dernière décennie et au début des années quatre-vingt-dix, qui a consisté à maintenir un niveau d'autorisations de programme sur les dotations du FIDOM-décentralisé sans l'accompagner de la mise en place des crédits de paiement correspondants.
Le ministère de l'outre-mer a bien commencé à inverser la tendance à compter de 1994, en donnant la priorité aux crédits de paiement, en les faisant progresser plus rapidement que les autorisations de programme.
Il n'en demeure pas moins que cet effort de redressement n'est pas arrivé à son terme, même en tenant compte des crédits de paiement, soit 33,3 millions de francs, demandés au titre de 1997.
Dans une réponse à une question écrite de notre collègue M. Dominique Larifla, le ministère de l'outre-mer indiquait que la question des besoins en crédits de paiement sur le chapitre 68-03 serait examinée dans le cadre de la préparation du projet de budget pour 1997. Or celui-ci ne contient aucune amorce de solution. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si des progrès ont pu être accomplis afin que la totalité des crédits de paiement correspondant à des autorisations de programme engagées sur le FIDOM-décentralisé avant le 31 décembre 1996 soit reversée aux régions et aux départements concernés.
Par ailleurs, vous avez exprimé le souhait, monsieur le ministre, de pouvoir déposer sur le bureau de l'une ou de l'autre assemblée, avant la fin de l'année, un projet de loi relatif à l'aménagement du territoire ultramarin. Vous avez présenté ce texte comme une contrepartie consentie par le Gouvernement en échange de la suppression de la section décentralisée du FIDOM.
Selon vos propos, les objectifs seraient de deux ordres : d'abord, étendre à l'outre-mer le principe des zones de revitalisation rurale, prévu pour la métropole par la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, parallèlement au pacte de relance pour la ville, qui, lui, s'appliquera d'emblée dans les DOM ; ensuite, compléter les mécanismes d'aide aux entreprises exportatrices d'outre-mer en ajoutant aux primes à l'emploi des primes à l'investissement.
Il reste toutefois à préciser le contenu exact du texte et le montant des moyens budgétaires qui lui seront consacrés.
Quel sera le partage des responsabilités entre l'Etat et les régions d'outre-mer dans un domaine touchant au développement économique ?
Quels seront les flux financiers annuels consentis par l'Etat au titre de ce dispositif ?
Quelles seront, enfin, les modalités de transfert de ces flux vers les DOM ? J'ai cru comprendre qu'il était prévu une participation du fonds national de développement des entreprises, le FNDE. Or, ce fonds prévu par la loi Pasqua n'a jamais été mis en place.
Pouvez-vous, enfin, fixer le calendrier d'examen de ce texte ?
Avant de conclure, je voudrais rendre hommage, monsieur le ministre, à votre volonté de doter l'outre-mer des instruments qui lui permettront d'assurer son développement autrement que par des transferts effectués depuis la métropole.
Il y a urgence en ce domaine, comme l'ont prouvé les récents événements de Guyane. La visite que vous avez effectuée sur place avec le ministre de l'éducation nationale a permis de calmer les esprits. Je souhaite cependant que vous nous fassiez part, dans votre réponse, de votre sentiment sur l'évolution de ce département au cours des prochaines années.
En conclusion, je dirai, mes chers collègues, que les crédits demandés au titre de l'outre-mer participent à l'effort de maîtrise de la dépense publique, mais restent suffisants pour conserver au ministère une marge significative d'action.
Ce constat conduit la commission des finances à vous proposer, sous réserve des réponses que le ministre voudra bien faire à nos demandes de précisions, d'adopter le projet de budget de l'outre-mer pour 1997 ainsi que l'article 93 rattaché, qui proroge la taxe sur les transports au profit des régions d'outre-mer et ne pose pas de problème. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous exposer les observations de la commission des affaires économiques, j'aimerais brièvement attirer une fois de plus votre attention sur le fait que la discussion concernant le budget du ministère des départements et territoires d'outre-mer est frappé d'une ambiguïté regrettable : d'une part, ce budget ne correspond qu'à environ 10 % des sommes effectivement attribuées aux départements d'outre-mer et, d'autre part, on pourrait penser que nous traitons ici de l'ensemble des problèmes concernant l'outre-mer.
Pour permettre une meilleure lisibilité, nous disposons, c'est vrai, à travers le fascicule jaune annexé au projet de loi de finances, de statistiques concernant les crédits affectés par l'ensemble des ministères à l'outre-mer, mais ces chiffres arrivent tard et doivent être maniés avec beaucoup de précautions, parce qu'ils sont peu fiables.
De plus, la discussion est biaisée, car nous sommes contraints, à travers un exercice politique périlleux, de faire une synthèse en un seul fascicule de problèmes aussi vastes que ceux des différents départements et territoires d'outre-mer, sur lesquels on peut dire que le soleil ne se couche jamais, et cela avec un temps de parole encore plus réduit qu'il y a deux ans quand existaient un rapporteur pour les départements d'outre-mer et un rapporteur pour les territoires d'outre-mer, alors que, c'est un paradoxe, l'institution de la session unique était censée nous donner plus de temps pour travailler.
Monsieur le ministre, dans un contexte économique encore très fragile, une des priorités affirmées par votre ministère est la lutte pour l'emploi et l'insertion et, à ce titre, les crédits affectés au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le FEDOM, sont en hausse de 43,5 % par rapport à la loi de finances pour 1996, ce qui permettra de financer 55 000 nouvelles solutions d'insertion, notamment à travers les contrats d'accès à l'emploi et la mise en place des agences d'insertion.
Le soutien au logement social se traduit notamment par le maintien de la ligne budgétaire unique, la LBU, à son niveau de 1996, conformément à la volonté du président de la République. Cette mesure devrait permettre la mise en oeuvre des réformes décidées lors des Assises de l'égalité sociale de février 1996. Mais la diminution sensible des crédits de paiement par rapport à 1996 témoigne de la difficulté à réaliser effectivement les investissements prévus.
Malgré des réductions budgétaires importantes, le Gouvernement entend maintenir une politique contractuelle axée sur l'aménagement du territoire.
Force est cependant de constater que le montant global des subventions aux collectivités locales est en forte diminution, et cela résulte très largement de la suppression, à compter de 1997, de la section décentralisée du FIDOM.
De plus, les diminutions enregistrées tant sur le FIDOM que sur la section générale du FIDES imposent l'étalement sur une année supplémentaire des contrats de plan avec les départements d'outre-mer, mesure qui s'est d'ailleurs appliquée aux contrats de plan en métropole, mais qui est dangereuse parce qu'elle s'applique à des organismes financièrement faibles, alors même que les engagements au titre des contrats de plan constituent la contrepartie des programmes européens de développement qui devront être retardés.
Vous annoncez, monsieur le ministre, pour très prochainement, un projet de loi relatif à l'aménagement du territoire ultramarin. Il ne faudra pas tarder, et j'aimerais avoir, de votre part, des renseignements sur le contenu de ce texte.
Dans l'immédiat, au nom des élus domiens, je souhaite, monsieur le ministre, être assuré que la totalité des crédits de paiement correspondant à des autorisations de programme engagées sur le FIDOM décentralisé avant le 31 décembre 1996 sera reversée aux régions et aux départements concernés pour ne pas les handicaper encore plus.
Enfin, et compte tenu de la progression limitée des moyens budgétaires à destination de l'outre-mer, il paraît indispensable de privilégier les dispositions relatives à la défiscalisation, qui ne devrait pas être remise en cause chaque année, car il s'agit d'une dépense fiscale « neutre » pour les finances publiques comme le montre un rapport de la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique, et qui favorise la création de ressources locales en stimulant le tissu des entreprises, permettant, à terme, de diminuer les transferts budgétaires qui ont placé les départements d'outre-mer dans une situation d'assistance budgétaire chronique très préjudiciable à leur véritable développement économique.
Les crédits consacrés aux territoires d'outre-mer regroupés autour de trois agrégats - développement social et économique, administration générale et collectivité - s'élèvent à un peu plus d'un milliard de francs et devraient permettre à l'Etat de respecter l'ensemble de ses engagements contractuels, notamment vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
En matière d'aides communautaires concernant le VIIIe Fonds européen de développement, le Conseil européen de Cannes a décidé, en juin 1995, de son montant de 1996 à l'an 2000. Il est de 165 millions d'écus pour les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, dont 47,90 % pour la France.
Le contexte budgétaire globalement stable s'inscrit dans une évolution contrastée au niveau des différents territoires d'outre-mer et collectivités territoriales d'outre-mer. Si la Polynésie française s'est donnée les moyens de la stabilité grâce à une rénovation de son cadre institutionnel, la Nouvelle-Calédonie demeure dans l'incertitude dans l'attente du référendum sur l'autodétermination qui doit avoir lieu en 1998.
Par ailleurs, alors que le territoire de Wallis-et-Futuna se trouve dans une conjoncture économique stable, Saint-Pierre-et-Miquelon poursuit sa recherche d'une reconversion et d'une diversification de ses activités économiques. Enfin, l'analyse économique de la situation du territoire de Mayotte révèle une croissance économique marquée par une dépendance accrue.
Sous réserve de ces observations, je vous indique, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la majorité de la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits destinés à l'outre-mer pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année qui marque le cinquantième anniversaire de la départementalisation de l'outre-mer, la commission des affaires sociales du Sénat a noté avec satisfaction que la politique d'égalité sociale avec la métropole s'est concrétisée avec l'alignement du SMIC et des diverses prestations sociales, à l'exception - et c'est regrettable - de l'allocation de parent isolé, l'API, dont le montant dans les DOM reste très inférieur à celui qui est versé en métropole.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, échappe au plan d'austérité général, puisqu'il est maintenu ; il enregistre même une très légère progression par rapport à l'an dernier. Si un effort particulier est consenti en direction des territoires d'outre-mer, les quatre cinquièmes des crédits restent affectés aux départements d'outre-mer.
J'évoquerai deux sujets qui sont au coeur du développement des DOM : le logement et l'emploi.
Le problème du logement social outre-mer se pose encore aujourd'hui en termes de pénurie, d'insalubrité et de précarité.
Pour répondre aux besoins, il faudrait pouvoir augmenter, dans de fortes proportions, le nombre de logements aidés par l'Etat construits chaque année.
Or, monsieur le ministre, force est de constater que les efforts financiers en la matière sont trop limités : la ligne budgétaire unique sera tout juste reconduite en 1997. Certes, une part de la créance de proratisation du RMI vient l'abonder, mais elle sera fixée à 540 millions de francs en 1997 alors qu'elle s'élevait à 570 millions de francs en 1996.
Dans ces conditions, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur l'objectif ambitieux de la construction de 15 000 logements par an que vous nous avez annoncée lors de votre audition devant la commission.
En février dernier, à la suite des Assises de l'égalité sociale, vous aviez défini les grands axes en matière de politique du logement outre-mer. Mais il faudrait aussi que l'outre-mer bénéficie des nouvelles mesures applicables en métropole ; je pense notamment à celles qui ont été prises en faveur du logement des personnes les plus démunies. Les DOM se trouvent exclus des crédits destinés à financer, par exemple, les actions d'urgence ou bien encore le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, et l'aide au logement temporaire, l'ALT, crédits qui ont doublé, voire triplé, alors que la ligne budgétaire unique stagne.
De même, le prêt à taux zéro, mis en place voilà un an en métropole, n'a toujours pas été étendu à l'outre-mer. Je vous renouvelle, monsieur le ministre, non seulement le souhait de voir ce prêt applicable dans les DOM au plus tôt, mais également l'opposition à ce qu'il soit financé par un prélèvement sur la ligne budgétaire unique. En effet, ce serait à la fois inéquitable, puisqu'il y aurait une baisse des aides affectées aux logements sociaux, et illogique, parce que contraire à la politique exprimée par le Gouvernement.
La situation de l'emploi et de l'insertion outre-mer, placée au premier rang des priorités lors des Assises du développement, demeure très préoccupante.
Les taux de chômage dans les départements d'outre-mer sont alarmant, variant entre 20 % pour la Guyane et près de 40 % pour la Réunion ! Paradoxalement, on assiste à des évolutions positives : baisse du nombre des demandeurs d'emploi en fin de mois, du pourcentage des chômeurs de moins de vingt-cinq ans, augmentation des offres d'emploi, ce qui prouve le dynamisme du marché du travail.
Cette contradiction apparente entre les chiffres est due à l'excédent démographique, lequel est cependant en voie de résorption.
L'année 1996 aura été marquée par l'adoption ou la mise en oeuvre de plusieurs actions en faveur de l'emploi. En 1997, le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, verra ses crédits augmenter de 43 %, mais au détriment des subventions d'investissement versées par l'Etat, ce qui risque d'avoir des effets contraires sur l'emploi.
Par ailleurs, l'application dans les DOM du chèque emploi-service, annoncée depuis un an, est sans cesse repoussée.
Le bilan des mesures en faveur de l'insertion outre-mer n'est pas satisfaisant : les quatre agences départementales d'insertion n'ont été mises en place qu'il y a six mois. Elles ont notamment pour mission de conclure des contrats d'insertion par l'activité, les CIA, avec les RMIstes, qui sont au nombre de 109 000 dans les quatre départements d'outre-mer. Or l'objectif initial du Gouvernement, fixé à 10 400 CIA pour la fin de l'année 1996, est loin d'être atteint.
La réduction du temps de parole consécutive, ce qui est paradoxal, à l'adoption de la session unique de neuf mois ne me laissant que cinq minutes pour m'exprimer, je conclurai en indiquant que la commission des affaires sociales, considérant que les objectifs définis pour l'outre-mer par le Gouvernement sont pertinents, a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Blaizot, rapporteur pour avis.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par la commission des lois du Sénat des crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 1997 aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon a été, comme chaque année, l'occasion de dépasser les catégories budgétaires habituelles.
En effet, au-delà du budget du ministère de l'outre-mer, dont la dotation représentera, en 1997, 10,6 % des crédits consacrés par l'ensemble des ministères à ces six collectivités locales, l'avis écrit, auquel je me permets de vous renvoyer, analyse également les effets prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la décentralisation, d'une part, qui représentent 22,9 % du total des crédits affectés à ces mêmes collectivités, et de celle du ministère de la justice, d'autre part, qui en représente 1,7 %.
Nous avons parfaitement conscience, monsieur le ministre, de la complexité de votre tâche de coordination, eu égard à la dispersion des crédits entre plusieurs ministères, mais je dois souligner que vous avez remarquablement, au cours des deux ans écoulés, défendu votre pré carré et obtenu des moyens qui vous permettent d'exercer l'influence qui doit être la vôtre en la matière ; nous nous en réjouissons.
Ainsi, la part dans l'effort total en faveur du ministère de l'outre-mer est stable, tandis que baissent légèrement celles des autres ministères mentionnés précédemment. Cela traduit notamment la poursuite de l'effort de modernisation et d'adaptation des administrations de l'Etat outre-mer, tant par la construction de bâtiments - et il y en aura eu beaucoup en 1996-1997, qu'il s'agisse d'une sous-préfecture à Saint-Pierre-et-Miquelon, d'établissements pénitentiaires dans les DOM et de centres de rétention à Mayotte et en Guyane ou du siège des juridictions en Martinique - que par le redéploiement ou le renforcement des effectifs. Ce dernier point, dont il faut souligner l'importance, concerne le personnel pénitentiaire, les magistrats, ainsi que les expériences de réorganisation des services de la préfecture en Martinique.
Pour formuler son avis, la commission des lois a examiné ces moyens à travers trois thèmes principaux : la consolidation des structures administratives, qui a été mise en valeur à l'occasion du cinquantenaire de la départementalisation, la poursuite du rattrapage en matière de sécurité et de justice et la situation toujours tendue en matière d'immigration.
Tels sont les trois points sur lesquels la commission des lois a estimé devoir insister avec le plus de force. Pour une analyse plus détaillée, je vous renvoie, mes chers collègues, à mon avis écrit.
Il ressort de l'examen auquel a ainsi procédé la commission des lois, et c'est ce qui justifie son avis favorable sur votre projet de budget, monsieur le ministre, une relative satisfaction quant au développement des efforts globalement consentis, efforts qui se sont d'ores et déjà traduits par un ralentissement de la croissance du taux de criminalité, après l'envol des quatre années précédentes, encore que la prudence doive toujours être de mise dans l'interprétation des statistiques, compte tenu de leurs modalités d'élaboration, souvent assez sommaires, et du caractère mouvant du phénomène de criminalité.
Autre motif de satisfaction : l'apport financier de l'Europe, notamment au titre de l'objectif n° 1. Les fonds structurels accordés pour la période 1994-1999 atteignent 11 milliards de francs, soit une contribution financière à peu près équivalente aux crédits nationaux. Si cet apport se maintient à cette hauteur, il contribuera de façon importante au développement de nos départements d'outre-mer.
Enfin, une satisfaction a été exprimée par la commission des lois en ce qui concerne la reconduction de la défiscalisation - le dispositif de la « loi Pons », comme on a coutume de dire - et la taxe sur les transports, qui continuent d'accroître les ressources des communes, des départements et des régions d'outre-mer dans des conditions importantes puisqu'on constate aujourd'hui que les finances des collectivités locales, qui étaient dans une situation véritablement préoccupante, vont nettement en s'améliorant grâce à ces ressources exceptionnelles qui leur ont été consenties.
Compte tenu des événements récents en Guyane, une inquiétude a été manifestée par la commission des lois quant au niveau des moyens affectés à ce département, où la présence juridictionnelle est peu développée et où les effectifs de police sont stables, en dépit d'un taux de criminalité qui reste le plus élevé de France.
Si votre ministère, celui de la justice et celui de la défense y prévoient quelques redéploiements d'effectifs, parfois prélevés dans d'autres DOM, d'ailleurs, en revanche, les effectifs du ministère de l'intérieur y restent stables. Or, en Guyane comme dans les autres DOM, c'est dans les zones de police, à Cayenne en l'occurrence, que la délinquance croît le plus rapidement, alors qu'elle recule en zone de gendarmerie.
La commission a également exprimé une préoccupation, qui rejoint celle de la commission des finances, sur le solde des arriérés du FIDOM, dont la suppression de la section décentralisée augure mal de la suite de l'action qui avait été entreprise dans ce cadre.
Je vous poserai, monsieur le ministre, trois questions au nom de la commission des lois.
M. le président. Je vous prierai de conclure, monsieur le rapporteur.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis. Premièrement, le futur dispositif d'aménagement du territoire, auquel plusieurs collègues ont fait allusion, permettra-t-il de mieux utiliser les crédits prévus pour l'outre-mer, qui, nous avez-vous dit en commission, ne sont pas toujours mis en oeuvre effectivement.
Deuxièmement, dans l'attente des indispensables réponses sociales et économiques, les services de l'Etat en Guyane peuvent-ils parer à la situation en matière d'immigration, de sécurité et de traitement judiciaire ?
Troisièmement, les discussions ouvertes lors de la conférence intergouvernementale sur « l'ultrapériphicité » vous paraissent-elles bien orientées ? Les conditions d'exemption du Gouvernement français, d'une part, et des gouvernements espagnol et portugais, d'autre part, à cet égard, ont-elles pu converger ? Les perspectives de les voir aboutir vous paraissent-elles encourageantes ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, le rendez-vous budgétaire est l'occasion pour la commission des lois de faire le point sur la situation de chaque territoire d'outre-mer.
L'année 1996 s'est caractérisée par une activité législative dense concernant les territoires d'outre-mer.
Deux lois ont tout d'abord consacré un nouveau statut d'autonomie de la Polynésie française, opérant un élargissement des compétences territoriales et un transfert, au bénéfice du territoire, d'un domaine public maritime. Cette nouvelle donne institutionnelle dote le territoire de nouveaux moyens pour poursuivre son développement économique, social et culturel.
En outre, l'arrêt définitif des essais nucléaires a abouti à la signature, le 25 juillet dernier, d'une convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française, qui prévoit le versement annuel au territoire, pendant les dix prochaines années, d'une somme de 990 millions de francs. Il faudra veiller à ce que cette enveloppe soit utilisée à la réalisation d'un développement harmonieux de la Polynésie française et que les communes des archipels éloignés ne soient pas oubliées.
La loi du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer a permis d'étendre aux territoires d'outre-mer des dispositions issues de plus de trente-cinq lois, de cinq ordonnances et de dix codes. Deux ordonnances, dont la procédure de ratification est aujourd'hui en cours, ont actualisé la législation pénale applicable dans ces territoires.
Ces textes ont ainsi permis de moderniser, dans des secteurs très divers, le droit en vigueur outre-mer, par une harmonisation avec la législation métropolitaine, dans le respect des intérêts propres des territoires d'outre-mer.
Je me permets d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de veiller, quels que soient les progrès accomplis, à ce que les décrets d'application soient publiés dans des délais raisonnables et que, pour chaque projet de loi soumis au Parlement, les adaptations requises pour son extension aux territoires d'outre-mer soient prévues d'embée, afin d'éviter une législation à deux vitesses au détriment des ressortissants de l'outre-mer.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, l'échéance fixée par la loi référendaire du 9 novembre 1988 pour l'intervention du scrutin d'autodétermination est désormais très proche. Des négociations sur l'avenir du territoire sont en cours.
Le dernier point de blocage, relatif à la demande de cession du massif minier de Tiébaghi pour la construction d'une usine de traitement du nickel dans la province nord, semble en voie d'être levé.
Malgré ces péripéties, les partenaires des accords de Matignon ont constamment affirmé leur attachement à la recherche d'une solution consensuelle permettant d'éviter un référendum couperet. Vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, que le Sénat les soutiendra dans cette voie.
La paix civile en Nouvelle-Calédonie doit impérativement être préservée, et la nécessité d'éviter toute interférence entre le scrutin d'autodétermination et les élections législatives de 1998 appelle un dénouement dans les meilleurs délais. Nous vous serions reconnaissant, monsieur le ministre, de nous donner quelques indications sur le calendrier envisagé.
Au nombre des réformes susceptibles d'être proposées en 1997 figure celle qui tend à moderniser l'institution communale en Polynésie française.
Vous le savez, à la suite d'une mission qu'elle avait effectuée au mois de janvier 1996, la commission des lois avait souligné, dans son rapport d'information, l'état de paralysie des communes polynésiennes, corroborant les conclusions du rapport de l'inspection générale de l'administration de décembre 1995. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer à quelle date le Gouvernement sera en mesure de saisir le Parlement de ce projet, primordial pour le développement du territoire, dont les communes constituent le cadre naturel dans un environnement géographique caractérisé par l'éparpillement des îles et l'isolement des archipels ?
Je vous serais également obligé de nous informer de l'état d'avancement de la procédure d'installation de la commission paritaire de concertation prévue par le nouveau statut de la Polynésie française.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois à émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : trente-cinq minutes ;
Groupe socialiste : trente minutes ;
Groupe de l'Union centriste : trente minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : quinze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : quatorze minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : sept minutes.
J'invite les orateurs à respecter le temps de parole qui leur a été imparti au sein de leur groupe afin que nous puissions achever ce matin, à une heure raisonnable, l'examen de ce projet de budget. Je les informe que, pour les y aider, je ferai clignoter la petite lumière rouge qui se trouve sur la tribune une minute avant la fin du temps qui leur a été imparti.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, monsieur le ministre, je me réjouis que, sous votre impulsion et dans la ligne des recommandations de M. le Président de la République, la situation de l'outre-mer évolue dans un sens favorable, en dépit des difficultés et, surtout, d'une conjoncture difficile, à l'amélioration de laquelle chacun doit s'efforcer d'oeuvrer.
Comme en 1996, vous présentez un projet de budget en augmentation, que certains qualifieront de « limitée », puisque les plus gros efforts avaient déjà été engagés en 1996, notamment avec le transfert de la ligne budgétaire unique, la LBU, à votre ministère et la création du FEDOM.
Comme tout parlementaire proche des réalités du terrain - que vous avez pu constater lors de vos différentes missions en Guadeloupe - j'aurais souhaité que toutes les lignes budgétaires concernant nos régions d'outre-mer soient en augmentation. Mais, prenant en compte les difficultés financières actuelles, notre volonté demeure de bien mobiliser ces crédits en les associant aux dotations des ministères techniques.
Si je parle de meilleure coordination, c'est surtout pour rappeler que, au début de 1996, vous avez mobilisé toutes les énergies pour organiser les assises nationales du développement de l'outre-mer et vous avez su faire comprendre à vos collègues et à leurs services que, lorsqu'il était question de l'outre-mer, il ne fallait pas seulement considérer votre département ministériel.
Pour revenir au budget de 1997 et avant de vous dire à quel point je compte sur la mise en oeuvre concrète des mesures qui y sont inscrites, je souhaite évoquer un certain nombre de questions que se posent mes compatriotes.
La première concerne la disparition de la section décentralisée du FIDOM, sur laquelle je serai très brève, puisque les rapporteurs l'ont évoquée. Je tiens quand même à mentionner cette disparition car la dimension maritime de l'Europe à travers les départements d'outre-mer n'a nullement été prise en compte lors du programme MARIS évoqué en Irlande.
A cet égard, il faut être particulièrement attentif à ce que les efforts déployés pour obtenir sur la durée du XIe Plan le doublement des fonds structurels dans les départements d'outre-mer ne soient pas vains.
Ma deuxième question a trait à la réforme foncière, qui soulève des problèmes importants. Cette réforme a été engagée sur des fondements certes louables, mais elle a abouti à un éparpillement de petites propriétés agricoles dont les rendements et les conditions de mise en valeur sont pénalisants pour ceux qui ont bénéficié de ces attributions. Il vous appartient, monsieur le ministre, de prendre des initiatives pour que votre collègue de l'agriculture et ses services décentralisés engagent des procédures tendant, d'une part, à améliorer le rendement des surfaces cultivées et exploitées et, d'autre part, à donner les moyens correspondants aux agriculteurs.
A ce sujet, permettez-moi pas de vous faire part de notre incompréhension. En effet, il faut savoir qu'en Martinique a été créé un pool bancaire permettant d'accorder aux petits planteurs une avance financière de 3,20 francs par kilogramme. Ce dispositif est bloqué en Guadeloupe et, de ce fait, la Martinique produit, par semaine, 7 000 tonnes de bananes contre 1 200 à 1 500 tonnes pour la Guadeloupe.
Ma troisième question a trait au fonds de péréquation. Je dois vous signaler un certain nombre de blocages concernant ce fonds en matière de transports. On a invoqué, à ce titre, l'existence en Guadeloupe de transports maritimes. Le conseil régional de la Guadeloupe, que je préside, dans son projet de budget, qui sera examiné la semaine prochaine, a inscrit des sommes importantes au titre du fonds de péréquation. Nous ne pouvons pas accepter la suppression de la desserte aérienne de Marie-Galante, de La Désirade et des Saintes sous le prétexte qu'il existe des transports maritimes et que ces lignes aériennes, qui assurent un véritable transport de passagers, sont actuellement déficitaires.
Faut-il rappeler sans cesse, au risque de paraître radoter, que la Guadeloupe est un archipel et que, paradoxalement, la préfecture maritime est en Martinique ? Or, souvent, nous n'avons même pas d'hélicoptère pour nous rendre dans les îles. Vous avez pu apprécier les conséquences de cette situation lors du cyclone Luis. Vous avez vu quelle énergie il fallait déployer pour obtenir des avions afin d'aider les populations en détresse.
Je me réjouis, en revanche, de la récente décision prise par le Gouvernement tendant à créer, dès cette année, un rectorat de plein exercice sans pour autant faire éclater l'université Antilles-Guyane.
J'avais déjà souligné, l'année dernière, les inconvénients d'une centralisation des services de l'Etat sur un seul site régional ; ils sont en train de s'estomper.
Les délais de mandatement des personnels et des fournisseurs du conseil général en Guadeloupe, qui étaient de trois à quatre mois, viennent d'être ramenés à six ou dix jours. Vous comprenez bien, monsieur le ministre, que les chefs d'entreprise se réjouissent de cette réduction des délais. Je vous remercie de votre intervention sur ce dossier, qui nous préoccupait au plus haut point.
En outre, je tiens à souligner les efforts de notre collectivité en matière de fonctionnement des lycées. L'année dernière, la région Guadeloupe a voté plus de 106 millions de francs pour ses lycées. Nous sommes cependant confrontés, monsieur le ministre, à un gros problème, celui du lycée de Baimbridge que fréquentent plus de 6 000 élèves avec les conséquences qui en découlent. Il est urgent de faire éclater ce lycée en trois établissements.
Pour en revenir à votre budget, je soulignerai deux points.
Le premier concerne la politique de l'amélioration du logement social, la lutte contre l'exclusion et la politique en matière d'emploi.
S'agissant de la politique de l'habitat, vous avez maintenu au niveau de 1996 les autorisations de programme puisque les actions à entreprendre dans ce domaine sont évidentes. Il ne fait aucun doute que la volonté de consommer les crédits engagés est constante de la part de tous les élus qui multiplient les opérations de résorption de l'habitat insalubre, ainsi que celles de construction de logements sociaux neufs.
Je tiens à souligner ici que ces difficultés ne sont ni d'ordre technique ni même d'ordre financier. Elles ont pour origine les multiples arcanes administratives qui ralentissent les décisions de prise en compte des financements sollicitées par les opérateurs. En fait, en Guadeloupe il existe un seul opérateur - vous le connaissez - les autres traînent à monter des dossiers. Il a fallu plus de huit mois pour parvenir à améliorer le cadre de vie des agriculteurs, conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre.
Il ne faut donc pas décourager ceux à qui il est promis une aide en leur demandant d'effectuer un véritable parcours du combattant pour satisfaire aux questionnaires et aux formulaires adressés, souvent, sans explications suffisantes.
Je veux évoquer également devant vous la politique de l'emploi. Les crédits que vous avez inscrits pour 1997 à ce titre s'élèvent à près de 1 487 millions de francs, soit une progression de plus de 40 % par rapport à 1996. Je ne puis que manifester ma satisfaction, car il s'agit incontestablement de l'un des dossiers les plus sensibles dans l'ensemble de l'outre-mer.
Cette volonté correspond aux analyses que vous avez faites de la situation de l'emploi dans nos régions et aux différents rapports qui vous ont été adressés. Je m'en félicite.
Il me paraît toutefois nécessaire de vous mettre en garde, monsieur le ministre, contre la tendance à répartir ces crédits entre des structures administratives qui se livrent, entre elles, une petite « guerre des chefs ». Le demandeur d'emploi est déjà traumatisé d'être exclu de la société, mais lorsqu'il est balloté d'un organisme à un autre et qu'il succombe sous le poids des formulaires à remplir, votre annonce de 1 487 millions de francs consacrés à l'emploi est, pour lui, sans effet. Nous devons répondre de manière concrète à son attente.
Des expériences concluantes ont été menées par la collectivité que je préside. Nous devons utiliser plus largement les outils de développement de l'emploi tels que les plans locaux d'insertion par l'économique, encore peu mobilisés, les pactes territoriaux pour l'emploi, mais aussi et surtout les appels à projet lancés régulièrement par les services de la Communauté européenne.
La Guadeloupe vient de lancer le programme DELGRES. Que signifie ce mot ? Nous étions fatigués d'entendre prononcer des mots barbares et nous avons préféré retenir le nom de Delgrès qui est celui d'un glorieux personnage de l'histoire de la Guadeloupe. Le sigle ainsi créé signifie : développer, expérimenter, libérer, gérer, revitaliser l'économie sociale.
Ce projet pilote nous conduit à envisager la création de deux cents emplois directs et de deux cents emplois indirects, et ce par quatre nouveaux gisements d'emploi, qui sont les services liés à la personne, les nouvelles formes de tourisme, le traitement et le recyclage des déchets, et la prévention des catastrophes naturelles.
L'objectif premier du programme DELGRES lancé par la région Guadeloupe est de développer, à travers une démarche expérimentale et innovante, les outils d'exploitation de ces différents gisements. Cette nouvelle expérimentation que nous engageons, en synergie totale avec l'État, les chefs d'entreprise - aux plans industriel, artisanal et régional - et les socio-professionnels est une réponse positive, pragmatique et concrète au problème de l'emploi.
Avec la création, dans son budget pour 1997, d'un fonds pour l'emploi, la région s'apprête à apporter une première réponse au côté de l'Etat, dont c'est la compétence, à ce monde en mutation et veut engager un effort exemplaire afin de conduire à une multiplication d'emplois stables, notamment pour nos jeunes.
Cependant, le conseil régional devra intégrer son action dans l'important dispositif actuel de lutte contre le chômage.
Les indicateurs économiques de notre région mettent en exergue le retard structurel qu'il nous reste à combler par rapport à l'ensemble national et européen. En effet, les dernières statistiques concernant les aides européennes par habitant font apparaître l'urgence qu'il y a pour la Guadeloupe de rattraper son retard par rapport à celui des autres régions de l'objectif numéro un.
La Guadeloupe, en raison de son caractère « archipélagique » cumule un nombre important de handicaps.
Ramener le taux de chômage de notre région au niveau de la moyenne communautaire équivaut à créer au moins dix mille emplois. Nous en sommes loin !
Ainsi, dans notre région, le chômage représente plus de 26,8 % des jeunes générations : aujourd'hui, un jeune de moins de 25 ans sur deux est dépourvu d'emploi, contre quatre en métropole. Mais le pourcentage est plus apparent en ce qui concerne les jeunes étudiants : ils représentent 4,7 %, contre 9,3 % en métropole. Nous avons donc lancé l'opération « taux zéro » pour aider les étudiants en difficulté.
Nous devons mettre en place tous les moyens pour accomplir une véritable mutation économique sans exclure les populations les plus fragiles. Il y va du maintien de la cohésion économique et sociale à l'échelle de notre archipel, qui est seul garant de l'avenir et de la pérennité de notre développement.
Je ne peux donc que soutenir votre action au travers du FEDOM. Il faut être pragmatique et apporter des réponses positives.
Le clignotant rouge s'allume ; je suis donc contrainte de réduire mon intervention.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le rôle que la région devra jouer compte tenu des difficultés que rencontre actuellement la collectivité départementale.
Nous avons la fierté de faire la preuve que l'outre-mer a la volonté de formuler des propositions constructives pour combler ses handicaps.
En Guadeloupe, nous avons su relever un certain nombre de défis. Notre collectivité régionale tient une place très honorable dans le rapport élaboré par le ministère de l'intérieur sur les budgets régionaux.
Par ailleurs, notre région est la première qui a su mettre en valeur les potentialités en matière d'énergie renouvelable : solaire, éolienne, hydraulique et surtout géothermique. Il fallait, en effet, un certain courage pour reprendre le dossier de la centrale de Bouillante abandonné depuis des années.
A Atlanta, sept médailles d'or ont couronné les efforts des athlètes guadeloupéens. Les turbulences qui se produisent de-ci, de-là ne doivent pas accaparer toute l'attention et occulter les actions positives de ceux qui travaillent pour le maintien de la cohésion sociale.
Je voterai donc votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année au moins, les choses sont claires ; il n'y aura pas à interpréter les chiffres : le budget de l'outre-mer connaît une évidente stagnation, c'est-à-dire, en réalité, une baisse en francs constants de près de 2 %.
Rassurez-vous, je ne m'attarderai pas sur cet aspect des choses, même si me reviennent en mémoire les critiques de certains lorsque, en 1989, le budget augmentait de 12 % ou, en 1993, de 6,3 %.
Que disent-ils aujourd'hui alors que, face à une situation qui s'est considérablement aggravée, on constate, pour le moins, une stagnation du budget de l'outre-mer, qui s'accompagne par ailleurs d'une baisse de la totalité de la masse budgétaire en provenance des différents départements ministériels ? Ils assurent que ce n'est pas bien grave ; ils sont satisfaits.
Mais, je le répète, je n'entends pas vous faire grief sur ce point, monsieur le ministre, d'autant que je devine que vous n'avez pas ménagé votre peine pour tenter d'obtenir un plus grand volume de crédits.
Ce qui me paraît beaucoup plus important à analyser et qui pose un sérieux problème, c'est le contenu du budget qui nous est présenté.
On y voit, tout comme dans le budget de 1996, opérer des réductions de crédits précisément dans les domaines où ils sont le plus nécessaires.
C'est notamment le cas pour tout ce qui touche à l'investissement : les crédits correspondants accusent une baisse de près de 400 millions de francs en crédits de paiement ! C'est considérable et on ne peut plus inquiétant.
En effet, en retenant un taux moyen d'intervention de 40 %, et compte tenu de l'effet d'entraînement sur les autres sources de subventions, on peut considérer que cela se traduira par une baisse de l'investissement en outre-mer de 1 milliard de francs.
On imagine les milliers d'emplois directs et induits mis en cause en 1997 !
Parmi les crédits ainsi touchés, certains retiennent tout particulièrement l'attention : il s'agit, bien entendu, de ceux qui concernent le FIDOM et la ligne budgétaire unique.
Le FIDOM avait déjà marqué un net recul dans le budget de 1996, qui portait essentiellement sur le FIDOM-décentralisé.
Intervenant ici même, je vous faisais valoir, monsieur le ministre, que cela revenait, après avoir mis en difficulté nos collectivités locales par des retards sans cesse croissants de délégations de crédits de paiement, à hypothéquer désormais les investissements de demain et, par conséquent, l'avenir.
Peine perdue ! De la pause que vous évoquiez alors, on est passé à l'arrêt définitif.
La section décentralisée du FIDOM avait été instaurée en 1989 sous le gouvernement Rocard ; elle est supprimée par le gouvernement Juppé : n'y a-t-il pas là tout un symbole ?
Bien entendu, sur cette malheureuse affaire, je connais l'explication officielle. Comme d'habitude, elle tend à culpabiliser les élus locaux d'outre-mer et je m'étonne, monsieur le ministre, que vous acceptiez de la cautionner.
Tout proviendrait, paraît-il, du fait que nous ne sommes pas capables de consommer les crédits que l'on nous délègue.
Comme c'est commode et injuste !
Comment voulez-vous réaliser des opérations, aux montages financiers toujours complexes, au profit de communes aux ressources propres généralement très insuffisantes, lorsque les dotations du FIDOM vous sont le plus souvent notifiées de façon très tardive ?
Je citerai deux exemples : le président du conseil général de la Martinique reçoit, le 13 septembre 1994, la notification d'une autorisation de programme de 9,2 millions de francs au titre de l'exercice 1994 ; le 8 février 1995, il reçoit la notification d'une dotation complémentaire de 3 millions de francs pour 1994 et on lui annonce, en même temps, que l'on vient de procéder au versement d'un crédit de paiement de 1 million de francs, toujours au titre de 1994 !
Franchement qui, dans ces conditions, devrait se frapper la poitrine ?
Je pourrais multiplier les illustrations concernant tant le FIDOM départemental que le FIDOM régional. Et pourtant, depuis 1989, le taux moyen de consommation du FIDOM départemental en Martinique s'élève à 69 %.
Il demeure néanmoins que, pour le FIDOM départemental, plus de 40 millions de francs d'arriérés restent à recouvrer.
En ce qui concerne maintenant la ligne budgétaire unique, nous assistons, là aussi, à un effondrement des crédits de paiement en 1997 : le logement social disposera de 25 % de crédits de moins qu'en 1996. Et, là encore, on nous sert le même argument - la sous-consommation des crédits - qui ne résiste pas non plus à un examen sérieux.
Il faut, en effet, savoir de quoi l'on parle.
En matière d'engagement, se traduisant par des arrêtés préfectoraux, je peux affirmer que la Martinique a toujours consommé la totalité des crédits mis à sa disposition.
En matière de paiement, il en va bien sûr tout autrement. Seuls ceux qui ne sont pas confrontés aux problèmes que posent le montage et la réalisation effective d'une opération de construction de logements sociaux peuvent s'en étonner.
Alors, pour eux, mais pas pour l'élu local expérimenté que vous êtes, monsieur le ministre, je voudrais donner un exemple type de calendrier de déroulement d'une opération de construction de logement locatif social ; un LLS : premièrement, parution des arrêtés définissant les prix plafonds : février-mars ; deuxièmement, définition du programme définitif : mars-avril ; troisièmement, lancement des consultations : mai-juin ; quatrièmement, nouvelles consultations pour cause de marchés infructueux - c'est de plus en plus fréquent chez nous comme ici : juillet-août ; cinquièmement, engagement des entreprises : septembre-octobre ; sixièmement, dépôt de demande d'autorisation de prêt à la Direction départementale de l'équipement : octobre-novembre ; septièmement, arrêtés préfectoraux : novembre-décembre ; huitièmement, démarrage des travaux : janvier-février-mars ; enfin, neuvièmement, émission du prêt de la Caisse des dépôts et consignations : février.
On constate donc, au mieux, un décalage d'une année civile entre l'engagement de l'Etat et le paiement de la subvention à la Caisse des dépôts et consignations pour la bonification du prêt qu'elle versera au bailleur social.
Voilà pour les LLS. Je ne prends pas la peine de vous rappeler les procédures pour les LES.
Le vrai problème réside donc, là comme dans beaucoup d'autres domaines, dans la lourdeur, la rigidité et l'inadaptation des procédures.
Les élus locaux n'en sont évidemment pas responsables ; ils ne cessent de vous proposer des solutions.
Il serait préférable de les écouter plutôt que de céder à la facilité de les mettre en cause.
L'autre chapitre sur lequel on a, cette année encore, opéré des réductions malheureuses de crédits est celui qui concerne l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT.
Je ne peux que remercier M. le rapporteur spécial de la commission des finances d'avoir compris et souligné que cela n'était pas sans conséquences pour la communauté d'outre-mer résidant en métropole.
Face à toutes ces réductions de crédits que je viens de dénoncer, on nous fait miroiter, il est vrai, une augmentation du fonds pour l'emploi dans les DOM de 43,5 %. M. le rapporteur spécial, auquel il n'a pas échappé qu'il fallait tenir compte d'un crédit d'avances de 307 millions de francs, apporte opportunément une rectification en citant le chiffre de 10,7 %.
Mais là n'est pas l'essentiel ! En effet, en quoi une centaine de millions de francs de plus au bénéfice du FEDOM pourrait-elle ne serait-ce que compenser les emplois compromis par les quelque 400 millions de francs perdus sur les lignes d'investissement du projet de budget ?
D'autant que, d'un côté, il s'agit surtout de financer des emplois précaires et des contrats d'insertion, alors que, de l'autre, il s'agit de maintenir ou de créer des emplois réels en entretenant l'activité économique normale.
Je comprends donc difficilement l'importance, démesurée à mon sens, qui est accordée par certains à ce FEDOM, qui ne représente après tout qu'un instrument de traitement social du chômage.
Cet instrument atteindrait d'ailleurs bien mieux les objectifs qu'on lui a fixés s'il ne s'appuyait localement sur ces fameuses agences d'insertion, dont on admettra probablement que beaucoup trop tard, après avoir usé de tous les artifices possibles pour ne pas accepter une réalité dérangeante, qu'elles sont, dans leur conception même, très mal adaptées à leurs missions.
Quoi qu'il en soit, le chômage a depuis longtemps atteint de tels niveaux dans les DOM que, à l'évidence, bien plus encore qu'en métropole, la question de son traitement social est complètement dépassée.
En Martinique, ce chômage touche actuellement près de 30 % de la population active, avec un nombre de demandes d'emploi non satisfaites qui a augmenté de près de 2,5 % depuis le début de l'année ; 18 % de ces demandes d'emploi concernent des jeunes de moins de vingt-cinq ans !
La proportion de chômeurs de longue durée avoisine les 55 %. Triste record de France !
Par ailleurs, le nombre des RMIstes a repris sa progression, dépassant maintenant les 22 000, soit une augmentation de 25 % en un an.
A l'évidence, tous les dispositifs sur lesquels on a tablé jusqu'ici ont montré leurs limites, qu'il s'agisse des fonds structurels européens, du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDOM, des primes à l'emploi et de la défiscalisation, même si cette dernière a incontestablement permis de créer un nombre significatif d'emplois.
Face à une demande qui croît, l'offre d'embauche, même quand elle progresse, ne parvient pas à suivre, ni quantitativement ni qualitativement, 50 % des offres concernant des emplois précaires.
Alors, on voudrait se dire que l'on a atteint le sommet d'une courbe qui, désormais, ne pourrait plus que décroître ! Malheureusement, rien de ce qu'il est possible de constater à l'heure actuelle ne permet de le croire.
En effet, le nombre d'entreprises en difficulté augmente sans cesse et pratiquement tous les secteurs sont concernés : commerce, services, artisanat, bâtiment et travaux publics, industrie, pêche, agriculture...
Ce dernier secteur voit ces temps-ci se développer, vous le savez, une crise touchant l'une de ses productions les plus importantes pour nos exportations ; je veux parler de la banane, bien sûr, dont les cours se sont littéralement effondrés du fait du surapprovisionnement global du marché européen et de l'existence d'un système de fraude généralisée.
Les conséquences en sont si graves que je ne pouvais pas ne pas manifester ici ma vive inquiétude, en demandant au Gouvernement de se montrer particulièrement ferme et déterminé quant aux mesures à prendre.
La situation, de préoccupante qu'elle était déjà, devient véritablement inquiétante en Martinique, comme d'ailleurs dans les trois autres DOM. Il devient urgent d'apporter les réponses appropriées.
Pour cela, il faut que les responsables concernés de la haute administration et du Gouvernement aient à coeur d'aborder les problèmes qui se posent dans ces départements, à bien des égards tout à fait singuliers, avec la conviction que l'on ne peut comprendre leurs réalités à travers des prismes conceptuels standards, inévitablement et terriblement déformants.
Il faut qu'ils se décident à écouter et, autant que possible, à entendre ce que les acteurs politiques, économiques et sociaux ont à dire sur des questions qu'ils connaissent mieux que quiconque pour les vivre au quotidien.
Il faut aussi qu'ils se décident à écouter la voix de notre jeunesse, qui ne demande que les moyens de maîtriser son avenir.
Il faut qu'ils acceptent de concevoir avec eux, dans un partenariat réel, de véritables plans cohérents de développement.
Il faut, enfin, qu'ils acquièrent la conviction que rien ne pourra fondamentalement changer si l'on ne met pas fin à notre absurde système de deux assemblées coexistant sur un même territoire, système générateur de surcoûts et d'inefficacité dans la conduite des politiques locales, et si on ne répond pas positivement aux revendications allant dans le sens d'un accroissement de la responsabilité locale.
Toutes ces questions ont été abordées sans complexes voilà quelques jours par le Conseil économique et social régional de la Martinique.
Mais je m'aperçois que je suis en train de proposer une démarche qui va à l'encontre de toute une culture jacobine qui, il faut bien le dire, demeure en France la culture dominante dans le monde administratif et politique, celle-là même qui sous-tend les choix opérés dans le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui et sur lesquels je ne peux faire autrement que marquer très clairement mon désaccord, une culture dont les tenants ne parviennent jamais à se dégager qu'à l'occasion de crises aiguës qui les surprennent toujours et qu'ils traitent alors à chaud par des réformes hâtives, qui suscitent toujours beaucoup plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les orateurs qui dépassent le temps de parole qui leur a été accordé par leur groupe - je dis bien « par leur groupe » - amputent celui des intervenants de leur propre groupe qui sont inscrits après eux.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accorde à le reconnaître, notamment MM. les rapporteurs, le projet de budget des départements et territoires d'outre-mer pour 1997 ne fait que reconduire les crédits votés l'an dernier.
Cette stagnation de l'action de l'Etat dans les départements et territoires d'outre-mer s'inscrit pleinement dans la stratégie de réduction des dépenses publiques qui domine l'ensemble du présent projet de loi de finances, s'agissant de l'objectif de la réalisation de la monnaie unique.
Ainsi les populations de ces collectivités territoriales particulièment défavorisées se retrouvent-elles prises dans le piège de l'Europe de Maastricht et de la loi de l'argent qui la régit.
Le projet de budget que nous examinons est donc en stagnation. En revanche, la situation économique et sociale des départements d'outre-mer se dégrade.
Quelques chiffres, qu'il est nécessaire de rappeler, l'attestent.
En Martinique, la part de la population au chômage est passée de 26,7 % en janvier 1995 à 27,9 % en janvier 1996. Les allocataires du RMI ont crû de 13 % en un an et les bénéficiaires de prestations de la caisse d'allocations familiales de 9 %. Ce sont là autant de signes d'une dégradation rapide et inquiétante de la situation sociale dans cette île. Peut-on accepter, face à ce constat, le discours d'austérité budgétaire affichée froidement par le Gouvernement ?
En Guadeloupe, le chômage atteint 25 % de la population active et des phénomènes sociaux tels que le trafic de drogue et sa consommation se développent dans des proportions inquiétantes, au sein de la jeunesse.
Comment accepter l'idée d'une stagnation de l'intervention budgétaire dans un département comme celui de la Réunion où 37 % de la population est au chômage et où 20 % de celle-ci est concerné directement ou indirectement par le RMI ?
En Guyane, où un habitant sur deux est âgé de moins de vingt-cinq ans, le chômage a nettement augmenté puisque 20 % de la population était sans emploi au 1er janvier 1996, contre 18,2 % à la fin de 1994.
J'ai été frappé, mes chers collègues, de ne trouver, dans le rapport écrit de M. de Luart, aucune référence aux récents événements qui se sont déroulés à Cayenne.
Cela n'est peut-être pas étonnant car, de toute évidence, il est difficile de concilier la réalité guyanaise et l'explosion de violence qui l'a rappelée à la métropole parfois si lointaine avec les données chiffrées du projet de budget.
Comment ne pas revenir, à l'occasion de la discussion d'aujourd'hui, sur la mobilisation des élèves du lycée Félix-Eboué qui demandaient et qui demandent toujours des professeurs supplémentaires et du matériel informatique ? Il est urgent de les écouter pour prendre la mesure du désarroi de la jeunesse des départements d'outre-mer.
Le rapport de l'Institut national d'émission des départements d'outre-mer évoquant le taux de réussite marquant les sorties d'enseignement en Guyane confirme la dégradation de la situation. Ce taux est passé de 61 % en 1992 à 56,3 % en 1994.
Nous le savons tous, c'est à partir de la question scolaire qu'un vaste mouvement a émergé, entraînant des rassemblements de plusieurs milliers de personnes. Il n'est, bien entendu, pas question pour nous d'accepter les violences et les pillages qui se sont déroulés en marge de ces manifestations. Nous ne pouvons que constater, à travers cette crise, la profondeur de malaise symbolisé par les slogans des jeunes manifestants.
Je souhaiterais d'ailleurs indiquer, comme l'a fait M. Désiré lors de son audition par la commission des finances, que le budget de l'outre-mer ne représente qu'une partie mineure de l'intervention de l'Etat qui se fait par le biais de crédits émanants d'autres ministères, comme l'éducation nationale, la santé, l'agriculture, les affaires sociales, la culture, la fonction publique, la ville ou l'emploi.
Quelle est l'évolution de l'effort de ces derniers en direction des départements et territoires d'outre-mer ? Dans le cadre de l'austérité globale, je crains qu'elle ne soit négative, voire fortement négative.
Je ne peux qu'approuver les propos de M. Ernest Moutoussamy, député de la Guadeloupe, qui s'interrogeait en ces termes : « Que peut le 0,08 % d'augmentation de votre budget face à l'industrie sucrière qui agonise, au rhum qui tangue, au BTP qui a perdu 1 200 emplois cette année, à la pêche qui se saborde, au chômage qui monte et à l'espoir des jeunes qui s'effiloche ? ».
Les sénateurs de mon groupe estiment qu'il faut, aujourd'hui, changer de logique dans la nature et dans l'objet des transferts financiers de l'Etat aux départements d'outre-mer. Maintenir de manière artificielle la consommation des ménages ne suffit pas. Afin d'atteindre l'égalité économique entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, il faut diriger l'investissement vers les productions locales pour permettre un réel développement économique.
Les orientations budgétaires qui nous sont proposées aujourd'hui tournent le dos à cette autre politique pour les départements et territoires d'outre-mer.
Nous ne pouvons accepter que l'une des innovations majeures de ces dernières années ait été la loi de défiscalisation qui, au nom de l'installation d'entreprises, crée des avantages inacceptables au profit des grosses fortunes en quête de paradis fiscaux.
Les départements et territoires d'outre-mer n'ont pas besoin de ce type de mesure. En revanche, ils ont besoin, je le répète, de véritables réformes de structures.
Force est de constater également que la loi dite Perben, votée en 1994, qui se fondait sur les exonérations massives de charges sociales, ne produit pas les effets attendus en matière d'emploi.
Nous assistons, au contraire, non seulement à une augmentation du chômage, mais aussi - cela a été rappelé tout à l'heure - à un développement de la précarité.
En revanche, les habitants des départements d'outre-mer attendent toujours des mesures de dévelopement de la filière canne-rhum-sucre. Quelle disposition le Gouvernement entend-il prendre pour lutter efficacement contre la concurrence de la banane en provenance d'Amérique latine, concurrence qui est fondée, on le sait, sur un véritable dumping social ?
La situation de la Réunion nécessite aussi des réponses à la hauteur des difficultés. Le soutien au secteur du bâtiment peut-il être une source de création d'emplois massive ? Nous le pensons. De même, à la Réunion, nous a-t-on alerté sur un déficit en fonctionnaires, notamment en enseignants.
J'aurais pu développer également les graves déséquilibres qui existent en Nouvelle-Calédonie. Il est nécessaire, aujourd'hui, de changer de braquet. Je souhaiterais d'ailleurs, comme l'avait fait mon amie Mme Danielle Bidard-Reydet ici même l'an dernier, vous proposer, monsieur le ministre, un moyen pour soustraire la population des départements et territoires d'outre-mer à la rigueur du traité de Maastricht.
Pourquoi ne pas exiger l'application de la « déclaration relative aux régions ultrapériphériques de la Communauté », publiée en annexe du traité et qui prévoit « qu'il reste possible d'adopter des mesures spécifiques en faveur de ces régions » ?
Pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de la Conférence intergouvernementale pour introduire la notion de spécificité des départements et territoires d'outre-mer au regard de l'Union européenne non plus en annexe, mais dans le corps même du traité ? Il est encore temps, même si nous approchons du terme de cette conférence. J'espère, cette année, obtenir une véritable réponse de votre part, monsieur le ministre.
Avant de conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur les grandes difficultés que connaissent les personnes originaires des départements et territoires d'outre-mer qui résident et travaillent en métropole. Elles font le plus souvent partie de la population qui est frappée de plein fouet par la crise et par le chômage.
Cela est d'autant plus insupportable que, bien souvent, nos compatriotes peuvent être victimes de l'intolérance et de la haine raciale, au même titre que les Africains.
Le Gouvernement ne peut-il faire un geste en développant les congés bonifiés - j'insiste sur ce point - qui permettent à ces femmes, à ces hommes et à ces enfants de ne pas oublier leurs racines ?
En l'état, le présent projet de budget suscite trop d'interrogations et d'appréhensions. Aussi, nous ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en célébrant cette année le cinquantenaire de la loi d'assimilation du 19 mars 1946, je crains que nous ne fêtions un bien triste anniversaire. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises - et je sais que vous partagez mon avis, monsieur le ministre - cette loi, si elle a contribué à l'amélioration, en tout cas en Guyane, de la santé et de la situation sanitaire, est le point de départ de la fracture économique de l'outer-mer.
L'emploi même du terme « assimilation » prouve combien nous sommes loin de toute réalité. Il s'agit, d'après la définition qu'en donne le Petit Robert , d'un acte de l'esprit qui considère une chose comme semblable à une autre.
S'agissant des départements d'outre-mer, on peut réellement parler d'acte de l'esprit ! J'aurais préféré qu'il fût parlé de rapprochement ou d'adaptation plutôt que d'assimilation, car nous sommes un département depuis la Constitution de l'an VIII.
Comment considérer que la situation économique et sociale du département de la Guyane est semblable à celle de la France métropolitaine lorsqu'un grand quotidien parisien nous apprend que le taux d'enseignants guyanais est inférieur de près de 50 % à celui de la métropole ?
Comment parler d'intégration ou d'assimilation lorsque, pour 1 000 habitants, 469 métropolitains bénéficient d'un logement, contre seulement 292 Guyanais ?
Comment comparer des départements dans lesquels le taux moyen de chômage atteint 27 % et la métropole où celui-ci n'est que de 12 %, ce dernier taux étant déjà largement trop élevé ?
Comment parler, enfin, d'assimilation lorsque l'on sait qu'il est commis quatre fois plus de crimes et de délits sur le sol guyanais qu'en France métropolitaine ?
Mes chers collègues, je crois que tant que la Guyane sera située à des milliers de kilomètres de Paris - ce qui ne semble pas près de changer ! - les problèmes qui sont les nôtres aujourd'hui demeureront.
Rien ne sert de vouloir effacer cette distance. Mieux vaut essayer de composer avec, ainsi que vous le faites, monsieur le ministre.
Cinq heures de décalage horaire séparent la Guyane de Paris et je suis affligé de constater que seules des images d'émeutes dignes d'une guerre civile aient été en mesure de réduire ces cinq heures à zéro, faisant ainsi connaître les préoccupations de Guyanais à leurs concitoyens métropolitains.
A la suite des violences et des affrontements auxquels a pris part la jeunesse guyanaise, vous vous êtes déplacé, en compagnie de M. le ministre de l'éducation nationale, afin d'entendre les doléances de la population.
Je sais que tel n'est pas le cas, mais vous devez comprendre, monsieur le ministre, que les habitants de Cayenne ont eu l'impression que seule la tournure dramatique empruntée par l'actualité avait provoqué le déplacement de deux membres du Gouvernement.
Monsieur le ministre, le Gouvernement auquel vous appartenez a reconnu la particularité, au sein de l'outre-mer, du département de la Guyane. Dans cette région, la décentralisation et la départementalisation qu'elle véhicule ont atteint leurs limites. J'avais naguère dénoncé les effets pervers d'un système qui ne me semblait pas approprié au département de la Guyane.
M. Léon Bertrand, député RPR de la Guyane, lors du débat sur ce même budget à l'Assemblée nationale, a démontré que le système départemental a atteint ses limites et ne permet plus de résoudre nos difficultés. Aujourd'hui, les défauts de cette méthode apparaissent en plein jour et je crois que c'est désormais à l'article 72 de la Constitution de 1958 qu'il nous faut faire appel pour poser le principe d'une modification du cadre politico-administratif de la Guyane.
Cela nous permet de réitérer le souhait appuyé du général de Gaulle, qui, en 1962, lors de son passage en Guyane s'était écrié sur la place des Palmistes : « Il est dans la nature des choses qu'un pays comme le vôtre puisse disposer d'une certaine autonomie proportionnée compte tenu de ses spécificités. »
Monsieur le ministre, compte tenu de la gravité de la situation économique et sociale, la reconduite des crédits d'une année sur l'autre ne résoudra pas les problèmes que connaît la région Guyane, d'où l'urgence des mesures à prendre, pour réduire notre sous-développement et notre sous-équipement.
Pour atteindre cet objectif, il aurait fallu un doublement des crédits de votre ministère pour connaître une nouvelle ère de développement.
Mais au-delà des chiffres, la discussion du projet de budget pour 1997 nous donne l'occasion de débattre de la politique du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer.
Monsieur le ministre, la lecture attentive de votre projet de budget ainsi que les questions débattues par nos collègues de l'Assemblée nationale montrent que le Gouvernement est attaché à financer trois objectifs prioritaires : l'emploi, l'insertion et le soutien au logement social.
C'est dans cet ordre que j'entamerai mon propos, après avoir toutefois rappelé que, pour prioritaires que soient ces objectifs, ils ne sont pas les seuls à atteindre. En effet, des efforts considérables doivent être effectués en matière d'éducation - j'y reviendrai en présence de M. Bayrou - ainsi qu'en matière d'aménagement du territoire, de santé publique et dans bien d'autres domaines encore.
En ce qui concerne l'emploi, je suis satisfait d'avoir pu constater les prémices d'un succès dû, en 1996, à l'attribution de moyens supplémentaires aux fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Aussi la poursuite de ce programme et l'accroissement des crédits accordés me semblent-ils constituer un élément indispensable en vue d'une meilleure maîtrise d'un chômage qui, je le rappelle, s'élève à 27 % en moyenne dans les départements d'outre-mer, et jusqu'à 38 % sur l'île de la Réunion !
Je suis plus circonspect quant aux méthodes du FEDOM, notamment en ce qu'elles ressemblent fort à celles qui sont utilisées en métropole. Je n'entends aucunement remettre en cause l'utilité d'outils tels que les contrats d'accès à l'emploi ou les contrats emploi-solidarité. Toutefois, je ne suis pas sûr que ces mesures soient réellement adaptées à la situation de régions par trop éloignées de la France métropolitaine. La lutte contre le chômage est d'abord une affaire d'audace, monsieur le ministre.
Quant aux mesures mises en place grâce au FEDOM - particulièrement les CIA - j'attire votre attention sur le fait qu'elles ne doivent pas être uniquement réservées à l'utilité sociale, mais qu'elles doivent aussi pouvoir profiter aux entreprises privées, afin de favoriser la création et le maintien de l'emploi.
Toutefois, la lutte contre le chômage ne saurait être menée efficacement sans que, parallèlement, soit affirmée une réelle volonté de relance de l'activité économique.
Je voudrais ouvrir ici une parenthèse afin de m'attarder sur la loi de défiscalisation dite « loi Pons ». Des études sérieuses effectuées à la demande des chambres de commerce et d'industrie des Antilles et de la Guyane ainsi qu'à l'instigation du préfet Vochel montrent que cette loi constitue un dispositif justifié qui permet de mieux adapter l'offre à la demande tout en étant globalement neutre pour les finances de la nation.
Toutefois, ces mêmes études indiquent aujourd'hui que le dispositif doit être maintenu, mais aussi et surtout élargi afin de favoriser durablement le développement des départements d'outre-mer.
Aussi, pourriez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend prochainement prendre de nouvelles mesures en ce sens, répondant ainsi à l'attente de l'ensemble des acteurs économiques des départements d'outre-mer ?
Si de telles mesures étaient adoptées, nous serions heureux de compter parmi elles des dispositions relatives à la défiscalisation des opérations de restauration du patrimoine bâti guyanais, ce qui permettrait de redynamiser le secteur de l'artisanat du bâtiment par la création d'emplois.
J'aborderai plus longuement ce point lors de la discussion du budget de la culture, mais je souhaite d'ores et déjà vous indiquer que, si elles étaient adoptées, de telles mesures seraient inévitablement créatrices d'emplois.
Afin de relancer la machine économique qui conduira à la création d'emplois, plusieurs mesures de première urgence me paraissent devoir être adoptées en priorité.
Le Gouvernement doit, par la voie d'un décret, asseoir un dispositif qui permettra le redémarrage des entreprises par le biais d'un fonds spécifique de développement.
C'est également par l'augmentation des commandes publiques que l'on parviendra à la mise en place d'une relance du développement économique, notamment dans des secteurs profondément sinistrés tels que le BTP. J'avoue à ce sujet n'avoir aucun mérite à souligner que, jusqu'en 1990, alors que j'étais président de la région, la commande publique atteignait 2 milliards de francs, alors qu'aujourd'hui elle stagne à 250 millions de francs.
Cette relance du secteur du BTP est d'autant plus nécessaire qu'elle permettrait de répondre favorablement à l'accroissement des demandes de logements sociaux, secteur qui, je le sais, est également une des priorités du Gouvernement.
Les mesures que vous proposez pour provoquer cette relance tant attendue sont louables. Mais, si je suis convaincu qu'elles conviendront aux entreprises saines, je crains, en revanche, qu'elles n'incitent pas à la création de sociétés nouvelles. En effet, les méthodes que vous proposez font essentiellement appel à l'épargne et à la confiance des investisseurs. Or le contexte économique actuel n'est pas de nature à attirer cette confiance.
Toujours est-il que ces dispositions, pour imparfaites qu'elles puissent paraître, constituent néanmoins une avancée certaine que je voudrais ici saluer. Il faut donc les améliorer pour être efficace.
Pour conclure sur l'emploi, j'indiquerai que les efforts consentis et la prise en compte, parfois, de certaines particularités locales pour remédier au chômage me semblent aller dans le bon sens, même s'il faudrait faire plus encore.
Une autre priorité du Gouvernement concerne le soutien, pour les habitants des départements d'outre-mer, au logement social.
En 1996, les constructions ont, par rapport à 1995, progressé de 7 %. Il y a toujours lieu de se réjouir d'un tel type d'augmentation, qui plus est lorsqu'une telle mesure est maintenue, ce qui est le cas pour 1997.
J'ai appris en lisant l'opuscule qui m'a été adressé par vos services que la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer permettrait d'assurer le financement de plus de 15 000 logements pour 1997.
Je souhaite sincèrement qu'il puisse être donné suite aux engagements courageux que vous avez pris. Sachez, en effet, que, pour le seul département de la Guyane, la demande de logements sociaux s'élève à 3 000 habitations par an. Vous comprendrez ainsi que les Guyanais, mais aussi l'ensemble des habitants de l'outre-mer, attendent avec hâte de voir aboutir cette mesure.
J'achèverai enfin l'ensemble de mon propos en abordant le domaine de la santé, et notamment le problème des agences régionales d'hospitalisation.
La création d'une telle agence vient d'être décidée, et je m'en suis réjoui. Mais cette satisfaction n'a été que de courte durée : l'agence est établie en Guadeloupe, c'est-à-dire à plus de 2 000 kilomètres de Cayenne ! C'est donc de la Guadeloupe que seront administrées les affaires concernant les hôpitaux de Guyane ! C'est n'avoir aucune considération pour les acteurs socio-sanitaires guyanais. De grâce, monsieur le ministre, une exigence normale appelle la création d'une agence d'hospitalisation en Guyane !
Pourquoi ? Dans ses récentes déclarations, le secrétaire d'Etat à l'action humanitaire, M. Xavier Emmanuelli, reconnaissait que la consommation médicale moyenne en Guyane est inférieure de 50 % à la moyenne nationale. Il faut donc une politique adaptée à la réalité de notre région. Eu égard à nos besoins et aux engagements qui en découleraient, il est indispensable que les financements affectés à l'agence d'hospitalisation soient garantis. La réalité de la situation pathologique, démographique et géographique exige une politique de l'hospitalisation adaptée à la Guyane.
Monsieur le ministre, je vous demande, en conséquence, de bien vouloir prendre les mesures nécessaires afin que la Guyane soit dotée de sa propre agence d'hospitalisation.
Comment ne pas s'étonner, également, de voir que ce sont les notaires de la Martinique qui vont décider de la validité et de l'évaluation des titres de propriété des terres guyanaises ? Ce serait là ne pas considérer les notaires guyanais ! De grâce, monsieur le ministre, acceptez l'amendement que je vous ai suggéré afin de supprimer cette disposition et de faire figurer dans la loi la création d'une véritable commission d'évaluation des titres en Guyane, avec des notaires guyanais.
En conclusion, monsieur le ministre, je ne vous apprendrai rien en vous disant que quinze minutes ne suffisent pas pour envisager l'ensemble des problèmes auxquels les départements d'outre-mer doivent faire face.
La situation dans laquelle se trouve la Guyane commande que soient prises sans délai des dispositions exceptionnelles. Il nous faut alors abandonner la logique strictement comptable et agir positivement sur l'avenir de cette région, intégrée dans l'ensemble latino-américain et caraïbe, en concertation étroite avec ses élus et les socioprofessionnels.
C'est pourquoi l'action doit tenir compte des contraintes naturelles, les examiner sans complaisance pour nous permettre de rattraper au cours de la prochaine décennie le retard qu'a pris notre développement économique.
Je sais, monsieur le ministre, que vous déployez beaucoup d'efforts pour y parvenir, et je vous invite en tout cas à poursuivre cette action pour mettre en place dans notre région de Guyane une politique qui nous rassemble pour une région qui nous ressemble. Vous pourrez compter sur mon soutien et sur celui de la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. En donnant la parole à M. Vergès, je salue sa première prise de parole dans notre assemblée.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'outre-mer, comme ceux que tous les autres ministères consacrent à l'outre-mer, seront, en 1997, presque au même niveau qu'en 1996.
Compte tenu de l'inflation et de la forte progression démographique outre-mer, le décalage entre nos besoins et les moyens financiers prévus va encore s'accroître. Aucune illusion n'est donc permise à ce sujet.
Cela se vérifiera, à la Réunion, dans les trois secteurs prioritaires de l'emploi, du logement et de la formation.
La barre des 100 000 chômeurs est franchie et le taux de chômage y avoisine désormais les 40 %.
Dans le secteur marchand, on note, certes, une augmentation du nombre des emplois créés, mais celle-ci est nettement insuffisante face à l'augmentation de la population active. Or, à la lecture du bilan que le Gouvernement a établi de la loi Perben, on peut légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif des exonérations financées par le relèvement des taux de TVA. En effet, la majorité des emplois créés l'ont été dans des secteurs non exonérés : services, commerces, immobilier.
Dans ce contexte, le Gouvernement annonce un effort dans le secteur non marchand du fait des solutions d'insertion financées par le FEDOM, dont les crédit augmenteraient, en 1997, de 43 %.
Rappelons que les crédits mobilisés en cours d'année ont porté le FEDOM de 1996 à 1 535 millions de francs en fin d'exercice. Or la dotation du FEDOM en 1997 est de 1 487 millions de francs ! Sans éléments nouveaux, la situation de l'emploi devrait donc continuer à se dégrader, et la frustration, chez les jeunes notamment, à s'aggraver : rappelons que 6 000 jeunes munis de diplômes équivalants à bac + 2, et même à bac + 5, cherchent vainement actuellement un emploi.
Dans le secteur du logement, les crédits prévus pour 1997 sont au même niveau que ceux de 1996. Les Assises du logement avaient évalué les besoins, voilà plusieurs années, à 12 000 logements par an, dont 9 000 logements aidés. On n'a construit que la moitié de ces derniers. Ainsi, d'année en année, les retards s'accumulent et les besoins augmentent du fait de la progression démographique.
Enfin, la troisième priorité - la formation - va connaître un arrêt du plan de rattrapage.
En ce qui concerne l'éducation nationale, par exemple, les besoins en postes sont évalués entre 400 et 500 par an, et ce durant cinq ans, selon l'académie ou selon les syndicats et les parents d'élèves.
Or le projet de budget ne prévoit que 55 créations de postes. Cela entraîne une situation de plus en plus tendue, surtout après l'annonce par le Gouvernement d'une programmation budgétaire pluriannuelle pour un plan de rattrapage en Guyane. Ce qui est possible dans un département d'outre-mer doit l'être dans les autres !
Des foyers de plus en plus nombreux connaissent des situations combinées de chômage, de mauvaises conditions de logement et d'échec scolaire. Nous devons être conscients du fait que l'absence persistante de solutions crédibles aux problèmes fondamentaux de l'emploi, du logement et de la formation crée une situation potentiellement explosive qui peut s'exprimer à n'importe quel moment.
Chacun a noté la très grande diversité des facteurs déclenchants au Chaudron, à la Réunion, à Papeete ou à Cayenne ; partout, les manifestations ont très vite tourné à l'émeute. Cela révèle que les problèmes sous-jacents dépassaient largement les motifs initiaux de ces manifestations !
C'est pourquoi - nous ne le répéterons jamais assez - la seule solution consiste à définir et appliquer une politique de développement durable anticipant sur plusieurs décennies et tenant compte de la progression démographique.
Ce problème démographique nous semble nettement sous-estimé à Paris. Dans une période de mutation générale des situations de crise et de difficultés budgétaires à travers le monde, la Réunion va passer en trente ans de 600 000 habitants à 1 million d'habitants.
Un million d'habitants, c'est la Réunion de 1996 à laquelle on « ajouterait », si l'on peut dire, toute la population de la Réunion de 1970, ou encore toute la population de la Guadeloupe d'aujourd'hui. Si la population de la France devait passer de 60 millions d'habitants aujourd'hui à 100 millions d'habitants en 2025, tous les problèmes débattus, toutes les solutions proposées seraient-ils les mêmes ?
Nous devons sortir de la vision statique et comptable - quels que soient les gouvernements ! - de certains ministères parisiens. Il coûterait, en définitive, beaucoup moins à l'Etat de consentir, dès maintenant et chaque année, des efforts soutenus fondés sur une politique globale et pluriannuelle que d'avoir à faire face aux conséquences d'une explosion sociale ou aux coûts accumulés de plusieurs années de mal-développement. Nous ne pourrons sortir de la situation actuelle, qui alimente des sentiments de frustration, d'impasse ou d'abandon, que par la mise en route d'un véritable plan de développement appréhendant aussi bien les problèmes économiques et sociaux que ceux de l'aménagement du territoire.
Cette politique globale exige un véritable partenariat entre l'Europe, l'Etat et les collectivités locales.
Après l'égalité sociale individuelle enfin obtenue aujourd'hui, sauf en ce qui concerne - faut-il le souligner ? - l'allocation de parent isolé et surtout le RMI, l'égalité des niveaux de développement des collectivités locales d'outre-mer et de celles de métropole reste un problème majeur pour l'outre-mer.
L'aménagement du territoire est un enjeu vital de la politique de développement. Où devront s'installer les 400 000 habitants supplémentaires de la Réunion dans les trois décennies à venir et comment résoudre tous les problèmes posés par cette installation ?
A un autre niveau, l'aménagement du territoire doit, dès maintenant, tenir compte de ce qui, après la conférence de Rio, a été caractérisé par les pays du G7, lors de la conférence qui s'est tenue en France cette année, comme le plus grand changement climatique de la planète depuis 10 000 ans. Au cours des prochaines décennies, en effet, le réchauffement de la planète provoquera notamment une remontée du niveau des océans et, dans les régions tropicales et subtropicales, une fréquence et une intensité accrue des cyclones. Or les départements et les territoires d'outre-mer sont pratiquement tous situés dans cette zone.
Cette nécessaire vision anticipatrice du développement et de l'aménagement du territoire oblige à projeter l'avenir de cette île dans son environnement géographique. Comment, en effet, relever les trois défis globaux actuels posés à ce département de l'océan Indien ?
Qu'en sera-t-il des relations de la Réunion avec l'Union européenne, qui garantissent à terme son développement durable ? Qu'en sera-t-il de l'insertion de la Réunion dans son environnement géographique, composé de pays tous membres de la convention de Lomé ? Comment, enfin, insérer la Réunion et lui éviter d'être marginalisée sur le grand axe d'échanges qui marquera le prochain siècle entre les pays d'Afrique australe et ceux de l'Asie du Sud-Est et de l'Extrême-Orient ?
C'est faire preuve non pas de pessimisme mais simplement de lucidité que de dire que les portes ouvrant la voie au développement risquent de se fermer définitivement si les problèmes immédiats de l'emploi, du logement et de la formation ne connaissent pas un début de solution durable.
Près de dix mois après les Assises de l'égalité et du développement à Paris, force est de constater que les crédits budgétaires mobilisés pour les départements d'outre-mer sont loin de correspondre aux enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Pierre Lagourgue applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord féliciter les différents rapporteurs ; ils ont fait preuve d'autant plus de talent que le budget de l'outre-mer est un tout petit budget, qui ne représente que 10 % des projets de dépenses de l'Etat dans les collectivités françaises ultra-marines.
Et, je tiens à le dire au début de mon propos, mes collègues m'ont convaincu de voter votre tout petit budget, monsieur le ministre. (Sourires.) Néanmoins, et sans abuser du temps consacré à sa discussion, qui est proportionnel à son montant, je m'autoriserai quelques observations.
Tout d'abord, malgré leur nouvelle présentation, les documents budgétaires qui m'intéressent, le « bleu » et le « jaune » notamment, n'ont pas encore acquis une totale lisibilité car, « en raison des difficultés d'établissement de ce document, des incertitudes qui pèsent parfois sur les chiffres communiqués par les différents ministères et de l'existence d'un volume de crédits non répartis entre territoires d'outre-mer, la comparaison entre 1996 et 1997, et la comparaison entre territoires doivent être maniées avec beaucoup de précautions. » C'est là un extrait de la page 2 du « jaune ».
Cette opacité a du reste été critiquée par la Cour des comptes dans son rapport public de 1995 à propos des crédits d'investissement pour les routes, qui firent l'objet d'une dotation globale.
Ainsi, nous avons confirmation de ce que nous savions déjà par expérience, à savoir que les ministères techniques ont une connaissance très relative de l'outre-mer.
Compte tenu des difficultés actuelles et de la rigueur dogmatique qui présiderait à la gestion budgétaire, des crédits ont donc bien été gelés. D'autres n'apparaissent pas dans le projet de loi de finances pour 1997 ; je pense en particulier à ceux qui sont prévus par la « convention pour le développement économique de la Polynésie française », signée le 25 juillet dernier par le Premier ministre, M. Alain Juppé, et le président du gouvernement du territoire, M. Gaston Flosse, laquelle prévoit la mise en place, par le territoire, d'un « programme stratégique pour l'après-CEP ».
La convention précitée engage l'Etat à maintenir, pendant dix ans, les flux financiers engendrés par la présence du CEP, le centre d'expérimentations du Pacifique, avant l'arrêt des expériences nucléaires et dont le montant a été minimisé à hauteur de 990 millions de francs français par an. Or le budget de la défense ne ferait apparaître à ce titre que 220 millions de francs français de crédits.
Je sais que les discussions relatives à cette convention ont été très rudes avec les ministères et n'ont pu aboutir que grâce à l'acharnement du président du gouvernement de la Polynésie française et, sans doute, à l'amitié que lui porte le Président de la République.
Mais je crains pour ma part - et j'attends un démenti - qu'une grande partie du montant des interventions des différents ministères ne soit incorporée d'office dans ces 990 millions de francs français. Je pense notamment aux crédits affectés au service militaire adapté, dont vous gérez en principe les crédits, monsieur le ministre, et dont l'augmentation avait déjà été prévue par une convention antérieure. Je pense également aux employés civils polynésiens du CEP, qui avaient reçu l'assurance, pour les plus vieux, d'être dédommagés ou, pour les plus jeunes, d'avoir un travail, engagement qui n'a pas été tenu.
Pourtant, il faut absolument que mon territoire passe d'une économie déséquilibrée, imposée par le CEP à ses débuts, à une croissance reposant sur les possibilités étudiées dans la charte du développement, dans le pacte de progrès, et confortées par la loi d'orientation.
Or, l'assemblée territoriale de Polynésie française vient d'approuver le « programme stratégique pour l'après-CEP » qui lui a été soumis par le gouvernement local
C'est un programme sans doute ambitieux, qui a été critiqué par l'opposition - c'est son droit - et dont les éléments développent plusieurs secteurs déjà sensibles, tels que le tourisme, en utilisant la loi Pons, la pêche industrielle, avec le marché japonais, l'agroalimentaire, avec le monoï et d'autres produits aromatiques, la perliculture bien sûr, qui vise les marchés japonais, américains et européen, l'amélioration de l'environnement, par exemple face au problème des ordures ménagères, les communes et les archipels bénéficiant d'importants investissements, sans oublier l'habitat social. L'ensemble de ces actions - la liste n'est pas limitative - accompagné par une formation professionnelle adaptée, permettra de résoudre en partie le problème de l'emploi et de prévenir le risque d'une fracture sociale définitive.
Mais je voudrais que mes compatriotes comprennent que, pour assurer le succès et la pérennité de ces mesures, il faut que celles-ci soient accompagnées par une politique de maîtrise de la démographie, qui est prévue du reste par la loi d'orientation. Il faut également que se mette en place une balance des paiements valable.
Par ailleurs, il semble que se fasse jour, chez de nombreux agents économiques, le souhait que le franc Pacifique - c'est le franc des comptoirs français du Pacifique, souvenez-vous, mes chers collègues - soit remplacé par le franc français. Cette mesure faciliterait sans nul doute les opérations d'investissement et tempérerait les ardeurs de certaines banques françaises, qui prennent des commissions extravagantes - pouvant aller jusqu'à plus de 40 % ! - sur des chèques émis en francs Pacifique.
Bien entendu, pour que ce programme stratégique réussisse, il faut absolument que les dispositions statutaires de la Polynésie française soient intégralement respectées par les différents ministères. Je pense particulièrement à l'exploitation de notre zone économique exclusive, de notre mer territoriale et même de nos lagons, qui font l'objet de convoitises.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de rappeler à votre collègue des affaires étrangères ces compétences particulières.
Il en est de même de l'ouverture de nos frontières dans le cadre du GATT, alors que la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de dispositions protectrices. Tant mieux pour elle ! Mais pourquoi cette discrimination ? Est-ce au nom de l'indivisibilité de la République ? Sans doute !
Il convient également de rétablir l'exigence du billet de retour. On m'a en effet signalé plusieurs cas de SDF qui prennent des petits boulots aux indigènes que nous sommes.
Bien entendu, les conditions de l'association de la Polynésie française à l'Union européenne doivent être adaptées à l'autonomie de mon territoire. Il faut sortir de l'ambiguïté actuelle, monsieur le ministre, et je sais que vous en êtes d'accord. Mais il faut reconnaître que, si nous nous trouvons dans une telle situation, c'est bien sûr parce que les représentants de la France ont signé des textes sans connaître les conditions géographiques, économiques, politiques de nos territoires d'outre-mer. Du reste, à l'époque, en 1957, n'avait-on pas annexé Wallis-et-Futuna aux établissements français de l'Océanie ?
Pour toutes ces raisons, que l'on trouve exprimées sous d'autres formes à la fois dans les départements et les collectivités d'outre-mer, il est nécessaire de donner à notre ministère l'autorité qui lui revient. Pour cela, un seul moyen : la gestion de tous les crédits destinés à l'outre-mer doit revenir au ministère de l'outre-mer. C'est le voeu que je forme, car c'est la seule solution si nous voulons que soit respectée la politique définie par le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le ministre, malgré la conjoncture difficile qui a présidé à l'élaboration de la loi de finances, vous nous présentez, ce jour, un budget qui reconduit les crédits de 1996.
Les lignes principales sont maintenues ou en augmentation. Ainsi, les crédits affectés à l'emploi augmentent de 43 %, le budget du FEDOM passant de 1 036 millions de francs à 1 487 millions de francs.
Ces deux raisons font que je voterai votre budget, notre budget, en vous remerciant de votre détermination et de votre engagement en faveur de l'outre-mer français.
Monsieur le ministre, l'examen annuel de vos propositions budgétaires est l'occasion, pour les parlementaires d'outre-mer, d'attirer l'attention sur les dossiers les plus épineux qui bloquent le plein épanouissement des territoires ultramarins.
J'aurais donc pu, aujourd'hui, vous parler longuement des dossiers suivants : le chômage des jeunes, qui est trois fois plus important à la Réunion qu'en métropole ; la formation ; la mobilité ; la relance de l'agriculture traditionnelle - production à forte valeur ajoutée et créatrice d'emplois - qui doit être d'urgence réactivée ; les fonctionnaires, qui ne doivent pas être les boucs émissaires de la réforme ; la décentralisation, qui passe autant par une intercommunalité cohérente que par un redécoupage de nos communes, redécoupage qui permettra de corriger le déficit démocratique que nous vivons à la Réunion, où n'existent que vingt-quatre communes pour 650 000 habitants ; l'insertion, car je ne suis pas satisfait de certaines mesures du plan Perben, l'ADI, par exemple, ne fonctionnant pas bien à la Réunion, et, enfin, les 2 % de TVA collectés qui, à la Réunion, sont supérieurs aux exonérations de charges accordées aux entreprises, exonérations qui, de plus, ne créent pas tous les emplois escomptés.
Sur tous ces sujets que j'ai cités pour prendre date, monsieur le ministre, il faut que nous acceptions, que vos services acceptent, de rouvrir les dossiers pour voir si les idées des parlementaires sont inacceptables ou si, au contraire, on peut faire mieux en matière d'emplois, en matière de véritable insertion et en matière de démocratie locale.
Monsieur le ministre, je préfère, ce jour, insister auprès de vous et de mes collègues sur le dossier le plus préoccupant de cette fin d'année à la Réunion, un dossier qu'il faut régler en tout extrême urgence, celui de l'assurance décennale des artisans en bâtiment.
Monsieur le ministre, la crise économique qui sévit dans les départements d'outre-mer est encore plus sévère qu'en métropole. Nous en sommes, à la Réunion, à un taux de chômage qui atteint presque 40 %, triste record national, et cela pour de multiples raisons : insuffisance du secteur productif local, incapacité à exporter et, surtout, démographie non encore maîtrisée.
Le seul secteur où des emplois peuvent être créés immédiatement et en quantité importante est celui du bâtiment, si toutefois on réactive les entreprises artisanales qui ferment aujourd'hui les unes après les autres.
Mais, ce monde des artisans, très compétent à la Réunion et capable de créer tout de suite des milliers d'emplois, est littéralement pris en otage par les compagnies d'assurance qui soit refusent d'assurer les risques liés à l'assurance décennale - ce qui est contraire à la loi - soit, dans de rares cas, pratiquent des tarifs dissuasifs. Dans tous les cas, la fermeture de l'entreprise est inévitable car, sans assurance, l'entreprise ne peut obtenir de marchés.
J'ajoute qu'à ce jour je n'ai pas pu, malgré mes démarches, obtenir de chiffres sur la responsabilité réelle des artisans réunionnais dans les sinistres indemnisés. Pourquoi ces chiffres ne sont-ils pas disponibles ?
Le bilan est déjà très lourd : l'énorme majorité des artisans n'est plus assurée et, qui plus est, il n'y a plus de création d'emplois ou les emplois qui existent sont menacés.
Si nous ne réagissons pas fortement tout de suite, une dizaine de milliers d'emplois disparaîtront encore dans le bâtiment dans les six mois à venir.
Bien évidemment, cette situation fait le jeu des grosses entreprises, efficaces, certes, mais moins créatrices d'emplois, et cela entraînera ultérieurement, si l'on n'y prend pas garde, par effet de concentration, une hausse des coûts du bâtiment, donc une diminution du nombre des logements construits.
Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez la situation que je viens de décrire. Je sais que le Gouvernement a demandé à une commission ad hoc d'étudier les solutions possibles, mais je suis très sceptique quant aux solutions préconisées par cette commission. Pour être franc, je n'y crois pas du tout !
En effet, ce n'est pas en regroupant les compagnies d'assurances en GIE qu'on favorisera la nécessaire concurrence, ce n'est pas en déconcentrant le Bureau central de tarification dans les DOM qu'on permettra à nos artisans d'être assurés convenablement. En effet, à mon sens, le BCT est un organe de régulation des conflits entre assureurs et assurés. Son intervention doit demeurer exceptionnelle et non être systématique.
Selon moi, la solution à ce difficile dossier réside dans l'application de la loi : l'assureur doit assurer - c'est son métier - et le Gouvernement dispose de moyens pour faire appliquer la loi.
Dans le cas contraire, le marché local de l'assurance - je parle pour mon département, la Réunion - doit être occupé par une ou plusieurs mutuelles, à créer, qui pourront équilibrer leurs comptes.
Monsieur le ministre, je vous demande d'excuser mon insistance sur ce problème, mais votre implication personnelle est nécessaire, car les blocages sont nombreux, tant à Paris que localement. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on dit qu'« un problème bien posé est à moitié résolu ».
J'ai souvent affirmé, monsieur le ministre, que les difficultés de l'outre-mer ne se résoudront pas à coups de milliards de francs. C'est pourquoi je ne peux guère imaginer que même une forte augmentation de votre budget aurait permis de résoudre les divers problèmes qui se posent de manière aiguë à ces territoires.
Ces quinze dernières années, nous avons connu des réformes très importantes : décentralisation et régionalisation, défiscalisation, loi de programme, POSEIDOM, contrats de plan, loi Perben, doublement des crédits du FEDER. Vous pouvez proclamer aujourd'hui que l'égalité sociale est atteinte. Pourtant, la situation de l'outre-mer est dramatique. Je rappelle qu'après tant d'années d'efforts le taux de chômage est de 20 % en Guyane, de 35 % à la Réunion, et que le PIB outre-mer est la moitié de celui de la métropole.
On peut s'attendre à tout moment à des explosions en Guadeloupe, à la Réunion ou en Martinique, comme cela vient de se produire en Guyane à Cayenne. Je ne crois pas que la simple révolte de lycéens puisse expliquer qu'un pays soit mis à feu et à sang et que la seule création d'un rectorat soit susceptible d'apporter une solution durable. Les causes du malaise sont beaucoup plus profondes.
Monsieur le ministre, tout cela veut dire qu'en réalité les problèmes des départements d'outre-mer n'ont jamais été véritablement bien posés, j'entends par là mis à plat.
Il s'agit d'anciennes colonies où les complexes et les comportements à connotation colonialiste disparaissent lentement, ce qui rend les rapports humains difficiles. Il s'agit de territoires ultrapériphériques et, en général, de pays insulaires qui ont leur mentalité propre et dont on s'imagine à tort qu'ils peuvent devenir un jour à l'image des départements continentaux. Il s'agit de pays dont les économies sont encore balbutiantes et confrontées à de nombreux handicaps, dont le coût des transports, qui supportent des taux d'intérêt bancaires plus élevés qu'en métropole et dont les économies ne sont pas concurrentielles dans leur environnement géographique. C'est pour cela que, sans remise à plat de tous ces problèmes, dans le cadre d'un plan de développement économique à long terme, sur vingt ans, un plan de développement global comme l'a dit M. Vergès, il est vain de penser que nous trouverons des solutions en nous contentant de débats ayant un caractère strictement budgétaire.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, plutôt que de parler de chiffres, j'aimerais aujourd'hui vous parler de deux problèmes concrets qui, à mon avis, peuvent trouver remède rapidement et sans coût excessif.
Le premier point est le rôle des services extérieurs de l'Etat depuis la décentralisation.
Dès 1988, j'indiquais dans une question écrite à M. Michel Rocard, alors Premier ministre, que « l'une des causes "insuffisamment mise en valeur" de l'échec des politiques définies pour l'outre-mer réside, malgré les moyens financiers dégagés, malgré la volonté des gouvernements successifs, dans le comportement de certains fonctionnaires d'Etat : l'absence de certitude dans leur mission, le manque de productivité, la persistance de préjugés coloniaux, l'incapacité d'établir des relations de respect mutuel dans la pratique quotidienne de leurs rapports avec les élus et les populations ». Je suggérais que l'on « envoie outre-mer des fonctionnaires qui soient de véritables missionnaires du développement ». On ne peut pas dire que les choses aient beaucoup changé depuis.
A ce propos, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu envoyer une mission d'inspection générale dans ma commune Le Marin, afin de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles un immeuble a été classé, sur la demande d'un particulier, à l'inventaire des sites et monuments historiques, cela sans consultation, voire sans information des élus, et alors qu'un tel classement hypothèque définitivement l'aménagement et le développement économique de la commune. Il y avait, en l'occurrence, non-respect des prescriptions communales légales antérieures et mépris des compétences des élus locaux.
Monsieur le ministre, je tiens à vous le dire : après des recherches effectuées auprès des archives de la Martinique, je viens de découvrir que si cette maison avait été classée sur la base d'événements historiques bien réels, ceux-ci s'étaient déroulés non pas au Marin, mais dans la commune voisine, à Sainte-Anne. Autrement dit, on n'a pas classé la bonne maison ! (Sourires.)
Cet exemple montre qu'il faut que soit abordé de manière définitive le problème de la déconcentration et de la simplification de l'action des services extérieurs de l'Etat. Il y en a trente-deux à la Martinique, dont le principal rôle semble être de compliquer les procédures, de contrecarrer la politique du Gouvernement, l'action des collectivités locales et celle du préfet.
Monsieur le ministre, ma commune, Le Marin, a un projet de construction de 400 mètres de route qui traîne depuis dix ans. Tous les préfets, quel que soit le gouvernement, y ont été favorables. Ce projet est actuellement financé par le FEDER, le département et la région, mais systématiquement contrecarré par les services du ministère de la culture ou de l'environnement.
Comme je le disais, vous le voyez, on peut avoir la volonté et les moyens sans pour autant pouvoir investir et développer le pays ; c'est là que le bât blesse !
Dans le même ordre d'idées, monsieur le ministre, j'ai appris récemment que, dans la circonscription du sud de la Martinique, une quarantaine d'importants projets d'investissements privés, dont le coût d'élève à 4 milliards de francs, sont bloqués depuis deux ans par toutes sortes de freins, parmi lesquels les réticences de nombreuses municipalités à se lancer dans des projets quand elles savent qu'elles seront faiblement soutenues par les services extérieurs de l'Etat et que se dresseront devant elles des difficultés de tous ordres, en particulier des tracas administratifs. Il est temps que cela cesse si l'on veut éviter des lendemains qui ne chantent pas.
Pour terminer sur ce point, je crois qu'il est urgent, monsieur le ministre, non seulement de simplifier l'administration en renforçant par la déconcentration le rôle des préfets, qui devraient être les seuls interlocuteurs représentant l'Etat face aux collectivités locales, mais aussi de poursuivre et de renforcer la décentralisation et le pouvoir local, notamment en mettant un terme à la balkanisation des exécutifs qui, tous les jours, diminue l'efficacité de l'action des politiques locales.
Le second point dont je veux vous parler, monsieur le ministre, est celui de la coopération régionale.
Il est vrai que deux rencontres importantes se sont déroulées sur ce thème : la première en 1990, sous l'égide de M. Michel Rocard à Cayenne, la seconde en novembre de cette année, sous votre égide, en Guadeloupe. Il s'agit là, à mon avis, de réunions intéressantes certes, mais surtout de grand-messes dont les incidences seront forcément limitées. Mais je m'avance peut-être...
Si l'on veut être efficace dans ce domaine, je crois qu'il faut s'engager dans des actions beaucoup plus concrètes.
Ainsi, il est étonnant que l'ambassade de France en Haïti n'emploie pas de conseiller commercial, ni même de responsable pour la coopération économique avec les départements français d'Amérique, les DFA, alors qu'il s'agit d'un pays de 7 millions d'habitants, d'un intérêt majeur pour nos investissements futurs.
Concernant Cuba, où nous nous sommes rencontrés récemment à la foire internationale de la Havane, je suis partisan, comme vous, d'aider ce pays, qui connaît de graves difficultés économiques, à s'insérer à nouveau dans l'économie mondiale grâce à l'aide de l'Europe. Je me dois toutefois de signaler que Cuba représente à terme une menace mortelle pour le tourisme de la Martinique et de la Guadeloupe.
Il est par ailleurs étonnant que les collectivités locales des DFA ne soient jamais associées ni même informées quand des conventions de coopération commerciale sont signées avec les différents pays de la Caraïbe. De plus, il est notoire qu'il n'y a pratiquement pas d'Antillo-Guyanais dans les ambassades et les consulats de la région, ce qui est regrettable.
La France n'a signé que quatre ou cinq conventions fiscales avec nos voisins, ce qui limite énormément nos investissements en direction de ces pays. J'ai proposé plusieurs fois qu'on mette à l'étude un traité entre la France et les pays de l'organisation des Etats de la Caraïbe Sud, l'OECS, en matière de police, de sécurité, de lutte contre la drogue et de coopération économique. Je n'ai pas été entendu, ma proposition n'a même pas été prise en considération.
L'un des freins les plus graves à la coopération régionale est la difficulté pour les hommes d'affaires, les personnalités et les touristes venant de la région Caraïbe d'obtenir un visa. J'ai proposé que leur soit appliqué le système en vigueur aux Etats-Unis, à savoir le visa à entrées multiples, mais en vain. Cela aurait pourtant facilité nos relations avec les pays voisins et évité une certaine acrimonie, voire une hostilité à notre égard.
Pour terminer, je ne suis pas opposé à ce qu'une mission soit confiée à Mme Michaux-Chevry, avec qui j'entretiens d'excellentes relations. Mais encore faudrait-il que nous ayons connaissance du contenu de la mission et des moyens humains et financiers qui seront mis à sa disposition, et que chaque région et département y soient associés.
Monsieur le ministre, pour conclure, j'emprunterai une phrase à M. Gérard Belorgey, directeur de RFO, que j'ai relevée dans la brochure que vous avez préfacée et diffusée à l'occasion du cinquantenaire de la départementalisation : « En tous domaines, il n'y a qu'un avenir pour les DOM, celui de l'imagination (...), mais mettre l'imagination en oeuvre, c'est aussi heurter les habitudes de pensée et les modes de conduite liant ceux qui, outre-mer, se considèrent comme des créanciers de l'histoire et ceux qui, en métropole, sont sceptiques à l'égard de l'outre-mer ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'outre-mer pour 1997 révèle une quasi-stagnation des crédits en francs constants par rapport à 1996. A l'heure où le budget général de l'Etat se caractérise par une volonté de réduction des dépenses, le maintien des moyens financiers de votre ministère traduit, monsieur le ministre, l'intérêt du Gouvernement pour la France de l'outre-mer.
Certes, votre budget ne représente qu'une faible part des interventions de l'Etat outre-mer, mais tout le monde reconnaît son importance pour chacune de nos collectivités, en raison de son rôle d'impulsion et d'entraînement des autres ministères, qui sont soumis à des évolutions budgétaires très différentes.
En d'autres termes, vous demeurez, monsieur le ministre, notre interlocuteur privilégié, et je m'en réjouis.
On pourrait penser que, à Mayotte, nos sommes épargnés par ces variations en raison de la contractualisation des transferts financiers publics résultant de la convention de développement du 5 avril 1995 et du contrat de plan qui couvre la période 1994-1998. Mais nous savons par expérience que les crédits de paiement correspondant à des autorisations formellement programmées ne sont débloqués qu'avec d'importants retards, quand ils ne sont pas purement et simplement annulés : d'où les constantes inquiétudes des administrations locales comme des acteurs économiques, encore très dépendants de ces flux financiers.
C'est pourquoi je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu réunir, à la demande de M. Henry Jean-Baptiste, député de Mayotte, la commission interministérielle de coordination des investissements publics pour faire le point sur l'état d'avancement des investissements de l'Etat prévus à Mayotte. La présence d'un représentant du ministère du budget à cette réunion nous apparaît comme une garantie pour l'avenir, et je souhaite que tous les engagements pris en cette occasion soient tenus, notamment ceux qui sont inscrits dans la convention de 1995, afin que soient préservés totalement le sens, la logique et la portée des programmations définies d'un commun accord par l'Etat et notre collectivité territoriale.
Il faut rappeler, en effet, que cette convention de développement économique et social procède de notre commune volonté de rattrapage, tant nos handicaps et nos retards sont importants. Un tel programme doit être réalisé - faut-il le rappeler ? - avant l'organisation de la consultation sur l'avenir institutionnel de Mayotte au sein de la République.
C'est dire tous les intérêts qui dépendent du respect scrupuleux aussi bien des objectifs financiers que des termes annuels et pluriannuels de ces conventions Etat-Mayotte. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'y veiller personnellement, d'autant que la croissance démographique mahoraise risque de remettre en cause certaines prévisions.
Le démarrage, grâce à la contribution de l'Etat - longtemps attendue -, de la campagne en vue de la limitation des naissances permet, certes, d'espérer à terme une stabilisation, puis une inflexion des courbes démographiques, eu égard, notamment, aux réactions favorables de la population.
Toutefois, il est à craindre que l'immigration clandestine, en provenance de la République des Comores, pour l'essentiel, ne vienne annihiler tous nos efforts.
Il faut d'abord souligner que ces flux migratoires, en augmentation continue, représentent environ le tiers de notre taux de croissance annuelle de population, qui avoisine 6 %.
Les Mahorais constatent et déplorent que la maison d'arrêt de Majicavo, déjà surchargée, soit remplie à près de 50 % de détenus comoriens.
On estime, par ailleurs, que les deux tiers des nouveau-nés de l'île sont des enfants d'immigrés ; cela fait dire à certains qu'à ce rythme les Mahorais vont, à terme, devenir minoritaires dans leur île.
Autre indice préoccupant : d'après les informations recueillies auprès de la représentation du Gouvernement à Mayotte, le coût annuel de cette immigration s'élève à environ 100 millions de francs, dont 40 millions de francs pour l'hôpital - 40 % des malades sont des Comoriens clandestins -, 10 millions de francs pour les évacuations sanitaires, principalement vers La Réunion, 30 millions à 40 millions de francs pour les établissements scolaires - 30 à 40 % des effectifs sont des Comoriens clandestins - 2 millions de francs pour la « reconduite » des Comoriens, sans oublier le manque à gagner que cause à la population mahoraise le travail clandestin.
Aujourd'hui, les élus de Mayotte, devant ces charges indues, ressentent de plus en plus mal les conséquences de cette présence irrégulière. Chacun est conscient qu'il s'agit d'un grave problème d'ordre public, dont le traitement rapide et efficace incombe à l'Etat, et pour un coût bien plus modique.
Face à cette situation, le préfet, représentant du Gouvernement, est conduit à refouler vers leur pays d'origine, les immigrés en situation irrégulière. Mais tout le monde sait à Mayotte que les étrangers refoulés le matin par bateau reviennent, quasiment tous les soirs, sur des embarcations légères, d'ailleurs dépourvues de tout moyen de sécurité en mer.
Dans ces conditions, il ne fait plus de doute que l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire de lutte contre l'immigration clandestine ne produira pleinement ses effets que s'il est accompagné de mesures dissuasives de surveillance de l'espace maritime et des côtes mahoraises.
C'est pourquoi, je demande instamment au Gouvernement de créer rapidement à Mayotte un détachement de gendarmerie maritime, doté d'une vedette rapide et d'un équipement radar, apte à surveiller efficacement les rivages de l'île et de mettre fin à ces incessantes violations de la loi.
On constate, en outre, que ces afflux massifs de Comoriens en situation irrégulière portent gravement atteinte à l'équilibre économique, social et culturel de l'île.
A cet égard, je citerai une affaire qui défraie la chronique locale et qui concerne ceux qu'on appelle à Mayotte les « enfants de la honte ». Livrés à eux-mêmes, ces enfants envahissent à longueur de journées la barge reliant la Petite-Terre à la Grande-Terre pour y faire, en fraude, commerce de tout et de rien.
Ainsi, il apparaît que, au-delà des troubles à l'ordre public qu'elle entraîne et de ses conséquences économiques, cette immigration clandestine des Comores vers Mayotte doit être contrôlée aussi pour répondre à un double souci de préservation de la vie et de respect de la dignité humaine, car les risques insensés pris pour traverser le bras de mer séparant ces deux entités, ainsi que les déplorables conditions de séjour des clandestins dans notre île, sont manifestement contraires aux droits élémentaires de la personne.
Je suggère, en conséquence, que le Gouvernement invite les autorités comoriennes à édicter, dans l'intérêt bien compris de leurs ressortissants, toutes les mesures susceptibles de décourager cette émigration tout en assurant l'application des règles de sécurité et de contrôle aux frontières.
Il faut répéter qu'en dépit de ces graves difficultés la collectivité territoriale de Mayotte souhaite, plus que jamais, dans le cadre des actions de coopération régionale, tisser des relations de bon voisinage avec tous les pays de l'océan Indien, dès lors que sera prise en compte et respectée sa libre volonté d'intégration à part entière dans la République française.
C'est pourquoi je souhaiterais, par votre intermédiaire, monsieur le ministre, rappeler au ministre de l'équipement et des transports les engagements pris vis-à-vis de Mayotte quant à l'allongement de la piste aéroportuaire jusqu'à 2 400 mètres ainsi que l'intérêt, pour nos échanges maritimes dans la région, du deuxième quai du port de Longoni.
Les moyens du désenclavement seraient, en quelque sorte, prolongés par les instruments d'une coopération régionale plus active.
S'agissant de l'avenir institutionnel de Mayotte, nous préparons avec confiance la consultation sur le statut définitif de notre collectivité territoriale, en participant à Paris et à Dzaoudzi aux deux groupes de réflexion créés à cet effet.
Nous avons particulièrement apprécié, monsieur le ministre, que votre message à l'instance parisienne, lors de son installation, à la fin du mois de septembre, ait rappelé qu'une évolution statutaire, au sein de la République, dans le sens de la départementalisation était ardemment souhaitée par les Mahorais. Cette intégration plus étroite doit être néanmoins opérée dans le respect de notre identité. A cet égard, la création à Mayotte d'un organisme comparable à l'institut de droit local alsacien-mosellan pourrait permettre de proposer au Gouvernement toutes dispositions susceptibles de faire évoluer le droit mahorais de la tradition à la modernité.
Enfin, nous attachons le plus grand prix aux progrès de l'éducation et de la formation des jeunes afin de leur assurer les meilleures chances d'emploi et d'insertion professionnelle. Or il apparaît qu'en matière d'enseignement les engagements de l'Etat sont loin d'être respectés, si bien que d'importants projets de construction d'établissements d'enseignement secondaire risquent d'être compromis.
Ainsi, l'examen du contrat de plan révèle que le collège de Mamoudzou-centre n'a toujours pas commencé. Au collège de Bandrelé, les travaux viennent de démarrer, avec beaucoup de retard. Pour ce qui concerne les collèges de Kani-Kéli et de Labattoir, ainsi que le lycée professionnel de Kahani, il est à craindre que, contrairement à ce qui était prévu, leur achèvement ne soit pas réalisé cette année.
De même, toutes les opérations programmées en 1996 par la convention de développement économique et social - les collèges de Sada et de Pamandzi, le lycée d'enseignement général à Sada et le lycée d'enseignement professionnel à Dzoumogne - ne pourront être exécutées.
En définitive, sur un engagement de 180 millions de francs d'ici à la fin de 1998, l'Etat n'a finalement délégué, au titre de la convention de développement, que 35,7 millions de francs d'autorisations de programme, soit, en trois ans, seulement le cinquième des crédits prévus sur cinq ans.
S'agissant des établissements d'enseignement secondaire déjà mis en service, les conditions de fonctionnement sont médiocres en raison de l'insuffisance chronique des effectifs. A la rentrée de septembre 1996, 153 postes d'agents de l'Etat, dont 135 emplois d'enseignants, sont déclarés manquants. Pour l'année prochaine, ce déficit en personnels enseignants, de direction et d'éducation et ATOS - administratifs, techniques, ouvriers et des services - sera considérablement aggravé, avec un besoin total estimé à 432 agents supplémentaires pour un coût de 4 272 000 francs. Dès lors, la prochaine rentrée scolaire risque d'être difficile si des dispositions ne sont pas rapidement prises pour assurer un plus strict respect des engagements contractuels de l'Etat.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, malgré mon soutien de principe à votre politique, mes appréhensions demeurent particulièrement vives. En tout état de cause, ces manquements, retards et autres insuffisances dans l'exécution des engagements de l'Etat appellent d'urgentes décisions de rattrapage.
C'est dans cette attente et avec cet espoir que je voterai votre projet de budget. Ne décevez pas les Mahorais ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, le vote du projet de budget de l'outre-mer est une occasion choisie pour évoquer les points essentiels de l'état des lieux des DOM-TOM et des collectivités territoriales d'outre-mer.
En ce qui concerne la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que j'ai l'honneur de représenter, le taux de couverture de la balance commerciale a enregistré ces dernières années une chute vertigineuse, se maintenant nettement en dessous de 5 %, 4,25 % exactement, alors qu'il évoluait aux environs de 50 % lorsque nous avions une industrie de pêche en bonne santé. Nous sommes donc bien toujours dans le « rouge ». Cette stagnation s'explique dès lors qu'il n'y a pas eu de véritable reprise d'une activité économique productrice et que les transferts de l'Etat ont atteint des records.
Ainsi, nous vivons encore dans une forme de dépendance et d'assistance. Mais, compte tenu des effets de l'arrêt des activités traditionnelles de pêche dans toute la région géographique où se situe l'archipel, il ne pouvait en être autrement.
Cependant, depuis 1992, l'aide de l'Etat a permis à notre collectivité de survivre. En outre, à partir de 1994, mais surtout en 1995 et en 1996, nous avons vu se dessiner les prémices d'une relance de l'activité.
La qualité du partenariat qui s'est instauré avec la collectivité territoriale a créé une dynamique qui se fait sentir dans divers secteurs.
La réalisation d'un nouveau complexe aéroportuaire, instrument indispensable à son désenclavement économique, notamment dans le domaine touristique, est bien avancée.
Le soutien sans faille apporté au maintien en activité de l'usine de traitement de poissons importés à Saint-Pierre ainsi que la mise sur pied d'une usine moderne de traitement du pétoncle à Miquelon ont permis de lutter contre le chômage.
Mais le soutien de l'Etat, sous forme notamment d'une importante subvention, et le déficit d'exploitation d'Interpêche nous indiquent que ce secteur est loin d'être en bonne santé.
Ainsi, force nous est de constater que le bilan de l'activité du coquillier Avel Mad , à Miquelon, est finalement décevant puisqu'il n'a moissonné que 250 tonnes, sur un quota alloué de plus de 2 000 tonnes. Cela ne peut pas inciter à l'optimisme pour la campagne 1997, même si l'on considère que, à l'automne, ce navire semblait mieux adapté à sa mission.
Puisque, dans ce domaine, vous faites l'appoint à un niveau élevé, monsieur le ministre, pourriez-vous me dire si l' Avel Mad continuera seul à approvisionner l'usine de Miquelon ? N'y a-t-il pas là un champ d'action où la coopération franco-canadienne pourrait se fixer des objectifs ?
D'autres projets prometteurs pour l'avenir viennent d'être annoncés, par exemple le projet de transbordement douanier, pour la réalisation duquel s'implique énergiquement l'agence de développement de la collectivité territoriale, ou le projet de l'armement Medafret - particulièrement épaulé par le Premier ministre - et celui de l'armement d'un navire de croisière, qui ont reçu votre appui, grâce à l'agrément du ministère de l'économie et des finances.
La concrétisation de ces projets se soldera par la création d'un nombre non négliageable d'emplois à terre et d'un nombre bien plus important encore d'emplois dans le domaine maritime. Nous pouvons alors espérer un certain regain de l'activité portuaire dans l'archipel d'ici à quelques années, mais cela pose d'ores et déjà la question d'une formation professionnelle orientée vers les besoins prévisibles.
Dans un domaine adjacent, monsieur le ministre, je dois dire que je me réjouis de constater qu'au ministère des transports on semble enfin disposé à faire avancer le dossier du registre d'immatriculation des navires à Saint-Pierre-et-Miquelon, que le conseil général et les deux parlementaires n'ont cessé de soutenir.
Je sais l'intérêt que vous avez manifesté à ce sujet, et j'en profite pour souligner que, en matière de modification limitée et spécifique du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, il me paraît très indiqué qu'un projet de loi soit soumis au Parlement, afin que la collectivité territoriale puisse se voir transférer les prérogatives dont elle a besoin en matière d'immatriculation des navires.
Ainsi, l'Etat, fidèle à la politique qu'il a engagée depuis mai 1995, agit conjointement avec la collectivité en faveur de l'emploi, afin que puissent se développer des activités pérennes.
Je tiens maintenant à souligner, monsieur le ministre, la manière particulièrement responsable avec laquelle la collectivité territoriale s'investit, elle aussi, pour atteindre cet objectif et les difficultés qu'elle rencontre.
Elle a procédé, depuis 1994, à une augmentation sans précédent de la pression fiscale. Ainsi, pour ne citer que quelques chiffres, la taxe spéciale à l'importation a crû de 85,7 %, les taxes sur le fioul et le gazole de 1 350 %, celles sur le tabac de 100 % et l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 10 %.
De plus, elle a réduit de 10 % les dépenses de ses services ; mais, en dépit de ces efforts rigoureux, ses recettes de fonctionnement en 1996 demeurent inférieures de 5 millions de francs à ce qu'elles étaient en 1991 : elles atteignent, en effet, 125 millions de francs, contre 130 millions de francs à l'époque. Il en sera de même en 1997.
En parallèle, afin de prendre sa part dans la construction de la nouvelle piste d'atterrissage, elle a dû emprunter plus de 42 millions de francs, ce qui représente quatre fois plus que le montant moyen annuel de ses emprunts au cours des années précédentes. Le montant total de l'emprunt, en 1995, s'élève à 70 millions de francs, soit sept fois plus que le taux moyen d'emprunt avant 1994.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que je déplore, moi aussi, la suppression des crédits du FIDOM, qui, avant 1994, représentaient, pour nous, 12 millions de francs, c'était important, dont environ 6 millions de francs déconcentrés.
Il importe donc que cette disparition des crédits du FIDOM soit compensée par une augmentation des dotations globalisées ou par de nouvelles subventions d'investissement, surtout au moment où, pour le budget primitif de 1997, nous voyons apparaître un besoin de financement supplémentaire de 40 millions de francs.
En effet, la part des recette fiscales nouvelles au bénéfice de la collectivité servira en bonne partie à assurer la charge de son endettement, qui, d'ailleurs, va probablement s'accroître, car elle devra s'investir, comme pour l'aéroport, dans les futurs chantiers de travaux publics.
La collectivité territoriale joue donc bien sa partition, avec sérieux et dynamisme. Mais nous savons, et nous le prouvons par nos engagements budgétaires, que tout ne peut pas provenir de l'Etat et que nous devons fournir des efforts. Nous le faisons, mais, à l'évidence, nous avons encore grand besoin de l'aide de l'Etat.
Comment pourrions-nous, par nos propres moyens, entreprendre et mener à bien les grands et indispensables travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable qui, en matière d'emploi, et c'est important, tiendront, pour quelques années, le rôle salvateur assuré par le chantier de l'aéroport ?
Monsieur le ministre, dans un autre registre, j'avais, l'an dernier, attiré votre attention sur l'intérêt pour Saint-Pierre-et-Miquelon de pouvoir bénéficier plus largement des avantages de la loi Pons.
Vous m'avez fait savoir que les laboratoires n'étaient pas éligibles aux dispositions de ladite loi. Or, le cas qui nous intéresse consiste en la création d'un laboratoire de fabrication d'un produit à très forte valeur ajoutée susceptible de créer plusieurs emplois.
Ne pourriez-vous pas revenir à la charge auprès de votre collègue de Bercy pour que ce type d'entreprise puisse bénéficier de la procédure d'agrément ?
J'avais également, à cette tribune l'an passé, attiré votre attention sur certains dysfonctionnements dans le domaine de la justice à Saint-Pierre au sujet des prérogatives dévolues au magistrat instructeur qui se trouvait en même temps juge de première instance et, le cas échéant, juge du tribunal supérieur d'appel.
Votre ministère m'a fait savoir que le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle contiendra des mesures qui assureront, enfin, la séparation entre les dossiers d'instruction et ceux de jugement, et prévoira l'incompatibilité des fonctions de jugement au niveau des deux juridictions.
Il s'agit d'une bonne mesure, et il reste à souhaiter qu'elle se traduise par une justice plus humaine, rendant des sentences mesurées, dans un climat de grande impartialité.
Enfin, je ne terminerai pas, monsieur le ministre, sans dire un mot de la santé dans nos îles à la suite de l'incident qui a frappé l'un des médecins du centre hospitalier public de l'archipel et qui a suscité une grande inquiétude au sein de la population.
Nous sommes parfois très isolés et, par conséquent, des garanties absolues doivent être apportées à tous les malades, sans exception, en matière de diagnostic et de soins, que ce soit sur place ou lors des évacuations sanitaires, qui interviennent souvent dans un très petit avion, de nuit comme de jour.
Il importe donc au plus haut point que toute la lumière soit faite sur les compétences des médecins en service dans le centre hospitalier en question. La promesse m'en a été faite par votre collègue le ministre de la santé, et je pense que vous tenez également à ne pas laisser subsister de zones d'ombre dans ce domaine.
Monsieur le ministre, dans la difficile situation budgétaire que connaît notre pays, vous avez fait en sorte que le budget de votre ministère se maintienne bien. C'est déjà beaucoup, même s'il ne représente qu'un dixième de la globalité des actions de l'État outre-mer. Les crédits en faveur du logement social et de l'emploi, notamment, y tiennent une part importante.
Vous apportez à notre archipel un soutien vigoureux afin de créer les conditions d'un renouveau économique durable en dépit de nos handicaps que vous connaissez bien et dont les causes ne dépendent pas de nous.
En parallèle ou en réponse à ce soutien, des initiatives locales se sont développées de façon prometteuse, notamment dans le domaine de la diversification de la pêche.
La réouverture annoncée, bien que très limitée, de la pêche à la morue en 1997 dans les eaux canadiennes proches de l'archipel, ainsi que l'exploitation probable des quotas de crevettes OPANO ravivent les espoirs, même si chacun de nous est bien conscient que rien ne sera facile dans ce domaine où notre expérience nous a appris à ne pas rêver.
La coopération avec les provinces atlantiques canadiennes n'est pas du tout un vain mot grâce au partenariat instauré entre votre ministère et la collectivité territoriale. Elle donne des résultats concrets et, à travers elle, nous pouvons mieux participer activement au rayonnement culturel de la France.
Certes, il nous reste du chemin à parcourir, mais je crois que nous sommes sur une voie porteuse d'avenir et que nous parviendrons à passer le cap difficile où nous nous trouvons si, comme je l'espère, l'État continue à s'engager, ainsi qu'il l'a fait toutes ces dernières années, pour nous aider à relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Monsieur le ministre, je vous apporterai donc mon soutien et voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de mars dernier, les populations de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion étaient invitées à commémorer le cinquantenaire de l'érection de leur territoire en département français.
De l'avis unanime, le statut départemental s'est accompagné de progrès social, même s'il a fallu attendre cinquante ans après le vote de la loi pour parler d'égalité sociale entre les Français des départements d'outre-mer et ceux de l'hexagone.
Malheureusement, à l'évidence, au terme de ce demi-siècle il n'a pas été possible de déclencher un réel développement économique nécessaire à l'épanouissement des hommes et des femmes originaires de nos contrées. A quatre ans de l'an 2 000, nos pays souffrent d'un « mal-développement » qui est générateur d'exclusion, porte ouverte à des déviances de tous ordres et de violence.
L'Etat a en charge le développement économique et nous attendions de votre ministère un projet de budget à la hauteur de l'enjeu.
Grande est notre déception, pour ne pas dire notre désarroi, face à la modicité des moyens proposés d'autant que les documents mis à notre disposition n'ont pas une lisibilité suffisante pour déterminer la répartition des dotations destinées à chaque département ou à chaque territoire d'outre-mer.
Avec une augmentation affichée de 0,1 % par rapport à la loi de finances pour 1996, le budget de votre ministère, sacrifié sur l'autel de la rigueur, illustre le manque d'ambition du Gouvernement pour le développement de l'outre-mer et son peu d'empressement à répondre aux attentes pesantes et pressantes de nos départements et de nos territoires.
Les dotations aux collectivités locales sont en baisse ; les crédits du FIDOM centralisé chutent de 40,6 % ; la section décentralisée du FIDOM est purement et simplement supprimée à compter de 1997 ; la ligne budgétaire unique est mollement reconduite à son niveau de 1996 ; les autorisations de programme chutent lourdement de 6,2 %.
Ces restrictions s'abattront au moment où les dépenses des collectivités locales augmenteront de manière exponentielle du fait de la crise.
En Guadeloupe, nous comptons 22 811 RMIstes, 47 000 chômeurs, soit un taux trois fois supérieur à celui de l'hexagone, 45 000 ménages surendettés et 40 % d'entreprises en difficulté.
Ainsi, le département voit ses ressources réelles se tarir alors que ses dépenses explosent sous le poids de l'aide sociale. Depuis 1994, on constate une propension naturelle au désengagement de l'Etat.
Dans ce projet de budget, je ne retrouve aucune mesure forte en vue d'endiguer l'exclusion, ce fléau qui ronge notre région monodépartementale. Les aides à l'emploi et les subventions en faveur du logement social sont en baisse. Tout se passe comme si, après avoir atteint le niveau déclaré de l'égalité sociale, on abordait le mouvement inverse vers une régression sociale. Je demande bien évidemment à être rassuré sur ce point.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien l'étendue des besoins en logements de l'outre-mer : plus de 50 000 logements sont à construire d'ici à l'an 2000 et plus de 13 000 logements à réhabiliter. Comme vous le savez, une population trop nombreuse vit aujourd'hui, à la fin de ce siècle, dans des conditions inacceptables : 40 % de nos compatriotes habitent dans des logements insalubres, sans eau, sans électricité et sans sanitaires. Leurs logements sont inondés à la moindre pluie et emportés lorsque des vents violents soufflent. Ces personnes voient leur santé menacée, et leur sécurité n'est pas assurée.
Ce sont ces mêmes compatriotes qui sont frappés par le chômage et qui subissent la dure loi du travail clandestin. Leurs enfants sont menacés par l'échec scolaire.
Ces tragédies humaines ne sont pas, hélas ! des scories d'une autre époque. Elles concernent des femmes et des hommes français qui vivent dans l'outre-mer français.
Ces hommes et ces femmes vous écoutent avec ferveur lorsque vous déclarez faire de l'emploi et de l'insertion votre priorité dans l'outre-mer. Ils savent, tout comme nous, qu'il s'agit d'une réelle compétence de l'Etat. Vos déclarations suscitent en nous d'immenses espérances.
Alors, monsieur le ministre, il faut aller au-delà des mots et traduire vos intentions par des actes budgétaires importants. En l'occurrence, vos intentions se traduisent par une réduction globale des dotations, que votre présentation en masse budgétaire stable ne parvient pas à masquer. Il est à craindre que cette réduction n'entraîne une dégradation lourde de menaces pour la paix sociale. Il est clair que, compte tenu des crédits proposés pour le logement, la politique de la réhabilitation de l'habitat stagnera et que l'insalubrité perdurera encore longtemps.
Comment lutter efficacement contre le chômage lorsque vous n'affectez aucun moyen nouveau susceptible d'encourager la création d'emplois durables ? En cette année de célébration du cinquantenaire de la départementalisation, le chômage, qui mine en particulier les jeunes, ne doit plus être uniquement traité par l'expédient de l'emploi précaire.
Nos compatriotes revendiquent l'égalité des droits économiques par le travail stable. L'Etat possède la compétence en matière de politique d'incitation à l'emploi. Le Gouvernement a le devoir de donner des moyens d'impulser une véritable politique de l'emploi dans nos départements, en Guadeloupe, en particulier. Il vous faut obtenir les moyens de cette politique ; le Gouvernement doit vous les fournir.
Ces moyens vous sont indispensables pour corriger la fracture sociale et rester fidèle aux promesses de M. le Président de la République. En effet, comment pourrez-vous aider les communes à assurer la prévention contre l'insécurité et la violence si vous vous contentez d'inscrire dans votre budget une enveloppe symbolique au fonds social urbain ?
Les restrictions budgétaires qui caractérisent votre budget vont influencer lourdement nos économies déjà fragiles.
En Guadeloupe, les entreprises continueront d'être handicapées du fait des restrictions d'aides à l'emploi. Les deux piliers de notre agriculture, canne à sucre et banane, resteront en mauvais état. La production bananière devra continuer à se battre à armes inégales contre la concurrence de la banane latino-américaine.
Les options autoritaires prises par l'Etat au sujet de la restructuration de la filière canne-sucre-rhum montrent déjà leurs limites et leur incohérence : mauvais choix du site industriel, construction en plein centre de Grande-Terre d'une usine de charbon, dont les travaux ont débuté avant toute enquête publique et sans savoir par quel moyen cette centrale sera alimentée en eau.
On veut détourner l'eau du barrage d'irrigation en forçant la main du conseil général. On envisage, avec le concours de l'Etat, d'effectuer des forages dans la nappe phréatique, sans se soucier du déséquilibre de notre écosystème.
Le peuple de la Guadeloupe suit cette affaire avec beaucoup d'attention. Je réitère, dans l'intérêt collectif, le souhait que soient reprises les discussions de la filière canne-sucre-rhum.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Larifla.
M. Dominique Larifla. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la procédure d'aide aux agriculteurs en difficulté mise en place par la circulaire du 10 octobre 1988 dans le cadre de la loi dite « loi Nallet » n'a pas été appliquée en Guadeloupe.
Faut-il vous rappeler le problème épineux de la délimitation des zones de pêche des marins-pêcheurs de la Guadeloupe où rien n'est encore réglé ?
Faut-il vous rappeler la forte diminution des moyens mis à disposition de l'ANT au moment même où l'insertion des hommes fait figure de priorité à l'échelon national ?
Je terminerai en abordant un sujet qui réclame des éclaircissements et, surtout, des applications immédiales : l'éducation.
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la demande expresse des lycéens et des étudiants guyanais, a pris la décision de créer en Guyane une académie de plein exercice. C'était une décision juste, que nous saluons.
Bien sûr, tirant les conséquences logiques de cette situation nouvelle, M. Bayrou a déclaré dans la foulée la transformation de l'inspection de la Guadeloupe en véritable académie dotée de son rectorat.
Monsieur le ministre, il s'agit de la réponse appropriée à une très ancienne revendication des organisations syndicales guadeloupéennes relayée par les élus de progrès. Cette mesure doit se concrétiser rapidement avec la mise en place de moyens appropriés qui tiennent compte de notre situation d'archipel. Il serait inconcevable, en effet, que l'on se contente d'un simple redéploiement des moyens, déjà insuffisants, de l'actuelle académie Antilles-Guyane. L'université Antilles-Guyane devrait bénéficier des bonnes dispositions qu'affiche le Gouvernement dans ce domaine particulier.
Enfin, le moment est également venu de réinstaller en Guadeloupe le traitement de la paie des fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur quelques problèmes qui touchent plus particulièrement le département que je représente, la Réunion, et que je n'ai pu développer tout à l'heure.
Ainsi, en matière de logement, les besoins annuels sont estimés à 12 000 logements, dont 9 000 logements aidés. Or seulement 5 000 logements sont construits, alors qu'on évalue à environ 50 000 le nombre de demandes de logement qui s'accumulent dans les vingt-quatre communes de l'île.
D'ailleurs, dans le cadre de la préparation des assises de l'égalité sociale et du développement de l'outre-mer, parmi les dix priorités retenues pour la Réunion, les trois premières étaient consacrées au logement : doublement sur cinq ans des crédits inscrits à la LBU ; réforme de l'allocation logement par le classement de la Réunion en zone prioritaire ; enfin, diminution des taux d'intérêt et introduction du prêt à taux zéro.
La crise du logement dans les DOM s'est aussi manifestée à la Réunion au travers des actions parfois violentes menées par les artisans du secteur du BTP. Lorsqu'on sait que, à la Réunion, le BTP a perdu plus de mille emplois depuis le début de l'année, on comprend l'angoisse de ces salariés et entrepreneurs, qui voient leur avenir gravement menacé.
Toujours au sujet du BTP, outre le problème de l'assurance décennale déjà évoqué par mon collègue M. Lauret, le mécanisme de préretraite - il s'applique en contrepartie du recrutement d'un nombre équivalent de jeunes sous contrat à durée indéterminée - n'a toujours pas vu le jour, bien qu'il ait été annoncé lors des assises. Or ce dispositif, qui devrait concerner plus de 400 personnes à la Réunion, préfigure l'action à mener en faveur de l'emploi et de l'insertion.
Comme je le disais tout à l'heure, le bilan de l'insertion n'est pas satisfaisant.
Lorsqu'on sait que 16 % de la population des quatre départements d'outre-mer sont concernés par le RMI - en comptant les bénéficiaires et leurs familles ; le plus fort pourcentage se trouve, me semble-t-il, à la Réunion - lorsqu'on voit cette partie de la population, jeune surtout, oisive, sans occupation, ne sachant comment passer le temps - elle est donc tentée de plus en plus par la délinquance - on ne peut que s'interroger sur l'efficacité du dispositif et se demander s'il n'est pas temps de repenser le RMI pour en faire un véritable outil d'insertion, pour passer d'une logique d'assistance à une logique de remise au travail.
Ce débat a déjà été ouvert, notamment à l'occasion des assises de l'égalité sociale et, à l'Assemblée nationale, par certains collègues. M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale, que j'interpellais la semaine dernière à cette même tribune, a reconnu qu'il y avait sans doute là une expérience à tenter après une réflexion concertée.
S'agissant des aides à l'emploi et au développement, j'avais attiré votre attention l'année dernière, monsieur le ministre, sur les insuffisances de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dite « loi Pasqua », au regard de la spécificité des DOM. En effet, les entrepreneurs d'outre-mer n'ont pu bénéficier des exonérations fiscales prévues en raison de critères inadaptés.
Vous nous annoncez qu'un projet de loi est à l'étude, qui devrait corriger les imperfections constatées. Je saisis cette occasion, monsieur le ministre, pour exprimer le voeu que le statut d'entreprise franche - et les avantages qui peuvent y être attachés - soit accordé à tous les établissements économiques productifs des DOM. Cette solution m'apparaît en effet indispensable pour réaliser le désenclavement économique, en particulier de l'île que je représente, qui souffre cruellement de son « ultra-périphéricité » et dont le PIB par habitant s'élève seulement, je le rappelle, à 43 % de celui de la métropole.
J'aborderai enfin brièvement trois problèmes qui nécessitent votre soutien, monsieur le ministre, auprès de vos collègues du Gouvernement.
Le premier problème concerne l'alignement des tarifs téléphoniques sur ceux de la métropole.
Au nom de l'égalité et de la solidarité nationale, la quasi-totalité des prestations sociales outre-mer ont été, cette année, alignées sur celles de métropole. Pourquoi en serait-il autrement pour les communications téléphoniques ?
Je sais que l'action du Gouvernement, en particulier celle de M. Fillon, a permis d'obtenir une baisse de ces coûts. J'aurais aimé cependant que le processus d'alignement entre les tarifs d'outre-mer et ceux de la métropole soit achevé cette année, comme l'avait décidé le Président de la République.
Le deuxième problème a trait au prix du carburant destiné au transport aérien. Il n'est pas normal que le coût du carburéacteur - il représente environ 20 % du prix d'un billet Paris-la Réunion et 40 % des tarifs les plus bas, dits « promotionnels » - soit, à la Réunion, de 20 % à 40 % supérieur à celui qui est en vigueur dans l'environnement immédiat, à l'île Maurice, par exemple.
Cette situation pénalise les compagnies aériennes dans leur politique de recherche de réductions tarifaires et freine, par conséquent, le développement touristique de l'île.
Le troisième problème, enfin, est celui de la pêche dans les terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.
L'armement réunionnais, donc français, ne peut se développer si l'on augmente le nombre des opérateurs étrangers autorisés à pêcher dans les mers australes, car les ressources ne sont pas extensibles. On constate déjà une raréfaction de celles-ci !
A cela s'ajoute la question de la surveillance et de la pêche illégale : tout récemment, des bateaux de pêche étrangers ont été surpris quittant les eaux internationales pour entrer dans la zone française de Crozet ! Monsieur le ministre, l'avenir de la pêche industrielle française dans les TAFF est en danger.
En conclusion, je dirai que les récents événements qui se sont déroulés en Guyane sont révélateurs de la situation explosive qui prévaut dans les DOM. La Réunion souffre, comme les autres départements d'outre-mer, notamment la Guyane, d'un déficit cruel en enseignants. Je vous demanderai de bien vouloir y être attentif, monsieur le ministre, pour ne pas risquer de voir se répéter à la Réunion les émeutes survenues en Guyane et dont nous avons connu, hélas ! des précédents voilà quelques années.
Mais je sais, monsieur le ministre, que les départements d'outre-mer peuvent compter sur votre action et c'est pourquoi, à la fois à titre personnel et au nom du groupe de l'Union centriste, j'approuverai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des intervenants, notamment MM. les rapporteurs, à la fois pour la qualité et la pertinence de leurs observations et le ton relativement consensuel des prises de position, quelle que soit la sensibilité des uns et des autres.
Il a fallu attendre le 1er janvier 1996, c'est exact, pour que, après l'instauration de l'égalité institutionnelle des départements d'outre-mer avec la métropole, soit enfin achevée l'égalité sociale, conformément aux engagements du Président de la République.
Cinquante ans, c'est long ! Evitons de mettre encore cinquante ans pour réaliser l'égalité des chances en termes de développement.
L'élément le plus important à souligner est notre volonté à tous, y compris le Gouvernement, de mettre fin à une logique de rattrapage au profit d'une logique d'égalité des chances et de développement. Les départements d'outre-mer bénéficient désormais, avec les adaptations nécessaires à leurs spécificités, des grandes politiques lancées en métropole. C'est l'un des points les plus importants auxquels je m'attache : dès qu'intervient une mesure nationale, elle doit être appliquée à l'outre-mer, même si des adaptations sont nécessaires.
Certains d'entre vous, notamment M. Lagourgue, ont souligné toute la difficulté que nous éprouvons à mettre en oeuvre ces mesures en temps réel. C'est sans doute sur cet aspect qu'il importe de travailler.
Les crédits qui sont aujourd'hui soumis à votre examen représentent environ 11 % de l'effort global que l'Etat consacre à l'outre-mer. Ces crédits permettent au ministère de jouer son rôle de coordination et d'impulsion de l'action de l'Etat outre-mer ; ce sont ces crédits qui, depuis 1995 et, surtout, 1996, permettent à mon ministère de piloter directement les actions conduites en faveur de l'emploi, de l'insertion et du logement social, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.

Pratiquement tous orateurs - mais notamment M. du Luart, rapporteur spécial, et MM. Désiré, Blaizot et Lagourgue, rapporteur pour avis - ont souligné le fait que les crédits inscrits au budget du ministère de l'outre-mer ne représentaient pas tous les crédits concernant l'outre-mer. Comme vous, je le déplore. A l'exception des crédits relatifs au logement social, à l'emploi et à l'insertion professionnelle, il s'agit de crédits qui répondent à des situations données. Je souhaiterais, bien sûr, disposer de beaucoup plus de crédits disons « d'impulsion », orientés vers le développement et la création de richesses. L'an dernier, nous avons commencé à rapatrier au sein du budget du ministère de l'outre-mer un certain nombre de crédits. Il faut poursuivre dans cette voie.
Bien entendu, je souhaite vivement bénéficier de tous les soutiens nécessaires à cet effet. Ce n'est pas moi qui m'en plaindrai ! Je vous recommande vivement, mesdames, messieurs les sénateurs, d'intervenir sur ce sujet. Je sais que cela se fait : j'ai pu constater de telles interventions s'agissant du ministère de l'équipement ou du ministère de l'éducation nationale. En effet, par les temps qui courent, notre rôle est aussi de surveiller la gestion de ces crédits. L'outre-mer ne peut se confiner à moins de 5 milliards de francs, puisque 42 milliards de francs sont inscrits dans les autres ministères. Ce sont, bien sûr, ces enveloppes très importantes qu'il nous appartient aujourd'hui de surveiller.
Le projet de budget fixe les crédits à 4,86 milliards de francs, soit une progression de 0,1 % par rapport à 1996. Je ne m'étendrai pas sur le fait de savoir s'il s'agit d'une diminution en francs constants. Je ne me battrai pas sur le fait de savoir si ces crédits correspondent à une exacte reconduction ou non. Chacun a souligné l'exercice difficile de la contrainte budgétaire. Je dirai simplement à l'un des intervenants que ce qui a guidé l'élaboration de ce projet de budget, ce n'est pas Maastricht et le problème de la monnaie unique, mais un exercice budgétaire particulièrement difficile. Je ne rappellerai pas combien de budgets ont progressé ou diminué. Je préciserai simplement que nous sommes parmi ceux qui ont pu préserver une masse budgétaire tout de même importante.
Pour bien orienter les moyens de notre politique, il a fallu faire des choix. J'ai fait celui de l'emploi, priorité des priorités, avec la préservation des moyens qui y sont consacrés dans les départements d'outre-mer. C'est vers un véritable pacte de développement avec tout l'outre-mer que nous essayons aujourd'hui de nous engager.
La priorité est à l'insertion par l'emploi et le logement. Si je me suis engagé - nous nous sommes tous engagés - à donner la priorité absolue à l'insertion sociale, en outre-mer encore plus qu'en métropole, on ne peut pas séparer le problème du logement de celui de l'emploi.
Tous nos crédits pour l'emploi, vous le savez, sont regroupés au sein du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le FEDOM. Ils s'élèvent à 1,5 milliard de francs et augmentent de plus de 43 %.
MM. Désiré et du Luart ont précisé que, compte tenu de l'exécution de la loi de finances, l'augmentation est en réalité de 11 %. C'est vrai, mais si on compare le présent projet de budget à la loi de finances initiale de 1996, on doit constater que l'augmentation est de 43 % ; en effet, je ne sais pas ce qui se passera en cours d'exercice.
Nous bénéficions des mêmes outils qu'en métropole, à savoir les contrats d'accès à l'emploi, très proches des contrats initiative-emploi - désormais ils sont meilleurs puisque nous ne les avons pas réorientés uniquement vers les chômeurs de longue durée, nous les avons maintenus tels qu'ils avaient été créés à l'origine et les contrats emploi-solidarité.
Nous disposons en plus des dispositifs spécifiques des contrats d'insertion par l'activité, les CIA, et des primes à l'emploi. Je reviendrai tout à l'heure sur les CIA.
La réunion en janvier prochain, du comité directeur du FEDOM me permettra de procéder à une répartition des crédits et de déterminer le niveau des solutions d'insertion. J'envisage, à l'heure actuelle, de proposer de retenir le chiffre de 15 000 contrats d'insertion par l'activité en 1997, contre 10 370 en 1996.
Je dirai à M. Lagourgue que ces contrats d'insertion par l'activité enregistrent une montée en puissance qui est réelle. Ils constituent peut-être déjà une manière de parvenir à une activation des dépenses du RMI puisqu'il s'agit de contrats réels d'insertion par l'activité, même si les dispositifs ne sont pas encore tout à fait satisfaisants.
Le nombre total de nouvelles solutions d'insertion financées par le FEDOM, c'est-à-dire le nombre de solutions qui vont venir s'ajouter aux contrats engagés au cours de l'année 1996 et qui l'année prochaine se poursuivront, sera de plus de 55 000 en 1997.
Je sais bien qu'il n'y en a jamais assez, mais, si l'on y ajoute le dispositif qui a déjà produit ses effets au cours de l'année 1996, on disposera d'un nombre non négligeable de solutions d'insertion.
M. Lagourgue a également évoqué le bilan peu satisfaisant des différentes dispositions que nous avions annoncées et les lenteurs dans leur mise en oeuvre. Il a notamment cité le chèque emploi-service. Je déplore, comme lui, qu'il en soit ainsi. Le problème du chèque emploi-service tient au fait que le dispositif d'exonération de cotisations sociales était plus avantageux en métropole pour les emplois à domicile. Par conséquent, il était plus difficile de mettre en place ce dispositif dans les départements d'outre-mer.
En l'occurrence, un certain nombre de réunions et de concertations ont été nécessaires, notamment avec le ministère des affaires sociales. Le problème me semble résolu et le dispositif pourra entrer en vigueur à compter du 1er janvier 1997.
Par ailleurs, les agences départementales d'insertion que nous avons mises en place en 1996 sont aujourd'hui totalement opérationnelles.
Plusieurs orateurs, notamment MM. du Luart et Lise, ont fait part de leurs réserves sur le fonctionnement de ces agences. Rien n'est jamais parfait, mais ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut remettre en cause ce dispositif. En effet, le projet de loi sur la cohésion sociale, qui sera soumis prochainement au Sénat, prévoit pour la métropole un dispositif qui est inspiré de celui de l'outre-mer. Ce sera l'occasion pour nous, peut-être dès le début de l'année, d'établir un premier bilan avec les exécutifs départementaux, afin que les correctifs éventuellement nécessaires au bon fonctionnement des agences d'insertion soient mis en oeuvre.
Je l'ai dit d'emblée, nous voulions éviter la mise en place de ce qui aurait pu constituer une véritable usine à gaz. Il s'agit donc de regrouper au sein des agences l'ensemble des dispositifs d'insertion, de manière à être le plus proche possible du terrain. La qualité du fonctionnement de ces agences dépend pour beaucoup de la qualité des hommes qui sont mis en place et de la coopération entre les services de l'Etat et les services départementaux. Si nous sommes tous animés par la même volonté, nous n'aurons pas de problème. Puisque nous sommes vraiment disposés à corriger éventuellement le fonctionnement de ce dispositif, je n'ai aucune raison de penser que nous nous prendrons, si vous me permettez cette expression, les pieds dans le tapis.
En Nouvelle-Calédonie - M. du Luart l'a souligné - le dispositif « jeunes stagiaires pour le développement » sera, bien sûr, maintenu : 30 millions de francs lui seront consacrés, sur une enveloppe dont le montant total atteint, si ma mémoire est bonne, quelque 58 millions de francs. Il s'agit, vous avez pu le constater, d'une action qui donne de bons résultats sur le terrain...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. ... et il faudra essayer de la renforcer. Toutefois, pour l'instant, j'ai reconduit les crédits.
A travers ce projet de budget pour 1997, le Gouvernement maintient son effort au profit de l'insertion professionnelle des personnes en grande difficulté, notamment des jeunes.
L'insertion des jeunes de l'outre-mer, c'est aussi la formation dispensée par le biais du service militaire adapté. Malgré la réduction prévue du format des armées, le Gouvernement a décidé de maintenir le service militaire adapté. Il sera même renforcé en Polynésie française, avec la création de 42 emplois supplémentaires qui viendront compléter l'unité de Papeete, et ce sans incidence sur les crédits prévus par la convention après-CEP, monsieur Millaud.
Enfin, l'insertion par le logement sera poursuivie. Les moyens affectés à la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte sont maintenus, en capacité d'engagement, à leur niveau de 1996, soit 1 150 millions de francs.
Cette dotation est gérée directement par le ministère de l'outre-mer. Par ailleurs, nous vérifions si quelques autres crédits répartis dans les autres ministères ne pourraient pas venir renforcer son montant. Cependant - je réponds ici à la fois à MM. Désiré, Lagourgue et du Luart - un certain nombre de dispositifs, que je finirai par énumérer dans un document, se mettent en place, dont le financement est indépendant des crédits inscrits dans la ligne budgétaire unique. La baisse des taux d'intérêt et le maintien, en francs courants, des moyens représentent un accroissement de capacité d'intervention de l'ordre de 100 millions de francs. Je sais bien que ce n'est pas encore suffisant,...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce n'est pas négligeable !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. ... mais ces crédits ont le mérite d'exister, il faut le souligner.
Au total, 15 000 opérations seront financées, puisque 11 000 logements seront construits et 4 000 réhabilités.
Par ailleurs, si la créance de proratisation - je m'adresse notamment à M. Lagourgue - est un peu plus faible que ce qu'elle devrait être, c'est parce que nous ne savons pas aujourd'hui avec précision quel sera le nombre des bénéficiaires du RMI. Le montant final sera vraisemblablement supérieur à celui qui a été fixé.
J'ai bien reçu le message à propos du logement des personnes les plus démunies. Nous avons fait un certain nombre de choses à ce propos et je me permettrai de répondre plus précisément sur ce point tout à l'heure.
En tout cas, en ce qui concerne les logements d'urgence, dont l'exécution a été décidée par le Gouvernement, un quota a été attribué aux départements d'outre-mer. Reste à savoir maintenant si, sur le terrain, l'exécution de ces logements d'urgence a suivi. Je sais que, dans un ou deux départements, il y a eu quelques problèmes, mais je crois que l'exécution a suivi en Guadeloupe.
La mise en oeuvre d'une « charte de l'habitat » dans une programmation concertée avec l'Etat permettra d'associer élus, opérateurs du logement et professionnels du bâtiment.
J'ajoute, en réponse à M. du Luart et aux autres orateurs qui ont soulevé cette question, que nous mettrons en place le prêt à taux zéro au début de l'année 1997. Le seul problème de son adaptation à l'outre-mer tient au fait que les mécanismes des prêts spéciaux immédiats subventionnés sont plus avantageux dans les départements d'outre-mer que les mécanismes du prêt à taux zéro tel qu'il est pratiqué en métropole. Pour instituer un véritable prêt à taux zéro outre-mer, nous étions donc obligés de trouver un autre système, notamment peut-être la suppression du PSI non subventionné qui ne fonctionnait pas très bien. Je m'en excuse, monsieur Lagourgue, mais il faut bien trouver l'argent quelque part et, pour l'instant, nous serons obligés de voir avec a LBU ce que nous pourrons faire. Cependant, il faut tout de même bien voir que cela a un effet d'entraînement. En effet, derrière la petite somme complémentaire pour réaliser ce prêt à taux zéro, il y a tout un mécanisme qui se met en place, notamment en termes de construction.
Je rappelle qu'en métropole le prêt à taux zéro a été financé par la suppression des PAP. Il a donc été financé dans le cadre d'une enveloppe budgétaire.
Il faudra, bien entendu, surveiller la manière dont cela se fera. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que l'on recherche d'autres solutions.
Dans ces domaines, je le répète car c'est vraiment la pierre philosophale, la pierre angulaire de toute la politique outre-mer, il faut prendre réellement en compte les spécificités de chaque département, territoire ou collectivité territoriale. En effet, on ne résout pas les problèmes de la même manière à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou en Guyane.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. La collaboration avec les collectivités d'outre-mer sera accentuée dans cet objectif de progrès économique et social.
Après l'égalité sociale, il faut bien sûr, et vous l'avez tous compris, mettre en oeuvre une égalité des chances pour le développement. C'est un objectif commun à l'ensemble de l'outre-mer.
Cet objectif ne peut pas être mené unilatéralement de Paris. Il doit associer Etat et collectivités territoriales, dans le respect, bien sûr, des compétences de chacun.
Nous poursuivrons notre effort d'accompagnement des collectivités d'outre-mer malgré un aménagement national dans la programmation des contrats de plan. Je sais bien que, dans son rapport, M. Désiré a émis quelques réserves. Dans le contexte actuel, j'essaie au moins de faire en sorte que l'exécution des engagements contractuels de l'Etat soit la priorité des priorités. J'ai, sur ce point, l'appui de M. le Premier ministre et de M. le Président de la République. Je demande que les engagements contractuels pris par l'Etat soient respectés. Si nous y parvenons dans les prochains mois, ce sera déjà un grand pas de fait vers plus d'activité et plus de moyens financiers.
La semaine dernière, j'ai fait part aux responsables de Wallis-et-Futuna de mon souci que les engagements budgétaires prévus au titre du contrat de plan et de la convention de développement soient tenus.
Je réunirai une commission de coordination des investissements pour ce territoire. Une délégation était présente la semaine dernière. J'ai agi dans le même esprit, voilà quelques semaines, pour Mayotte. M. Henry l'a souligné. La procédure qui consiste à réunir département par département, territoire par territoire ou collectivité par collectivité un comité sur les problèmes d'investissement avec l'ensemble des responsables ministériels, notamment ceux du budget, est certainement la meilleure manière de faire avancer les choses.
En 1997, les fonds d'investissement pour les départements d'outre-mer et pour le développement économique des territoires d'outre-mer bénéficient d'une dotation de 374 millions de francs en autorisations de programme et de 394 millions de francs en crédits de paiement, ce qui permettra à l'Etat de jouer son rôle de partenaire économique des collectivités territoriales et de l'Union européenne.
La réforme du fonds d'investissement des départements d'outre-mer permettra, comme certains d'entre vous l'ont souligné, de financer des mesures spécifiques d'aménagement du territoire. Certes, la section décentralisée du FIDOM, à laquelle vous étiez attachés - je le suis d'ailleurs moi aussi, ainsi que l'ensemble des ministres de l'outre-mer qui se sont succédé - est en diminution. Ce n'est pas faute d'avoir mené le combat et les batailles successives, mais nous devons bien constater que ces crédits n'ont cessé de diminuer, pour atteindre aujourd'hui 50 millions de francs. In cauda venenum ! Il fallait cependant commencer dès le début à crever l'abcès et bien dire que nous étions extrêmement attachés à cette section.
En revanche, ce sur quoi il faut se battre plus que jamais aujourd'hui - et je réponds là à un certain nombre d'intervenants - c'est sur les crédits de paiement en matière de FIDOM à la fois global et décentralisé. Nous connaissons en effet ces retards en la matière et, pour l'instant, nous en sommes au point mort. Nous avons mené une expertise contradictoire avec le ministère de l'économie et des finances et, selon les instructions du Premier ministre, le chiffre définitif devrait être fixé avant la fin de cette année entre le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'économie et des finances. Je ne peux donc pas donner de chiffre aujourd'hui, mais celui-ci devrait être de l'ordre de plusieurs centaines de millions de francs. M. le Premier ministre devra ensuite arbitrer entre le ministère extrêmement dépensier qu'est le ministère de l'outre-mer et le ministère extrêmement protecteur de nos finances publiques - mais tel est bien son rôle légitime - qu'est le ministère de l'économie et des finances.
C'est en tout cas un engagement que je prends, et je me battrai sur cette question parce que j'ai bien conscience qu'un certain nombre de collectivités locales ont engagé, à la suite de l'ouverture d'autorisations de programme, des crédits de paiement pour préfinancer des opérations et se trouvent donc dans une situation extrêmement difficile. Vous pouvez compter sur moi, d'autant que ce n'est pas le seul ministre qui se battra, mais aussi et surtout l'élu local.
A la décharge du Gouvernement, il faut souligner que nous avons essayé d'entamer une certaine remontée des crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme. Je ne veux faire de procès politique à aucun de mes prédécesseurs, mais je dois bien constater que, ces dernières années, on a ouvert des autorisations de programme d'une manière extraordinaire sans prévoir aucun crédit de paiement. Lorsque ce gouvernement a pris ses fonctions en 1993, il a donc dû résoudre ce problème. Or, à l'époque où les autorisations de programme avaient été ouvertes, la croissance était un peu plus soutenue qu'aujourd'hui ; actuellement, nous traversons une période très difficile. Cependant, avec la conjonction de tous nos efforts, je ne désespère pas de commencer, en 1997 et en 1998, un rattrapage des crédits de paiement.
En contrepartie de la suppression du FIDOM décentralisé, j'ai obtenu une enveloppe de 27 millions de francs pour engager une politique d'aménagement du territoire dans les départements d'outre-mer.
Monsieur Désiré, vous avez souligné dans votre rapport la nécessité de bien veiller à ce que les crédits nécessaires à cette politique soient engagés. Je ne puis vous donner une estimation sur ce que seront les crédits nécessaires à la politique d'aménagement du territoire, mais les 27 milions de francs auxquels j'ai fait allusion nous permettront d'engager cette politique au cours de l'année 1997. Quoi qu'il en soit, cette ligne budgétaire devra être dotée de 80 millions à 100 millions de francs pour être efficace.
M. Blaizot m'a posé la question du calendrier.
Je présenterai dans les prochains mois au Parlement - tout au début de l'année prochaine, je l'espère - un projet de loi d'aménagement du territoire adapté aux DOM. L'objet de ce texte sera de favoriser par des incitations fortes l'implantation dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon d'activités nouvelles tournées vers l'exportation. Il visera à reconnaître un zonage ultra-périphérique puisque la loi Pasqua n'y produisait pas tous ses effets.
Nous poursuivrons également la politique de coopération avec les territoires d'outre-mer, qui sont véritablement, avec leur statut propre, les acteurs de leur développement.
La Nouvelle-Calédonie bénéficiera d'une dotation d'investissement de 390 millions de francs, ce qui représente, par rapport à 1996, une hausse de 3 % des moyens de paiement. Ainsi, les engagements de l'Etat pris lors des accords de Matignon seront intégralement respectés.
Il faut préserver les crédits de l'ADRAF, et je ne vous cache pas qu'ils avaient failli être gelés ou gagés. Mais nous sommes immédiatement montés au créneau et leur montant a été préservé, pour 1997, à 6 millions de francs, c'est-à-dire qu'ils ont retrouvé leur niveau de 1995.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il va falloir repasser à 10 millions de francs !
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Oui, vous avez raison, mais, selon les estimations qui sont faites aujourd'hui, ces crédits sont bien consommés à concurrence de 5,5 millions à 6 millions de francs. Il faudra en tout cas revenir sur ce dossier.
S'agissant du nickel et de l'usine du Nord, nous avons repris le dialogue avec chacun des partenaires calédoniens.
Vous noterez qu'en Nouvelle-Calédonie les contrats de développement ne subissent pas l'incidence de l'étalement sur une année supplémentaire, comme la participation à l'effort budgétaire national l'impose dans les autres départements et territoires.
Une nouvelle étape des relations entre l'Etat et les territoires d'outre-mer a été marquée, cette année, par la loi organique du 12 avil 1996, qui élargit l'autonomie de la Polynésie française au sein de la République. Le Premier ministre et le président du gouvernement de la Polynésie française ont signé, le 25 juillet 1996, une convention pour le renforcement de l'autonomie économique du territoire.
Par cette convention, l'Etat s'est engagé, pour une durée de dix ans, à maintenir au bénéfice de l'économie de la Polynésie les flux financiers qui résultaient du Centre d'expérimentation du Pacifique. Le montant de référence est fixé à 990 millions de francs par an, et je suis partisan comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'isoler ces flux du budget du ministère de la défense, afin des rendre plus visibles.
Je rappelle à M. Jean-Marie Girault que nous proposerons au Parlement une modernisation de la loi sur les communes de Polynésie française à la suite du rapport qui a été présenté récemment au Gouvernement.
La commission paritaire sera mise en place dans les tout prochains jours, ainsi que le prévoit la convention, et associera l'Etat, les communes et le territoire. Un droit d'entrée des communes est d'ailleurs prévu pour la présentation de projets, et elles devront l'utiliser dans le cadre du fonds créé par la convention.
Enfin, l'effort de collaboration sera renforcé à l'égard des collectivités locales en difficulté, dont la situation financière est globalement plus dégradée qu'en métropole alors même que leur influence sur l'activité économique est relativement supérieure à celle des collectivités de métropole.
Je sais que les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 1997 sont insuffisants - ils l'étaient également en 1996 - mais, dans le projet de loi de finances rectificative dont vous débattrez bientôt, j'ai pu obtenir une enveloppe de 10 millions de francs pour la ville de Cayenne.
Ce geste important de la part de l'Etat a permis la signature, il y a quinze jours, d'un protocole d'accord.
Venant d'évoquer la ville de Cayenne, j'en viens tout naturellement à m'arrêter quelques instants sur les mesures annoncées à l'occasion du déplacement que j'ai effectué en Guyane.
A l'issue des entretiens que nous avons eus sur place avec l'ensemble des interlocuteurs qu'il convenait d'entendre et d'écouter - le représentant de l'Etat, mais aussi les parlementaires, les élus de la région, du département, des communes, les représentants syndicaux, le collectif des lycéens, des enseignants, des parents d'élèves, ou encore les milieux socioprofessionnels - le ministre de l'éducation nationale a annoncé des décisions importantes.
La première est la création, dans ce département, d'un rectorat de plein exercice. Il s'agit d'ailleurs d'une demande ancienne puisque je me souviens que, en 1987, lors d'un premier déplacement que j'avais effectué en Guyane avec M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, ce dernier avait insisté sur la nécessité de mettre en place ce rectorat. Nous avons certainement un peu tardé, car on ne peut pas gérer à 2 000 kilomètres de distance les problèmes guyanais, qui sont totalement différents de ceux des Antilles.
Je le dis cependant ici - et j'anticipe de ce fait sur la réponse que j'apporterai tout à l'heure à M. Vergès - il s'agit, pour la Guyane, d'un rattrapage par rapport aux Antilles. La technique qui consiste à regarder ce qui est fait chez les autres et à le demander pour soi n'est donc pas bonne, il faut prendre en considération ce que l'on a déjà chez soi. En l'occurrence, un rattrapage était nécessaire en Guyane par rapport aux Antilles et c'est dans ce cadre que nous nous sommes engagés.
La deuxième décision est la mise en oeuvre d'un plan de rattrapage devant permettre, sur deux rentrées scolaires, l'entrée dans l'enseignement primaire et préélémentaire des effectifs non scolarisés à ce jour, soit l'équivalent d'environ 3 000 enfants. Plusieurs dizaines de classes - entre 60 et 100 selon des estimations qu'il convient désormais d'affiner en liaison avec les communes d'accueil - devront être ouvertes à cette fin.
Pour l'enseignement secondaire, des crédits exceptionnels, notamment en matière de sécurité, seront dévolus à la prise en charge des besoins les plus urgents des collèges et des lycées, en liaison avec le département et la région de Guyane.
Il existe, bien sûr, des crédits pour remplir ces engagements, notamment en matière de travaux de sécurité. Pourquoi ne peut-on pas débloquer ces crédits ? Parce que, face à la contribution de l'Etat, qui intervient pour 50 %, il n'y a pas de contribution des collectivés locales. La démarche de bon sens serait tout simplement, dans ces conditions, d'éviter de demander à des collectivités une compensation qu'elles ne peuvent pas assumer et d'utiliser au moins les crédits disponibles. Il faut, en effet, mettre en oeuvre immédiatement les différentes mesures qui ont été annoncées.
Par ailleurs, le soutien aux partenaires économiques est renforcé.
Le développement économique passe par la dynamisation des secteurs traditionnels, qui représentent un potentiel d'activité et d'emploi irremplaçable.
Là aussi, l'Etat, qui ne peut pas se substituer aux producteurs et aux entreprises, jouera pleinement son rôle de partenaire actif. Nous veillerons à ce que les intérêts des producteurs outre-mer - je pense en particulier aux secteurs de la banane et du sucre - soient en permanence pris en compte aux niveaux européen et mondial.
A ce sujet, je rappelle que les Assises de l'égalité et du développement, que j'ai réunies en février à Paris, ont donné lieu à des mesures d'amélioration de l'accès au financement des entreprises. Je réponds, à cet égard, aux questions soulevées par M. du Luart dans son rapport et je pense plus particulièrement à l'abaissement du taux de réescompte et à la conclusion d'une convention SOFODOM-SOFARIS. Ce sont des petites mesures techniques, mais elles peuvent libérer beaucoup d'énergie.
Le fonds de participation aux PME, destiné à renforcer la structure même des entreprises, c'est-à-dire leurs fonds propres, a été étendu à la Guadeloupe.
Ces mesures seront prolongées et amplifiées en 1997 par la mise au point d'une inflexion des actions du groupe de la Caisse française de développement dans le sens d'une plus grande adaptation à la situation des entreprises et du réseau bancaire de chaque département.
Ces actions en faveur du développement économique ne peuvent être menées en faisant abstraction de la dimension internationale de l'outre-mer. Nous avons ainsi créé, au sein même du ministre de l'outre-mer, un bureau des affaires internationales pour suivre toutes les actions de coopération régionale, ce qui complète l'action menée sur les grands dossiers européens, qu'il s'agisse des actions de défense de l'OCM banane ou de celle qui est menée dans le cadre de la conférence intergouvernementale.
Dans cet état d'esprit, j'ai demandé et obtenu que le prochain comité interministériel de la mer, qui se tiendra en 1997, soit consacré à l'outre-mer.
Je souhaite que les représentants des collectivités d'outre-mer deviennent de véritables acteurs de la coopération régionale et contribuent à l'action diplomatique française. Il en va du progrès économique de l'outre-mer et du rayonnement de la France.
Voilà trois semaines, je réunissais en Guadeloupe, avec mon collègue Jacques Godfrain, les élus de nos trois départements français d'Amérique. Il me paraît, en effet, essentiel de mieux coordonner, en liaison avec mes collègues des affaires étrangères et de la coopération, nos différentes initiatives dans nos zones outre-mer, de mettre en synergie les actions des préfets, des ambassadeurs, des commandants supérieurs des forces armées et des élus.
Je tiens particulièrement ici à remercier Mme Lucette Michaux-Chevry, que le Président de la République a nommée auprès de lui pour développer cette coopération régionale dans les Caraïbes. Son rôle, identique à celui de M. Gaston Flosse pour le Pacifique-Sud, est essentiel pour l'intégration de nos collectivités et l'expansion de nos entreprises dans leur environnement régional.
Dans l'océan Indien, nous avons également la volonté d'intégrer l'ensemble des collectivités - et notamment Mayotte - ainsi que les entreprises au développement économique de la zone.
Dans l'Atlantique-Nord, la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada est en marche. Comme vous l'avez souligné, l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994 se traduit désormais par des avancées concrètes, qu'il s'agisse des projets avec les provinces atlantiques et canadiennes ou de la pêche, avec la levée progressive du moratoire sur la morue.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget se maintient à 0,31 % des dépenses de l'Etat. Il doit s'analyser comme un compromis entre la maîtrise des dépenses publiques, qui s'impose à tous les budgets ministériels, et les besoins prioritaires des départements et des territoires d'outre-mer.
Comme vous l'avez vu, il met l'accent sur la politique contractuelle, qui est plus spécifiquement axée sur l'aménagement du territoire et sur l'insertion sociale et professionnelle. C'est la mise en oeuvre des grandes orientations fixées par les assises de l'égalité sociale. C'est le premier pas d'un pacte pour le développement de tout l'outre-mer.
Monsieur le président, il me reste à répondre aux questions des différents intervenants. Puis-je le faire maintenant ou dois-je attendre la reprise de la séance, à quinze heures ?
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement dispose d'autant de temps qu'il le souhaite. C'est à vous d'apprécier si vous ne risquez pas de mécontenter vos collègues ministres en retardant l'heure de passage de leur budget.
S'il vous est possible de répondre aux orateurs dans les quinze minutes qui viennent, pourquoi pas ? Sinon, sans doute serait-il plus prudent de suspendre maintenant nos travaux et de les reprendre à quinze heures.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je vais m'efforcer de répondre aux questions dans les quinze minutes qui viennent ; mais cela me conduira à écourter mon intervention alors qu'il m'avait été indiqué que je disposais de quarante-cinq à cinquante minutes et que nous achèverions la discussion du budget de l'outre-mer cet après-midi. En tout état de cause, je n'empiéterai donc pas sur le temps de mes collègues ministres.
Je remercie Mme Michaux-Chevry d'avoir souligné l'ampleur des efforts, ainsi que la nécessité d'une meilleure coordination.
Mon souhait essentiel est que chaque département d'outre-mer soit représenté aux assises du développement et qu'y viennent même ceux qui considèrent qu'il ne s'agirait que d'une sorte de grand-messe à laquelle il ne faudrait pas s'associer.
En effet, ce qui m'inquiète bien souvent, c'est le nombre des demandes que les uns et les autres qualifient toutes de prioritaires et qu'il faut mettre en cohérence, car il n'est pas possible de tout faire seul. On a besoin à la fois de l'Etat, de la région, du département, des mairies, et même de l'Europe. Il nous faut tous nous asseoir autour d'une table pour essayer de définir des priorités, même si elles ne doivent pas toutes être satisfaites.
Madame le sénateur, vous avez posé une question qui me paraît importante sur le fonds de péréquation des transports aériens. Il ne s'agit nullement de supprimer les transports aériens de chaque région, et le fait que la Guadeloupe fasse partie d'un archipel - vous m'en avez bien souvent vanté les mérites, mais cela présente aussi des inconvénients - sera pris en compte.
J'ai récemment demandé à M. Dominique Bussereau, député, qui a été nommé chargé de mission, de me remettre un rapport sur ces problèmes de transport. C'est aujourd'hui chose faite.
Bien sûr, nous tiendrons compte de l'état respectif d'Air Martinique, d'Air Guadeloupe et d'Air Guyane. Sans aller immédiatement, ce qui serait très difficile, jusqu'à créer une compagnie régionale unique, je pense que chacun pourra garder sa spécificité, tout en coordonnant mieux ses actions. Chacun pourra ainsi bénéficier pleinement du soutien que peut apporter le fonds de péréquation des transports aériens à ce que je considère, pour ma part, comme une activité régionale. Sinon, que voudrait dire les expressions « région Antilles-Guyane », ou « marché unique régional » ?
Je vous remercie également, madame le sénateur, pour l'aide que vous avez apportée, notamment dans l'amélioration du logement social et la mise en cohérence avec les actions engagées par le Gouvernement.
Vous avez souligné le problème des délais de mandatement. Le travail que fait la région, l'Etat aussi s'efforce de le faire.
Je rappelle d'ailleurs qu'une disposition extrêmement importante édictée par M. le Premier ministre vient d'être mise en oeuvre dans les départements d'outre-mer : elle consiste à considérer que, si l'Etat ne remplit pas ses engagements vis-à-vis de telle ou telle entreprise, celle-ci ne peut plus être poursuivie pour ses dettes fiscales ou sociales. Voilà qui s'imposera à tous et qui obligera nos administrations à faire preuve de plus de diligence.
J'ai bien noté la mise en place du projet DELGRES qui, si mon souvenir est exact, est aussi le nom du fort de Basse-Terre. Ce projet pilote est d'une extraordinaire ampleur et d'un tel dynamisme que je puis vous assurer du soutien du ministère de l'outre-mer, dans la mesure de ses possibilités et de ses moyens. Mais je crois nous ne pourrons avancer qu'en mettant en synergie l'ensemble de nos moyens.
J'en viens à la réforme foncière en Guadeloupe. La SAFER de Guadeloupe est actuellement au point mort et il faut sûrement la revitaliser. Je viens d'ailleurs de saisir le ministre de l'agriculture de cette question.
Je reviens sur le problème du pool bancaire et des groupements de producteurs de bananes, qui sont chargés de recevoir l'aide compensatoire et de la reverser aux planteurs.
Les groupements guadeloupéens, mais aussi martiniquais, sont aujourd'hui confrontés à des difficultés de financement en raison de la faiblesse des cours de la banane. Lorsqu'ils versent des avances aux planteurs, ils doivent faire face à leurs besoins de trésorerie, qui sont d'autant plus importants que les cours sont bas.
Le préfet de Guadeloupe doit incessamment rencontrer les banquiers locaux, et j'ai donné la consigne de faire preuve d'une grande efficacité dans le déblocage de ce dispositif.
Monsieur Lise, je ne reviendrai pas sur l'importance du budget, car j'en ai déjà parlé.
Vous avez souligné, en une ou deux phrases, la réduction des crédits, ce que je ne pense pas être la réalité.
Ainsi, en ce qui concerne la LBU, vous avez prétendu que certains crédits de paiement risquaient de manquer. Or, au moment de l'arbitrage budgétaire, puisque nous avons maintenu à niveau les autorisations de programme, M. le Premier ministre a pris l'engagement de prévoir les crédits de paiement qui seraient nécessaires sur la LBU en cours d'année, si le besoin s'en faisait sentir.
Au sujet de la LBU, vous avez utilisé le terme d'« effondrement » ; c'est terme un peu fort à mon sens. Même si nous n'arrivons pas à répondre aux énormes besoins qu'il faudrait couvrir, j'estime qu'il ne s'agit pas tout à fait d'un effondrement.
Lourdeur, rigidité et inadaptation des procédures, j'en suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le sénateur. Mais il ne faut pas oublier - sans vouloir les mettre en cause - le rôle des élus.
Je prends la part de responsabilité de l'Etat car, bien souvent, nous parlons globalement des crédits, notamment des dotations de la LBU, plutôt que concrètement. Nous oublions trop souvent qu'il s'agit de projets particuliers, portant sur un lycée ou un collège, par exemple, et que, s'il faut penser globalement à une politique pour l'outre-mer, il faut surtout agir localement pour essayer de répondre aux besoins.
A propos du FEDOM, notamment des agences départementales d'insertion, qui sont mal adaptées à leur mission, voyons ensemble comment nous pourrions non pas remettre en cause l'ensemble du dispositif, mais revoir certaines des procédures.
Vous avez conclu en évoquant le problème des deux assemblées départementales et votre souhait d'aller vers une assemblée unique. Je pense que nous devrions bien réfléchir avant de modifier le système en vigueur. En effet, d'abord, la période actuelle n'est peut-être pas propice aux réformes institutionnelles. Ensuite, l'on s'engagerait ainsi sur un chantier extrêmement lourd.
Par ailleurs, mon expérience des deux assemblées m'a prouvé qu'elles représentaient deux fois plus de décentralisation et permettaient d'équilibrer le jeu des pouvoirs. Imaginez une assemblée unique, avec un seul président, un seul bureau... quelle que soit la majorité. Que dirait-on ?
Je suis tout à fait ouvert à une telle réflexion. Mais il faudrait, si tout le monde en était ainsi d'accord, modifier en conséquence la Constitution.
Je voudrais également souligner qu'à la suite de la réunion sur la LBU à la Martinique nous avons décidé, avec les services du conseil général, de passer à une gestion pré-opérationnelle, c'est-à-dire pluriannuelle de la LBU, de manière à essayer de résoudre un certain nombre de cas.
Mais les élus locaux ne sont pas, eux non plus, totalement indemnes de reproches. Ainsi, des réseaux d'assainissement sont nécessaires pour réaliser des constructions, et ce sont normalement les communes qui doivent en assumer la charge. Or les travaux nécessaires ne sont pas toujours réalisés, et de nombreuses opérations doivent être reportées, retardées. Et c'est avec la LBU que sont financés non seulement le logement social, mais aussi les réseaux d'assainissement, afin que certaines opérations soient réalisées.
Je ne sais que répondre à M. Bécart après avoir entendu son discours. J'ai simplement envie de vous poser une question, monsieur le sénateur : êtes-vous déjà allé en outre-mer ? Avez-vous visité les départements d'outre-mer, notamment la Guyane ? A vous entendre, je n'en suis pas certain.
Vous nous avez reproché d'organiser la consommation artificielle des ménages, alors qu'il s'agit pour nous de promouvoir l'égalité sociale. Vos propos m'ont inquiété parce que, me semble-t-il, le parti que vous représentez demande de relever le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français et qu'il serait inconvenant de traiter différemment les Français de métropole et ceux de l'outre-mer.
Vous m'avez demandé pourquoi le Gouvernement n'avait pas saisi l'occasion de la conférence intergouvernementale pour faire figurer au coeur du traité la fameuse annexe. Croyez bien qu'on ne vous a pas attendu !
L'ensemble des parlementaires de l'outre-mer se sont réunis à Strasbourg. Et depuis trois ans, nous travaillons d'arrache-pied. Nous sommes d'ailleurs parvenus à un texte qui, parce qu'il est un peu différent de celui de nos homologues portuguais et espagnols, va être soumis à arbitrage, sous la présidence irlandaise.
Nous n'avons donc pas attendu aujourd'hui pour agir. Si tel avait été le cas, nous porterions effectivement une réelle responsabilité.
Je crois qu'il vous faut étudier plus attentivement les rapports, notamment ceux de vos collègues qui sont plus proches de votre sensibilité et qui connaissent bien les départements et territoires d'outre-mer : je suis certain que vous y apprendriez bien des choses.
Monsieur Othily, « le système départemental a atteint ses limites », m'avez-vous dit. Je ne vais pas vous répondre à cette tribune que je pense comme vous : cela créerait un événement ! Je dois reconnaître toutefois que la citation que vous avez faite du général de Gaulle ne m'est pas du tout indifférente.
Cela étant, il s'agit d'une affaire dont la Guyane doit se saisir et pour laquelle elle doit trouver un consensus global.
Il faut bien comprendre que, si nous sommes attachés au département de la Guyane, l'organisation même et la mise en place de toutes les structures départementales, qui sont, il faut bien le dire, en décalage total avec la progression démographique, ne permettent pas de résoudre les problèmes.
Quand on me demande, comme vous l'avez fait, monsieur du Luart, comment les choses se passent et si elles sont réglées, je réponds qu'elles le sont peut-être, pour un temps, en matière d'éducation, mais que le problème fondamental de la Guyane est bien celui de l'immigration ! La Guyane est en effet passée de 80 000 habitants en 1983, à 160 000 habitants, voire plus, en 1996. Tant que l'on n'aura pas une politique d'immigration, conforme à nos valeurs républicaines et au pacte républicain - car il ne s'agit pas de mettre dehors n'importe qui n'importe comment - les problèmes demeureront !
J'ai 1 250 kilomètres de frontières à protéger et, sur le Maroni, je ne dispose que de trois pirogues ! Même si, demain, j'en avais cinq avec deux gendarmes et un guide à bord, cela ne résoudrait rien ! Je travaille depuis six mois sur une véritable politique de l'immigration pour la Guyane et un plan devrait être mis en place qui passe aussi par la coopération avec le Suriname et le Brésil. Mais cela se fait petit à petit.
Vous m'avez demandé d'élargir la défiscalisation aux opérations de restauration du patrimoine bâti guyanais. Nous l'avons fait pour le logement intermédiaire. Mais je retiens votre idée. Il n'y a pas, à ma connaissance, de secteur sauvegardé aujourd'hui en Guyane. Parmi les dispositions de notre arsenal législatif relatif au patrimoine - Dieu sait si je les connais compte tenu de ma qualité de maire de Sarlat - il faut voir si l'une d'elle ne pourrait pas être adaptée à la Guyane pour permettre des opérations de restauration du patrimoine : je pense notamment à la ville de Cayenne, où il existe de très beaux bâtiments.
S'agissant de l'agence régionale de l'hospitalisation qui vient d'être créée, il s'agit d'une toute petite structure comprenant une dizaine de personnes. Elle ne va donc pas mettre en place à elle seule toute la politique hospitalière, mais elle va gérer et définir les missions de chaque hôpital.
Si elle avait été créée en Martinique, on m'aurait demandé pourquoi je ne l'avais pas créée en Guadeloupe, et si elle l'avait été en Guadeloupe on m'aurait dit l'inverse ! Même si son site principal est en Guadeloupe, j'ai demandé que les réunions se tiennent à tour de rôle dans chacun des départements, et M. Jacques Barrot m'a donné son accord. Les choses se régleront donc sur place, c'est bien clair !
M. le président. Monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'il vous reste à répondre à huit orateurs et que cela vous amènerait au-delà de treize heures trente, je vous propose d'interrompre maintenant votre réponse et de la poursuivre à quinze heures quinze.
Cela étant, je suis à la disposition du Gouvernement, moi qui présiderai les travaux du Sénat cet après-midi et ce soir.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je termine ma réponse à M. Othily, si vous le permettez, monsieur le président. A la reprise, je poursuivrai avec la réponse à M. Vergès.
Monsieur Othily, nous allons déposer un amendement permettant la création d'une commission de validation des titres dans le cadre du projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géographiques dans les DOM. Je retiens votre demande pour la Guyane.
S'agissant de l'évolution des crédits du ministère, vous avez posé des questions sur ceux qui sont consacrés à l'investissement. Ce que nous cherchons à faire - et ce que nous avons fait, je crois qu'on peut le dire - c'est à respecter les engagements du contrat de plan.
Ainsi, le chapitre est entièrement contractualisé, ce qui représente au total 102 millions de francs de crédits, soit 20,2 millions de francs par an sur cinq ans. L'étalement sur six ans de la mise en oeuvre du contrat de plan, qui a été décidé par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, entraîne une légère baisse de montant des crédits inscrits à ce chapitre. Toutefois, l'intervention du FEDER en 1996, qui atteint 16 millions de francs en autorisations de programme et 12 millions de francs en crédits de paiement, permet de les maintenir à un niveau constant.
S'agissant de la route reliant Régina à Saint-Georges, les crédits de l'Etat augmentent en effet de 10 millions de francs par an à partir de 1997, conformément à un engagement pris par M. le Premier ministre.
S'agissant des mines, le projet de loi relatif au code minier qui a été déposé au Parlement à l'automne devrait être examiné au début de l'année prochaine.
Enfin, pour ce qui concerne la pêche, le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines s'applique pleinement aux départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux îles Eparses, partiellement à Mayotte et aux terres Australes et Antarctiques françaises, mais il ne concerne ni Wallis-et-Futuna, ni la Nouvelle-Calédonie.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter, un peu rapidement j'en conviens, aux premiers orateurs. Je poursuivrai cet après-midi, monsieur le président, car il reste encore des points importants, que je m'en voudrais de ne pas évoquer. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze, avec la suite de la réponse de M. le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.
Je redonne la parole à M. le ministre, qui n'a pu terminer sa réponse aux orateurs ce matin.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. Je vous remercie, monsieur le président. Je vais essayer de poursuivre mon propos le plus rapidement possible. Je tiens à signaler à la Haute Assemblée que, les sénateurs n'utilisant pas, comme les députés, la procédure des questions lapidaires, les membres du Gouvernement doivent répondre de la manière la plus complète possible aux orateurs.
Je répondrai maintenant à M. Paul Vergès, que je remercie de son intervention.
Vous dites, monsieur le sénateur, que les retards s'accumulent en matière de logements. En fait, vouloir construire 12 000 logements par an à la Réunion, compte tenu des terrains disponibles, me semble un objectif difficile à réaliser. Or, si l'on pense qu'il y a quatre personnes en moyenne par logement, en douze ou quinze ans la totalité de la population de la Réunion serait relogée. Il me semble que si l'on parvient à réaliser l'objectif de 6 000 logements, le rattrapage sera déjà appréciable.
S'agissant de la « politique globale », je dirai que j'y suis tout à fait favorable. C'est la raison pour laquelle j'espère, indépendamment des décisions qui ont déjà été arrêtées par l'ensemble des élus de la région sur les priorités accordées, que dans les tout prochains jours nous aurons les moyens de revenir sur cette politique globale.
Vous m'avez encore interrogé, comme plusieurs intervenants, sur l'allocation de parent isolé. Cette allocation sera intégrée dans le projet de loi sur la cohésion sociale. C'est dans ce cadre qu'il sera question de son adaptation aux départements d'outre-mer.
Je ne partage pas tout à fait votre sentiment, monsieur le sénateur, sur le nombre des allocataires du RMI. La mise en place de l'APE et de l'APJE devrait avoir une incidence sur la situation des RMIstes. En effet, une grande partie des bénéficiaires de cette allocation disposeront d'une ressource supplémentaire et pourront alors ne plus y avoir recours.
Les agences d'insertion, dont la vocation principale est, bien sûr, d'enrayer la progression des RMistes dans les départements d'outre-mer, ont mis en oeuvre, au 31 octobre dernier, 70 % de l'objectif fixé en matière de CIA sur six mois, c'est-à-dire 7 000 CIA. En 1997, si nous mettons en place 15 000 autres CIA, le nombre des allocataires du RMI ne devrait pas continuer à augmenter.
En ce qui concerne la coopération inter-régionale, vous avez entièrement raison. Je sais combien vous y êtes attaché et je sais combien la notion de croissance externe des départements d'outre-mer est importante. Une réunion des hauts fonctionnaires civils et militaires et des élus de l'océan Indien doit avoir lieu à la Réunion au début du mois de janvier ou au mois de février de manière que nous puissions agir sur le modèle de ce qui a été fait dans le Pacifique-Sud et dans les Caraïbes.
En ce qui concerne la loi Perben - M. Lauret l'a dit - le différentiel qui existe entre les sommes perçues en raison de l'augmentation de la TVA et les exonérations fiscales est à peu près de 12 millions de francs pour la Réunion, mais, globalement, le déficit sera de 4 millions de francs. Je veux bien que nous cherchions une solution pour que la Réunion ne soit pas lésée dans la ponction qui est opérée par ce dispositif, mais je pense qu'il sera bon de le faire dans le courant de l'année 1997 lorsque nous disposerons de statistiques plus abondantes et plus pertinentes.
J'en viens à la création de postes à la Réunion. C'est en effet un point important.
A la rentrée de septembre, nous avons ouvert 373 postes supplémentaires, vous le savez. Pour 1997, il ne faut absolument pas s'en tenir aux 55 postes qui ont été avancés par je ne sais qui ; j'espère d'ailleurs que ce chiffre ne sera pas repris par un journal local bien connu, sinon je serais désespéré ! Il est évident que nous serons attentifs - je le serai personnellement - à ce que l'effort mené par l'Etat dans ce domaine soit maintenu en 1997 et que le rattrapage que nous avons opéré en 1995 et 1996 se poursuive.
Monsieur le sénateur Millaud, je vous prie d'accepter mes excuses. En effet, après vérification, je me suis rendu compte qu'effectivement ; contrairement à ce que je vous ai dit ce matin, une partie de l'augmentation de la montée en puissance du SMA était imputée sur les crédits prévus par la convention après-CEP. Je me suis battu pour l'éviter mais, malheureusement, je n'ai pas gagné.
Je fais cette mise au point de façon à éviter une mauvaise interprétation en Polynésie française. Il s'agit d'un lissage de la montée en puissance du SMA sur dix ans, et c'est la seule ponction qui a été opérée sur la convention après-CEP.
Le programme stratégique vient d'être élaboré sous l'autorité du gouvernement du territoire. Vous savez que son président, M. Flosse, s'est beaucoup engagé dans l'élaboration de ce programme. Des consultations ont eu lieu. Il est actuellement examiné par les services de l'Etat qui doivent l'approuver avant son entrée en vigueur.
S'agissant du remplacement du franc Pacifique par le franc français, je ne pourrai aujourd'hui que réaffirmer la volonté de ne pas modifier la parité entre les deux monnaies.
Je ne veux pas aller plus loin. Vous savez que les PTOM, pour ce qui concerne la monnaie, sont en dehors de l'approche européenne. Et je ne pense pas que ce soit vous, monsieur le sénateur, qui alliez me demander d'introduire l'euro en Polynésie française !
Je tiens à vous dire qu'en 1997 les services de l'Etat, notamment le haut-commissariat, intégreront vingt-cinq personnes de l'effectif de l'ancien centre d'expérimentation du Pacifique, le CEP, et je prends l'engagement qu'aucun employé civil polynésien du CEP ne sera laissé sans emploi. Je prendrai toutes les dispositions nécessaires pour qu'il en soit ainsi.
Vous savez combien je suis favorable à ce que la gestion de l'ensemble des crédits consacrés à l'outre-mer revienne au ministère de l'outre-mer. Mais, en l'occurrence, les décisions ne m'appartiennent pas.
Monsieur Lauret, je partage tout à fait votre avis sur l'assurance décennale dans les départements d'outre-mer. Nous nous battons très fort sur ce point, comme d'ailleurs pour l'assurance anticyclones.
Le dispositif qui a été mis en place, à l'issue d'une réflexion conjointe avec le ministère de l'équipement - vous l'avez décrit tout à l'heure, je n'y reviendrai donc pas - peut paraître à première vue difficilement opérationnel. En tout cas, je prends l'engagement que la loi sera appliquée très rapidement dans les départements d'outre-mer. La dernière réunion de la commission chargée de cette question aura lieu demain. Dès que le rapport définitif dont a été chargé M. Victor me sera remis, nous procéderons, en collaboration avec tous ceux qui sont concernés, à une vérification de l'efficacité du dispositif avant sa mise en application. S'il y a un problème, nous essaierions de trouver le moyen d'y remédier le plus rapidement possible.
S'agissant du fonctionnement de l'ADI, je répéterai ce que j'ai dit tout à l'heure : je suis tout à fait favorable à une mise à plat pour apprécier son mode de fonctionnement. Je n'ai pas l'impression que le système ait très mal fonctionné à la Réunion ; il semble au contraire que ce soit l'un des départements où tout se soit le mieux déroulé.
Monsieur Désiré, vous êtes revenu sur l'approche économique globale de la situation. Le seul conseil que je puisse donner aux élus des différents départements, c'est de se mettre d'accord. En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, compte tenu de toutes les priorités qui se font jour, la mise en cohérence est délicate. Evidemment, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Privilégions l'intérêt général et allons dans le sens du développement, ce qui est déjà assez difficile.
En ce qui concerne la commune du Marin, je souhaite me rendre très prochainement sur place. J'irai en Martinique soit avant la fin de l'année, soit au début du mois de janvier pour apprécier concrètement comment on a pu arriver à une telle décision, qui gène le maire non seulement dans l'exercice de ses fonctions, mais aussi pour le développement qu'il entend donner à sa commune. Il existe une commmision ad hoc . Nous avons rencontré l'architecte des bâtiments de France. Les protagonistes sont aujourd'hui d'accord pour une solution qui comprendrait une route passant au bord de l'eau, assortie de quelques aménagements. Nous verrons si c'est ou non possible. En tout cas, sachez que je suis ce problème avec une extrême attention.
J'en viens à la coopération régionale.
Contrairement à ce que vous avez dit, il y a eu des réalisations concrètes. Nous avons décidé cinquante actions à l'occasion de la conférence de Basse-Terre.
La gestion du fonds des Caraïbes est conduite par le préfet de la Guadeloupe. Elle se fait en concertation, par la constitution de dossiers, avec les chefs de mission de coopération - celui de Saint-Domingue en 1997 - et le délégué régional au commerce extérieur en sus du processus de coopération rassemblant élus, diplomates et préfets.
Les accords de coopération qui sont en cours de négociation avec les Etats-Unis pour faciliter les interventions en mer dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue sont l'un des exemples concrets de ce qui peut être fait en la matière.
Nous sommes ouverts à toutes les propositions possibles et imaginables. Il est vrai que c'est une manière nouvelle de voir les choses. Je ne sais pas à quel rythme elles progresseront, mais c'est l'histoire qui avance un peu à son rythme. Certaines habitudes de la République sont même, en la matière, un peu bousculées. Il faut donc vouloir le faire pour essayer d'avancer un peu plus vite.
Je reviens sur votre dernier terme. Ce qui est important dans tous ces cas de blocage, c'est d'avoir un peu d'imagination - je ne doute pas que les élus d'outre-mer en aient beaucoup.
Monsieur Henry, vous avez souligné tous les efforts faits. Vous avez notamment relevé l'importante réunion du comité des investissements outre-mer pour Mayotte qui a eu lieu. Je compte faire la même chose pour chaque département, chaque territoire, parce que c'est le meilleur moyen d'avancer.
J'ai bien noté le problème de l'allongement de la piste aéroportuaire et celui du deuxième quai du port de Longoni.
En ce qui concerne les statuts, je dirai qu'il faut une certaine progressivité dans la réflexion et dans la démarche.
S'agissant de l'immigration clandestine, qui ne se pose pas uniquement à Mayotte, vous savez qu'on s'emploie à résoudre le problème de deux façons : d'abord, par un dialogue constructif avec les autorités comoriennes ; ensuite, bien sûr, par l'utilisation d'équipements supplémentaires, notamment de radars destinés à surveiller plus efficacement les rivages de l'île.
En ce qui concerne les problèmes d'éducation, la commission de coordination des investissements outre-mer réunie le 10 octobre dernier a consacré ses travaux à Mayotte, ce qui a permis de débloquer un certain nombre de dossiers importants.
Je pense notamment aux délégations qui ont été opérées par le ministère de l'éducation nationale au titre des constructions scolaires et qui s'élèvent à 183 millions de francs. Le taux de délégation est de 63,6 % pour ce qui est du contrat de plan et de 36,4 % pour ce qui est de la convention. Globalement, les engagements de l'Etat ont été respectés.
Par ailleurs, la rentrée de 1997 verra la création de cent postes d'enseignant du secondaire à Mayotte.
Monsieur Reux, je vous remercie d'avoir souligné tout ce qui a été réalisé depuis quelque temps à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je voudrais dissiper vos doutes et vous rendre plus optimiste en ce qui concerne l' Avel Mad : certes, il a fonctionné peu de temps cette année, mais je pense que, l'année prochaine, il sera définitivement opérationnel.
Par ailleurs, deux projets importants bénéficieront désormais de défiscalisation à Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'espère que, tous ensemble, nous pourrons régler cet important problème des travaux qui sont indispensables en matière d'assainissement et d'adduction d'eau à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il serait dommage, en effet, qu'à la suite de l'achèvement des travaux de la piste, nous ne disposions pas du relais nécessaire pour protéger l'emploi.
Monsieur Larifla, je vous remercie de votre relative modération et j'ai retenu que vous demandiez surtout à être rassuré. Je vais donc m'efforcer de vous rassurer.
A quatre ans de l'an 2000, nous entendons bien conduire le développement économique. Bien sûr, les crédits inscrits à ce projet de budget, qui représentent environ 5 milliards de francs, ne sont pas à la hauteur d'un tel enjeu, mais, ce qu'il faut prendre en compte, ce sont les 42 milliards de francs que l'Etat consacre globalement à l'outre-mer ; là, on ne peut plus dire que nous ne sommes pas à la hauteur de l'enjeu.
S'agissant de l'approvisionnement en eau de l'usine bagasse-charbon, je sais que vous avez écrit à l'entreprise maître d'oeuvre pour envisager un approvisionnement à partir des eaux d'irrigation. Ce problème me paraît de toute façon relever de la compétence du conseil général. Connaissant votre force de conviction et votre opiniâtreté, monsieur Larifla, je suis sûr que vous saurez faire aboutir ce dossier. En tout cas, je ne pense pas qu'on puisse expliquer aujourd'hui aux Guadeloupéens qu'on ferme l'usine bagasse-charbon.
Quant à l'aide aux agriculteurs en difficulté, je le rappelle, elle ne s'applique qu'à ceux qui sont endettés vis-à-vis des banques. Ce n'est pas le cas des petits planteurs. Bien sûr, cela ne nous empêche pas d'essayer de trouver des solutions pour aider ces derniers.
Les moyens mis à la disposition de l'ANT sont globalement reconduits, à 1 million de francs près, mais la restructuration de l'ANT lui a certainement donné un plus grand dynamisme.
Monsieur Lagourgue, je crois avoir déjà répondu à un certain nombre des questions que vous avez posées.
Il est vrai que le prix du carburant est plus cher à la Réunion, ainsi qu'à Mayotte, d'ailleurs. Compte tenu des récentes augmentations, le Gouvernement a déjà décidé l'envoi d'une mission du ministère de l'industrie pour examiner ce problème sur place.
S'agissant des tarifs téléphoniques, ils n'ont pas cessé de baisser. En 1996, cette baisse atteint 25 % à 30 %. Ces tarifs demeurent néanmoins un peu élevés. Cela dit, mon collègue François Fillon, qui est en charge des télécommunications, m'a assuré que cette tendance à la baisse allait se poursuivre. Avec l'ensemble de nos compatriotes réunionnais, vous aurez ainsi satisfaction.
En ce qui concerne les entreprises franches, vous avez eu raison de le dire, l'approche qui est adoptée est totalement différente de celle qui avait été arrêtée lors de la création du conseil des zones franches douanières, lesquelles, comme vous le savez, ont été un échec.
Il s'agit, dans le dispositif qui sera proposé, de viser l'ensemble des entreprises répondant à certaines caractéristiques, quelle que soit leur implantation géographique dans le département d'outre-mer qui sera érigé en zone prioritaire ultrapériphérique. Je pense que nous arriverons ainsi, sans le dire, à rejoindre cette notion d'entreprise franche, en tout cas à nous en approcher.
S'agissant de la pêche dans les terres Australes et Antarctiques françaises, les armements français, et en particulier réunionnais, doivent bien sûr conserver toutes leurs possibilités. Il n'est nullement envisagé de revenir sur leurs droits de pêche dans cette zone, cela doit ête parfaitement clair. La pêche étrangère restera limitée en fonction de l'évaluation de la ressource par les scientifiques. Il faut rappeller que les droits de pêche qui sont accordés sont assortis d'une taxe dont le produit contribue à alimenter le budget des TAAF et qu'ils font l'objet d'un contrôle rigoureux, impliquant la présence d'observateurs sur tous les bateaux, y compris, bien sûr, les bateaux de pêche étrangers.
Je ne voudrais pas conclure sans dire quelques mots de la Nouvelle-Calédonie, afin de rassurer la représentation nationale. Sachant que j'ai déjà parlé plus longtemps qu'il n'était prévu, je vais m'efforcer d'être aussi concis que possible.
Le projet d'usine du Nord, auquel le Premier ministre est très attaché et à la bonne fin duquel nous avons consacré beaucoup d'énergie, nous a occupés assez longtemps : nous avons été en effet conduits à mener des négociations qui étaient sinon secrètes, du moins discrètes.
Nous avons ainsi tenu, avec l'appui du ministre de l'industrie, des réunions au ministère de l'outre-mer rassemblant des représentants de la société Le Nickel, la SLN-ERAMET, et ceux de la SMSP, la société minière du Sud-Pacifique, de manière à trouver une solution. C'est la SMSP qui a proposé à la SLN-ERAMET d'échanger le gisement de Poum contre celui de Koniambo. La SLN-ERAMET ayant donné son accord, nous avons fait savoir à la SMSP et aux responsables politiques du FLNKS, le Front de libération nationale kanak et socialiste, que cette option était viable. Ces derniers nous ont alors demandé un certain nombre de précisions supplémentaires ; ils ont parlé de « conditions », mais je n'emploierai pas ce mot. Nous y travaillons en se moment et je pense que, très prochainement, nous serons en mesure de leur apporter une réponse circonstanciée qui nous permettra de débloquer définitivement ce dossier.
Globalement, c'est l'ensemble du dossier calédonien qui doit avancer en toute sérénité, un peu à l'abri d'un certain traitement médiatique. Je n'adresse là aucune critique à nos amis journalistes ; je veux simplement dire que ces affaires sont extrêment complexes et difficiles, qu'elles impliquent de nombreuses parties prenantes et qu'il vaut mieux annoncer des bonnes nouvelles plutôt que de laisser se propager des rumeurs ou des bribes d'information qui apparaîtraient aux uns et aux autres comme de mauvaises nouvelles.
Dès lors que le problème du nickel sera en voie de résolution, c'est-à-dire dès que des discussions techniques seront engagées entre les industriels, nous poursuivrons nos négociations politiques. Nous continuons d'ailleurs de dialoguer, dans des conditions qui me paraissent, à l'heure actuelle, tout a fait satisfaisantes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président, les précisions que je souhaitais apporter en complément de mon intervention de ce matin. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Afin qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté, monsieur le ministre, je précise que le président de séance n'a ni le pouvoir ni la prétention de limiter le temps de parole des membres du Gouvernement. Cependant, je me trouve un peu dans la situation du chef de gare qui doit tout faire pour que le train arrive bien à zéro heure trente. (Sourires.) Pour cela, je dois me tenir au plus près des temps prévus pour l'examen de chaque budget.
J'espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien me pardonner d'avoir dû vous interrompre vers treize heures quinze, ce qui vous a contraint à reprendre vos réponses, très attendues, je le sais, au début de l'après-midi.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 12 367 975 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 374 327 717 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 30 470 000 francs ;
« Crédits de paiement : 16 451 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 921 210 000 francs ;
« Crédits de paiement : 675 590 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 93, qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'outre-mer.

OUTRE-MER

Article 93

M. le président. « Art. 93. - Le dernier alinéa de l'article 285 ter du code des douanes est ainsi rédigé :
Ces dispositions s'appliquent jusqu'au 31 décembre 2001. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 93.

(L'article 93 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'outre-mer.

CULTURE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n'ayons pas peur des chiffres !
On ne manquera pas de nous rappeler, au cours de la discussion, que les crédits du ministère de la culture, qui ont atteint 15,5 milliards de francs en 1996, s'élèveront à 15 millards de francs en 1997 et qu'ils vont accuser ainsi une diminution de 500 millions de francs, soit une baisse de 2,9 %.
On ne manquera pas non plus de souligner que, si l'on tient compte d'un transfert de compétences portant sur une somme considérable, 902,6 millions de francs, la diminution est encore plus importante, d'environ 8 %, et que, selon le mode de calcul choisi, le budget de la culture représente non pas 1 % du budget total mais 0,97 %, voire 0,90 %.
Eh bien, selon la commission des finances, cela ne nous dispense pas de rechercher des motifs de satisfaction, de déceler aussi des motifs de perplexité et, enfin, de justifier les critères qui ont déterminé le jugement final que nous inviterons la Haute Assemblée à partager.
Le premier motif de satisfaction concerne l'architecture.
Certains d'entre vous se rappellent certainement les réserves - c'est un euphémisme ! - qu'avaient appelées, l'an dernier, les conditions dans lesquelles s'était opéré le transfert de l'architecture du ministère de l'équipement au ministère de la culture.
Les dispositions de ce projet de budget remédient totalement à ce que nous avions déploré l'an dernier.
L'augmentation de 17 % du budget de l'architecture est très appréciable d'autant plus qu'il faut prendre en compte également la progression relativement supérieure des crédits alloués aux vingt-deux écoles d'architecture, auxquelles viendront d'ailleurs prochainement s'ajouter deux autres écoles, l'une à Tours et l'autre à Compiègne. Les écoles jouent un rôle qui est essentiel en matière d'architecture dans le domaine de la formation continue.
Tel est le premier motif de satisfaction.
Le deuxième, qui, selon nous, est tout aussi important, concerne le titre IV, c'est-à-dire les crédits d'intervention du ministère de la culture.
Certes, il ne faut pas prendre au pied de la lettre l'augmentation de 15,5 % de ce chapitre puisqu'elle est due, dans une large mesure, au transfert d'une enveloppe de 902,6 millions de francs correspondant à un nouveau transfert de compétences très important et tout à fait justifié dans son principe, celui des bibliothèques municipales et départementales.
Cependant, même si nous tenons compte de ce transfert, le résultat est, selon nous, satisfaisant ; il démontre que vous avez su faire en sorte que les interventions publiques ne soient pas victimes de la rigueur. Elles ne le sont effectivement pas, et cela se traduit par un fait extrêmement important que vous voudrez bien, j'en suis sûr, confirmer tout à l'heure : les 45 000 .professionnels du spectacle peuvent être désormais assurés de la préservation des dotations allouées au spectacle vivant.
J'ajoute, à propos de ce même titre IV, que les crédits consacrés à l'enseignement artistique sont en légère augmentation.
Bref, votre ministère a le grand mérite, certainement dû en majeure partie à votre action, de ne pas sacrifier l'essentiel, c'est-à-dire les interventions publiques au fonctionnement.
Enfin, il est un troisième motif de satisfaction, qu'appréciera tout particulièrement, j'en suis sûr, la Haute Assemblée. Il s'agit du fameux problème du déséquilibre entre Paris et ce qu'André Malraux ne voulait pas appeler la province, problème dont nous avons si longuement débattu dans le passé. Il est maintenant résolu : un tiers du budget d'investissement est consacré à Paris et deux tiers à la province. Il en résulte qu'un certain nombre d'opérations extrêmement importantes seront achevées au cours de l'année 1997. D'autres, vous le savez, l'ont été en 1996, par exemple l'Institut Louis-Lumière à Lyon.
En 1997, nous assisterons à la mise en oeuvre d'un certain nombre d'opérations importantes, telles que le centre d'archives contemporaines de Reims, pour un coût de 144 millions de francs, l'auditorium de Dijon, pour un coût de 20 millions de francs, le musée d'art contemporain de Toulouse, pour un coût de 25 millions de francs, le musée Saint-Pierre à Lyon, pour un coût de 11 millions de francs, et le centre du costume de scène de Moulins pour un coût de 13 millions de francs.
A ces 211 millions de francs que représentent les travaux que je viens d'énumérer s'ajoutent des opérations moins importantes qui constituent ce que vous appelez le « maillage » culturel et qui s'élèveront, en 1997, à 175 millions de francs.
Je voudrais ici ouvrir une brève parenthèse pour évoquer le Centre Georges-Pompidou, puisque j'ai été appelé à présider son conseil d'orientation. Ce centre, dit-on, coûte cher, ce qui est vrai sur le papier. Les travaux aux abords du centre ont coûté quelque 250 millions de francs. L'équivalent d'un budget annuel, c'est-à-dire 440 millions de francs, sera consacré, au cours des trois prochaines années, à la réfection du bâtiment central. Mais ces constatations chiffrées doivent être nuancées pour trois éléments.
En premier lieu, quand, voilà vingt ans, j'avais moi-même rapporté devant le Sénat le projet de loi portant création du Centre Georges-Pompidou, j'avais mis en garde le gouvernement de l'époque sur la nécessité d'ajouter au coût de la construction celui de l'entretien et celui du fonctionnement. Si, pour le second, nous avons été partiellement entendus, nous ne l'avons pas été pour le premier. C'est cette carence, voire cette imprudence, qu'il faut payer maintenant.
Une deuxième nuance doit être introduite, sur laquelle j'attire votre attention. Le Centre Georges-Pompidou finance aujourd'hui 19 % de ses dépenses par ses ressources propres, contre 7 % voilà une dizaine d'années, alors que j'étais membre du conseil d'orientation sans en être le président. C'est mieux que l'Opéra de Paris, pour lequel ce taux n'est que de 15 %.
Il faut noter pour s'en féliciter que, si le Centre Georges-Pompidou est situé à Paris, il n'est pas ou il n'est plus une institution parisienne. Il dispense en effet aux musées de province une assistance technique, dont j'ai pu moi-même constater l'importance et les heureux résultats. En outre, il donne des oeuvres d'art en dépôt à certains d'entre eux.
L'architecture, le titre IV et le rééquilibrage entre Paris et la province sont donc les trois motifs de satisfaction.
Permettez-moi ici de faire une brève allusion à ce que vous aviez appelé, au cours de notre débat de l'an dernier, vous inspirant d'un exemple venu de haut, la correction du déséquilibre social et que l'on nomme maintenant la fracture sociale.
J'ai lu très attentivement tous les documents budgétaires, mais je suis incapable de dire à quelle somme correspond exactement l'effort que vous avez l'intention de déployer en 1997 dans ce domaine. J'ai cru comprendre que les 450 millions de francs octroyés l'an dernier - encore était-ce un calcul approximatif - étaient aujourd'hui réduits à quelque 150 millions de francs.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, dresser devant nous un bilan, même sommaire, de la trentaine d'opérations que vous avez eu l'heureuse idée d'entreprendre dans des quartiers défavorisés ?
J'en arrive maintenant aux motifs d'inquiétude, d'un certain désarroi ou d'une certaine perplexité.
Nous avons d'ores et déjà eu l'occasion de parler à plusieurs reprises des transferts de compétence. Cette année, il s'agit du transfert d'une enveloppe de quelque 900 millions de francs affectée, comme je l'ai déjà précisé, aux bibliothèques municipales et départementales. Personne ne peut nier que la lecture publique fait partie de la culture. Nous pouvons toutefois nous demander si ce transfert ne peut pas être considéré comme une astuce pour se rapprocher du fameux 1 %, sans pour autant l'atteindre.
A vrai dire, je ne soulèverais pas cette question si je n'avais pas été amené à m'interroger sur l'ensemble des transferts de compétence. J'ai réellement envie de vous dire, monsieur le ministre, d'arrêter ces transferts, qui sont trop nombreux et trop onéreux. Examinons-les attentivement.
L'an dernier, a été opéré un transfert de compétence concernant l'architecture, qui était justifié dans son principe, et que j'ai même personnellement approuvé, portant sur 724 millions de francs. Cette année, le transfert de compétence portera, je le répète, sur une enveloppe de plus de 900 millions de francs, somme plus considérable, affectée aux bibliothèques municipales et départementales ; ce transfert est justifié dans son principe.
Mais ces transferts ne s'arrêtent pas là. En 1996, le ministre de la culture - j'attire votre attention, mes chers collègues, sur ce point - bénéficiait d'un transfert de compétence de plus de deux milliards de francs, soit, monsieur le ministre, le cinquième de votre budget : 542 millions de francs au titre de la Cité des sciences et de l'industrie, 357 millions de francs au titre des orchestres de Radio France, 265 millions de francs au titre de la SEPT-ARTE et 70 millions de francs au titre des activités de dépôt légal de l'Institut national de l'audiovisuel.
Je ne puis m'empêcher de procéder ici à une comparaison : on a ainsi mis 20 % sur un plateau de la balance et 11,6 % sur l'autre, soit la différence entre l'augmentation de votre budget, qui, l'an dernier, était d'environ 14,5 %, et la réduction de 2,9 % qu'il subit cette année. L'écart est donc de neuf points, ce qui, rapporté à votre budget, correspond à peu près à 1,3 milliard de francs.
Ainsi - je vous donne un conseil amical, avec la discrétion qui s'attache à un débat public - si l'an prochain, par miracle, il vous était accordé une augmentation de 1,3 milliard de francs de votre budget, vous pourriez dire merci, non pas pour cette progression, mais pour le rattrapage, car c'est bien de cela qu'il s'agirait.
Cependant, le sujet le plus litigieux, celui qui nous a troublés le plus et qui a fait l'objet des plus longs débats, est, indubitablement, le patrimoine.
M. Charles Revet. Oh oui !
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Quelle est la situation lorsque le budget nous parvient de l'Assemblée nationale ?
D'une part, le secteur du patrimoine voit ses autorisations de programme baisser de 35 %, soit quelque 600 millions de francs, en raison des nouvelles règles relatives à l'application des lois de programme. Il a ainsi été décidé de ralentir l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine, comme d'ailleurs celle de toutes les lois de programme. Soit !
Mais, le plus grave est que ces 600 millions de francs font suite à un gel budgétaire de 316 millions de francs intervenu en 1996. Ces crédits étaient d'ailleurs sous la menace d'une annulation totale. Nous en étions donc à quelque 900 millions de francs, c'est-à-dire à la moitié des autorisations de programme de la direction du patrimoine. Depuis, fort heureusement, un certain nombre de faits se sont produits.
En premier lieu - il s'agit, je le reconnais, d'un petit pas mais il doit tout de même être signalé au passage - sur ces 316 millions de francs, seuls 50 millions de francs ont été dégelés.
En second lieu, et je tiens à vous en remercier par avance, monsieur le ministre, vous avez accepté, après une longue négociation, de présenter un amendement tendant à restituer 70 millions de francs au budget de la direction du patrimoine au titre des autorisations de programme.
M. Philippe Marini. Grâce à notre rapporteur spécial !
M. Jacques Chaumont. Absolument !
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Si l'on ajoute les 50 millions de francs de crédits dégelés à ces70 millions de francs, on obtient 120 millions de francs, ce qui représente 250 à 350 opérations.
Enfin, et ce point est très important, au cours d'une réunion de la commission des affaires culturelles à laquelle j'avais eu l'honneur d'être convié, puis dans une lettre que vous nous aviez adressée, vous aviez souligné que vous aviez trois moyens de récupérer des crédits supplémentaires : tout d'abord, en augmentant de 30 à 40 % le taux d'exécution des autorisations de programme dès le début de l'année ; ensuite, en utilisant les reports, c'est-à-dire les crédits non consommés d'opérations antérieurement arrêtées ; enfin, en accélérant la clôture des dossiers relatifs aux opérations achevées, ce qui permettra de dégager encore quelques crédits.
Alors, je vous pose la question, monsieur le ministre, et je vous la pose avec confiance, car je devine la réponse : la certitude est-elle maintenant acquise s'agissant de la préservation des emplois - c'est un point essentiel - dans les entreprises spécialisées qui se consacrent au patrimoine ? Sur les neuf mille emplois qui sont en cause, trois mille étaient en effet menacés de disparition. Il est incontestable que, si ce résultat n'avait pas été acquis, la commission des finances n'aurait pas été en état de proposer l'adoption du budget de la culture ; elle s'en serait remise à la sagesse du Sénat.
Mais le résultat est acquis, grâce à la fois à la négociation qui a eu lieu et au concours qui a été apporté par le président de la commission des finances et par le président de la commission des affaires culturelles ; je tiens à les en remercier l'un et l'autre. Si bien que, les choses étant ce qu'elles sont, et votre réponse étant celle que je devine, nous aurons la possibilité et le plaisir de corriger notre intention première dans un sens favorable à vos souhaits, monsieur le ministre.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Maurice Schumann. En conclusion, quels ont été les critères - vous les avez déjà devinés, mes chers collègues - en vertu desquels nous avons formé notre jugement ?
Le premier, c'était l'emploi. Pourquoi ai-je insisté sur le titre IV ? En raison des 45 000 professionnels du spectacle. Pourquoi nous sommes-nous battus comme nous l'avons fait pour le patrimoine ? Non seulement, bien sûr, pour le patrimoine lui-même, mais également, et peut-être d'abord, pour les neuf mille salariés en cause.
Le deuxième critère a été la mise en garde contre certaines pratiques, que vous réprouvez, j'en suis certain, même s'il vous est impossible de le dire à voix trop haute : les pouvoirs publics doivent renoncer à l'utilisation de certains procédés, qui faussent le jugement et compromettent le rôle des assemblées.
Je vous ai dit : halte aux transferts ! Ils ont été trop nombreux, et votre budget en a été victime ; je crois l'avoir démontré à l'aide de quelques chiffres.
Je voudrais également pouvoir dire : halte, dans toute la mesure possible - et il faut que cette mesure soit constamment élargie -, aux gels en cours d'année ! Il va de soi, en effet, que, lorsque nous avons passé des heures et des heures, en commission des finances, dans les commissions spécialisées ou en séance publique, à élaborer des accords équilibrés avec le Gouvernement, si ces accords sont remis en cause sans concertation préalable, voire sans information préalable, en cours d'année, eh bien ! notre travail s'en trouve dangereusement compromis.
Je sais bien qu'un budget est une autorisation de dépenser, et non pas une obligation de dépenser. Je sais bien aussi que les temps sont durs. Mais nous avons tenu compte de la dureté des temps : nous ne sommes pas sur le point d'adopter un projet de budget facile et populaire. Alors, il faut qu'il y ait au moins, de la part de l'exécutif - de tout l'exécutif ! - une contrepartie.
Enfin, le troisième et dernier critère a été le suivant : nous n'avons jamais considéré que l'opposition dût être systématique ; nous avons, au contraire, toujours pensé qu'elle devait être constructive. Aujourd'hui, nous sommes la majorité, et la majorité a aussi un devoir d'alerte et de mise en garde.
Vous m'avez demandé un jour, monsieur le ministre, de vous donner une définition de la culture. Je vous avais alors répondu - il vous en souvient - que la culture est ce qui console de la politique quand la politique oublie la culture. Eh bien !, vous le savez aussi, ce qu'il y avait de curare dans cette petite flèche ne vous visait en aucune manière. Bien au contraire, pour notre part, nous n'avons cessé d'admirer la persévérance avec laquelle vous conciliez la règle d'or de la solidarité ministérielle et des efforts constamment déployés pour obtenir les moyens nécessaires à l'accomplissement de vos missions.
Nous avons donc le sentiment de ne pas vous déplaire en nous conformant, de notre côté, à une autre règle d'or : le respect du pacte non écrit qui relie la défense de la culture à la dignité du Parlement. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Pourtaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est aujourd'hui présenté appellera de ma part, à l'instar de M. Schumann, une appréciation contrastée. En effet, à des motifs de satisfaction réels et profonds, s'ajoute une inquiétude quant aux effets que la rigueur pourrait avoir sur la politique culturelle de la France.
Ces motifs de satisfaction et d'inquiétude s'inscrivent dans les deux grandes caractéristiques que revêt ce projet de budget : d'une part, l'enveloppe budgétaire globale est préservée ; d'autre part, les priorités sont placées sous le signe de la continuité.
L'enveloppe budgétaire globale est préservée.
Les crédits affectés à la culture s'élèvent à 15 007 millions de francs, soit 0,97 % du budget de l'Etat. Le « 1 % » - nombre mythique ! - n'est pas atteint. A la vérité, vous n'en êtes pas loin, monsieur le ministre, et il convient de rendre hommage à l'effort que vous avez dû faire dans les difficiles arbitrages auxquels vous avez été soumis préalablement à la présentation de ce projet de budget. Nous y sommes tous sensibles.
Certes, deux raisons particulières peuvent expliquer très partiellement le maintien de cette enveloppe budgétaire.
Il s'agit, en premier lieu, du transfert de la dotation générale de décentralisation des bibliothèques municipales et départementales, pour un peu plus de 900 millions de francs. Je ne peux que m'en réjouir, car ce transfert - comme ceux qui sont intervenus l'année dernière - ne remettra pas en cause, vous l'avez indiqué en commission, l'automaticité d'attribution des aides, et il se situe dans la logique de l'action menée en faveur de la lecture publique.
Encore faudrait-il qu'il ne s'accompagnât pas, comme l'a rappelé avec talent M. Schumann voilà quelques instants, d'une diminution des crédits affectés aux grandes missions de votre ministère : s'ajoutant, en effet, aux transferts considérables intervenus en 1996 - ces transferts sont louables, car ils vous ont permis d'agrandir le pré carré de la culture sur le plan administratif - il ne faudrait pas que l'ensemble de ces transferts, qui représentent près de un cinquième de votre budget, s'effectuent au détriment des grandes missions, et notamment - j'y reviendrai dans un instant - de la préservation du patrimoine.
Un deuxième effet mécanique peut expliquer le maintien de l'enveloppe budgétaire : la baisse de 570 millions de francs des crédits affectés pour la troisième année consécutive aux grands travaux parisiens. L'expression « grands travaux parisiens » me déplaît, car il s'agit, en fait, de grands équipements nationaux.
Il restera à achever - il s'agit de priorités - la Bibliothèque de France et le Grand Louvre, qui sera sans contestation possible l'un des plus beaux ensembles muséographiques du monde.
Un motif de satisfaction : les crédits d'intervention sont maintenus. Le titre IV - derrière l'aridité de cette expression apparaît tout un maillage culturel du territoire - est maintenu, y compris lorsqu'on y inclut les crédits relatifs à la dotation des bibliothèques ; il représente près du tiers de votre budget, ce qui permettra - je le souhaite en tout cas - de préserver la culture vivante sur l'ensemble du territoire.
Un motif de satisfaction, une inquiétude.
Pardonnez-moi ce balancement circonspect, comme on dirait en d'autres lieux, qui me conduit à nuancer ce que je viens de dire en évoquant le patrimoine.
L'essentiel de l'effort de rigueur porte, en effet, sur la loi de programme du 31 décembre 1993 relative au patrimoine monumental : elle est étalée sur une année supplémentaire. L'économie sera donc, pour 1997, de 569 millions de francs, soit une diminution de 34,6 % par rapport à 1996.
Si elle avait dû être effective, une telle décision aurait porté atteinte non seulement à la préservation de notre patrimoine, c'est-à-dire à la mémoire de notre pays, mais aussi à l'emploi, dont nous savons qu'il constitue la priorité première du Gouvernement. En effet, dans un tel cas de figure, les conséquences sur l'activité des entreprises spécialisées auraient été désastreuses : 2 000 à 3 000 emplois auraient pu s'en trouver supprimés, sur un total de 11 000 emplois.
La création de la Fondation du patrimoine, dont nous attendons d'heureux effets sur le patrimoine rural non protégé, n'aurait pu avoir un effet de compensation, puisqu'elle exclut de son champ de compétences les monuments historiques classés ; ceux-ci auraient été victimes de la rigueur budgétaire.
Nous connaissons votre souci de protéger le patrimoine, monsieur le ministre, et de préserver les crédits qui lui sont affectés ; vous l'avez dit devant la commission des affaires culturelles et vous l'avez écrit dans un courrier que vous avez adressé voilà quelques jours aux sénateurs. Je tenais ici à rendre hommage, comme l'a fait M. Schumann, à l'opiniâtreté avec laquelle vous avez su, en ces temps de rigueur, obtenir que le patrimoine ne figurât pas parmi les variables d'ajustement du budget de la nation.
Qu'il s'agisse des engagements que vous avez pris en matière de crédits de paiement, qu'il s'agisse de l'amendement que vous présenterez tout à l'heure devant le Sénat, qu'il s'agisse des méthodes - vous les avez exposées longuement devant la commission - vous permettant de compenser l'effet des mesures de rigueur, il était essentiel, monsieur le ministre, que, dans ce domaine, le patrimoine continuât à figurer au rang des priorités du ministère.
Il conviendra de veiller, tout au long de l'année, à ce qu'aucune annulation d'autorisations de programme ne vienne compromettre les efforts que vous avez accomplis, avec l'appui du Sénat, pour la sauvegarde des monuments.
Monsieur le ministre, je ne résiste pas au plaisir d'évoquer ce que l'un de vos prédécesseurs disait à la tribune de notre Haute Assemblée, le 22 mai 1962, en présentant la première loi de programme relative au patrimoine. Il s'agit, vous l'avez deviné - je manque d'originalité ! - d'André Malraux : « Le songe aussi nourrit le courage, et nos monuments sont le plus beau songe de la France. »
L'inquiétude qu'a formulée M. Schumann concernant le patrimoine et que je viens d'exprimer à mon tour est tempérée par la grande satisfaction éprouvée à la lecture des trois priorités que vous avez su maintenir, monsieur le ministre, comme vous vous y étiez engagé à cette même tribune, l'an dernier, lors de la présentation de votre projet de budget.
J'évoquerai, tout d'abord, l'accueil des services de l'architecture.
Inutile de vous cacher, monsieur le ministre, que le transfert, dès la fin de l'année 1995, des services de l'architecture du ministère de l'environnement à celui de la culture avait été accueilli avec une certaine appréhension par les intéressés, qui craignaient de quitter un département bien doté pour un département, certes prestigieux, mais infiniment moins riche.
Vous avez su réserver à l'architecture un traitement qui a fait disparaître les craintes et les préventions qui s'étaient alors fait jour, et cela de trois manières : création de la direction autonome de l'architecture le 22 mars 1996 ; augmentation des crédits de l'architecture de 20,36 % cette année - en seront les principaux bénéficiaires, d'une part, les écoles d'architecture, d'autre part, les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager - enfin, engagement, que vous avez renouvelé devant la commission, de poursuivre la réforme des études d'architecture, réforme qui est essentielle pour faire face à la crise dramatique des débouchés que connaissent aujourd'hui les jeunes architectes.
La deuxième priorité maintenue cette année concerne l'effort de réduction des inégalités sociales par la culture, au travers, d'une part, des projets culturels de quartier - vous avez inscrit à votre budget vingt-neuf opérations exemplaires dans des sites « quartiers difficiles ou ville en crise », répartis sur l'ensemble du territoire - et, d'autre part, des enseignements artistiques, indispensables pour assurer l'égalité des chances et l'initiation à la pratique culturelle dès le plus jeune âge : les crédits progressent de 1,21 %, ce qui est méritoire dans un budget comme le vôtre.
Dans le même temps, les opérations nouvelles engagées l'an dernier seront poursuivies : classes culturelles, ateliers de pratique artistique, jumelage d'institutions culturelles avec des établissements scolaires. Elles assurent l'ouverture de l'école sur la vie culturelle.
Enfin, la troisième priorité maintenue cette année a trait au rééquilibrage de l'action culturelle entre Paris et la province : plus des trois quarts des crédits d'investissement du ministère sont désormais consacrés à la province, contre un peu plus de la moitié seulement voilà une dizaine d'années.
Les grands projets régionaux - M. Schumann vient d'en évoquer quelques-uns parmi les plus importants - continuent de représenter une priorité pour le ministère : 264 millions de francs leur seront consacrés, cependant que le maillage culturel du territoire se poursuivra cette année comme l'année dernière.
Ouvrant une parenthèse, je tiens à rappeler devant notre assemblée - elle y sera, me semble-t-il, très sensible - le rôle essentiel que jouent les collectivités locales dans le financement public de la culture : en quinze ans - de 1978 à 1993 - les dépenses culturelles des départements, des régions et, surtout, des communes - plus de la moitié - ont été multipliées par 2,5 %.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Elles atteignent aujourd'hui 50,3 % des financements publics affectés à la culture.
Derrière l'aridité de ces chiffres apparaît, en fait, la multiplication des initiatives locales, que tous les élus qui sont ici connaissent parfaitement et qui font que la vieille expression de Jean-François Gravier « Paris et le désert français » a perdu son sens, tout au moins en matière culturelle.
Toutefois, le projet de budget que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, est contrasté. Aux aspects positifs que sont la poursuite des priorités dégagées l'année précédente pour la réduction des inégalités tant sociales que géographiques, l'accueil réussi de l'architecture, le rééquilibrage entre Paris et la province, le maintien des crédits affectés à la culture vivante, le transfert de la dotation aux bibliothèques, qui étend le domaine d'influence d'un ministère qui doit embrasser l'ensemble de la culture et non pas seulement, comme c'était le cas jusqu'à l'an dernier, une partie de cette activité, vient s'ajouter l'inquiétude qui était la nôtre sur le patrimoine.
Vous nous avez, dans une large mesure, rassurés, en nous montrant que la rigueur budgétaire, dont les raisons nous sont connues, ne pouvait pas s'appliquer avec autant de brutalité dans un domaine où elle aurait de graves conséquences tant pour l'image de notre pays que pour l'emploi, et nous savons l'importance que vous attachez à ce dernier.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et le Sénat sera à vos côtés, pour que la culture reste une priorité dans sa globalité, dans le passé et dans le présent, dans le patrimoine comme dans la création, car l'un et l'autre sont tout à fait indissociables.
Les engagements que vous avez pris devant la commission et les décisions que vous avez annoncées, par écrit et oralement, et que vous nous confirmerez tout à l'heure, m'incitent à nuancer, comme l'a fait M. Schumann, l'avis qui avait été émis par mes collègues et par moi-même. La commission des affaires culturelles, vous le savez, s'en est remis à la sagesse du Sénat. Cependant, compte tenu des éléments que vous nous avez apportés, monsieur le ministre, le rapporteur pour avis vous indique qu'il votera le budget de la culture. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'examinerai successivement les crédits du cinéma et ceux du théâtre dramatique.
Avant de vous présenter les crédits du cinéma, je tiens, mes chers collègues, à replacer ce projet de budget dans son contexte général.
Les évolutions qui ont affecté l'économie du cinéma en 1995 et en 1996 me paraissent relativement positives.
En 1995, la fréquentation des salles s'est accrue de 4,1 %, pour atteindre 130 millions d'entrées. C'est le meilleur résultat depuis 1987.
Les films français ont particulièrement profité du redressement de la fréquentation. Leur part de marché est en effet passée de quelque 28 % en 1994 à près de 35 % en 1995. Il est vrai que le cinéma américain conserve une position dominante avec 54 % de parts de marché.
En matière d'exploitation cinématographique, le nombre de salles augmente pour la deuxième année consécutive. Là encore, après dix ans de baisse continue du nombre de salles, ce secteur fait preuve d'un nouveau dynamisme.
En ce qui concerne la production, ont été produits, en 1995, 149 films, dont une centaine ont été financés entièrement ou majoritairement par des partenaires français.
Après des années de crise de la fréquentation, ces résultats portent, certes, à l'optimisme mais il faut rester très vigilant. La santé de l'industrie cinématographique française est en effet fragile.
Elle doit, face à la concurrence des nouveaux services audiovisuels et à l'intégration toujours plus poussée des groupes de médias multinationaux, entreprendre un effort important de modernisation.
Les pouvoirs publics devront favoriser cette modernisation. Ils devront aussi en limiter les effets pervers pour préserver le pluralisme du cinéma français.
Cela est vrai dans le domaine de la production, où il s'agit de maintenir une place à la production indépendante. C'est également le cas dans le secteur de l'exploitation cinématographique, où le développement des salles multiplexes, qui a, par ailleurs, une incidence positive sur la fréquentation, peut, si l'on n'y prend garde, entraîner le déclin des salles de quartiers qui animent nos centres-villes.
Les crédits affectés au cinéma dans le projet de loi de finances pour 1997 concourent globalement à ces objectifs.
Ils s'élèvent à 1 526,3 millions de francs, en diminution de 2,7 % par rapport à 1996.
Cette baisse est le résultat d'une évolution contrastée.
Les crédits du compte de soutien à l'industrie cinématographique et à la production audiovisuelle affectés au cinéma, qui représentent 80 % du budget du cinéma, progressent de plus de 5 %.
Cette progression permettra, notamment, de renforcer les moyens consacrés au soutien sélectif à la production et, en particulier, à l'avance sur recettes. Elle permettra aussi de soutenir l'aide sélective à l'exploitation cinématographique, afin d'aider les salles situées en centre-ville et soumises à la concurrence des salles multiplexes.
En revanche, les dotations budgétaires du ministère de la culture affectées au cinéma régressent de 25 % pour s'établir à 298,5 millions de francs.
Ainsi, la dotation de fonctionnement affectée au CNC, le Centre national du cinéma, baisse de plus de 50 %, diminution compensée par un prélèvement sur le compte de soutien. De même les crédits d'intervention destinés au secteur cinématographique sont réduits de 16 %.
De ce fait, si les moyens de fonctionnement et d'intervention du CNC sont globalement maintenus, c'est notamment grâce à un transfert, au compte de soutien, de 37 millions de francs de dépenses antérieurement financées par le budget du ministère de la culture. Cette évolution peut s'expliquer dans un contexte de rigueur budgétaire. Elle me paraît cependant inquiétante pour les années à venir.
J'observe, à cet égard, que la suppression de la dotation budgétaire de 26 millions de francs en compensation de l'exonération des câblo-opérateurs de la taxe sur les services audiovisuels devrait avoir pour contrepartie une extension de l'assiette de cette taxe à l'ensemble des services de télévision. Or, cette réforme, sans laquelle les prévisions de recettes du compte de soutien ne pourront se réaliser, ne figure pas dans le projet de loi de finances. Aussi, nous aimerions savoir, monsieur le ministre, dans quels délais cette réforme sera soumise au Parlement.
Je note, enfin, que les crédits d'investissement destinés au cinéma s'élèveront, pour 1997, à 47 millions de francs, soit une baisse de près de 50 % par rapport à 1996. Cette diminution s'explique par une pause dans les travaux du Palais du cinéma. Les crédits restants serviront essentiellement à la poursuite du plan pluriannuel de restauration des films anciens.
Au total, la commission des affaires culturelles a estimé que ce projet de budget préserve tout de même pour l'essentiel les moyens consacrés au cinéma français.
Votre rapporteur voudrait également exprimer sa satisfaction en ce qui concerne le dossier des SOFICA, les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant à plafonner à un tel niveau la déduction fiscale liée aux SOFICA que cela revenait, dans les faits, à supprimer ce dispositif. Le Sénat a, dans sa sagesse, supprimé ce plafond. La commission des affaires culturelles, qui avait déposé un amendement à cet effet, s'en félicite.
Elle souhaiterait toutefois attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de contrôler, voire de renforcer, les obligations des SOFICA en matière de financement de la production indépendante, comme le suggèrent d'ailleurs les conclusions du rapport de MM. Bloch-Lainé et Calderon, qui a été remis au ministère de la culture en juillet dernier.
Je voudrais, enfin, vous faire part, mes chers collègues, de questions qui me semblent être des enjeux importants pour la politique du cinéma.
Favoriser le développement et la diversité du cinéma français exige d'adapter constamment les dispositifs de soutien à l'évolution et aux priorités du secteur cinématographique. Dans cette perspective, deux sujets méritent, aujourd'hui, un examen attentif.
La question des règles relatives à la fixation du prix des places de cinéma, entre exploitants et distributeurs, n'a toujours pas reçu de réponse cette année. Une initiative pour résoudre les difficultés engendrées par l'incohérence des textes sur ce sujet me paraît d'autant plus nécessaire que ces difficultés risquent de s'accentuer avec le développement des salles multiplexes.
Il me semble également nécessaire d'engager une réflexion sur la réglementation régissant les rapports entre la télévision et le cinéma.
Monsieur le ministre, vous aviez évoqué la possibilité de réformer les obligations des chaînes de télévision en matière de production dans un sens favorable à la production indépendante. Nous aimerions, là aussi, connaître vos intentions.
Mes chers collègues, je serai plus bref dans la présentation des crédits du théâtre dramatique.
Ces crédits s'élèveront à 1 308,4 millions de francs en dépenses ordinaires et autorisations de programme, soit une baisse de 6,2 % par rapport aux crédits votés en 1995.
Cette diminution s'explique essentiellement par l'achèvement des travaux du Théâtre national de Strasbourg. Les moyens affectés aux titres III et IV étant pratiquement stables, on peut considérer que c'est un budget de reconduction.
Pour le secteur public dramatique, j'indiquerai brièvement la répartition des subventions selon les catégories d'établissements.
Les subventions de fonctionnement accordées aux cinq théâtres nationaux seront globalement reconduites, soit 338 millions de francs.
Les crédits affectés aux établissements de la décentralisation, soit une quarantaine de centres dramatiques nationaux et une soixantaine de « scènes nationales », atteindront 566,2 millions de francs, soit une légère diminution de 0,2 %.
J'en arrive à la contribution de l'Etat au renouvellement de la création et à la découverte de nouveaux talents.
La politique de soutien aux compagnies dramatiques indépendantes, qui bénéficie à environ six cents compagnies, devrait être poursuivie avec un budget constant par rapport à 1996, soit 184 millions de francs.
Le théâtre privé, qui regroupe une cinquantaine de théâtres parisiens, bénéficie d'une subvention de l'Etat de près de 25 millions de francs, qui représente près de 30 % du fonds de soutien pour le théâtre privé.
Les théâtres privés traversent actuellement une forte crise de fréquentation : ils ont perdu 27 % de leurs spectateurs depuis 1990. Dans ce contexte, le soutien de l'Etat, qui sera reconduit en 1997, semble particulièrement justifié : le théâtre privé joue, en effet, comme les scènes publiques, un rôle fondamental dans la découverte de nouveaux talents.
Au total, ce projet de budget préserve les moyens affectés à l'art dramatique. Cependant, il exigera de la part des théâtres et des compagnies dramatiques un surcroît de rigueur et de dynamisme pour conquérir de nouveaux publics et mener une politique ambitieuse de création.
Sous réserve de ces remarques, la commission des affaires culturelles est favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 17 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Mes chers collègues, de nombreux orateurs sont inscrits dans cette discussion ; je serai obligé de me montrer strict quant au respect du temps de parole qui leur a été accordé par leur groupe. Aussi, une minute avant la fin du temps dont ils disposent, je ferai clignoter la lampe rouge de la tribune, ce qui leur facilitera la gestion de la conclusion de leur intervention.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, je vous ai entendu, j'ai écouté vos déclarations et j'ai lu vos textes et les multiples documents d'information que vous avez diffusés, et j'ai étudié le projet de budget de votre ministère.
Peut-être n'êtes-vous pas tout à fait responsable de l'écart qui existe entre votre discours et le présent projet de budget. En ces temps d'extrême rigueur, Bercy, il est vrai, ne doit pas être très clément envers votre département ministériel qu'il considère sans doute comme un ministère bien petit, voire superflu. Et pourtant, dans le même temps, on sanctifie et on « panthéonise » Malraux.
C'est en effet un projet de budget « peau de chagrin » que nous examinons aujourd'hui. Je vais donc me livrer à cet exercice fastidieux mais nécessaire qui consiste à montrer point par point, chiffres à l'appui, que la culture est à présent loin, très loin d'être une priorité de l'Etat. Les chiffres, parfois, parlent mieux que de longs discours.
Pour 1996, vous annonciez, monsieur le ministre, un budget atteignant le taux symbolique de 1 % du budget de l'Etat. Nous avions alors dénoncé la supercherie : votre budget avait été gonflé à l'aide d'un certain nombre de transferts.
Cette année, vous semblez assumer la baisse de vos crédits. Hors transferts de compétences, admettez-vous, le budget subirait une baisse de 5 %. Une fois encore, malheureusement, c'est par l'effet d'un trompe-l'oeil que vous parvenez à minimiser une baisse qui représente en réalité 9 %.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Non, 8 % ! C'est déjà assez !
Mme Danièle Pourtaud. Votre nouvelle astuce est la suivante : vous avez fait inscrire au budget de la culture des crédits qui étaient jusqu'à présent inscrits au budget du ministère de l'intérieur au titre de la dotation générale de décentralisation relative aux bibliothèques. La somme en cause n'est pas négligeable. Qu'on en juge : il s'agit de 902 millions de francs.
En réalité, à structure constante, le budget de la culture représente 0,79 % du budget de l'Etat. En 1993, dans le projet de loi de finances initiale, il représentait 1 % du budget de la nation. Pour aller au devant de votre objection, je vous concède que, compte tenu du projet de loi de finances rectificative, ce taux fut ramené à 0,99 %. Quoi qu'il en soit, depuis 1993, la part du budget de la culture a donc subi une baisse de 20 %.
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je me contenterai de citer quelques exemples emblématiques des conséquences catastrophiques de cette loi de finances.
Le premier exemple concerne le patrimoine : ce dernier apparaît - « apparaissait », pourrai-je dire si vous nous apportez une bonne nouvelle à ce sujet ; mais encore faudra-t-il savoir quel est le montant de l'effort consenti par Bercy ! - comme la grande victime des coupes budgétaires. Il ne s'agit en aucun cas de querelles partisanes, puisque MM. les rapporteurs eux-mêmes l'ont regretté et que, comme vous l'avez entendu, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles, et donc votre majorité au sein de la commission, n'a pas approuvé votre projet de budget.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. ... ne l'avait pas approuvé !
Mme Danièle Pourtaud. Effectivement !
Quels sont les faits ? Une baisse des crédits d'investissement de 35 % et une loi de programme étalée sur une année supplémentaire.
Croyez-vous vraiment que cette baisse sera compensée par le réinvestissement des crédits non utilisés l'année dernière ?
Soyons sérieux ! Ces restrictions risquent de mettre en péril pas moins de 3 000 à 4 000 emplois dans le secteur. Des savoir-faire précieux pourraient disparaître, l'équilibre financier des petites entreprises de restauration serait sérieusement mis à mal. Mais je n'insiste pas sur ce point, qui a été longuement développé par les rapporteurs.
J'en viens à un second exemple : le cinéma français vous est cher, monsieur le ministre. Vous vous êtes avec raison battu pour le maintien du régime des SOFICA ; mais était-ce avec l'idée que celles-ci compenseraient quelque peu la baisse des crédits du CNC ? Là encore, vous affichez une hausse qui est en réalité exclusivement liée aux taxes parafiscales retenues sur le prix des billets d'entrée ainsi qu'aux contributions des diffuseurs. Et malgré vos efforts pour le nier, les moyens budgétaires du CNC baissent de 60 millions de francs.
Comme vous le savez, la demande d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles va exploser, le passage au numérique promettant d'ores et déjà une multiplication par huit du nombre d'heures de diffusion. Comment le cinéma français pourra-t-il relever ce défi si vous l'amputez d'une part essentielle de son financement ?
Ces deux exemples parlent d'eux-mêmes. Ils mettent en évidence le désengagement considérable de l'Etat en matière de culture. A cela s'ajoute une pratique systématique qui consiste à décider le gel des crédits en cours d'exécution. Cela fait trois ans que ce gel budgétaire s'abat, puis se transforme en annulation des crédits, ce qui provoque une hécatombe parmi les petites associations. Nombreuses en effet sont celles qui ont cessé leurs activités.
Pour justifier ce désengagement, vous avancez deux explications : l'achèvement des grands travaux, d'une part, le climat de rigueur budgétaire, d'autre part.
Je ne vois pas en quoi l'achèvement des grands travaux permettrait de justifier la réduction des crédits de la culture. Pourquoi ne pas avoir redéployé ces crédits au bénéfice du budget général ?
L'achèvement des grands travaux devrait tirer vers le haut, et non vers le bas, l'ensemble des crédits de la culture.
Votre ministère, dites-vous, doit participer comme les autres à l'effort de rigueur. Mais s'il y participait comme les autres, monsieur le ministre, nul besoin d'être grand mathématicien pour savoir que sa part relative dans le budget de la nation devrait rester la même. En réalité, il en pâtit beaucoup plus que les autres.
Un si petit budget mettrait à ce point en péril l'équilibre global du budget de l'Etat ? Vous ne le ferez croire à personne ! Vous risquez, en ne défendant pas assez votre budget, de mettre en cause l'exception culturelle française.
Vous citez beaucoup Malraux, monsieur le ministre, Malraux qui avait permis à la culture de se doter d'une administration à part entière et de ne plus être la dernière roue du carrosse de l'Etat. Mais à quoi bon, si cette administration ne dispose d'aucun moyen ?
Je voudrais maintenant démontrer que les deux grands objectifs de votre politique restent à l'état de bonnes intentions.
Vous disiez à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que le budget est avant tout le reflet d'une politique. Vous affichez deux grandes ambitions : réduire la fracture sociale, d'une part, atténuer le déséquilibre entre Paris et la province, d'autre part. Mais en fait, sur ces deux points, vous ne vous donnez pas les moyens de mettre votre discours en pratique.
Ainsi, la lutte contre la fracture sociale ne doit pas être le faire-valoir d'une volonté politique sans contenu réel.
Une fois encore, je me contenterai de relever quelques chiffres.
La délégation au développement et aux formations voit ses crédits diminuer sensiblement. Elle est pourtant l'un des outils privilégiés de la lutte contre la fracture sociale. Hors transferts, ses crédits d'intervention baissent de 21 millions de francs. Comme vous le savez tous, mes chers collègues, ces crédits concernent notamment les actions en faveur des publics défavorisés ou la politique de la ville. Quant à ses crédits d'équipement, qui atteignaient 313 millions de francs en 1993, ils représentent à présent seulement 76 millions de francs.
Ce ne sont pas quelques interventions ponctuelles qui constitueront une véritable politique culturelle, sociale et citoyenne.
Je salue la création d'un pôle de développement culturel et économique dans la friche de la Belle de Mai, ainsi qu'un certain nombre d'initiatives locales allant dans le même sens. Mais elles ne peuvent remplacer une action de fond. Les quartiers en difficulté ne sont pas des laboratoires où vous pouvez vous contenter de quelques actions expérimentales, seule une vingtaine de projets étant prévue cette année.
La culture pour tous, monsieur le ministre ? Oui ! Nous ne pouvons que souscrire à ce principe, et sans doute le beau s'apprend-il !
L'éducation artistique est bien évidemmment au coeur de cet apprentissage. Le rapport Rigaud en fait une cause nationale. Or, je ne vois pas que, dans ce projet de loi de finances, elle soit particulièrement l'objet de vos préoccupations. Le projet de budget pour 1997 affiche le maintien de l'ensemble des crédits consacrés aux enseignements artistiques. Cependant, ce maintien n'est encore une fois possible que par l'augmentation des crédits provenant des écoles d'architecture. Hors transferts, les crédits sont tous en baisse, fut-elle légère. Est-ce bien là ce que l'on pouvait attendre pour une cause nationale ?
Je ne crois pas que votre projet de budget montre une véritable volonté de contribuer à promouvoir une culture citoyenne et accessible à tous, monsieur le ministre.
Vous avez à peine maintenu les crédits du titre IV pour l'aide à la création. Cela signifie, je vous le rappelle, une baisse en francs constants. Vous avez semblé en être fier à l'Assemblée nationale ; les créateurs sauront juger !
De la même manière, les lieux de spectacle vivant marquent le pas. L'année prochaine, par exemple, le festival d'Avignon devra refuser 40 000 personnes faute de moyens. Les 2 millions de francs octroyés au festival d'Avignon l'année dernière sont seulement venus combler une baisse équivalente des crédits alloués par la ville d'Avignon, dont le maire, rapporteur à l'Assemblée nationale, se félicitait des efforts entrepris pour la province. On la comprend !
Le budget du festival d'Avignon est équivalent à celui du festival d'Aix-en-Provence alors qu'il accueille un nombre de spectacles et de spectateurs considérablement plus important. Certes, l'opéra coûte cher ; mais cela ne justifie pas une telle disproportion, surtout lorsque l'on se targue de promouvoir la culture pour tous.
Ce festival reste l'un des seuls festivals en France à s'ouvrir à un vrai public, large et non réduit aux professionnels. Et le théâtre, plus que d'autres formes d'expression, donne une place primordiale au spectateur et à sa capacité critique. Il devrait être l'un des piliers de la promotion d'un public citoyen.
Je voudrais revenir maintenant sur les multiples attaques contre des institutions et des manifestations culturelles des mairies Front national. Ces attaques sont doublement inadmissibles et dangereuses : elles sont inadmissibles comme tout acte de censure ; elles sont dangereuses parce qu'elles encouragent la tentation de repli sur soi de populations victimes de la crise économique.
Alors, monsieur le ministre, si je rends hommage à votre engagement clair pour refuser la censure dans les bibliothèques d'Orange ou à la fête du livre de Toulon, si nous vous donnons acte de votre soutien à Gérard Paquet, nous nous interrogeons néanmoins sur le comportement du préfet Jean-Charles Marchiani.
Je ne vois que deux mauvaises hypothèses : soit le Gouvernement ne peut se faire obéir de son préfet ; soit le Gouvernement tient un double langage.
C'est pourquoi je pense urgent non seulement de régler ce problème, mais également de remettre le citoyen au coeur de la politique culturelle. A ce moment-là seulement, la lutte contre la fracture sociale sera autre chose qu'une simple incantation.
J'en viens à la seconde grande ambition de votre politique, monsieur le ministre, à savoir l'atténuation du déséquilibre entre Paris et la province. Je dirai d'emblée que le supposé effort envers la province ne se traduit pas concrètement.
Vous avez annoncé, non sans fierté, que les deux tiers de vos crédits d'équipement allaient être consacrés à la province. Mais une telle assertion ne résiste pas à un examen détaillé de votre projet de budget.
Encore une fois, ce ne sont pas quelques opérations phares qui suffisent à nous convaincre. Comprenez-moi bien, monsieur le ministre : ces opérations ne sont pas contestables en elles-mêmes, et nous ne pouvons que nous réjouir de la construction d'un centre d'archives contemporaines à Reims et de la création d'un centre d'art contemporain à Toulouse.
Mais elles ne sauraient dissimuler une baisse générale tant des crédits d'investissement destinés aux actions dans les régions de la plupart des directions que des crédits d'équipement affectés au patrimoine monumental. Or, monsieur le ministre, nous n'ignorez pas que la mise en valeur du patrimoine est un atout essentiel pour le rééquilibrage entre Paris et la province.
Si la culture est un puissant facteur d'aménagement du territoire, il faudrait que vous nous expliquiez pourquoi des consignes sont données dès aujourd'hui aux directions régionales des affaires culturelles pour qu'elles réservent au moins 5 % de leurs budgets.
Quant aux crédits consacrés aux autres bâtiments que les monuments historiques, les deux tiers seront en réalité attribués à des opérations parisiennes. Selon les estimations, quelque 61 % de ces crédits d'équipement seront investis à Paris, et ce alors même que les grands travaux s'achèvent.
Je ne comprends donc pas bien ce qui vous permet d'affirmer que les deux tiers des crédits d'équipement seront consacrés à la province.
En France, les dépenses culturelles sont financées à hauteur de 40 % par les communes. Leur contribution est donc essentielle.
La ville de Paris fait exception. Les dépenses culturelles n'y représentent en effet que 7 à 8 % du budget. Il semble donc nécessaire que M. Tibéri s'aligne sur la moyenne des villes de France si vous voulez pouvoir atteindre vos objectifs de rééquilibrage, monsieur le ministre.
Face à un budget qui consacre le désengagement de l'Etat du domaine de la culture, alors que la culture a plus que jamais un rôle essentiel à jouer pour restaurer le lien social, je rappellerai ce que disait Sénèque : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas que les choses sont difficiles. »
C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens d'une soirée au théâtre de Chaillot, alors dirigé par Antoine Vitez : Luigi Nono avait présenté son oeuvre Prometheo, et, ensuite, nous avions longuement discuté : « Notre devoir, c'est d'être attentifs aux voix de partout, aux voix oubliées, aux voix secrètes, aux voix censurées, aux voix inconnues, aux voies intérieures auxquelles la musique donne leur envol », disait Luigi Nono, « Faisons cela sans crampes mentales. Il faut non pas chercher l'unanimité, le succès, l'approbation, mais essayez d'entendre la diversité », ajoutait-il. Et il concluait ainsi : « Evidemment, ce genre d'attitude ne correspond pas aux besoins du marché ! »
J'ai donc voulu aller écouter toutes les voix qui, aujourd'hui, parlent de cette question de la culture ; toutes, sauf une, bien sûr ; celle du maire purificateur de Toulon, qui, avec la complicité ou le silence du préfet Marchiani, fait condamner le groupe NTM, ce « tambour de bouche » scandant le malaise et la colère de la jeunesse des banlieues, interdit l'écrivain Marek Halter dans sa ville et veut chasser le directeur du Théâtre national de la danse et de l'image de Châteauvallon, Gérard Paquet.
Tout le monde connaît les nombreuses répliques qui s'inspirent - du moins je le crois - de Walter Benjamin, quand il disait : « Que cela suive ainsi son cours, voilà la catastrophe. »
Autrement dit, il est bien qu'il n'y ait pas d'inertie, de passivité, de fatalisme, et qu'il y ait au contraire de l'intransigeance face à cette irruption de l'insensé, face à cette pollution des rapports humains, face à cette pensée restreinte du commun, face à cette manipulation de la culture.
Il est bien que, dans ce combat de civilisation au quotidien, votre voix et vos actes, monsieur le ministre, soient avec la liberté. Cela valait d'être dit, d'autant que le populisme et l'« identitarisme » inspirent aussi des démarches ailleurs qu'à Toulon, à Orange et à Marignane et méritent également une réplique de conscience.
J'aborderai maintenant la discussion relative à la culture et à mes écoutes.
Je parlerai tout d'abord de l'écoute des artistes : j'en rencontre en ce moment beaucoup à l'occasion du Tour de France des états généraux de la culture ou lors de participations à des assises, qu'elles concernent la danse à Belfort, les arts plastiques à Tours, les auteurs à l'UNESCO, les cinéastes à Beaune, les directeurs de conservatoires et d'écoles des beaux-arts à La Courneuve. Je serai fidèle à ce que j'ai entendu.
On observe actuellement chez les artistes, en France, une anxiété, une inquiétude grave, voire un cri d'alerte face à une déstabilisation de la culture qui touche aussi bien les artistes pris individuellement - je pense à l'offensive du CNPF contre les annexes 8 et 10 et de l'UNEDIC, à l'offensive du ministère de l'économie et des finances sur les frais professionnels - que les structures : nombre de jeunes compagnies sont en train de « couler », et un théâtre comme le Théâtre national populaire est même touché, à court terme, par de substantielles soustractions de crédits de l'Etat et de collectivités territoriales.
Je ne peux énumérer tous les domaines fragilisés, encore que le patrimoine, tout à l'heure évoqué, mérite, par devoir, d'être nommé.
Oui, partout, j'ai rencontré jusqu'à de la colère. Un artiste m'a même dit : « Nous ne nous plaignons pas, nous portons plainte ! » Et ne vous y trompez pas : il n'y aura pas de division, même si les propos sont multiples !
Les artistes expriment leur lassitude face à des crédits annoncés, dans le meilleur des cas stabilisés, puis fatalement minorés, voire gelés, et versés, pour ce qui reste, avec beaucoup de retard. Les projets sont ainsi malmenés, empêchés et abandonnés, voire difficiles à mettre debout. Il est un peu joué aux dés avec les artistes, qui entrent de plus en plus dans la précarité, rejoignant ainsi le sort de nombre de nos concitoyens.
Quel est, précisément, l'avis de nos concitoyens ?
Le service des études et recherches du ministère de la culture a fait à ce propos un travail tout à fait intéressant : selon cette étude, 90 % de nos concitoyens considèrent que l'aide de l'Etat en faveur de la culture est positive. Mais, plus significatif, à la question : « en temps de crise, les crédits culturels doivent-ils être diminués, augmentés ou laissés en l'état ? », 46 % estiment qu'ils doivent rester en l'état, et 14 % pensent qu'ils doivent augmenter, soit 60 %. Il y a donc dans ce pays, s'agissant de la culture, un acquis citoyen sur lequel il nous faut vraiment nous appuyer.
J'en viens à l'écoute des experts. Comme vous le savez, monsieur le ministre, j'ai été membre assidu et constructif de la commission Rigaud, qui a notamment traité de la dépense culturelle, qui, pour moi, est un investissement humain.
Ecoutons cette commission : « La dépense culturelle est comme mise en examen budgétaire, mais de façon rampante, avec ce qu'il faut de non-dits pour créer le trouble dans les esprits ».
Que constate-t-elle ? « La dépense culturelle semble accusée en elle-même, comme si, sans le dire, on lui reprochait d'exister. On a l'impression qu'au sein même de l'appareil d'Etat on a décidé d'instruire le procès de la dépense culturelle. »
La commission - et vous connaissez la diversité de l'engagement de ses membres - a par ailleurs refusé tout redéploiement et réclamé un effort nouveau accru.
Il est clair que la culture et son développement sont un grand enjeu national pour la République.
La commission considère aussi qu'il y a nécessité d'une régulation d'ensemble du marché et que « la politique culturelle ne saurait être traitée comme une annexe de la politique sociale ».
Ainsi, les avis des artistes, des citoyens et des experts convergent.
L'avis de la mémoire aussi ! On a beaucoup parlé, ces jours-ci, d'André Malraux, et je ferai simplement, à cet égard, une citation de l'auteur de L'Espoir : « Il convient d'opposer aux puissants efforts des usines de rêves producteurs d'argent celui des usines de rêves producteurs d'esprit ... Nous sommes la première génération d'héritiers de la terre entière ... Que s'agit-il, de faire ? Le maximum de liberté ».
Quant à Jean Vilar, il disait : « Ce qu'il est très difficile d'admettre désormais, c'est un certain axiome ancré dans bien des consciences de hauts responsables qu'en France les artisans, comme les deuxième classe, se débrouillent toujours ».
Et, dans une lettre à Malraux, le 16 mai 1971, il écrivait : « J'ai bien compris que l'épaisseur sociale empêcherait tout mouvement, toute réforme profonde, toute révolution artistique ... Cette société est triste et sans esprit parce qu'on ne lui donne qu'à penser fric ».
Voilà deux grandes interpellations on ne peut plus actuelles !
Je suis allé aussi à Strasbourg, les 14 et 15 octobre dernier, au premier forum des cinémas européens ; j'y ai pris connaissance du document établi sur la stratégie audiovisuelle globale des Etats-Unis, en sept points. J'en extrairai le point n° 3 - « Eviter les drames et les querelles inutiles sur les questions culturelles », et le point n° 4 - « Lier les questions audiovisuelles et le développement des nouveaux services de communication et de télécommunication dans le sens de la déréglementation. »
Cela, c'est l'avis des « grandes affaires » et, malheureusement, les grandes affaires françaises rejoignent en la matière les grandes affaires américaines.
La politique française, de ce point de vue, est courte : les quotas, on sait ce qu'il en est advenu, et je pense que le droit de veto de la France est aujourd'hui un recours nécessaire. Mais je crois qu'à côté de ce recours il faut contribuer, en prenant des initiatives européennes, à la création d'une véritable industrie de production d'images en Europe qui porterait un coup d'arrêt au différentiel de recettes entre l'Europe et les Etats-Unis qui, de 2,1 milliards de dollars en 1988, était de 6,3 milliards de dollars en 1995 - on parle d'emplois ; voilà les chiffres ! - et empêcherait que tout soit dominé, au moment de l'avènement du numérique, par une distribution axée sur le juteux système du péage, distribuant majoritairement non pas des oeuvres françaises ou européennes, non pas même des oeuvres américaines, mais des produits américains.
Face à tous ces avis qui convergent - sauf le dernier, celui des « grandes affaires », dont je dissocie l'avis du mécénat industriel, que j'ai pu apprécier aux assises de l'Admical le 15 octobre dernier, parce qu'il a souci lui aussi de la création - je regrette que l'avis du Gouvernement ne suive pas ces ardentes revendications, ces ardentes obligations et reste ainsi dans la marge du mouvement profond de la société.
Votre budget, monsieur le ministre, n'est pas à la hauteur des enjeux de société et de civilisation auxquels nous sommes confrontés.
En 1996, il était proclamé 1 % ; en réalité, à compétence constante, 0,88 % et, aujourd'hui, 0,81 %. En 1997, vous nous annoncez 0,97 %, alors qu'en réalité, à compétence constante, ce sera de 0,79 %.
Mais permettez-moi de rapprocher ces chiffres-ci de ces chiffres-là.
En 1995, le produit intérieur brut égalait 7 674 milliards de francs ; le budget de l'Etat s'élevait à 1 600 milliards de francs ; celui de la culture s'établissait à 13,5 milliards de francs.
En 1997, le produit intérieur brut s'élèvera, selon les prévisions, à 8 170 milliards de francs ; le budget de l'Etat, à 1 553 milliards de francs - avec un « en plus », on aboutit à un « en moins » - et le budget de la culture, à compétence constante, à 12,2 milliards de francs.
Les diminutions budgétaires ne sont donc pas seulement de caractère économique, mais de caractère politique et la culture est plus touchée que l'ensemble du budget. Alors que la refondation culturelle exigerait un tournant vers le haut, nous sommes confrontés à un tournant vers le bas.
Je n'examinerai pas en détail votre budget, monsieur le ministre, encore que me semblent significatifs certains « moins », notamment ceux qui touchent à la notion de responsabilité publique là où il y a croisement avec le privé. Je pense à la diminution des crédits publics pour le cinéma.
Bien sûr, le fonds de soutien compense la diminution, mais la mise à distance de l'Etat n'est pas heureuse, d'autant qu'on la retrouve pour Arte, la chaîne culturelle, qui perd une partie de ses financements publics, et pour FR 3, qui est autorisée, via la publicité, à augmenter ses financements privés.
Je le sais, le Président de la République, dans une interview au Figaro, mais aussi dans son discours à l'occasion du transfert des cendres d'André Malraux au Panthéon, a tenu de forts propos. Mais la mesure réelle de la politique du Gouvernement en faveur de la culture, pour le moment, c'est le budget de 1997. Il fait d'ailleurs malheureusement référence pour nombre de collectivités locales, qui connaissent une pépie financière souvent du fait de l'Etat.
J'ai lu, dans Le Monde du 29 novembre, un article annonçant une dotation de 1 milliard de francs d'ici à 2001 en faveur de l'éducation artistique. Je trouve que cette annonce est heureuse, mais qu'en est-il dans le budget pour 1997 ? Je n'ai pas le détail de ce programme, mais j'ai l'expérience de ma ville, Je considère que la somme annoncée est très insuffisante. Imaginez Jules Ferry lançant, à la fin du siècle dernier, l'école gratuite, laïque et obligatoire avec un déficit monétaire au départ !
Je veux évoquer un sujet qui me tient particulièrement à coeur, le Métafort d'Aubervilliers. Je reconnais que vous le financez à hauteur d'un tiers, mais on ne me fera jamais croire que, s'agissant de nouvelles technologies, les finances publiques nationales ne peuvent payer un équipement qui ne coûte pas plus qu'un lycée !
Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas en rester là. Comme je l'avais déjà proposé l'an dernier, ce trop court débat budgétaire appelle un grand débat sur la culture au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Quoi qu'il en soit, je vais proposer à la commission des affaires culturelles l'organisation d'un débat sur le document américain que j'ai évoqué. Je demanderai également que nous nous intéressions à la discussion qui se déroule actuellement - et en catimini ! - à l'OCDE, en vue d'un accord multilatéral sur les investissements. En effet, elle est une nouvelle fois organisée par le ministère des finances, et vous n'y êtes pas partie prenante.
Je souhaite que l'on sorte de la démarche selon laquelle « il est fatal qu'il soit fatal que la culture soit toujours traitée après... alors qu'elle est au centre de la vie ».
J'aimerais continuer à dialoguer avec rigueur, mais je dois conclure, et je le ferai en présentant quelques propositions précises : il faudrait poser l'exigence d'une augmentation du budget de la culture eu égard à la refondation culturelle, favoriser la province, les banlieues et considérer le monde rural, aborder le spectacle vivant et la création contemporaine comme une priorité, verser selon un calendrier rigoureux les subventions annoncées, financer l'éducation artistique - ce qui implique un engagement jamais connu de l'éducation nationale et d'autres ministères - étendre à d'autre secteurs que le cinéma la pratique du fonds de soutien, taxer la Française des jeux pour constituer un fonds national pour l'innovation culturelle et pour la jeune création avec - 2 %, nous aurions, vous auriez 1,2 milliard de francs ; il y a donc là quelque chose à faire, il y a un juste retour de cette société de loisirs, que moquait légitimement Malraux parce qu'elle n'est pas réellement une société de loisirs, vers une société de conscience où la culture serait centrale - et il faudrait encore hausser, dans une première étape, le budget de la culture de la Communauté européenne à 1 % des fonds structurels et, enfin, contrairement aux engagements présidentiels du pacte de stabilité des finances communales, mettre un terme à la pratique d'un Etat minorant sans cesse son intervention, pourtant déjà faible, dans les budgets communaux.
Je conclurai par un souvenir : le 12 mai 1976, il y a vingt ans, à l'Assemblée nationale, la commission spéciale chargée d'examiner des propositions de loi relatives aux libertés et aux droits fondamentaux recevait des témoins. C'était, après Mgr Etchegaray, Edmond Maire et Georges Séguy, le tour d'André Malraux. J'étais juste devant la tribune d'où il parlait de crise de civilisation, d'audiovisuel et de travail à faire. Il eut alors cette remarque qui me semble tout à fait forte, je dirai même puissante : « Avec 1 % de majorité, on peut faire une loi, mais pas un gouvernement historique. » Aujourd'hui, la culture, l'art, sont des questions historiques. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Othily applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, à une époque où chacun semble montrer qu'il est attaché à la notion d'identité culturelle, je souhaite, à titre liminaire, profiter de votre présence et de ce débat pour vous faire part de deux messages, l'un de modestie, l'autre de responsabilité.
Modestie, à savoir que les mieux placés pour penser l'identité, la culture, sont d'abord ceux qui les produisent, les créateurs, ceux qui sont les garants de la société civile et qui montrent son épanouissement à travers le défi de la création et de la créativité peintres, écrivains, artisans, tous ceux qui font que nous sommes sûrs d'être.
Responsabilité aussi, particulièrement de la part des responsables communaux, régionaux, étatiques et associatifs.
La raison en est simple : c'est que, dans nos pays de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, aucun défi politique, aucun statut administratif, aucun avenir politique et économique n'a de sens s'il ne se fonde d'abord sur la puissance de l'identité, sur la puissance de notre culture.
L'identité culturelle est un concept très difficile à appréhender en Guyane, région qui trouve sa particularité dans la présence sur son sol de nombreuses communautés à culture différente : amérindienne, bushinenguée, haïtienne, brésilienne et asiatique. Dépourvus de l'esprit de tolérance indispensable à la cohésion sociale, il nous sera difficile, sans une alchimie extraordinaire, d'arriver à une forme identitaire commune. Est-elle possible ? Est-elle réalisable ? Nul ne peut connaître l'histoire de la prochaine aurore. En tout cas, engageons-nous à ouvrir ce vaste chantier pour l'avenir de nos populations.
Il n'en demeure pas moins que l'Etat français doit s'affranchir de cette diversité afin d'encourager l'émergence d'une identité culturelle guyanaise, derrière laquelle l'ensemble de la population se reconnaîtra, par une politique qui nous rassemble dans une Guyane française qui nous ressemble.
L'affirmation de ce concept identitaire m'oblige à engager le débat sur les moyens mis à la disposition de la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, qui sont insuffisants si l'on doit mettre en place une politique culturelle non définie en partenariat avec les acteurs du développement culturel guyanais.
Je ne puis vous cacher que c'est avec quelque déception que j'ai pris connaissance de l'enveloppe budgétaire allouée au ministère de la culture.
En effet, monsieur le ministre, alors que vous entendez poursuivre des objectifs ambitieux, parmi lesquels le rééquilibrage en faveur de la province - mesure qui me touche particulièrement - les crédits budgétaires qui vous sont alloués enregistrent une baisse de 3 %.
Toutefois, je n'ignore pas que nous devons faire face à des difficultés financières importantes et qu'en conséquence l'heure est aux économies budgétaires.
Pour ma part, je souhaiterais aborder les aspects délicats que soulève l'affectation des crédits de votre ministère au département de la Guyane.
L'un de mes illustres prédécesseurs au groupe du Rassemblement démocratique et social européen, Edouard Herriot, nous a apporté du Japon cette maxime aujourd'hui connue de tous : « La culture, c'est ce qui demeure dans l'homme lorsqu'il a tout oublié. »
Je ne saurais résister à la tentation de vous dire, monsieur le ministre, que, la Guyane étant parfois la « grande oubliée » de la France, ses habitants devraient voir leur accès à la culture facilité d'autant...
Monsieur le ministre, vous savez que la direction régionale des affaires culturelles guyanaise a un rôle majeur à jouer dans l'avenir de la jeunesse de ce département. En effet, à une époque où celle-ci est en passe de perdre ses racines - les événements du mois dernier l'ont montré - l'action culturelle peut se révéler un remède efficace dans la sensibilisation des jeunes contre la drogue, l'alcoolisme ou la délinquance. L'ancien ministre de la santé que vous êtes ne peut rester insensible aux démarches effectuées en ce sens !
Malheureusement, la DRAC de Guyane n'a pas les moyens de sa politique. En effet, ce n'est pas avec treize personnes seulement qu'il lui est possible d'asseoir son action à travers les 92 000 kilomètres carrés que compte la Guyane.
Afin que la DRAC puisse mener à bien les missions qui lui sont confiées, il est indispensable de procéder à des recrutements complémentaires, et ce dès le début de l'année 1997. Tout d'abord, le directeur, qui officie seul, a absolument besoin d'un adjoint et d'une secrétaire supplémentaire. Ensuite, le poste de conseiller au service du patrimoine, qui a été supprimé, doit impérativement être rétabli. Enfin, il nous faut également un autre conseiller au titre de la musique et de la danse !
En Guyane, ce n'est ni en fonction du nombre d'habitants, ni en fonction de la densité de la population, mais au regard des temps de trajet qu'il faut déterminer le nombre d'agents nécessaires. J'ouvre une parenthèse pour vous signaler, monsieur le ministre, que cette remarque concerne aussi bien le ministère de la culture que l'ensemble des administrations représentées en Guyane.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur le sénateur.
M. Georges Othily. J'y viens, monsieur le président !
Une autre de mes préoccupations concerne la revalorisation et la restauration du patrimoine guyanais. Il y a dans ces deux tâches des progrès considérables à effectuer.
Ces missions doivent être étudiées avec d'autant plus de soin qu'elles permettraient d'assurer sans conteste un grand nombre de créations d'emplois.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous me donniez des informations relatives à la poursuite des contrats de plan Etat-région. Si l'Etat et la région ont déjà débloqué certains fonds en faveur de la création d'activités nouvelles, nous sommes toujours dans l'attente de la dotation européenne complémentaire.
Monsieur le ministre, je sais que, rigueur financière oblige, vous n'avez que très peu de latitude dans la détermination des crédits nécessaires à votre ministère. Aussi, bien que déçue par la faiblesse des ressources attribuées, mais confiante dans l'utilisation qui en sera faite et en espérant que vous tiendrez compte de ces observations, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et moi-même vous apporterons notre soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plus de trente ans - c'était en 1962 - défendant son projet de loi sur les monuments historiques, le ministre de la culture de l'époque déclarait à cette tribune, et je ne résiste pas au plaisir de le citer à nouveau : « Nos monuments sont le plus grand songe de la France. C'est pour cela que nous voulons les sauver : non pour la curiosité ou l'admiration, légitime d'ailleurs, des touristes, mais pour l'émotion des enfants que l'on y tient par la main. »
Vous avez pu lire comme moi cette belle phrase dans le rapport pour avis de notre excellent collègue M. Philippe Nachbar, et vous savez que ce ministre était celui que, voici à peine plus d'une semaine, dans le froid glacial d'un soir de novembre, nous avons accompagné jusqu'aux marches du Panthéon.
André Malraux a fait beaucoup pour le patrimoine monumental de la France. N'est-il pas paradoxal, et un peu triste, que nous ayons à examiner, à l'heure même où l'on célèbre sa gloire, un budget dans lequel les monuments historiques sont les grands sacrifiés ?
Dans son ensemble, le budget du ministère de la culture atteindra en 1997 un peu plus de 15 milliards de francs, accusant une baisse de 2,9 %, ce qui représente environ 450 millions de francs.
Cependant, les moyens consacrés aux monuments historiques chutent, passant de 1,646 milliard de francs en 1996 à 1,077 milliard de francs en 1997, ce qui correspond à une baisse de 569 millions de francs et à une réduction de 34,6 % !
Nous sommes bien loin des 2 % d'augmentation annuelle prévues par la loi de 1993 !
Il n'est pas utile d'insister sur les aspects moraux et sentimentaux d'une telle régression, mais je voudrais dire un mot des conséquences matérielles, notamment au regard du problème qui nous préoccupe tous actuellement, l'emploi.
Sur les sommes investies dans la restauration du patrimoine monumental, 60 % à 85 % vont au marché du travail, dans un « bassin » de 34 000 professionnels. Les experts nous disent que la diminution des crédits sera la cause d'environ 3 000 licenciements de personnels hautement spécialisés, notamment des tailleurs de pierre, des maîtres verriers, des restaurateurs de peinture et des facteurs d'orgue.
Et que dire des immeubles classés et de ceux qui relèvent des collectivités territoriales ? Prenons l'exemple d'un immeuble appartenant à des particuliers et inscrit à l'inventaire supplémentaire. Il n'est aidé, en moyenne, qu'à hauteur de 25 %. Les trois autres quarts investis sont à la charge du propriétaire, qui souhaite toujours maintenir ses biens dans le meilleur état possible, et donc ne cesse pas, si les moyens lui en sont donnés, de soutenir très largement l'emploi.
Lors de la journée du patrimoine, en septembre dernier, 8 millions de Français, soit 15 % de la population, ont montré leur attachement aux monuments historiques.
Afin de poursuivre une politique de restauration et d'entretien d'un patrimoine monumental unique au monde, qui est apprécié des Français et qui constitue le principal moteur de l'industrie prospère du tourisme en France, il faudrait, monsieur le ministre, pouvoir combler, dès que possible, du moins en partie, cette brêche de plus de 500 millions de francs qui s'est produite dans le projet de budget.
Un deuxième point m'est apparu digne d'un intérêt particulier. Dans son rapport, présenté avec toujours le même talent, M. Maurice Schumann a souligné que priorité avait été donnée aux services de l'architecture. Les crédits, hors dépenses afférentes au traitement des personnels, ont en effet augmenté de 26 %, soit une progression de 57 millions de francs. Avec une enveloppe de 137 millions de francs, les vingt-deux écoles d'architecture en sont les principales bénéficiaires, et nous nous en félicitons.
Deux chantiers de construction d'écoles sont prévus, respectivement à Compiègne et à Tours. Toutefois, on peut s'interroger sur cette hausse budgétaire dans un secteur en crise.
Il y a aujourd'hui, selon les statistiques officielles, trop d'architectes sur le marché de l'emploi. En effet, les effectifs d'architectes diplômés ont triplé entre 1960 et 1995, passant de 8 372 à 26 623. Les crédits affectés à la construction d'écoles supplémentaires n'auraient-ils pas pu être affectés à des besoins plus urgents ?
Enfin, un troisième point a tout particulièrement retenu mon attention. Il s'agit du poste « lutte contre l'exclusion », dont font partie les projets culturels de quartier. Des crédits de 160 millions de francs sont attribués à cette action. La proximité est, certes, facteur de succès en matière d'action culturelle locale, et il convient donc d'encourager l'action culturelle de terrain entreprise par les collectivités territoriales. Leurs dépenses ont été multipliées par 2,5 entre 1978 et 1993, puisqu'elles sont passées de 12,75 milliards de francs à 32,4 milliards de francs.
Voilà qui est satisfaisant, mais ces crédits ne devraient-ils pas se trouver, au moins pour partie, dans le budget du ministère de la ville ?
Et quels sont, monsieur le ministre, pour l'utilisation de ces importants crédits, vos rapports ou vos accords avec le ministère délégué à la ville et à l'intégration ? Dans quel esprit cette collaboration est-elle comprise ? Fait-on en sorte que ce qui est créé sur le terrain atteigne vraiment les buts recherchés ?
Il faut veiller à éviter les doublons. Ainsi, le centre d'art contemporain qui est créé à Toulouse pour 25 millions de francs ne va-t-il pas faire double emploi avec le fonds régional d'art contemporain ? Cette création est-elle vraiment nécessaire ?
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure.
M. Jacques Habert. On ne peut que se réjouir de la rénovation de lieux de diffusion musicale et chorégraphique, mais la facture de 40 millions de francs déjà affectés à un lieu pluridiciplinaire, tel un Zénith mobile, semble élevée et l'objectif à atteindre bien mystérieux.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions : s'agit-il de rap ? Quelles foules comptez-vous attirer ?
Enfin, il existe un projet qui suscite un certain étonnement. Il est beaucoup question de l'installation au palais de Chaillot d'un coûteux musée des Arts premiers, qui va, paraît-il, déloger notre beau musée de la Marine, ce que personnellement, et je ne suis pas le seul, je déplore beaucoup. Nous en reparlerons à une autre occasion.
Mais est-il nécessaire de créer de surcroît un département « art premiers » au musée du Louvre ? Ce projet, évalué à 30 millions de francs, est vivement contesté par les conservateurs, qui n'en voient pas la pertinence. Je dois dire que, pour ma part, je partage entièrement leur point de vue.
Monsieur le ministre, je pense que vous voudrez nous éclairer sur les différents points dont j'ai nourri mes observations. A la lumière de vos réponses, j'espère, bien sûr, que le groupe des non-inscrits pourra accueillir favorablement les crédits de votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'insiste auprès de vous, mes chers collègues, pour que chacun respecte le temps de parole qui lui est imparti. A défaut, le dernier orateur inscrit de chaque groupe verra son propre temps de parole amputé.
La parole est à M. Revet, pour cinq minutes.
M. Charles Revet. Le Gouvernement a décidé de conduire une politique de réduction des déficits budgétaires, nous y adhérons. Bien entendu, la culture a dû apporter sa contribution à cet effort de redressement, ce qui explique la faiblesse de votre budget pour 1997, monsieur le ministre.
Dans le laps de temps qui m'est imparti, et que vient de rappeler M. le président, je ne pourrai traiter de tous les sujets, d'ailleurs nos trois rapporteurs l'ont fait excellement. Je me bornerai donc, pour ma part, à deux réflexions.
Tout d'abord, après M. Schumann, rapporteur spécial, et M. Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir décidé un rééquilibrage des crédits inscrits à l'action culturelle entre Paris et la province. Je prendrai deux exemples pour illustrer l'importance de cette décision.
Le premier concerne le développement des associations culturelles. Nos concitoyens, même dans le plus petit de nos villages, sont très demandeurs d'un développement de la politique d'action culturelle. Il n'est que de considérer le nombre de personnes qui se déplacent pour assister aux concerts ou aux manifestations culturelles diverses pour s'en convaincre.
Il y a donc un besoin important, qu'il nous faut satisfaire. Le département que j'ai l'honneur de représenter, la Seine-Maritime, connaît de grandes manifestations culturelles, telles que le festival « Octobre en Normandie », qui vient d'être récompensé, il y a quelques jours, par un prix européen, sans parler d'autres manifestations peut-être un peu plus modestes, mais qui permettent d'animer l'ensemble des territoires. Or il est important que l'Etat s'associe à ces manifestations, aux côtés des collectivités locales.
Je prendrai un second exemple.
En tant que président de conseil général, je suis amené, comme tous les élus, à inaugurer un certain nombre de bâtiments représentant autant d'investissements de nos collectivités locales. Nous fêtions tout récemment le cinquantième anniversaire de la bibliothèque départementale de prêt de la Seine-Maritime. A cette occasion, je soulignais que, dans les inaugurations qui m'incombent, les bibliothèques sont presque les plus nombreuses. Cela signifie, encore une fois, qu'il y a une demande, un besoin. Quelquefois, ce sont des petits villages de trois cents ou cinq cents habitants qui ont décidé, avec les associations, de construire une bibliothèque. Ce mouvement aussi est important, monsieur le ministre, peut-être plus important que jamais, et il faut le soutenir.
Je voudrais, en second lieu, conduire une réflexion sur le budget du patrimoine.
J'avoue que les premières annonces nous ont tous inquiétés.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Oui, tous !
M. Charles Revet. On a parlé d'une diminution de 35 % du budget du patrimoine. Pour un département comme le mien, qui compte un des patrimoines les plus riches de France, je ne vous cache pas que cela a soulevé un tollé, et à juste titre. Les propos qu'a tenus M. Schumann tout à l'heure et les mesures que, j'espère, vous allez nous annoncer, monsieur le ministre, seront sans doute de quelque réconfort à nos concitoyens. Permettez-moi, au passage, de vous suggérer, à vous et à vos services, d'examiner de près la dotation budgétaire de la Seine-Maritime. C'est l'une des plus faibles, alors que, je le disais, ce département possède l'un des patrimoines les plus importants de notre pays. En toute franchise, monsieur le ministre, compte tenu de l'effort que nous consentons nous-mêmes, cela mérite, là aussi, un rééquilibrage.
Je voudrais rapidement, en conclusion, - cinq minutes, c'est vite passé, monsieur le président (Sourires.) - pour illustrer ce propos, vous donnez le résultat d'une enquête à l'occasion de laquelle nous avons demandé à tous les habitants du département quelles étaient leurs attentes.
Bien sûr, leur première préoccupation, c'est l'emploi, ce qui est normal. Notre surprise, c'est que 15 % d'entre eux ont tenu à manifester leur attachement au patrimoine.
Voilà qui mérite notre attention, votre attention, monsieur le ministre. Voilà qui nous oblige, s'il en était besoin, à renforcer notre effort en ce domaine.
Monsieur le ministre, je souhaite que, dans quelques instants, vous répondiez à l'appel que viennent de vous lancer M. Schumann et notre collègue M. Nachbar concernant les crédits affectés au patrimoine.
C'est très important, car derrière les entreprises spécialisées, voire très spécialisées dans la restauration, il y a des personnels, qu'il serait regrettable de licencier, des hommes de l'art, et il serait difficile d'en former de nouveaux.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Très juste !
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, la limitation de l'enveloppe budgétaire de votre ministère ne facilite pas votre tâche ; la nôtre non plus d'ailleurs. Mais chacun connaît votre volonté d'assurer le développement de la culture dans notre pays, particulièrement en direction des jeunes. Nous serons donc à vos côtés, mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette période de restrictions budgétaires intenses, ne convient-il pas de se réjouir des sommes allouées à la culture ? Avec un peu plus de 15 milliards de francs, soit près de 1 % du projet de loi de finances pour 1997, les crédits de la culture nous réservent quelques motifs de satisfaction.
Tout d'abord, le budget de la culture marque une légère augmentation, due en particulier au transfert de compétences nouvelles. Comment ne pas s'en féliciter ?
M. Schumann a démontré dans son rapport les précautions qu'il faut prendre en citant les chiffres, voire la perversion que ce dispositif introduit.
Par analogie, on pourrait dire que s'applique à la culture la même logique que les collectivités locales et territoriales dénoncent depuis des années : d'une part, satisfaction de bénéficier de transferts de compétences, mais, d'autre part, désagrément de constater que les charges induites ne sont pas compensées par les transferts équivalents de moyens, d'où difficultés croissantes pour assurer, comme par le passé, les activités traditionnelles.
Le second motif de satisfaction, c'est l'architecture.
J'étais intervenu l'an dernier, avec d'autres, pour solliciter la création d'une direction de l'architecture qui soit distincte de celle du patrimoine. Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que vos services, m'aviez fait remarquer la difficulté de suivre cette suggestion. Je constate qu'elle n'est cependant pas restée lettre morte, et je m'en félicite.
J'avais également milité pour un renforcement sensible des moyens des écoles d'architecture afin de permettre aux concepteurs de nos cités du xxie siècle de travailler dans de meilleures conditions. Avec une hausse de plus de 26 % du budget des établissements et la mise en place d'une formation continue digne de ce nom - les crédits passant de 1,6 million à 10 millions de francs - vous répondez pleinement à mon attente.
Il ne m'est pas possible de passer en revue l'ensemble des chapitres de votre budget, je vais donc limiter mon intervention à l'un des points qui m'a valu des désenchantements, à savoir le budget du patrimoine.
Le patrimoine constitue très nettement le parent pauvre du budget de la culture pour 1997 : après une annulation, le 16 novembre, de 230 millions de francs de crédits de paiement et de 306 millions de francs d'autorisation de programme, le budget du patrimoine était déjà très atteint. Il subit aujourd'hui un second choc : en baisse de 34 % pour 1997, la ligne patrimoine suscite de vives inquiétudes, qui me paraissent légitimes.
A-t-on bien mesuré les conséquences directes et indirectes que cette diminution de crédits sans précédent pourrait entraîner ? Face à la levée de boucliers, vous avez commencé à nous répondre et à nous rassurer.
D'abord, il y a la transformation de 50 millions de francs d'annulations de crédits en gels de crédit, ensuite, la réduction des retards accumulés dans l'exercice des programmes et l'utilisation des reliquats de programmes antérieurs devraient permettre une nouvelle fois de limiter les annulations de programmes pour 1997, en partie du moins.
Mais personne ne peut imaginer, malgré ces ajustements, qu'une diminution de 500 millions de francs des financements de l'Etat puisse rester sans effet sur le volume des travaux engagés, à moyens terme, et sur l'état du patrimoine. En fait, il s'agira de milliards de francs, et de multiples chantiers risquent de ne pas être engagés.
Pourtant, la fréquentation de notre patrimoine monumental est sans cesse en augmentation, et ce sans tenir compte des journées du patrimoine, qui témoignent du véritable engouement de nos concitoyens pour cette richesse extraordinaire que sont nos monuments.
Dès lors, les priorités de votre budget ne devraient-elles pas suivre cet intérêt croissant des Français, intérêt d'ailleurs partagé par les étrangers qui visitent notre pays ?
Si les monuments risquent d'avoir à souffrir de ces mesures, il se peut qu'il en soit de même d'un certain nombre de professions. Les métiers d'art, par exemple, qui vivent en grande partie de la restauration de notre patrimoine architectural seront eux aussi touchés de plein fouet par ces dispositions. Les entreprises artisanales elles aussi - et cela a déjà été évoqué ici - risquent d'en faire les frais.
Il est vrai que la disparition de 500, de 1 000 petites entreprises artisanales employant chacune deux ou trois salariés est moins spectaculaire que l'annonce de la fermeture d'une entreprise industrielle accompagnée de 700 à 800 licenciements. Mais les conséquences sur l'emploi sont les mêmes, voire plus graves.
Quelles reconversion peut-on proposer dans des secteurs aussi spécialisés ? Que vont devenir les 9 000 compagnons hautement qualifiés, dont il a également déjà été question ? Renoncer à leur métier revient, pour les artisans d'art, à devoir abandonner un savoir-faire acquis tout au long de dizaines et de dizaines d'années. Si ces artisans disparaissaient, qui accomplirait demain cet inestimable travail de préservation de notre capital commun ? C'est dans ce legs du passé, dans notre riche histoire, que nous touverons des ressources pour nourrir l'enthousiasme et la confiance dans l'avenir. A nous de ne pas décevoir ceux qui, aujourd'hui, sont les avant-défenseurs de ce patrimoine et ceux qui l'entretiennent.
Je sais, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas insensible à ces demandes et à ces démarches, et que les limites de votre budget vous sont imposées par les contraintes de la réduction du déficit budgétaire et la nécessaire solidarité entre ministères. J'espère pourtant que nos interpellations pourront servir, car il me semble qu'il est possible de suivre plusieurs voies pour conforter le patrimoine.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je crois savoir - nous en avons d'ailleurs eu confirmation par les documents qui nous ont été distribués - qu'il n'est pas exclu que vous obteniez de Matignon et de Bercy le feu vert pour une rallonge budgétaire. Pouvez-vous nous en dire plus ? Ces 70 millions de francs permettraient de calmer quelque peu nos inquiétudes.
Permettez-moi de vous le rappeler, ce patrimoine historique est souvent la richesse non seulement de Paris et de nos métropoles régionales, mais aussi du milieu rural. Ces crédits irriguent donc, en fait, tout le territoire national. Dès lors, monsieur le ministre, il serait important que vous puissiez témoigner de votre intérêt, comme vous le faites pour d'autres secteurs culturels, pour le patrimoine protégé des sites non majeurs de notre pays.
A cette fin, je vous ai invité à venir visiter les chantiers de restauration de deux châteaux-forts d'Alsace, celui du Lichtenberg et celui de la Petite-Pierre, qui sont implantés dans des communes de 500 à 600 habitants. Ils constituent le coeur d'un véritable contrat de développement de tout un pays d'une vingtaine de communes.
S'appuyant sur l'histoire et le patrimoine au travers de projets dépassant ensemble 70 millions de francs, ils deviennent les moteurs de développement économique, culturel et touristique ! J'espère que, lors de votre visite, monsieur le ministre, vous pourrez nous conforter dans notre démarche et nous rassurer quant aux perspectives de ces opérations. Tous les amoureux du patrimoine attendent de vous un message fort en faveur du patrimoine rural.
Enfin, je voudrais me permettre de vous poser une question et de faire trois suggestions.
Quelles sont les perspectives à court terme pour la Fondation du patrimoine, cet outil précieux que le Parlement a créé sur votre proposition pour répondre aux besoins d'intervention sur le patrimoine non protégé ?
Voici maintenant ma première suggestion : face aux difficultés qui existent dans la définition des projets sur et à proximité du patrimoine protégé, nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous souteniez la proposition de loi adoptée au Sénat relative au rôle des architectes des bâtiments de France.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Richert. Voici ma deuxième suggestion : il conviendrait de réfléchir à une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, en particulier dans le secteur du patrimoine. La lourdeur des démarches, les retards parfois excessifs, l'implication grandissante des collectivités par leurs financements, mais aussi l'intérêt qu'elles portent à ces opérations plaident en faveur d'une telle solution.
Enfin, voici ma troisième et dernière suggestion : il faudrait simplifier les procédures concernant la protection du patrimoine et les projets de restauration. Est-il normal, par exemple, que, pour le simple et strict entretien, il faille avoir des autorisations de l'administration ? Est-il aujourd'hui justifié, pour les biens immobiliers privés classés, que la maîtrise d'ouvrage revienne automatiquement à l'Etat ?
Je pense, monsieur le ministre, que nous avons là un certain nombre de pistes. A nous de trouver des réponses.
Vous aurez compris, monsieur le ministre, qu'il ne nous est pas facile de nous prononcer sur ce budget avant d'avoir obtenu de vous certaines assurances. Mais vous ne manquerez pas, j'en suis sûr, de nous les apporter. C'est alors en toute confiance que nous voterons ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où les cendres d'André Malraux sont transférées au Panthéon, nombreux sont ceux qui attendaient un acte symboliquement fort en faveur de la culture.
L'ultime hommage de la nation au « père fondateur » du ministère de la culture ne s'inscrivait-il pas dans la décision politique de placer la culture au coeur de l'action gouvernementale ?
Pourtant, monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez n'atteint même pas le symbolique 1 % promis voilà un an et demi.
Plus grave : si l'on fait abstraction des nouvelles compétences transférées à votre ministère, le budget de la culture ne réprésente plus que 0,79 % du budget de l'Etat.
Vous conviendrez donc avec moi, monsieur le ministre, que les hommages rendus ne peuvent être suffisants pour afficher une volonté politique.
Le Gouvernement est bien loin de la voie tracée par André Malraux : les choix opérés en matière culturelle ne s'inscrivent pas dans son action, ils conduisent malheureusement à l'impasse !
Monsieur le ministre, nous ne doutons pas un seul instant de vos convictions et de votre engagement personnel en faveur de la culture. Vous l'avez démontré, récemment encore, en accueillant Marek Halter et en dénonçant toute forme de censure ou de racisme culturels.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Très bien !
M. Marcel Vidal. Mais l'énergie que vous déployez pour mener l'action culturelle n'est, hélas ! pas soutenue par vos collègues, notamment par le ministre des finances.
Nous serions prêts à soutenir votre engagement, mais le budget que vous nous présentez, revu et corrigé par Bercy, nous l'interdit.
Ne faut-il pas rappeler, par exemple, le rôle joué par la politique culturelle en matière d'aménagement du territoire ? Or les disparités culturelles sont de plus en plus flagrantes, tant dans les villes qu'en milieu rural.
Vous vous préoccupez à juste titre d'oeuvrer en faveur d'une meilleure répartition géographique de l'action culturelle mais, en affectant 60 millions de francs aux lieux de diffusion et 40 millions de francs pour la construction d'équipements de proximité à vocation pluridisciplinaire, vous serez loin de répondre à une forte demande, témoignant du dynamisme des initiatives locales, lesquelles doivent être activement soutenues par l'Etat.
Trop souvent, l'Etat a tendance à s'abriter derrière la décentralisation pour ne plus jouer son rôle d'initiateur et de régulateur. Le résultat se traduit par une « fracture » du territoire culturel, où l'on distingue des régions, des départements et des communes particulièrement entreprenants et d'autres qui attendent que l'Etat donne le signal.
Le partage des compétences dans le domaine culturel engendre des confusions. Il est source de lourdeurs - mon collègue M. Richert l'indiquait à l'instant -, de paralysie, quelquefois d'inertie, et il conviendrait de clarifier les responsabilités des uns et des autres pour réduire les disparités. Bref, il est urgent, à tous les niveaux, d'assouplir et de simplifier.
Mais l'Etat doit aussi jouer son rôle de régulateur, et je ne pense pas que le projet de budget que vous nous présentez soit de nature à réduire cette fracture du territoire dans le domaine culturel.
Si votre effort en faveur de l'architecture mérite d'être souligné et salué - cela est très important -, en revanche les crédits alloués au patrimoine ne correspondent absolument pas à la réalité. Cette baisse sans précédent est inquiétante - il y a unanimité sur ce point - car elle traduit et confirme le désengagement de l'Etat que nous avions pressenti lors de la présentation de votre projet de création de la Fondation du patrimoine, à propos de laquelle nous attendons, monsieur le ministre, un premier bilan.
Contrairement à vos propos rassurants, votre budget ne permettra pas de mener une politique de restauration et de mise en valeur du patrimoine historique. Tout à l'heure, M. Schumann l'a exprimé avec netteté, précision et courtoisie.
On s'aperçoit que c'est d'ailleurs tout le secteur du patrimoine qui est sinistré quand on observe l'inadéquation entre les crédits affectés à ce secteur et l'immense tâche qui repose sur les architectes des Bâtiments de France. Faute de moyens de fonctionnement et d'investissement, les architectes des Bâtiments de France ne peuvent plus remplir leur mission dans les conditions normales du service public.
Dans ce domaine aussi, monsieur le ministre, il faudrait moderniser, assouplir des règles de procédure qui engorgent les services du patrimoine et de l'architecture et, surtout, créer de nouveaux postes d'architecte des Bâtiments de France pour donner aux directions régionales les moyens indispensables à l'accomplissement de leurs missions.
Les réductions des crédits « patrimoine » auront, par ailleurs, d'inévitables conséquences économiques. En effet, des milliers d'artisans au savoir-faire exceptionnel, déjà dans une situation précaire, subiront la baisse des mises en chantier.
Compte tenu de la faiblesse des crédits d'Etat, les collectivités locales devront assumer le coût des restaurations du patrimoine. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'elles en ont les moyens lorsqu'elles doivent prendre en charge le budget de fonctionnement des bibliothèques, des écoles de musique, des médiathèques, des maisons pour tous ?
Cette liste, qui s'allonge d'année en année, de budget en budget, démontre le désengagement de l'Etat dans la vie culturelle de notre pays.
Comment résoudre, par exemple, le problème des écoles de musique en milieu rural ? Comment convaincre les élus locaux de participer à leur financement, quand l'Etat ne joue plus son rôle de partenaire ? Devra-t-on aussi, dans ce domaine, faire appel aux acteurs privés ?
Je terminerai mon intervention en attirant votre attention sur la situation dans laquelle se trouvent l'association de gestion de l'opéra de Montpellier et l'orchestre philharmonique de Montpellier - Languedoc-Roussillon qu'anime M. René Koering.
Comme vous en a informé la municipalité de Montpellier, ces deux associations viennent de recevoir une notification de redressement à la suite d'un contrôle fiscal. Il leur est réclamé 22 millions de francs.
Vous voudrez bien admettre, monsieur le ministre, que cette notification des services fiscaux est inacceptable et dommageable : inacceptable, car on ne peut considérer que ces deux associations culturelles exercent une activité à but lucratif, alors qu'elles pratiquent une politique de sensibilisation de tous les publics par une politique de tarifs différenciés ; dommageable, car ce redressement signerait la mort de l'orchestre philharmonique de l'opéra de Montpellier et du festival de Radio France, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer.
Aussi, je souhaite que vous m'indiquiez si la même procédure a été engagée à l'encontre des orchestres de Lyon, de Nice, de Toulouse, de Bordeaux, etc. - si tel était le cas, c'est l'ensemble des formations orchestrales de notre pays qui serait en sursis - ou si, au contraire, seuls l'orchestre et l'opéra de Montpellier sont concernés.
Quelles que soient les motivations du ministère des finances, on ne peut sacrifier sur l'autel de la rigueur budgétaire des formations musicales dont la renommée dépasse les frontières hexagonales.
Monsieur le ministre, nous le déplorons, Bercy pèse beaucoup, Bercy pèse trop sur la vie culturelle. Aussi, nous comptons sur vous pour communiquer à ses fonctionnaires votre engagement en faveur de la culture et les convaincre de vous donner les moyens budgétaires correspondant aux ambitions de votre politique culturelle. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Maurice Schumman, rapporteur spécial, et M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une société en crise, économique, crise sociale, a plus besoin encore que d'autres, sans doute, de trouver à travers son expression culturelle des points de repères forts, non pas comme un dérivatif, non pas comme un luxe, mais comme indispensable élément de l'intelligence et du coeur, et aussi - faut-il le souligner ? - comme un important facteur de lien social.
L'attente est donc grande. Et comment ne pas regretter avec vous, monsieur le ministre, que les moyens dont vous disposez ne puissent pas être à la mesure de cette attente ?
Certains rêves seront donc sacrifés sur l'autel de la rigueur budgétaire, rigueur que nos responsabilités nous obligent cependant d'accepter si nous voulons que notre pays puisse retrouver, rapidement et durablement, l'équilibre de ses finances publiques.
C'est dans les limites de ces contraintes-là que vous avez été amené, monsieur le ministre, à faire les choix que vous soumettez au Parlement et dont certains me paraissent particulièrement significatifs.
Le projet de budget marque d'une manière très forte la volonté de donner, au sein du ministère de la culture, une place éminente à l'architecture et à la formation des architectes, justifiant ainsi le récent transfert de cette compétence ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
J'en viens à un autre motif de satisfaction : le maintien de l'effort consenti à tout ce qui se rapporte au spectacle vivant. Cette orientation sera appréciée par tous ceux qui portent la gestion, souvent très lourde, de structures que fréquente un public de plus en plus nombreux, de plus en plus averti et de plus en plus demandeur de théâtre, de musique et de chorégraphie.
Cette orientation sera également appréciée par les professionnels du spectacle - ils sont 50 000 environ - qui nourrisent non seulement leur âme, mais aussi leur existence matérielle de leur contact quotidien avec le public, et qui ne cessent de craindre pour leur emploi.
Et comment ne serions-nous pas sensibles, représentants des élus de tout l'Hexagone, à la volonté affirmée et traduite dans les faits de rééquilibrer, tant quantitativement que qualitativement, ce qui est fait pour Paris et ce qui est fait pour la province ? L'aménagement du territoire doit aussi être une réalité sur les plans de la création et de la diffusion culturelles.
Un autre motif de satisfaction réside dans l'accroissement de plus de 3 % des crédits consacrés au cinéma et à l'audiovisuel. Considérés comme des secteurs économiques à part entière, porteurs d'activité et d'emplois, ils sont également le vecteur privilégié de l'expression culturelle de la proximité immédiate pour tous, et celui du rayonnement français hors de nos frontières.
Je voudrais souligner, ensuite, la permanence, voire l'accroissement, de l'effort consenti pour participer à la lutte contre l'exclusion, à hauteur de 160 millions de francs au total.
Cette lutte contre l'exclusion s'exerce surtout dans les zones urbaines les plus sensibles de notre pays, là où, pour des causes multiples - causes que la crise économique et sociale a encore exacerbées - c'est l'équilibre même et les valeurs républicaines qui sont remis en cause.
Dans cette stratégie de reconquête, le ministère de la culture intervient, lui aussi, et il le fait d'une manière qui est à la fois forte et interactive, et qui doit, pour porter ses fruits, s'inscrire dans la durée, sans céder à la tentation, ni de la complaisance ni de la démagogie.
J'ai eu l'occasion de suivre de très près l'action que Paul Vecchiali a conduite dans les zones franches des coteaux à Mulhouse et qui aura permis de réaliser un film présenté lors de la biennale de Venise.
Cette démarche, conduite en 1996 sur vingt-neuf sites, est incontestablement positive, puisqu'il s'agit de culture vécue et non de culture octroyée, et puisque l'action, loin d'être ponctuelle, doit trouver en elle-même ce qui nourira son prolongement dans le temps.
Sans doute cet objectif pourrait-il être approché d'une manière plus pertinente encore si les actions étaient pilotées par des artistes dont l'enracinement serait plus local. Il ne manque pas de talents dans chacune de nos régions !
Je pense, par exemple à ces très belles oeuvres plastiques réalisées avec des éléments provenant de deux tours implosées dans un quartier sensible de ma ville, oeuvres sur lesquelles un sculpteur régional, Louis Perrin, a conduit pendant près de cinq ans, avant, pendant et après la démolition, un remarquable travail d'écoute, de pédagogie et de concertation avec les habitants du quartier, particulièrement les plus jeunes d'entre eux, tout un pan de la ville s'étant ainsi approprié ces réalisations.
Cela me donne l'occasion de rappeler ici, pour souligner combien leur implication dans la création et la diffusion culturelles sont grandes, que les collectivités territoriales ont, ces dernières quinze années, multiplié par deux et demi leurs dépenses culturelles, qui passent de 14 milliards de francs à 32 milliards de francs.
La commission des affaires culturelles, par la voix de son éminent président, M. Adrien Gouteyron, et par celle de son excellent rapporteur pour avis, M. Philippe Nachbar, mais aussi le président Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances, avec l'autorité incontestée qui est la sienne, ont jugé inacceptable, pour des raisons diverses, la réduction drastique des dépenses consacrées à la conservation du patrimoine.
Nous avons apprécié d'avoir été entendus, et nous avons pris bonne note des dispositions que vous nous avez annoncées, monsieur le ministre ; elles atténueront, dans une certaine mesure, les effets redoutés, aussi bien pour notre patrimoine lui-même que pour un secteur professionnel menacé.
Sur ce point, je voudrais exprimer le souhait que, dans les discussions interministérielles, on fasse, sur certains problèmes, une étude macro-économique qui aille au-delà du seul aspect de la dépense.
S'agissant de la réhabilitation du patrimoine, les travaux effectués sur les bâtiments génèrent des cotisations sociales d'un montant significatif, ainsi qu'une recette de TVA de 20,6 % lorsque ces bâtiments n'appartiennent pas à l'Etat.
Par ailleurs, comme l'indiquent les représentants des professions concernées, si 3 000 pertes d'emploi étaient venues s'ajouter aux quelque mille emplois perdus en 1995, cette situation eût engendré un coût social important.
Une étude prenant en compte ces éléments, à court et à moyen terme, démontrerait peut-être ici - comme aussi dans le domaine du logement - qu'une économie budgétaire peut n'être qu'apparente, au moins partiellement, et que l'on a parfois tort de se priver d'un effet de levier dont l'activité économique et l'emploi auraient le plus grand besoin.
Monsieur le ministre, dans le contexte budgétaire dans lequel nous ont placés les années écoulées, vous vous battez pour donner à la culture la place qui lui revient dans notre pays. Vous le faites en utilisant au mieux les moyens dont vous disposez, tout à la fois avec pragmatisme et avec ambition.
Comment, en cette fin d'année 1996, et dans le cadre de la discussion du budget de la culture, ne pas citer Malraux : « La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert ». C'est un combat dans lequel vous nous trouverez à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la culture est au coeur de l'identité nationale et régionale. Je parlerai non pas du volume financier consacré à la culture, mais d'une bonne répartition des moyens.
Paris, certes, est l'une des capitales culturelles du monde, mais le reste de la France, monsieur le ministre, mes chers collègues, contribue aussi à notre rayonnement culturel. L'aménagement du territoire mérite que le ministère de la culture, ce symbole qui nous intéresse fort, se préoccupe aussi des régions.
Je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes sensible ; vous avez d'ailleurs déjà passé certaines conventions avec des départements, y compris les Alpes-Maritimes ; vous avez lancé de grands projets en région.
Mais je sais aussi que vous avez hérité d'un passé séculaire de jacobinisme culturel ! Les grands projets parisiens se surajoutent à d'autres projets. Ils nécessitent des investissements massifs entraînant par là même des frais de gestion importants, des frais d'entretien qui laissent rêveur, mais qui, surtout, ne laissent à 80 p. 100 des Français provinciaux qu'une portion congrue des crédits dont vous disposez !
Je suis particulièrement heureux de la décision que vous avez prise à la suite de demandes réitérées, notamment de notre éminent collègue, M. le ministre Maurice Schumann, pour que le patrimoine culturel de la France soit mieux servi qu'il ne l'était jusqu'à présent. Nous voterons avec plaisir votre budget, compte tenu de l'amendement gouvernemental que vous allez nous présenter.
L'hypertrophie parisienne me paraît spécialement dangereuse pour la culture dans nos régions sur au moins deux points liés à l'évolution moderne.
Le premier concerne la culture scientifique et technique.
C'est un élément qui désormais vous est rattaché pour partie. Je pense à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette. A Paris, sont aussi concentrés le Muséum national d'histoire naturelle, le Conservatoire national des arts et métiers, le palais de la Découverte. Pour la royauté, la Révolution, le Front populaire et la Ve République, la France, c'était, et c'est surtout Paris... La Cité des sciences et de l'industrie a, par définition, une vocation nationale. Peut-on espérer qu'une partie des moyens de cette cité soit affectée à des opérations de développement culturel en province ? Cinq pour cent des moyens de la Cité des sciences permettraient de doubler, et largement, le potentiel existant pour 80 % de nos concitoyens, qui ont besoin d'un développement de la culture scientifique et technique, laquelle est la nécessaire prise de conscience de la liaison entre la modernité et notre tradition culturelle. Cela établirait vraisemblablemement en même temps un meilleur lien avec notre industrie, laquelle n'est ni très bien connue ni très bien aimée, mais qui aurait besoin de l'être si nous voulons créer et développer des emplois.
Le deuxième point que je me permettrai d'évoquer, monsieur le ministre, est le cas des grands projets en régions, et particulièrement ceux qui concernent les nouvelles technologies, les produits et services multimédias, type CD Rom ou services en ligne.
Il n'y a aucune raison que les nouvelles technologies ne se développent qu'en région parisienne. Pourtant, je constate qu'on y a aidé un certain nombre d'opérations majeures, qui coûtent par conséquent de l'argent, alors que d'autres régions semblent oubliées. Je pense bien sûr au Centre de création multimédia de Sophia-Antipolis et de la Côte d'Azur. Celui-ci bénéficie pourtant d'une qualité de l'environnement scientifique et technique et d'une concentration de créateurs d'art contemporain la plus importante de France après Paris. Vous le savez bien, monsieur le ministre, vous qui y venez souvent pour inaugurer des expositions, et vous avez constaté la richesse en muséologie moderne de cette région.
Le budget 1997 fait état, certes, de projets d'investissement à Dijon, à Lyon ou à Toulouse, moins importants qu'à Paris, mais j'ai l'impression que le Sud-Est a été quelque peu oublié. Est-ce une attitude délibérée ? Est-ce parce que le dossier n'a pas été assez bien préparé ? Est-il possible de continuer dans ce sens ?
Cela dit, la majorité de mon groupe votera ce budget. (Applaudissements sur le banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes ici pour examiner l'un des budgets, le plus essentiel peut-être : celui de la culture.
Face à la montée des incertitudes sociales et économiques, la culture doit en effet plus que jamais offrir les points de repère qui manquent à notre société et permettre ainsi le dépassement de soi.
Malgré l'effort de rigueur, sans précédent sous la Ve République, demandé par M. le Premier ministre, ce budget traduit concrètement la volonté du Gouvernement de préserver la capacité d'engagement et d'intervention du ministère de la culture.
Cette année encore, monsieur le ministre, vous consacrez deux tiers de vos crédits d'équipement à la province. L'aménagement du territoire passe par un rééquilibrage nécessaire entre Paris et les régions. Je me félicite donc, monsieur le ministre, de voir se réaliser de grands projets tels que le centre d'archives contemporaines de Reims, le musée d'art contemporain de Toulouse, l'auditorium de Dijon ou le centre du costume de scène de Moulins.
Vous aidez les collectivités locales à rénover leurs équipements culturels. Nous le savons bien, les régions, les départements, les communes jouent un rôle de plus en plus déterminant dans la vie culturelle. Cette nouvelle politique des « pays » constitue enfin une approche pragmatique de l'action culturelle. Le renforcement de la politique de contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales ne pourra qu'améliorer les conditions d'accès à la culture pour le plus grand nombre. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je soutiens ce budget qui mobilise en priorité les structures locales déjà existantes.
Concrètement, votre politique se traduit par un meilleur accueil du public et une plus grande coopération entre les élus locaux, les experts et les représentants des ministères chargés du tourisme et de l'aménagement du territoire. Globalement, vous poursuivez votre action en faveur de la lutte contre les inégalités sociales et géographiques.
Si je mets l'accent sur votre politique en faveur de la province, ce n'est pas seulement en tant que président d'un syndicat de communautés de communes, un pays, mais c'est aussi en tant que président du festival Berlioz.
Depuis trois ans, ce festival est réapparu à La Côte-Saint-André, où naquit le compositeur en 1803. Le pari de relance est donc gagné. Il nous faut désormais remporter celui de la pérennité.
Elle passe tout d'abord par la fidélisation du public. Elle implique également l'appropriation du festival par toute une population pour dépasser le stade purement événementiel et devenir un vecteur permanent de la décentralisation culturelle et du développement rural.
Cette pérennité nécessite enfin la confiance des partenaires publics et privés. Par un engagement conséquent, ils permettent aux activités culturelles d'atteindre leurs dimensions d'équilibre. Il s'agit également d'instaurer l'échange dans nos villages les plus modestes et les plus reculés.
Les disparités culturelles doivent s'apprécier non pas seulement en densité de volume d'équipements, mais aussi en qualité des services offerts.
Le disctrict de La Côte-Saint-André a été dernièrement le lieu de rencontre entre les deux principaux acteurs de la vie culturelle locale et un groupe de hauts fonctionnaires étrangers, représentants des Etats d'Argentine, de Bulgarie, du Liban, d'Egypte, d'Italie, de Malte, de Cuba et du Venezuela.
Le festival Berlioz et l'association culturelle Bièvre-Liers ont été choisis par l'observatoire des politiques culturelles de Grenoble pour témoigner de leur expérience de projet artistique en milieu rural.
Le festival est plus orienté vers la promotion d'oeuvres musicales pendant une semaine en été. L'association culturelle, elle, sensibilise les publics locaux à diverses expressions artistiques pendant toute l'année.
La combinaison de ces deux approches complémentaires a fortement intéressé ce groupe d'étude.
En effet, les expériences de terrain permettent de regrouper les partenaires locaux et dynamisent la vie des régions rurales. Elles les ouvrent les unes aux autres. Elles évitent l'isolement des petites collectivités.
Aussi, monsieur le ministre, votre volonté de vous associer à la nouvelle politique des « pays » me semble des plus importantes. Bien plus, une véritable politique des publics grâce à un travail d'information et d'éducation artistique doit être menée. En outre, elle doit s'adapter aux défis technologiques de notre temps.
Pourquoi ne pas imaginer alors un concours national, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, dont l'objet serait la présentation par des enfants scolarisés, des créateurs passés ou présents, célèbres ou non encore connus, de leur région natale ? La diffusion de leurs travaux pourrait emprunter les pages d'Internet.
Ce sont des projets comme celui que, bien modestement, je vous propose, qui peuvent faire évoluer les outils culturels vers plus de modernité et d'accessibilité. Vous mettrez les nouveaux médias au service d'une culture de qualité. Ainsi, votre budget trouvera sa véritable dimension. Il permettra à chacun d'acquérir, par l'art et la culture, une conscience humaniste et citoyenne.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je le voterai avec un certain bonheur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Avec un budget en légère baisse, vous réussissez, monsieur le ministre, à préserver vos priorités : notre rapporteur spécial, M. Maurice Schumann, l'a fort bien et clairement rappelé tout à l'heure.
Nous connaissons votre détermination à faire de la culture un instrument de lutte contre les exclusions, tout comme nous connaissons votre volonté de restructurer la politique culturelle mais aussi l'énergie que vous déployez pour encourager l'élan créatif.
En juin dernier, j'ai eu la chance d'apprécier directement votre disponibilité ainsi que la passion qui vous anime. Vous avez, en effet, consacré une demi-journée complète à visiter ma commune. Vous avez alors admiré l'engagement de très nombreux animateurs professionnels et bénévoles, ceux-là même qui font de la culture une réalité vivante dans la ville. Vous avez mesuré le soin avec lequel ils développent leurs interventions de manière cohérente en se mettant, ensemble, au service de la cité. Vous les avez félicités et encouragés à viser toujours l'excellence et surtout à en donner le goût aux plus jeunes.
Vous étiez là, monsieur le ministre, dans votre rôle. Je pense que, de la même manière, la mission la plus forte que peuvent assumer vos services consiste à accompagner, à assister attentivement, jour après jour, les élus que nous sommes dans leur démarche de terrain. La culture, en effet, c'est avant tout du quotidien et du terrain, mais c'est aussi un budget car, comme l'a dit très joliment Yehudi Menuhin : « S'il faut des violonistes dans notre société, il y faut aussi des comptables ». Encore nous faut-il leur apprendre à essayer de jouer à l'unisson ! (Sourires.)
Je n'analyserai pas dans le détail votre projet de budget, mais je souhaite m'arrêter sur deux points : l'enseignement artistique et le patrimoine.
Vous avez l'ambition, monsieur le ministre, de donner une nouvelle impulsion aux enseignements artistiques. C'était nécessaire, et, au moment où vous menez une vaste consultation sur ce thème, il me paraît utile de rappeler qu'ils ne doivent pas être les parents pauvres du monde éducatif.
Il s'agit en effet de former et des amateurs et des professionnels dans des disciplines majeures, qui sont essentielles à l'équilibre et au progrès de la société.
Vous affirmez que l'éducation artistique constitue un droit ; nous nous en réjouissons ; mais encore faut-il donner à celle-ci les moyens d'exister.
C'est donc avec beaucoup d'impatience que nous attendons la mise en place du grand réseau de l'enseignement que vous projetez.
Vous avez déjà engagé un effort sensible en faveur des écoles d'architecture. C'était indispensable, mais il reste du chemin à parcourir : en me situant simplement sur le plan européen, j'insiste pour vous demander de résoudre rapidement les problèmes qui subsistent en ce qui concerne la licence d'exercice des architectes. Cela est nécessaire si nous voulons favoriser les échanges d'étudiants.
Il faut aussi que les formations proposées par nos écoles puissent déboucher sur la recherche. Il est donc urgent que soit signé le protocole en préparation avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur.
Je voudrais également, bien sûr, attirer votre attention sur nos écoles nationales de musique. L'Etat s'en désengage progressivement en laissant l'essentiel de leur financement à la charge des communes. Or, lorsqu'il s'agit d'établissements décernant des diplômes d'enseignement supérieur, il peut paraître surprenant que l'Etat se satisfasse d'octroyer des subventions, d'ailleurs trop souvent versées avec d'énormes retards. Il y a là une évidente anomalie : en effet, on ne demande pas aux communes qui accueillent des écoles d'ingénieurs ou qui sont le siège d'une université de médecine ou de droit de financer ces établissements. Les professions artistiques seraient-elles donc des professions au rabais ?
La situation actuelle est très délicate dans la mesure où nombre de communes ne peuvent plus faire face ; les écoles de musique, rejetées par les contribuables, risquent de fermer les unes après les autres.
Ce problème doit être réglé. J'espère que le projet de loi que vous préparez le permettra, comme je souhaite qu'il nous appelle à organiser un peu mieux le réseau des conservatoires, qu'il favorise leur rayonnement local et soutienne les efforts engagés en faveur de l'initiation à la musique de nos jeunes.
J'en viens au second sujet que je voulais aborder : le patrimoine.
L'année 1996 a bien commencé puisque vous avez annoncé la création d'une fondation du patrimoine. Pouvez-vous nous confirmer, aujourd'hui, que celle-ci va mobiliser des moyens suffisants pour sauver de l'abandon notre immense patrimoine de proximité.
A ce sujet, je rappellerai, allant un peu à l'encontre de certains des intervenants qui m'ont précédé, que si celui-ci est largement rural, il concerne aussi nos villes et des départements urbains. Dans ce domaine au moins, il faudrait que la province laisse un peu de place à l'Ile-de-France !
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Ah !
M. Denis Badré. Concernant le patrimoine monumental, je mentirais en disant que je ne suis pas inquiet. La forte réduction des crédits provoquée par l'étalement de la loi de programme sur une année supplémentaire aura des conséquences pour la restauration de nos monuments, notamment privés. Elle risque aussi, malheureusement, de détruire des emplois hautement qualifiés et de compromettre l'équilibre d'entreprises artisanales spécialisées particulièrement performantes. Celles-ci représentent aussi une part de notre patrimoine ! Elles participent à la renommée et au rayonnement de notre pays. Nous devons tout faire pour les soutenir car leur disparition pourrait être sans retour. Monsieur le ministre, je sais que vous partagez cette inquiétude et je vous remercie de veiller à nous rassurer.
S'agissant toujours du patrimoine, je vous surprendrais, je pense, si je n'évoquais pas, même très rapidement, le dossier du parc de Saint-Cloud. Si je le fais, c'est uniquement parce qu'il peut prendre valeur d'exemple ! (Sourires.)
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Uniquement, bien entendu !
M. Denis Badré. Si le parc représente un fleuron de notre patrimoine public, les communes riveraines se sentent également concernées par son avenir : elles sont les premières à souhaiter que le parc soit protégé et entretenu ; elles souhaitent également, très légitimement, qu'il soit accueillant pour tous. A notre demande, vous avez mis en place une structure de concertation : ce sera certainement bon pour le parc, et il sera sûrement intéressant pour vos services comme pour nous de travailler ensemble.
Vous le savez, nous souhaitons l'officialisation la plus formelle de cette instance et nous attendons d'elle qu'elle soit en mesure de se fixer des objectifs ainsi qu'un calendrier de travail précis. Nous demandons en particulier qu'une solution soit rapidement dégagée, telle que la protection des étangs de Ville-d'Avray ne soit plus subordonnée à l'objectif d'alimentation en eau du parc.
Depuis que Corot les a immortalisés, les étangs font partie de notre patrimoine commun. J'en tire un enseignement : ne faut-il pas apprendre à régler les conflits qui naîtront inévitablement de la nécessité de protéger en même temps des biens d'époques différentes ou de nature diverse ?
Vos directions du ministère de la culture ont une mission souvent difficile, nous sommes les premiers à le reconnaître. Je pense qu'ils la remplissent mieux lorsqu'ils acceptent d'associer les élus locaux à leurs préoccupations. Ils découvrent alors en effet que ceux-ci sont rarement leurs « adversaires », qu'ils veulent généralement bien faire et qu'ils ont même du bon sens. Si cela n'est pas encore entré totalement dans leur « culture » administrative, vos services doivent comprendre qu'ils auront toujours beaucoup à gagner à engager sans a priori un dialogue constructif avec les responsables des collectivités territoriales. Je considère même que ce genre d'effort peut être largement aussi efficace que « plus de budget ».
Bien entendu, et malgré ces quelques réserves, conscients des efforts considérables que vous faites, mesurant la portée de vos ambitions et votre détermination, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons votre projet de budget. (Applaudissement sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Le Monde du 21 septembre affirmait, avec quelque regret, que « les vieilles pierres ne défilent pas dans la rue ».
Je suis de ceux qui pensent qu'il n'est pas toujours nécessaire de défiler dans les rues, voire de les obstruer, pour se faire entendre. C'est au Parlement qu'il faut se faire entendre. C'est au Parlement que notre patrimoine doit trouver ses défenseurs.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, je veux vous dire avec force et passion combien nous sommes attachés à ce que les pouvoirs publics aient une politique aussi déterminée que continue de préservation du patrimoine, et je sais que nombreux sont les élus locaux qui partagent ce sentiment.
Maire d'une cité ancienne pendant quinze ans, j'ai mené une importante politique de rénovation, de réutilisation et de mise en valeur du patrimoine local, qui nous a valu le prestigieux label de ville d'art et d'histoire.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Très justifié !
M. Jacques Legendre. Je peux vous assurer que cette action m'a donné certaines de mes plus grandes satisfactions.
C'est vous dire quelle a été mon inquiétude quand des informations nous sont parvenues, au début de l'été, indiquant que l'essentiel des restrictions budgétaires auxquelles était soumis votre ministère, comme tous les autres, frappait les crédits du patrimoine. J'avais d'ailleurs été de ceux qui avaient tenu à vous faire part de leurs craintes par le moyen de questions écrites. Votre réponse, alors, je dois l'avouer, ne m'avait guère rassuré.
Je me réjouis que votre bonne volonté, votre quasi-complicité et la tenace détermination de M. Maurice Schumann, auquel il faut rendre hommage, aient permis d'apporter à nos préoccupations une réponse plus intéressantes et, disons-le, plus substantielle.
Pour seconder vos efforts et vous aider dans vos arbitrages internes comme dans vos rapports avec Bercy, je souhaite dire ici à haute voix, et fort heureusement après bien d'autres, que si les vieilles pierres ne défilent pas, elles ont au Parlement des amis passionnés et capables de mobilisation parce que le patrimoine, c'est beaucoup de l'âme de notre pays.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Legendre. L'âme de notre pays, monsieur le ministre, s'exprime aussi très largement par sa langue.
Vous n'êtes plus à la tête du ministère de la culture et de la francophonie, mais vous avez montré, cette année encore, votre souci d'être le ministre de la langue française, ce dont je tiens à vous remercier.
Il vous revient tout d'abord, avec le concours actif de la délégation générale à la langue française, de veiller à l'application de la loi qui porte le nom de votre prédécesseur, M. Toubon.
Les décrets d'application ont tous été pris et la loi commence effectivement à s'appliquer. Je veux simplement souhaiter que la volonté du Gouvernement ne se relâche pas quant à cette application.
Cette loi était une nécessité. Des témoignages venus de milieux qui l'ont redoutée, et même parfois caricaturée, tels les publicitaires, en apportent la preuve. C'est ainsi que M. Seguela, dans un entretien accordé au Figaro Magazine du mois d'août, découvrait l'intérêt économique de l'expression en français.
A l'occasion du festival de la publicité qui se tenait à Cannes, il dénonçait l' « anglosaxonite » qui, une fois de plus, triomphait au détriment de la France.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Il a eu raison !
M. Jacques Legendre. Et il déclarait : « Pourquoi ne pas faire respecter chez nous notre langue ? »
Mieux vaut tard que jamais ! La francophonie sur le chemin de Damas, voilà qui est intéressant ! (Sourires.)
Quelques résultats, mais bien peu, peuvent être relevés dans notre environnement.
AOM se voulait the french airlines ; elle se définit maintenant comme « lignes aériennes françaises ». N'est-ce pas tout de même plus satisfaisant ? (Nouveaux sourires.)
Il faut toujours être attentif à ce que soit autorisé - je dis bien : « autorisé » - l'usage du français dans les colloques, en particulier scientifiques, qui se passent... en France.
Un regret tout de même : alors que le Premier ministre a prescrit aux administrations de respecter l'obligation d'utiliser notre langue, la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations ont profité d'un texte, qui n'avait rien à voir avec la langue, pour faire préciser en catimini qu'elles n'étaient pas concernées par les stipulations de la loi sur la langue. Je crains que ce ne soit pas la meilleure façon de maintenir ce qui peut être maintenu de l'usage du français dans les institutions financières internationales !
Mais je voudrais ici me réjouir - et vous en féliciter - de la mise sur pied d'un observatoire de la langue française, présidé par M. Yves Berger. Notre commission des affaires culturelles avait, il y a deux ans, déjà souhaité une telle création.
J'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt le rapport de la délégation générale à la langue française sur la situation de la langue française dans les institutions internationales. Cette délégation étant placée sous votre autorité, ce rapport mérite bien d'être évoqué ici.
Le Président de la République a dit à différentes reprises que l'avenir du français comme langue internationale se jouerait dans les institutions européennes. Or le rapport confirme que le rôle du français dans les institutions de l'Union est de plus en plus remis en cause.
Quelques observations me paraissent, à cet égard, particulièrement inquiétantes, et il est bon de les évoquer ici, publiquement, au Sénat :
« Lors des réunions avec les pays tiers, l'anglais est systématiquement privilégié comme langue de communication unique de l'Union.
« Certains services de la Commission utilisent exclusivement la langue anglaise pour la soumission et le suivi des appels d'offres des programmes PHARE et TACIS. »
Je rappelle que c'est par le biais de ces programmes qu'agit l'Union européenne dans la CEI ou dans les pays d'Europe centrale, tels que la Hongrie et la Pologne, qui ont vocation à entrer dans l'Union européenne.
Et le rapport poursuit : « De telles pratiques nuisent gravement aux intérêts des entreprises et organismes non anglophones. »
A cela, il faut ajouter que les documents issus des cabinets de consultants travaillant pour l'Union européenne sont presque exclusivement rédigés en anglais.
La semaine dernière, notre ambassadeur à Beyrouth me disait sa colère quand des consultants envoyés au Liban et payés par l'Union européenne exigent des Libanais qu'ils ne débattent avec eux qu'en anglais. Quel signe extérieur donne là l'Union européenne de la place de la langue française en son sein !
Le résultat de tout cela est clair : l'anglais va de plus en plus être perçu comme la langue des relations extérieures de l'Union européenne, et le français aura alors perdu le principal argument qu'il pouvait faire valoir pour rester une langue internationale : son rôle très important pour entrer en rapport avec l'Union européenne.
Monsieur le ministre, vous avez montré beaucoup d'opiniâtreté pour que le français garde sa place au jeux Olympiques d'Atlanta. Vous y êtes parvenu, grâce à une mobilisation et une détermination exceptionnelles.
Il faut que vous incitiez le Gouvernement tout entier à faire preuve d'une identique détermination, quitte à aller éventuellement jusqu'à l'incident, pour que le français garde son rôle dans l'Union européenne.
Je tenais aujourd'hui à vous le dire, monsieur le ministre de la culture, persuadé que vous aurez à coeur de participer à ce combat et de continuer à justifier ainsi l'appellation que je me plais à vous donner de ministre de la langue française. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget est toujours l'occasion de prendre un peu de recul, de manière à ne pas envisager seulement des évolutions comptables et à mieux percevoir l'enracinement de nos projets dans les réponses à apporter aux défis de la société.
Aux défis sociaux qui ont été évoqués tout à l'heure et dont je mesure toute l'importance, j'ajouterai d'autres défis, de caractère peut-être plus enthousiasmants - encore que les défis sociaux soient également des plus motivants -, ceux qui ont trait aux innovations technologiques particulièrement stimulantes pour l'esprit : je pense ici, bien sûr, à l'audiovisuel et au multimédia.
Il ne s'agit point pour moi d'anticiper la réflexion sur le budget de la communication ; je veux seulement mettre en relief l'articulation existant entre le secteur du multimédias et la culture. Car, comme d'autres intervenants, je suis convaincu que les secteurs du multimédia et de l'audiovisuel ne doivent pas être abordés sous un angle exclusivement technique. Je pense même qu'une telle approche sera de moins en moins pertinente, et les derniers contacts que nous avons pu avoir le confirment : les questions relatives au support et au coût d'accès vont progressivement se diluer pour laisser la première place - la place de majesté, pourrait-on dire - à la problématique du contenu.
A travers les contenus, c'est bien évidemment la question du français et, au-delà, de la vision française et européenne du monde qui va émerger de la confrontation des différentes cultures.
J'ai le sentiment que les jeunes générations et a fortiori les générations à venir accéderont à la culture, au moins dans un premier temps, par la voie audiovisuelle et multimédiatique. Je me crois donc parfaitement fondé à évoquer ces questions à l'occasion de cette discussion sur le budget de la culture.
Dès lors, nous devons mener une réflexion sur l'évolution des contenus et sur le rôle de l'Etat en la matière. Pour autant, cette réflexion ne se confond pas avec celle dont le service public doit faire l'objet. Les deux démarches doivent être parallèles.
En outre, se pose la question non moins importante du rapport entre les contenus multimédiatiques et les autres formes d'expression : il s'agit au fond de savoir comment les nouveaux médias peuvent servir les arts plastiques, la musique, le théâtre, le cinéma, etc.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Voilà un vrai sujet !
M. Jean-Paul Hugot. Je souhaite que ces questions soient traitées non pas en annexe d'un budget de la communication, mais bien comme un point nodal du budget de la culture.
A mon sens, monsieur le ministre, cela devrait d'ailleurs déboucher sur un débat national. Sachez en tout cas que c'est bien volontiers que nous prendrions part à un débat parlementaire qui serait consacré à ce dossier.
En outre, le fait de poser le problème en ces termes revient à poser différemment celui de l'Europe de la culture. Je songe ici non pas à l'émergence d'une culture européenne, qui ne nous a pas attendus pour assurer la libre circulation des talents, mais plutôt à un débat qui nous est commun et qui consiste, face à d'autres pays, voire à d'autres continents particulièrement agressifs, à assurer à l'Europe les moyens d'exister sur le plan culturel.
Après cette rapide introduction, j'aborderai deux points qui concernent l'environnement culturel et la transmission de la culture.
Je reste convaincu que le débat sur la transmission de la culture et la création n'a pas de fondement authentique. Ceux qui envisageraient une politique d'aide à la création coupée de la transmission de la culture laisseraient supposer que la création culturelle partirait de rien et déploierait toutes les nuances de l'imagination sans aucun fondement. Il est bien clair que la culture humaine est cumulative et qu'elle se déploie sur l'acquis. C'est la raison pour laquelle il ne saurait y avoir de développement culturel qui ne soit fondé sur la notion de transmission et, par là-même, vous en conviendrez, monsieur le ministre, sur celle de patrimoine.
Je tiens d'ailleurs à ne pas limiter cette notion de patrimoine au patrimoine monumental. Il faut également prendre en compte la qualité de l'environnement culturel.
De ce point de vue, j'exprimerai un regret et deux motifs de satisfaction.
Je regrette bien évidemment la diminution des aides au patrimoine monumental. Je n'insisterai pas davantage. Je crois savoir que des efforts vont être déployés en ce domaine, et nous nous associons au souhait pressant, monsieur le ministre, de voir réaliser un plan programme patrimonial sérieux et respectant les échéances. Si, cette année, quelques divergences apparaissent, retrouvons rapidement notre rythme de croisière. Mettons à profit ces divergences pour préparer, d'ici à deux ans, un nouveau plan quinquennal. Nous serions ainsi complètement rassurés.
Mais, s'agissant d'environnement culturel, vous apportez deux éléments positifs sur lesquels je souhaite insister. Tout d'abord, qu'est-ce que l'aide à l'architecture sinon la volonté d'avoir une qualification toujours plus poussée en matière d'environnement et d'avoir, à côté de monuments historiques, des oeuvres contemporaines qui soient d'un bon niveau tant en termes de création qu'en termes de qualité de l'environnement ? Je considère donc, monsieur le ministre, que les efforts accomplis en faveur de l'architecture profitent à tout le moins au patrimoine de demain, et je les mets donc bien volontiers à votre actif.
S'agissant de la Fondation du patrimoine, j'en sais suffisamment pour vous confirmer, monsieur le ministre, que les forces qui peuvent être sollicitées pour accompagner le beau projet que votre prédécesseur et vous-même avez souhaité mettre en place sont prêtes à se mobiliser.
Nous savons qu'il faut suivre une procédure. Nous attendons un décret qui ne saurait tarder ; peut-être allez-vous d'ailleurs nous donner quelques précisions à ce sujet. J'espère qu'après avoir parlé de mois puis de semaines nous pourrons parler de jours.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de vos réponses.
Je crois deviner dans votre volonté de renforcer, à l'échelon régional, les moyens humains de vos DRAC un avant-signe d'une coopération que nous attendons avec impatience.
S'agissant de la transmission, le patrimoine est bien évidemment essentiel, qu'il soit monumental, bâti ou, pour reprendre la formule de M. Rigaud, immatériel.
Je souhaite maintenant insister sur l'option politique que nous avons choisie, à une très large majorité, et qui tend à confirmer et à développer ce que le chef de l'Etat appelle la citoyenneté culturelle. En effet, il s'agit bien, en matière d'enseignement artistique et d'éducation culturelles, de rendre accessibles à tous les oeuvres majeures de notre pays et de l'humanité.
Cela dit, il s'agit, à travers ces oeuvres, de permettre à chacun d'accéder aux technologies et de pouvoir se former un sens critique.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger, ainsi que les membres du Gouvernement qui partagent avec vous cette responsabilité, sur l'enseignement artistique. Je ne vous cache pas que les élus locaux que nous sommes - c'est aussi l'une de mes casquettes - sont engagés dans une phase expérimentale dont nous souhaiterions connaître la finalité. En effet, à l'invitation de vos collègues de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi que sur la vôtre, nous approfondissons des démarches de type associatif tendant à rendre l'enseignement artistique et l'éducation culturelle toujours plus accessibles à tous.
Cependant, je constate que le chef de l'Etat ne cesse d'évoquer l'enseignement artistique non pas comme une action laissée à la libre appréciation des partenaires de terrain, mais, selon sa propre formule, comme un grand plan national impliquant largement l'éducation nationale. Il parle de formation des maîtres et de modification des programmes, tant et si bien que les élus se réjouissent de la perspective d'une nouvelle grande réforme qui, après la formation de l'intelligence, permettra à chacun de former sa sensibilité. Nous pensons que nous assumerons ainsi les responsabilités d'un grand service national.
Nous nous demandons donc si les expériences auxquelles nous sommes invités à participer ont pour objet d'essayer « sur le terrain », au sens où l'entendaitMontaigne, différentes modalités de sensibilisation. Il faut se demander si l'environnement local est le meilleur facteur de mobilisation des jeunes à l'égard de la culture - c'est mon point de vue - ou bien si l'expérimentation à laquelle nous procédons n'est pas plutôt une sorte de clé de répartition financière dont la part la plus importante reviendrait aux collectivités locales, l'Etat assurant, en la matière, un financement complémentaire et, en toute hypothèse, un rôle d'impulsion, de contrôle, voire d'évaluation.
Pour avoir participé à de nombreux groupes de travail traitant aussi bien des rythmes scolaires que de l'éducation artistique - vous ne serez sans doute pas surpris que nous puissions nous-mêmes être désarçonnés par la diversité des sources gouvernementales - je souhaite savoir si l'enseignement artistique constitue l'un des grands projets du septennat tendant, dans des délais raisonnables, à permettre à tous nos jeunes concitoyens, quelles que soient les volontés ou les difficultés locales, d'avoir accès à la culture.
Sur ce point, nous avons besoin d'assurances, et je vous remercie de bien vouloir donner un sens aux propos tenus récemment en public par le chef de l'Etat. Nous sommes invités à créer « une démocratie culturelle » et nous y adhérons fort volontiers, tout en sachant, pour reprendre une formule que j'ai relevée dans le rapport de la commission Rigaud que vous avez fort opportunément mise en place, monsieur le ministre, que le problème ne réside plus dans la mise en oeuvre d'une action culturelle en faveur d'un public.
En effet, nous savons qu'une culture populaire ne manque pas de trouver rapidement ses limites, puisqu'elle ne concerne que quelques millions de Français. En effet, la communauté culturelle reconnue aujourd'hui ne regroupe guère plus de 8 millions de personnes. En revanche, nous devons véritablement mettre en oeuvre une politique culturelle pour le peuple, ...
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Il le faut !
M. Jean-Paul Hugot. ... c'est-à-dire une politique qui ne peut en aucune façon faire l'impasse sur quelque catégorie de population que ce soit. N'est-ce pas d'ailleurs la meilleure façon d'éviter le déploiement de cultures non pas marginales, car elles ont toutes le droit d'exister, mais de réaction, comme si plusieurs types de citoyenneté culturelle existaient, ce qui ne serait pas très normal ?
Je souhaite que vous répondiez à ces quelques questions, monsieur le ministre.
Je vous remercie d'avoir pris en compte les problèmes d'environnement culturel dans votre budget. Comme je le disais tout à l'heure, peut-être y aura-t-il une évolution en matière de patrimoine monumental. En tout cas, je constate que les choses vont dans le bon sens en ce qui concerne l'architecture et la Fondation du patrimoine.
En termes de citoyenneté culturelle et d'enseignement artistique, je sais que le ministère de la culture, avec un budget de 1,3 milliard de francs, engage des efforts considérables et joue vraiment un rôle de locomotive. Nous avons besoin d'y voir clair dans ce domaine, nous voulons savoir si les quatre prochaines années verront la mise en place d'un service public national.
Je vous remercie enfin d'avoir, par le biais de la commission sur la refondation du ministère de la culture, dont le rapport est passionnant, ouvert la possibilité d'un prochain débat parlementaire sur cette politique culturelle qui me paraît nécessaire compte tenu des changements que nous vivons et, par là même, sur la nécessité de redéfinir des perspectives pour la vie et l'action culturelles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, je crois que je n'ai pas besoin d'expliquer, au terme de ce débat, quel est le sens de l'avis émis par la commission des affaires culturelles.
Vous avez compris qu'il s'agissait, monsieur le ministre, non pas de vous convaincre, mais de convaincre vos interlocuteurs et les nôtres que l'amputation sévère des crédits du patrimoine et l'étalement sur trois ans des deux dernières années de la loi de programme n'étaient pas acceptables.
La commission des affaires culturelles a considéré que la mesure n'était compatible ni avec les devoirs de l'Etat, ni avec les attentes des collectivités ou des particuliers propriétaires, ni avec la situation de l'emploi. Je n'y reviens pas, les différents intervenants, notamment M. Schumann, au nom de la commission des finances, et MM. Nachbar et Vidal, au nom de la commission des affaires culturelles, s'étant longuement exprimés à ce sujet. Nous savions parfaitement ce que nous ne pouvions pas accepter.
Monsieur le ministre, nous attendons de vous l'annonce évoquée tout à l'heure par M. Schumann, que je tiens, moi aussi, à remercier tout particulièrement. Nous nous sommes associés à ses efforts. J'espère que nous nous réjouirons des propos que vous allez tenir et qui permettront à la majorité de la commission de voter sans réticence votre projet de budget, monsieur le ministre.
Lorsque vous êtes venu devant la commission, vous nous avez exposé avec beaucoup de précision les mesures envisagées pour que l'activité des entreprises soit maintenue à un niveau suffisant et pour que le nombre des chantiers ouverts ne s'effondre pas.
Vous voulez augmenter le taux d'engagement des autorisations de programme ouvertes en 1997 et utiliser celles qui sont disponibles sur les exercices antérieurs. Ces intentions sont certes louables, monsieur le ministre, mais le résultat est tout de même incertain dans la mesure où Bercy - il faut bien le nommer - qui vous reproche de ne pas consommer vos autorisations de programme, sait aussi, il faut bien le dire, faire ce qu'il faut pour que ce résultat soit obtenu.
Il serait intéressant par exemple de regarder comment ont été délégués les crédits de paiement en 1995 et en 1996, et nous savons bien qu'en ce domaine votre responsabilité n'est pas, si je puis dire, entière.
La vigilance est donc d'autant plus nécessaire, monsieur le ministre, que la complexité des procédures joue toujours dans le même sens. Je veux insister sur ce point après certains orateurs qui viennent de s'exprimer : simplifiez, nous vous en supplions, et accélérez les procédures !
Pour vous y aider, la commission des affaires culturelles souhaite que vous acceptiez de venir devant elle faire le point de la consommation de vos crédits en cours d'exercice. Nous confronterons les informations que vous nous donnerez à celles que nous recueillerons à la base en voyant s'ouvrir ou être différés les chantiers qui nous intéressent.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Excellente idée !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. J'ai parlé de vigilance. Oui, il faut être vigilant dès cette année, pour l'année prochaine, monsieur le ministre, car, permettez-moi d'insister sur ce point, nous aurions bien du mal à accepter d'être soumis en 1998 au même régime qu'en 1997. Ce qui est difficile à admettre pour une année est insupportable pour trois années.
Nous attendons donc aussi de vous que vous affirmiez votre volonté de faire en sorte que, en 1998, les crédits concernant le patrimoine retrouvent un niveau exprimant une véritable ambition nationale.
Monsieur le ministre, la conscience patrimoniale s'est éveillée tard et progressivement chez nous. François 1er n'hésita pas à faire raser au Louvre le donjon de Philippe Auguste et, deux cent cinquante ans plus tard, l'abbé Grégoire inventa le mot « vandalisme » pour dénoncer la rage de détruire, avant que la Convention, enfin ! promulgua un décret protecteur. Au vandalisme a longtemps succédé l'insouciance ou l'impuissance.
Les lois de programme relatives au patrimoine monumental sont le dernier moyen que s'est donné la puissance publique pour que - j'utilise ici Michelet - « la France continue à travers ses monuments à se voir elle-même dans son développement de siècle en siècle et d'hommes en hommes ».
N'acceptons pas que la dernière loi de programme votée en la matière, à l'application de laquelle nous avons à veiller, perde de son efficacité.
Nous discutons du budget de la culture et je ne veux pas, moi non plus, terminer ce propos sans évoquer, comme vient de le faire mon collègue Jean-Paul Hugot, une interview récente du Président de la République. En effet, plus les temps sont difficiles et plus les moyens sont restreints, plus l'ambition qui sous-tend la volonté des responsables politiques doit être forte et exigeante. M. Jacques Chirac affirme sa volonté, cela a été dit, de promouvoir la « démocratie culturelle » et de donner « à chacun les clés de notre patrimoine commun ».
Il y a, dans votre budget, des traces de ce grand dessein. Trop rares et faibles, elles constituent néanmoins comme des signes d'espoir. Je fais allusion, par exemple, aux crédits qui seront consacrés à la lutte contre l'exclusion, cela a déjà été indiqué lors des interventions précédentes.
Le temps me manque pour parler des enseignements artistiques, mais je souhaite reprendre à mon compte les demandes d'élucidation présentéees tout à l'heure par notre collègue Jean-Paul Hugot, ainsi que son souhait d'une définition claire des rôles respectifs des collectivités et de l'Etat et d'une culture qui s'adresse non pas à quelques millions de citoyens, mais à tous les citoyens. Ce sera, n'en doutons pas, une oeuvre de longue haleine, mais raison de plus pour commencer vite. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps !
Monsieur le ministre, je voyais un jour, en un lieu que vous connaissez, La Chaise-Dieu, un groupe de jeunes passer indifférent devant la « Danse macabre ». Je m'en offusquai d'abord, mais je me dis ensuite que nous n'avions pas fait assez, loin de là, pour que les jeunes Français ne restent pas devant les grandes oeuvres sans curiosité et sans émotion. Les guider sur la voie qui leur permettra d'y accéder, c'est sans doute difficile, mais c'est la plus belle des ambitions. Nous souhaitons que ce soit celle du Gouvernement, donc la vôtre, monsieur le ministre, et nous vous soutiendrons dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous remercier de la qualité des contributions que vous avez apportées au débat relatif au projet de budget de mon ministère.
Je commencerai mon intervention par une donnée chiffrée générale, qui répond d'ailleurs à quelques-unes de vos questions : pour 1997, le projet de budget qui vous est présenté s'établit à 15,1 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit environ 0,97 % du budget de l'Etat.
L'examen des crédits de l'ensemble des départements ministériels auquel vous êtes en train de procéder souligne l'étroitesse des marges de manoeuvre au sein desquelles le Gouvernement peut se mouvoir.
Comme tous mes collègues, j'ai dû prendre en compte une mesure décidée, à titre exceptionnel, par le Gouvernement face aux contraintes - que l'on ne saurait sérieusement nier - qui pèsent sur le budget de l'Etat : l'allongement d'un an de la durée d'application de la loi de programme relative au patrimoine monumental et des contrats de plan Etat-région. Je veillerai toutefois à ce que cette mesure ne vienne mettre en péril ni la restauration des monuments les plus fragiles ni le volume global des chantiers de restauration qui seront ouverts en 1997.
Pour cela, et en réponse aux inquiétudes qui ont été exprimées notamment par MM. Schumann et Gouteyron, le Gouvernement a décidé d'abonder de 70 millions de francs le budget de cette loi de programme. Je vous proposerai de voter un amendement en ce sens.
Au-delà de cette mesure budgétaire, un effort très réel de gestion sera mis en oeuvre par mes services pour maintenir au même niveau les crédits que l'Etat pourra engager pour la rénovation des monuments historiques. Cet effort passera par une meilleure mobilisation, au niveau central comme au niveau déconcentré, des autorisations de programme ouvertes en faveur du patrimoine monumental par les lois de finances successives et par une plus grande utilisation des crédits européens.
Il est un autre aspect, plus spécifique à mon département ministériel, qui explique la diminution des crédits d'investissement : la baisse naturelle des crédits destinés aux grands travaux.
Je souligne d'ores et déjà - j'apporterai des précisions sur ce point ultérieurement - que les moyens d'intervention, qui avaient crû de 400 millions de francs l'an dernier, seront consolidés.
Ces chiffres étant donnés, il faut revenir aux grands principes qui sous-tendent la politique que j'entends mener : sauvegarde du patrimoine dont la nation est le dépositaire ; soutien, dans le pluralisme et la tolérance, de la création artistique ; enfin, égalité d'accès à la culture.
Je suis persuadé non seulement que l'Etat doit inscrire son action dans la continuité, mais également qu'il doit le faire selon une politique volontariste d'équipement, de diffusion et d'enseignement artistique pour répondre à ce grand dessein : rendre la culture accessible à tous, comme vient de le dire M. Gouteyron.
Au début de l'année 1996, j'ai demandé à M. Jacques Rigaud d'animer une réflexion collective sur ce que j'ai appelé la refondation du ministère de la culture, réflexion dont il fut tout de suite convenu qu'elle n'aurait de sens que si elle était parfaitement pluraliste et entièrement libre.
Il en est découlé - vous avez raison, monsieur Ralite - un rapport riche de propositions, dont les moindres ne sont pas celles qui sont relatives à la répartition des compétences culturelles entre l'Etat et les collectivités locales.
J'ai l'ambition que le Sénat et l'Assemblée nationale débattent de la notion même de mission de service public culturel, à un moment qui nous laisserait plus de temps que celui que nous offre le calendrier de la procédure budgétaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Il est devenu essentiel, sur des questions dont certaines touchent les racines mêmes de notre vouloir vivre ensemble, de prendre le temps de la réflexion. Je souhaite vivement, dans notre époque pressée, que l'action ne devienne pas précipitation et que le média ne soit pas notre horizon immédiat.
La mission du groupe animé par M. Jacques Rigaud était d'abord d'écouter. Mon ministère est, par essence, à l'écoute des milieux professionnels. Je sais que l'on dit parfois, çà et là, qu'il l'est trop. Permettez-moi de m'élever contre cette interprétation : la création, dans ce qu'elle a de plus exigeant, de plus complexe, de plus choquant parfois, n'a pas trop lieux où s'exprimer. Je suis heureux et fier que mon ministère soit de ceux-là.
Cette mission nous enjoint d'être à l'écoute de nos publics, et aussi de ce que les sociologues appellent nos non-publics.
Le terme n'était pas à la mode à l'époque de Jean Vilar, mais c'était bien aux mêmes que s'adressait le TNP lorsqu'il voulait - et il y parvenait ! - faire entendre et, surtout, faire aimer Racine, Shakespeare ou Claudel à ceux qui n'avaient pas l'habitude de fréquenter la Comédie française. Cette mission nécessite que nous fassions de l'aménagement culturel du territoire notre priorité.
Je suis particulièrement attaché, vous le savez, en tant que ministre, mais aussi en tant qu'élu d'une ville moyenne, éloignée de la capitale, à ce que le ministère de la culture rééquilibre ses actions au profit du terrain local, et ce en matière aussi bien d'interventions que d'équipements. Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, le succès de cet objectif passe par un fort volontarisme dans nos choix, qu'il s'agisse de l'équipement ou de l'aide au fonctionnement.
Ce sont donc deux tiers des crédits d'équipement pour 1997, madame Pourtaud, qui seront consacrés à cet effort de rééquilibrage, effort qui mettra l'accent sur deux types d'équipements culturels qui se trouvent, en quelque sorte, aux deux bouts de la chaîne : les équipements lourds, qui constituent la clé de voûte du réseau culturel, et les équipements de proximité, qui en assurent l'irrigation.
Des institutions nouvelles seront donc construites en région ; M. Schumann les a évoquées.
Il s'agit de la maison de la mémoire des archives de la Ve République, à Reims. Ce projet, que je conduis avec le ministre de la défense, viendra compléter le réseau des centres des archives nationales implantées hors de Paris, à savoir les centres de Fontainebleau, de Roubaix, d'Aix-en-Provence et d'Espeyran.
En outre, le Centre national des costumes de scène sera accueilli à Moulins, dans l'ancienne caserne Villars.
L'Etat aidera également les collectivités territoriales à édifier les équipements ambitieux qui peuvent contribuer à leur rayonnement tant culturel que touristique et économique : ce sera le cas de l'auditorium de Dijon et du musée d'art contemporain de Toulouse. L'ensemble de ces opérations s'inscrit dans le programme des grands projets en région ; plus de 200 millions de francs y seront consacrés l'an prochain.
Au-delà de ces projets ambitieux, l'Etat doit aussi, au quotidien, aider les collectivités territoriales à réaliser leurs projets. Ces dernières n'apportent-elles pas autant d'argent public au financement de la culture que tous les ministères réunis ?
La mission de l'Etat est de contribuer, chaque fois qu'il le peut, à apporter non seulement son expertise, mais aussi la participation financière qui permettra à tel projet de salle municipale ou de lieu de diffusion musicale de se concrétiser, ou à tel musée de se moderniser.
Je propose de réserver 175 millions de francs pour ce type d'opérations, au plus près des besoins des populations éloignées de l'offre culturelle, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain difficile.
Cette réorientation, centrée autour des publics réels et potentiels de la culture, passe par une réflexion de fond sur les voies de l'accès à la culture, qui débouche inévitablement sur ce besoin, éclatant, évident, et encore insatisfait, d'éducation artistique et de sensibilisation culturelle.
Je consacrerai plus de 160 millions de francs l'an prochain aux publics défavorisés. L'expérience des projets culturels de quartiers a été lancée cette année, monsieur Schumann. Elle porte ses premiers fruits. Cet élan ne sera pas brisé ; je soutiendrai les initiatives les plus originales, les plus prometteuses, comme la transformation de la friche de la Belle de mai, à Marseille, en pôle de développement culturel et économique.
Je vous invite, les 9 et 10 février prochain, à venir à la Villette, mesdames, messieurs les sénateurs, pour y voir l'ensemble de ces projets culturels de quartier. Les auteurs « monteront », comme l'on dit, à Paris pour s'exprimer et montrer leurs réalisations depuis un an. Nous avons considéré l'ensemble des jeunes et des moins jeunes de ces quartiers défavorisés non pas comme des spectateurs de la culture mais, au contraire, comme des acteurs.
M. Eckenspieller parlait tout à l'heure du film réalisé par Paul Vecchiali avec des jeunes, et qui a été projeté à Venise. Il est parti d'un quartier difficile de Mulhouse. Personne ne croyait qu'on y parviendrait ! Je pourrais citer aussi, bien sûr, Christiane Véricelle à Lyon, qui fait danser plusieurs centaines d'adolescents dans un quartier difficile, ou encore Armand Gatti à Sarcelles. Tels sont les projets de quartier !
Je veillerai également à mettre en place des politiques tarifaires qui facilitent l'accès des jeunes à des représentations, à des expositions, à des concerts. J'intensifierai les actions lancées pour apporter la culture à ses publics les plus improbables, car éloignés de ses réseaux traditionnels : incarcérés, malades, handicapés, personnes âgées.
A M. Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, je dirai que j'ai voulu que ce projet de budget mette l'accent sur les enseignements artistiques ; j'y reviendrai. Il s'agit d'une tâche fondamentale, que le ministère de la culture ne saurait accomplir seul. Il faut une mobilisation nationale, à commencer par celle de l'Etat tout entier.
Aujourd'hui, il importe de renforcer la coordination des initiatives entre mon département ministériel, celui de l'éducation nationale, celui de la jeunesse et des sports, ainsi que la coordination des initiatives des collectivités territoriales.
Le ministère de la culture peut intervenir selon deux axes.
Il s'agit, d'abord, de la formation supérieure des artistes, des créateurs, des architectes de demain. Il est indispensable, à cet égard, de mieux préciser le cadre dans lequel s'inscrivent les compétences de l'Etat et celles de ses partenaires, à commencer par les collectivités territoriales.
Je voudrais commencer ce travail par l'enseignement de la musique et de la danse : je vous proposerai, l'année prochaine, de débattre d'une loi-cadre.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. L'Etat doit, en outre, veiller à donner à tous les médiateurs professionnels de la culture la meilleure formation possible, formation initiale comme formation permanente. C'est pourquoi l'Ecole du Louvre sera érigée en établissement public autonome. Cela explique aussi les 8 millions de francs supplémentaires que je consacrerai à la formation continue des professionnels, au développement de nouvelles formations pour les créateurs et à la sensibilisation des publics scolaires.
C'est la raison pour laquelle, enfin, j'augmenterai de 26 % les crédits de fonctionnement alloués aux écoles d'architecture, qui m'ont été transférées l'an dernier, tout en consacrant 57 millions de francs à la rénovation de leur équipement.
J'en viens ainsi à l'architecture. Le retour de ce secteur au sein de mes compétences ministérielles est, j'en suis sûr, l'occasion d'un ressourcement.
C'est pourquoi j'ai décidé de confier cette attribution à une direction autonome, non pas que je pense que l'architecture soit antinomique du patrimoine. Les services départementaux de l'architecture s'appelleront d'ailleurs désormais « services départementaux de l'architecture et du patrimoine ».
Mais je crois, comme Malraux, que l'architecture est l'art le plus immédiat, le plus proche de notre quotidien et que sa prise en compte doit être l'épine dorsale d'une politique culturelle.
Je place résolument l'architecture au coeur de ce projet de budget pour 1997. Hors écoles d'architecture, ses crédits augmenteront de plus de 20 %, ce qui permettra de multiplier par deux les actions de promotion et de diffusion, et par sept celles qui visent à développer la sensibilisation à l'architecture et la formation professionnelle.
Les moyens des services départementaux de l'architecture et du patrimoine seront accrus de 12 % et je consacrerai 18 millions de francs à leur équipement. Enfin, je doublerai le soutien aux secteurs sauvegardés et aux zones de protection du patrimoine architectural et urbain, pour donner un nouveau souffle à la grande oeuvre lancée par Malraux en 1964.
Cet effort sans précédent ne me conduit pas, pour autant, à négliger l'appui que mon département doit apporter aux institutions qui ont su gagner et fidéliser leur public. C'est le sens du maintien à un niveau historiquement très élevé des crédits d'intervention dont je dispose.
Je poursuivrai, en effet, la politique de contractualisation des relations entre l'Etat et le réseau théâtral français, politique qui, à mes yeux, a valeur d'exemple car elle permet un engagement réciproque en faveur d'une offre culturelle de qualité vers le plus large public.
Les théâtres lyriques en régions, les grandes institutions chorégraphiques et musicales, les festivals de premier plan retiendront toute mon attention, comme en témoigne l'attribution récente du label d'Opéra national à l'Opéra du Rhin, après celui de Lyon.
Mais je veillerai, surtout, à soutenir les institutions les plus proches des publics, que ce soit en zone rurale ou en faveur de la chanson et du jazz, aujourd'hui formes majeures d'expression. En 1997, un « hall de la chanson » verra le jour au coeur du parc de la Villette, cet exemple quasi unique au monde de réussite d'intégration culturelle, architecturale et paysagère.
L'ensemble de ces actions, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne saurais les mener sans m'efforcer d'inscrire la culture comme une dimension pleine et entière de l'activité gouvernementale.
J'inscris l'action du ministère de la culture dans le cadre de la réforme de l'Etat.
Les crédits déconcentrés augmenteront de 50 millions de francs l'an prochain. J'ai décidé d'accroître très significativement - plus de 17 % - les crédits d'intervention de la direction du patrimoine, afin que l'Etat puisse non seulement améliorer l'accueil dans les monuments historiques dont il a la charge, mais aussi développer son aide au réseau des routes historiques et des villes d'art et d'histoire, avec les collectivités.
Je souhaite également simplifier la gestion de procédures administratives et juridiques, tout en demeurant très vigilant à l'égard des spécificités de la matière dont j'ai la responsabilité.
Aussi bien en matière d'industries culturelles qu'en ce qui concerne notre patrimoine le plus fragile - je pense notamment aux vestiges archéologiques, dont notre civilisation ne peut effacer les traces au nom de la rationalité économique - ce ministère, oui, est le ministère des équilibres fragiles.
La recherche de l'équilibre entre liberté de création, nécessité de conservation et utilité sociale est au coeur de ma politique culturelle. J'emploie cette expression à dessein, avec ce qu'elle implique de volontarisme.
Il est vrai qu'une famille politique - dois-je d'ailleurs employer ce terme de famille ? - qui a eu l'occasion de montrer, dans plusieurs municipalités du Sud, sa conception de la liberté et de l'égalité culturelle, est hostile à l'idée même de politique culturelle, jouant sur les mots, comme a l'habitude de le faire son mentor, pour y lire je ne sais quelle culture d'Etat.
Prenons-y garde : un pouvoir, fût-il municipal, qui trie la pensée dans les bibliothèques, qui fait détruire au bulldozer des créations plastiques, n'a qu'un petit pas à faire pour écarter l'art « dégénéré » et la pensée dérangeante. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Que ce parti sache que nous ne le laisserons pas, que vous ne le laisserez pas, attenter, fût-ce d'un cheveu, à la liberté de création et d'expression, legs irremplaçable de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Je me battrai aussi, mais sur le terrain de la raison cette fois, contre ceux qui entendent laisser le marché réguler toute activité culturelle.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je ne suis pas un fanatique de la réglementation, mais nous savons tous que l'absolue dérégulation, dans le domaine dont j'ai la charge, n'aboutirait, selon la formule célèbre de Lacordaire, qu'à laisser le « renard libre dans le poulailler libre ».
Avec votre appui, mesdames, messieurs les sénateurs, je défendrai dans les instances nationales et internationales l'exception culturelle. (M. le rapporteur spécial fait un signe d'assentiment.) Notre culture, notre langue, monsieur Legendre, notre création artistique sont des atouts exceptionnels, que nous ne pouvons laisser sans défense face aux risques d'écrasement et de nivellement qui découleraient de la destruction de pans entiers de notre législation culturelle.
Guidé par cette préoccupation, je consacrerai en 1997 plus de 80 millions de francs de crédits d'intervention et de soutien supplémentaires au secteur du cinéma et de l'audiovisuel. C'est avec votre aide que nous maintiendrons un mécanisme, les SOFICA, qui est essentiel à la production indépendante.
M. Pierre Laffitte. Bravo !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je ne laisserai pas non plus, monsieur Ralite, faire le procès de la dépense culturelle. Si l'acte culturel est parfois gratuit, il n'est jamais vain. Souvenons-nous, face à ceux qui ne s'y intéressent que pour en étudier la rentabilité, que le théâtre comme la démocratie sont des héritages de la Grèce classique.
Sachons leur dire non pas qu'il faut, dans ce domaine, dépenser sans compter - j'ai à cet égard, et mon département ministériel a été le pionnier en la matière, développé la politique d'évaluation - mais que, plus que jamais, nous devons tous ensemble comprendre que l'accès de tous à la culture, à toutes les cultures, constitue un approfondissement de la République. Ce que la IIIe République, république de bâtisseurs mûs par un idéal démocratique intact, a fait pour l'école, c'est à nous de le faire, en ce XXe siècle finissant, pour la culture.
Je voudrais maintenant répondre aux différents intervenants et à MM. les rapporteurs.
Je voudrais, après cette présentation du projet de budget de la culture pour 1997, revenir sur un point qui préoccupe, à juste titre, nombre d'entre vous. Je pense, bien entendu, aux crédits du patrimoine. Permettez-moi de m'y arrêter quelques instants.
Je connais, comme vous, l'effet multiplicateur des crédits de la loi de programme et les risques que fait peser sur les entreprises et sur la préservation de métiers hautement qualifiés la réduction des autorisations de programme qui seront ouvertes l'an prochain. Je suis parfaitement d'accord avec l'analyse macro-économique présentée par M. Eckenspieller. C'est pourquoi le Gouvernement, comme je vous l'ai dit, a décidé d'abonder de 70 millions de francs les crédits destinés au patrimoine. En cet instant, je souhaite, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, remercier M. Schumann de sa combativité, de son enthousiasme et de sa grande efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Je n'ai pas été le seul !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je suis bien conscient que cette mesure budgétaire ne compense que partiellement la diminution des crédits. Toutefois, je pense que cet effort de rigueur qui nous est demandé devrait pouvoir être compensé par une meilleure utilisation, c'est-à-dire une utilisation plus rapide, des crédits ouverts, ainsi que par une plus grande mobilisation des crédits européens.
Vous conviendrez avec moi que ce qui compte au premier chef pour les entreprises, c'est le carnet de commandes, c'est-à-dire, au niveau de l'Etat, l'engagement de tranches de travaux.
Il faut d'abord travailler sur les autorisations de programme ouvertes en loi de finances pour qu'un montant plus important fasse l'objet d'engagements l'an prochain. Compte tenu de la spécificité des procédures de travaux sur les monuments historiques, pleinement justifiée par la nécessité de procéder à des restaurations adéquates, actuellement, environ 30 % des autorisations de programme ouvertes par la loi de finances de l'année font l'objet d'un engagement lors du même exercice budgétaire.
C'est très expliquable. A l'échelle d'une région, il faut programmer ces opérations, ce qui suppose une large consultation. Ensuite, il faut passer accord avec le propriétaire, généralement une commune ou une personne privée, sur les financements et le calendrier. Puis il faut conduire les études qui définiront le parti de restauration retenu. Cela prend beaucoup de temps, et c'est normal, car on ne restaure pas à la va vite !
La mobilisation des services et des partenaires - les collectivités territoriales ne sont pas les moindres - devrait nous permettre de fixer un objectif global d'engagement d'environ 40 %. En 1996, au vu des autorisations de programme ouvertes, le carnet de commandes issu des autorisations de programme « monuments historiques » ouvertes en loi de finances initiale devrait s'élever à environ 470 millions de francs. En 1997, à taux d'engagement constant, il s'élèverait à 310 millions de francs. Le passage à un taux moyen d'engagement de 40 % permettra de mobiliser 100 millions de francs de plus, et donc de quasiment compenser la baisse des crédits.
Il faut aussi agir pour utiliser au mieux les crédits ouverts les années précédentes et non consommés à ce jour, comme le disait M. Schumann voilà un instant.
Je vais donc demander à mes services d'accélérer au maximum leur effort sur les autorisations de programme ouvertes les années antérieures, afin de maximiser le taux d'engagement sur ce stock déjà ouvert. Il reste actuellement environ 1 milliard de francs d'autorisations de programme déjà affectées à un programme précis de restauration, mais qui n'ont pas encore fait l'objet d'engagement. Ce travail d'accélération sur le stock existant permettrait de dégager entre 100 millions de francs et 200 millions de francs par rapport au rythme actuel d'engagement des crédits.
Il existe une troisième source qui devrait permettre de dégager des autorisations de programme pour de nouvelles opérations. Il s'agit des opérations qui sont terminées, ou en voie de l'être. Quand une opération est déclarée terminée, on rapproche la réalité des paiements constatés des autorisations de programme ouvertes. Dans certains cas, le montant total des paiements est inférieur au montant ouvert d'autorisations de programme. Ces reliquats d'autorisations de programme peuvent être réutilisés pour de nouveaux travaux. J'estime qu'un travail d'accélération des clôtures d'opérations permettrait de dégager environ 100 millions de francs.
Enfin, j'ai demandé aux préfets de mobiliser des fonds interministériels européens en faveur du patrimoine. Nous n'utilisons pas suffisamment ces sources de financement. Je pense que, là aussi, nous pouvons facilement mobiliser 100 millions de francs.
Ces efforts cumulés devraient donc permettre, d'une part, de maintenir le niveau d'engagement, et donc de commandes aux entreprises sur des opérations nouvelles, et, d'autre part, de les faire plus et mieux travailler sur les opérations en cours.
A ce prix, je pense pouvoir annuler l'impact récessif de la décrue des crédits de la loi de programme sur le patrimoine monumental.
Ainsi, le volume de travaux, ce qui compte vraiment dans la réalité, devrait être maintenu.
Afin de vérifier la consommation des crédits, j'ai mis en place, avec les entreprises de restauration, un comité de suivi.
Monsieur Gouteyron, je suis bien évidemment à la disposition de la commission des affaires culturelles pour faire un point en cours d'année sur le niveau des engagements.
Merci, monsieur Schumann, de la pertinence de la présentation que vous avez faite de mon projet de budget. Je voudrais, en quelques mots, essayer de lever vos inquiétudes, puisque vous avez divisé votre exposé en trois parties.
J'ai déjà longuement parlé du patrimoine et j'espère vous avoir convaincu.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Merci !
J'en viens aux transferts.
Je vous donnerai un seul indicateur : depuis 1994, le ministère de la culture a vu croître de 1 milliard de francs le montant des crédits consacrés à ses compétences « traditionnelles », c'est-à-dire à champ de compétences inchangé. Par ailleurs, il s'est vu attribuer, c'est vrai, de nouvelles prérogatives, qui consolident son rôle et son influence : l'architecture - vous l'avez dit - la Cité des sciences et de l'industrie, la contribution de l'Etat au soutien des missions culturelles de l'audiovisuel public.
Cette année, il s'agit de la part de la dotation globale de décentralisation allouée par l'Etat aux bibliothèques publiques. Ces nouvelles compétences ne se font pas au détriment des compétences traditionnelles. Je pense qu'elles permettent de renforcer l'influence du ministère dont j'ai la charge, et je prendrai, à cet égard, l'exemple des bibliothèques.
Les atteintes au pluralisme auxquelles nous sommes confrontés sont venues souligner la nécessité d'une loi sur les bibliothèques dont le Gouvernement, sur ma proposition, a décidé la mise à l'étude, et que je souhaiterais vous présenter au second semestre de l'année 1997.
Même si la préservation et le renforcement du pluralisme ne sont pas le seul élément de mon projet de loi, ils constituent néanmoins un aspect important. En effet, avec la très grande majorité des élus et des professionnels, il nous faut pouvoir opposer une notion authentique du pluralisme des collections à la notion dévoyée que certains mettent en avant.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Au-delà de cet aspect, une loi sur les bibliothèques me paraît nécessaire pour construire l'offre documentaire du xxie siècle en établissant un réseau de grands établissements régionaux de la Bibliothèque nationale de France, pour renforcer la protection et l'enrichissement des fonds patrimoniaux, pour conforter la compétence des professionnels et leur présence à la tête des établissements de lecture publique et, enfin, pour refondre et réaffirmer la coopération des différentes collectivités publiques et collectivités locales.
C'est dans la perspective de l'élaboration de cette loi que la gestion des crédits de la dotation générale de décentralisation relative aux bibliothèques a été transférée à mon ministère pour le budget de 1997.
Monsieur Nachbar, comme vous, je suis très sensible au bon fonctionnement des grandes institutions culturelles.
A quoi cela rimerait-il d'avoir consacré des sommes aussi considérables aux grands travaux si ces établissements, une fois construits ou rénovés, devaient rester fermés ?
Ces économies sur le fonctionnement, lorsqu'elles sont réalisées sans discernement, ont souvent, d'ailleurs, des effets pervers : elles peuvent conduire à des travaux bien plus lourds de réhabilitation ; elles peuvent également être « antidémocratiques » lorsqu'elles conduisent à une restriction de l'accès au public. C'est pourquoi le Gouvernement, à ma demande, a décidé que les espaces grand public de la Bibliothèque nationale de France seraient ouverts le dimanche.
Je voudrais remercier M. Vidal d'avoir souligné, dans son rapport écrit, que le projet de budget préserve, pour l'essentiel, les moyens consacrés au cinéma.
S'agissant de la nouvelle législation sur l'ouverture des salles de cinéma dites « multiplexes », je tiens à vous préciser, monsieur le rapporteur, que c'est précisément pour veiller à ce que cette nouvelle législation ne conduise pas à freiner exagérément la modernisation des grandes salles de cinéma tout en atteignant son objectif, qui est la préservation des salles de quartier, que j'ai souhaité la participation des directeurs des directions régionales des affaires culturelles et des services du CNC à la procédure d'instruction des demandes.
Monsieur Othily, j'ai apprécié vos propos relatifs à l'identité culturelle de la Guyane, dans un équilibre complexe entre les valeurs nationales, les patrimoines culturels et toutes les composantes de la société guyanaise.
Sachez que je suis particulièrement attentif à la situation de la direction régionale des affaires culturelles de Guyane. Je répondrai brièvement et point par point à vos questions.
L'architecte des bâtiments de France, actuellement en poste en Guyane, l'est effectivement à tiers temps. Ce n'est pas suffisant. J'affecterai dans cette région un architecte à temps complet à partir de 1997.
S'agissant de la mise en place d'un système de défiscalisation pour la restauration des bâtiments classés et des anciennes maisons guyanaises, la loi Pons, en effet, ne s'applique pas à la restauration du patrimoine bâti. Compte tenu de l'intérêt qu'elle pourrait représenter pour la protection du patrimoine local et pour les emplois qui y sont liés, je pense comme vous qu'il conviendrait de réfléchir aux conditions de son extension à la restauration du patrimoine. C'est, à mon avis, une excellente idée.
La participation du ministère de la culture à la réalisation du contrat de plan a suivi le déroulement des actions programmées. Seules la complexité des projets et les difficultés de mise au point des programmes définitifs ont retardé la réalisation de l'école de musique.
La DRAC de Guyane a été créée en 1991. Elle est donc récente et en cours de renforcement.
Un conseiller pour le livre et un vérificateur, dont le recrutement est en cours, seront nommés en 1997, dans le cadre d'un programme pluriannuel de renforcement des effectifs.
Madame Pourtaud, je vous apporte effectivement une bonne nouvelle, selon votre formule, avec l'amendement en autorisations de programme visant à augmenter de 70 millions de francs les crédits du chapitre 56-20 « Patrimoine monumental », que je présenterai tout à l'heure, et dont j'ai parlé à plusieurs reprises. J'ai souhaité que nous puissions corriger au niveau du budget cette aide pour le patrimoine.
Je ne reviendrai pas sur la question du patrimoine car j'en ai déjà parlé longuement. Néanmoins, je ne vous laisserai pas dire un certain nombre de choses, madame le sénateur.
Je ne vous laisserai pas dire qu'il n'y a eu que des transferts de compétences dans le budget de 1996 puisque, ainsi que je viens de le rappeler, ce budget de 1996 a fait l'objet d'un milliard de francs de mesures nouvelles. Le seul titre IV a connu une augmentation de 400 millions de francs, qui sont d'ailleurs préservés en 1997.
Je ne vous laisserai pas dire que le budget du CNC diminue, puisqu'il sera en hausse de 80 millions de francs, soit de plus de 3,2 %.
Je ne vous laisserai pas dire que la pratique des gels est récente : c'est justement cette méthode qui, en 1993, a empêché vos amis, alors au pouvoir, d'atteindre le taux de 1 % qui avait été voté.
Mme Danièle Pourtaud. Nous avons atteint 0,99 % !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Vous voyez que ce n'est pas 1 % ! (Sourires.)
Je ne vous laisserai pas dire que nous n'agissons pas pour régler la fracture sociale. Les résultats sont là, et je vous donne rendez-vous - cela me ferait très plaisir de vous y retrouver - les 9 et 10 février prochain à La Villette, où les jeunes auront nombre de choses à nous dire.
Il y a effectivement des retards d'équipements en province, madame Pourtaud : on a beaucoup fait pour Paris, et moins pour la province ; on a beaucoup fait pour les villes, et moins pour les campagnes ; on beaucoup fait pour les centres-villes, et moins pour les banlieues et les périphéries. Il nous faut maintenant prendre l'habitude d'élaborer des budgets consacrant plus à la province et aux périphéries des villes qu'à Paris et aux centres de nos cités.
Quant aux enseignements artistiques, le budget est en hausse, et j'aurai l'occasion de présenter un projet de loi prochainement à cet égard.
S'agissant du titre IV, les créateurs jugeront, et ils jugent déjà.
J'en viens au festival d'Avignon. A cet égard, je vous remercie d'avoir souligné l'effort tout particulier que nous avons fait cette année, effort qui continuera - c'est pour moi l'occasion de le dire - en 1997. Je crois d'ailleurs que le maire d'Avignon ne conduit pas l'action que vous lui prêtez et qu'elle est revenue sur les coupes présentées récemment. Vous devriez donc, à mon avis, mettre à jour votre discours sur le festival d'Avignon, madame le sénateur !
Enfin, vous avez indiqué que les crédits de la délégation aux développements et aux formations étaient en baisse. Je tiens, là aussi, à rétablir la vérité.
Si ce poste budgétaire marque, en effet, une diminution de 21 millions de francs, cette baisse correspond à des transferts opérés vers d'autres directions. Je ne prendrai que deux exemples : les crédits permettant la gratuité d'entrée au musée du Louvre le premier dimanche de chaque mois, mesure que nous avons voulue, sont transférés à la direction des musées de France. En outre, les crédits correspondant à la création de cent cafés-musique sont transférés à la direction de la musique et de la danse.
Monsieur Habert, s'agissant des arts premiers, il me paraît important que le futur musée des arts premiers bénéficie d'une antenne au musée du Louvre. Si cette mesure est certes symbolique, vous comprenez néanmoins la forme de reconnaissance qu'entraîne l'entrée de ces arts dans un musée comme le Louvre.
Je tiens également à vous rassurer : il existe une bonne coordination entre le ministère de la ville et le ministère de la culture. Nous contribuons d'ailleurs en particulier au fonds interministériel pour la ville.
Enfin, vous avez évoqué le zénith mobile. C'est, à mon avis, un aménagement culturel du territoire : il s'agit non pas de servir telle ou telle musique mais, au contraire, de permettre à des zones rurales ou à des quartiers périphériques des villes de recevoir des grands spectacles comme cela se fait dans les centres-villes.
Monsieur Richert, le musée du Trocadéro constitue non pas un nouveau « grand projet », mais un projet s'inscrivant dans l'existant et qui, partant d'une rénovation décidée depuis longtemps, celle du Musée de l'homme, lui donnera une double dimension, à la fois artistique et scientifique.
Monsieur Revet, je vous remercie d'avoir souligné l'importance de la diffusion culturelle. Je suis, comme vous, l'élu local d'un département rural. J'ai par ailleurs déjà répondu à vos interrogations concernant le patrimoine.
MM. Richert et Vidal ont abordé la situation des architectes des bâtiments de France. Ces derniers jouent un rôle essentiel à la tête des services départementaux de l'architecture et du patrimoine. Ils sont moins de deux cents pour traiter, chaque année, près de 400 000 demandes.
Ces effectifs ne sont pas assez importants, j'en suis bien conscient. Toutefois, comme vous le savez, ces services n'ont été transférés que récemment à la culture. Sept cent cinquante personnes travaillent dans les SDAP, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine. J'ai décidé, par redéploiement interne - les effectifs globaux du ministère seront en effet constants en 1997 - de créer trente-trois postes dans les SDAP.
Par ailleurs, le pouvoir exercé par les architectes des bâtiments de France ne l'est pas sans contrôle, et le décret du 9 mai 1995 est venu, à cet égard, renforcer ce contrôle en étendant très largement les possibilités de recours contre les avis des architectes des bâtiments de France.
Ces modalités de recours peuvent sans doute être encore perfectionnées dans le sens d'une plus grande transparence et d'une plus large concertation. Encore faut-il s'assurer que la volonté, légitime, de multiplier les procédures de recours et de s'entourer du plus grand nombre d'avis ne paralyserait pas l'instruction des demandes de permis de construire.
Mais la principale question, monsieur le sénateur, est surtout, à mon sens, de passer d'une protection imposée et quelque peu arbitraire à une protection négociée, et donc acceptée : c'est l'objet de la procédure des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP, instituée par la loi du 7 janvier 1983, et dont j'ai eu l'occasion de dire à la Haute Assemblée que j'entendais la développer considérablement.
Vous constaterez que, dans le projet de loi de finances pour 1997, je dispose des moyens de cette ambition, puisque les crédits d'études pour les ZPPAUP passent de 9,3 millions de francs en 1996, à 17,1 millions de francs soit une augmentation de plus de 80 %.
Je dirai un mot sur l'orchestre de Montpellier, puisqu'une question m'a été posée à cet égard.
Je suis très conscient des répercussions désastreuses que le redressement fiscal en cours pourrait entraîner sur le fonctionnement de l'orchestre philharmonique et de l'opéra de Montpellier.
J'ai saisi mon collègue du ministère de l'économie et des finances, M. Jean Arthuis. Je m'apprête à recevoir le maire de Montpellier pour explorer avec lui les voies d'une solution.
MM. Laffitte, Hugot et Boyer ont parfaitement posé les enjeux culturels liés à l'émergence des nouvelles technologies. Si les termes de société de l'information évoquent les mots d'échanges, de savoir, de liberté, ils peuvent aussi masquer les mots d'isolement ou d'inégalité. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder autour de soi : il y a ceux qui usent avec facilité de ces nouveaux outils de communication et qui participent déjà de la société du xxie siècle ; puis il y a ceux qui ne possèdent pas ces outils ou qui ne savent pas les maîtriser, et qui ne doivent pas être évincés de ce futur.
Je crois cependant que ces mutations sont porteuses d'espoirs.
C'est ce que je vais faire pour la Bibliothèque nationale de France. C'est aussi, monsieur Laffitte, ce que j'ai demandé à la Cité des sciences et de l'industrie, qui doit renforcer ses collaborations avec les régions.
Enfin, monsieur Laffitte, je poursuivrai les grands projets de régions. J'y consacrerai 200 millions de francs en 1997. Mais nous n'aurons pas épuisé tous les projets, dont certains, comme celui de Sophia-Antipolis, se poursuivront les années suivantes. Sachez toute l'importance et tout l'intérêt que j'attache à ce projet, référence en matière d'aménagement du territoire, référence en matière de développement des initiatives françaises dans les nouvelles technologies.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Oui, monsieur Jean Boyer, il faut multiplier les réalisations comme le festival Berlioz ou l'association de Bièvre-Liers. Ce sont elles - j'en suis conscient, comme vous - qui permettront une revitalisation de nos zones rurales. C'est là tout le sens du maintien des crédits d'intervention de mon ministère.
Messieurs Badré, Richert et Vidal, comme vous le savez, la fondation du patrimoine ne deviendra pleinement opérationnelle qu'avec la publication du décret en Conseil d'Etat qui approuvera ses statuts.
Ce décret a été discuté avec les différents ministères intéressés et avec les entreprises fondatrices. Il sera transmis au Conseil d'Etat dans les prochains jours et publié, je l'espère, avant la fin du mois de décembre.
Je saisis ici l'occasion qui m'est donnée de remercier encore une fois M. Jean-Paul Hugot du rôle capital qu'il a joué, avec mon prédécesseur, dans la naissance même de la fondation du patrimoine.
Je me rejouis, mesdames, messieurs les sénateurs, des amendements fiscaux adoptés par votre assemblée, qui permettront à la fondation de fonctionner sur des bases saines et claires.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Enfin, je vous précise que plus de 40 millions de francs - 41,5 millions de francs exactement - sont déjà réunis dans le capital de cette fondation.
Monsieur Badré, je vous confirme que nous parlerons ensemble - et avec plaisir - du parc de Saint-Cloud afin d'officialiser des objectifs précis.
M. Denis Badré. Merci !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je partage l'analyse de M. Legendre : l'avenir du français se joue en Europe, notamment dans les institutions de l'Union européenne.
Le français a actuellement une place privilégiée, mais des signes inquiétants de recul se manifestent, qu'il s'agisse des appels d'offre de plus en plus souvent diffusés exclusivement en anglais, de la politique extérieure de l'Union européenne, notamment avec la Russie et les pays d'Europe centrale et orientale, ou encore, par exemple, du programme PHARE, lui aussi établi en anglais.
Le Gouvernement veille avec détermination à préserver la place du français et du plurilinguisme. Il appuie toutes les initiatives de l'Union européenne qui favorisent l'apprentissage des langues étrangères et le plurilinguisme, comme le programme « Multilinguisme et société de l'information ».
Il a mis en place un dispositif d'apprentissage du français pour les fonctionnaires des Etats membres appelés à travailler dans les institutions européennes et il réagit systématiquement chaque fois que des manquements au régime linguistique de l'Union sont observés. Ainsi, une intervention récente a permis d'obtenir des assurances en ce qui concerne les appels d'offre.
Je vous remercie en tout cas de l'attention que vous portez à l'application de la loi élaborée par mon prédécesseur sur l'usage de la langue française.
Après le décret d'application paru en mars 1995, le Premier ministre a signé, en mars 1996, une circulaire préparée par mes services et destinée à répondre aux questions posées sur l'interprétation de certaines dispositions, et surtout à préciser le champ d'application de la loi et à récapituler les informations relatives à son contrôle et à son calendrier. Cette circulaire donne, ainsi, des exemples concrets d'application de la loi pour les documents destinés à l'information de l'utilisateur et du consommateur, qui doivent être rédigés en français. Ce texte a été très largement diffusé.
Sachez que je suis très attaché à la politique en faveur de la langue française et que j'ai fortement accru ses moyens.
Enfin, je terminerai, monsieur le président, en m'adressant à M. Gouteyron, mais également à MM. Badré, Hugot et Vidal, qui ont évoqué le projet de loi sur les enseignements artistiques.
Vous êtes nombreux à être intervenus sur ce sujet et je vous comprends, car la préparation d'une loi sur les enseignements artistiques est au coeur de mes priorités.
Ce projet de loi devra répondre à trois priorités.
Il faut d'abord accroître l'égalité d'accès des jeunes à l'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique. Chacun, dans le centre des grandes villes comme en zone rurale - vous avez raison, monsieur Vidal - doit pouvoir trouver un lieu de formation et d'expression. Pour cela, nous travaillerons région par région avec les communes et les départements pour concevoir les collaborations entre écoles et améliorer l'offre d'enseignement.
Il faut, ensuite, que ce projet participe à la réduction des inégalités sociales. En collaboration avec l'éducation nationale, nous nous efforcerons de mieux aménager le temps de l'enfant, afin qu'il puisse pleinement s'épanouir dans une activité artistique. Les écoles et les conservatoires doivent s'ouvrir plus et à plus d'enfants.
M. Denis Badré. Exactement !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Il faut, enfin, fournir à la nation les maîtres dont elle a besoin. Pour cela, je désire que des instituts de formation soient implantés en région et qu'ils contribuent à y fixer les jeunes professionnels, afin qu'ils participent au développement culturel local. Mieux formés, davantage qualifiés, les jeunes musiciens qui se destinent à une carrière d'enseignant intégreront plus facilement ces emplois et ils se déploieront sur le territoire de façon plus harmonieuse.
Il va de soi qu'un tel projet nécessite des moyens importants.
Il me semble que le ministère de la culture devrait se donner pour objectif de doubler en cinq ans les moyens qu'il consacre aux établissements d'enseignement et de formation artistiques.
Comme cela ne suffira probablement pas, il faudra procéder à une concertation avec les collectivités territoriales, afin de mieux déterminer le champ d'intervention de chacune d'entre elles. C'est dans ce partenariat que s'inscrira l'effort de l'Etat : s'engager dans une véritable politique de contrats d'objectifs entre partenaires - l'Etat, les communes, les départements et les régions - nous obligera, dans le même temps, à clarifier ces domaines de compétences respectifs.
Mes services ont élaboré un avant-projet. Il fera l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des institutions représentatives des collectivités territoriales, pour aboutir à un projet définitif qui pourrait être soumis au Parlement dans le courant du second semestre de 1997.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter. Je vous remercie, pour conclure, de la qualité de vos remarques et de vos encouragements, et je vous assure de l'importance que revêt pour moi ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 18 001 364 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 812 764 178 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 637 340 000 francs ;
« Crédits de paiement : 410 734 000 francs. »
Par amendement n° II-37, le Gouvernement propose :
I. - De majorer les autorisations de programme de 70 000 000 francs.
II. - De majorer les crédits de paiement de 17 500 000 francs et de minorer les crédits de paiement de 17 500 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Cet amendement vise à augmenter de 70 millions de francs les crédits consacrés à la loi de programme sur le patrimoine monumental. En effet, j'ai été sensible à la qualité de votre argumentation concernant les risques économiques et les risques sur l'emploi que fait peser l'étalement de cette loi sur le secteur spécialisé du bâtiment.
Aussi, au-delà des mesures de gestion que je vous ai longuement détaillées, je vous propose d'inscrire cette somme qui facilitera le maintien en 1997 du volume des chantiers. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. L'avis de la commission sur cet amendement est, bien entendu, très favorable.
Je voudrais remercier M. le ministre de nous avoir présenté cette mesure dès aujourd'hui. Il me donne l'occasion de répondre en deux mots à l'argumentation développée par certains de nos collègues, en particulier par la plus agréable à regarder - sinon toujours à entendre - de nous tous, je veux dire Mme Pourtaud. (Sourires.)
Mme Pourtaud, comme nous tous, s'est inquiétée de voir la diminution considérable des crédits du patrimoine.
Devant une telle situation, trois attitudes sont possibles : la première consiste à jeter l'éponge ; la deuxième à se lancer dans l'invective, qui ne mène à rien, et à répandre ses larmes sur des ruines dont on ne manque d'ailleurs pas, par là même, d'aggraver la laideur ; la troisième solution consiste à négocier, à se battre et à obtenir un résultat.
Ce résultat est plus important encore que celui qu'a indiqué, voilà un instant, M. le ministre. En effet, avant même la présentation et le vote - dont je ne doute pas un instant - de cet amendement, nous avions obtenu le dégel de 50 millions de francs sur les 316 millions de francs qui, à mon grand regret et au grand regret de M. le ministre, avaient été gelés au cours de l'année 1996.
Cela représente donc 120 millions de francs, 120 millions de francs grâce auxquels, comme je l'ai dit tout à l'heure, il me paraît incontestable qu'environ 250 opérations pourront être tentées.
J'ajoute que les trois procédures auxquelles a fait allusion M. le ministre, qui confirment pleinement ce que j'ai cru comprendre et qui constituent d'excellentes réponses à mes questions, sont les bienvenues, et je suis sûr qu'elles seront efficaces.
Je me demande seulement, avec M. le président de la commission des affaires culturelles, si nous ne nous trouverons pas demain dans une situation plus difficile dans l'hypothèse où nous aurions, l'année prochaine, à compter encore sur d'autres reports pour parvenir à maintenir et à assurer la préservation des crédits du patrimoine, sinon en totalité du moins dans la plus large mesure.
Cette crainte, il n'est pas trop tôt pour l'évoquer et je crois que M. Gouteyron a eu raison de le faire ; nous aurons à en connaître en fin d'année.
Permettez-moi ce dernier mot, monsieur le ministre : c'est pour vous aider - vous n'en doutez pas un seul instant ! - que j'ai évoqué tout à l'heure la différence entre, d'une part, la surcharge que constitue pour vous un excès de transferts et, d'autre part, l'augmentation, au cours des deux dernières années - augmentation l'année dernière et diminution plus faible cette année que l'augmentation de l'année dernière - de votre budget.
Vous avez confirmé qu'il y avait un écart : 3 milliards de francs d'un côté, 1 milliard de francs de l'autre, si je m'en tiens à vos chiffres. Pour ma part, j'avais d'ailleurs parlé d'un écart de 1,3 milliard de francs seulement.
Je maintiens donc ce que j'ai dit tout à l'heure dans votre intérêt, dans notre intérêt commun. Je crois que, si vous demandiez et obteniez l'an prochain du Gouvernement - on a le droit de rêver ! - une augmentation globale de votre budget lorsque la situation générale se sera améliorée, et une augmentation portant non pas même sur les 2 milliards de francs que vous suggérez mais sur 1 milliard, voire sur 1,5 milliard de francs, vous auriez le droit de parler d'un rattrapage plutôt que d'une augmentation.
Vous voyez, par ce dernier exemple, combien nous sommes soucieux de seconder vos efforts. Je vous sais gré à la fin de ce débat, de m'avoir fourni l'occasion de vous remercier chaleureusement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-37.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Sur cet amendement, je souhaite intervenir parce que je ne suis pas de ceux qui font de Bercy un bouc émissaire. Il y a un Premier ministre, que diantre ! Mais il y a tout de même actuellement, c'est vrai, une pratique de ce côté de Paris qui est préoccupante.
Dans le rapport de Jacques Rigaud, il est bien noté que l'examen du budget de la culture est traité avec une « sévérité particulière du ministère du budget ». Il y a même une expression que je ne résiste pas à vous lire : « Il s'agit de le mettre à la toise dans un esprit que l'on n'hésitera pas à qualifier de punitif. »
Il y a donc là une bataille à mener. Bercy parle toujours du coût de la culture - en le traitant d'ailleurs d'un seul point de vue économique alors que, la culture, c'est beaucoup d'autres choses - mais Bercy ne se pose jamais la question du coût de l'absence de coût de la culture. Je crois, pour ma part, qu'il faut combattre la pensée qui émane de Bercy et qui, finalement, fait de l'économique un cheval de Troie, créant une sorte de fatalité qui entre en force dans la vie publique au point que l'inertie des choses l'emporte sur l'idée de volonté qui est la raison d'être du politique. Je l'ai dit tout à l'heure, « il est fatal qu'il soit fatal ».
Cela ne peut pas continuer ainsi, parce que l'homme et la femme, au regard des chiffres, n'ont plus qu'une fonction subsidiaire, voire de serviteur. Or je crois que, si l'on réduit la politique à une caisse enregistreuse, on tue la politique, et donc, un jour ou l'autre, la démocratie.
Je tenais à faire cette mise au point d'autant que, en feuilletant le journal Le Monde de ce soir - tout en écoutant les différents orateurs ! (Sourires.) - j'ai pu lire un article intitulé : « Comment le ministère de finances détourne la loi Malraux », au sujet des dations. C'est important, les dations ! C'est ainsi que le musée Picasso, par exemple, est le résultat de la loi Malraux sur les dations. Or voilà que le ministère des finances veut que le ministère de la culture lui rembourse chaque année le montant des dations !
« Notre peuple mérite qu'on se fie à lui et qu'on le mène dans la confiance », disait Marc Bloch. Or, sans qu'il en soit question nulle part, on fait à Bercy des tours de passe-passe par-derrière ou par-dessous.
Et que dire du titre, en page 27 du même quotidien : « La grande évasion des chefs-d'oeuvre de l'art français » ? Je suis pour le pluralisme, et, parmi les fleurs universelles, il en est quelques-unes qui sont de chez nous !
Vous voyez bien que c'est une grande bataille et qu'il faut la mener. Le ministère des finances doit servir la politique culturelle et non pas la piloter.
En ce qui concerne l'amendement, je n'arrive pas à être aussi enthousiaste que M. Schumann.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Je ne suis pas enthousiaste, je suis reconnaissant ; ce n'est pas pareil !
M. Jack Ralite. Disons « satisfait » !
En effet, on retire 558 millions de francs d'autorisations de programme, soit une diminution de 35 %, puis on ajoute 70 millions de francs, soit un peu plus de 10 %. Surtout, on retire 436 millions de francs de crédits de paiement et on rajoute 17,5 millions de francs, qui sont entièrement financés sur les crédits du ministère.
Bien évidemment, on ne peut pas être contre, mais je ne parviens pas à être pour : je crains un pilotage de Bercy, encore et toujours ! Pour renforcer le ministère de la culture, il faut parler haut et fort. Pour ma part, j'ai écouté M. Buren lors de la rencontre des arts plastiques de Tours ; il a beaucoup traité du patrimoine et des arts plastiques, en des termes que la situation exige, c'est-à-dire en parlant haut et fort.
Pour conclure, je dirai aussi que l'on oppose parfois patrimoine et création. Il faut cesser de traiter ces deux questions séparément. Je lis le patrimoine à travers les créations d'aujourd'hui. Je pense ici à Leroi-Gourhan et à ses si précieux ouvrages. « Pour inventer, écrit-il, il faut faire l'inventaire. » On a donc besoin des deux dimensions. Il ne faudrait pas qu'au nom du patrimoine on laissât la création de côté. C'est le patrimoine de demain !
Pour ce qui est de l'amendement, je le regrette, mais je ne peux que m'abstenir.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. C'est déjà bien !
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, vous êtes un véritable magicien, un as de l'illusionnisme ! En vous écoutant, on aurait pu penser que plusieurs centaines de millions de francs allaient être débloqués pour l'entretien ou la restauration du patrimoine.
Restons-en à la réalité ! Vous nous proposez une rallonge de 70 millions de francs en autorisations de programme et de 17,5 millions de francs en crédits de paiement, pour les crédits du patrimoine monumental. Soixante-dix millions de francs, mon collègue Jack Ralite vient de la rappeler, par rapport à une baisse prévue de 558 millions de francs, permettez-moi de considérer que ce n'est pas grand-chose.
Je m'étonne d'ailleurs que cela puisse satisfaire les rapporteurs de la commission et la commission dans son ensemble.
M. Denis Badré. Oui, tous les membres de la commission !
Mme Danièle Pourtaud. Sur ces 70 millions de francs, seuls les crédits de paiement correspondent en fait à du concret pour cette année, en particulier en regard de l'emploi : quelque 3 000 à 4 000 suppressions d'emplois sont à craindre dans le secteur de la restauration d'oeuvres d'art.
Monsieur le ministre, premièrement, vous nous proposez 17,5 millions de francs en crédits de paiement ; c'est carrément ridicule.
Deuxièmement, rien ne garantit que le reste des autorisations de programme sera bien honoré en crédits de paiement sur les trois prochaines années et que cette mesure ne restera pas un simple voeu pieux. J'ai cru comprendre que cette crainte était partagée par M. Schumann - que je remercie au passage de son compliment. (Sourires.)
Troisièmement, ces 17,5 millions de francs ne sont qu'un transfert. Or, comme aucun des chapitres de votre budget n'était déjà trop richement doté, nous ne pouvons nous satisfaire de la seule disposition que vous nous proposez, qui ne tend qu'à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je pense en particulier à la partie de ces crédits qui sera prélevée, si j'ai bien compris, sur l'enveloppe de rénovation du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou. Si je puis me permettre cette curiosité, monsieur le ministre, à quelle opération sont destinés ces 17,5 millions de francs miraculés ?
Une fois encore, il nous semble qu'il s'agit-là d'une curieuse façon d'honorer la mémoire d'André Malraux, lui qui fut si attaché à la mise en valeur du passé, lui qui fut l'inventeur d'une politique de restauration du patrimoine et de rénovation des centres historiques.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement, sans que cela remette en cause le moins du monde sa position sur l'ensemble de ce budget.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame Pourtaud, lorsque l'on parle de patrimoine, il ne faut pas oublier que les lois de programme sur le patrimoine sont dues, la première et la deuxième, à André Malraux, la troisième, à François Léotard, la quatrième, à Jacques Toubon. Je ne vois pas beaucoup de socialistes dans cette liste !
Par ailleurs, le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou n'a évidemment rien à voir avec cette affaire.
Enfin, ces 70 millions de francs ne sont que très partiellement gagés. D'abord, il ne s'agit que de 17, 5 millions de francs, uniquement en crédits de paiement. Il n'y a pas de gage en autorisations de programme. La capacité d'engagement du ministère est donc réellement augmentée de 70 millions de francs. Le gage de 17,5 millions de francs en crédits de paiement se fera sur des crédits disponibles du chapitre 56-91. La somme correspond classiquement à un quart des autorisations de programme ouvertes. (Applaudissements sur les travées du RPR. - « Très bien ! » sur les bancs des commissions.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens à expliquer mon vote sur cet amendement, mais il ne surprendra personne !
Je souhaite moi aussi vous remercier de l'effort fait, monsieur le ministre, et dire à Mme Pourtaud comme à M. Ralite que, certes, 70 millions de francs, ce n'est pas à la hauteur de ce que nous aurions pu souhaiter ! Effectivement, l'amputation que nous avons les uns et les autres regrettée est largement supérieure à ce montant. C'est vrai, et personne ne le nie. Cela étant, ce qui est significatif, ce qui va permettre d'ouvrir les chantiers, ce sont bien les autorisations de programme, madame Pourtaud. Que demandons-nous d'autre ? Ces 70 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles, c'est du net.
Il faut ajouter à ces 70 millions de francs, et M. le rapporteur spécial l'avait très bien exposé dans son rapport, les 50 millions de francs dont nous avons obtenu, ou plus exactement dont il a obtenu - et nous avons essayé de l'y aider - qu'ils ne soient pas gelés. L'ensemble fait donc bien 120 millions de francs.
Monsieur le ministre, je tiens ici particulièrement à saluer le véritable dialogue...
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial. Voilà !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturellles. ... qui s'est instauré entre le Parlement et le Gouvernement.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je suis heureux de constater, à l'occasion de ce budget - cela n'a pas toujours été le cas - que le Gouvernement a fait un effort important pour aller dans le sens souhaité par le Sénat.
Monsieur le ministre, nous savons que nous vous le devons, et je tiens à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-37, accepté par la commission.
Mme Danièle Pourtaud. Le groupe socialiste s'abstient !
M. Claude Billard. Le groupe communiste républicain et citoyen également !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 367 946 000 francs ;
« Crédits de paiement : 502 735 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

Industrie, poste et télécommunications
II. - POSTE, TÉLÉCOMMUNICATIONS ET ESPACE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie, la poste et les télécommunications : II. - Poste, télécommunications et espace.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le grand privilège d'être le rapporteur de l'un des rares budgets qui augmentent dans le projet de loi de finances pour 1997. En effet, le budget de la poste, des télécommunications et de l'espace devrait s'élever à un peu plus de 11 milliards de francs en 1997, ce qui représente une augmentation de 6,6 % par rapport aux crédits votés pour 1996.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution, en particulier l'impact budgétaire de la grande réforme des télécommunications mise en oeuvre cette année. Vous trouverez le détail de ces mouvements de crédits dans mon rapport écrit.
Je vais en effet limiter mon propos à un certain nombre d'observations sur les quatre grands domaines que recouvre ce budget, c'est-à-dire l'espace, la poste, les télécommunications et les autoroutes de l'information. Au fil de ces remarques, monsieur le ministre, je vous poserai quelques questions.
Premier domaine : l'espace
L'essentiel du budget - les trois quarts exactement - est consacré au secteur spatial, pour un total de 8,2 milliards de francs.
Il s'agit, d'une part, de la subvention de fonctionnement du Centre national d'études spatiales, le CNES, soit 915 millions de francs, et, d'autre part, de subventions d'investissement destinées à la fois aux programmes nationaux, pour 2,15 milliards de francs, et aux programmes de l'Agence spatiale européenne, pour 5,1 milliards de francs. Enfin, 64 millions de francs sont consacrés à la diffusion des technologies du secteur spatial.
L'examen de ces crédits fait apparaître deux tendances. Il s'agit tout d'abord d'une stabilisation de l'enveloppe globale affectée au CNES qui, de loi de finances initiale en loi de finances initiale, est reconduite en francs courants. Il s'agit ensuite, à l'intérieur de cette enveloppe, d'un redéploiement des crédits affectés aux programmes nationaux au profit de la participation française aux programmes européens, puisque 134 millions de francs doivent abonder notre contribution à l'Agence spatiale européenne afin de permettre la mise en oeuvre des décisions prises par le Conseil des ministres européen, en octobre 1995, à Toulouse.
Ces décisions ont été d'une grande importance, car elles ont permis la relance de l'Europe spatiale et la réaffirmation de la nécessité de disposer d'une autonomie européenne en matière d'accès à l'espace. Cela implique de poursuivre de façon prioritaire le développement et l'amélioration du programme Ariane 5.
Il a également été décidé d'engager deux nouveaux projets européens : le laboratoire orbital habité, dit COF, qui sera greffé sur la future station spatiale internationale, et le véhicule spatial automatique ATV, qui sera propulsé par la fusée Ariane 5.
Afin de financer la contribution française, un redéploiement des crédits destinés aux programmes nationaux a été mis en place. Nous espérons toutefois, monsieur le ministre, que cela ne rejaillira pas trop lourdement sur l'échéancier du développement des systèmes Spot 5 - satellite d'observation de la terre - et Stentor - satellite de gestion des télécommunications - pour lesquels l'avance technologique française est indéniable et doit être maintenue.
En effet, les conséquences financières de l'échec du premier tir de qualification de la fusée Ariane 5 nous laissent craindre un nouveau décalage dans la mise en oeuvre de ces programmes. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet, monsieur le ministre ? Jusqu'où les programmes nationaux dans le domaine spatial seront-ils retardés ou même, éventuellement, sacrifiés ?
Deuxième domaine : la poste.
Du point de vue budgétaire, un crédit de 1,9 milliard de francs est destiné au transport de la presse. Ce montant résulte des dispositions du contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste. Il est le même qu'en 1995 et en 1996. La table ronde qui s'est tenue l'année dernière sur ce sujet a conclu dans le sens d'une nécessaire évolution de ce dossier, les professionnels de la presse comme La Poste devant faire des efforts de gestion et de productivité. Nous verrons ce qu'il en sera au cours des prochains mois.
Au-delà de ce problème, je voudrais évoquer la situation actuelle de La Poste.
Elle connaît un certain nombre de difficultés. Plusieurs mesures ont été prises pour y remédier, mais il convient de rester vigilant, car La Poste est de plus en plus soumise à la concurrence, en particulier du fait du développement de produits de substitution. Elle va aussi devoir affronter une certaine libéralisation du cadre juridique dans lequel elle intervient.
Il apparaît néanmoins clairement que le projet de directive sur la libéralisation des services postaux, en cours de discussion entre les Etats membres de l'Union européenne, n'est pas acceptable en l'état, comme l'a d'ailleurs récemment rappelé avec vigueur M. le Président de la République. Le Sénat l'a clairement signifié par l'adoption d'une résolution en ce sens. Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il en est aujourd'hui, monsieur le ministre ?
J'observe, comme d'ailleurs la commission des finances, qu'une position ferme sur l'ouverture européenne n'interdit pas d'améliorer la stratégie de cet intervenant public, en ayant soin de l'intégrer dans la réflexion nationale sur l'aménagement du territoire.
Troisième domaine : les télécommunications.
Les crédits correspondants sont en grande partie nouveaux. Ils expliquent pour l'essentiel la progression sensible du budget que nous examinons. Ils résultent des changements majeurs intervenus au cours des derniers mois dans le secteur des télécommunications, en France.
La loi du 26 juillet 1996 a, en effet, pour conséquence la mise en place de deux nouveaux organismes dès le 1er janvier 1997 : l'autorité de régulation des télécommunications et l'Agence nationale des fréquences. Pour l'une et l'autre, des crédits et des emplois - en majeure partie transférés du budget de l'industrie - sont prévus ; il s'agit respectivement de 70 millions de francs et de 200 millions de francs.
Par ailleurs, à l'occasion du changement de statut de France Télécom, qui deviendra une société anonyme majoritairement détenue par l'Etat le ler janvier prochain, il est prévu de transférer à l'Etat la charge de l'enseignement supérieur des télécommunications, précédemment assumée par France Télécom. Ce sont donc 412,6 millions de francs qui sont inscrits à ce titre dans le projet de budget pour 1997. Ce désengagement financier de France Télécom ne se fera toutefois que progressivement, puisque l'article 22 du projet de loi de finances maintient une contribution de l'entreprise France Télécom pour les exercices 1997, 1998 et 1999.
Cette question des relations financières entre l'Etat et France Télécom me conduit à faire plusieurs autres observations.
S'il est certainement positif que l'on ait décidé de régler une fois pour toutes le problème de la prise en charge par l'Etat des pensions des agents fonctionnaires de France Télécom, grâce au versement, en 1997, d'une soulte dont le montant a été fixé à 37,5 milliards de francs, il convient de signaler que ce versement obligera l'entreprise à se réendetter dans les mois qui viennent. En repassant au-dessus de 100 milliards de francs, la dette de France Télécom constituera un handicap pour l'entreprise par rapport à certains de ses principaux concurrents, notamment Bristish Telecom, qui n'a pas de dette.
Il est un deuxième problème dans les relations entre l'Etat et l'opérateur public : les impayés des services de l'Etat, à savoir environ 2,5 milliards de francs. Notre Haute Assemblée a déjà plusieurs fois critiqué cette situation. La Cour des comptes la dénonce vivement dans son dernier rapport public. Quand et comment sera réglée définitivement cette question, monsieur le ministre ?
J'en arrive au quatrième domaine : les autoroutes de l'information et le monde Internet.
Les crédits destinés à accompagner les actions de recherche et développement dans le domaine des autoroutes de l'information s'élèvent à 210 millions de francs en autorisations de programme et à 159,5 millions de francs en crédits de paiement. Un tiers de ces crédits sera distribué à travers l'agence nationale pour la valorisation de la recherche, l'ANVAR, au profit des PME.
Je voudrais souligner ici le défi extraordinaire que représentent les autoroutes de l'information. C'est une aventure dans laquelle tous les grands pays se sont lancés. Il est donc normal que nous en soyons aussi, et si possible à une bonne place.
C'est pourquoi je me suis félicité de la décision prise par le Gouvernement, lors de deux comités interministériels qui se sont tenus depuis un an, de qualifier 244 projets de « projets d'intérêt public ». Ceux-ci sont de nature très variée : ils touchent aux domaines de l'éducation, de la culture, de l'information, de la finance, de la recherche, de la santé ou du tourisme. Ils sont implantés dans toutes les régions françaises, puisque, en dehors des trois plates-formes nationales, trente plates-formes régionales d'expérimentation ont été identifiées. Nombre de ces projets ont d'ailleurs été mis en place ou élaborés en concertation avec des collectivités territoriales.
Nous devons, il me semble, suivre avec beaucoup d'attention ces expérimentations. Pourriez-vous, à cet égard, monsieur le ministre, établir un premier bilan, en particulier nous communiquer vos premières réflexions sur les projets labellisés « les plus innovants » ?
Etant convaincu de l'importance de ces projets, je souhaiterais que l'on profite d'un tel bilan pour expliquer l'intérêt du développement d'une véritable industrie du signal en France. Il faudrait en effet mobiliser les écoles, le CNET, le Centre national d'études des télécommunications, dont les missions sont actuellement redéfinies, les organismes de recherche, tels que par exemple le CNRS, le centre national de la recherche scientifique, et l'INRIA, l'institut national de recherche en informatique et en automatique,...
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. ... et les fournisseurs de contenu, tels que l'INA, l'institut national de l'audiovisuel, dans ce dessein.
J'ajoute que notre pays a la chance de disposer d'un atout sans équivalent à l'étranger, celui qui est issu du savoir-faire, et je dirai même de la culture, en matière de Minitel. Cet instrument est utilisé par 16 millions de Français de toutes les générations, quel que soit leur niveau de formation, et sur tous les endroits du territoire. Nous devons valoriser cette grande chance pour progresser résolument vers Internet et le multimédia.
En effet, il est plus difficile d'acquérir une culture de la télématique, ce qu'a su faire la France depuis bientôt vingt ans, que des machines. Or, pour relever ce défi, il faut - je l'ai déjà dit - créer sans tarder cette industrie du signal.
Il n'est pas de semaine où de grandes entreprises américaines n'annoncent la mise sur le marché de nouveaux produits dans le domaine du multimédia, produits qui sont appelés à changer profondément le monde des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
En une seule année, ont été ainsi annoncées et développées de nouvelles familles de produits telles que les NetWork Computers, les PC Net et, la semaine dernière, à New York, le Web PC.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur le rapporteur.
M. René Tregouët, rapporteur spécial. Je veux bien, mais...
Il me reste à donner lecture d'une page et demie. Si je dois amputer mon intervention...
M. le président. Je vous demande simplement de résumer, monsieur le rapporteur. Vous verrez, à minuit, où nous en serons... si vous êtes encore présent !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Je serai là, monsieur le président !
Ces familles de nouveaux produits ou de logiciels nouveaux généreront très rapidement des chiffres d'affaires très importants. Or, pendant toute l'année 1996, l'industrie française n'a fait aucune annonce majeure dans ce domaine du multimédia.
Aussi, monsieur le ministre, je crois qu'il est nécessaire que nous sachions réunir toutes les industries de ce secteur pour véritablement lancer une industrie nationale du signal.
Enfin, je voudrais - et je conclus sur ces mots, monsieur le président - poser deux questions et livrer une remarque s'agissant d'Internet.
Première question : où en est la démarche concernant la responsabilité juridique des fournisseurs de services en ligne concernant les contenus portés par Internet ?
Deuxième question : pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, où en sont les décisions du Gouvernement concernant le cryptage ? Nombre de responsables du monde économique attendent avec impatience les décisions qui doivent être prises.
Enfin, permettez-moi de vous faire une remarque, monsieur le ministre, qui me préoccupe beaucoup actuellement.
Les quatre grands groupes mondiaux des télécommunications que sont ATT, Global One, créé par Sprint, Deutsche Telekom et France Télécom, Concert, formé par British Telecom et MCI, et enfin NTT semblent avoir pris la décision d'investir lourdement dans le nouvel Internet large débit, qui ne serait accessible que moyennant paiement, à l'inverse de l'Internet actuel, que ces grands investisseurs des télécommunications commencent déjà à appeler « l'Internet sauvage » et qui, lui, « explose » actuellement et emploie gratuitement les réseaux longue distance.
Si cette stratégie des grands groupes - tellement opposée à l'esprit Internet qui se développe avec tant de force actuellement - conduisait à mettre, d'un côté, les entreprises et les administrations ayant les moyens de payer les accès à l'Internet de nouvelle génération et à laisser, de l'autre, les chercheurs, les universitaires et les étudiants, qui ne pourraient que rester dans l'Internet « sauvage » n'ayant pas les moyens financiers d'accéder aux réseaux large bande, quelle position pourrait adopter le Gouvernement français ?
Je vous indique, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission des finances a décidé de donner un avis favorable à ce projet de budget, qui donne la priorité à des secteurs technologiques déterminants tout en ayant le souci de bien cibler les crédits qui leur sont affectés.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, qui dispose de cinq minutes.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les technologies de l'information et la poste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas longuement l'analyse des crédits du ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace, d'abord parce que tel n'est pas mon rôle, et surtout parce que notre collègue M. René Trégouët a fort bien décrit l'évolution positive - en croissance de 6,6 % - des crédits, qui atteindront cette année 11 milliards de francs, en partie en raison de transferts entre le budget du ministère de l'industrie et celui du ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace.
Je vais plutôt insister, sur deux interrogations de la commission des affaires économiques et attirer l'attention de monsieur le ministre sur une préoccupation de santé publique.
Monsieur le ministre, ma première interrogation, concerne - et ce ne sera sans doute pas pour vous une surprise - la taxe professionnelle versée par La Poste et par France Télécom.
Au moment où la réforme de l'Etat est au coeur de l'action gouvernementale, au moment même où le Gouvernement entend, avec raison, promouvoir une plus grande transparence des relations entre l'Etat et les collectivités locales, il n'est pas normal, monsieur le ministre, que le produit de cet impôt local qu'est la taxe professionnelle n'aille pas, pour ce qui concerne La Poste et France Télécom, alimenter le budget des collectivités locales. Rendons donc à César ce qui est à César !
Pour les télécommunications, je me limiterai à reprendre vos propos, monsieur le ministre. Lors de la discussion de la loi relative à la réglementation des télécommunications, vous affirmiez, dans cette même enceinte, le 6 juin dernier : « Il est incontestable que la transformation de France Télécom en entreprise... posera à terme un problème de taxe professionnelle. »
Dès lors que France Télécom aura un statut de société anonyme, je ne vois pas comment cette entreprise de droit privée pourrait verser la taxe professionnelle directement à l'Etat. Comme toutes les entreprises de ce pays, il conviendra qu'elle paie sa taxe professionnelle en fonction de ses implantations géographiques.
Monsieur le ministre, je me permets de continuer de citer vos propos : « M. le Premier ministre vient d'annoncer que le Gouvernement s'engageait dans une vaste réforme fiscale. Il a indiqué que la taxe professionnelle ferait, à cette occasion, l'objet d'une réforme. Je puis vous indiquer ce soir que la question soulevée par l'amendement de M. Hérisson sera examinée dans le cadre de la réforme fiscale d'ensemble qui sera bientôt soumise au Parlement. »
Permettez-moi de solliciter solennellement aujourd'hui une réponse ferme de votre part sur cette question qui demeure en suspens, alors que le nouveau statut de France Télécom s'appliquera dès le 1er janvier 1997.
Ma deuxième préoccupation forte, qui, elle aussi, est malheureusement fort ancienne - et qui a déjà été évoquée par notre collègue M. Trégouët - concerne les impayés téléphoniques de l'Etat à France Télécom. J'ai déjà attiré votre attention, lors du débat budgétaire de l'année dernière, sur cet état de fait regrettable. Vous m'aviez alors répondu, monsieur le ministre, que vous vous montreriez - ce sont vos propres termes - « extrêmement vigilant » pour que cette dette soit résorbée et que les ministères paient enfin à France Télécom leurs communications téléphoniques.
Or le rapport annuel de la Cour des comptes publié récemment fait état d'une créance de France Télécom sur l'Etat de 2,5 milliards de francs au 31 décembre 1995, du fait principalement du ministère de l'intérieur - pour 893 millions de francs -, du ministère de l'équipement - pour 385 millions de francs -, de la préfecture de police de Paris - 271 millions de francs - et du ministère des affaires étrangères - pour 192 millions de francs -, soit le quart des impayés que supporte actuellement France Télécom.
La commission des affaires économiques souhaiterait connaître les mesures concrètes que le Gouvernement entend prendre pour régler au plus vite ce lancinant problème, et ce d'autant plus qu'il devra lui aussi être réglé au 1er janvier 1997.
J'ajoute que, sur ce point particulier, je souscris personnellement totalement à l'amendement déposé par notre collègue M. Gérard Larcher, dont la proposition me paraît astucieuse et intelligente pour régler enfin et une fois pour toutes ce problème endémique.
Enfin, mes chers collègues, je terminerai mon propos en attirant votre attention ainsi que celle du Gouvernement sur un débat qui a rencontré un large écho dans la presse. Il semblerait, en effet, que la question de la nocivité éventuelle des ondes électromagnétiques sur la santé humaine se pose sérieusement. Rappelons que l'Organisation mondiale de la santé et la Communauté européenne, entre autres, ont lancé des programmes de recherche sur ce sujet.
Est-il avéré ou même probable que l'utilisation des téléphones mobiles puisse avoir des répercussions sur la santé humaine ? Qu'est-ce qui, dans les inquiétudes exprimées par nos concitoyens, relève d'une réalité scientifique et qu'est-ce qui ne vise qu'à remettre en cause le développement des technologies hertziennes ?
Monsieur le ministre, que prévoit de faire le Gouvernement pour dissiper ces inquiétudes ?
Vous connaissez l'attention que notre Haute Assemblée porte au développement des radiocommunications mobiles, notamment du fait du rôle important qu'elles seront amenées à remplir dans l'aménagement du territoire. Aussi lui serait-il utile, monsieur le ministre, de connaître votre analyse sur le sujet.
Ces observations étant faites, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

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COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 2 décembre 1996, relative à la consultation des assemblées territoriales de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis-et-Futuna sur le projet de loi portant réforme du service national.
Acte est donné de cette communication.

5

LOI DE FINANCES POUR 1997

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.

Industrie, poste et télécommunications

II. - POSTE, TÉLÉCOMMUNICATIONS ET ESPACE (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la poste, les télécommunications et l'espace.
Mes chers collègues, je vous indique dès maintenant que nous interrompons nos travaux à zéro heure trente car nous ne pouvons pas prendre de retard pour les débats de demain. Les dispositions du projet de loi de finances qui ne pourraient être examinées ce soir seront reportées à samedi prochain.
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 1997 de la poste, des télécommunications et de l'espace, bien qu'en hausse de 6,6 % par rapport à 1996 et s'élevant à 11 milliards de francs, n'estompe pas pour autant nos inquiétudes face au processus de libéralisation engagé dans ce secteur. C'est une logique que, vous le savez, monsieur le ministre, notre groupe refuse.
En effet, le budget présenté porte l'empreinte d'une volonté politique de déréglementation et de privatisation et traduit les profonds bouleversements introduits dans le domaine des télécommunications. L'augmentation de 6,6 % est essentiellement imputable aux moyens accordés à la mise en place de l'autorité de régulation des télécommunications, de l'agence nationale des fréquences et à la prise en charge par l'Etat de l'enseignement supérieur et de la recherche des télécommunications.
Quant aux crédits relatifs aux télécommunications, ils doivent s'apprécier par rapport au cadre législatif et réglementaire dans lequel ils seront utilisés. A cet égard, les échos que l'on trouve dans la presse sur l'actuelle préparation des décrets d'application de votre réforme sont particulièrement inquiétants.
Ceux-ci, en l'état, contrairement à vos intentions proclamées de respecter un équilibre entre le secteur public et la concurrence et de le réaliser dans des conditions équitables et transparentes, donnent la fâcheuse impression de défavoriser France Télécom par rapport à ses concurrents futurs.
Je pense en particulier au décret relatif à l'interconnexion, c'est-à-dire à ce que devront payer les opérateurs privés pour utiliser le réseau existant. Certes, les montants ne sont pas encore fixés, mais la volonté exprimée d'un plafonnement minimal de ces versements afin de garantir une concurrence loyale et le rappel insistant que ces tarifs devraient être comparables à ceux qui sont pratiqués dans d'autres pays me font craindre qu'il s'agisse de permettre aux entreprises privées de bénéficier de l'accès au réseau public au moindre coût.
Il est d'ailleurs révélateur que, dans la première partie du projet de loi de finances, la contribution des opérateurs privés ne soit prévue qu'à concurrence de 15,5 millions de francs. Cette somme doit être rapprochée des investissements annuels effectués par l'opérateur public si on veut mesurer combien elle est dérisoire et inégale.
Le paiement par les opérateurs privés des frais d'interconnexion doit participer au financement du service universel qui incombe à France Télécom. Mais, revue au minimum, la charge essentielle, évaluée à plus de 9 milliards de francs, risque à ce compte d'être supportée par France Télécom et les abonnés.
J'en veux pour preuve les mesures qui prévoient une augmentation mensuelle de l'abonnement des familles de 54 % d'ici à quatre ans, la fin de la gratuité de l'annuaire papier et des trois premières minutes du Minitel, la diminution du nombre de cabines téléphoniques, l'augmentation de certains tarifs de raccordement.
Autre point qui constitue cette année pour France Télécom un lourd handicap par rapport à ses concurrents : la fameuse soulte de 37,5 milliards de francs que l'entreprise versera cette année à l'Etat pour qu'il puisse rémunérer les retraites des fonctionnaires des PTT jusqu'à extinction de leurs droits.
Le niveau de cette soulte, mais surtout les modalités de son versement, qui s'effectuera en une seule fois alors qu'il avait été envisagé qu'il ait lieu en plusieurs, sont discutables. Il est permis de penser, monsieur le ministre, que ce versement unique est en fait destiné à permettre au budget de 1997 de respecter les critères de convergences fixés par Maastricht. Cela ne peut être que néfaste pour France Télécom, qui n'avait provisionné que 22 millions de francs et devra donc puiser dans ses réserves pour verser la somme demandée.
Quant aux crédits consacrés à la poste, ils reflètent la « marchandisation » de ce qui est encore un service public. L'établissement public procède à une profonde réorganisation de ses modes de fonctionnement interne, conformément aux impératifs de production et de rentabilité qui lui sont imposés. Ainsi, par exemple, par dizaines de milliers, des emplois de titulaires ont été supprimés et partiellement remplacés par des emplois précaires.
Les réformes de structures en cours au sein de La Poste vont dans le sens des objectifs européens de libéralisation du secteur postal.
Si le Gouvernement déclare ne pas être prêt à accepter dans l'immédiat l'ouverture à la concurrence de l'activié courrier, il encourage toutefois la direction de La Poste à anticiper sur l'application de la directive de Bruxelles en procédant tel qu'elle le fait.
Certes, monsieur le ministre, vous vous êtes opposé jusqu'ici, encore récemment au conseil des ministres européens de la poste et des télécommunications, aux prétentions de la Commission de mettre fin au monopole sur le courrier. Irez-vous jusqu'à opposer votre droit de veto si, parmi les quinze pays européens, une majorité se prononce un jour en faveur des propositions de la Commission ?
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà dix ans, le Sénat a créé une mission sur l'avenir des télécommunications en France et en Europe, mission que j'ai eu l'honneur de présider et à la suite de laquelle j'ai déposé une proposition de loi pour transformer la direction générale des télécommunications en société nationale.
Monsieur le ministre, après un certain nombre d'évolutions, vous êtes parvenu à réaliser ce grand projet et à mettre en oeuvre l'essentiel de la grande réforme qui était nécessaire pour mettre en place une structure permettant de lutter à armes égales avec d'autres grandes structures sur le plan international, car il est certain que les télécommunications deviennent mondiales. Sur le plan politique, l'essentiel a été fait : nous entrons dans la société de l'information avec une nouvelle dynamique.
Après M. Trégouët, rapporteur spécial, dont je partage les analyses, je formulerai trois remarques qui correspondent à trois inquiétudes.
Ma première remarque concerne l'information.
En effet - cela est capital compte tenu de la rapidité explosive du progrès technique et du retard des applications qui s'ensuit les éventuels usagers ignorent souvent ce qu'ils peuvent recevoir comme services. Aussi le marché est-il en retard sur la technique. Comment développer la sensibilisation ? Comment développer de nouvelles expérimentations et leurs évaluations ? Ces phases sont en cours et sont parfois financées ; l'évaluation reste encore relativement faible et l'information trop partielle.
Ma deuxième remarque a trait à la formation.
Les écoles qui, auparavant, étaient financées par France Télécom relèvent désormais de votre ministère. Quelle est la stratégie développée concernant leur ouverture tant sur le plan national, vers les autres écoles d'ingénieurs, vers le système universitaire et vers l'ensemble des industriels, que sur le plan international ? Je pense que les exemples d'EURECOM et de THESEUS pourraient être heureusement médités, notamment une fois que le décret d'application sera pris.
Ma troisième remarque portera sur la recherche.
A l'intérieur de France Télécom, le CNET va évoluer. Il comportera probablement moins de recherche fondamentale et plus de sciences humaines - en liaison avec le marketing, a dit le président - mais je pense qu'il faudrait constituer un potentiel à la mesure de l'importance des objectifs extérieurs pour répondre aux évolutions vers les multiples opérateurs français, vers le domaine fondamental, où s'allient l'informatique, les techniques de télécommunication, les mathématiques de base et la physique théorique. Nous avons des moyens, nous avons des hommes, nous avons des compétences. Peut-être faudrait-il créer une agence de moyens permettant d'assurer, d'une part par redéploiement des moyens existants, au CNRS, dans les écoles d'ingénieurs, les CEA, les universités, d'autre part par une augmentation des moyens, notamment de ceux qui sont destinés à l'INRIA, une orientation plus forte vers des expérimentations et leur suivi.
Enfin et surtout, je crois qu'il faudra recenser et aider les clubs et organismes divers qui s'occupent de sensibiliser et de former les publics variés concernés par la société de l'information. A cet égard, je pense que la formation systématique des agents de La Poste, notamment en zone rurale, serait une opportunité à ne pas oublier. Les bureaux de poste devraient devenir des points-contacts et des zones de compétences pour toutes les activités concernant les téléservices dans les zones rurales, de façon à faciliter l'usage à la fois d'Internet et de tout ce qui est lié aux inforoutes. La Poste est effectivement un des seuls réseaux qui participe à l'aménagement du territoire. Cela lui permettrait de conserver un rôle de guichet de banque, mais aussi de diffuser une compétence pour les technologies de l'avenir.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits prévus en 1997 pour le ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace représentent plus de 11 milliards de francs. Ils augmentent de 6,6 % par rapport à ceux de 1996, comme les rapporteurs, MM. Trégouët et Hérisson, nous l'ont dit.
Cet accroissement, surtout dans le contexte budgétaire actuel, marque la volonté du Gouvernement de mettre le maximum en oeuvre pour le développement des nouvelles technologies.
Cependant, MM. les rapporteurs ont noté aussi que cette hausse provenait surtout de transferts, de transferts d'emplois notamment. Elle doit donc être relativisée et placée dans la perspective de la baisse du budget général de l'industrie.
Pourtant, c'est bien de moyens nouveaux et de moyens accrus dont nous aurions besoin, car, dans le processus de développement de la concurrence qui doit conduire à la libéralisation totale des télécommunications en 1998, notre pays malheureusement est en retard, non seulement vis-à-vis des Etat-Unis, ce qui n'est pas surprenant, mais aussi par rapport à nos partenaires européens, ce qui est plus anormal.
Quelques exemples et quelques chiffres en témoignent. Ils m'ont été fournis par notre collègue Alex Türk, qui devait intervenir ce soir, au nom de notre groupe, mais qui n'a pas pu être présent. Il est, comme vous le savez, le rapporteur de la mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information, mission que préside notre ami M. Laffitte, orfèvre en la matière, chacun le sait.
Il est un fait que nous nous équipons en technologies nouvelles beaucoup moins vite que nos voisins, et ce dans de nombreux domaines.
En matière de téléphonie mobile, la France occupe l'avant-dernière place en Europe avec un taux de pénétration qui était de 2,9 % en juillet 1996, soit le quart du taux britannique et le dixième du taux suédois. Ah ! les Suédois ! (Sourires.)
S'agissant de la télévision par câble ou par satellite, le rapport entre la France et l'Allemagne est de 1 à 10, en ce qui concerne le nombre de foyers abonnés à des services audiovisuels payants.
S'agissant des communications téléphoniques, le rapport en volume et par ligne principale est de 1 à plus de 3,5 entre la France et les Etats-Unis.
Pour ce qui concerne les ordinateurs, 14 % des foyers français en sont équipés contre 20 % en Grande-Bretage, 30 % en Allemagne et plus de 35 % aux Etats-Unis.
Or, l'ordinateur est indispensable à l'usage de la technologie de pointe qui effectue actuellement une progression des plus spectaculaires. Je veux, bien évidemment, parler d'Internet. Son évolution paraît tellement rapide que l'on sait déjà que la conquête économique reposera non plus seulement sur les richesses du matériel, mais aussi sur les énormes possibilités offertes par l'immatériel.
Les Français ont bien compris l'intérêt d'Internet. Le nombre des abonnés français à ce réseau est considérable, puisqu'il a dépassé le chiffre de 500 000 pour approcher celui de 600 000. Toutefois, ils ne représentent encore que 1 % de la population. Notre pays est quasiment en queue de peloton des pays européens, derrière la Suisse, la Belgique et l'Autriche.
Le taux de pénétration d'Internet s'élève à 47 % - c'est un taux non négligeable - mais il atteint 95 % dans plusieurs autres pays d'Europe occidentale ; 80 % des serveurs sont nord-américains et 90 % des échanges se font en anglais. Notre langue française en prend un grand coup !
Dans la conjoncture commerciale actuelle et la lutte pour les marchés, la possession et la maîtrise d'Internet est indispensable. Les entreprises françaises l'ont compris. Le nombre de celles qui sont raccordées à ce réseau s'est accru de 223 % en un an ; mais, dans d'autres pays européen, cette progression est bien supérieure puisqu'elle avoisine 400 %.
A quoi est due cette relative lenteur ? Les responsables des petites et moyennes entreprises expliquent que pour avoir accès à Internet en sollicitant les aides de l'Etat, elles doivent suivre un véritable parcours du combattant. Il faut, d'abord, s'adresser à l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, à la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et, enfin, à la SOFARIS, la Société française pour l'assurance du capital-risque, pour la garantie des financements et des prêts.
Le Gouvernement a engagé, nous dit-on, une opération de simplification des relations avec l'administration. Il est question de créer un « guichet unique », c'est-à-dire un seul organisme qui prendrait en main l'ensemble de la procédure. Où en est-on, monsieur le ministre, de ce projet qui présente un grand intérêt ?
En terminant, je rappellerai qu'Internet a eu un précurseur, toutes proportions gardées d'un point de vue technique, dont nous pouvons être fiers. Je veux parler du minitel qui est une invention française. On en compte plus de 6 millions dans notre pays.
Les Français ont acquis une véritable « culture minitel » qui prélude à ce qu'ils pourraient faire avec Internet, mais, malheureusement, nous n'avons pas su exporter ce bel outil.
Des amis américains m'expliquent fièrement que, maintenant, grâce à Internet, ils peuvent sans se déranger commander leurs billets de train ou d'avion. Ils se montrent surpris, voire incrédules, lorsque je leur explique que nous pouvons faire de même par minitel depuis dix ans.
Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons, monsieur le ministre. Quel paradoxe ! Alors que nous étions des précurseurs dans de nombreux domaines très importants, nous risquons maintenant de figurer parmi les lanternes rouges dans le domaine essentiel des technologies d'avenir.
Il faut réagir ! Nous comptons sur le Gouvernement pour redresser cette situation et, bien sûr, à cette fin, nous voterons le budget qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen des crédits du projet de budget pour la poste, les télécommunications et l'espace, je souhaite évoquer plus particulièrement le chapitre relatif à l'espace.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que, tout en respectant la rigueur qui s'impose pour tous les chapitres du projet de loi de finances pour 1997, l'espace occupe une place prépondérante dans le projet de budget de votre ministère.
La politique spatiale française bénéficiera ainsi d'un soutien continu du Gouvernement, dans la droite ligne des orientations définies le 4 octobre 1994, confirmées et précisées par le conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne qui s'est tenu à Toulouse en octobre 1995.
Faut-il rappeler que, le 26 octobre 1965, à quinze heures quarante-sept, la France est devenue la troisième puissance spatiale du monde, avec la satellisation réussie de la capsule technologique Astérix lancée depuis Hammaguir par une fusée Diamant ?
Depuis plus de trente ans, notre pays a remarquablement tenu son rang, dans un domaine au début réservé aux seules organisations étatiques pour des applications de défense et de recherche, et progressivement conquis, pour une part chaque jour plus importante, par le secteur privé, en vue d'applications grand public relevant du marché et peu à peu banalisées. Je songe ici à la télévision, au téléphone ou à la cartographie, pour ne citer que quelques exemples.
Si nous avons pu tenir notre rang, c'est bien évidemment grâce à l'intelligente coopération européenne, clé des succès remportés dans la compétition internationale face aux géants américain et russe.
Mais ne nous y trompons pas, d'autres puissances spatiales sont apparues, et nous nous trouvons à ce jour face à une nouvelle donne géopolitique.
Derrière les Etats-Unis, le Japon pourrait atteindre à brève échéance le deuxième rang, tant il développe rapidement un programme particulièrement complet. La Chine, en dépit de retentissants échecs, met progressivement en place un ambitieux programme.
S'agissant des applications, le phénomène nouveau réside dans l'émergence du marché : il y a à la fois multiplication des applications et des acteurs.
Citons le positionnement par satellites ; les Taxis bleus, à Paris, sont gérés grâce à l'utilisation des satellites, par le biais du système américain GPS. Citons, bien entendu, la télévision, la téléphonie et bientôt la téléphonie mobile, la radio FM. On ne connaît pas aujourd'hui, dit-on, la moitié des applications spatiales qui seront exploitées dans vingt ans !
L'évolution du domaine spatial est également visible à travers une nouvelle approche des aspects économiques. Il s'agit aujourd'hui de fournir des services de qualité au moindre coût, d'où la nécessité de faire appel à un partenariat avec les entreprises. L'industrie apporte sa connaissance du marché pour mieux discerner les limites technologiques et économiques.
Face à cette nouvelle situation, la France doit valoriser ses acquis et être le fer de lance de la mise en oeuvre d'une politique spatiale européenne ambitieuse. A cet égard, nous devons d'abord développer l'autonomie d'accès à l'espace.
Après les succès d'Ariane 4, le lanceur Ariane 5 de nouvelle génération doit rapidement achever sa qualification. En dépit de l'échec de son premier vol d'essai le 4 juin dernier, Ariane 5 doit rester un programme prioritaire pour la France dans le cadre de la coopération communautaire.
Il faut souligner que la dotation au titre de l'année 1997 devrait permettre de prendre en compte les conséquences budgétaires de l'échec de ce premier lancement. Il faut toutefois espérer que nos partenaires de l'Agence spatiale européenne apporteront leur juste contribution au surcoût engendré par cet accident de parcours.
A côté d'Ariane 5, qui permettra le lancement double de satellites lourds, la nécessité d'un plus petit lanceur se fera de plus en plus sentir après l'arrêt du programme d'Ariane 4, tant le marché des petits satellites est important. On parle maintenant de constellations de dizaines, voire de centaines de satellites pour des applications de télécommunications.
Je me réjouis, monsieur le ministre, de l'initiative que vous avez prise de sceller un accord avec la Russie pour l'exploitation commerciale du lanceur Soyouz dans le cadre d'une relance de notre coopération avec ce grand pays.
Dans un rapport que m'avait confié l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les « Enjeux des coopérations et des échanges de technologies avec les pays de l'Europe centrale et orientale », rapport publié à la fin de l'année 1994, j'avais attiré l'attention sur les accords américano-russes de création d'une société mixte Loockeed, Khrunitchev Energia, avec un siège social en Californie, pour exploiter le lanceur russe Proton.
De même, j'avais signalé les accords de coopération signés entre la firme allemande DASA et la société russe Khrunitchev pour développer en commun de petits lanceurs légers.
Compte tenu de ce constat, je recommandais alors « de prendre une initiative pour organiser la concurrence du Proton et conclure des coopérations technologiques pour s'assurer la disposition de lanceurs intermédiaires ».
La création de la société Starsem, qui, au travers d'Arianespace, permettra à l'Europe d'exploiter le lanceur Soyouz me semble bien répondre à cette nécessité, mais peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, me le confirmer.
La participation active à la station spatiale internationale constitue un autre volet fondamental de notre politique spatiale.
Lorsque l'on observe, comme j'ai eu la possibilité de le faire, la maquette de cette station, un constat s'impose. Dans l'immeuble, le laboratoire européen s'apparente à un studio. Certes, la mise au point d'un véhicule de transport de fret représente un programme intéressant pour développer les compétences européennes en matière d'accès à la station, mais je pense que si nous voulons être des partenaires à part entière, nous devons développer un véhicule de transport d'équipage.
Il ne faudrait pas que les Européens ne soient que des « intérimaires » dans cette station internationale à bord de laquelle se développeront les bases des étapes suivantes de la conquête de l'espace.
Bien entendu, il faudra aussi - et je sais que le projet de budget le permet - poursuivre les programmes de recherche extrêmement importants pour les applications de l'avenir.
Dans les programmes nationaux, il est intéressant de noter que l'observation de la terre, avec la poursuite du programme Spot, et le développement des radiocommunications, avec le programme Stentor, figurent parmi les priorités.
Je ne voudrais pas terminer sans saluer l'effort de réflexion et de dialogue tout à fait remarquable et innovant réalisé par le Centre national d'études spatiales avec la définition et la présentation tout récemment de son « plan stratégique ».
L'élaboration de ce plan a été fondée sur une consultation très complète du personnel du CNES et de ses partenaires : il s'agit d'une nécessité face aux évolutions que j'évoquais au début de mon intervention.
Plus que jamais, le CNES, à partir duquel s'est créée l'industrie spatiale de notre pays, doit être un lieu de réflexion et d'excellence, en amont de la mise en oeuvre de la politique spatiale définie par le Gouvernement.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques brèves réflexions dont je voulais vous faire part au nom du groupe des Républicains et Indépendants, qui votera le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Lors de la discussion devant le Sénat de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, j'avais attiré votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'accélérer la politique d'alignement des tarifs téléphoniques applicables dans les départements d'outre-mer sur ceux qui sont en vigueur en métropole.
En effet, d'une part, la libéralisation du secteur des télécommunications qui interviendra dès le 1er janvier 1998 menace directement la place, excellente, qu'occupe actuellement France Télécom parmi les opérateurs mondiaux.
D'autre part, compte tenu de ses bénéfices - j'ai relevé dans le rapport de la commission des finances que le résultat après impôt de l'entreprise pour 1995 s'élevait à 9,2 milliards de francs - France Télécom a les moyens de procéder à cet alignement des coûts.
Les tarifs abusivement supérieurs pratiqués par France Télécom outre-mer, par rapport à ceux qui sont appliqués en métropole, relèvent, je ne le répéterai jamais assez, d'une attitude non seulement inéquitable sur le plan social et économique, mais également injustifiable d'un point de vue technique. Cette attitude relève d'ailleurs d'un malthusianisme désuet qui me fait penser à celui qu'avait manifesté notre compagnie nationale lorsqu'elle avait le monopole sur nos lignes.
M. le Président de la République lui-même, je vous l'avais dit, a reconnu que l'écart des prix en la matière est anormalement élevé, au détriment des départements d'outre-mer, et s'est clairement engagé en faveur d'un alignement.
En cette année du cinquantenaire de la départementalisation de l'outre-mer, la volonté politique du chef de l'Etat et celle du Gouvernement ont permis l'alignement de la quasi-totalité des prestations sociales servies dans les départements d'outre-mer sur celles de métropole, au nom de l'égalité sociale et de la solidarité nationale.
J'aurais souhaité que cette année symbolique s'achève aussi par l'instauration de l'égalité des citoyens de métropole et d'outre-mer face à leur facture téléphonique !
Voilà presque un an, jour pour jour, à cette même tribune, à l'occasion du débat budgétaire également, je vous faisais part de ce problème ; je ne reviendrai donc pas sur le catalogue des disparités constatées.
Je ne voudrais pas non plus établir une comparaison hasardeuse, car nous ne sommes pas au cinéma et cela n'est pas un feuilleton. Pourtant, par rapport à l'an dernier, les acteurs n'ont pas changé. Qu'en est-il du scénario ? Il a à peine évolué, puisque des baisses sont intervenues. Mais nous attendons avec impatience le dénouement, c'est-à-dire l'achèvement de l'alignement des tarifs téléphoniques.
Monsieur le ministre, je tiens ici à rendre publiquement et officiellement hommage à votre action, qui a permis, ces derniers mois, des baisses sensibles des coûts des communications téléphoniques au départ des DOM. Depuis que vous êtes à la tête de ce ministère, j'ai pu apprécier votre vigilance constante sur ce dossier.
C'est pourquoi je vous accorde toute ma confiance et voterai votre budget.
Mais, de grâce ! monsieur le ministre, faites en sorte que, l'année prochaine, la politique tarifaire inégalitaire de France Télécom dans les DOM ne soit plus qu'un mauvais souvenir. (M. Othily applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, je n'ai jamais manqué un rendez-vous du budget de La Poste et des télécommunications. Or, jamais comme aujourd'hui, je n'ai abordé cette discussion avec autant d'appréhension quant à l'avenir des deux services publics.
La Poste, malgré l'énergie de sa direction et le dévouement de ses salariés, se débat dans un environnement de plus en plus hostile. France Télécom sera privatisée à la fin de l'année. Le service universel du téléphone, cet ersatz de service public, est encore incertain tant la pression des concurrents est forte.
L'autorité de régulation, signe de la démission de l'Etat et victoire de l'idéologie libérale, se met en place dans un climat de suspicion. De quoi sera fait 1997 ? Comment, monsieur le ministre, honorerez-vous les engagements que vous avez pris ? C'est autour de ces questions que je m'exprimerai au nom du groupe socialiste.
Le volet « télécommunications » du projet de loi de finances est examiné dans un contexte très particulier : l'entreprise France Télécom est en passe d'être transformée en société anonyme et les décrets qui détermineront son avenir et définiront la physionomie du marché français des télécommunications sont en cours d'élaboration.
Nous partons d'un socle minimal, celui que vous avez fait adopter en trois textes législatifs, et nous craignons que les décrets d'application ne restreignent encore le champ du service public dans sa réalité quotidienne.
Par exemple, nous nous étions opposés à votre « loi d'expérimentation des autoroutes de l'information », non pas par principe, mais pour dénoncer une décision prise sans réflexion préalable. C'était, en fait, l'alibi d'une déréglementation qui n'osait pas dire son nom.
L'actualité confirme nos craintes : Cégétel, filiale de la Compagnie générale des eaux, la CGE, a choisi Nice - c'est écrit dans Le Figaro du 20 novembre dernier - pour s'attaquer au monopole de France Télécom sur les communications locales. Il est question non plus de tester une utilisation originale de la téléphonie ou d'expérimenter une amorce d'autoroute de l'information, mais simplement de prendre une place sur le marché local avant même que la loi de réglementation soit applicable.
Avez-vous connaissance, monsieur le ministre, de ce projet ? Allez-vous le laisser aller à son terme ? Dans l'affirmative, en quoi la qualité d'opérateur de la CGE justifierait-elle une telle entorse ? Que pensez-vous de ce cas d'écrémage d'un marché juteux ?
Par ailleurs, je note que le Parlement a été peu, voire pas informé. Quels critères ont été retenus pour la labellisation des 244 projets ? Aurons-nous la liste des heureux élus ? Quels enseignements tirer des expérimentations lancées en 1994 ? Où en est l'élaboration du schéma sectoriel des télécommunications prévu par l'article 20 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ?
S'agissant des dotations budgétaires, le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses. En 1995, il s'était engagé à consacrer 500 millions de francs aux autoroutes de l'information. En raison des régulations budgétaires, les crédits de paiement s'élèvent à 291 millions de francs, y compris les crédits inscrits pour l'année 1997. Il est vrai que les autorisations de programme atteignent 500 millions de francs. Mais on sait qu'elles n'engagent pas vraiment ceux qui les inscrivent dans une loi de finances.
Je ne reviendrai pas sur la loi de déréglementation des télécommunications ; nous l'avons combattue de toutes nos forces. J'observe seulement que les quelques éléments de service public qu'elle prétend sauvegarder, une sorte de « RMI du téléphone », sont menacés par les conditions dans lesquelles s'effectue la privatisation de l'entreprise nationale, qui apparaît comme sacrifiée à une opération financière pour boucler un budget et donner le change sur l'un des critères de convergence de Maastricht. Quelle gestion de boutiquier ! Quel mépris de l'intérêt de la France !
Quant à l'autorité de régulation, qui se voit attribuer 125 emplois provenant de l'actuelle direction générale des postes et télécommunications, la DGPT, si respectée, plus les crédits afférents à 13 créations de postes, nous ne sommes pas sûrs que sa mise en place offre toutes les garanties que l'on peut attendre dans un moment crucial.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que cette instance sera dirigée par un vrai professionnel, une « pointure » comme il y en eut tant à la tête de France Télécom ! N'y a-t-il pas le risque que, une fois de plus, vous ne nommiez l'un de vos obligés ? Cela ne pourrait que réjouir BT, Bouygues SFR et autres et consterner les Français !
Nous avons également des craintes pour l'Agence nationale des fréquences, qui aura à jouer un rôle de gestion et de contrôle : 227 emplois sont transférés du ministère de l'industrie. Dans quelles conditions et avec quelles directives ?
Enfin, l'enseignement supérieur, désormais à la charge de l'Etat, est toujours financé, pour l'essentiel - à 75 % - par France Télécom. Pouvez-vous m'expliquer ce tour de passe-passe et rassurer les personnels sur la pérennité de leurs établissements ?
Reste le financement du service universel, qui fait l'objet d'âpres tractations. C'est la clé de voûte de ce qui reste du service public et tout particulièrement du principe de péréquation géographique. France Télécom estime son surcoût à 7 milliards de francs ; les opérateurs privés à 2 milliards de francs. Les bons apôtres ! Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à faire pencher la balance du bon côté ?
Le peu de temps laissé pour la première fois aux groupes pour s'exprimer dans le débat sur le projet de loi de finances - huit ou dix minustes pour deux budgets : quelle dérision ! - m'oblige à survoler l'examen des crédits affectés à la poste. Pourtant, à la lumière de 1996, il y aurait tant à dire sur ce qui sera, pour l'entreprise publique, l'année de tous les dangers.
J'articulerai mon propos autour de trois défis, qui, chacun, menace à terme l'existence même du service postal, pour peu que la collectivité nationale ne se mobilise pas suffisamment : la décrue continue de l'activité « courrier », métier de base de La Poste, socle de sa légitimité ; la volonté dérégulatrice de la Commission européenne, acharnée à démanteler nos entreprises publiques ; enfin, la mauvaise foi du lobby bancaire qui trouve jusqu'au sein du Gouvernement des oreilles complaisantes.
La Poste est d'abord, c'est vrai, victime des nouvelles technologies. La généralisation de la télécopie et du téléphone explique la baisse inexorable de l'échange épistolaire et, plus récemment, le moindre volume de correspondances entre entreprises, d'où un chiffre d'affaires en recul de 3,2 % et un manque à gagner évalué à 2,5 milliards de francs en 1994 et qui, sur la pente actuelle, pourrait atteindre 5 milliards de francs en 1998. Difficile à compenser dans un contexte de récession !
La Poste a pris quelques initiatives heureuses pour contrecarrer ce déclin, notamment l'offre d'enveloppes préaffranchies parfois joliment ornées. Souhaitons-lui bonne chance ! Encore faut-il que la Commission européenne n'impose pas tout à coup l'ouverture à la concurrence du seul segment « courrier » encore en croissance : le publipostage.
De même serait désastreuse la libéralisation du courrier transfrontalier entrant, ce qui donnerait aux entreprises françaises le moyen de réexpédier à moindre coût, de l'étranger, leurs envois à leurs clients.
Réserver le service public, comme la Commission européenne le propose, à la lettre et au petit colis, c'est, compte tenu des évolutions récentes, condamner La Poste à brève échéance. Entre la France et Bruxelles, l'affrontement est rude ! Tour à tour, le Sénat, le Parlement européen, l'Assemblée nationale et, récemment, le Président de la République ont pris position.
Mais qu'en est-il aujourd'hui alors que le Conseil « Poste » vient de se réunir sans conclure ? En effet, malgré l'appui de l'Allemagne, nous n'avons pu convaincre nos partenaires, ce qui laisse le champ libre à une décision juridiquement possible de la Commission pour imposer son point de vue. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Le Président de la République a-t-il l'intention de proposer la mise à l'ordre du jour de cette question lors du Conseil européen de Dublin ? Une défaite de la France sur un sujet aussi sensible serait vécue comme un cataclysme et déclencherait chez les salariés sans doute, mais aussi chez les élus locaux, de vives réactions. Nous avons, mon groupe et moi, soutenu le Gouvernement sur ce dossier. Nous sommes en droit de demander aujourd'hui quel est votre degré de détermination, monsieur le ministre, et quelles armes vous vous donnez pour arracher la bonne décision.
Tout ce qui précède montre à quel point l'équilibre de La Poste est précaire. Raison de plus pour ne pas la fragiliser encore dans ses services financiers : ces derniers représentent 25 % de son chiffre d'affaires et 70 % des recettes des bureaux en milieu rural. En effet, sur ce point, La Poste s'est ressaisie récemment : elle a stabilisé à quelque 10 % sa part sur le marché.
Mais vous avez déjà porté un mauvais coup à La Poste en permettant aux établissements commerciaux d'ouvrir un livret jeunes, mieux rémunéré que le livret A, ce qui a entraîné une décollecte de 74 milliards de francs.
Le bruit court que la banalisation complète du livret A serait considérée comme inéluctable par le ministre des finances. Qu'en est-il exactement ? En mesurez-vous le prix en termes de fermetures au sein du réseau ? Mes collègues, si attachés à leur recette rurale ou même à leur bureau de plein exercice, n'imaginent pas l'hécatombe qui en résulterait.
A l'autre bout de la chaîne, comment ferez-vous pour assurer la fonction de « banque sociale » discrètement tenue par La Poste aujourd'hui ? Trois millions de Français y ont recours pour toucher leurs prestations ou se servir du livret A comme d'un compte bancaire. Il s'agit de RMIstes, de chômeurs, ou tout simplement de salariés à petits revenus, à qui les banques refusent un chéquier par crainte du manque de rentabilité. Quand les mettra-t-on au pied du mur ? A quand une évaluation objective de ce coût ? A quand une reconnaissance explicite de ce rôle de cohésion sociale assumé sans tapage par les postiers ?
Est-ce le rapport du Gouvernement au Parlement prévu par la loi de 1990 pour la fin de 1996 - nous y sommes ! - qui fera justice de ces attaques et qui, surtout, offrira à La Poste une rémunération équitable pour ses missions d'aménagement du territoire ? Nous attendons sur ce point, comme sur ce qui se passera à l'issue du moratoire, à la fin de l'année 1997, un certain nombre d'éclaircissements. Ce sont là autant de questions décisives pour l'avenir.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, dans ces conditions, nous ne puissions approuver les projets de budgets que vous nous présentez, tant celui de la poste que celui des télécommunications.
Le groupe socialiste, en désaccord profond avec votre politique, se prononcera contre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec une certaine satisfaction, pourtant mêlée d'inquiétude, que j'ai pris connaissance du montant de l'enveloppe budgétaire allouée notamment au Centre national d'études spatiales pour l'année 1997.
Celle-ci traduit, en effet, une progression de 1,44 % par rapport à l'exercice de 1996, ce qui, à une époque où nous devons faire face à de sérieuses difficultés financières, constitue un effort.
Cette augmentation budgétaire, destinée à corriger les effets de l'inflation, assurera donc au Centre national d'études spatiales, pour 1997, le maintien du budget spatial français à son niveau actuel.
Si 1996 nous avait complètement souri, nous ne pouvons pas en dire autant de la dotation budgétaire pour 1997, qui aurait certainement assuré la poursuite sans encombre des engagements pris l'année passée et aurait ainsi permis à la France et à l'Europe d'asseoir leur supériorité dans le domaine spatial.
C'était, hélas ! sans compter avec l'échec retentissant rencontré par le premier tir de qualification d'Ariane V. Je sais, pour avoir vécu sur place ce moment difficile, avec quelle déconvenue la communauté industrielle et spatiale, ainsi que les habitants de la Guyane ont perçu cet incident.
Leur inquiétude est bien légitime lorsqu'on sait combien le poids de l'activité spatiale sur l'emploi est considérable : 27 % de la population guyanaise travaillent, en effet, au coeur de cette industrie.
Ainsi, les crédits accordés au « poste espace » du budget discuté aujourd'hui, bien qu'importants puisqu'ils s'inscrivent dans la continuité des efforts déjà entrepris, se révèlent cependant insuffisants au regard de la charge imprévue - 1,8 milliard de francs - consécutive à cet échec.
En conséquence, l'exercice 1997 sera complexe. C'est la raison pour laquelle le CNES devra consentir bien des efforts, afin de résorber cette charge supplémentaire.
Quoi qu'il en soit, cet imprévu de taille dans le programme spatial européen, imprévu auquel - je n'en doute pas - il sera prochainement remédié, ne doit pas nous faire oublier l'ensemble des succès rencontrés jusqu'alors par le Centre national d'études spatiales et par l'Agence spatiale européenne.
On ne peut en effet balayer d'un revers de la main toutes les réussites qu'a connues, et que connaîtra encore Ariane IV dans l'attente du nouveau lanceur, avec vingt-deux tirs prévus jusqu'à la fin 1999.
Cela étant, nous souhaitons vivement que la qualification d'Ariane V, dont le vol est prévu entre avril et juin 1997, parvienne à redonner au domaine spatial l'espoir que l'accident survenu, relayé par la presse internationale, avait quelque peu entamé.
De plus, à l'heure où nous parlons, les Etats-Unis songent à la mise en place d'un programme spatial baptisé Sea Launch, qui, s'il aboutit, se révélera être un concurrent extrêmement dangereux. En effet, à l'heure actuelle, il est bien plus avantageux de lancer les satellites géostationnaires depuis l'équateur.
Or, à l'exception de Kourou en Guyane, tous les cosmodromes du monde se trouvent à une latitude élevée. Pour mettre fin au monopole de fait dont nous bénéficions aujourd'hui, les Etats-Unis devraient donc procéder à la construction au niveau de l'équateur d'une plate-forme en mer, au large d'Hawaï, à partir de laquelle des tirs pourraient être effectués.
Nous devons donc nous battre sur tous les fronts et donner ainsi à l'Europe les moyens de faire aboutir le projet de vol spatial habité. Je sais que le Président de la République et les ministres européens de l'espace sont très favorables à ce projet. Je souhaite donc appeler leur attention sur le fait que, pour y parvenir, une pérennisation des budgets correspondants est indispensable, compte tenu de la situation économique actuelle.
Dans le cadre de cette coopération européenne, je me réjouis de constater que le programme ATV - cargo automatique - est en passe d'aboutir, et je souhaite vivement que soit décidée cette année l'élaboration du véhicule de transport d'équipage.
Je constate enfin que les crédits alloués par votre ministère permettront la poursuite des programmes spatiaux français tels que Spot 5, domaine dans lequel nous sommes largement en tête ; je m'en félicite d'autant plus que Spot 3 a rendu l'âme.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur l'inquiétude de la communauté scientifique après l'échec de la mission « Mars 96 » et sur la poursuite de ce programme. Qu'en sera-t-il ?
En conclusion, la majorité des membres du Rassemblement démocratique social et européen vous apportera son soutien en votant les crédits de votre ministère, même si ces derniers risquent de se révéler limités lorsqu'il s'agira de régler les dépenses imprévues que j'évoquais précédemment. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'espace est entré dans l'ère de la concurrence internationale. Or, le secteur spatial demeure un domaine stratégique de souveraineté nationale, qui nécessite une action déterminée de l'Etat.
Aujourd'hui, ce secteur est confronté à de profonds bouleversements liés autant à l'émergence d'un marché à fortes potentialités, notamment dans le domaine des applications spatiales, qu'à une concurrence intercontinentale caractérisée par son agressivité. A titre d'exemple, le nouveau plan de politique spatiale, présenté au Président Clinton le 19 septembre dernier, met l'accent sur la volonté américaine de dominer le marché spatial et, pour cela, de saper le lanceur européen qui, fort de plus de 50 % des parts de marché libre, est un concurrent puissant pour les lanceurs américains, et donc une cible toute désignée.
Pour faire face, le budget consacré à l'espace devrait donc permettre aux différents établissements concernés de répondre aux missions qui leur sont confiées, en maintenant notamment notre avance technologique.
Quel avenir pour Spot et Stentor ? Mon inquiétude rejoint celle qui a été précédemment exprimée par notre collègue M. Trégouët, rapporteur spécial.
L'augmentation de 1,4 % du budget du Centre national d'études spatiales ne couvre pas l'inflation et correspond en réalité à une diminution de l'ordre de 1 %, qui s'ajoute aux réductions précédentes.
Sans entrer dans un détail chiffré, c'est en réalité d'une réduction programmée des effectifs du Centre dont il s'agit, réduction qui se traduira par un déficit d'embauche de quinze à vingt nouveaux ingénieurs et techniciens, éléments majeurs de préparation de l'avenir dans ce secteur de pointe. Ce choix budgétaire, monsieur le ministre, provoquera donc une perte de compétence dans l'immédiat et à terme.
S'agissant de la contribution aux programmes spatiaux européens et nationaux, s'il est exact que l'augmentation du premier poste - les programmes européens - compense la diminution du second - les programmes nationaux - cet équilibre comptable me paraît quelque peu néfaste pour notre activité spatiale nationale. Il faut, en effet, examiner ces crédits en fonction de leurs conséquences réelles.
Les programmes européens assurent un « retour » de l'ordre de 30 % maximum vers l'industrie spatiale française, alors que les programmes nationaux ont un retour de 80 %.
Ce choix budgétaire se traduira donc à nouveau par une perte d'activité de l'ordre de 50 %, c'est-à-dire une perte de plan de charge - activité et embauche - de l'ordre de 100 à 150 postes.
Cette perte de charge est d'autant plus préoccupante qu'elle va toucher - cela a déjà été constaté cette année - un tissu de PME et de PMI performantes, entreprises et laboratoires dynamiques et porteurs d'avenir, essentiellement implantés dans la région de Toulouse.
Alors que les Etats-Unis continuent à consacrer un demi-point de leur produit intérieur brut au budget spatial, que le Japon double son budget « recherche » pour préparer la sortie de la crise, votre budget de l'espace, monsieur le ministre, traduit des choix « négatifs » conduisant à une réduction d'activité dans un secteur où nous avons démontré nos compétences, et où un effort continu reste nécessaire.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de l'espace. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, à l'occasion de ce même débat sur le projet de budget des télécommunications, de la poste et de l'espace, nous nous posions deux questions : à l'issue de cette année 1996, année importante dans le monde entier dans le domaine des télécommunications, la France serait-elle au rendez-vous de la révolution qui est en train de transformer profondément ce secteur ? Comment et sous quelles conditions notre pays allait-il organiser le passage d'un secteur monopolistique à un secteur concurrentiel ?
Ces deux questions constituaient un défi que nous avons décidé de relever au cours de l'année 1996, grâce au vote de deux projets de loi relatifs aux télécommunications : l'un qui a fixé le cadre dans lequel s'exercera désormais la concurrence ; l'autre qui a placé France Télécom en position d'affronter cette concurrence.
Nous pouvons donc désormais aborder avec sérénité l'échéance du 1er janvier 1998, décidée à l'unanimité par les pays de l'Union européenne. En effet, la concurrence dans le domaine des télécommunications ne sera pas subie ; elle aura été préparée et choisie selon nos objectifs et nos contraintes.
J'ai donc la conviction que la France sera au rendez-vous de la révolution des télécommunications. D'ailleurs, cette révolution est dès à présent en marche : la concurrence s'organise sur le plan industriel comme on le voit chez les opérateurs ; des alliances se sont précisées au cours de l'année 1996, particulièrement depuis que notre nouvelle réglementation est connue : France Télécom avait déjà construit son alliance avec Deutsche Telecom ; la Générale des eaux vient de le faire avec British Telecom ; Bouygues Télécom est en pourparlers avec la STET, la SNCF et la RATP, de leur côté, s'organisent pour louer leurs capacités de télécommunications aux futurs opérateurs.
France Télécom se prépare. Le ministère de l'économie et des finances a annoncé qu'il mettrait sur le marché, à partir du printemps 1997, environ 20 % du capital de l'entreprise créée au 1er janvier 1997. En outre, comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la Haute Assemblée au moment du débat sur l'avenir de France Télécom, le Gouvernement veut que cette mise sur le marché soit l'occasion d'une grande opération d'actionnariat populaire.
M. Gérard Delfau. Comme pour Eurotunnel ?
M. François Fillon, ministre délégué. J'ai délivré, voilà quelques jours, les deux premières licences d'infrastructures alternatives : la première à la société qui exploite le tunnel sous la Manche, la seconde à la société créée par la SNCF pour l'exploitation de ses capacités dans le domaine des télécommunications.
Enfin, nous assistons, en cette fin d'année, à une véritable explosion du téléphone mobile. M. Habert évoquait tout à l'heure les retards accumulés par notre pays dans ce domaine. C'est l'absence de concurrence qui avait conduit notre pays à développer moins que les autres Etats ses réseaux en matière de téléphone mobile. L'arrivée de la concurrence a produit les effets que nous en attendions ; aujourd'hui, avec 2 millions d'abonnés et, surtout l'un des plus forts rythmes de croissance du téléphone mobile en Europe, nous sommes sur la bonne voie pour rattraper notre retard : je n'ai, sur ce point, aucune inquiétude.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, un stimulant remue-ménage a commencé, et le marché des télécommunications français est en train de se structurer, comme nous le souhaitions, autour de trois grands pôles : l'opérateur historique France Télécom et deux pôles qui sont en train d'émerger.
Les signes du changement se font également sentir sur le plan de l'offre et des tarifs. Les communications nationales ont baissé de 25 % depuis 1995, ce qui se traduit par une baisse de 6 % de la facture moyenne des ménages français. Le processus est lancé ; il va s'accélérer au fur et à mesure que la date de l'ouverture du marché à la concurrence va approcher.
Pour parachever la mise en oeuvre de cette réforme, le Gouvernement s'est engagé, d'une part, à publier l'ensemble des décrets d'application des deux textes adoptés par le Parlement avant la fin de l'année 1996, voire au tout début de l'année 1997 pour quelques-uns d'entre eux, et, d'autre part, à inscrire dans le budget de l'Etat les conséquences de cette réforme ; c'est ce qui a été fait.
Une trentaine de décrets sont aujourd'hui prêts. Leur philosophie générale - vous aurez l'occasion de le vérifier - respecte parfaitement les engagements pris devant le Parlement, c'est-à-dire, en particulier, l'équilibre entre le service public et la concurrence. Nous avons voulu éviter le maquis administratif qui surchargerait de contrôles réglementaires le jeu de la concurrence, parce que nous voulons un marché français attractif et que nous sommes disposés à tout faire pour qu'il le soit.
Le décret fondamental sur l'interconnexion sera conforme aux engagements que j'ai pris devant vous à l'occasion des deux débats sur la réglementation et sur le statut de France Télécom, mesdames, messieurs les sénateurs. Plusieurs orateurs ont évoqué ce décret, et M. Billard a semblé considérer que ce texte était quasiment connu, alors que nous sommes aujourd'hui dans une phase de consultation de l'ensemble des partenaires du secteur des télécommunications.
L'élaboration de ce texte fait l'objet d'un travail très approfondi : « En effet, nous avons procédé à une mission d'audit des comptes de France Télécom. Par ailleurs, France Télécom a préparé un catalogue d'interconnexion, et une consultation publique est en cours, à laquelle peuvent participer tous les acteurs du marché, y compris les organisations syndicales. Le décret sera soumis pour avis à l'autorité de régulation des télécommunications dès qu'elle sera mise en place, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 1997, et il devrait donc paraître en février prochain.
Ce projet de budget traduit les engagements qui ont été pris à l'occasion de la réforme relative à la réglementation des télécommunications, puisque la création de l'autorité de régulation sera effective au 1er janvier 1997. Le projet de budget qui vous est soumis comporte à cet effet 70 millions de francs de crédits et prévoit le financement de 138 emplois, dont 125 proviendront de la DGPT, car c'est un choix que je revendique : je n'ai pas voulu que deux services s'occupant de la régulation des télécommunications coexistent. L'Etat assumera ses responsabilités d'actionnaire de France Télécom et son rôle en matière de réglementation, et l'autorité de régulation indépendante, que nous avons voulue et que le Parlement a créée, disposera des moyens techniques pour assumer ses responsabilités.
Je voudrais sur ce point rassurer M. Delfau, en lui indiquant que le président de l'autorité de régulation sera bien, comme il le souhaite, un professionnel, puisqu'il s'agira ni plus ni moins du président du conseil de gestion du corps des ingénieurs des télécommunications.
La création de l'Agence nationale des fréquences sera également effective au 1er janvier 1997. Vous savez qu'il était nécessaire, pour mieux gérer un spectre qui était beaucoup trop morcelé entre huit ministères, de mettre en place cette agence, qui sera dotée de 200 millions de francs en 1997 et qui comptera 262 emplois.
M. Laffitte a posé, à propos des conséquences de la réforme des télécommunications, une question sur l'avenir des écoles et sur la recherche.
En ce qui concerne l'avenir des écoles, il s'est notamment inquiété de leur ouverture internationale. Je voudrais lui dire que je partage pleinement son avis, et je considère qu'une initiative comme EURECOM est un exemple qui devra être suivi dans ce domaine. M. Laffitte a eu raison de souligner l'importance de la recherche, pour la compétitivité économique de France Télécom, de nos industriels et des opérateurs nouveaux qui vont apparaître sur le marché.
Vous savez que j'ai confié une mission à M. Lombard, directeur général de l'industrie. Cette mission est aujourd'hui achevée et je serai prochainement conduit à présenter nos orientations dans ce domaine.
Je peux vous indiquer dès à présent que le rapport qui m'a été remis souligne la nécessité, d'une part, de conserver un CNET ouvert sur l'extérieur et se préoccupant de recherche fondamentale - y compris pour l'opéateur France Télécom - et, d'autre part, de mettre en place - et je sais que cela va complètement dans le sens de vos préoccupations et de ce que vous avez déjà réalisé vous-même - un réseau national regroupant les divers laboratoires concernés, qu'il s'agisse des laboratoires universitaires ou des organismes de recherche, et concentrant les efforts financiers de l'Etat.
Toujours au sujet de la réforme des télécommunications, plusieurs questions ont été posées sur les impayés de l'Etat.
Le montant total des impayés de l'Etat à l'égard de France Télécom est d'environ 2,2 milliards de francs. Cette dette émane, pour la majeure partie, de quelques ministères : intérieur, équipement, logement, transports et tourisme, défense et affaires étrangères.
M. Lamassoure, ministre du budget, a eu l'occasion, lors du débat au Sénat sur la première partie de la loi de finances, de préciser, à propos d'un amendement de M. Gérard Larcher, la position du Gouvernement. Compte tenu de l'importance des montants en cause, le collectif de fin d'année ne prévoira pas de mesures d'apurement général. Toutefois, il est prévu de dégager cette année 103 millions de francs pour permettre d'engager - certes modestement - l'apurement progressif de cette dette et le Gouvernement étudie différentes mesures pour accélérer cet apurement, notamment dans le cadre d'une convention commerciale qui pourrait être passée entre France Télécom et l'Etat.
De la même façon, M. Hérisson m'a interrogé sur la question de la taxe professionnelle payée directement à l'Etat par France Télécom et par La Poste. Je ne puis que le renvoyer à la réponse que je lui avais adressée lorsqu'il avait déposé un amendement sur ce sujet, réponse qu'il a d'ailleurs citée lui-même tout à l'heure : le Gouvernemnt et le Premier ministre se sont engagés à ce que cette question soit étudiée dans le cadre de la réforme fiscale actuellement en cours de réflexion, notamment s'agissant de la fiscalité locale.
Enfin, M. Hérisson a évoqué l'impact des téléphones mobiles sur la santé.
Je voudrais d'abord, si vous êtes utilisateur, vous rassurer : aucun effet nocif direct ou indirect du téléphone mobile n'a été mis en évidence, que ce soit par les études approfondies menée à ce jour ou à l'occasion de l'examen de cas individuels. Aucun cas clinique n'ayant été diagnostiqué, nous sommes donc aujourd'hui face à des conjectures sans fondement scientifique.
Néanmoins, il faut être prudent. J'ai donc demandé au ministre de la santé d'engager des travaux sur ce sujet. Plusieurs études en cours vont nous permettre de confirmer, je l'espère, les propos rassurants que je viens de tenir. C'est le cas, notamment, au centre hospitalier de Nîmes, qui effectue des recherches sur les effets sur l'homme des rayonnements électromagnétiques. Quant à l'université de Bordeaux, elle travaille également sur ce sujet et le Conseil européen du 28 novembre dernier a lancé plusieurs études sur ce même thème. Nous sommes donc extrêmement vigilants.
Au-delà de la réforme des télécommunications et des effets bénéfiques de l'ouverture à la concurrence, l'un des enjeux du budget qui vous est présenté est l'ouverture de notre pays aux nouvelles technologies de l'information, et plus largement son entrée dans la société de l'information.
Je crois d'abord qu'il faut rejeter les discours par trop pessimistes sur ce sujet. Certes, notre pays n'est pas au premier rang des pays européens ou des pays développés s'agissant de l'utilisation de ces nouvelles technologies, et en particulier de l'appropriation par la population du réseau Internet. Mais il y a à cela quelques explications, en particulier le fait que nous étions, en matière de télématique, en avance grâce au Minitel.
Il nous faut gérer maintenant la transition entre un système qui a donné entière satisfaction et qui nous a placés pendant dix ans au premier rang des utilisateurs de la télématique et un réseau mondial dont les contours ne sont pas, aujourd'hui encore, complètement stabilisés.
Nous avons beaucoup d'atouts pour réussir cette évolution : nos éditeurs de logiciels sont parmi les meilleurs du monde, nos industriels et nos opérateurs sont extrêmement bien placés. Toute la question, aujourd'hui, est de savoir si nous saurons transférer nos compétences sur ces nouvelles technologies, en particulier sur l'utilisation du réseau Internet ou des futurs réseaux tels qu'ils sont en train de se dessiner.
Pour y parvenir, je crois beaucoup plus aux effets de la concurrence et du marché qu'à ceux des aides publiques. Ainsi, à ceux qui, tout à l'heure, évoquaient les pays qui sont plus avancés que nous dans ce domaine, je ferai remarquer qu'il s'agit de pays où les aides publiques sont quasiment inexistantes, du moins pour ce qui est de la mise en oeuvre de ces programmes.
Quant à la complexité qu'il y aurait à mettre en oeuvre un site Internet, pour en avoir créé déjà quatre, je puis vous assurer qu'il s'agit d'une opération d'une extrême simplicité, dont le coût ne dépasse pas 300 000 francs. C'est donc tout à fait à la portée d'une entreprise, y compris d'une petite entreprise.
Quoi qu'il en soit, ni aux Etats-Unis ni en Suède - puisque vous avez cité ces deux exemples - il n'y a d'aide publique pour aider les entreprises à créer des serveurs sur Internet.
En revanche, là où l'Etat a toute sa place et tout son rôle à jouer, c'est dans la stimulation de la recherche sur ces sujets et dans l'encouragement des expérimentations dans les domaines qui sont les plus innovants, afin que les entreprises puissent tester sans trop de risques les marchés et les technologies.
C'est ce que nous avons voulu faire en vous proposant le projet de loi sur les autoroutes de l'information, que vous avez voté en 1996 et qui a permis la mise en oeuvre des 244 projets qui ont été labellisés par le Gouvernement.
A ce sujet, monsieur Delfau, la liste de ces projets n'est pas tenue secrète : elle est disponible sur Internet. Je vous invite donc à consulter le serveur du ministère des télécommunications pour avoir connaissance de l'ensemble de ces projets.
Mieux, nous avons créé un observatoire des autoroutes de l'information, où plusieurs membres de votre Haute Assemblée siègent et qui a justement pour mission de suivre les expérimentations et d'en faire le bilan.
M. Tregouët m'a demandé tout à l'heure si je pouvais présenter ce bilan aujourd'hui. C'est réellement trop tôt compte tenu du moment où la plupart de ces expérimentations ont débuté - ce qui explique d'ailleurs qu'il n'y ait pas besoin de crédits de paiement supplémentaires en 1997 - puisqu'elles n'ont réellement démarré qu'en cette fin d'année 1996.
Je confirme que l'engagement pris par le Gouvernement en 1995 de consacrer 500 millions de francs à ce dossier est tenu, puisque nous avons inscrit 50 millions de francs en 1995, 270 millions de francs en 1996 et 210 millions de francs en 1997.
Au-delà de cet effort, pour promouvoir l'innovation et encourager les entreprises et les collectivités locales à lancer des expérimentations - et elles sont nombreuses à le faire - il convient, si nous voulons que les nouvelles technologies se développent dans notre pays, d'agir sur les prix des services et sur l'éducation.
Sur les prix, je l'ai déjà dit, les choses évoluent dans le bon sens. Aujourd'hui - ce n'était pas le cas il y a un an - l'accès à Internet est possible sur tout le territoire métropolitain au coût d'une communication locale et nous avons pris, monsieur Lagourgue, des mesures en faveur des départements d'outre-mer afin que l'accès y soit possible à des coûts également raisonnables.
Cela étant, même si le coût des matériels informatiques a baissé depuis trois ans, il reste élevé, ce qui explique pour une part le faible équipement des ménages français. Nous avons pris quelques mesures dans le cadre du plan d'aide à la consommation sur la durée d'amortissement des micro-ordinateurs, mais il faudra aller plus loin et réfléchir - et nous le faisons - à un certain nombre de mesures d'incitation, en ce qui concerne tant les équipements que les logiciels.
Voilà qui répond à la demande que formulait tout à l'heure M. Trégouët au sujet d'une politique de soutien à l'ensemble du secteur de l'industrie du signal.
J'ai également la conviction - et je l'ai déjà dit devant votre assemblée - que, sans une action énergique dans le domaine de la formation et de l'éducation, nous ne parviendrons pas à rattraper complètement notre retard.
C'est incontestablement sur ce point que notre faiblesse est la plus criante : nos établissements scolaires sont beaucoup moins bien équipés en matière informatique et en matière de communication que ceux de nos voisins allemands ou britanniques et nous avons le plus grand mal à convaincre l'ensemble des responsables de l'éducation nationale de mettre en oeuvre des formules souples et décentralisées permettant aux établissements scolaires, en liaison avec les régions et les départements, de développer des expérimentations sans s'enfermer dans un cadre national trop étroit.
Je travaille donc avec le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet, car j'ai la conviction qu'aucun plan national rigide, long à mettre en oeuvre et rapidement dépassé par les évolutions technologiques, ne nous permettra de réagir d'une manière efficace pour relever le défi qui est le nôtre dans ce domaine.
S'agissant des mesures d'encouragement à prendre dans le domaine du développement des nouvelles technologies, vous m'avez interrogé sur le cryptage, qui est effectivement l'une des clés du développement du commerce, notamment sur le réseau Internet.
Dans ce domaine, je vous indique que les décrets qui ont été préparés en liaison avec le SGDN viennent d'être transmis au Premier ministre ; ils sont conformes à l'esprit du texte que vous avez voté et je veille tout particulièrement à ce qu'ils prennent en compte les enjeux économiques du cryptage.
J'ai demandé au Premier ministre un certain nombre d'ajustements en ce sens, afin que les règles en matière de cryptage dans notre pays soient du même ordre que celles qui existent aux Etats-Unis, par exemple, puisque, dans le domaine du commerce électronique, c'est ce marché qui sera le marché de référence.
M. Trégouët m'a interrogé - je simplifie - sur les initiatives prises par le gouvernement français en matière de réglementation sur Internet. A cet égard, j'ai pris deux initiatives. Premièrement, sur le plan international, j'ai proposé que se tienne, dans le cadre de l'OCDE, un forum sur les questions liées à la réglementation sur Internet. Cette proposition a été extrêmement bien accueillie par la plupart des pays développés, y compris les Etats-Unis. Nous allons donc mener, dans le cadre de l'OCDE, une réflexion tout à la fois sur les définitions des acteurs et de leurs responsabilités, et sur l'élaboration d'une sorte de code de bonne conduite qui pourrait servir de repère aux professionnels et aux utilisateurs de ces réseaux.
Deuxièmement, sur le plan national, cette fois, j'ai demandé à un groupe de professionnels et d'utilisateurs d'élaborer un certain nombre de règles qui pourraient être mises en place dans l'esprit du texte qui, voté par le Parlement, a fait l'objet de la censure du Conseil constitutionnel pour un certain nombre de ses dispositions. Il visait, je le rappelle, à mettre en place sur le réseau Internet des règles en matière d'éthique et de contrôle s'inspirant du dispositif qui avait été imaginé pour le minitel en son temps, mais en l'adaptant.
M. Trégouët m'a également interrogé sur les risques que pouvait présenter le développement par les grands opérateurs de téléphone d'une sorte de « super-Internet », l'Internet des riches, qui serait accessible à un tarif élevé, mais qui proposerait de très hauts débits.
Tous ceux, et ils sont nombreux, qui observent Internet depuis ses débuts savent bien que la situation ne pourra pas rester ce qu'elle est aujourd'hui et que nous allons progressivement vers la mise en place de ce que j'appellerai trois planètes Internet : une planète destinée au commerce et aux échanges économiques ; une planète destinée aux chercheurs, aux laboratoires publics, aux bibliothèques, aux administrations ; enfin, une planète réservée à l'Internet « sauvage », qui doit être préservé parce qu'il est un véritable espace de liberté mais qui ne pourra jamais complètement satisfaire ceux qui veulent développer des services rentables, en particulier dans le domaine du commerce électronique.
Il conviendra, bien entendu, de veiller à ce qu'à côté des deux premières planètes puisse subsister la troisième, mais ma conviction est qu'elle présente trop d'intérêt pour les opérateurs, en raison du trafic qu'elle génère, pour qu'ils puissent complètement s'en désintéresser.
J'en viens maintenant à la politique spatiale.
M. le président. Monsieur le ministre, puis-je vous rappeler à la concision ?
M. François Fillon, ministre délégué. Je conclus, monsieur le président, mais les membres de la Haute Assemblée m'ont posé beaucoup de questions !
L'année 1996, dans le domaine spatial, a été contrastée. Nous avons connu des réussites avec la mission Cassiopée, la suite des succès d'Ariane 4, le lancement de plusieurs satellites français. Nous avons aussi enregistré un échec, celui d'Ariane 5. Aujourd'hui, la priorité absolue pour le gouvernement français, comme d'ailleurs pour ceux des pays membres de l'Agence, c'est de réussir le deuxième vol de qualification d'Ariane 5. C'est la clé de la poursuite de toute l'aventure spatiale européenne.
Nous avons tout mis en oeuvre pour que ce deuxième tir de qualification soit une réussite, tirant les leçons de l'échec qu'a enregistré Ariane 5 au printemps dernier. Nous avons mis en place une série de structures de contrôle qui devraient nous permettre à la fois de corriger les défauts qui ont été décelés dans le lanceur et d'éviter que d'autres incidents ne se produisent.
Cette priorité a été acceptée par l'ensemble des pays membres de l'Agence, qui sont en train de mettre en place un plan de financement des surcoûts liés à l'échec d'Ariane 5 moyennant un redéploiement sur les programmes de l'Agence spatiale européenne. Autrement dit, aucun Etat n'aura à accroître sa participation au financement du budget de l'Agence. Le plan visera en réalité à décaler un certain nombre de programmes pour permettre le financement des deuxième et troisième vols de qualification d'Ariane 5.
Au-delà de cette priorité, nous voulons appliquer les décisions qui ont été prises dans le cadre de l'accord de Toulouse. Ces décisions se sont d'abord traduites, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, par la mise en place d'un nouveau plan stratégique pour le Centre national d'études spatiales.
Ce plan stratégique affirme la priorité donnée à la politique des lanceurs et la nécessité d'une participation de l'Europe à la station spatiale internationale. Cette participation de l'Europe se concrétisera dans plusieurs réalisations : le COF, qui est un laboratoire orbital, un véhicule automatique de fret et un véhicule de transport d'équipage européen.
A cet égard, la France a la ferme volonté de tout faire pour aboutir. Nous avons engagé des discussions avec les Etats-Unis et nous étudions également des solutions strictement nationales.
Nous poursuivons notre programme de vols habités et nous prévoyons le passage des vols habités de courte durée à des vols habités de longue durée. Nous avons négocié avec la Russie la présence d'un Français sur la station orbitale Mir pendant quatre mois en 1999.
Pour mettre en oeuvre l'ensemble de ces programmes et poursuivre, dans nos priorités nationales, le programme Stentor pour les télécommunications et le programme Spot 5 pour l'observation de la Terre ainsi que la plate-forme Proteus, les crédits du CNES inscrits dans le budget sont stabilisés à 8,3 milliards de francs. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, notamment devant le personnel du CNES, le Gouvernement a pris l'engagement que ce budget resterait stable et serait maintenu à ce niveau pendant cinq ans à compter de 1995.
J'ai bien entendu les inquiétudes de Mme Bergé-Lavigne. Je voudrais lui faire remarquer que les budgets de toutes les agences spatiales du monde sont en diminution, et en forte diminution. Ainsi, aux Etats-Unis, qui, certes, ont une politique spatiale de grande ambition, le budget de la NASA a été réduit de plus de 30 % depuis cinq ans. De même, le budget de l'agence spatiale japonaise a baissé en 1996 et devrait être étale en 1997. Telle est la réalité. On prétend toujours que les autres pays - notamment le Japon et les Etats-Unis - font beaucoup mieux que nous en matière spatiale et en matière de recherche. Or, en réalité, le budget de la NASA baisse et le budget de l'agence spatiale japonaise a été stabilisé en 1996 compte tenu des difficultés économiques et financières rencontrées par le Japon.
Au demeurant, le budget spatial français est de très loin le premier en Europe : près du double du budget allemand, près de dix fois le budget de la Grande-Bretagne. Nous allons poursuivre nos efforts pour rationaliser notre politique spatiale et remplir nos engagements avec le budget qui nous est alloué. Nous avons, pour cela, engagé un effort considérable de coopération avec la Russie. Tout à l'heure, monsieur Revel, vous avez bien voulu évoquer l'accord STARCEM, qui nous permet de commercialiser le lanceur russe Soyouz complémentaire d'Ariane 4 et d'Ariane 5. Nous allons poursuivre dans cet esprit avec les Russes comme avec les Japonais, avec lequels nous venons de signer un accord de coopération.
J'en viens maintenant au budget de la poste.
Je tiens d'abord à réaffirmer l'attachement du Gouvernement au maintien du monopole de La Poste sur la distribution du courrier. Nous pensons que La Poste joue, dans notre pays, un rôle économique, certes, mais aussi un rôle social et un rôle dans l'aménagement du territoire.
Cette fonction ne saurait être assumée sans une charge trop lourde pour l'Etat dans un cadre libéralisé. C'est la raison pour laquelle, monsieur Delfau, le Gouvernement s'oppose avec la plus grande énergie, et ce depuis des mois et des mois, aux tentatives de libéralisation de la Commission - vous avez raison de le souligner - mais aussi de beaucoup d'Etats membres dont les gouvernements sont loin d'être tous libéraux. Si seulement nous pouvions rassembler autour de nous un peu plus d'Etats membres sur notre vision du secteur public postal, la situation serait moins difficile.
Je voudrais cependant faire remarquer que, voilà quelques mois, cinq pays s'opposaient à la directive postale : la France, la Belgique, le Luxembourg, le Portugal et la Grèce. Vous avez dit que la réunion du Conseil qui s'est tenue jeudi dernier s'était soldée par un échec. C'est vrai, ce fut un échec, mais pour le commissaire ! Nous avons, en effet, réuni neuf pays autour de la position française. Il en aurait fallu dix pour que l'accord soit définitivement adopté. Au dernier moment, il nous a manqué l'Autriche.
Je suis convaincu que nous allons réussir à imposer notre vision des choses dans ce domaine. Le Président de la République, qui s'était exprimé sur ce sujet, a bien l'intention d'évoquer cette question au sommet de Dublin.
M. Gérard Delfau. C'est une bonne chose !
M. François Fillon, ministre délégué. Nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens, je dis bien « tous les moyens » qui sont à notre disposition pour empêcher la Commission de nous forcer à libéraliser le secteur postal. Vous me permettrez de constater devant vous qu'il existe quelques dysfonctionnements dans les mécanismes européens, puisqu'un commissaire peut, tout seul, déclarer à la presse qu'il forcera les Etats à libéraliser ce secteur quel que soit le vote du Conseil et du Parlement européen.
M. Gérard Delfau. Nous sommes au moins d'accord sur ce point.
M. Louis Minetti. Un commissaire tout seul ? Elle n'est pas mal, celle-là !
M. François Fillon, ministre délégué. Je n'oublie pas M. Lagourgue, qui a eu la gentillesse de rappeler lui-même que les prix des communications entre la France et les départements d'outre-mer avaient baissé globalement de plus de 40 % en francs courants à l'occasion de quatre mouvements tarifaires.
Nous avons également pris une décision très symbolique, monsieur Lagourgue, qui a consisté à supprimer le 19. Les départements d'outre-mer sont donc désormais traités comme les autres départements français, et non pas comme des pays étrangers.
Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens en 1997. Dès le mois de mars, une première baisse, supérieure à 10 %, interviendra et amènera l'écart de prix entre la minute de communication interurbaine et la minute de communication métropole-département d'outre-mer à 1,50 franc hors taxes, en moyenne. Ainsi, le combat que M. Lagourgue mène depuis des années aboutira et les engagements du Président de la République seront tenus.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands axes de la politique que j'ai l'honneur de conduire. Ce budget est en hausse de 6,6 %. Il permet à notre pays d'assumer ses responsabilités au moment où se dessinent les contours de la société de l'information.
Permettez-moi de remercier M. Trégouët, rapporteur spécial, et M. Hérisson, rapporteur pour avis, de la pertinence de leur propos et de leur soutien. Je remercie également la majorité, qui accompagne le Gouvernement dans sa politique de modernisation et de défense du service public. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. Est-ce pour un fait personnel ?
M. Gérard Delfau. Non, je souhaite poser une question à M. le ministre.
M. le président. Monsieur Delfau, la discussion est organisée, je ne puis donc accéder à votre demande. De surcroît, le vote étant réservé, je ne pourrai même pas vous donner la parole pour explication de vote. Je le regrette.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 595 131 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 2 300 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. Titre V. - Autorisations de programme : 4 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 4 000 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 7 324 500 000 francs ;
Crédits de paiement : 7 093 000 000 francs.»
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Ces crédits seront mis aux voix le samedi 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la communication.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la poste, les télécommunications et l'espace.

Charges communes et comptes spéciaux du Trésor

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.
Mes chers collègues, nous lèverons la séance à zéro heure trente, quel que soit le point de la discussion auquel nous serons parvenus alors. Aussi, pour tenter d'achever l'examen des présentes dispositions, j'invite les uns et les autres à la plus grande concision.
La parole est à M. le rapporteur spécial pour les charges communes.
M. Alain Lambert, en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis conduit à vous présenter ce rapport sur le budget des charges communes en raison de l'indisponibilité de notre collègue M. Claude Belot, qui se rétablit.
Les crédits inscrits pour 1997 au budget des charges communes progressent de 4,6 %, soit deux fois et demi moins que l'année passée, même si c'est encore beaucoup plus que le budget dans son ensemble.
Leur volume atteint 651 milliards de francs, c'est-à-dire, si l'on raisonne en crédits nets, plus d'un quart du budget général.
Ce budget est également important par sa nature, car il regroupe les dépenses communes à l'ensemble du budget général : dette publique, garanties apportées par l'Etat, dépenses de remboursements et dégrèvements d'impôts, dépenses de personnel, participation à des organismes internationaux.
Toutefois, la logique de ce regroupement est loin d'être parfaite. Ainsi, les charges de rémunération ne sont pas inscrites au budget des charges communes et les charges de pensions sont réparties entre les différents budgets et le budget des charges communes et sont ramenées en totalité sur celui-ci en gestion.
De même, la plus grande part des interventions publiques est constituée par les mesures en faveur de l'emploi, dont le volume dépasse 47 milliards de francs, et qui n'ont plus d'« exceptionnelles » que le nom. A quel titre maintenir plus longtemps ces dépenses sur le budget des charges communes ?
Les hésitations présidant au rattachement de telle ou telle dépense expliquent les modifications de structure encore pratiquées en 1997, dont le solde est de 8 860 millions de francs.
Il me semble au total que le contenu du budget des charges communes devrait être empreint de plus de logique et, par là même, de stabilité. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre.
Sur le fond, l'évolution la plus marquante du budget des charges communes en 1997 est, bien sûr, le ralentissement de la progression de la charge de la dette publique : si l'on raisonne en loi de finances initiale, ce ralentissement est spectaculaire, puisqu'il passe de 13,7 % à 2,8 % en ce qui concerne la charge nette. Toutefois, étant donné l'importance des mouvements pratiqués en cours d'année, la comparaison doit s'effectuer entre budgets exécutés : elle montre que la progression de la charge de la dette a ralenti, dès 1996, de 10,9 % à 7,4 %, et que ce mouvement devrait se poursuivre en 1997, avec une augmentation prévue de 5,2 %.
C'est évidemment la baisse des taux constatée dès cette année qui est responsable de cette évolution. Monsieur le ministre, vous évaluez l'économie qui en résulte à plus de 8 milliards de francs pour 1997. Quelle sera, à court et à moyen terme, l'économie permise par la réduction du déficit budgétaire, mais aussi par la politique de gestion de la dette, qui peut jouer sur les échéances, tout en préservant, bien sûr, la sécurité de l'Etat et l'équilibre des intervenants sur les marchés ?
Pouvez-vous enfin nous faire part de ces prévisions quant à l'évolution du stock de la dette au cours des toutes prochaines années, notamment au regard du seuil fatidique des 60 % du produit intérieur brut ?
Monsieur le ministre, ces questions sont complexes, mais elles doivent pouvoir être expliquées à nos concitoyens en termes simples pour emporter leur adhésion à la politique du Gouvernement. A cet égard, je compte beaucoup sur vos services - je dis tout net que je ne vise pas votre cabinet - pour parfaire encore leurs habitudes de communication avec le Parlement.
Une autre évolution favorable est celle des garanties, avec une diminution de 1,8 % des garanties à la COFACE, qui s'établissent à 800 millions de francs. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer la prévision faite pour 1997 d'un excédent de l'ordre de 4 milliards de francs sur l'assurance-crédit et nous rappeler comment la situation a pu s'améliorer de façon aussi radicale au cours des derniers exercices ?
J'évoquerai encore les crédits d'action internationale, qui recouvrent, outre les dons d'ajustement structurel rattachés cette année au ministère de la coopération, la participation au capital d'organisations internationales de développement, pour laquelle les autorisations de programme passent à 25 milliards de francs en 1997. Là encore, pouvez-vous, pour nous permettre de mieux évaluer cette action, la resituer dans le contexte plus général de l'aide extérieure ?
J'ai noté avec intérêt l'inscription d'une provision de 470 millions de francs qui accompagne la future loi relative à la cohésion sociale, dont j'aimerais pouvoir comparer le poids budgétaire avec celui qui nous est annoncé pour la transformation des dépenses « passives » d'indemnisation en dépenses « actives » d'insertion sociale.
Enfin, je le redis, la présence de 47 milliards de francs de crédits pour l'emploi ne me paraît pas justifiée au budget des charges communes, même si j'approuve pleinement ces crédits, sur le principe.
Peut-on, à cet égard, disposer d'une vue d'ensemble de l'évolution récente des dépenses d'allégement du coût du travail, qui sont essentiellement retracées dans cette dotation, et de leur effet en général, mais aussi dans le secteur du textile, qui bénéficie d'un régime particulier, puisqu'il s'agit là d'un pilier essentiel de la politique de l'emploi ?
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et de ces demandes de précision, la commission des finances a décidé de recommander au Sénat l'adoption des crédits du budget des charges communes pour 1997, qui retrace plusieurs évolutions favorables permises par une politique économique que nous soutenons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1997 comme en 1996, le nombre des comptes spéciaux du Trésor reste de quarante-quatre. Cette situation tient à deux mouvements de sens contraire : d'une part, trois comptes ont été fusionnés en un - il s'agit de tout ce qui tourne autour de la privatisation et de la gestion des titres de l'Etat - et, d'autre part, deux comptes ont été créés pour le financement de l'accession à la propriété et le logement des personnes âgées en difficulté.
C'est l'excédent de 3,5 milliards de francs figurant au compte 902-30 pour le financement de l'accession à la propriété qui permet à l'ensemble des comptes spéciaux du Trésor d'afficher une prévision d'excédent net de 700 millions de francs. Sans cet apport, le déficit aurait été de 2,8 milliards de francs, ce qui représente tout de même une amélioration évidente par rapport à l'exercice 1996, où l'ensemble des comptes spéciaux était présenté avec un déficit de 10,8 milliards de francs.
Je rappelle que les comptes spéciaux du Trésor représentent en 1997, avec 443,4 milliards de francs de recettes et 442,7 milliards de francs de dépenses, une masse très importante. Je me contenterai cependant de ne présenter, vu l'heure avancée, que quelques observations.
En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale, dont le volume s'accroît en 1997, pour atteindre 52,3 milliards de francs contre 44,6 milliards de francs l'an dernier, il serait certainement nécessaire d'engager une réflexion approfondie sur la nature des prélèvements et la logique de leur affectation. Nous y reviendrons à des heures plus favorables !
En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale, je voudrais toutefois formuler quatre remarques.
La première porte sur tout ce qui a trait aux entreprises publiques : c'est le principal problème posé cette année par ces comptes spéciaux du Trésor.
La fusion des comptes 902-24 et 902-27 fait disparaître le partage des recettes de privatisation entre les dotations du compte des entreprises publiques et le désendettement de l'Etat prévu par la loi de finances rectificative du 4 août 1995.
En somme, on revient au dispositif de 1986 : un seul compte doit pourvoir à tout et l'on fait disparaître l'affectation vertueuse, quoiqu'un peu optique, au désendettement. Mais les recettes, même pour les seules dotations aux entreprises publiques, n'ont cessé d'être inférieures aux prévisions.
En 1995, la loi de finances initiale les avait évaluées à 55 milliards de francs, or elles n'ont été que de 21,09 milliards de francs ; en 1996, la prévision était de 22 milliards de francs, objectif qui ne devrait pouvoir être atteint que grâce à la vente du reliquat des participations d'Etat dans Elf, décidée le 12 novembre. Pour 1997, cette prévision remonte à 27 milliards de francs, grâce aux 25 milliards de francs de France Télécom, dont on vient de parler.
On est tenté de dire : et après ? Face à ces ressources de plus en plus problématiques, la liste des besoins s'allonge. Pour ne prendre qu'un exemple, sur les 27 milliards de francs de 1997, 7,7 milliards de francs devraient aller en principe à l'établissement public de financement et de restructuration du Crédit lyonnais pour compenser la charge des intérêts qu'il lui sert et qui a été récemment alourdie de 3 milliards de francs. Or nous savons très bien qu'il restera, à la fin du plan de restructuration, une perte importante, qui sera peut-être de l'ordre de 100 milliards de francs, à la charge de l'Etat. Quand commencera-t-on à la provisionner, monsieur le ministre ?
L'estimation des besoins, même si l'on accepte le chiffre de 9,6 milliards de francs pour les entreprises financières, Crédit lyonnais et Comptoir des entrepreneurs, ne laisse que 13,8 milliards de francs pour les entreprises industrielles. Or, il faut « caser » des poids lourds, comme les Charbonnages, la SNCF ou l'éventuelle dotation de départ du futur réseau ferré national, s'il est créé, le GIAT, le groupement industriel des armements terrestres. l'Aérospatiale, la SNECMA, la Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation, et j'en passe. On ne peut donc manquer de partager l'inquiétude exprimée par le rapporteur général quant à l'évolution du niveau des besoins des entreprises publiques.
Je passerai sur les observations que je voulais présenter sur les crédits de la jeunesse et des sports, notamment sur le fonds national de développement du sport et le fonds national de développement de la vie associative, dont nous avons parlé assez abondamment pendant nos débats.
Je salue cependant l'heureuse initiative du plan sport-emploi. Je note que la Haute Assemblée a porté à 2,6 % le prélèvement sur la Française des jeux, ce qui porterait les ressources du fonds à 900 millions de francs au lieu de 850 millions de francs initialement prévus.
De même, j'évoque très rapidement les deux fonds gérés par le ministère de l'agriculture, car nous allons y revenir, au moins pour l'un d'entre eux, le FNDAE, à l'occasion d'un amendement que j'aurai l'honneur de vous présenter.
En ce qui concerne le fonds forestier national, je rappelle mon inquiétude : les recettes sont probablement surévaluées, en raison notamment du mauvais rendement de la taxe forestière. Pour 1996, on prévoyait 524 millions de francs de recettes, soit 32 millions de francs pour la taxe de défrichement et 390 millions de francs pour la taxe forestière. Il se pourrait qu'on ne recouvre que 238 millions de francs, soit une moins-value de 107 millions de francs.
Les prévisions de 1997 tablent sur 443,8 millions de francs de recettes. Elles sont donc un peu plus réalistes et alignent les dépenses en conséquence. Le fonds de roulement, négatif de 143 millions de francs en 1996, risque de l'être encore davantage.
J'approuve donc la prudence de notre assemblée quand il a été question, le 27 novembre dernier, de diminuer encore le taux de la taxe sur le sciage. Rendez-vous a été pris pour la loi d'orientation agricole, qui comportera un important volet forestier, comme nous l'a promis le Gouvernement.
En ce qui concerne l'outre-mer, le compte spécial qui retrace les actions en faveur du développement des départements et territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales apparaît de plus en plus comme une survivance. Les recettes, assises sur les bénéfices de l'IEDOM-IEOM, appelé « produits de l'émission », ne cessent de baisser, ils sont en diminution de 21 % par rapport à 1996 surtout en raison du plan de reversement de l'indu à la Banque de France, qui correspond à la circulation fictive.
On se demande cependant ce que deviendra le compte le jour où la Banque de France sera remboursée !
Je souhaite en outre vous interroger, monsieur le ministre - peut-être pas ce soir, mais pour l'amour de l'art - sur l'état du dossier concernant les conditions de rattachement des comptes d'opérations des instituts, qui devraient, si mes informations sont exactes, passer du Trésor à la Banque de France.
M. Alain Richard. Il faut vraiment beaucoup aimer l'art !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Je formule une observation sur les comptes de prêts. Comme l'an dernier déjà, le solde de ces comptes s'améliore nettement. La charge nette diminuera de 3,790 milliards de francs, en passant de 4,661 milliards de francs à 871,1 millions de francs. Cette évolution favorable vient des deux comptes de prêt à l'étranger.
Le compte de prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation des dettes envers la France prend en charge les impayés, soit au titre des grands contrats, soit dans le cadre de notre politique d'aide au développement. Les dépenses sont devenues inférieures aux prévisions depuis 1993.
En effet, des pays importants sont sortis du cycle de la dette, comme le Brésil, le Mexique, le Maroc, les pays d'Asie du Sud-Est. D'autres n'y sont pas encore entrés, comme Madagascar, le Nigeria, le Soudan, le Zaïre. Nous sommes donc dans une conjoncture passagèrement favorable, d'où la modération de la demande budgétaire - 1 milliard de francs - et le retour du compte à un excédent de 600 millions de francs.
Il faut noter cependant que si les dépenses du compte sont allégées par les annulations de dettes, il existe, symétriquement, une aggravation d'autres charges, budgétaires ou de trésorerie.
Le compte de prêts du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement enregistre lui aussi une diminution de sa charge nette, de 1 040 millions de francs, qui s'établit donc à 1 722 millions de francs. Le premier chapitre répercute avec un retard de trois à quatre ans les conséquences des protocoles signés, lesquels diminuent. En la matière nous serons de plus en plus enserrés dans les règles de « consensus » de l'OCDE : la part des dons est désormais privilégiée et les secteurs justiciables de financement privés, comme les télécommunications, sont désormais exclus du système.
L'encours des protocoles est aujourd'hui de 44 milliards de francs. Le montant des protocoles signés en 1995 était de 5,9 milliards de francs et en 1996 de 3,3 milliards de francs. L'enveloppe retenue pour 1997 est de 2,9 milliards de francs en autorisations de signature.
Aux contraintes des règles internationales s'ajoute sans doute, monsieur le ministre, le poids des nécessités budgétaires.
Quant aux prêts à la Caisse française de développement, le projet de loi de finances pour 1997 ne leur accorde aucune dotation spécifique, les dépenses devant être couvertes grâce aux reports de crédits.
Ma dernière observation portera sur les comptes d'avances.
En dépit d'une forte progression des dépenses de 6 %, le déficit des comptes d'avances se réduirait nettement, passant de 6,6 milliards de francs à 2,1 milliards de francs.
C'est la diminution de la charge nette du compte d'avances sur le montant des impositions revenant aux collectivités territoriales qui expliquerait cette baisse par rapport aux prévisions initiales de 1996.
C'est là une amélioration en partie optique : l'évolution réelle du compte d'avances en 1996 a en effet été réestimée. D'abord, parce qu'en raison de l'entrée en fonctionnement d'un nouveau logiciel à la direction de la comptabilité publique, le recouvrement des impositions locales est désormais connu réellement et non plus évalué forfaitairement. Ensuite, en raison du report du paiement du 15 décembre 1995 au mois de janvier 1996 d'une partie de la taxe professionnelle.
La majoration des recettes réelles encaissées de ce fait en 1996, qui serait de l'ordre de 6,8 milliards de francs, aboutit ainsi à une réduction du déficit, qui sera de 650 millions de francs, contre 6,58 milliards de francs initialement prévu. C'est là une correction significative, qu'il conviendra de garder à l'esprit au moment de l'examen des conditions de l'équilibre budgétaire en 1996.
Toutefois, en raison de ce report, on constate mécaniquement pour 1997 un accroissement du déficit, qui passe de 650 millions de francs à 2 070 millions de francs, et non une diminution de ce déficit, comme on pourrait le croire à première vue si l'on compare les prévisions initiales de 1996 - 6,58 milliards de francs - à celles de cette année - 2,7 milliards de francs.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits des comptes spéciaux du Trésor. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 7 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des charges communes, vu sa masse et sa diversité, est évidemment l'occasion de procéder à quelques échanges sur les grandes orientations de la politique financière.
Je me bornerai à formuler quelques observations.
La première, bien sûr, porte sur l'évolution des comptes de la dette. Il est vrai que, pour 1997, on peut raisonnablement anticiper un ralentissement de la hausse des charges d'intérêt, qui enregistre la décrue des taux à moyen et long terme. Cela ne gomme pas cependant l'évolution globale de l'encours de la dette au cours de ces dernières années, puisque, si nous englobons le déficit qui est en voie d'adoption par les deux assemblées - en tout cas par leur majorité - de 1992 à la fin de 1997, cet encours se sera accru de 1 500 milliards de francs, voire de 1 700 milliards de francs. Ce qui fait que nous approchons dangereusement la barre des 60 % du produit intérieur brut.
Cette situation nous paraît en partie être le fruit d'une politique financière peu judicieuse et qui, notamment dans la première partie de la législature actuelle, s'est traduite par un alourdissement mal contrôlé de la dette, et ce malgré 140 milliards de francs provenant de privatisations et un alourdissement des prélèvements obligatoires équivalant à plus de deux points de PIB.
J'ajouterai, pour donner un autre indicateur sur le contexte financier, qu'à la fin de 1992 plus du tiers de la dette liquide était détenu par des non-résidents, alors qu'aujourd'hui cette même dette est détenue pour moins de 15 % par des non-résidents, un peu moins de 14 % à la fin du premier semestre 1996. La situation est probablement en train de se redresser un peu aujourd'hui. Mais cela prouve que le degré de stabilité et de confiance qu'inspiraient nos encours du Trésor s'est quelque peu dégradé au cours de la législature dont nous avons dépassé les deux tiers.
Ma deuxième observation portera sur les aides à l'emploi. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général tout à l'heure, les crédits qui leur sont destinés dans le budget des charges communes s'élèvent à 47 milliards de francs, ce qui correspond, comme il l'a dit, à une amputation assez discutable. Il nous semble d'ailleurs qu'une plus grande partie de ces crédits devrait figurer au budget du ministère du travail.
Quoi qu'il en soit, il est important de noter que ces crédits continuent à augmenter sensiblement et qu'il y aurait matière à débattre pour apprécier l'efficacité en termes de créations d'emplois de ces dizaines de milliards de francs. Je rappelle qu'il y a seulement un peu moins d'un an et demi M. le Premier ministre annonçait 350 000 créations d'emplois du fait du contrat initiative-emploi.
Des évaluations sont en cours. Elles sont discutables, les effets d'aubaine et de substitution étant malaisément chiffrables. Aussi, je ne me risquerai pas à préconiser une suppression radicale et sans nuance de ces aides. Trop d'observateurs et même de partenaires socioprofessionnels s'expriment avec un peu de légèreté sur le sujet. La relativement faible efficacité globale de ces 47 milliards de francs, auxquels s'ajoutent les sommes qui figurent au budget du ministère du travail, soit, au total, un peu moins de 70 milliards de francs, justifient que nous soyons, les uns et les autres, modérés dans nos critiques des positions concurrentes. Or j'ai entendu un certain nombre d'économistes nouvellement promus au sein de la majorité actuelle et du Gouvernement « frotter leur lame » sur les solutions alternatives qui sont proposées par l'opposition. Ainsi M. Jean-Louis Debré a-t-il fait récemment ses premières armes d'économiste avec un talent qu'il faut encourager car il est encore tout jeune sur le sujet ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Je ne suis pas certain que l'âge arrange les choses en matière d'économie.
M. Alain Richard. En tout cas, je ne pense pas que le caractère éclatant des résultats obtenus par les multiples aides à l'emploi au cours des trois dernières années doive inciter à la pétulance sur le sujet !
Enfin, ma dernière observation portera sur les dégrèvements et les remboursements d'impôts locaux, qui auront augmenté de 75 % en cinq ans, avec des dispositions en continuelle modification.
Indiscutablement, la tentative faite par le Gouvernement, sous le titre de pacte de stabilité financière, partait d'une bonne intention. Nous avons discuté de la procédure et de certains objectifs de fond, mais l'idée générale qui présidait à l'opération et qui avait déjà été évoquée antérieurement est à encourager.
Cependant, il y a un point faible, ce sont précisément les remboursements et les dégrèvements, facteurs actuels d'instabilité. Il est dommage que le Gouvernement n'ait pas entamé avec les représentants des collectivités locales un débat plus en profondeur et à long terme sur ce sujet.
Tant l'année dernière que cette année, nous avons assisté à des tentatives... des retraits... Il y a eu des négociations parlementaires cahotiques, à propos des efforts compréhensibles faits par le ministère des finances pour essayer de récupérer quelques milliards de francs, de faible profit pour la collectivité, sur le remboursement des dégrèvements. C'est une tentation qui ne cessera pas. Depuis huit ou neuf ans, je ne me rappelle pas qu'il y ait eu une discussion d'un projet de loi de finances sans tentative de cet ordre de la part du Gouvernement - en général, c'est de ce côté-là que ça vient. Puisque cela représente maintenant 70 milliards de francs, il y aurait matière à définir une prévision d'ensemble sur ce dispositif dans la perspective de la réforme de la fiscalité locale elle-même.
Après m'être borné à ces quelques remarques et avoir omis de parler des résultats des privatisations, puisque maintenant il ne reste plus que des entreprises en sérieuses difficultés - la prévision de 22 milliards de francs pour 1996 risque de n'être tenue que grâce à une vente in extremis d'un reliquat d'Elf-Aquitaine, les autres opérations entamées se trouvant face à de sérieux obstacles - je dirai que la politique générale du Gouvernement et les options financières qui en sont la traduction présentent suffisamment de points faibles ne contestables pour que le groupe socialiste ne vote pas ce budget.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation des comptes publics impose de regarder avec une attention particulière l'évolution de la dette publique, qui, à la fin de 1996, atteindra le niveau record de 3 358 milliards de francs, soit une progression de 9 % par rapport à 1995.
L'insuffisance des recettes fiscales, le fait que les principales recettes soient liées à la consommation - élément sans aucun doute le plus volatil de la croissance - l'insuffisance des moyens de lutte contre la fraude fiscale sont autant de raisons qui justifient un recours aux ressources extrabudgétaires que constitue l'émission de titres de dette publique, qu'il s'agisse d'obligations ou de bons du Trésor.
Nous atteindrons en 1997 un nouveau record en matière de niveau d'endettement.
En effet, le Gouvernement s'apprête l'an prochain à émettre en brut quelque 650 milliards de francs de titres de dette publique.
Cela représente, mes chers collègues, plus de deux fois le montant attendu des recettes fiscales au titre de l'impôt sur le revenu et, dans les faits, près de la moitié des recettes fiscales nettes du budget de l'Etat.
On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence d'un budget qui fait aussi largement appel à de telles ressources et sur le fait que, quand on y regarde de près, c'est la détermination par la représentation nationale du niveau des recettes et des charges publiques qui est directement mise en cause.
Avec l'article d'équilibre que nous avons voté en première partie et avec le présent budget des charges communes, nous sommes confrontés à une situation simple.
On nous propose en fait de donner aux services de l'administration des finances le droit de décider, dans la gestion quotidienne des affaires de l'Etat, de la manière dont on va engager les dépenses votées par le Parlement, attendu que ces dépenses pourront être gagées ou retardées par la réussite des émissions de titres de dette publique sur les marchés financiers.
L'arrêté d'annulation du 13 novembre dernier, qui porte sur l'exercice budgétaire 1996, affecte des sommes considérables - 31 milliards de francs - ce qui témoigne d'une situation pour le moins délicate.
La bonne gestion de la dette négociable se traduit néanmoins par d'incontestables économies, qui sont matérialisées sous forme de réductions de crédits de paiement des intérêts.
Mais la situation économique générale n'empêche pas une évolution des recettes fiscales ; je pense aux moins-values de TVA par exemple.
Enfin, tout cela n'évite pas l'annulation de plusieurs milliards de dépenses d'intervention de multiples ministères.
L'arrêté d'annulation que l'on nous proposera d'avaliser dans quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1996, illustre la réalité d'une gestion de la dette et des dépenses publiques totalement dépendante des mouvements issus des marchés financiers.
Evidemment, on soutiendra ici que le coût actuel de la dette publique est moins coûteux qu'auparavant, le taux d'intérêt servi aux détenteurs d'OAT - obligations assimilables du Trésor - étant, dans les dernières émissions, fixé à 5,5 %.
Mais, si ce taux a singulièrement baissé depuis plusieurs années, il n'en demeure pas moins largement supérieur à la croissance réelle du produit intérieur brut marchand.
Le taux réel de cette dette publique est en effet plus important que le petit taux de 3 % de progression en valeur du PIB que l'on risque d'enregistrer en 1996.
Ainsi, malgré l'amélioration de la gestion de la dette publique, il demeure aujourd'hui une pression constante sur les recettes de l'Etat liée aux taux d'intérêt réelspositifs.
Deux et trois points de taux d'intérêt réel se traduisent par une charge de quinze à vingt milliards de francs de plus pour le budget général, sommes qu'il faut bien trouver ailleurs et qui pèsent largement dans les marges de manoeuvre du ministère du budget, notamment dans les marges de réduction de la pression fiscale.
Si l'on attend de la dette publique qu'elle permette à l'Etat de faire face à un certain nombre de besoins - le budget des charges communes que nous examinons en porte témoignage - on peut s'interroger sur ce qui pourrait permettre de répondre de manière moins coûteuse à ces besoins.
Ainsi, si l'on doit gager dans ce budget l'allégement du coût du travail, l'allégement des charges sociales, il faut s'interroger sur les utilisations réellement faites par les entreprises des 42 milliards de francs que va coûter l'allégement des charges en 1997 et sur les contreparties réelles que les citoyens de ce pays seraient en droit d'attendre en matière de réduction du chômage et de création d'emplois.
Enfin, ne serait-il pas souhaitable de s'affranchir de la tutelle des marchés financiers pour privilégier un financement à partir d'emprunts de conversion ou d'emprunts émis à des taux d'intérêt plus faibles.
N'y a-t-il pas place en effet aujourd'hui, monsieur le ministre, pour un emprunt dont le taux d'intérêt pourrait être situé entre le niveau de rémunération du livret A et celui qui est fixé pour les obligations assimilables du Trésor, les OAT ?
Telles sont les observations que je voulais formuler sur le titre Ier du budget des charges communes. Bien évidemment, notre groupe ne pourra voter ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier pour la qualité de leur travail les rapporteurs spéciaux, M. Alain Lambert, qui a présenté l'excellent rapport de M. Claude Belot, et M. Yann Gaillard, ainsi que les orateurs qui se sont exprimés au nom de leur groupe, MM. Alain Richard et Paul Loridant.
M. Lambert a présenté l'essentiel du budget des charges communes. Je me contenterai donc de traiter de trois sujets en réponse aux questions qu'il a posées ainsi que M. Richard.
Certes, ce budget est relativement hétérogène, et M. Lambert a raison de souhaiter, à l'avenir, plus de stabilité.
La première question qu'il a posée concerne la charge de la dette. Je rappelle que celle-ci s'élèvera, l'année prochaine, à 232,6 milliards de francs, soit une progression de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.
Ma première remarque portera sur le stock de la dette publique. La dette des administrations publiques, selon la comptabilité européenne, devrait représenter, à la fin de 1997, 58,1 % du produit intérieur brut. La dette de l'Etat, proprement dite, représentera 80 % de la dette des administrations publiques.
En Europe, la France bénéficie d'un niveau d'endettement public inférieur à celui de l'ensemble de ses partenaires, à l'exception du Luxembourg. Ce niveau lui permettra de rester en deçà de 60 % du PIB en 1997 et les années suivantes. Nous pourrons respecter ce niveau si, dans les années à venir, nous maintenons un taux de croissance autour de 2,5 % du produit intérieur brut et si la part des déficits publics par rapport au produit intérieur brut reste comprise entre 3 % en 1997 et 2 % en l'an 2000.
Pour le calcul de la charge de la dette en 1997, nous avons retenu une hypothèse de taux longs à 6,8 % - je rappelle que le taux actuel est quasiment inférieur d'un point - une hypothèse de taux moyen à 5,5 % et une hypothèse de taux courts à 4 %.
Nous sommes donc très en dessous aujourd'hui. Ces hypothèses sont à la fois prudentes et proches de celles du consensus de marché.
Je rappelle que les taux à court terme ont baissé de plus de moitié en moins d'un an. Ils sont passés de 7,5 % à 3,34 % aujourd'hui. C'est leur niveau le plus bas depuis 1971.
Quant aux taux à long terme, ils s'établissent maintenant autour de 5,8 %, soit en deçà du taux allemand. Ainsi, les taux d'intérêt sont revenus en France à un niveau compatible avec le développement de notre économie.
M. le rapporteur et les différents intervenants ont ensuite évoqué les dotations extérieures et l'assurance crédit.
La participation de la France au Fonds européen de développement se traduit par l'inscription de 20 milliards de francs d'autorisations de programme au titre de la reconstitution des ressources du huitième FED correspondant à la quatrième convention de Lomé.
La France - et je réponds à une question posée par M. le rapporteur spécial - consacre 0,45 % de son produit intérieur brut à l'aide publique au développement. Elle se situe désormais au deuxième rang mondial en valeur absolue derrière le Japon mais devant les Etats-Unis et l'Allemagne.
Je confirme aux rapporteurs spéciaux que, après avoir coûté au budget 12 milliards de francs en 1989, 6 milliards de francs en 1992, 3 milliards en 1994 et 0 franc en 1996, nous prévoyons une recette de 3,8 milliards de francs en 1997 au titre de la COFACE.
Cette évolution spectaculaire provient essentiellement de la réorientation de notre commerce extérieur, et donc des prises de garantie, vers des pays plus solvables, qui a été pratiquée au cours de ces dernières années, tout spécialement en 1994. En effet, la part de l'OCDE et de l'Asie - Océanie dans les commandes de grands contrats est passée de 56 % en 1993 à 74 % en 1994. Cette réorientation explique, pour l'essentiel, que l'année 1996 n'ait connu aucun sinistre majeur et que nous puissions prévoir une recette importante pour 1997.
Enfin, la troisième catégorie de questions posées par les orateurs concerne la part dans les charges communes des mesures en faveur de l'emploi. Cette part est très importante. En effet, monsieur le rapporteur spécial, nous pourrions nous demander s'il ne conviendrait pas, à l'avenir, d'imputer ces charges au budget des affaires sociales plutôt qu'à celui des charges communes.
En quatre ans, l'aide économique à l'emploi, c'est-à-dire la prise en charge par l'Etat d'une partie des charges sociales afférentes aux bas salaires, très exactement à ceux qui sont compris entre un SMIC et 1,33 SMIC, est passée de zéro franc à 47 300 millions de francs. Tous les économistes sont d'accord pour considérer...
M. Gérard Delfau. Pas tous !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... disons la grande majorité des économistes de droite comme de gauche...
M. Gérard Delfau. De moins en moins de gauche !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Il peut toujours y avoir des exceptions.
... sont d'accord pour considérer, disais-je, qu'une des causes du chômage en France est le coût du travail peu qualifié et qu'une des manières d'abaisser ce coût, si l'on veut maintenir le SMIC, serait de réduire les charges sociales et, donc, de faire prendre en charge par l'Etat une partie de celles-ci. C'est ce que nous entreprenons de manière générale pour les salaires compris entre un SMIC et 1,33 SMIC et de manière plus intensive dans certaines parties du territoire, notamment dans les zones franches, et pour certaines branches industrielles, telles que le textile, l'habillement, le cuir et la chaussure.
Enfin, j'ai pris note des remarques très judicieuses de M. Richard sur l'avenir du pacte de stabilité avec les collectivités locales et sur le fait que nous devrions peut-être réfléchir à la stabilisation à moyen terme de la prise en charge par l'Etat d'un certain nombre d'exonérations ou d'abattements touchant les impôts locaux.
J'en viens maintenant aux comptes spéciaux du Trésor.
Je tiens à remercier M. Gaillard de son exposé très complet, qui me permettra d'être plus bref.
Je ne reviendrai pas sur le FNDS, le FNDAE ou le fonds forestier national dont nous aurons l'occasion de reparler lors de l'examen des amendements.
M. Gaillard a excellement développé la problématique des prêts du Trésor à l'étranger. Je n'y insisterai donc pas non plus.
Quant au sujet très technique du compte des opérations des instituts, je lui répondrai par écrit.
Je tiens à apporter quelques précisions sur le sujet qui a été principalement évoqué par le rapporteur spécial et par les orateurs, à savoir le compte de privatisation.
Depuis 1993, et en comptant la récente opération de cession de titres Elf Aquitaine, près de 160 milliards de recettes nettes ont été encaissées par l'Etat. Comme M. le rapporteur spécial ainsi que MM. Richard et Loridant l'ont souligné, ce sont les opérations les plus faciles qui ont été réalisées dans un premier temps. Il s'agissait principalement d'opérations portant sur des entreprises ayant une bonne situation financière et présentant une bonne rentabilité.
Les autres opérations en cours ou en préparation seront plus délicates. Il s'agit d'opérations de gré à gré, soit du fait de la taille de l'entreprise - je songe à la CGM et à la banque Laydernier - soit du fait de la spécificité du secteur ou de l'entreprise - je pense à Thomson ou au CIC - ou de leur situation financière - je songe à la SFP ou à la Marseillaise de crédit.
Ces opérations revêtiront une importance accrue en raison des choix industriels qu'elles impliquent et de la nécessité de trouver très rapidement des solutions aux difficultés stratégiques de ces entreprises.
Je confirme que, en 1996, nous réaliserons 27 milliards de francs de recettes grâce, notamment, à la cession des titres Elf Aquitaine.
Pour 1997, le projet de loi de finances prévoit l'inscription de 27 milliards de francs de produits de cession au titre, notamment, de l'ouverture du capital de France Télécom, qui devrait constituer, l'année prochaine, la principale source de recettes de cessions de titres de l'Etat.
M. Gaillard a relevé que, de manière peut-être paradoxale, il est proposé de fusionner trois comptes spéciaux relatifs, pour les deux premiers, à l'affectation des produits de cession de titres aux dotations en capital ou au désendettement et, pour le dernier, à la gestion des titres du secteur public.
En fait, l'avancement du programme de privatisations conduit à ne plus maintenir désormais cette distinction qui ne présente plus le même intérêt aujourd'hui. Cette fusion vise à offrir une vision d'ensemble de l'affectation des recettes dont le Parlement aura bien entendu connaissance tant à travers les prévisions des différents chapitres de dépenses de ce compte que des réalisations effectives en fin d'exercice budgétaire. Cette disposition va donc dans le sens d'une meilleure lisibilité des opérations de gestion patrimoniale de l'Etat.
Contrairement à certaines informations qui ont éré données, aucune décision n'a été prise quant à la répartition, en 1997, des recettes de cession attendues. Il est clair que devraient notamment être bénéficiaires de dotations ou d'avances d'actionnaires de l'Etat, le futur établissement public Réseau ferré national, GIAT-Industries, les structures de défaisance du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs. Toutefois, bien sûr, c'est au cours de l'année que nous pourrons préciser les besoins en même temps que nous encaisserons les recettes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

CHARGES COMMUNES

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les charges communes et figurant aux états B et C.

ÉTAT B
CHARGES COMMUNES

M. le président. « Titre I : 23 020 268 600 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre I.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre II : 91 936 000 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre II.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre III : 7 971 863 000 francs. »
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 15 442 631 745 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le titre IV de ce budget recouvre une série d'interventions de l'Etat particulièrement variées qui vont de la politique étrangère à la politique de l'emploi en passant par l'action sociale outre-mer ou en faveur des rapatriés d'Afrique du Nord.
La façon de traiter les missions d'intérêt public pose d'ailleurs un certain nombre de problèmes de déontologie budgétaire que les rapports récents de la Cour des comptes ont relevés.
Permettez-moi de présenter une observation plus générale. Un grand nombre de postes ministériels subissent, en 1997 une sérieuse contraction de leurs engagements. Il n'en est pas de même de ce budget des charges communes qui passe, entre 1996 et 1997, de 622,2 milliards de francs en crédits de paiement à un peu plus de 651 milliards de francs.
Si cette évolution est, pour une part, imputable au titre I, le service de la dette est imputable aux évolutions du titre IV que nous examinons présentement puisque les dépenses engagées sur ce titre passe de 68,5 à 73,1 milliards de francs.
Dans les faits, nous pouvons nous interroger sur la nature même du budget des charges communes lequel regroupe des opérations qui devraient figurer plutôt, à notre sens, dans d'autre budgets.
Il y aurait donc beaucoup à dire sur la lisibilité des opérations budgétaires décrites dans ce titre, de la baisse de la dotation de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle à la bonification des prêts accordés par la Caisse française de développement en passant par le coût des diverses formules de prêts à la construction de logements.
Je souhaiterais revenir ici sur la question du chapitre 44-92 de ce budget qui concerne les primes d'épargne populaire.
En effet, le projet de budget pour 1997 comporte une modification de la nomenclature budgétaire qui réunit en une seule ligne les deux lignes précédemment intitulées « Versement anticipé du droit à prime » et « charges afférentes au droit à prime ouverts au titre de l'année précédente ».
La nouvelle ligne budgétaire s'appelle désormais « versements des primes et de leurs intérêts capitalisés ».
Derrière cette apparente simplification se glisse une petite surprise qui tient à la disparition des 2 milliards de francs crédités dans la nomenclature antérieure alors que la nouvelle ligne ne voit figurer aucun crédit.
La seule explication au phénomène fournie par l'exposé des motifs de la loi de finances est que la réforme du plan d'épargne populaire contenue dans la loi de finances dispense de provisionner les sommes nécessaires.
En fait, l'article de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui permet aux titulaires d'un livret d'épargne populaire de débloquer avant terme le montant de leur épargne nous indique quelle est la nature réelle de l'opération.
En dehors de la baisse des impôts sur le revenu, ce budget ne contient, en fait, aucune mesure significative en faveur des nombreux foyers fiscaux qui sont, par ailleurs, non imposables.
On a donc opté pour le déblocage anticipé des sommes placées sur les plans d'épargne populaire, les PEP.
Il convient toutefois, dans cette opération, d'apporter un certain nombre d'éclaircissements.
Il s'agit, grosso modo , de donner environ 15 milliards de francs de pouvoir d'achat aux familles concernées.
Mais si l'opération peut paraître séduisante pour relancer la consommation, elle présente pour l'Etat plusieurs avantages.
Tout d'abord, elle permet la liquidation de la charge budgétaire résultant de la provision sur les primes d'Etat. C'est ce que dispose, en fait, le chapitre 44-92. L'opération est-elle sincère ? Nous laisserons à la Cour des comptes le soin de l'apprécier dans son futur rapport d'exécution de la loi de finances 1997.
Ensuite, elle permet de dégager l'Etat de ses obligations de garantir les placements effectués au titre des PEP. Cette situation est illustrée par un article de la loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement : il prévoit un prélèvement sur le fonds de rémunération de la garantie des livrets d'épargne populaire.
On nous invite donc, en quelque sorte, à prendre acte d'une réforme à courte vue de l'épargne populaire, dont l'objectif réel est peut-être de relancer de la consommation, mais aussi et sûrement de faciliter une manipulation budgétaire susceptible de faire cadrer les chiffres du budget avec des exigences européennes.
Lorsqu'on supprime 2 milliards de francs de crédits et que l'on arrive péniblement à réduire le déficit global du budget de 4 milliards de francs, on n'est plus très loin d'un surplace budgétaire et bien loin des objectifs affichés. Mais que de manipulations pour parvenir à ce maigre résultat !
M. le président. Par amendement n° II-40, le Gouvernement propose de majorer les crédits figurant au titre IV de 174 255 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui traduit, à l'état B, l'effet mécanique de l'évolution des recettes fiscales qui a été réalisée sur le fonds national de péréquation lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances : l'amendement tend à majorer de 174 255 francs le montant des dépenses ordinaires figurant au titre IV des charges communes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-40, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, ainsi modifiés.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Alain Richard. Le groupe socialiste également.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 986 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 88 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 26 476 810 000 francs ;
Crédits de paiement : 1 923 550 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 88 et 89, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des charges communes.

Article 88

M. le président. « Art. 88. - I. - Au premier alinéa du II de l'article 109 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989), les mots : "pendant les dix premières années" sont remplacés par les mots : "pendant les sept premières années, ou pendant les dix premières années lorsqu'un contrat d'assurance-vie à primes périodiques a été souscrit dans le cadre du plan d'épargne populaire avant le 5 septembre 1996".
« I bis. - Après le premier alinéa du II du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les versements effectués à compter du 1er janvier 1998 ouvrent droit à cette même prime à condition qu'au titre de l'avant-dernière année les revenus du titulaire du plan n'excèdent pas les limites prévues au I de l'article 1417 du code général des impôts. »
« II. - Le deuxième alinéa du II du même article est ainsi rédigé :
« La somme des primes et de leurs intérêts capitalisés est versée par l'État à l'issue de la septième année civile à compter de l'année d'ouverture du plan, ou à l'issue de la dixième année civile à compter de l'année d'ouverture du plan lorsqu'un contrat d'assurance-vie à primes périodiques a été souscrit dans le cadre du plan d'épargne populaire avant le 5 septembre 1996. »
« II bis. - Après le deuxième alinéa du II du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le titulaire d'un plan d'épargne populaire ayant souscrit un contrat d'assurance-vie à primes périodiques dans le cadre de son plan avant le 5 septembre 1996 peut bénéficier du versement de la prime et de ses intérêts capitalisés à l'issue de la septième année civile à compter de l'année d'ouverture du plan à condition d'en faire la demande sur papier libre auprès de l'organisme gestionnaire du plan avant le 1er juillet de la huitième année à compter de l'année d'ouverture du plan. Dans ce cas et par dérogation au premier alinéa du présent paragraphe, les versements effectués sur le plan à partir du 1er janvier de la huitième année à compter de l'année d'ouverture du plan n'ouvrent pas droit à prime. »
« III. - Le quatrième alinéa du II du même article est supprimé.
« IV. - Le premier alinéa du 22° de l'article 157 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Le versement de la prime d'épargne et de ses intérêts capitalisés ainsi que le versement au-delà de la huitième année qui suit l'ouverture d'un plan d'épargne populaire des produits capitalisés et de la rente viagère. »
Par amendement n° II-41, le Gouvernement propose de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsirédigé :
« V. - Les établissements gestionnaires de plans d'épargne populaire, qui seraient dans l'incapacité de produire les pièces justificatives prévues contractuellement dans un délai de trois mois à compter de la demande formulée par les services ou les corps de contrôle compétents, devront reverser à l'Etat les primes pour lesquelles les pièces justificatives font défaut, ainsi que leurs intérêts capitalisés.
« Ces dispositions s'appliquent aux conventions signées par ces établissements avec l'Etat avant l'entrée en vigueur de la présente loi pour les sommes versées à compter du 1er janvier 1997. »
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Il s'agit d'un sujet qu'a évoqué assez longuement M. Loridant et dont nous avons eu l'occasion de débattre sur le fond lors de la discussion générale ; je n'y reviens donc pas.
L'amendement ne tend à imposer aucune obligation nouvelle aux organismes gestionnaires de plans d'épargne populaire qui se sont engagés contractuellement à obtenir les pièces justificatives avant d'adresser à l'Etat un état récapitulatif des primes à verser, ainsi qu'à conserver ces pièces pendant cinq ans. Il s'agit, en fait, de préciser sur le plan législatif la responsabilité financière des organismes gestionnaires en cas de non-respect de ces engagements, plutôt que de laisser cette question en suspens dans l'attente d'éventuels contentieux.
Le principe est simple : les organismes gestionnaires qui ne seraient pas en mesure de justifier, lors d'un contrôle a posteriori, des sommes demandées à l'Etat, devront reverser ces sommes. Le versement des sommes dues par l'Etat pourra ainsi s'effectuer en toute sécurité et dans les meilleurs délais.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu à connaître de cet amendement, mais il est clair que celui-ci répond aux exigences du contrôle et qu'il s'agit d'assurer la bonne gestion des deniers publics.
Pour ce qui me concerne, je voterai donc cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-41.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 88, ainsi modifié.

(L'article 88 est adopté.)

Article 89

M. le président. « Art. 89. - I. - Les taux de majoration applicables aux rentes viagères constituées entre particuliers, conformément à la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 révisant certaines rentes viagères constituées entre particuliers et aux rentes viagères visées par l'article premier de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions, sont ainsi fixés :


TAUX DE LA MAJORATION

(en pourcentage)

PÉRIODE AU COURS DE LAQUELLE

est née la rente originaire

82 405,2 Avant le 1er août 1914.
47 047,7 Du 1er août 1914 au 31 décembre 1918.
19 755,3 Du 1er janvier 1919 au 31 décembre 1925.
12 078,1 Du 1er janvier 1926 au 31 décembre 1938.
8 690,2 Du 1er janvier 1939 au 31 août 1940.
5 251,6 Du 1er septembre 1940 au 31 août 1944.
2 541,8 Du 1er septembre 1944 au 31 décembre 1945.
1 176,7 Années 1946, 1947 et 1948.
628,7 Années 1949, 1950 et 1951.
451,4 Années 1952 à 1958 incluse.
360,0 Années 1959 à 1963 incluse.
335,2 Années 1964 et 1965.
315,0 Années 1966, 1967 et 1968.
292,2 Années 1969 et 1970.
250,4 Années 1971, 1972 et 1973.
167,7 Année 1974.
153,1 Année 1975.
131,5 Années 1976 et 1977.
114,9 Année 1978.
96,0 Année 1979.
73,9 Année 1980.
54,2 Année 1981.
43,1 Année 1982.
36,0 Année 1983.
30,1 Année 1984.
26,6 Année 1985.
24,4 Année 1986.
21,6 Année 1987.
18,7 Année 1988.
16,0 Année 1989.
12,7 Année 1990.
10,0 Année 1991.
7,3 Année 1992.
5,1 Année 1993.
3,4 Année 1994.
1,3 Année 1995. »


« II. - Dans les articles 1er, 3, 4, 4 bis et 4 ter de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 précitée, la date du 1er janvier 1995 est remplacée par celle du 1er janvier 1996.
« III. - Les dispositions de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 précitée sont applicables aux rentes perpétuelles constituées entre particuliers antérieurement au 1er janvier 1996.
« Le capital correspondant à la rente en perpétuel dont le rachat aura été demandé postérieurement au 30 septembre 1996 sera calculé, nonobstant toutes clauses ou conventions contraires, en tenant compte de la majoration dont cette rente a bénéficié ou aurait dû bénéficier en vertu de la présente loi.
« IV. - Les actions ouvertes par la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 précitée, complétée par la loi n° 52-870 du 22 juillet 1952 et modifiée par le IV de l'article 104 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) pourront à nouveau être intentées pendant un délai de deux ans à dater de la publication de la présente loi.
« V. - Les taux de majoration fixés au I ci-dessus sont applicables, sous les mêmes conditions de date, aux rentes viagères visées par la loi n° 48-957 du 9 juin 1948 portant majoration des rentes viagères constituées au profit des anciens combattants auprès des caisses autonomes mutualistes ainsi qu'aux rentes constituées par l'intermédiaire des sociétés mutualistes au profit des bénéficiaires de la majoration attribuée en application de l'article L. 321-9 du code de la mutualité. » ( Adopté. )

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 42 à 45, 45 bis, et 46 à 53 du projet de loi de finances, qui concernent les comptes spéciaux du Trésor.

C. - Opérations à caractère définitif
des comptes d'affectation spéciale

Article 42

M. le président. « Art. 42. - I. - Au I de l'article 57 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), les mots : "de l'industrie des programmes audiovisuels" sont remplacés par les mots : "de l'industrie audiovisuelle" ».
« II. - Au 2° du II de l'article 57 de la même loi, les mots : "de l'industrie des programmes audiovisuels, à l'exclusion des oeuvres cinématographiques, destinés aux services de télévision soumis à la taxe et au prélèvement prévus à l'article 36 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179 du 29 décembre 1983)" sont remplacés par les mots : "de l'industrie audiovisuelle". »
M. le président. Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'article 42.

(L'article 42 est adopté.)

Article 43

M. le président. « Art. 43. - I. - L'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est ainsi rédigé :
« Art. 71 . - Il est ouvert, dans les écritures du Trésor, un compte d'affectation spéciale n° 902-24 intitulé « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés" ».
« Ce compte retrace :
« - en recettes, le produit des ventes par l'État de titres, de parts ou de droits de sociétés, le reversement par l'Entreprise de recherche et d'activités pétrolières (ERAP), sous toutes ses formes, du produit de cessions de titres de la société Elf-Aquitaine, ainsi que les versements du budget général ou d'un budget annexe ;
« - en dépenses, les dépenses afférentes aux achats et aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés, les dotations en capital, avances d'actionnaire et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics, les reversements au budget général, les versements à la Caisse d'amortissement de la dette publique et les versements au Fonds de soutien des rentes. »
« II. - Le compte d'affectation spéciale n° 902-27 intitulé "Compte d'affectation des produits de cessions de titres du secteur public au désendettement de l'Etat", créé par l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995), est clos à la date du 31 décembre 1996.
« Le solde du compte d'affectation spéciale n° 902-27 au 31 décembre 1996 est repris à compter du 1er janvier 1997 sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24. » ( Adopté.)

Article 44

M. le président. « Art. 44. - Il est ouvert, à compter du 1er février 1997, dans les écritures du Trésor, un compte d'affectation spéciale n° 902-29 intitulé "Fonds pour le logement des personnes en difficulté". »
« Le ministre chargé du logement est l'ordonnateur principal de ce compte qui retrace :
« 1° En recettes :
« - le produit de la contribution prévue à l'article 302 bis ZC du code général des impôts, sur les logements locatifs qui entrent dans le champ d'application du supplément de loyer de solidarité prévu à l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation,
« - les versements du budget général de l'État,
« - les recettes diverses et accidentelles ;
« 2° En dépenses :
« - la participation de l'État aux fonds de solidarité pour le logement institués par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement,
« - la contribution de l'État au Fonds national de l'aide au logement pour l'aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées, prévue à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale,
« - les restitutions de sommes indûment perçues,
« - les versements au budget général de l'État,
« - les dépenses diverses et accidentelles. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 44 du projet de loi de finances consacre, si l'on peut dire, les conséquences de la discussion, en première partie, de l'article 11 qui consistait à modifier les modalités de perception de ce que l'on a appelé « supplément de loyer de solidarité » et son affectation au financement de l'aide aux plus mal logés et aux sans-logis.
Nous nous trouvons donc dans une situation que je qualifierai d'assez cocasse : le Gouvernement vient, en effet, de faire voter un projet de loi portant sur le pacte de relance pour la ville et il s'apprête à soumettre à l'approbation des deux assemblées un texte sur le renforcement de la cohésion sociale.
Par conséquent, on pourrait s'attendre à ce que le logement des plus démunis et l'action de l'Etat en faveur des mal logés bénéficient d'un soutien particulier, traduit en valorisation budgétaire. Seulement, chacun le mesure ici, il n'en est rien !
En effet, le chapitre budgétaire consacré à la construction de logements neufs est en baisse de 1,8 milliard de francs au titre de la dotation PLA-PALULOS, de 3,5 milliards de francs pour l'accession sociale, tandis que le financement par l'Etat du fonds de solidarité pour le logement est purement et simplement évacué au travers de l'ouverture du compte spécial 902-29 dont nous discutons précisément ici.
Pour aggraver le tout, la ligne budgétaire des prêts PAP est allégée de près de 1 milliard de francs en loi de finances rectificative ; nous examinerons cette question dans quelques jours.
De même que pour bien d'autres budgets, le carcan des obligations européennes et la soumission aux marchés financiers servent à justifier l'injustifiable.
Avec l'article 44, nous sommes même dans une situation assez étonnante.
Les locataires de logements sociaux à revenus moyens sont-ils responsables de la crise du logement dont souffrent parfois leurs propres enfants ou les personnes qui vivent dans la grande précarité ?
C'est pourtant cette impression qui devrait simplement découler du principe même de l'affectation du produit du supplément de loyer de solidarité au fonds de solidarité pour le logement.
Ainsi, certains locataires payeront deux fois : la première fois pour la part de leur loyer que leur bailleur retient pour provisionner les impayés de loyer éventuellement constatés ; la seconde fois pour la même chose au titre du supplément de loyer de solidarité.
Pourtant, je ne crois pas que l'on puisse en toute honnêteté intellectuelle incriminer des ménages qui disposent de revenus égaux à au moins 2,5 SMIC d'être responsables de la situation.
Si les loyers demeurent inaccessibles à de trop nombreuses familles, n'est-ce pas aussi parce que l'aide à la pierre à la construction neuve ne cesse de baisser et que le projet de budget pour 1997 consacre d'ailleurs ce mouvement ?
Si le marché n'est pas en situation d'offrir à certaines familles devant acquitter le surloyer des logements aussi confortables et au même prix que ceux qu'ils occupent, n'est-ce pas parce que l'on a laissé depuis dix ans, avec la loi Méhaignerie, le niveau des loyers déraper et progresser bien plus vite que les salaires, l'inflation et a fortiori l'indice du coût de la construction ?
La lutte contre la pauvreté et l'exclusion exigent d'autre moyens que les médiocres artifices utilisés dans ce projet de budget. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article 44.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 44.
M. Alain Richard. Le groupe socialiste vote contre.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen vote également contre.

(L'article 44 est adopté.)

Article 45

M. le président. « Art. 45. - Il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte d'affectation spéciale n° 902-30 intitulé "Fonds pour le financement de l'accession à la propriété". »
« Le ministre chargé du logement est ordonnateur principal de ce compte qui retrace :
« 1° En recettes :
« - les versements prévus à l'article 29 de la présente loi ;
« - les versements des sommes figurant sur le compte d'affectation spéciale n° 902-28 "Fonds pour l'accession à la propriété » ;
« - les recettes diverses et accidentelles ;
« 2° En dépenses :
« - les aides non fiscales à l'accession sociale à la propriété ;
« - les restitutions de sommes indûment perçues ;
« - les dépenses diverses et accidentelles et les frais de gestion. » ( Adopté. )

Article 45 bis

M. le président. « Art. 45 bis. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 2335-9 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° L'attribution de subventions en capital aux exploitations agricoles pour l'exécution de travaux de maîtrise des pollutions d'origine agricole destinés à assurer la protection de la qualité de l'eau. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 3232-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Dans le cadre des lois et règlements, le département règle, sur la base des propositions présentées par les collectivités et exploitations agricoles concernées, la répartition de ces dotations, d'une part entre les communes rurales, leurs groupements et les exploitations agricoles qui réalisent les travaux mentionnés à l'article L. 2335-9, d'autre part entre les collectivités territoriales ou leurs groupements et les maîtres d'ouvrage des travaux d'électrification rurale pouvant bénéficier des participations du fonds d'amortissement des charges d'électrification. »
« III. - L'article L. 3232-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 3232-3 . - Le département règle sur la base des propositions présentées par les collectivités et les exploitations agricoles concernées la répartition des aides mentionnées à l'article L. 2335-11 entre les communes rurales, leurs groupements et les exploitations agricoles qui réalisent les travaux mentionnés à l'article L. 2335-9. »
Par amendement n° II-27 MM. Gaillard, Oudin et Doublet proposent de remplacer le texte présenté par le I de cet article pour insérer un alinéa 4° avant le dernier alinéa de l'article L. 2335-9 du code général des collectivités territoriales par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Jusqu'en l'an 2000, l'attribution de subventions en capital aux exploitations agricoles pour l'exécution de travaux de maîtrise des pollutions d'origine agricole destinés à assurer la protection de la qualité de l'eau.
« A l'issue de cette date, il sera procédé à un réexamen de cette compétence du FNDAE. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cet amendement a pour objet de parfaire l'extension du dispositif du FNDAE qui avait été prévue dans l'article 45 bis par nos collègues de l'Assemblée nationale.
L'article 45 bis étend le champ des personnes éligibles aux interventions du FNDAE aux exploitations agricoles, alors que, dans le régime en vigueur, seuls des collectivités territoriales ou groupements de collectivités pouvaient bénéficier de ses interventions.
Il se traduit aussi par un élargissement géographique du champ d'intervention puisque, par tradition, réservées aux zones rurales, les dotations versées par le FNDAE pourront bénéficier à des zones non rurales dès lors que l'exploitation bénéficiaire y sera localisée.
L'objet de l'amendement n° II-27 est de limiter dans le temps l'extension de la compétence du FNDAE aux pollutions agricoles. En effet, notre Haute Assemblée avait décidé, vous vous en souvenez sans doute, une hausse de la redevance de un centime en 1997 pour faire face à cette nouvelle dépense incombant au FNDAE. En l'an 2000, il sera procédé à un réexamen de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 45 bis , ainsi modifié.

(L'article 45 bis est adopté.)

Article 46

M. le président. « Art. 46. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 1997, au titre des services votés des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 16 577 797 000 F. » ( Adopté. )

Article 47

M. le président. « Art. 47. - I. - Il est ouvert aux ministres, pour 1997, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 38 989 200 000 F.
« II. - Il est ouvert aux ministres, pour 1997, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 36 657 747 000 F, ainsi répartie :

« Dépenses ordinaires civiles

2 127 170 000 F

« Dépenses civiles en capital

34 520 577 000 F

« Total

36 647 747 000 F. »

Sur cet article, je suis saisi de deux amendements.
Par amendement n° II-38, le Gouvernement propose :
I. - De minorer les autorisations de programme du I de 69 000 000 francs et de minorer les dépenses civiles en capital du II de 69 000 000 francs.
II. - De majorer les autorisations de programme du I de 69 000 000 francs et de majorer les dépenses civiles en capital du II de 69 000 000 francs.
Par amendement n° II-39, le Gouvernement propose :
I. - De majorer les autorisations de programme du I de 12 000 000 francs.
II. - De majorer les dépenses ordinaires civiles du II de 66 000 000 francs.
III. - De majorer les dépenses civiles en capital du II de 12 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. L'amendement n° II-38 est relatif aux voies navigables. L'amendement n° II-39 a pour objet de tirer les conséquences du vote, dans la première partie du projet de loi de finances, de deux amendements majorant les recettes de comptes d'affectation spéciale.
Il s'agit tout d'abord de la majoration de 1 centime de la redevance sur les consommations d'eau au profit du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
Cette majoration se traduit par une augmentation des recettes du compte d'affectation spéciale de 12 millions de francs en 1997 et par une majoration du plafond des dépenses à due concurrence.
Ces modifications ont déjà été prises en compte dans la première partie de la loi de finances.
Il convient maintenant de préciser sur quel chapitre ajouter ces crédits au sein du FNDAE. Il est proposé de les inscrire en autorisations de programme et en crédits de paiement sur le chapitre 02 : « Versement de subventions en capital ».
Il est rappelé que la majoration des recettes du compte sera, en année pleine, de 35 millions de francs.
Le Sénat a également adopté un amendement portant de 2,4 à 2,6 % le taux du prélèvement opéré sur La Française des jeux et affecté au fonds national pour le développement du sport.
Toute chose égale par ailleurs, cet amendement a pour effet de porter à 916 millions de francs les recettes théoriques du FNDS, contre 850 millions de francs prévus dans le projet de loi de finances par le Gouvernement.
Compte tenu de la progression exceptionnelle ainsi apportée au FNDS - 12 % d'augmentation de crédits - je propose, en accord avec mon collègue chargé de la jeunesse et des sports, la répartition suivante.
Tout d'abord, 16 millions de francs seront inscrits sur le chapitre 01 « Subventions pour l'aide au sport de haut niveau » comme provision au titre d'éventuelles demandes complémentaires du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, pour l'apurement de compte du comité d'organisation des jeux Olympiques, le COJO, d'Albertville. A défaut, ces crédits pourront être attribués aux fédérations qui sont, en fait, indifféremment financées sur ce chapitre 1 ou sur le chapitre 3.
Ensuite, 50 millions de francs seront inscrits sur le chapitre 03 « Subventions de fonctionnement pour l'aide au sport de masse » afin de financer la part des conventions d'objectifs avec les fédérations qui, jusqu'à cette année, étaient financées sur le titre IV du budget des sports ; cette mesure répond pleinement à l'objectif de rationalisation du financement des fédérations qu'a souhaité le Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission n'a pas eu le loisir d'en discuter. Mais, à titre personnel, et croyant interpréter sa pensée, j'émets un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-38.
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. L'heure n'est pas au baroud d'honneur, mais, même pour 16 millions de francs, le solde du compte du comité d'organisation des jeux Olympiques ne devrait pas figurer dans les dépenses du FNDS !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-38.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-39.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 47, modifié.

(L'article 47 est adopté.)

II. - Opérations à caractère temporaire

Articles 48 à 53

M. le président. « Art. 48. - I. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 1997, au titre des services votés des opérations à caractère temporaire des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 44 646 000 F.
« II. - Le montant des découverts applicables, en 1997, aux services votés des comptes de commerce est fixé à 1 811 000 000 F.
« III. - Le montant des découverts applicables, en 1997, aux services votés des comptes de règlement avec les Gouvernements étrangers est fixé à 308 000 000 F.
« IV. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 1997, au titre des services votés des comptes d'avances du Trésor, est fixé à la somme de 356 327 000 000 F.
« V. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 1997, au titre des services votés des comptes de prêts, est fixé à la somme de 3 837 500 000 F. » ( Adopté. )
« Art. 49. - Il est ouvert aux ministres, pour 1997, au titre des mesures nouvelles des opérations à caractère temporaire des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme et des crédits de paiement s'élevant respectivement à 58 000 000 F et 12 180 000 F. » ( Adopté. )
« Art. 50. - II est ouvert aux ministres, pour 1997, au titre des mesures nouvelles des comptes de prêts, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 145 000 000 F. » ( Adopté. )



« Art. 51. _ Il est ouvert aux ministres, pour 1997, au titre des mesures nouvelles des comptes de commerce, une autorisation de découvert s'élevant à 1 000 000 F. » ( Adopté. )
« Art. 52. _ Le compte de commerce n° 904-09 intitulé « Gestion de titres du secteur public et apports et avances aux entreprises publiques », créé par l'article 16 de la loi n° 49-310 du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor, est clos à la date du 31 décembre 1996.
« Le solde du compte de commerce n° 904-09 au 31 décembre 1996 est repris à compter du 1er janvier 1997 sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24 « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés. » ( Adopté. )
« Art. 53. _ A l'article 72 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991), la date : « 31 décembre 1996 » est remplacée par la date : « 31 décembre 1997. » ( Adopté. )
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.

Renvoi de la suite de l'ordre du jour

M. le président. L'examen des dispositions concernant les services financiers, y compris la consommation, ainsi que celui du budget annexe des Monnaies et médailles sont renvoyés à la suite de l'ordre du jour du samedi 7 décembre prochain, dans l'espace prévu pour les éventuelles discussions reportées.6

communication de l'adoption définitive
de propositions d'acte communautaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 29 novembre 1996, l'informant que :
La proposition d'acte communautaire n° E 297 - communication de la Commission. Action communautaire dans le domaine de la toxicomanie. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant adoption d'un programme d'action communautaire pour la prévention de la toxicomanie conformément au cadre de l'action dans le domaine de la santé publique (1995-2000) - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 12 novembre 1996.
La proposition d'acte communautaire n° E 476 - proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 26 novembre 1996.
La proposition d'acte communautaire n° E 564 - proposition de décision du Conseil concernant la signature et la notification de l'application provisoire de l'accord international de 1995 sur le caoutchouc naturel au nom de la Communauté - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 22 novembre 1996.
La proposition d'acte communautaire n° E 679 - proposition de règlement du Conseil portant protection contre les effets de l'application de certains textes législatifs de pays tiers et contre les actions s'appuyant sur ces textes ou en résultant - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 22 novembre 1996.
La proposition d'acte communautaire n° E 725 - proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion de l'accord intérimaire sur le commerce et les mesures d'accompagnement et d'un protocole portant modification de l'accord européen entre la Communauté européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part - a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 25 novembre 1996.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Loridant une proposition de loi relative à la mise en place d'un label de conformité sociale garantissant la non-utilisation d'enfants dans tout processus de fabrication et de production de biens ou produits importés.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 112, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Larché un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur les droits de l'enfant.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 110 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jacques Larché, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Michel Rufin et Jacques Mahéas un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale à la suite de la mission effectuée au Liban du 7 au 17 octobre 1996.

Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 111 et distribué.9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 décembre 1996, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997 adopté par l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- Education nationale, enseignement supérieur et recherche.
I. - Enseignement scolaire : M. Jacques Delong, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 13) ; M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 87, tome IV) ; M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement technique, avis n° 87, tome VII).
II. - Enseignement supérieur : M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 14) ; M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 87, tome VI).
III. - Recherche : M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 15) ; M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (recherche scientifique et technique, avis n° 87, tome VIII) ; M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 88, tome VII).
- Jeunesse et sports : M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial (rapport n° 86, annexe n° 30) ; M. François Lesein, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 87, tome IX).
En outre, à quinze heures, un hommage solennel en séance publique sera rendu à André Malraux.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1997 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1997 est fixé au vendredi 6 décembre 1996, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 3 décembre 1996, à zéro heure trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Roger Rigaudière a été nommé rapporteur du projet de loi n° 109 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, sur la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et les déchets d'abattoirs et modifiant le code rural.