M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est-ce qu'un budget ?
Si l'on s'en tient à une définition purement juridique, c'est, bien sûr, un acte qui permet la perception de recettes et un certain nombre de dépenses. C'est à cette conception que nous nous en tiendrons dans une première partie pour pouvoir dire, monsieur le ministre, que ce projet de budget est financièrement honnête et satisfaisant.
Mais le budget peut aussi être considéré comme un acte permettant la réalisation d'un certain nombre de politiques, un acte insufflant une certaine dynamique. C'est à cette seconde conception que nous nous en tiendrons dans une seconde partie, pour voir, monsieur le ministre, si votre projet de budget est de nature à combler les attentes des élus locaux et à mettre fin à une inquiétude que l'on sent parfois sourdre.
Ce projet de budget est donc financièrement honnête et satisfaisant. Cela peut être considéré comme une grande qualité.
Le pacte de stabilité des relations financières Etat-collectivités locales est respecté scrupuleusement : et vous avez su, parfois habilement, éviter un certain nombre d'écueils.
Le pacte de stabilité financière est respecté scrupuleusement : la loi de finances pour 1996 prévoyait que, pour un certain nombre de dotations - elles sont probablement en trop grand nombre, d'ailleurs, et mériteraient peut-être d'être regroupées - l'Etat s'engageait, en 1996, en 1997 et en 1998, à garantir aux collectivités une progression qui serait égale à celle des prix. Pour 1997, cette progression de 1,3 % est garantie et, au sein même de ce pacte, de cette enveloppe que l'on dit parfois « enveloppe normée », les différents concours respectent parfaitement les règles législatives mises en place ces dernières années.
Tout d'abord, tous les mécanismes de la dotation globale de fonctionnement ont été parfaitement respectés. Je serais presque tenté de dire qu'ils ont été trop bien respectés puisque, monsieur le ministre, vous avez été amené à appliquer les dispositions d'un amendement de l'Assemblée nationale et donc à recaler à la baisse la base de calcul de la dotation globale de financement pour 1997. Cette dernière, dont la progression annoncée était de 1,95 %, n'augmentera donc que de 1,26 %.
Mais une règle qui peut donner un mauvais résultat une année peut éventuellement donner de meilleurs résultats pour 1998 ; c'est en tout cas ce que nous souhaitons.
Toutes les autres dotations - la dotation spéciale instituteurs, la dotation générale de décentralisation, la dotation générale de décentralisation-Corse, la dotation formation professionnelle - vont augmenter comme la DGF, avec le rattrapage prévu de 0,1 % sur 1996. Il n'y a donc rien à dire de ce point de vue, sinon pour répéter que vous avez bien appliqué les engagements que vous aviez pris. Comme il est rare que l'on tienne tous ses engagements, il faut le souligner lorsque cela est fait.
Pour les autres concours compris dans le pacte de stabilité financière - le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le fonds national de péréquation, la dotation globale d'équipement et les enveloppes destinées à aider les régions et les départements à construire les lycées et les collèges - vous avez fait comme pour la DGF, monsieur le ministre.
Pour arriver à cette progression de 1,3 %, vous avez dû augmenter la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, hors compensation pour la réduction pour embauche et investissement, de 2 %. Certes, si cette augmentation est importante en pourcentage, ce concours a cependant subi, ces dernières années, des amputations nombreuses et répétées. Par conséquent, cette progression est moins importante qu'il n'y paraît et cette DCTP n'entraîne pas un supplément de dépenses important pour l'Etat.
Le pacte de stabilité financière est respecté scrupuleusement, ai-je dit. Mais vous avez su aussi éviter un certain nombre d'écueils, monsieur le ministre, et j'en citerai deux.
S'agissant de la CNRACL, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, vous avez évité l'écueil habilement : grâce en quelque sorte à un trésor, qui devait quand même être caché - sinon, il aurait probablement été amputé les années précédentes ! - l'équilibre de la CNRACL sera assuré pour 1997, ce dont nous devons, je crois, vous remercier et vous féliciter. Par conséquent, il n'y aura pas d'augmentation des taux de cotisation à la CNRACL, en 1997. Mais ce moyen ne pourra servir qu'une fois ! Il faudra donc que nous employions le temps qui nous reste, c'est-à-dire une année, à réformer la CNRACL, ce qui nous amènera probablement à nous interroger sur deux points : la surcompensation et le coût des retraites pour les collectivités locales.
Je rappelle que la Haute Assemblée a pris une position limitant le taux de surcompensation dans la loi de financement de la sécurité sociale. Mais nous devrons nous interroger sur cette compensation, et sur la façon dont elle doit fonctionner.
Nous devrons aussi mettre à plat le coût des retraites pour les collectivités locales, en sachant que la caisse de retraite des collectivités locales est aussi la caisse de retraite pour la fonction publique hospitalière. Il y a là un chantier devant lequel nous ne pourrons pas reculer en 1997.
Mais vous avez évité un second écueil, monsieur le ministre - d'ailleurs, en était-ce vraiment un ? - avec l'affaire de l'article 20. Vous aviez prévu que la dotation destinée à compenser la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement serait amputée de la moitié. On pouvait s'interroger : c'était tellement gros que l'on pouvait penser que vous aviez l'intention de faire le cadeau - probablement au Sénat - d'abandonner cette idée qui ne pouvait paraître que néfaste. Malheureusement, cela se voyait tellement que les députés vous ont demandé d'abandonner très vite cette idée. Vous avez eu la sagesse de ne pas essayer de reprendre ce thème devant la Haute Assemblée.
Nous sommes donc très satisfaits que vous ayez su éviter ces deux écueils, monsieur le ministre, même si, pour la CNRACL, il ne s'agit que d'un sursis.
Nous pouvons donc dire que l'Etat fait un effort réel en faveur des collectivités locales, en 1997, au moment où il est amené à examiner avec la plus grande rigueur ses propres dépenses.
Cet effort sera-t-il perçu à sa juste valeur ? Sera-t-il de nature à dissiper l'inquiétude des élus locaux et à satisfaire leur attente ? C'est ce que nous pouvons nous demander dans une seconde partie de ce développement.
Les élus locaux sont aujourd'hui relativement inquiets, même s'ils savent parfaitement être responsables et s'ils savent très bien qu'ils ne doivent pas attendre de l'Etat ce que ce dernier ne peut leur donner. Un sentiment d'incompréhension et d'impuissance se développe souvent parmi les élus locaux, et la récente polémique quant à l'augmentation des impôts locaux est peut-être un peu le symptôme, voire le symbole ou l'explication de ce sentiment.
Le jour même ou le lendemain de l'annonce faite par le Gouvernement de la réduction de 25 milliards de francs, en 1997, des impôts directs de l'Etat, la presse indiquait que les impôts locaux augmentaient en 1996 de près de 20 milliards de francs - la réalité est un peu moindre - et que les élus locaux reprendraient en quelque sorte ce que le Gouvernement allait donner.
Il y a là tous les facteurs d'une incompréhension qu'il faut faire cesser.
Si les élus locaux ont dû augmenter les impôts, c'est non pas par frénésie fiscale mais parce qu'ils y sont obligés, souvent en raison des charges dont ils n'ont pas réellement la maîtrise : c'est notamment le cas en matière sociale, ainsi que dans un certain nombre de secteurs où la frénésie normative - tant parfois la nôtre que celle qui peut provenir de l'Union européenne - entraîne automatiquement des dépenses.
Ce sentiment d'incompréhension et d'impuissance est relativement grave, et il se traduit aujourd'hui par la stagnation de l'investissement des collectivités locales, comme l'ont montré trois notes de conjoncture publiées en 1996. Cela me paraît grave au moment où l'Etat est lui-même obligé de réduire ses dépenses d'investissement. Dans le passé, les collectivités locales avaient largement pris le relais en matière d'investissement. Si elles-mêmes sont amenées maintenant à revenir sur leur politique d'investissement, des retards se produiront dans l'équipement du pays et des catastrophes nouvelles se produiront du point de vue de l'emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, déjà largement menacé.
Pour apaiser l'inquiétude des élus locaux, le Gouvernement doit donner des signaux clairs. C'est le souhait que je veux émettre en cet instant.
Sans avoir la prétention d'être exhaustif, je tiens à évoquer devant vous, monsieur le ministre, quelques pistes de réflexion.
La première concerne la TVA pour les communautés de communes. A la suite des interventions de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général, l'affaire a été réglée pour 1997. Vous le savez, les communautés de communes ont été créées en nombre à l'instigation de l'Etat, et l'un des arguments avancés, technique, certes, financier, certes, mais intéressant, est le remboursement dans l'année de la TVA.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, il faudra que vous nous aidiez, lors de l'examen du collectif budgétaire, à trouver une solution, même partielle, pour l'exercice 1996. Ce sera là un des signaux clairs à destination des élus locaux dont je parlais à l'instant.
Je crois nécessaire d'aller aussi plus avant dans la clarification des rôles, dossier qui vous tient à coeur. Clarifier les rôles, cela ne veut pas dire interdire à l'Etat et aux collectivités locales de travailler ensemble. Il convient de distinguer, de ce point de vue, le partenariat, qui est une bonne chose, de la cogestion, qui est source d'irresponsabilité. Je souhaite très vivement que vous puissiez, en 1997, avancer dans cette clarification. Qui est responsable de la dépense ? Qui décide ? Permettez-moi d'illustrer mon propos par deux exemples, très différents, mais qui montrent qu'il reste beaucoup de travail à faire.
Le premier est celui des installations sportives. Usant de leur pouvoir normatif, les fédérations sportives s'en donnent à coeur joie et inventent chaque année des règles nouvelles qui se traduisent par des dépenses que les élus locaux sont obligés d'accepter.
Le second exemple concerne le domaine social, domaine infrajuridique dans lequel la circulaire contrarie sans vergogne la loi ou le décret, ce qui se traduit, là encore, par une augmentation de l'ensemble des dépenses.
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut et doit donner quelques signaux clairs aux élus locaux pour satisfaire leur attente. C'est à cette condition, et compte tenu des efforts réels que vous avez accomplis, que ce budget, financièrement bon, deviendra tout simplement un bon budget. Pour l'heure, au nom de la commission des finances, je conclurai à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Bravo, monsieur le rapporteur spécial ! Nous sommes dans les temps, ce qui est formidable !
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous trouverez dans mon rapport écrit une analyse approfondie des concours de l'Etat aux collectivités locales et de l'effort en faveur de l'administration territoriale. Je me bornerai, dans ce rapport oral, à quelques observations essentielles.
En premier lieu, donnons acte au Gouvernement du respect, dans un contexte budgétaire difficile, des règles fixées pour une période de trois ans par la loi de finances pour 1996. L'application, en 1997, du pacte de stabilité permettra notamment une progression de 2 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui aurait, à défaut de ce pacte, diminué de 0,61 %.
Autre sujet de satisfaction, la cotisation employeur à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, n'augmentera pas en 1997, même si les perspectives pour les années suivantes demeurent préoccupantes.
La dotation globale de fonctionnement, la DGF, atteindra 104,8 milliards de francs en 1997. Il convient de rappeler que 1996 a été une année de transition fondamentale pour l'adaptation de la réforme de la DGF réalisée en 1993, laquelle avait structuré la DGF des communes autour d'une dotation forfaitaire et d'une dotation d'aménagement.
La loi du 26 mars 1996 a, en effet, permis au comité des finances locales de prévoir une progression plus significative de la dotation forfaitaire. Elle a, en outre, autorisé un effort accru en faveur des communes urbaines en difficulté tout en préservant une bonne progression de la dotation de solidarité rurale et en maintenant le nécessaire soutien à l'intercommunalité. Elle a, enfin, amélioré les critères de répartition, en particulier pour la dotation de solidarité urbaine, les rendant ainsi plus fiables. Je tiens ici à rappeler le travail de fond accompli par les différentes commissions de la Haute Assemblée ainsi que par le comité des finances locales.
Pour 1997, la dotation forfaitaire progressera moins fortement, mais elle pourra bénéficier, dans une proportion comprise entre 50 % et 55 %, du taux d'augmentation de la masse mise en répartition. Si le besoin supplémentaire de financement de l'intercommunalité était identique à celui de 1996, la dotation de solidarité urbaine pourrait progresser de 2,2 %, et la dotation de solidarité rurale de 5,5 %.
Force est néanmoins de constater la très grande dispersion des concours de l'Etat, dont les règles sont devenues de plus en plus complexes.
L'évolution des concours de l'Etat s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte dans lequel les budgets locaux disposent de marges réduites, notamment en raison du poids des dépenses de personnel, qui sont pour l'essentiel liées à des décisions de l'Etat, et des dépenses d'aide sociale, qui représentent 60 % des dépenses de fonctionnement des seuls départements.
Cela étant, la commission des lois souhaite, cette année encore, insister sur la nécessaire clarification des conditions d'exercice des compétences locales.
Après la première avancée qu'ont constituée les réflexions de la commission Delafosse, l'année 1996 aura été marquée par la mise en place, au sein du comité des finances locales, d'un observatoire qui a approuvé les rapports de nos collègues MM. Joël Bourdin et Paul Girod. Le premier traite de l'état des finances locales, le second est relatif à la compensation financière des transferts de compétences.
Ce dernier rapport constate la rupture entre l'évolution forte de ces charges et celle des ressources transférées qui n'ont pas permis une véritable compensation. Ses conclusions sont corroborées par le rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges, récemment rendu public.
De ces réflexions, la commission des lois tire en particulier la conclusion que la notion de « pacte de stabilité » devrait englober non seulement les concours de l'Etat, mais également les charges par la généralisation d'études d'impact préalables.
La commission des lois constate, en outre, les difficultés croissantes qu'éprouvent les collectivités locales pour faire face à l'adaptation aux normes dont les élus locaux ne perçoivent pas l'urgence et dont ils constatent que les conséquences budgétaires sont contraires au souhait de voir diminuer la charge fiscale et parafiscale des citoyens ou des usagers.
Il s'agit, notamment, des normes imposées par la loi sur l'eau et par la loi sur les déchets, dont les conséquences sont perceptibles dès à présent. Il ne sera pas possible de tenir les exigences de calendrier fixées par la loi. Il ne sera pas possible non plus d'imposer à une population soucieuse de la création d'emplois une majoration de taxes ou de redevances. Pour les ordures ménagères, les impositions annuelles dépassent déjà dans certaines communes la taxe d'habitation.
Le respect des normes de sécurité a eu, de même, une série de conséquences : désignation de coordonnateurs de sécurité ; vérification tatillonne des agrès sportifs, suspicion sur la présence d'amiante dans les équipements.
Il serait indispensable de faire l'utile et le possible avant de s'attaquer à l'impossible !
La commission des lois exprime le souhait que les politiques sectorielles ne remettent pas en cause l'objectif du pacte de stabilité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. André Bohl, rapporteur pour avis. Ces dernières souhaitent une clarification de leurs compétences, mais plus encore de leurs responsabilités financières. Or l'Etat, par certaines mesures contenues dans la loi de finances, revient sur diverses dispositions d'exonération de fiscalité locale, en modifiant les critères. Il en est ainsi des exonérations de taxe professionnelle et de taxe d'habitation.
Il paraît sage de recommander également que les exonérations voulues par l'Etat soient compensées intégralement par lui. Le Sénat a ainsi sagement refusé, après l'Assemblée nationale, les inflexions relatives à la réduction pour embauche et investissement.
Au demeurant, est-il raisonnable que les compensations d'exonérations et dégrèvements représentent 30 % de la fiscalité locale ?
La commission des lois souhaite par ailleurs que le processus de codification et de simplification des textes applicables aux collectivités locales soit poursuivi, notamment par l'achèvement de la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales et par la réforme du régime de la coopération intercommunale. Nous savons, monsieur le ministre, que c'est bien l'orientation que vous mettez en oeuvre.
Enfin, l'ensemble des dispositions de la loi du 27 décembre 1994 relatives à la fonction publique territoriale doivent désormais être mises en oeuvre dans les meilleurs délais avec la parution des derniers textes réglementaires d'application.
Je voudrais terminer mon rapport oral sur une observation relative à l'administration territoriale de l'Etat. Les crédits sont en augmentation de 4,1 %, mais ils intègrent un transfert d'une enveloppe auparavant inscrite au budget des charges communes au titre de l'affranchissement postal. Dans le cadre de la réforme des services de l'Etat que vous avez entreprise, monsieur le ministre, l'objectif de modernisation des services déconcentrés paraît essentiel.
Il est souhaitable que les pôles de compétences soient développés pour que la multiplicité des interlocuteurs soit évitée aux usagers et aux collectivités. Faciliter les contacts entre l'Etat et les usagers doit être un objectif prioritaire pour un Etat se consacrant au caractère régalien de sa mission.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'approuver les crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez été aussi exemplaire que M. le rapporteur spécial. Je vous félicite l'un et l'autre. (Sourires.)
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je voterai bien entendu le budget que vous nous présentez.
Bien sûr, les crédits qui sont affectés aux collectivités locales peuvent être jugés insuffisants par rapport aux missions qui leur incombent mais, dans un contexte économique, social et financier exceptionnellement difficile, le budget relatif à l'administration territoriale et à la décentralisation est réaliste.
Nos excellents rapporteurs, MM. Michel Mercier et André Bohl, ont rappelé les préoccupations de nos collectivités locales : d'une part, l'effet de ciseaux entre des charges régulièrement croissantes et des recettes qui ne croissent pas au même rythme ; d'autre part, la recherche de moyens nouveaux pour poursuivre une politique d'investissement plus que jamais indispensable à l'économie et à l'emploi dans notre pays.
En ce qui concerne les recettes, le poids de la fiscalité locale est de plus en plus durement ressenti par les contribuables, d'autant plus qu'il s'agit, comme le rapport de Michel Mercier le met en évidence, d'un « effet taux » plus que d'un « effet base », conséquence logique d'une conjoncture économique difficile.
De surcroît, l'absence de mise en oeuvre des bases révisées et le caractère de plus en plus inadapté de la taxe professionnelle accentue encore le sentiment qu'éprouve le contribuable local. Et tout cela s'accompagne de compensations de plus en plus coûteuses pour l'Etat.
Nous subissons, de plus, l'évasion des centres de décision économique de nos régions, ce qui réduit encore d'autant la base sur laquelle est fondée la taxe professionnelle.
En ce qui concerne les dotations de l'Etat, le respect strict du pacte de stabilité doit être souligné.
Dans le cadre de ce pacte, la dotation globale de fonctionnement progressera de 1,95 %. L'effet de meilleure solidarité recherché par la réforme de la DGF de 1993 continue ainsi à se concrétiser, et j'approuve entièrement le consolidation de la part réservée à la dotation aménagement, et plus particulièrement de la part consacrée à l'intercommunalité. C'est elle qui exprime concrètement la volonté de renforcer la solidarité et le souci de stimuler la coopération intercommunale.
Mais les préoccupations les plus fortes sont celles qui concernent les dépenses et elles proviennent généralement, monsieur le ministre, de décisions extérieures à votre ministère.
Certaines dérives de la décentralisation remontent pratiquement à la mise en oeuvre de celle-ci. Le non-parallélisme des compétences transférées et des dotations qui devraient les compenser est un handicap pour les collectivités, mais cela ne les a pas empêchées d'assumer avec volontarisme leurs compétences nouvelles : lycées et collèges en témoignent.
La politique partenariale instaurée pour demander aux collectivités territoriales d'assumer une part de la charge concernant des compétences restées formellement de l'Etat constitue un deuxième exemple : universités et routes nationales en sont l'illustration.
Je voudrais surtout évoquer, après MM. les rapporteurs, les contraintes nouvelles liées à l'environnement et à la sécurité qui laissent présager une augmentation sensible des dépenses des collectivités.
A la suite de plusieurs décisions prises aux niveaux national et européen - auxquelles le Parlement a généralement adhéré - les collectivités vont se trouver confrontées à une progression forte de leurs charges, non seulement dans les domaines de l'élimination des déchets, du traitement des eaux usées, du désamiantage, de l'air, mais aussi avec la mise aux normes des installations sportives, sans qu'elles aient toujours les moyens d'y faire face.
Sur le principe, ces mesures ne sauraient être contestées, car elles peuvent être une bonne chose. Qui pourrait d'ailleurs les contester dans un contexte où elles répondent à une demande croissante de nos concitoyens ? Mais, sans ressources nouvelles transférées, elles pèseront lourdement sur les collectivités.
En outre, les décideurs, Michel Mercier l'a rappelé, ne sont souvent pas, en l'occurrence, les payeurs, et je m'associe pleinement aux déclarations du rapporteur de la commission des finances pour vous demander, monsieur le ministre, que soient assouplis, voire reportés, les délais de réalisation de ces investissements imposés par la loi.
Après ces considérations strictement budgétaires, je voudrais, en concluant, exprimer ma conviction que la décentralisation liée à la déconcentration est plus que jamais indispensable. Il n'est pas inutile de le rappeler à un moment où le principe même de la décentralisation est trop souvent mis en cause, car on cherche à lui imputer à la fois certains comportements individuels et la hausse de la fiscalité locale. Il convient de rappeler - et de le faire sans complexe - que le bilan de la décentralisation est positif...
M. Alain Richard. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. ... et que la décentralisation elle-même correspond aux nécessités de l'heure.
M. René Régnault. Oui !
M. Daniel Hoeffel. Ce n'est pas parce que le contexte économique, social et financier a profondément changé et rend sa mise en oeuvre plus difficile qu'il faut mettre en cause une réforme qui va dans le sens de l'histoire. Ce qui est acquis ne doit pas être remis en cause.
C'est d'ailleurs un service à rendre à l'Etat que de lui permettre de recentrer son action sur ses fonctions régaliennes au lieu de se disperser sur des fonctions qui ne sont bien assumées que par des collectivités locales proches du terrain, proche de nos concitoyens.
M. Pierre Fauchon. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Cela ne veut pas dire que les textes en vigueur ne doivent pas être adaptés à des besoins et à un contexte évolutifs. C'est la mission, monsieur le ministre, à laquelle vous vous consacrez et, pour ce faire, vous pourrez compter, j'en suis certain, sur le concours des sénateurs.
C'est dans cet esprit que je vous apporte mes encouragements et que je vous assure de mon total soutien non seulement à votre budget mais, d'une manière générale, à votre action. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que certaines travées du RDSE.)
(M. Paul Girod remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget est l'occasion de faire le point d'une année, de réfléchir aux relations
entre l'Etat et les collectivités locales et peut-être aussi de faire un peu de
prospective.
Je souhaite, monsieur le ministre, vous remercier pour un certain nombre de
dispositions qui, au cours de l'année, ont amélioré sensiblement la qualité de
vie des élus, même si l'actualité nous laisse encore dans un certain
trouble.
C'est ainsi que la loi relative à la responsabilité pénale pour des faits
d'imprudence et de négligence a été fort appréciée, que la réforme de la
dotation de solidarité urbaine, la DSU, a été tout à fait significative pour
les villes et que le dernier protocole que nous avons signé sur le départ en
retraite des personnels âgés au profit des jeunes est aussi un élément tout à
fait important.
Deuxième éclairage qu'il convient de mettre en avant : à l'issue du dernier
congrès des maires de France, un certain nombre d'observateurs extérieurs ont
été extraordinairement impressionnés par le degré de responsabilité des élus
locaux.
Le jeu politique classique veut que l'on cherche systématiquement à faire des
reproches à l'Etat ou à le soutenir, selon que l'on estime ses concours
insuffisants ou suffisants.
Je crois pour ma part que les élus actuellement en charge des affaires ne
recherchent plus les honneurs, sont convaincus de la difficulté de la tâche et
sont extraordinairement mobilisés, mobilisables et passionnés. Par conséquent,
le débat portant sur un conflit ou une opposition entre l'Etat et les
collectivités locales est aujourd'hui dépassé et il convient de réfléchir aux
règles à mettre en place pour bâtir un partenariat efficace.
Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit là d'un discours unanime sur le plan
international ; j'en veux pour preuve le dernier sommet mondial des villes, qui
a mis en avant cette relation entre les Etats et les pouvoirs locaux. C'est
ainsi que, l'issue d'une vidéoconférence au cours de laquelle les maires
européens ont pu intervenir, il a été tout à fait significatif de voir une
unanimité se dégager sur la problématique posée entre l'Etat et les
collectivités locales : réduction des pouvoirs financiers, transfert des
charges sociales. Cela doit nous inciter à réfléchir, à nous poser un certain
nombre de questions et à ouvrir un certain nombre de chantiers.
S'agissant du budget pour 1997, le débat politique classique doit porter sur
le niveau de la dépense publique, plus de rigueur ou moins de rigueur ? C'est
un débat politique majeur. Mais, avec ce budget de rigueur, les collectivités
locales sont-elles maltraitées ? Objectivement, la réponse est non, même s'il
est vrai que les dépenses de l'Etat étant les recettes des collectivités
locales, il est plus facile de gérer quand les recettes sont abondantes !
Il faut remercier l'Assemblée nationale pour la suppression de la diminution
de la réduction pour embauche et investissement de la dotation de compensation
de la taxe professionnelle, car, à l'évidence, cela était insupportable pour
les collectivités locales. Je remercie également la commission des finances et
le Sénat pour la récupération du FCTVA dans le cadre intercommunal et la
réduction à deux ans de la composition des droits de mutation.
La question de fond est la suivante : le système peut-il continuer ainsi ? La
réponse est non. Et cela dépasse largement les problèmes du Gouvernement
actuel, car tous les gouvernements sont confrontés à cette problématique.
Si la réponse est non, comment évoluer ? Quels chantiers ouvrir ?
Les élus ont eu un sentiment d'injustice lorsque fut mise en avant
l'augmentation des impôts locaux laissant entrevoir que l'Etat était vertueux
quand les collectivités locales ne l'étaient pas.
Nous avons mis en exergue la comparaison de 1982 à 1992. La dette des
collectivités locales est restée bloquée entre 8 % et 9 % du produit intérieur
brut. L'endettement a complètement explosé au niveau de l'Etat, ce qui signifie
que, lorsque l'Etat prélève l'impôt il s'endette, car il emprunte pour
fonctionner, et que lorsque les collectivités locales empruntent, c'est pour
investir et donc pour augmenter la richesse.
A l'évidence, il va falloir mettre un terme à ce curieux paradoxe qui consiste
à demander plus d'Etat tout en ayant - probablement du fait d'une faiblesse
dans la gestion de l'Etat - affaibli l'Etat. Cela est contradictoire, et il ne
peut pas y avoir, pour reprendre la formule de l'un de nos collègues, de
communes riches dans un Etat pauvre.
Deuxième aspect des choses : nous constatons aujourd'hui un effet mécanique
d'augmentation des impôts locaux. Les dépenses de personnels représentent entre
30 % et 50 % des budgets des collectivités locales. Le niveau d'évolution se
situe aujourd'hui à l'inflation plus deux ou trois points.
L'année dernière, vous avez pris une décision courageuse, celle de bloquer
l'indice de la fonction publique à 0 %. Il faut souligner que c'est difficile
pour le personnel, mais que cela a créé une économie potentielle importante
pour les collectivités locales, de l'ordre de 6 milliards de francs à 7
milliards de francs.
Malgré le blocage de l'indice de la fonction publique à 0 %, la masse
salariale a augmenté de 3,5 %, ce qui veut dire que vous avez aujourd'hui un
effet mécanique qui se situe au niveau de l'inflation plus deux à trois points.
Lorsque vous regardez les dépenses d'aide sociale, il est inutile de faire un
discours : cela représente l'inflation plus cinq à six points.
Regardez toute la mécanique actuelle des normes réglementaires, M. Daniel
Hoeffel l'a évoquée : 80 milliards de francs pour l'eau ; 120 milliards de
francs pour les ordures ménagères ; 70 milliards de francs pour l'amiante. On
nous parle des coûts pour l'épuration, mais on ne connaît pas leur montant.
Quant aux normes de sécurité, elles sont difficiles à chiffrer.
Regardez aujourd'hui le procès de ce pauvre maire d'une ville thermale, qui
est condamné à de la prison !
On est parti sur des dizaines et des dizaines de milliards de francs qui vont
orienter nos dépenses d'investissements dans les cinq prochaines années avec,
bien évidemment, des conséquences sur les dépenses de fonctionnement, ce qui
veut dire que, là aussi, nous sommes partis sur une augmentation mécanique des
dépenses de fonctionnement.
Dans cette hypothèse, il n'y a que deux variables d'ajustement avec, côté
recettes, entre 30 % et 50 % de dotations de l'Etat qui évoluent comme
l'inflation - ce sont les termes du pacte de stabilité souhaité par l'Etat.
Dans cette hypothèse, je le disais, il n'y a que deux variables d'ajustement
côté dépenses, au niveau de l'investissement et des frais de personnel, et,
côté recettes, deux variables d'ajustement : la masse fiscale, le tissu fiscal
et, évidemment, les taux.
Aujourd'hui, nous sommes dans un effet mécanique d'augmentation des impôts
locaux, ce qui veut dire que l'objectif du pacte de stabilité, monsieur le
ministre, est probablement incomplet et, en tout cas, déséquilibré. Pourquoi ?
Parce qu'il stabilise aujourd'hui les dépenses de l'Etat et évidemment pas les
dépenses des collectivités locales.
Nous pourrions, par conséquent, réfléchir sur l'objectif qui consiste à dire
qu'il devrait plutôt stabiliser les prélèvements obligatoires. A l'évidence, si
nous souhaitons stabiliser les prélèvements obligatoires entre l'Etat et les
collectivités locales, il convient de dire que nous pourrions nous engager dans
une stabilisation des impôts locaux, à condition que nous réfléchissions à la
stabilisation des charges.
Je rappelle d'ailleurs, sans vouloir ouvrir un débat, que ce programme a été
arrêté entre les Länder allemands et l'Etat allemand, parce que le traité de
Maastricht ratifié impose la maîtrise des prélèvements obligatoires. Par
ailleurs, la signature entre les Länder allemands et l'Etat allemand fait que,
comme le traité le prévoit, en cas de dépassement, des pénalités sont prévues,
lesquelles seraient assumées ou par les Länder ou par l'Etat, voire par les
deux, à proportion des dépassements de l'un ou de l'autre et des
responsabilités respectives.
Il y a là, me semble-t-il, un vrai débat. Si nous voulons stabiliser les
prélèvements obligatoires, nous n'avons que deux solutions : ou stabiliser les
charges ou augmenter les recettes. A cet effet, il convient que nous ouvrions
un certain nombre de chantiers, notamment sur la fonction publique
territoriale.
Il n'est pas question de remettre en cause le statut de la fonction publique
territoriale, mais je souhaiterais, monsieur le ministre, que nous
réfléchissions ensemble à une nouvelle organisation du dialogue syndical dans
la fonction publique territoriale. Il nous faut engager des discussions sur les
statuts qui, aujourd'hui, ne peuvent plus répondre aux missions des
collectivités locales. De plus en plus nombreuses sont celles qui souhaitent
mener des missions spontanées de développement ou de restructuration, limitées
dans le temps - deux, trois, quatre, cinq, six ou sept ans - et, à l'évidence,
le statut ne correspond pas à une limitation de durée.
De même, un certain nombre de services sont parfois sollicités par les
services de l'Etat. Il en est ainsi des ASEM - agents spécialisés des écoles
maternelles - quand, malheureusement, la démographie fait qu'une école
maternelle n'aura peut-être d'utilité que pendant quelques années encore. Il y
a là une réflexion à mener, et nous aurons certainement besoin de travailler
avec les organisations syndicales.
S'agissant de l'aide sociale, il convient d'ouvrir un chantier. Comme cela a
été dit au congrès des maires, nous sommes aujourd'hui devant un risque de
triple asphyxie : financière, sociale et réglementaire.
J'en viens au problème des normes.
Pardonnez-moi une formule un peu simplificatrice : aujourd'hui, l'on cherche
le défaut zéro, le risque zéro ; tout le monde ouvre le parapluie, et c'est
évidemment le maire qui trinque. Si en même temps les contribuables veulent
l'impôt zéro, on aboutit à une équation impossible à résoudre. Vouloir faire la
guerre sans mort et vouloir faire une vie économique sans risque, cela signifie
ne plus rien faire du tout. Or l'immobilisme est aujourd'hui la règle de vertu
des collectivités locales. Je ne suis pas convaincu que ce soit dans l'intérêt
de la nation. Acceptons la gestion des risques plutôt que le risque zéro et
évitons le terrorisme des normes.
La stabilité des normes est nécessaire. Ainsi, de nombreux élus nous disent
que trois ou quatre ans après avoir réalisé les mises aux normes de sécurité
sur le plan électrique, la même commission de sécurité qui avait donné son aval
remet en cause ces normes, ce qui engendre à nouveau des dépenses
supplémentaires.
Il convient de faire le bilan sur la franchise postale ; c'est un engagement
du Gouvernement et nous devons y réfléchir .
Au niveau des recettes, M. Hoeffel et les rapporteurs l'ont dit, il nous faut
sortir du problème des compensations des ressources fiscales.
En effet, à la question fondamentale : y-a-t-il convergence ou opposition
entre l'Etat et les collectivités locales ? La réponse est évidente. Oui,
aujourd'hui, il y a opposition, parce que, plus l'Etat estime, sur le plan
macro-économique, devoir alléger la taxe professionnelle pour certaines
entreprises, plus la valeur ajoutée baisse, plus l'évasion de cette valeur
ajoutée est forte et plus l'Etat devra supporter des compensations et s'opposer
à la politique locale.
Cela veut dire qu'il reconnaît implicitement que l'imposition locale est
contraire aux intérêts macro-économiques. Dès lors, le partenariat entre l'Etat
et les collectivités locales ne peut qu'être éminemment conflictuel.
Nous avons proposé une première démarche qui était le 1 % de la taxe
professionnelle à la valeur ajoutée. Il nous faut ouvrir ce chantier de la
compensation. D'ailleurs, nous-mêmes, nous avons le devoir de balayer devant
notre porte.
Le Gouvernement a souhaité, cela a fait l'objet de plusieurs débats,
démanteler un certain nombre de niches fiscales.
Mais n'avons-nous pas nous-mêmes, législateurs, instauré des niches fiscales
permettant à un certain nombre de catégories d'établissements d'échapper à la
taxe professionnelle ? Nous avons peut-être là un gisement de taxe
professionnelle en termes de ressources qui permettrait, notamment en milieu
rural, sans charge supplémentaire pour l'Etat, d'engranger de nouvelles
ressources fiscales locales.
Si ce chantier doit être ouvert, il ne peut l'être à moitié, il doit être
ouvert en totalité. Il en est de même pour la taxe d'habitation, à propos de
laquelle nous avons lancé à plusieurs reprises le débat de l'impôt local
minimal.
Il faudra que nous réfléchissions également sur la DGF, monsieur le ministre,
car le système ne pourra pas durer longtemps. Avec une dotation forfaitaire à
0,63 %, une DSU à 2 % et une DSR à 5 % compte tenu de l'évolution mécanique des
charges, certaines collectivités locales vont être absolument asphyxiées ; il
est évident qu'elles ne pourront plus fonctionner demain.
Un outil doit correspondre à une seule politique alors qu'aujourd'hui la DGF
sous-tend quatre objectifs : la solidarité rurale, la solidarité urbaine, le
fonctionnement des communes et l'intercommunalité. Il va falloir, là aussi,
réfléchir à ce problème.
Bien évidemment, il y a l'autre variable d'ajustement : l'investissement. Là
aussi, il faut dire - pardonnez-moi ma franchise - que la relance de
l'investissement passera par un abaissement des taux d'intérêts, et notamment
par des taux d'intérêts réels à 0 %. Mais comment concilier cette condition
avec un livret A qui dépasse l'inflation et qui bloque la baisse des taux
d'intérêts ? Il va falloir ouvrir ce débat, mais, immédiatement, on nous
reprochera de vouloir faire une politique anti-sociale.
Je me souviens de cette merveilleuse phrase de Frédéric Bastiat qui disait : «
L'Etat est une fiction qui permet à chacun de vivre aux dépens des autres. »
Aujourd'hui, nous sommes dans un Etat qui est plutôt un compromis d'intérêts
catégoriels alors qu'à l'évidence nous sommes confrontés à un besoin de
solidarité. Mais on ne peut pas, dans un système où tout a changé, vouloir
garder les mêmes normes, même lorsqu'elles sont avantageuses : à données
différentes, solutions différentes.
M. le président.
Cher collègue, pardonnez-moi de vous interrompre, mais votre groupe a préféré
reporter une partie de son temps de parole sur un autre débat. Vous commencez à
dépasser le temps qu'il a annoncé pour la présente discussion.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je termine, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous avez un autre chantier à ouvrir : celui de la
localisation de la ressource et de la localisation de la charge.
Je connais les théories que vous avancez, mais, à l'évidence, lorsque
l'économie était rurale, la richesse était foncière, l'imposition était
foncière. Lorsque l'économie était industrielle, la richesse était économique,
l'impôt reposait sur la taxe professionnelle, l'outil de travail et le revenu.
Aujourd'hui, l'économie repose sur les capitaux et l'impôt pâtit de
l'internationalisation des richesses et de la localisation des échecs. Cela
engendre en effet une sous-imposition des capitaux et une localisation des
effets sociaux, avec un effet de ciseaux redoutable.
M. Robert Pagès.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye.
Pourrons-nous financer, sur le plan local, des politiques sociales de plus en
plus lourdes avec des impôts patrimoniaux dont le produit sera de plus en plus
faible ? En effet, les collectivités locales les plus pauvres sont celles qui
ont à faire face généralement aux dépenses sociales les plus lourdes. Nous
avons un vrai chantier à ouvrir sur le financement de ces politiques
sociales...
M. René Régnault.
Et oui !
M. Jean-Paul Delevoye.
... qui ne peuvent relever que d'un pilotage local mais qui, à l'évidence,
peuvent quelquefois faire l'objet de la solidarité nationale.
Pour conclure, je dirai que nous sommes les uns et les autres condamnés, non
pas à la stabilité, mais au développement, et qu'à l'évidence il faut que nous
regardions comment faire évoluer le pacte de stabilité vers le pacte de
développement car, sans création de richesses, comme le dit le président
Monory, sans l'accompagnement des initiatives locales, si nous stagnons sur le
plan économique, nous régresserons, car les moyens disparaîtront.
En tout cas, monsieur le ministre, notre volonté de partenariat est grande.
C'est ce que je voulais vous dire en vous faisant part de notre soutien.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mon cher collègue, vous avez quelque peu dépassé le temps de parole imparti à
votre groupe. Je serai obligé d'en tenir compte dans le prochain débat.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, regarder
l'avenir l'oeil sur la ligne d'horizon n'exclut pas l'analyse du chemin qui y
conduit et des obstructions rencontrées sur son parcours.
Alors que les élus locaux se trouvent de plus en plus placés au coeur des
problèmes de notre société, alors que leur rôle et leurs responsabilités ne
cessent de s'accroître, leurs moyens, notamment leurs moyens financiers, ne
cessent de régresser en raison de ponctions de l'Etat parfois insidieuses, mais
non moins significatives.
Le projet de loi de finances pour 1997 poursuit et amplifie l'extrême rigueur
de la politique de l'Etat à l'égard de nos collectivités territoriales. Il est
inadapté. Il n'est pas à la mesure des enjeux et des défis en cause, que
quelques données chiffrées éclairent.
Avec 750 milliards de francs de dépenses, les collectivités territoriales
représentent à elles seules la moitié du budget de l'Etat et 10 % du PIB
national.
Elles emploient 1 350 000 personnes et elles ont créé 220 000 emplois de 1983
à 1993. Elles accueillent des milliers de personnes en difficulté grâce aux
contrats emploi-solidarité, les CES, par exemple, ou encore grâce à
l'apprentissage.
Elles assurent 81 % de l'investissement public et 12,5 % de l'ensemble des
investissements de la nation.
Elles sont bien gérées et dégagent une épargne brute leur permettant
d'investir ; toutefois, cette capacité d'investir, d'équiper s'essouffle :
moins 5,4 % en 1995.
Cependant, la demande sociale et la demande d'investissements sont grandes, la
première dopée notamment par la fracture sociale et son aggravation au cours
des derniers mois, la seconde par les directives européennes ou encore les
besoins croissants de qualité et de sécurité.
Sans pouvoir et vouloir être exhaustif, je citerai quelques domaines dans
lesquels cette demande est grande : l'entretien du patrimoine, le traitement
des eaux, de l'air, le traitement des déchets ménagers, les travaux de
rénovation, d'adaptation, de déflocage des locaux scolaires, la sécurité des
équipements sportifs.
Bref, les collectivité locales embauchent, investissent, tirent l'économie, ce
qu'une étude récente confirme.
Elles subissent un véritable effet de ciseaux entre des besoins qui augmentent
et qu'on leur transfère en les compensant insuffisamment, voire pas du tout, et
des ressources qu'on leur réduit ou encore qu'on leur kidnappe.
Les élus locaux sont alors confrontés soit à l'obligation d'augmenter les
impôts locaux - de 7,5 % en 1996 - soit à la nécessité de réduire les dépenses,
y compris les dépenses de fonctionnement. Ils sont pris entre l'enclume et le
marteau, en subissant le ras-le-bol de leurs administrés, qui refusent
l'augmentation de leurs impôts, qui devrait être de 22 milliards de francs en
1996.
L'Etat, par des transferts de charges rampants ou mal compensés, par des
décisions de compensations qu'il n'honore que partiellement, par des
prélèvements injustifiés et indirects sur les ressources des collectivités
territoriales, a organisé l'appauvrissement de celles-ci.
Ainsi, alors que la CNRACL ne bouclera pas son budget de 1997, l'Etat lui fera
apporter à la solidarité - compensation plus surcompensation - la somme de 19
milliards de francs, valeur 1996, somme à laquelle s'ajouteront les 4,5
milliards de francs de la « niche » que constitue le fonds de l'allocation
temporaire d'invalidité, l'ATI, ce qui fait 23 milliards de francs en
provenance de nos collectivités territoriales.
S'agissant de la seule dotation de compensation de la taxe professionnelle, il
manquera, par rapport aux conditions de 1993, quelque 7 milliards.
Et voilà 30 milliards en moins pour nos collectivités, soit 20 % du montant
global de la DGF 1997 ou encore 12 % de tous les concours de l'Etat pour
1997.
La DGF, qui, pendant deux ans, n'a plus été indexée sur les prix et la
croissance et qui, maintenant, est incluse dans le pacte de stabilité
financière, connaît un réel fléchissement de son évolution : plus 1,26 % en
1997 et plus 0,63 % pour les communes seulement éligibles à la dotation
forfaitaire.
Le pacte de stabilité fige, quant à lui, et pour trois ans, des décisions
négatives comme celles qui portent sur la DCTP, d'équipement préalablement
réduite, ou encore sur la DGE.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est la loi !
M. René Régnault.
Le FCTVA, alors que le taux de TVA acquitté augmente de deux points, est
réduit de 0,3 point, entraînant une diminution de remboursement de plus de 600
millions de francs, et l'Etat y ajoute, pour faire bonne mesure, toute une
série de dispositions fort coûteuses pour les budgets locaux.
C'est d'abord l'augmentation de 0,4 % des frais de rôle au bénéfice d'une
réforme des bases cadastrales toujours au point mort. Il confisque ainsi plus
de un milliard de francs.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est vous qui êtes à l'origine
de cette dépense !
M. René Régnault.
Oui, mais il y a eu un véritable travail effectué et des remboursements ont eu
lieu au titre de ces travaux. Aujourd'hui, il n'y a plus rien.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Quand ce travail effectif a été
terminé, vous étiez au pouvoir, vous n'avez cependant pas fait disparaître la
contribution !
M. René Régnault.
Le travail de préparation a été conduit par le Gouvernement socialiste, mais
les gouvernements qui ont suivi - les deux derniers - ont arrêté la réforme ;
j'y reviendrai dans un instant.
Ce sont les 400 millions de francs en provenance de la contribution locale de
France Télécom et de La Poste qui sont aussi, d'une certaine manière,
détournés.
C'est l'étalement de la compensation de la réduction de 35 % des droits de
mutation pour les départements, qui aura une conséquence indirecte sur les
impôts locaux.
C'est l'envolée et la dérive des dépenses d'aide sociale.
Ce sont encore des dégrèvements imparfaitement compensés, sur la taxe
d'habitation, par exemple.
C'est la confiscation par l'Etat de la contribution minimale de taxe
professionnelle.
C'est le non-respect des engagements relatifs à la dotation de développement
rural.
C'est la quasi-suppression du fonds de gestion de l'espace rural.
C'est enfin la réduction des crédits du Plan et des moyens de l'aménagement du
territoire.
Vous le voyez, mes chers collègues, la situation qui est faite aux
collectivités locales est moins brillante qu'on n'a bien voulu le dire il y a
encore quelques instants.
Ainsi, monsieur le ministre, les collectivités territoriales, qui participent
très largement au maintien de la cohésion sociale et au soutien de l'économie
subissent très lourdement la rigueur. Si le Gouvernement maintient ses
décisions et intentions, leur asphysxie est programmée.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, évoquer quelques problèmes
majeurs et, à l'occasion, vous interroger.
La réforme des valeurs cadastrales locatives est, je l'ai dit, demeurée
inachevée. Pis, elle est en panne. Les excellents travaux effectués à la suite
de la loi de 1990 vieillissent et, très bientôt, il va falloir entreprendre la
révision de la première partie de la réforme.
Le niveau actuel des impôts locaux rend encore moins acceptables les
disparités entre les bases, et donc les inégalités de contribution des
assujettis. Grande est l'urgence qui s'attache à l'achèvement de la réforme :
elle doit être, enfin, conduite à son terme.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point
ou, mieux, nous dire quel calendrier le Gouvernement s'est donné ?
L'intercommunalité poursuit son développement.
L'aménagement du territoire, les réponses aux défis nouveaux devant lesquels
les collectivités territoriales sont placées doivent être examinés sous un
triple éclairage : d'abord, celui de la décentralisation, qui constitue la
grande réforme de la fin de ce siècle et dont je dis, après M. Hoeffel, qu'elle
est excellente et qu'elle doit être poursuivie ; ensuite, celui de la
construction européenne ; enfin, celui de la transformation radicale de notre
société.
Ces différents éléments rendent incontournable la coopération, dont la
réussite et l'avenir reposent sur le postulat de la solidarité, donc du partage
de la redistribution.
Le développement économique est au coeur de tout projet. Sa résultante - la
taxe professionnelle - constitue, quant à elle, le socle de la solidarité à
l'intérieur du territoire de coopération, au moins pour commencer.
Il faut encourager cette coopération, qui est aussi garante du maintien de
toutes nos communes.
La répartition équilibrée de la taxe professionnelle entre les communes est, à
cet égard, un moyen fondamental.
La taxe professionnelle d'agglomération, dont le dispositif doit être amélioré
en vue de sa mise en oeuvre, devient une nécessité impérieuse.
Parmi les améliorations ensivageables, je citerai celles-ci : la suppression
totale, ou au moins partielle, du lien entre cette taxe et les trois autres ;
la faculté pour les groupements optant pour la taxe professionnelle
d'agglomération de lever complémentairement une fiscalité additionnelle sur les
trois autres « vieilles » ; l'actualisation du potentiel fiscal des communes
membres du groupement, passant par la déduction de la taxe professionnelle
transférée ; l'assouplissement des modalités et de la durée de mise en oeuvre
du lissage.
Sur ces quatre propositions, je souhaite recueillir votre avis, monsieur le
ministre.
L'intercommunalité doit être de projet et respecter ainsi l'esprit et la
lettre de la loi ATR du 6 février 1992. Son accompagnement par une DGF me
conduit, monsieur le ministre, à exprimer quelques souhaits.
D'abord, il est utile, pour l'instant, de maintenir la DGF des groupements à
l'intérieur de la dotation d'aménagement, elle-même complètement intégrée à
l'enveloppe globale de la DGF.
Ensuite, il convient de revenir sur le coefficient d'intégration fiscale afin
que celui-ci traduise, mais traduise seulement, une fiscalité transférée en
fonction d'un projet fort de développement et d'aménagement de l'espace,
équipements et grands services structurants compris ; je pense ici au service
de la collecte et de l'élimination des déchets, ainsi qu'aux ordures
ménagères.
Il ne serait pas normal que le même service justifie simultanément une DGF
pour le groupement et une DGF pour les communes membres.
Le CIF, le coefficient d'intégration fiscale, recentré exclusivement sur la
fiscalité transférée pour financer le projet fort devrait aussi être accompagné
d'une prise en compte de la volonté concrètement exprimée de solidarité,
exprimée au moins par l'harmonisation de la taxe professionnelle.
Pour m'exprimer plus brutalement, je dirai que la DGF, dotation elle-même de
solidarité, de péréquation, ne devrait être attribuée, au niveau local, qu'à
condition qu'une volonté de réduction des écarts et d'harmonisation des taux se
soit manifestée.
Par ailleurs, de nombreux groupements s'inquiètent actuellement de la prise en
compte de la fiscalité transférée au titre des dépenses de collecte et
d'élimination des ordures ménagères.
En fonction de l'interprétation des services, une différence est faite selon
que les groupements collectent et traitent ou qu'ils n'assurent que
partiellement cette compétence.
On ne peut, je crois, monsieur le ministre, reprocher à un établissement
public de coopération de passer une convention avec un autre ou avec un
prestataire de service pour assurer tout ou partie du service. Seul devrait
être pris en compte le caractère de l'autorité organisatrice responsable du
service et en assurant le financement.
Une autre discrimination frappe les établissements publics : il s'agit de la
différence d'appréciation au regard du CIF, et donc de la DGF ; l'attribution
de celle-ci diffère selon que le groupement a adopté une taxe d'enlèvement des
ordures ménagères et/ou une redevance d'enlèvement des ordures ménagères, ou
qu'il a décidé, tout simplement, de fiscaliser la charge du service en la
confondant avec les autres dépenses transférées. Dans ce cas, la dépense n'est
pas indentifiable et elle est sans effet sur le CIF et, notamment, sur sa
réduction.
Monsieur le ministre, nous nous trouvons confrontés à des situations
profondément inéquitables, voire discriminantes. Cela porte atteinte à la
coopération et à sa promotion. Je plaide pour la clarification - pas de double
attribution de la DGF au titre des ordures ménagères - pour le rétablissement
de l'équité, pour la prise en compte de la notion de service des ordures
ménagères, réalisé complètement ou non, directement ou conventionné.
Sous le bénéfice de ces observations, notamment de l'analyse de l'évolution
des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, le
groupe socialiste n'adoptera pas le projet de budget que vous lui soumettez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole et à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, la discussion
des crédits alloués aux collectivités territoriales s'inscrit dans le cadre de
la diminution de la dépense publique en francs constants.
Ainsi, ce ne sont pas les besoins sociaux et humains qui président à
l'élaboration du budget de la nation. Non, vos références, ce sont les critères
de Maastricht, au nom desquels vous plongez les collectivités territoriales
dans toujours plus de difficultés.
Aujourd'hui, avec le projet de budget qui nous est présenté, c'est l'autonomie
communale, c'est la démocratie locale qui sont amoindries, c'est l'inquiétude
des élus locaux qui grandit.
En 1997, comme en 1996, les dotations aux collectivités territoriales
s'inscriront dans le fameux pacte dit de « stabilité ». Drôle de pacte,
puisqu'il n'a été approuvé par aucune des grandes associations d'élus ! Le
Gouvernement a beau jeu de parler de pacte là où, en fait, il n'y a qu'un
décideur. Cela tend à faire croire à la population qu'il existe un véritable
consensus sur cette question, une sorte de « chemin unique » concernant les
dotations aux collectivités territoriales.
Il y a là un abus de langage.
C'est si évident aux yeux des élus locaux que notre collègue, M. Delevoye,
président de l'Association des maires de France, membre de votre majorité, a
expliqué devant les maires réunis en congrès : « Aujourd'hui, le pacte de
stabilité apparaît, certes,... protecteur pour les collectivités locales par
rapport aux autres budgets, mais il est en fait déséquilibré, car il ne
garantit la stabilisation des dépenses que pour l'Etat, et non pour les
collectivités territoriales. »
C'est, évidemment, avec toute la retenue d'un sénateur ayant voté
l'instauration de ce pacte que notre collègue s'est ainsi exprimé...
Il n'empêche, cela confirme l'analyse que les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen avaient faite dès l'annonce de ce dispositif, à savoir
que c'est plutôt d'un pacte de déstabilisation des finances des collectivités
territoriales qui est mis en oeuvre.
Pour l'année prochaine, l'Etat nous propose d'accepter une augmentation de ses
concours aux collectivités locales correspondant à l'inflation.
Certes, le retrait de la diminution de moitié de la dotation de compensation
de taxe professionnelle pour la réduction pour embauche et investissement
gonfle quelque peu le chiffre initial. Hors fiscalité transférée, ce sont donc
quelque 245 milliards qui seront accordés aux collectivités locales, ce qui
représente 1,6 % de hausse par rapport à la loi de finances initiale de
1996.
La dotation globale de fonctionnement, quant à elle, progresse de 1,26 %, si
bien que la dotation forfaitaire augmentera de moins de 0,7 %. C'est la
quatrième année de réduction de la dotation forfaitaire en francs constants.
Il s'agit là d'une attaque frontale contre le budget des collectivités
locales. De tels choix ont pour conséquence, et vous le savez bien, monsieur le
ministre, une inflation préoccupante des taux d'imposition locale.
Un sondage réalisé par l'Association des maires de France révèle que 67 % des
communes ont décidé d'augmenter leur taux d'imposition pour « répondre à la
stagnation des dotations de l'Etat ». Comme le dit le président de
l'Association des maires de France, « pour de nombreux élus, nous sommes très
près du seuil au-delà duquel l'impôt ne sera plus supportable pour les
contribuables ».
Mais le Gouvernement ne s'en tient pas là. Par le biais du FCTVA, dont le taux
de remboursement passerait de 15,68 % à 15,36 %, et par le biais de la baisse
de dotations d'équipement, c'est également à l'investissement qu'il s'en
prend.
Notre excellent collègue André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des
lois, souligne à ce sujet : « Si l'exercice 1995 a été caractérisé par la bonne
adaptation des collectivités locales aux contraintes budgétaires,
l'investissement, en régressant d'un peu plus de 5 %, a joué le rôle de
variable d'ajustement. »
Ajuster par la baisse de l'investissement, c'est ignorer le rôle dynamique des
collectivités locales qui, je le rappelle, « pèsent » 800 milliards de francs
dans l'économie nationale et sont à l'origine de 75 % des équipements publics
civils.
Que d'emplois supprimés ! Que de revenus non distribués dans le circuit
économique parce que le Gouvernement a décidé de contraindre les collectivités
locales à une rigueur qui est inefficace, destructrice d'emplois et de
richesses !
Je ne résiste pas à l'envie de comparer les avantages que la majorité du Sénat
vient d'octroyer aux plus gros redevables de l'impôt sur la fortune, pour faire
suite à une demande du Président de la République, aux coupes budgétaires qui
sont ainsi infligées aux collectivités territoriales et, par ricochet, aux
ménages les plus modestes.
La rigueur et l'effort équitable s'arrêtent là où commencent les intérêts de
certains !
L'exemple de la CNRACL est également symptomatique. La progression de 3,8 % de
la surcompensation décidée l'an dernier n'est nullement remise en cause.
Pour boucler son budget en 1997, le Gouvernement n'a pas trouvé mieux que de «
pomper » 4,5 milliards de francs sur l'allocation temporaire d'invalidité. Mais
de règlement réel, il n'est point question !
Or, monsieur le ministre, la surcompensation représente aujourd'hui 9
milliards de francs, soit près de trois points d'imposition locale pour les
collectivités locales : autant de charges supplémentaires pesant sur les
contribuables locaux, qui ne sont nullement responsables des choix d'abandon de
la solidarité nationale.
J'ajoute que la surcompensation touche aussi les établissements hospitaliers
et que, dans leur cas, cela contribue à creuser le déficit de la sécurité
sociale. Il est tout de même indécent que l'Etat justifie la surcompensation
par l'argument de régimes spéciaux déficitaires, tels que celui de la SNCF,
alors que, dans le même temps, il organise ou favorise les plans de suppression
d'emplois.
Sur cette question de la CNRACL, le Gouvernement et l'Etat auraient tort de se
croire quittes du fait de la non-augmentation du taux de cotisation employeur
pour 1997.
Dans son analyse du projet de budget, l'Association des maires de France
considère : « Ce n'est pas au contribuable local de financer des régimes
spéciaux de retraite autres que la CNRACL qui relèvent à l'évidence de la
solidarité nationale. Elle demande, dès à présent, la reprise de la
concertation sur le dispositif de surcompensation. »
Et quelle réponse apporte le Gouvernement ? Elle apparaît on ne peut plus
clairement dans le procès-verbal de votre audition, monsieur le ministre, par
la commission des lois : « Pour ce qui est des perspectives de cette caisse
dans les années ultérieures, M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a fait valoir, en
premier lieu, que devrait être pris en compte le niveau normal de contraintes
qui pouvaient être imposées aux collectivités locales en matière de retraite.
Il a estimé, à cet égard, que ces contraintes étaient encore inférieures à
celles imposées aux différents régimes de retraite et que, compte tenu de la
pyramide des âges, une augmentation des cotisations ne pouvait être évitée.
»
Je ne reprendrai pas ici toutes nos propositions en vue d'une réforme profonde
du financement de la protection sociale. Cependant, comment ne pas souligner
que la taxation des revenus financiers au même niveau que les revenus des
salariés serait de nature à assurer réellement la solidarité nationale ?
Réduction de la DGF, baisse des dotations d'équipement, réduction des
exonérations de taxe professionnelle, surcompensation pour la CNRACL : tout
cela a pour conséquence fâcheuse la quasi-disparition des marges de manoeuvre
des budgets locaux.
C'est un encadrement par le double effet de baisse des dotations et de
progression des contraintes qui est imposé. Cet effet de ciseaux est bien
décrit dans le rapport qu'a établi notre collègue Paul Girod au nom de
l'Observatoire des finances locales. Il montre combien les charges des
départements, essentiellement dans le domaine social, progressent infiniment
plus vite que les ressources qui leur sont affectées. C'est la marque d'une
pauvreté grandissante, d'une politique qui mine les forces vives du pays.
Par ailleurs, cette progression des contraintes est particulièrement sensible
dans le domaine des déchets, de l'eau, de l'assainissement et de
l'environnement. Je n'y reviens pas, de nombreux orateurs ayant déjà évoqué ces
sujets.
Il s'agit d'une charge considérable pour les collectivités locales. Le journal
Libération
du 14 septembre 1996 consacrait un article à ce problème en
titrant : « La loi sur les déchets défie les communes. Pour être en conformité
avant 2002, les collectivités devront trouver 61 milliards de francs. » De
telles exigences ont conduit à l'explosion de la taxe sur les ordures
ménagères, avec les conséquences que l'on sait pour les familles.
Nombre de communes, sur l'incitation explicite des gouvernements successifs,
ont constitué des groupements pour répondre à la fois sur le plan technique et
sur le plan financier. Rappelons-nous la « carotte » financière qui était
agitée pour la création des communautés de communes !
Aujourd'hui - pourquoi le cacher ? - on constate un grand désenchantement.
Tout d'abord, certains groupements se sont vu refuser des subventions, car ils
ne respectaient pas
stricto sensu
les normes européennes.
Ainsi, les groupements qui se sont créés en vue de collecter les déchets sans
prévoir leur retraitement, faute de crédits, sont désormais mis au ban. Le
Gouvernement les accuse d'avoir procédé, en quelque sorte, à des regroupements
d'aubaine. Certains, notamment les représentants de l'Etat qui accompagnent ces
regroupements, affirment que le Gouvernement veut distribuer non plus une « DGF
de complaisance, mais une DGF de projets ».
Le groupe communiste républicain et citoyen avait montré la nocivité de ces
projets de regroupements contraints qui pariaient sur la restriction de la
dotation forfaitaire de la DGF pour imposer la constitution de communautés de
communes.
Nous aurions beau jeu de sourire à de telles mésaventures, mais nous ne le
ferons pas, car nous n'oublions pas que certaines communes n'ont pas eu le
choix. Nous n'oublions pas non plus que la réalité de ces groupements révèle un
grand attachement à la coopération intercommunale librement consentie. Les élus
locaux, par-delà leurs engagements, partagent majoritairement l'idée que la
commune est et doit rester le premier échelon de nos institutions, avec une
pleine autonomie.
Si je tiens à insister sur ce point, c'est parce que les écrits et les propos
de certains partenaires de la vie économique et sociale ne manquent pas de nous
inquiéter. Dans un rapport de mars 1996 de l'Institut de l'entreprise, officine
du CNPF, on peut lire, sous la plume d'Yves Cannac et Armand Laferrere : « Sur
cinq niveaux d'administration - Etat, régions, départements, groupements de
communes, communes - trois seulement devraient être maintenus comme
collectivités de plein exercice, par exemple l'Etat, la région et le groupement
des communes, les deux autres étant maintenus, sous l'autorité de représentants
élus, comme aujourd'hui, mais se voyant allouer un budget par la collectivité
de rang supérieur ».
Voilà qui a le mérite de clarifier le débat ! Le CNPF se prononce pour une
restriction des pouvoirs des communes et des départements, c'est-à-dire des
lieux où la démocratie locale s'exerce le plus pour empêcher des décisions
économiques injustes et inefficaces.
La proposition relative à la taxe professionnelle d'agglomération ne va-t-elle
pas dans le même sens ?
Instaurer un taux unique de taxe professionnelle au sein d'une même
agglomération, c'est nier le droit à la fixation des taux par l'assemblée
communale.
C'est également nier que plus de 50 % du produit fiscal des communes
proviennent de la taxe professionnelle. Aussi, derrière des arguments
rassurants et de bon sens, comme on dit, on est en train, par petites touches,
de faire basculer la taxe professionnelle d'un niveau à l'autre.
Le débat sur la taxe professionnelle est, dès lors, biaisé. Pour notre part,
nous estimons que les efforts du Gouvernement devraient porter sur une nouvelle
définition des bases de taxe professionnelle, intégrant les actifs financiers,
pour donner à cet impôt une véritable fonction antispéculative et donc
favorable à l'emploi et à la production.
Il s'agit bien évidemment d'un chantier essentiel dans une refonte des
rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Pour conclure, à l'instar des élus de France, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen estiment que la réduction des dotations et
des aides sectorielles aux collectivités territoriales pour 1997 constitue une
profonde agression contre les budgets locaux. En conséquence, nous nous
prononcerons contre les crédits du budget du ministère de l'intérieur et de la
décentralisation, car nous sommes persuadés que ce n'est pas en étranglant les
éléments dynamiques de notre nation que nous contribuerons à la relever.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avenir de
nos collectivités territoriales, comme le sort de notre démocratie locale, sont
à l'évidence étroitement liés à deux axes majeurs de la politique de notre
pays.
Le premier est celui qui tend à placer la France au coeur de l'Europe et qui
donne lieu aujourd'hui à une importante harmonisation des normes nationales et
communautaires. Le second est le processus de décentralisation, qui vise à
faire des collectivités territoriales des partenaires à part entière de l'Etat
et qui les place aujourd'hui au centre de la politique nationale.
Ces deux grandes ambitions de la France, auxquelles je souscris, ne seront
réalisées pleinement et de manière satisfaisante que si elles garantissent une
véritable autonomie à nos collectivités. Or, cette autonomie est aujourd'hui
l'objet de vives inquiétudes inhérentes aux conditions de mise en oeuvre des
deux axes que je viens d'évoquer.
En effet, en premier lieu, l'harmonisation des normes applicables dans les
pays de l'Union européenne est ressentie comme un phénomène réglementaire sans
précédent, insuffisamment expliqué aux élus locaux, et de surcroît, fort
coûteux. Je ne reviendrai pas sur les nombreux exemples que nous rencontrons,
en particulier dans les domaines de la sécurité et de l'environnement, car ils
ont été excellemment développés par les précédents orateurs.
Or, visiblement, ces charges nouvelles, plus que ces compétences, s'imposent
progressivement aux communes, sans que soient dégagées les ressources
nécessaires pour en compenser le coût.
En second lieu, les collectivités locales tendent à devenir coresponsables de
l'exécution de missions relevant traditionnellement de la responsabilité de
l'Etat. Là encore, les exemples de transfert de charges nouvelles abondent.
Je me contenterai de mentionner, pour les communes, le financement des
enseignements artistiques, dont l'Etat s'est désengagé, ou encore les
expérimentations conduites en matière de rythmes scolaires, et, pour les
départements, la prise en charge des équipements d'enseignement supérieur ou
routiers.
En ces matières, les charges nouvelles n'ont pas, pour l'essentiel, été
accompagnées des ressources correspondantes.
En résumé, comme le relève l'Observatoire des finances locales, 100 milliards
de francs de charges ont été transférés depuis 1990 par l'Etat aux
collectivités, mais seulement 30 milliards de francs ont pu être compensés par
un effort sur la fiscalité locale.
Le rapport entre ces deux masses financières permet de mesurer toute
l'importance des charges non compensées.
Certes, nous n'ignorons pas, monsieur le ministre, les efforts entrepris par
le Gouvernement auquel vous appartenez pour que les collectivités territoriales
puissent prévoir l'évolution de leurs ressources sur une période plus longue
qu'un seul exercice budgétaire.
En effet, le pacte de stabilité financière, reconduit en 1997 pour la deuxième
année consécutive, constitue une avancée positive dans la mesure où il
contribue à réduire l'incertitude financière qui pèse sur les choix des
collectivités.
Dans le contexte actuel de réduction quasi générale des budgets des principaux
départements ministériels, je tenais à souligner cet effort du Gouvernement,
visiblement soucieux de préserver l'évolution des principales dotations au
cours de l'exercice à venir.
Néanmoins, cette démarche ne paraît pas suffisante pour résoudre les problèmes
qui demeurent en suspens. Aussi, l'examen de ce projet de budget ne devrait-il
pas être l'occasion de nous engager vers une clarification des compétences ?
Nos collectivités locales ne peuvent continuer à supporter des normes
nouvelles et à assumer des transferts de compétences sans pouvoir le décider et
sans savoir de quels moyens elles disposeront pour y faire face. Or, nous ne
saurions parler de clarification des compétences sans envisager, dans le même
temps, la clarification des ressources.
Par ailleurs, nous devons veiller à l'intégrité des ressources des
collectivités territoriales et plus largement de celles qui ont vocation à
servir l'aménagement local ; je veux parler du fonds de compensation pour la
TVA, le FCTVA, de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités
locales, la CNRACL, de la fiscalité locale et des agences de l'eau.
Le FCTVA est au coeur du dispositif d'investissement de nos communes. Or, le
passage de 18,6 % à 20,6 % du taux de TVA a freiné les investissements de nos
collectivités locales, qui avaient déjà diminué de 5 % en raison de
l'augmentation des dépenses sociales et de personnel.
Ces évolutions préoccupantes du FCTVA me conduisent à proposer que soient
prises des mesures de sauvegarde en cette matière ; il en va de la capacité
d'investissement de nos collectivités qui, vous le savez, réalisent la plus
grande part de l'investissement public dans notre pays et qui doivent donc être
considérées pleinement dans leur rôle d'agent économique sur le front de
l'emploi.
Le problème de la CNRACL demeure entier en dépit de l'absence de toute
augmentation cette année. Nous devons le traiter au fond et nous préoccuper de
la question de la surcompensation démographique.
S'agissant de la fiscalité locale, à défaut d'une réforme en profondeur qui ne
semble, dans l'immédiat, véritablement prête ni à l'échelon local ni à
l'échelon national, ne serait-il pas opportun de redonner quelque latitude aux
collectivités locales en déverrouillant les taux des impositions locales ? En
effet, les motifs du verrouillage ont, sans nul doute, perdu la pertinence qui
leur était reconnue à l'origine.
Enfin, je ne peux manquer de constater avec beaucoup d'inquiétude que le
prélèvement de 110 millions de francs, prévu sur les ressources des agences de
l'eau, constitue une brèche dangereuse dans un domaine où les moyens financiers
sont déjà insuffisants pour permettre aux communes de satisfaire aux normes de
dépollution qui leur sont imposées.
Permettez-moi, en terminant, monsieur le ministre, de vous dire à quel point
je mesure la gravité des difficultés auxquelles sont confrontées nos finances
publiques et à quel point je suis conscient des efforts que vous avez entrepris
et que je tiens encore à saluer.
Mais permettez-moi aussi de vous demander, avec beaucoup d'insistance, d'être
attentif aux préoccupations que je viens d'exprimer et que partagent l'ensemble
des élus et des responsables locaux de notre pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'en
crois les premiers résultats publiés par le Trésor public, l'année 1995 a été
une année difficile pour les finances locales.
Le ralentissement de l'autofinancement brut, l'augmentation sensible des
dépenses de personnel, la diminution de 5,4 % des investissements directs sont
autant de signaux inquiétants pour l'avenir des finances locales.
D'une manière générale, on a assisté, en 1995, à une diminution du solde des
opérations financières qui a obligé les collectivités à puiser dans leur fonds
de réserve.
L'année 1996 devrait confirmer cette tendance, si l'on en juge par les mesures
prises dans la loi de finances de 1996, marquée par la stagnation des dotations
sous enveloppe, la suppression de la première part de la DGE pour certaines
catégories de communes, la diminution de 5,4 % de la dotation de compensation
de la taxe professionnelle, la réduction de la dotation de l'Etat au fonds
national de péréquation de la taxe professionnelle, sans parler des transfert
de charges non compensés ou mal compensés, comme la franchise postale.
Le projet de loi de finances pour 1997 ne saurait inverser cette tendance ; il
la confirmerait plutôt.
Même si, globalement, l'Etat respecte le pacte de stabilité financière en
augmentant de 1,3 % les dotations sous enveloppe, ce qui est insuffisant, une
fois de plus, il a tenté de revenir sur les règles relatives aux compensations
fiscales.
C'est ainsi que le montant de la compensation au titre de la réduction de la
taxe professionnelle pour embauche et investissement devait être réduit de plus
de 50 %, soit une économie de 1,6 milliard de francs réalisée par l'Etat au
détriment des collectivités locales.
L'Assemblée nationale a supprimé cette ponction inacceptable, mais je crains
qu'il ne s'agisse que d'une pause et que la nécessité d'avoir des relations
financières stables entre l'Etat et les collectivités locales ne soit toujours
pas une donnée acceptée par Bercy.
De plus, par de telles méthodes, vous faites supporter en partie aux
collectivités locales le coût des mesures d'allégements fiscaux que vous
comptez mettre en oeuvre.
Le Gouvernement peut ainsi annoncer une hypothétique baisse des impôts en
faisant supporter la responsabilité d'une hausse aux élus locaux.
Le parallélisme entre la hausse de la taxe d'habitation en 1996 et la baisse
des impôts dans le cadre de ce projet de budget pour 1997 a été largement
démontré.
Je souhaite insister, malgré tout, sur la responsabilité plus qu'effective du
Gouvernement dans cette hausse, par le biais des réductions des dotations aux
collectivités locales.
De même, il conviendrait de s'interroger sur la méthode qui consiste à
prélever le surplus de taxe professionnelle et de taxe foncière payé par La
Poste et France Télécom pour compenser les pertes fiscales liées aux
exonérations de taxe professionnelle accordées aux entreprises situées dans une
zone franche.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut attendre des collectivités
locales qu'elles assurent de plus en plus un rôle social et contribuent à la
relance des investissements, notamment dans le secteur du bâtiment.
Si une telle situation devait perdurer, soyons certains que les collectivités
territoriales auraient de plus en plus de difficultés à assumer financièrement
les missions qui les attendent, notamment dans le domaine de l'environnement,
comme la collecte et le traitement des déchets, la lutte contre la pollution et
la qualité de l'eau.
Du point de vue social et de la nécessaire lutte contre le chômage, vous ne
pouvez ignorer que 197 000 titulaires de contrats emploi-solidarité, les CES,
sont actuellement employés dans les collectivités territoriales. Or, le
Gouvernement envisage de réduire de 10 % la prise en charge financière de ces
contrats.
Il est inutile de se voiler la face. Les collectivités locales n'ont pas
aujourd'hui les moyens de transformer ces contrats en véritables emplois.
Aussi, la suggestion selon laquelle le montant de la DGF pourrait être fondé,
en partie, sur l'effort fait par une commune pour intégrer un CES dans son
personnel permanent serait de nature à lutter efficacement contre le fléau du
chômage, l'Etat compensant, grâce à une DGF revalorisée, l'effort accompli par
la collectivité.
J'évoquais, voilà un instant, les investissements des communes dans les années
à venir. Je crois qu'une partie de la solution peut être trouvée grâce au
développement de la coopération intercommunale.
La loi de 1992, qui a instauré de nouvelles formes de coopération, est une
bonne loi. Mais, comme toute loi, elle doit faire l'objet de réajustements en
fonction de l'application qui en est faite sur le terrain.
Le besoin de clarification est réel. L'exemple du remboursement de la TVA sur
les travaux de voirie est significatif à cet égard.
Je crois qu'il est nécessaire que l'Etat encourage de manière forte la
création de communautés de communes. Aussi, je souhaite que le projet de loi
actuellement en préparation aille aussi loin que possible dans ce sens.
En conclusion, je tiens à dire de nouveau que l'Etat ne doit pas céder à la
tentation qui consisterait à faire croire aux Français qu'il y aurait, d'un
côté, un gouvernement vertueux qui allégerait les impôts et, de l'autre, des
élus locaux dispendieux. Ce serait contraire à la vérité.
Si les impôts locaux augmentent, c'est, la plupart du temps, parce que les
communes et les départements n'ont pas d'autres choix et doivent assumer chaque
jour davantage de missions, notamment dans le domaine social, en raison des
désengagements de l'Etat.
Tout à l'heure, M. Delevoye a dit qu'il ne peut pas y avoir de communes riches
dans un Etat pauvre. Il a raison. Pour ma part, j'ajouterai qu'il ne doit pas y
avoir de citoyens pauvres dans un Etat riche.
Il est évident, aujourd'hui, que le transfert des charges vers les
collectivités territoriales est largement supérieur à l'évolution constatée des
dotations de l'Etat. Le projet de budget que vous proposez en est l'éclatante
démonstration. C'est pour cela que nous ne le voterons pas.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
d'abord saluer la qualité des rapports et les très intéressantes interventions
qui ont facilité le climat, caractérisé par le dialogue de notre débat ce
matin.
J'évoquerai brièvement les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales.
Je rappellerai tout de même un principe qui, je crois, convient à nombre
d'entre nous et qui est le suivant : il ne faut pas faire une addition
arithmétique de ce qu'on appelle, selon moi de façon artificielle, l'ensemble
des concours de l'Etat.
En effet, il s'agit d'éléments financiers de nature profondément différente.
La dotation globale de fonctionnement est un droit des collectivités locales au
partage d'une recette fiscale commune avec l'Etat, comme cela se produit dans
d'autres pays. Ainsi, la République fédérale d'Allemagne opère le partage d'un
impôt, l'impôt sur le revenu, entre ses collectivités membres et la fédération.
Notre dotation globale de fonctionnement a la même nature et, d'ailleurs, les
comptables nationaux, qui, eux, ont le sens de la rigueur des principes,
incluent cette dotation dans la fiscalité locale.
En revanche, d'autres concours ont le caractère soit d'une compensation
financière de missions transférées, soit - et ce sont les plus importants - de
remboursement de dégrèvements et d'exonérations qui sont des aides aux
contribuables locaux décidées unilatéralement par l'Etat.
Pour cette année, notre problème principal est que l'évolution de la dotation
globale de fonctionnement est trop faible. Je ne veux pas remettre en cause,
parce qu'il faut aussi éviter les instabilités et les perturbations
permanentes, le principe selon lequel la dotation globale de fonctionnement
évolue en fonction de l'inflation prévisionnelle et d'une fraction de la
croissance. Evidemment, ce serait mieux si cette croissance était un peu plus
importante. Toutefois, le problème qui se pose cette année est celui de la
brutalité de la régularisation négative.
L'année dernière, il y a eu une surestimation de la croissance dans la loi de
finances initiale. Elle a gonflé la dotation globale de fonctionnement de 1996.
Le fait que la dotation pour 1997 soit recalculée sur la base de ce qu'aurait
dû être, compte tenu de la croissance réelle, la dotation globale de
fonctionnement de 1996 explique que nous ayons une augmentation aussi
faible.
Je rappelle que, en d'autres temps, le principe de régularisation négative
avait été écarté. Je veux bien admettre qu'en toute rigueur il est préférable
de se caler sur la croissance réelle plutôt que sur une croissance
hypothétique, sachant qu'il arrivera, je suppose, à tous les gouvernements de
surestimer la croissance au moment de l'établissement de leur projet de loi de
finances initiale. En tout cas, s'il doit y avoir régularisation négative, elle
doit être étalée de manière à éviter les coups d'accordéon.
Deuxième point qui ne va pas : on n'a pas avancé, on n'a pas procédé aux
clarifications nécessaires dans le débat sur les compensations des réductions
ou des exonérations de fiscalité locale. L'épisode de cette année sur
l'objectif visant à réduire, en réalité à quasi supprimer, la réduction de taxe
professionnelle pour embauche et investissement et les épisodes des années
précédentes avec des réductions forfaitaires complètement aveugles de la
dotation de compensation de la taxe professionnelle montrent qu'il y a là une
source permanente de conflit et d'incompréhension entre les pouvoirs publics
locaux et l'Etat.
Je voudrais insister auprès de M. le ministre sur l'effet de détérioration du
climat psychologique, de perte de confiance que cela suscite dans les rapports
collectifs entre les collectivités locales et l'Etat.
Je crois que, cette année, on a laissé passer du temps. Il aurait fallu, me
semble-t-il, engager une concertation entre les représentants des collectivités
locales et l'Etat, et procéder à une analyse transparente sur l'ensemble du
problème des compensations fiscales.
Je reviens d'un mot sur la dotation globale de fonctionnement. J'insiste pour
qu'il soit procédé à une réforme en profondeur de la stimulation
intercommunale, de l'avantage intercommunal en matière de DGF. Je ne suis pas
sûr, monsieur le ministre, qu'on puisse ramener à un simple aménagement
technique la question du coefficient d'intégration fiscale. Au départ, la
dotation globale de fonctionnement peut certes représenter un avantage pour les
communes qui se groupent. Cependant, il n'existe pas de raison de principe pour
que des communes groupées reçoivent incomparablement plus au titre de la
dotation globale de fonctionnement que des communes isolées. Il doit y avoir
une modération, un ajustement du pourcentage d'avantage lié au groupement de
communes par rapport à ce que reçoivent les communes isolées.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Alain Richard.
Puisque nous partageons l'objectif de développer la fiscalité d'entreprises
d'agglomération, il doit être tenu compte, dans la répartition de la DGF, des
groupements, de l'effort qu'ils font pour établir une péréquation, une
solidarité en matière de taxe professionnelle.
Sur ce point aussi, j'ai une critique à vous adresser. En effet, nous n'avons
pas progressé en 1996 dans le débat relatif à la péréquation de la taxe
professionnelle. Au contraire, un épisode malheureux est survenu, à savoir la
récupération de la taxe professionnelle globalisée de France Télécom - qui
aurait dû servir à la péréquation - pour un autre objectif, relatif à la
politique de la ville. De ce point de vue, nous avons, je crois, perdu du
temps.
M. le président.
Mon cher collègue, le Sénat va être navré de voir s'interrompre votre
discours. Je suis, hélas ! obligé de vous demander de respecter votre temps de
parole.
M. Alain Richard.
Vous avez raison, monsieur le président. C'est votre mission, et vous
l'accomplissez avec autant d'efficacité que de gentillesse.
Je conclurai en deux mots. Le débat relatif aux options d'environnement qui
s'imposent aux communes ne doit pas être traité en opposition. Nous ne pouvons
pas devenir les avocats de la non-réalisation d'objectifs environnementaux. En
revanche, la concertation sur les rythmes et le niveau des normes doit être
développée. En effet, on ne peut être luxueux en matière d'environnement si
l'on devient exagérément frugal dans d'autres missions qui sont aussi des
missions d'intérêt public. Je pense que vous avez, monsieur le ministre, un
problème d'intercommunalité avec le ministre de l'environnement. Celui-ci - et
il n'est d'ailleurs pas le premier dans ce style - est un ministre
exclusivement dépensier qui ne prend pas en compte l'impact financier des
normes qu'il décide, ou qu'il négocie à l'échelon européen. Il convenait de le
rappeler.
Le dernier point de mon intervention concernera la CNRACL. La clarification
n'a pas avancé. Je veux souligner que, derrière le débat relatif à la
surcompensation, qui est déjà un débat sérieux, se profile surtout un débat,
que vous avez tardé à ouvrir, sur les perspectives financières de la CRNACL. Il
est dommage que vous n'ayez pas engagé une concertation, en toute transparence,
sur ce sujet.
M. le président.
Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Alain Richard.
Je conclus, monsieur le président. Le rapport, qui est public depuis un an,
sur les perspectives financières des retraites fait apparaître, hors
surcompensation, un déficit de 30 milliards de francs de la CNRACL à l'horizon
2005. Par conséquent, nous devons, en toute responsabilité, débattre de cette
évolution financière. Je regrette une action financière à court terme qui me
conduit à ne pas voter ce projet de budget, et je souhaite qu'un esprit de
contractualisation et de planification rétablisse la confiance entre les
collectivités locales et l'Etat.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs,
mesdames, messieurs les sénateurs, le budget des collectivités locales dont
nous débattons depuis ce matin constitue, je voudrais le rappeler après
d'autres, une traduction fidèle des engagements pris par le Gouvernement lors
de la dernière loi de finances.
Pour 1997 et, vous le savez, dans un contexte difficile où il est nécessaire
de poursuivre l'assainissement des dépenses publiques pour procéder à une
relance de l'économie sur des bases saines, le Gouvernement a veillé, en effet,
à tenir strictement ses engagements vis-à-vis des collectivités
territoriales.
Cette mise en oeuvre du pacte, défini par l'article 32 de la loi de finances
de l'an dernier, fait mieux, en fait, que préserver le pouvoir d'achat des
concours financiers de l'Etat aux communes et à leurs groupements, aux
départements et aux régions. Toutes ces collectivités disposeront, cela a été
dit, de bases stables pour l'établissement de leur budget et pourront assumer
dans des conditions plus satisfaisantes les responsabilités qui sont les
leurs.
L'application du pacte, pour la deuxième année consécutive - et je crois que
cette durabilité du pacte a en elle-même une grande valeur - aboutira, pour
cette année, à une augmentation de l'ordre de 1,3 %, à 1,5 % si l'on tient
compte des ajustements hors pacte. Cela signifie que l'enveloppe des dotations
actives aux collectivités locales atteindra 155,1 milliards de francs, auxquels
s'ajouteront les 300 millions de francs au titre de la DCTP, la dotation de
compensation de la taxe professionnelle, et les 766 millions de francs au titre
du retour de fiscalité locale de France Télécom.
Au sein du pacte, les dotations de fonctionnement progressent, vous le savez,
à un rythme légèrement supérieur à l'inflation. Les dotations d'équipement, en
termes de droits ouverts, croissent de l'ordre de 4 %. Enfin, les dotations de
financement des transferts de compétences, comme la DGD, la dotation générale
de décentralisation, se maintiennent en francs constants.
Nous avons eu un certain nombre de préoccupations. La première consistait en
un respect scrupuleux du pacte. MM. les rapporteurs ont bien voulu le
souligner, et je les en remercie. M. Hoeffel a repris également ce point dans
son intervention.
La question qui se posait était, bien sûr, de savoir comment associer les
collectivités à la maîtrise des dépenses publiques. Je voudrais rappeler
quelques chiffres. Le budget des collectivités représente 750 milliards de
francs, sur lesquels la fiscalité directe locale représente quelque 280
milliards de francs et l'ensemble des transferts, compensations comprises,
environ 240 milliards de francs. On voit bien que ces masses conditionnent, à
l'évidence, toute politique de stabilité financière à l'échelon national.
L'objectif, de maîtrise des finances publiques passe donc aussi par cette
stabilisation des flux financiers entre l'Etat et les collectivités
territoriales, car l'enjeu, nous le savons bien, c'est l'emploi.
S'agissant de cet effort, il faut en même temps essayer de respecter le mieux
possible à la fois la stabilité des budgets et - ce sujet a été évoqué par
plusieurs orateurs - l'aspect péréquation et solidarité entre budgets des
collectivités territoriales.
S'agissant de la stabilité - je ne reviendrai pas trop longuement sur ce point
- un certain nombre d'orateurs ont observé que le pacte rompait avec ce que
nous avons connu dans le passé, c'est-à-dire des ajustements plus brutaux d'une
année à l'autre, situations qui, en termes de prévisibilité pour les
responsables des budgets des collectivités territoriales, étaient extrêmement
difficiles à assumer ; certaines décisions étaient même prises en cours
d'année. L'aspect prévision à trois ans est donc un élément positif.
Ce pacte est inéquitable, avez-vous dit, monsieur Pagès. Il me paraît, au
contraire, pour cette année tout à fait protecteur des collectivités locales.
Alors que l'ensemble du budget de l'Etat a une croissance zéro en francs
courants, l'ensemble des transferts, vous le savez bien et je l'ai rappelé tout
à l'heure, évolue au rythme de l'inflation.
Ces moyens financiers pour 1997 apparaissent tout à fait compatibles avec
l'objectif de solidarité.
La structure de la DGF, comme l'a rappelé M. Hoeffel tout à l'heure, doit
permettre, avec une hypothèse de croissance de la masse réservée aux
groupements de communes de l'ordre de 500 millions de francs l'année prochaine,
comparable à celle de cette année - et c'est une hypothèse à mon avis plutôt
large - d'assurer une progression de 2 % en croissance de la DSU et de 4 à 5 %
de la DSR, indices qu'il faut remettre en perspective, après la très forte
progression de l'an dernier qui a permis une hausse importante de ces
différentes dotations d'aménagement.
De la même manière, l'abondement, hors pacte, du FNPTP de 766 millions de
francs résultant de la progression de la fiscalité locale acquittée par La
Poste et France Télécom permettra de compenser les pertes de produits liées aux
exonérations de taxe professionnelle prévues dans le cadre du pacte de relance
pour la ville sans obérer pour autant la part du fonds affectée à la
compensation pour pertes de base et à la péréquation, au demeurant renforcée
depuis 1995 au profit de communes connaissant une insuffisance de produits de
taxe professionnelle.
En effet, comme l'a relevé le rapport de la commission, et pour répondre à M.
Delevoye, qui en parlait tout à l'heure, je confirme que, si le coût des
exonérations du pacte de relance pour la ville devait excéder - c'est possible
- le supplément de ressources attendu au profit du fonds, c'est-à-dire 468
millions de francs, le supplément serait pris en charge par l'Etat.
Cet élément, ajouté à d'autres, montre notre souci du respect scrupuleux du
pacte de stabilité financière pour l'année prochaine.
J'aurai l'occasion d'évoquer dans quelques semaines les rapports demandés par
le Parlement, notamment par le Sénat, sur la péréquation. Ces travaux sont, en
effet, en voie d'achèvement.
Le pacte de stabilité financière, il est vrai, ne donne qu'une vision
partielle des concours de l'Etat aux collectivités locales, tant il est vrai
que le poids des compensations est important.
Comme M. Delevoye l'a souligné, le montant des compensations, qu'il s'agisse
de dégrèvements ou de compensations, a considérablement augmenté ces dernières
années.
L'Etat, vous le savez bien, est ainsi devenu le premier contribuable
local.
Or, il serait à mon avis totalement illusoire d'avoir les yeux rivés sur le
périmètre normé si, dans le même temps, on ne portait pas attention à
l'évolution des compensations d'exonérations et de dégrèvements.
Les aménagements intervenus sur les conditions de plafonnement par rapport à
la valeur ajoutée et sur la taxe d'habitation, à laquelle faisait également
allusion M. Delevoye tout à l'heure, la création de la cotisation minimale de
taxe professionnelle s'inscrivent dans le souci de maîtriser - je ne parle même
pas encore de stabiliser - ce type de concours.
Ne nous y trompons pas : le sujet n'est pas simple ! Le débat, maintenant
clos, de la réduction pour embauche et investissement l'a montré, et la
solution passerait probablement par une refonte beaucoup plus générale de la
fiscalité locale, car, pour l'heure, s'il est impossible que l'Etat absorbe
tout le coût de la dérive, il est tout aussi inconcevable - j'en suis conscient
- que les compensations soient brutalement reportées à la charge des
collectivités locales ou des contribuables.
Notre deuxième préoccupation a été le maintien des concours à
l'investissement.
M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur ont souligné le tassement des
investissements des collectivités locales, dont on connaît le poids dans
l'économie nationale : 70 % des investissements publics civils.
On pourrait épiloguer sur les causes de ce tassement : la réduction des marges
de manoeuvre, financières et fiscales - plusieurs orateurs s'en sont fait
l'écho, et le rapport de M. Bourdin a développé ce point dans le cadre de
l'observatoire des finances locales - ainsi que la satisfaction - il faut le
dire - de certains besoins éventuels en matière d'équipement et d'enseignement
; en effet, dans nombre de régions et de départements, l'essentiel du travail
lié à la fois à la remise en état des locaux et aux différentes vagues
démographiques est aujourd'hui derrière nous.
Il est également intéressant d'avoir à l'esprit les conclusions du rapport que
M. Girod a présenté, voilà quelques semaines, à l'Observatoire du comité des
finances locales et qui permet d'avoir - j'allais dire : enfin ! - une vision
objective et claire de toute cette problématique - transfert de charges,
transfert de moyens - et une vision précise de ce qui s'est passé depuis une
quinzaine d'années.
Il reste, c'est vrai, qu'il est essentiel de maintenir l'effort en faveur de
l'investissement.
Certes, le pacte a conduit à supprimer la DGE, première part, des communes.
Mais le Sénat conviendra, je pense, que cette dotation, dont on espérait, à sa
création, qu'elle puisse intervenir de façon significative, a toujours été
assortie de taux de concours inférieurs à 3 % et souvent plus proches de 2 %,
donc dénués de tout effet incitatif. Elle allégeait, certes, la charge locale,
mais elle n'avait plus d'effet incitatif.
Plus significatif, je crois, est le niveau des taux d'intérêt, et plusieurs
orateurs ont bien voulu souligner tout à l'heure que, par sa politique, le
Gouvernement s'attachait à les maintenrir à des montants attractifs.
Je rappellerai aussi, à propos des taux d'intérêt, que le Gouvernement a pris
ces dernières années, et encore très récemment, des mesures spécifiques pour
faciliter la mobilisation de fonds à faible coût - notamment la ressource
CODEVI - au profit des plus petites communes, ou encore au bénéfice des
départements ou régions améliorant la sécurité dans les établissements
d'enseignement.
En ce qui concerne le problème de l'amiante, je tiens à dire à M. Hoeffel que
le dispositif annoncé par le Gouvernement est effectivement en place : les
crédits sont disponibles, et nous étudions actuellement l'expression des
besoins. Ce dispositif d'aide aux collectivités locales devrait donc maintenant
produire rapidement ses effets.
Sur le plan strictement budgétaire, la progression du produit des amendes de
police et l'augmentation des droits ouverts au titre de la DGE permettent,
comme je l'ai dit au début de mon intervention, une hausse des concours de
l'Etat à l'investissement, en 1997, de l'ordre de 4 à 5 %.
Le FCTVA, dont les crédits sont inscrits à titre évaluatif, préserve, à mon
avis, les droits des collectivités locales.
Je dois avouer que je n'ai pas très bien compris la démonstration de M. Pagès
à cet égard. En effet, la réévaluation du taux de TVA est intervenue en cours
d'année 1995, ce qui n'est pas sans conséquences pour les recettes et les
compensations de TVA sur 1997. C'est bien pourquoi le taux apparent est
légèrement en diminution. Mais je pense que vous le saviez fort bien, monsieur
le sénateur. En tout cas, je tiens à votre disposition une note écrite sur ce
point.
La Haute Assemblée a par ailleurs étendu ou aménagé les conditions
d'intervention de ce fonds.
Les amendements proposés et acceptés par le Gouvernement relatifs à la voirie
réalisée par les groupements, question dont j'avais été saisi au cours des
derniers mois par différents sénateurs, en particulier par M. Poncelet,
résolvent, je crois, le problème, et ce dans de bonnes conditions.
Il faudra, c'est vrai, monsieur le rapporteur spécial, évoquer la situation de
1996. Toutefois, M. Mercier connaît trop les contraintes de la gestion
financière pour ignorer que les mesures à effet rétroactif sont parfois
difficiles ; mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
Il me paraît difficile aujourd'hui d'aller plus loin en matière d'aménagement
du FCTVA.
En réalité, la reprise de l'investissement, que la réforme en cours de la
commande publique devrait favoriser, en introduisant une simplification des
procédures, dépendra assez largement de la capacité des collectivités à
maîtriser les charges courantes.
C'est précisément la troisième préoccupation qui a guidé le Gouvernement. M.
le rapporteur spécial et M. le rapporteur ont beaucoup insisté sur cet
aspect.
Le Gouvernement est soucieux de parvenir à une meilleure maîtrise des charges.
Plusieurs orateurs ont souhaité que le pacte de stabilité porte non seulement
sur les recettes, mais aussi sur les charges. Je crois qu'ils ont raison. Cela
nous obligera collectivement, au niveau de l'ensemble de la société, à
raisonner autrement sur un certain nombre de problèmes qui nous sont posés.
J'ai entendu les observations portant sur les normes en matière d'équipements
sportifs, sur la recherche d'une meilleure protection de l'environnement et,
d'une manière générale, sur toutes les normes qui s'imposent à nous. Il faut
effectivement, me semble-t-il, que l'ensemble des responsables de ce pays,
quelles que soient leurs responsabilités, se rendent compte des conséquences,
en termes de charges publiques, de leurs propositions et de leurs décisions.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la mise en oeuvre de procédures
de concertation et de discussion avec les partenaires, qui peuvent d'ailleurs
être tout à fait extérieurs aux collectivités publiques, pour traiter de ces
sujets.
Par ailleurs, s'agissant des marges de manoeuvre, il est incontestable que les
recettes des collectivités sont très sensibles à la conjoncture et que, à
l'inverse, les charges auxquelles elles ont à faire face vont croissant en
période de difficultés économiques.
Cet effet de ciseaux, comme cela a été souligné par plusieurs orateurs, est
particulièrement perceptible en matière d'aide sociale. Il l'est donc
essentiellement pour les départements, mais aussi pour les communes, à travers
l'évolution des contingents d'aide sociale. A cet égard, je voudrais vous
préciser que les études portant sur ces mécanismes de contingents d'aide
sociale sont maintenant achevées, et que nous sommes prêts à ouvrir une
discussion avec les responsables des conseils généraux et de l'Association des
maires de France pour avancer sur ce dossier délicat. Ce dernier risque, en
effet, si l'on n'y prend garde, d'empoisonner de plus en plus les relations
entre les grandes communes et les conseils généraux ; nous devons donc veiller
à ne pas laisser se développer une sorte de conflit un peu stérile qui pourrait
dégénérer. Il faut que l'ensemble des responsables connaissent la situation ;
il nous faut disposer d'une photographie à partir d'une connaissance des
réalités ; les réflexions et les discussions deviennent alors plus faciles.
Le projet de budget qui vous est proposé tient compte, je crois, de ces
différentes préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Ainsi, la dotation générale de décentralisation voit son pouvoir d'achat
préservé ; elle évoluera à un rythme légèrement supérieur à celui de
l'inflation.
La dotation spéciale instituteur a été recalibrée conformément aux conclusions
du groupe de travail administrations-élus.
Enfin, le Gouvernement - vous l'avez dit - s'est attaché à stabiliser le
montant des cotisations à la CNRACL.
Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à ce dossier.
A entendre certains propos, on me reproche presque d'avoir trouvé une solution
; je m'en étonne quelque peu. Ce n'est pas parce que le problème n'est pas
résolu pour l'éternité que l'on ne peut pas reconnaître qu'il est réglé au
moins pour une année ! Je me permets de le faire remarquer avec un peu de bon
sens...
Pour le reste, je souhaite que, à l'occasion des réflexions que nous aurons à
mener sur l'évolution des retraites dans l'ensemble des professions, y compris
dans le secteur public, le Gouvernement soit soutenu avec la même énergie que
celle qui s'est exprimée dans les propos que je viens d'entendre. Il est bien
certain qu'une évolution différente du débat de 1995 aurait peut-être facilité
le débat sur la surcompensation. Il n'est pas inutile et il est sans doute de
mon rôle de le rappeler à l'occasion de cette discussion budgétaire, car on ne
peut pas indéfiniment traiter des problèmes uniquement secteur par secteur ; il
y a malheureusement des dossiers qui se chevauchent.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Il n'est pas certain que ce soit
équilibré, même pour 1997 !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
A ce propos, monsieur le président de la commission des
finances, les chiffres dont nous disposons sont tout à fait clairs, et il
serait bon que je les transmette au président de la commission des finances. Je
ne voudrais pas, en effet, que des chiffres émanant de tel ou tel organisme
induisent en erreur les parlementaires de notre pays.
M. René Régnault.
Il faut ouvrir un débat !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Sur les faits, je ne suis pas sûr qu'un débat soit
nécessaire, monsieur le sénateur. Les faits, malheureusement, sont têtus !
S'agissant de la fonction publique, le texte que vous avez bien voulu adopter
sera présenté à l'Assemblée nationale dans quelques jours maintenant.
Dans la foulée, nous pourrons soumettre au Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale le projet de décret qui, je le sais, suscite un grand
intérêt chez nombre d'entre vous, parce qu'il prévoit un statut pour les
directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des départements et des
régions. Ce problème sera donc réglé.
Par ailleurs, je suis bien conscient de la nécessité de conserver des
capacités d'évolution en matière de statut des personnels et de mieux tenir
compte, à cet égard, de la dimension intercommunale. Les besoins des
groupements intercommunaux ne sont pas suffisamment pris en considération dans
la structure statutaire que nous avons élaborée ces quinze dernières années,
sous différentes majorités parlementaires. Le développement de
l'intercommunalité, très important depuis quatre ou cinq ans, nous contraindra
probablement à introduire certains éléments de souplesse dans ces constructions
statutaires.
S'agissant des nouvelles charges, je rappelle que, dès le mois de novembre
1995, le Premier ministre a invité tous les membres du Gouvernement à
accompagner leurs projets de loi et leurs projets de décret d'une étude
d'impact traitant, en particulier, de leurs incidences financières sur le
budget des collectivités locales. C'est ainsi que nous pratiquons désormais.
Reste que, comme je le disais au début de mon propos, nous devons ensemble
considérer l'empilement des dispositifs qui se sont stratifiés au cours des
années afin de dégager un certain nombre de possibilités d'économies.
Je sais également qu'au sein de votre commission des lois - M. Hoeffel a bien
voulu le rappeler tout à l'heure - nombreux sont ceux qui estiment nécessaire
une clarification des compétences, même si la tâche n'est pas aisée en période
de difficultés économiques et budgétaires. C'est la raison pour laquelle je
mène depuis plusieurs mois une concertation très large avec de nombreux élus à
la fois des régions, des départements et des communes, afin que nous
réfléchissions ensemble aux évolutions nécessaires. Nous devons poursuivre
cette démarche, en gardant toujours à l'esprit les conclusions du rapport de M.
Paul Girod, pour que les charges éventuellement transférées soient exactement
compensées et qu'elles ne contribuent pas à accroître les difficultés
budgétaires des collectivités.
Je suis totalement persuadé, comme M. le rapporteur spécial, qu'il faut autant
que faire se peut corriger ces erreurs, au reste inévitables dans une réforme
de cette ampleur, qui ont conduit à la mise en place de dispositifs dans
lesquels les décideurs ne sont pas les payeurs. Il est indispensable de faire
en sorte que, dorénavant, les décideurs soient les payeurs et inversement.
En ce qui concerne l'intercommunalité, nous avons engagé une très large
réflexion. Un prérapport vous a été transmis. Je poursuis la concertation
depuis plusieurs mois. Nous serons en mesure, dans quelques semaines, de vous
transmettre le rapport définitif. Donc, je souhaite être en mesure, au début de
1997, de présenter au conseil des ministres et ensuite au Parlement un projet
de loi relatif à l'intercommunalité. Il aura deux objectifs. Il s'agira, d'une
part, de simplifier pour faire en sorte que la démocratie locale reste lisible
et compréhensible pour nos concitoyens. Nous devons y veiller, car le
développement de l'intercommunalité nous l'impose. Il s'agira, d'autre part, de
faire en sorte que la solidarité intercommunale se construise chaque jour
davantage sur des bases solides afin que le choix de la taxe professionnelle
d'agglomération ne soit pas freiné par des difficultés d'ordre technique ou par
des considérations tenant notamment au non-accompagnement financier.
M. René Régnault.
Très bien !
M. Dominique Perben,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la démarche qui est la mienne en matière de
réforme de l'Etat est évidemment parallèle à celle que nous avons adoptée pour
construire le dialogue entre l'Etat et les collectivités décentralisées. Comme
j'ai eu l'occasion de le dire, il y a quelques jours devant le congrès de
l'Association des maires de France, la volonté du Gouvernement et du Président
de la République de procéder à une véritable déconcentration de
l'administration de l'Etat correspond à une conviction : sur le terrain,
l'administration de l'Etat doit être capable, en devenant un véritable
partenaire des décideurs locaux, d'accompagner le changement et notre pays, qui
est riche d'initiatives et de potentialités de réforme doit pouvoir compter sur
cette même administration de l'Etat pour répondre localement à ce besoin de
changement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la décentralisation inscrits à
la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix le vendredi 29
novembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la sécurité.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 196 622 716 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV,
moins
1 881 795 374 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 1 465 000 000 francs ;
« Crédits de paiement, 506 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 10 301 445 000 francs ;
Crédits de paiement, 5 918 529 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de
loi concernant la décentralisation.
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