M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Le 25 octobre dernier, le groupe Alcatel a annoncé la suppression de 1 636 emplois en France, dont 600 sur le site de Lannion. C'est dire que toute la production et une partie de la recherche sont concernées sur ce site.
Cela entraînerait, par ailleurs, la disparition de centaines d'emplois dans la sous-traitance, le commerce, l'artisanat et les services publics, ce qui serait un recul considérable pour toute une région.
Nous ne pouvons accepter cette décision émanant d'un groupe qui se disait prêt à acheter Thomson pour 25 milliards de francs, ...
Mme Hélène Luc. Ah oui !
M. Félix Leyzour. ... décision qui intervient à un moment où Alcatel-CIT connaît une augmentation de 20 % de ses commandes pour la période 1996-1998 et Alcatel-Télécom, une augmentation de 20 % de ses commandes au premier semestre de 1996.
En vue de réaliser le maximum de profits immédiats, Alcatel cherche à délocaliser ses productions vers des pays où le coût de la main-d'oeuvre est faible.
Alcatel ayant bénéficié de l'argent public, il doit, à ce titre, rendre des comptes !
On ne peut qu'être frappé par le fait que la vague d'éclatements, de réductions et de disparitions d'activités dans tout le secteur de l'électronique intervient au moment où le pôle France Télécom-CNET est déstabilisé par la déréglementation et la réorganisation de France Télécom comme une multinationale.
En conséquence, monsieur le ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que la direction du groupe Alcatel ne procède pas à ces licenciements, pour que soient gelés les plans de licenciement dans tout ce secteur industriel et que s'engage un grand débat public autour de la filière du multimédia afin que notre pays garde et développe un grand pôle de l'électronique ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur le sénateur, vous avez pratiqué l'amalgame, ce que je regrette un peu : il ne faut en effet pas confondre CIT-Alcatel, Alcatel Télécom et Thomson, comme vous avez essayé de la faire.
Les entreprises industrielles sont de plus en plus soumises, qu'on le veuille ou non, à une concurrence qui va croissant. Elles doivent s'adapter aux nouvelles donnes économiques.
Face à ce problème, trois attitudes peuvent être adoptées : soit décider que rien ne doit bouger - c'est votre position - ...
M. Félix Leyzour. Pas du tout !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. ... et prendre le risque de condamner les entreprises à mort, soit s'engager dans le « zéro emploi industriel » et, de fait, dans la délocalisation industrielle et la remise en cause du socle industriel, qui est l'un des fondements du développement économique, soit encore - cette troisième attitude est la mienne - donner aux entreprises privées, dans le secteur concurrentiel, tous les moyens de s'adapter aux conditions de l'évolution du marché.
En effet, une entreprise incapable de faire face à la concurrence au travers de ses produits, de ses marchés ou de ses prix de revient est, d'une manière ou d'une autre, condamnée.
M. Claude Estier. Donc, elle doit licencier !
M. Félix Leyzour. Il faut laisser tout disparaître ?
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. L'entreprise CIT-Alcatel, quoi que vous en disiez, connaît une baisse globale de ses activités sur l'année 1996 ; elle affichera, à la fin de l'année, 500 millions de francs de pertes. En 1997, compte tenu de l'évolution de son activité et malgré les efforts réalisés dans le domaine de l'organisation du travail, de la productivité, de la recherche d'autres produits et de services, le résultat sera comparable.
Cette entreprise ne pourra pas le supporter, car une société ne peut pas accumuler, année après année, les pertes. Elle doit donc s'adapter aux conditions du marché pour vendre ses produits.
M. Paul Loridant. Elle distribue des stocks-options.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. C'est la raison pour laquelle elle présente un plan économique comportant 1 600 suppressions effectives de postes.
Quelle réponse peut-on apporter à cela ? Tout d'abord, on doit discuter avec la direction de l'entreprise pour bien vérifier qu'un projet industriel est prévu. Le ministère de l'industie procède à cette vérification.
Par ailleurs, lors du comité central d'entreprise, le 5 novembre dernier, la décision a été prise - elle a été soutenue par la direction - de permettre à un cabinet d'expertise, le cabinet Syndex, de vérifier la réalité et la justification du projet industriel proposé par l'entreprise.
Lorsque tout le monde se sera mis d'accord sur l'existence de ce projet industriel, il faudra alors discuter avec l'entreprise pour trouver les moyens permettant de limiter le nombre des suppressions de postes, hélas ! nécessaires, de telle manière que les conséquences sociales sur le personnel soient les plus faibles possible.
Telle est la position qu'il faut adopter ; c'est celle du Gouvernement, notamment du ministre de l'industrie, qui accompagnera l'analyse de ce dossier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travée du RDSE.)
M. Félix Leyzour. C'est la politique de désindustrialisation !
Mme Hélène Luc. On demande aux Coréens de reprendre Thomson, et on licencie chez Alcatel, qui était candidat à la reprise !

LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE