M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens sont de plus en plus irrités, parfois excédés, par le problème de la Corse.
M. Paul Loridant. Est-ce possible ?
M. Jacques Oudin. Depuis vingt ans, la violence règne dans cette région sans qu'aucun répit ne semble apparaître.
L'examen de la situation corse, auquel j'ai procédé dans le cadre d'une mission parlementaire que m'avait confiée le Premier ministre, M. Edouard Balladur, nous conduit à dresser trois constats.
Premier constat : il est vrai que la Corse connaît certaines difficultés économiques qui tiennent à la faible densité de sa population - n'oublions pas qu'elle ne compte que 246 000 habitants - à l'exode important qu'elle a connu, à son insularité et à son éloignement.
Deuxième constat : il est vrai également que la Corse a bénéficié, au cours de cette période, d'une très grande générosité de la République, ce qu'il ne faut pas oublier.
Au-delà d'un statut spécial, d'un régime fiscal dérogatoire pour toutes les catégories d'impôt, la Corse est la région de France qui bénéficie par habitant des aides les plus importantes, tant pour l'investissement que pour le fonctionnement.
Grâce à ces aides, parmi lesquelles figure la dotation pour la continuité territoriale, - plus de 800 millions de francs - la Corse dispose actuellement de la flotte de desserte la plus moderne du monde, de quatre aéroports internationaux, de six ports en eaux profondes, pour une fréquentation touristique largement inférieure à celle d'une île comme la Crète, qui est loin de posséder de tels équipements. Par conséquent, la République ne peut être suspectée d'aucune faiblesse quant à la générosité dont elle fait preuve à l'égard de la Corse.
Le projet de « zone franche », qui ne fait d'ailleurs pas l'unanimité des élus corses, est la dernière manifestation de cette générosité de la République à l'égard de la Corse.
Enfin, le troisième constat est la permanence d'un climat de violence que, malheureusement, aucune tentative de dialogue n'a su éliminer.
Le dialogue est nécessaire au sein de notre République, mais il doit d'abord passer par les élus régulièrement mandatés par la population dans le cadre d'élections démocratiques.
Les poseurs de bombes ne sauraient être considérés comme des interlocuteurs plus pertinents ou plus représentatifs de la population.
Au-delà de ces constats, certains événements récents ont particulièrement choqué et irrité nos concitoyens : le rassemblement qui a regroupé sur le sol corse plusieurs centaines de nationalistes armés ; la pose de bombes sur le continent, que ce soit à la mairie de Bordeaux ou dans d'autres bâtiments publics, par exemple à Aix.
Dans un tel contexte, chacun est conscient qu'aucune mesure de soutien à l'économie n'aura une quelconque efficacité si la paix civile n'est pas rétablie en Corse.
M. le président. Posez votre question, monsieur Oudin !
M. Jacques Oudin. Comment envisager d'investir dans une usine, dans une entreprise, dans un équipement touristique, dans une exploitation agricole, quand cet investissement est menacé en permanence d'être détruit, voire racketté ?
Aucun développement durable n'est envisageable en Corse sans un minimum de paix civile.
Il appartient au Gouvernement de restaurer l'ordre républicain et la paix civile dans cette région à laquelle, en dépit ou à cause de ses malheurs, nous sommes attachés. Nous souhaitons que la Corse prenne à nouveau le chemin du développement et nous comptons sur le Gouvernement, monsieur le ministre, pour l'y aider. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous le savez parfaitement, et peut-être mieux que beaucoup d'autres, le Gouvernement met actuellement en Corse tous les moyens de police, de gendarmerie et de justice en action pour tenter d'enrayer la spirale de la violence criminelle que connaît l'île.
Voilà quelques jours - vous l'avez probablement remarqué -, le service régional de police judiciaire, le SRPJ d'Ajaccio et l'antenne de police judiciaire ont procédé à une série d'interpellations à Bastia et à Calvi, dans le cadre de l'enquête relative à l'attentat à la voiture piégée qui a été commis le 1er juillet dernier à Bastia.
A l'occasion de cette importante opération de police - vous le savez aussi - des armes, des documents, des équipements ont été saisis.
Depuis le début de l'année, monsieur le sénateur, 74 personnes ont été interpellées, 25 ont été déférées à la justice et écrouées. Telle est la réalité de l'action de l'Etat en Corse ! Le reste n'est que commentaire !
Nous continuons à mettre les délinquants hors d'état de nuire. Les investigations de la police, sous le contrôle de la justice, se poursuivent pour identifier et retrouver les auteurs de tous les attentats commis en Corse ou sur le continent.
Comme précédemment, nous parviendrons à les interpeller, à les arrêter et à les déférer devant la justice. En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, sans restauration de l'Etat de droit, aucun progrès économique et social n'est possible en Corse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ailleurs non plus !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ainsi que l'a dit M. le Premier ministre voilà quelques jours, le terrorisme est une sorte d'insulte à l'avenir de la Corse. Je crois très profondément et très sincèrement que la Corse peut et doit avoir un destin autre que celui que certains veulent lui donner aujourd'hui. Ce destin, dans la paix et le dialogue, est réclamé par l'ensemble des Corses, qu'ils vivent sur le continent ou sur l'île.
Le chemin à tracer est celui du développement, dans le cadre du dialogue républicain, avec les élus des assemblées territoriales. C'est ce que nous faisons, avec fermeté.
Nous identifierons tous les auteurs des attentats non pas simplement d'après des rumeurs, mais à partir d'éléments de preuve.
Parallèlement, nous essayons, avec l'ensemble des élus représentés à l'assemblée territoriale, de préparer un destin autre pour la Corse. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler la règle que nous nous sommes fixée : chaque orateur dispose de deux minutes et demie pour poser sa question, et chaque ministre dispose du même temps pour y répondre. Je vous demande donc, les uns et les autres, de respecter le temps de parole qui vous est imparti.
VERSEMENT DE SUBVENTIONS
À L'ASSOCIATION LE PATRIARCHE