L'AVENIR DU GROUPE AÉRONAVAL : La nécessité d'un second porte-avions
BOYER (André)
RAPPORT D'INFORMATION 358 (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Rapport au format Acrobat ( 230 Ko )Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. L'INTÉRÊT OPÉRATIONNEL DU
PORTE-AVIONS EST CONFIRMÉ PAR LE NOUVEAU CONTEXTE
GÉOSTRATÉGIQUE
- A. UN OUTIL ADAPTÉ AU NOUVEAU CONTEXTE GÉOPOLITIQUE
- B. LE CONFLIT DU KOSOVO A CONFIRMÉ L'UTILITÉ OPÉRATIONNELLE D'UN GROUPE AÉRONAVAL PERMANENT ET COHÉRENT
- C. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES CAPACITÉS AÉRONAVALES DANS LE MONDE
- II. LE GROUPE AÉRONAVAL AUJOURD'HUI : UNE CAPACITÉ MAJEURE D'ACTION DONT LA COHÉRENCE DOIT ÊTRE RENFORCÉE
- III. QUELLES ORIENTATIONS PRIVILÉGIER POUR UN SECOND PORTE-AVIONS ?
-
I. L'INTÉRÊT OPÉRATIONNEL DU
PORTE-AVIONS EST CONFIRMÉ PAR LE NOUVEAU CONTEXTE
GÉOSTRATÉGIQUE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE I -
PRINCIPAUX SIGLES ET ABRÉVIATIONS -
ANNEXE II -
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES -
ANNEXE III -
INDEX DES TABLEAUX - L'AVENIR DU GROUPE AÉRONAVAL
- LA NÉCESSITÉ D'UN SECOND PORTE-AVIONS
N°
358
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 25 mai 2000
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l' avenir du groupe aéronaval ,
Par M.
André BOYER,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier
Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert
Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote,
Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu,
Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de
Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait,
Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André
Rouvière.
Défense.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Durant 35 ans, la France a disposé, avec le
Clemenceau
et le
Foch
, de deux porte-avions assurant une permanence à la mer d'un
groupe aérien embarqué complet. Cette configuration de notre
marine correspondait à un niveau de menace élevé,
cohérent avec la guerre froide.
Depuis 1997, la France ne dispose plus que d'un seul porte-avions, le
Foch
jusqu'à la fin de l'année 2000, puis, au-delà, le
porte-avions nucléaire
Charles de Gaulle
. Cette situation devrait
durer 15 ans au minimum, un second porte-avions ne pouvant être
livré qu'en 2012 à condition que sa construction soit
lancée au cours de la prochaine loi de programmation militaire
2003-2008. Or, un seul porte-avions ne permet de disposer d'un groupe
aérien embarqué opérationnel à la mer qu'au maximum
deux tiers du temps. Son utilisation devient donc partielle et intermittente.
La question de la permanence et de la cohérence du groupe
aéronaval, et au-delà, des priorités d'équipement
de la Marine dans un contexte budgétaire contraint, se trouve donc
aujourd'hui posée, alors que se prépare, au sein du
ministère de la défense, l'élaboration de cette loi. Ne
pas mettre en chantier un second porte-avions durant la prochaine loi de
programmation, ou ne pas renouveler suffisamment notre flotte de combat,
conduirait à remettre en cause la cohérence même du
modèle de Marine durant plusieurs décennies, comme le soulignait
le président Xavier de Villepin, dans son rapport sur les premiers
enseignements de l'opération " Force alliée ".
La question de la construction du second porte-avions et de la modernisation du
groupe aéronaval intervient dans un contexte profondément
renouvelé. Les besoins opérationnels ont notablement
évolué ; il ne s'agit plus d'affronter la marine
soviétique dans une bataille navale massive en haute mer, mais de mener
des opérations interarmées et interalliées,
éloignées de la métropole, à proximité des
côtes. La menace ayant diminué, la France a également revu
à la baisse son effort de défense. Enfin, quelle pourrait
être la contribution de la France à la défense
européenne qui se met en place ?
Ces trois éléments conditionnant les choix futurs en
matière d'armement naval, votre rapporteur a cherché à
répondre successivement à trois questions : le porte-avions
est-il un outil pertinent, répondant aux besoins de la France dans le
nouveau contexte géostratégique ? Les moyens dont notre pays
dispose aujourd'hui, avec le porte-avions
Charles de Gaulle
, sont-ils
cohérents ? Dans quelles conditions et à quel coût
pourrait-on construire un second porte-avions ?
I. L'INTÉRÊT OPÉRATIONNEL DU PORTE-AVIONS EST CONFIRMÉ PAR LE NOUVEAU CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE
Le porte-avions reste encore aujourd'hui un outil particulièrement adapté pour répondre aux besoins opérationnels du contexte géopolitique de l'après-guerre-froide. Son utilisation au Kosovo par la France a d'ailleurs pleinement illustré l'intérêt de disposer d'un groupe aéronaval permanent et cohérent. Cet intérêt est confirmé au niveau international, un grand nombre de pays souhaitant développer ou se doter de capacités aéronavales.
A. UN OUTIL ADAPTÉ AU NOUVEAU CONTEXTE GÉOPOLITIQUE
Alors que la réduction du budget d'investissement du ministère de la défense a déjà fortement contribué à ralentir la réalisation du programme Charles de Gaulle , certains pourraient se demander si un seul porte-avions, disposant de capacités opérationnelles accrues, ne serait pas suffisant dans le nouveau contexte géostratégique, au moment où il paraît de plus en plus opportun d'adapter notre " posture " à nos besoins et où progresse la construction d'une défense européenne qui conduira à partager ou à mettre en commun un certain nombre de capacités. Votre rapporteur considère, pour sa part, qu'une capacité de permanence en mer, fondée sur deux porte-avions, répond pleinement aux nouveaux besoins opérationnels de nos armées. Loin d'être d'ailleurs remise en cause par la construction de l'Europe de la défense, elle permettrait de disposer, au sein des marines européennes, de capacités permettant de conduire des activités de prévention des conflits et des missions de gestion de crises.
1. L'intérêt opérationnel d'un porte-avions
Le porte-avions est un instrument souple et polyvalent. Il est à même d'accomplir les nouvelles missions de projection et de gestion de crise, tout en assurant les missions traditionnelles qui lui étaient attribuées jusqu'à ces dernières années. Aucune des solutions alternatives imaginées jusqu'ici ne paraît en mesure de satisfaire mieux que lui les besoins opérationnels auxquels il répond.
a) Le porte-avions apporte une réponse adaptée à des besoins opérationnels nouveaux
Le
nouveau contexte géostratégique qui s'impose à notre pays
depuis la chute du mur de Berlin l'a conduit à réformer
profondément l'organisation de nos forces, notamment en les
professionnalisant. Cette réorganisation découle directement du
constat de l'insuffisante disponibilité et de l'inadaptation de
certaines capacités effectué lors de la guerre du Golfe en 1991.
Trois enseignements majeurs peuvent être tirés concernant le
rôle d'un porte-avions et d'un groupe aéronaval : un besoin
accru de projection, une indispensable capacité de gestion de crise et
une participation plus efficace dans des coalitions.
.
Un besoin accru de projection
Le porte-avions et son groupe aéronaval répondent parfaitement au
besoin accru de projection qui ressort des différentes crises de
l'après-guerre froide. La menace ne se situe plus en Centre Europe mais
dans des zones plus ou moins éloignées, où nos
intérêts majeurs ou des principes fondamentaux du droit
international sont en jeu. Plus que dans des engagements en haute mer,
les
marines sont désormais impliquées dans des opérations
côtières à partir de la mer
, en vue de soutenir des
opérations au sol. La perspective de telles opérations n'est pas
marginale dans un monde où 80 % de la population mondiale vit à
moins de 400 km des côtes.
Le porte-avions et son groupe aéronaval sont des outils à la fois
de projection de puissance et de projection de force. Le porte-avions,
grâce à son aviation embarquée capable de frapper dans la
profondeur des terres avec une très grande précision, est cet
outil de projection de puissance
. C'est un instrument d'autant plus
souple qu'opérant à partir de la haute mer, il peut s'affranchir
de certaines contraintes diplomatiques. Ainsi, lors de l'opération
" Desert Strike II " en septembre 1996, la Turquie et l'Arabie
Saoudite refusant l'usage de leurs bases à l'aviation
américano-britannique pour mener des frappes contre l'Irak, les
Etats-Unis n'ont eu d'autres recours que d'utiliser les avions embarqués
sur leurs porte-avions
Enterprise
et
Carl Vinson
. De même,
au début de l'opération Deny Flight sur la Bosnie, l'US Navy a
assuré 80 % des missions de nuit en raison des restrictions de
décollage en vigueur sur les terrains italiens.
A moyen terme, les autres bâtiments du groupe aéronaval,
sous-marins nucléaires d'attaque du type "
Barracuda
"
et frégates multimissions optimisées pour l'action vers la terre,
seront dotés de missiles de croisière qui leur donneront une
capacité complémentaire de projection de puissance permettant
à la France de participer à toutes les phases de frappe, quel que
soit le degré d'intensité de la crise.
Le groupe aéronaval contribue également au soutien des
opérations
de projection de force
. L'aviation embarquée
du porte-avions fournit la supériorité aérienne
nécessaire à la réussite d'une opération amphibie,
puis le soutien et la protection aérienne des forces
déployées. Les transports de chalands de débarquement
(TCD) sont à même de transporter en grande quantité du
matériel lourd et des hommes en vue d'une action au sol jusqu'à
un port ou, grâce à leur batellerie enradiée et à
leurs hélicoptères de transport et de combat, jusqu'à une
plage adverse.
De ce fait, le porte-avions et son groupe aéronaval sont des outils
interarmées essentiels agissant, en complémentarité avec
l'armée de l'air, en soutien de l'armée de terre au sol dans des
missions d'appui aérien, de protection, de débarquement ou de
transport. Outils principaux du système de forces visant à
maîtriser le milieu aéromaritime, ils opèrent
également à la charnière des milieux maritimes et
terrestres.
. Une indispensable capacité de gestion de crise
Peu de conflits de l'après-guerre froide, dans lesquels la France a
été amenée à intervenir, ont été des
guerres au sens classique du terme. En effet, ces conflits se
caractérisent par un engagement de moindre intensité et surtout
par une très grande implication du pouvoir politique dans la phase
militaire. Les pays occidentaux se donnent pour objectif de limiter au maximum
les pertes humaines, non seulement dans leur camp, mais aussi autant que faire
se peut dans le camp adverse, notamment parmi la population civile. Ce sont
aussi des conflits où, plus que par le passé, l'action militaire
est " la continuation de la politique par d'autres moyens ",
c'est-à-dire où les frappes aériennes et l'action au sol
ne sont qu'une phase d'un processus diplomatique qui encadre le conflit,
après l'échec de négociations ou la non application de
résolutions des Nations unies. Durant la phase militaire, le pouvoir
politique contrôle strictement les moyens employés, décide
de l'intensification des frappes et même, comme au Kosovo, selon les
phases de l'intervention, le type de cibles qui peuvent être
frappées.
Dans ce contexte, le porte-avions apparaît comme un
outil
adapté à la gestion de crise
. Il peut être
déployé de manière préventive
ou comme
moyen de pression
démontrant la détermination du pays qui
l'envoie, que ce soit au cours des négociations, comme le
Foch
lors des discussions de Rambouillet en février 1999 dans le cadre de la
précrise du Kosovo, ou durant une opération au sol. En 1984, lors
de l'opération " Epervier " au Tchad, la présence d'un
porte-avions au large de la Libye, menaçant la capitale Tripoli et les
villes du littoral, a conduit à plusieurs reprises le gouvernement
libyen à relâcher sa pression sur le nord du Tchad. Le
porte-avions correspond à un premier échelon des moyens
militaires et son action dissuasive puis offensive peut parfois suffire,
évitant le déploiement de forces plus importantes.
Déployé très tôt et indépendamment de toute
contrainte, le porte-avions évite le prépositionnement, pour une
longue durée, de moyens militaires. Il est ainsi une alternative
à une politique de points d'appui. Il permet également d'engager
éventuellement les frappes sans attendre la mise à disposition de
bases au sol et leur montée en puissance. Dans certains cas, en raison
de l'éloignement ou du manque de terrains d'aviation, il peut être
le seul à pouvoir agir. Il apporte par ailleurs une capacité
complémentaire et autonome non négligeable (1/3 des missions
d'assaut de la France au Kosovo), tout en ne nécessitant pas la mise en
oeuvre des moyens lourds comme les bombardiers ou les ravitailleurs de l'air.
Il offre aussi l'avantage d'une grande réactivité,
s'affranchissant d'une partie des contraintes météorologiques,
grâce à une capacité de déplacement de 1000 km par
jour, et se plaçant au plus près des côtes à une
faible distance des cibles.
Le porte-avions permet enfin, grâce à son aviation
embarquée et à ses capacités de commandement, de
renseignement, de connaissance du théâtre et de communication, de
garder la maîtrise d'une situation au profit du pouvoir politique.
.
Une participation plus efficace à des coalitions
Un grand nombre de crises dans lesquelles la France est intervenue
militairement ont été gérées par des coalitions
ad hoc
, dans le cadre de l'OTAN ou sous mandat des Nations unies. Dans
ce type de conflits, la détention d'un porte-avions est pour notre pays
un atout majeur qui peut lui conférer un rôle essentiel dans le
dispositif, même si, dans une coalition, l'influence ne se mesure pas
seulement à l'importance des forces détenues par un pays ou des
missions qu'elles accomplissent. L'expérience tend à montrer que
la capacité à détenir de l'information, à
l'exploiter et à exercer un commandement dans un dispositif
international sont trois éléments essentiels qui peuvent
permettre de peser sur les décisions au-delà du rapport
mathématique des moyens mis en oeuvre. C'est d'ailleurs pourquoi la
Marine française développe un MCC (Maritime Component Commander
ou Commandement de composante maritime), c'est à dire la capacité
de prendre la responsabilité d'un PC marine dans une opération
entre alliés.
Enfin, parce que c'est un moyen indépendant et autonome, le porte-avions
permet au pouvoir politique de garder une capacité propre de
décision et d'action pour accomplir des missions nationales.
b) Le porte-avions continue d'assurer ses missions traditionnelles
Le
porte-avions
Charles de Gaulle
assumera toujours un certain nombre de
missions essentielles pour notre pays, qui étaient déjà
dévolues aux porte-avions
Clemenceau
et
Foch.
Il est tout d'abord incontestablement un instrument de souveraineté
de premier ordre
, servant les ambitions affichées de notre politique
étrangère et les responsabilités liées à
notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des
Nations unies. La possession d'un porte-avions, son déploiement dans les
mers du globe, comme celui du
Foch
lors de la mission Myrrhe durant le
premier semestre 2000, a une signification très forte. Seule la France,
en dehors des Etats-Unis, dispose d'un véritable porte-avions capable de
projeter des capacités en profondeur.
Le porte-avions est aussi un élément important de la
protection des intérêts nationaux à travers le monde
.
Notre pays a tout intérêt à disposer des moyens
nécessaires à leur préservation, en tout temps et en tout
lieu, si les circonstances l'exigent. Se priver de cette capacité
équivaudrait à s'en remettre à d'autres pour cette mission
essentielle, ou à renoncer à l'assurer faute de capacités
adaptées. Même si ces éventualités paraissent
actuellement peu probables, on ne peut consentir à l'idée de ne
pouvoir y faire face. Les intérêts que notre pays doit
défendre à l'extérieur sont nombreux, qu'il s'agisse de
nos territoires d'outre-mer, de notre approvisionnement en énergie, de
la protection de nos bases comme Djibouti et des accords de défense que
la France a conclus avec de nombreux pays d'Afrique. Mais la protection dans ce
domaine ne s'improvise pas et la construction d'un porte-avions demande
plusieurs années ; une fois construit il est opérationnel 30
à 40 ans. C'est un instrument de long terme, souple, qui permettra de
répondre à des menaces qui ne sont pas nées au moment de
sa construction et parfois difficilement imaginables à ce
moment-là.
Enfin,
le porte-avions
participe à la dissuasion
nucléaire
dans sa composante aéroportée. Les
Super-Etendard
embarqués sur le
Foch
et bientôt sur
le
Charles de Gaulle
sont à même de délivrer le
missile ASMP (air sol moyenne portée) doté d'une tête
nucléaire, le
Rafale
devant, dans les prochaines années,
être doté de l'ASMP-A, version améliorée du missile
précédent.
Le tableau ci-après récapitule les missions effectuées
depuis 1966 par le groupe aéronaval.
Les principales missions effectuées par les porte-avions Clemenceau et Foch
Mission |
Dates et durée |
Contenu de la mission |
ALFA |
1966-1968
|
Assurer la sécurité et le déroulement des expérimentations nucléaires dans le Pacifique |
SAPHIR I
|
Octobre
1974 - Mars 1975
|
Engagement et protection de l'accession à l'indépendance de Djibouti |
OLIFANT |
1982-1984
|
Soutien des contingents français déployés au Liban |
MIRMILLON |
Septembre
à novembre 1984
|
Dissuader la Libye d'attaquer pendant le démontage de l'opération aéroterrestre MANTA |
PROMETHEE |
Juillet
1987 - septembre 1988
|
Protéger le trafic maritime marchand dans l'Océan Indien et le détroit d'Ormuz lors du conflit Iran-Irak |
CAPSELLE |
Août-septembre 1989 |
Protéger une éventuelle évacuation des ressortissants au large du Liban |
SALAMANDRE |
Août à octobre 1990
|
Protection des pays du Golfe après l'invasion du Koweit et participation à la libération du pays |
BALBUZARD |
Depuis
février 1993
|
Assurer
la sécurité des éléments français de la
FORPRONU et faciliter l'éventuel désengagement des forces
à terre
|
SALAMANDRE |
Clemenceau et Foch en 1996
|
A pris le relais de Balbuzard à la création de la SFOR (accords de Dayton) |
TRIDENT |
Foch en
octobre et novembre 1998 puis de janvier à mai 1999
|
Assurer
la sécurité des éléments français de la
KFOR.
|
MYRRHE |
Déploiement en Méditerranée, Océan
indien, Océan atlantique
|
Présence, coopération, soutien de l'action commerciale |
c) Des solutions alternatives mal adaptées
Trois solutions alternatives au porte-avions et susceptibles d'assurer certaines missions de projection de puissance ont été principalement étudiées : les porte-hélicoptères d'assaut sur le modèle du " Tarawa " américain, " l' arsenal ship " et les îles artificielles.
(1) Le porte-hélicoptère d'assaut
Une
première alternative à la construction d'un second porte-avions
du type du
Charles de Gaulle
pouvait être le
porte-hélicoptères d'assaut,
proche des
LPH Tarawa
ou
Wasp
américains, pour un coût très
inférieur.
Ce projet, étudié par DCN, avait pris le nom de
Multipurpose
Amphibious Assault Ship
(MAAS) ou navire d'assaut amphibie multifonctions.
Il s'agissait de donner à ce porte-aéronefs des capacités
amphibies et de faciliter les flux de matériel et de personnel.
L'intérêt de ce type de bâtiments a été
démontré à plusieurs reprises dans des opérations
amphibies menées par les Britanniques (à Suez en 1956, aux
Malouines en 1982) ou dans le Golfe, en 1991, lors de l'opération
Salamandre au cours de laquelle le porte-avions
Clemenceau
fit office de
porte-hélicoptères et de transports de troupes. Dans cette
hypothèse, le navire aurait pu être doté de
capacités proches des navires Ro-Ro (Roll on - Roll off) auquel aurait
été adjoint un radier permettant à des chalands
d'opérer à partir du bord.
Le Marine Corps américain dispose d'une douzaine de ces bâtiments
d'un tonnage proche de celui du
Charles de Gaulle
. Toutefois
ces
navires ne sont pas des porte-avions mais des porte-aéronefs
. Leur
groupe aérien est composé de
Harrier
et non d'avions
capables d'agir dans la profondeur comme à partir d'un véritable
porte-avions. Dans le cadre d'opérations amphibies et
d'opérations importantes de la mer vers la terre, la
supériorité aérienne nécessaire à la
réussite de l'opération serait d'ailleurs assurée par les
avions embarqués à bord des porte-avions de l'US Navy. Au
demeurant, un tel bâtiment ne trouverait guère sa place au sein de
la marine française, certaines des missions dévolues aux LPH
américains étant assumées par ses TCD
Sirocco
et
Foudre
et par la nouvelle génération de TCD dont le
tonnage sera d'environ 20 000 tonnes, soit la moitié de celui du
Charles de Gaulle
(40 600 t).
(2) L' " arsenal ship "
Pour
assurer la mission de projection de puissance ou de frappe dans la profondeur
des mers à partir de la terre, a été évoquée
la construction d'un navire spécialisé dénommé
"
arsenal ship
", selon les principes développés
par l'ingénieur français René Loire. Il s'agirait d'un
bâtiment semi-submersible
, très fortement
automatisé, avec un équipage peu nombreux, de l'ordre de 50
hommes, et
armé d'un grand nombre
-éventuellement
plusieurs centaines-
de missiles de croisière.
Bâtiment
mono-mission, sorte de cuirassé moderne uniquement voué à
la destruction d'objectifs terrestres, il serait doté d'une très
grande puissance de feu.
Etudié aux Etats-Unis au début des années 1990,
l'
Arsenal
ship
semble aujourd'hui abandonné au
bénéfice de moyens plus polyvalents, navires de surface ou
sous-marins. Les Américains n'avaient d'ailleurs jamais imaginé
qu'il puisse remplacer leurs porte-avions lourds et le concevaient davantage
comme un moyen prépositionné en haute mer, de première
frappe ou de rétorsion contre un " Etat voyou " (rogue state).
Ce bâtiment correspond en outre assez peu aux besoins de la marine
française. Disposant d'un nombre de bâtiments beaucoup plus
réduit que la marine américaine, elle a davantage
intérêt à se doter de navires polyvalents. L'
arsenal
ship
ne remplirait d'ailleurs qu'une des missions du porte-avions, la
frappe contre terre. Dans cette seule mission, il n'offrirait d'ailleurs pas la
même souplesse que l'aviation embarquée, ne permettant pas une
graduation des moyens de coercition dans une crise, dans la mesure où le
tir de missiles de croisière ne correspond, en général,
qu'à une phase du conflit : le dernier avertissement ou le
début des frappes aériennes. Pour ce type de missions et compte
tenu des capacités propres à nos forces, un nombre réduit
de missiles tirés à partir de sous-marins ou de frégates
s'avérerait suffisant.
(3) L'île artificielle mobile
Pour
remplir les missions dévolues habituellement au porte-avions, a
été aussi également mise en avant la construction
éventuelle "
d'îles artificielles mobiles
".
Ce concept n'est pas nouveau. Dès la fin de la seconde guerre mondiale,
les Américains avaient suggéré de construire un
porte-avions géant, les Britanniques proposant d'utiliser un immense
iceberg destiné à mettre rapidement un terme à la guerre
du Pacifique. De même, durant la guerre froide, la perspective de
construire un porte-avions géant (projet CVA-58 USS United States de
1949) ou une ceinture d'îles flottantes (1961) s'était fait jour
pour servir de base à d'éventuelles opérations dans
l'Atlantique Nord contre la marine soviétique.
Cette idée a été récemment réexaminée
pour exploiter tous les avantages d'un positionnement en haute mer permettant
d'agir contre la terre, mais avec des moyens beaucoup plus importants qu'un
porte-avions classique, et de s'affranchir d'une partie de ses contraintes. Il
s'agirait de plates-formes géantes (MOBS : Mobil Ocean System ou
TGPNM : très grande plate-forme navale mobile), longues de
1 000 à 1 500 mètres et larges de 300 à 400
mètres et se déplaçant à environ 6 noeuds. Elles
seraient à même de servir de point d'appui à l'armée
de terre ou à l'armée de l'air dans des opérations de
projection. Une telle solution paraît cependant très
irréaliste en raison des difficultés techniques, du coût
prévisible, des faiblesses militaires (lenteur,
vulnérabilité...) et d'un statut juridique mal défini.
Comment ces plates-formes pourraient-elles emprunter les détroits et les
canaux ? Bénéficieraient-elles toujours du principe de libre
circulation en mer ? Autant de questions non résolues aujourd'hui,
qui font de ces " îles flottantes " une solution pour un avenir
fort lointain.
Pour remplir les nouvelles missions dévolues aux forces armées
dans le contexte de l'après guerre froide,
le porte-avions semble
donc l'outil le mieux adapté, à défaut de solutions
alternatives crédibles pour des raisons tant opérationnelles que
financières.
2. L'intérêt, pour la France, d'un second porte-avions est renforcé dans le cadre d'une Europe de la défense
Depuis dix ans, l'Europe de la Défense a fait de très importants progrès. Concrétisée, au niveau maritime, par des initiatives concrètes comme Euromarfor ou la force navale franco-allemande, elle a accompli un saut qualitatif significatif depuis le sommet de Saint-Malo. Aujourd'hui, l'Europe est engagée dans un processus de définition de son effort de défense pour gérer de manière autonome des crises de moyenne ampleur. Cette évolution rapide du contexte européen conduit à s'interroger sur l'effort que doit accomplir la France : de quelles capacités doit-elle se doter et quelles capacités peuvent être mises en commun ?
a) Des forces navales européennes au sommet de Saint-Malo : les progrès de l'Europe de la Défense
La Force
navale franco-allemande (FNFA) et Euromarfor sont les premières
réalisations sur le terrain de l'Europe de la défense en
matière navale.
Créée en 1992, la
FNFA
a été
institutionnalisée par un protocole d'accord signé en avril 1996
et s'inscrit dans le cadre de l'étroite coopération
franco-allemande dans le domaine de la défense, symbolisée par la
création de la brigade franco-allemande en 1987, puis du corps
européen en 1991. Cette force peut être activée sur
décision des deux gouvernements, être mise à disposition de
l'OTAN ou assumer des mandats de l'ONU, intégrer une force
multinationale
ad hoc
ou, plus simplement, exercer des missions
bilatérales. Elle s'entraîne chaque année et est
commandée alternativement par la France et l'Allemagne. En 2000, la FNFA
a été activée du 25 avril au 19 juin dans le
cadre des exercices " Linked Seas 2000 " dans l'Atlantique puis
" Baltops " dans la Baltique. Elle était constituée de
cinq bâtiments principaux : les frégates allemandes
Schleswig-Holstein
et
Bremen
, le pétrolier ravitailleur
Spissert
et les frégates françaises
Primauguet
et
Latouche-Tréville
. La FNFA comptait 87 officiers et 607
officiers mariniers et membres d'équipage.
La force navale européenne, Euromarfor
, a été
créée en octobre 1995 à la suite des accords de Lisbonne.
Elle visait, à l'origine, à regrouper des bâtiments des
marines des pays riverains de la Méditerranée, ou du Sud de
l'Europe (Espagne, France et Italie, le Portugal l'ayant rejointe ensuite, la
Grèce devenant observateur).
Comme l'avait souligné votre commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées dans
le rapport d'information qu'elle avait consacré aux Euroforces
1(
*
)
, il ne s'agit cependant pas d'une force permanente
mais d'une force préstructurée, activée chaque
année pendant plusieurs semaines pour des exercices auxquels les marines
grecques et turques sont régulièrement invitées. Elle a
vocation, au niveau européen, à remplir des missions
humanitaires, d'évacuation de ressortissants ou de maintien et de
restauration de la paix, telles que définies à Petersberg en
1992. Elle est alternativement commandée par un pays membre pour deux
ans, l'Espagne en assurant actuellement le commandement. La coopération
politico-militaire est, quant à elle, assurée par un
comité interministériel de haut niveau qui regroupe les chefs
d'états-majors des armées et les directeurs politiques des
ministères des affaires étrangères des pays
concernés.
Euromarfor pourrait devenir un cadre de la coopération des marines
européennes, au-delà de la Méditerranée, en
s'ouvrant à des pays du Nord de l'Europe, comme l'Allemagne ou le
Royaume-Uni, son champ d'action n'étant pas limité à
l'Atlantique.
Cette dynamique de la construction d'une véritable défense
européenne, relancée lors du sommet franco-britannique de
Saint-Malo, en décembre 1998, a débouché sur un consensus
lors des Conseils européens de Cologne (3 et 4 juin 1999) et
d'Helsinki (les 10 et 11 décembre 1999), à l'issue desquels,
les quinze pays membres de l'Union européenne se sont fixé comme
objectif d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer dans un
délai de 60 jours et pour une durée d'un an, 50 à
60 000 hommes pour assurer les missions de gestion de crise. Cette force,
de l'importance d'un corps d'armée, ne serait pas permanente mais
mobilisable en tout ou partie selon les besoins. Son accompagnement
aérien devrait comprendre 300 à 500 aéronefs dont 150
à 300 avions de combat et son
accompagnement, à la fois
aéronaval et amphibie,
mobiliserait
une quinzaine de grands
bâtiments de combat
. Cette force devrait, en outre, disposer de
moyens de commandement, de renseignement et de logistique. 120 à
150 000 hommes constitueraient une réserve opérationnelle.
b) Quelles conséquences pour la France en matière d'armement naval ?
Au stade
actuel des réflexions en matière de défense
européenne, deux questions relatives aux capacités navales
apparaissent :
- l'analyse des capacités européennes fera-t-elle ressortir la
nécessité de posséder une capacité
aéronavale reposant sur des porte-avions ?
- dans l'affirmative, ces moyens aéronavals pourraient-ils être
mutualisés ou partagés entre plusieurs pays
européens ?
Sur le premier point, et à la lumière des leçons
tirées du conflit du Kosovo, il n'est pas douteux que
le porte-avions
et son groupe aéronaval apparaîtront comme un outil indispensable
de gestion des crises.
L'hypothèse de la construction, dans les quinze ans à venir, de
trois porte-avions (deux britanniques et un français) en Europe
s'inscrirait pleinement dans cette perspective. En effet, avec quatre
porte-avions, l'Europe disposerait alors en permanence de deux porte-avions,
permettant de gérer une crise importante ou deux crises de moindre
ampleur. Cet objectif ne paraît d'ailleurs pas exagéré au
regard, d'une part, de la volonté de l'Europe d'intervenir dans son
environnement proche et, d'autre part, des capacités américaines
(12 porte-avions lourds), il est vrai dimensionnées pour assurer
une présence mondiale aux Etats-Unis.
Sur le second point, il convient d'envisager la construction de l'Europe de la
défense de manière pragmatique,
la mutualisation des
différentes capacités d'action ne pouvant se faire que
progressivement
. Il n'est d'ailleurs pas pour le moment question d'une
internationalisation de telles capacités, chaque pays mettant seulement
à la disposition de l'Europe de la défense certaines d'entre
elles et se réservant la possibilité et la responsabilité
d'éventuelles missions strictement nationales. Les avancées
actuelles incitent toutefois à penser qu'une mutualisation de certaines
" fonctions douces " concernant le transport, la logistique et le
soutien pourrait aboutir à moyen terme. Une sorte de " pool "
commun pourrait être ainsi constitué d'une flotte
européenne d'avions de transport ou de transports de chalands de
débarquement et mis à la disposition des différents Etats,
grâce à un mécanisme de " droits de tirage ".
Le partage des " fonctions dures " ou de combat semble, en
revanche, plus délicat
. Un consensus en la matière serait
beaucoup plus difficile à réaliser si l'on s'en tient aux
expériences les plus récentes.
Aussi serait-il difficile à un pays comme la France de s'en remettre
à une coopération européenne pour mettre en oeuvre un
bâtiment tel que le porte-avions, bâtiment participant à
l'exercice de sa souveraineté. Il est aujourd'hui difficilement
concevable que le déploiement de porte-avions dépende du bon
vouloir d'autres pays de fournir des bâtiments d'escorte, un sous-marin
ou tout ou partie du groupe aérien. Une telle hypothèse ne
pourrait véritablement s'envisager que dans le cadre d'une politique
européenne de sécurité et de défense au
degré d'intégration beaucoup plus élevé. A
l'inverse,
un porte-avions français disponible en permanence
apporterait une capacité majeure à l'Europe pour conduire des
opérations aéronavales.
C'est pourquoi, dans la perspective d'une
mise à disposition de
capacités françaises au profit d'une défense
européenne,
votre rapporteur estime opportun que la France dispose,
autour de deux porte-avions, d'un système cohérent de projection
de puissance à partir de la mer.
Pendant une période de 10 à 15 ans, la France ne disposera
cependant que d'un seul porte-avions. Cette période pourrait être
l'occasion
d'approfondir les coopérations opérationnelles
existantes
. Il serait donc souhaitable d'intensifier les échanges
avec la marine britannique ou avec d'autres marines. Ce type de
coopération se développant d'ailleurs progressivement dans les
faits, dans le cadre d'exercice ou de situation de crise. Des accords
ad
hoc
pourraient également voir le jour afin
d'organiser une
relève des moyens britanniques et français lors d'une crise.
Un tel niveau de complémentarité entre les deux marines
serait évidemment un signe fort de la volonté des deux pays
d'aller plus avant vers une politique de défense concertée.
Ainsi,
le problème posé durant les quinze ans à
venir
, par l'absence de permanence du groupe aéronaval
français à la mer pourrait, comme on peut le souhaiter, trouver
une
solution européenne
.
Cette période devrait être, en tout cas, l'occasion d'approfondir
la réflexion commune sur le besoin en porte-avions d'une défense
européenne et sur les missions qui leur seraient dévolues.
B. LE CONFLIT DU KOSOVO A CONFIRMÉ L'UTILITÉ OPÉRATIONNELLE D'UN GROUPE AÉRONAVAL PERMANENT ET COHÉRENT
Votre commission des affaires étrangères et de la défense a eu l'occasion l'an passé de souligner l'apport du groupe aéronaval lors de l'opération " force alliée " et les limites tenant à l'absence de second bâtiment 2( * ) .
1. L'apport du groupe aéronaval lors du conflit du Kosovo
Dès le début de la crise du Kosovo et tout au
long de
son déroulement, le porte-avions
Foch
a été au
coeur du dispositif français dans l'Adriatique.
Son déploiement constituait un geste politique fort destiné
à montrer la détermination de la France, y compris durant les
négociations de Rambouillet. Impliqué dans l'opération
" Trident " du 26 janvier au 3 juin 1999, le groupe aéronaval
a conduit des opérations maritimes et a participé à la
campagne aérienne qui a débuté le 23 mars.
Grâce à sa capacité de déploiement rapide et sans
entrave diplomatique, le groupe aéronaval a été
prépositionné en Adriatique dès le 26 janvier 1999.
Le porte-avions
Foch
et le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA)
qui l'accompagnait ont pu occuper une position stratégique dès
cette date devant les côtes du Monténégro. Ce
positionnement au plus près, à la limite de portée des
batteries côtières serbes, soit 50 nautiques, a permis une
très grande réactivité qui a été
exploitée par l'OTAN lorsque nécessaire, aussi bien pour des
missions d'assaut, que de reconnaissance ou de RESCO (recherche et sauvetage de
combat). Son rôle et son positionnement ont été d'autant
plus importants que les Etats-Unis et les Britanniques n'ont pas maintenu, en
mer Ionienne, de porte-avions durant toute la durée du conflit en raison
de leurs missions de surveillance de l'espace aérien irakien.
Le groupe aéronaval (GAN) s'est montré capable de
maîtriser tout le milieu aéromaritime
en bloquant les
forces navales adverses au port, grâce au SNA interdisant à la
marine yougoslave la sortie des Bouches de Kotor, et l'espace aérien
grâce aux moyens antiaériens. Cette stratégie de
surveillance, associée à une capacité instantanée
de rétorsion, reposait en priorité sur la Task Force 470 ( nom
OTAN du GAN français dans cette opération) capable
d'opérer au plus près des objectifs et disposant d'une bonne
connaissance du théâtre où elle croisait depuis plus de
deux mois au moment du déclenchement des frappes aériennes.
Par ailleurs,
l'autonomie logistique du GAN
, assurée par le
couple pétrolier ravitailleur (
Meuse
) - bâtiment atelier
(
Jules Verne
), a été particulièrement
appréciée. En matière de
ravitaillement en vol
,
l'autonomie du groupe aérien embarqué a beaucoup simplifié
la tâche des alliés alors que les procédures de vol et de
ravitaillement étaient très complexes, les avions basés au
sol dans le nord de l'Italie devant suivre une voie descendante vers la Serbie,
ravitailler au dessus de l'Adriatique puis accomplir leur mission et revenir en
effectuant lorsque nécessaire un second ravitaillement. Il faut savoir
que les missions de ravitaillement ont représenté 21 % des
missions de l'Alliance et les missions d'assaut 28 %. Or
les avions
embarqués n'avaient recours qu'à leurs propres ravitailleurs
après le catapultage et étaient beaucoup plus rapidement sur zone
puisque le porte-avions était situé en face de la Serbie.
Le temps moyen de vol des
Super Etendard
par objectif traité a
été de 1 h 30
, alors que les durées de vol des pilotes
basés à terre pouvaient dépasser 4 heures. Le
positionnement près de l'objectif et une plus grande souplesse de
réaction face aux contraintes météorologiques, ont permis
de
limiter à seulement 20 % le nombre des missions annulées en
vol
.
La réussite des
Super Etendard
modernisés
a
démontré l'intérêt, dans ce type de crise, d'un
porte-avions avec catapultes et brins d'arrêt, alors que les trois
porte-aéronefs britanniques n'ont pu être utilisés pour des
missions d'assaut contre la terre, le rayon d'action et les capacités
d'emport de leurs avions
Harrier
à décollage court
n'étant pas adaptés à ce type de missions. Par contre, la
flottille 11F, composée de 18 SEM (14 tireurs, 4 ravitailleurs), a
accompli
un tiers des frappes françaises
(4 % des missions
d'assault de l'Alliance) et plus de 450 sorties en 70 jours
d'opérations. Les tirs de 268 bombes GBU-12 guidées par laser ont
eu le meilleur taux de coups au but de toute l'Alliance (73 %).
L'intérêt du maintien d'une capacité RESCO à bord
d'un porte-avions placé au plus près des côtes ennemies a
été confirmé par l'opération entreprise pour
récupérer le pilote du F 117 abattu le 27 mars.
Le groupe aéronaval a également démontré sa
parfaite
interopérabilité interalliée
en
intégrant durant toute la crise une frégate anti-sous-marine
britannique (le
Somerset
puis le
Grafton
). C'était la
première fois, depuis la guerre de Crimée, qu'un bâtiment
britannique était placé sous commandement tactique
français. Par ailleurs, le porte-avions
Foch
a embarqué
des hélicoptères allemands. Il a ainsi participé sans
difficulté aux procédures otaniennes de gestion de l'espace
aérien. A ce titre, d'importants progrès ont été
accomplis depuis la guerre du Golfe au cours de laquelle l'aéronautique
navale française n'avait pu prendre part aux opérations, le
porte-avions
Clemenceau
étant utilisé comme
porte-hélicoptères et transport de troupes puis maintenu en
Méditerranée.
Au-delà de son intérêt opérationnel, le groupe
aéronaval a permis de
conserver le contrôle national des
règles d'engagement
. Les moyens du groupe aérien sont
restés sous commandement et contrôle opérationnel
français. Seul le contrôle tactique fut attribué au
commandant de la composante aérienne pour l'exécution des
missions inscrites à l'ATO (Air Task Order) conformément à
un contrat passé avec le CAOC (Combined air operation center). Les
moyens nécessaires à l'accomplissement de missions nationales
propres peuvent ainsi être préservés, y compris dans le
cadre d'une coalition.
2. Les limites des capacités françaises au Kosovo
Pleinement utilisées pendant quatre mois,
les
capacités du porte-avions
Foch
sont arrivées à leur
terme
avant la fin de la crise, en particulier en raison du potentiel
limité des catapultes à vapeur qui nécessitaient une
remise à niveau. L'impossibilité de relayer le
Foch
, tenu
de retourner à Toulon, illustre les conséquences, en cas de
crise, de l'absence d'un second porte-avions. L'utilisation d'un porte-avions
de manière quasi continue pendant quelque 130 jours, a cependant
constitué le plus long déploiement à la mer du
Foch
depuis son lancement en 1963, et a montré qu'un seul porte-avions reste
capable d'accomplir d'importantes missions.
Deux autres éléments de notre dispositif ont montré par
ailleurs les limites de leur utilisation. Mobilisé par les missions
permanentes de protection de la Force océanique stratégique
(FOST) sur un autre théâtre, tout
le parc de SNA
a
été sollicité afin de maintenir une présence
permanente en Adriatique, trois SNA (l'
Améthyste
,
l'Emeraude
et le
Saphir
) s'étant succédé
dans cette mission.
La cible de 6 SNA
Barracuda
pour le futur
ne doit donc pas être réduite
si l'on souhaite conserver la
capacité d'accomplir des missions de ce type. De même,
les
capacités de ravitaillement en vol,
qui ont été si
utiles au Kosovo, ont atteint leur limite, et il pourrait donc être
nécessaire d'en équiper le
Rafale Marine
dès le
standard F2. L'achat d'un appareil spécialisé auprès de
l'US Navy a en effet été abandonné, car il aurait
impliqué la création d'une chaîne logistique
supplémentaire. Par ailleurs, les
Super Etendard
ne disposaient
ni des capacités nécessaires pour le tir laser de nuit, ni d'une
capacité de tir tout temps adaptée à la précision
requise par l'Alliance. L'arrivée du
SEM standard 5
permettra de
pallier cette déficience.
En outre, du 26 janvier au 14 février, la France n'a pu disposer de
frégate antiaérienne capable d'assurer la
sécurité du porte-avions,
les unes n'étant pas
opérationnelles en raison de retards pris dans leurs périodes
d'entretien majeur, par manque de crédits, et une autre frégate
étant engagée simultanément à Djibouti. Point n'est
besoin d'insister sur la
nécessité de disposer d'un nombre
suffisant de frégates antiaériennes opérationnelles
pour assurer la protection du groupe aéronaval, et l'urgence de la
réalisation du programme Horizon pour remplacer ces frégates en
fin de vie.
Le porte-avions
Foch
ne disposait pas non plus
d'avions
d'interception
pour assurer de manière autonome sa propre
protection, les Crusader n'ayant pu être engagés compte tenu de
leur vétusté. Cette défaillance, qui a conduit la France
à s'en remettre à des moyens étrangers, devrait être
comblée en 2001 avec l'entrée en service de la première
flottille de
Rafale
au standard F 1.
La transmission de dossiers d'objectifs en temps réel aurait
été un atout très important pour mieux traiter les cibles
mobiles qui ne peuvent être tirées sur coordonnées avec
quelques heures de décalage. Les
besoins de communication à
haut débit
devront être satisfaits à l'avenir pour
rester en phase avec les Etats-Unis. Ces capacités de communication et
de renseignement en temps réel des moyens aériens (avions ou
drones embarqués de reconnaissance) doivent être
développés pour garantir l'autonomie de choix des cibles et de
l'évaluation des dommages.
Par ailleurs, le tir de près de 300 missiles de croisières par
les Américains et les Britanniques confirme l'intérêt pour
la France de se doter de telles armes, afin de ne pas être exclue d'une
partie du cycle de décision et des opérations. L'acquisition du
Scalp/EG paraît donc particulièrement pertinente. Il devrait
équiper le
Rafale Marine F2
en 2005 et ensuite les futurs SNA
Barracuda
et frégates multimissions.
Pour conclure sur le rôle du porte-avions, il faut rappeler que plusieurs
éléments spécifiques à cette crise limitent la
portée des enseignements que l'on peut en tirer : la présence
d'un très grand nombre de bases à terre à
proximité, l'accord presque unanime de la plupart des pays de l'Alliance
et enfin la proximité du conflit par rapport aux pays qui sont
intervenus. Les opérations aériennes ont pu être
menées depuis l'Italie, des bases de l'OTAN en Europe et même la
base de Solenzara en Corse, plusieurs pays voisins de la Serbie ayant en outre
accordé des facilités de survol. En d'autres circonstances moins
favorables, le rôle dévolu au porte-avions aurait pu
s'avérer beaucoup plus important parce que seul à même de
mener une opération à distance d'un point d'appui ou affranchie
d'une autorisation préalable des Etats riverains.
C. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES CAPACITÉS AÉRONAVALES DANS LE MONDE
L'intérêt pour les porte-avions est partagé par un grand nombre de pays, qui cherchent à se doter ou à développer leurs capacités aéronavales pour s'adapter aux nouvelles menaces ou pour remplir de nouvelles missions.
1. L'exemple américain
La
première puissance mondiale a résolument choisi l'option du
porte-avions comme un des axes centraux de sa défense depuis la seconde
guerre mondiale, considérant après Pearl Harbour et la guerre du
Pacifique, que la domination de l'espace maritime implique celle de l'espace
aéromaritime dans son ensemble. Le porte-avions est bien
évidemment l'outil essentiel de ce dispositif puisqu'il permet une
projection à longue distance de puissance et de force, pour de longues
durées et dans la profondeur.
Aujourd'hui, les forces armées américaines sont conçues
pour pouvoir faire face à deux conflits régionaux
simultanés. Elles disposent pour ce faire de
12 porte-avions lourds
de 100 000 t et de 12 porte-hélicoptères d'assaut de 40 000 t.
Ces moyens qui, vus d'Europe, paraissent colossaux, sont jugés
insuffisants, par certains spécialistes américains, pour remplir
les missions qui incombent aux Etats-Unis et assurer la défense de leurs
intérêts et de leur territoire.
Les Etats-Unis disposent tout d'abord de
3 porte-avions non
nucléaires
de type
Kennedy
et
Kitty Hawk
. Ces
porte-avions ont un déplacement de 80 000 tonnes et peuvent
transporter 80 aéronefs pour un équipage de 5 300 hommes.
Depuis l'entrée en service du
Harry S. Truman
en 1998,
cinquième porte-avions nucléaire de classe
Roosevelt
,
très voisine de la classe précédente
Nimitz
,
neuf porte-avions
, sur les douze en service
, sont à propulsion
nucléaire.
Deux autres porte-avions de la classe
Roosevelt
sont encore prévus, le
Ronald Reagan
est en cours de construction
et le
CVN 77
(abréviation américaine pour
" porte-avions nucléaire ") sera admis au service actif en
2008.
Ce dernier type de porte-avions a un déplacement de près de
100 000 tonnes et peut embarquer 80 avions et hélicoptères,
dont 50 avions d'assaut. Leur durée de vie prévisible est de 50
ans et celle du coeur des deux chaudières nucléaires peut aller
jusqu'à 20 ans. Ils sont à même d'emporter 9 000
tonnes de carburant d'aviation représentant environ 16 jours
d'opérations. L'équipage est de plus de 6 000 hommes (pour
le bord : 157 officiers et 3 050 hommes, pour le groupe
aérien, 365 officiers et 2 500 hommes).
Les tableaux ci-dessous récapitulent les caractéristiques des
bâtiments en service ou programmés.
1 type
Kennedy
et 2 type
Kitty Hawk
(non
nucléaires)
Noms des bâtiments |
décision budgétaire |
mise sur cale |
Entrée en service |
CV 67 John F. Kennedy |
1963 |
1964 |
1968 |
CV 63 Kitty Hawk |
1956 |
1956 |
1961 |
CV 64 Constellation |
1957 |
1957 |
1961 |
1 type Enterprise et 3 type Nimitz
Noms des bâtiments |
décision budgétaire |
Mise sur cale |
Entrée en service |
CVN 65 Enterprise |
1958 |
1958 |
1961 |
CVN 68 Nimitz |
1967 |
1968 |
1975 |
CVN 69 Dwight D. Eisenhower |
1970 |
1970 |
1977 |
CVN 70 Carl Vinson |
1974 |
1975 |
1982 |
7 type Theodore Roosevelt
Noms des bâtiments |
décision budgétaire |
Mise sur cale |
Entrée en service |
CVN 71 Theodore Roosevelt |
1980 |
1981 |
1986 |
CVN 72 Abraham Lincoln |
1983 |
1984 |
1989 |
CVN 73 George Washington |
1983 |
1986 |
1992 |
CVN 74 John C. Stennis |
1988 |
1991 |
1995 |
CVN 75 Harry S. Truman |
1988 |
1993 |
1998 |
CVN 76 Ronald Reagan |
1995 |
1998 |
2002 |
CVN 77 |
2001 |
2003 |
2008 |
Les
Etats-Unis sont engagés dans un processus continu de construction de
porte-avions. Il y en a presque toujours un en construction et un autre en
conception. Il en résulte d'importantes économies
d'échelles liées aux effets de série et des effets
d'apprentissage conséquents. Chaque nouveau modèle est
légèrement différent du précédent et
bénéficie des enseignements tirés de la navigation sur les
modèles précédents ; cela signifie également
qu'il n'y a pas réellement, ou très rarement, de rupture
technologique entre deux porte-avions. Les évolutions sont progressives,
évitant ainsi les aléas des prototypes et générant
d'importantes économies sur les coûts induits. Un gain notable
consiste à utiliser un certain nombre de matériels de conception
ancienne mais dont la robustesse et l'efficacité ont fait leurs preuves.
Le fait de ne pas rechercher la nouveauté à tout prix et dans
tous les domaines est également une source importante
d'économies.
Ainsi, il semble aujourd'hui acquis que le futur bâtiment envisagé
(le
CVNX-1
) sera également un modèle dérivé
des classes
Roosevelt
et
Nimitz
, tout en intégrant des
contraintes de furtivité et des innovations importantes en
matière d'installations aviation. Il pourrait être, en 2013, le
premier porte-avions doté de catapultes
électromagnétiques. Celles-ci devraient permettre une souplesse
d'emploi beaucoup plus importante que les actuelles catapultes à vapeur
et conduire à des gains conséquents de place et de maintenance.
Le parc aérien de ce bâtiment devrait être constitué
notamment de
F/A-18 E/F
Super Hornet
. Ce n'est
qu'ultérieurement, selon l'état d'avancement et les performances
de l'avion, que l'US Navy et l'US Marine Corps pourraient acquérir le
"
Joint Strike Fighter
"
(JSF).
La mission de guet
aérien sera assurée par une version modernisée du
E2
Hawkeye
, le "
Hawkeye 2000
" qui verra notamment ses
capacités de transmission en temps réel, avec les navires
américains
Aegis
, très nettement améliorées.
D'ici 2015, l'US Navy disposera d'une flotte de 75
Hawkeye
à ce
nouveau standard. L'US Navy poursuit en outre des recherches en matière
de drones embarqués pour des missions de reconnaissance.
Par ailleurs, les Etats-Unis disposent de douze
porte-hélicoptères d'assaut
(cinq de type
Tarawa
et
sept, plus récents, de type
Wasp
). Ces bâtiments sont
à la disposition du Marine Corps pour appuyer des opérations
amphibies où interviennent également des transports de chalands
de débarquement.
2. La marine russe
Durant
la guerre froide, la marine soviétique avait cherché à
développer ses capacités aéronavales pour concurrencer les
Etats-Unis sur mer. Depuis la disparition de l'Union soviétique, la
marine russe connaît de graves difficultés budgétaires.
D'importants désarmements ont été effectués et
aucun déploiement maritime d'importance n'a eu lieu en
Méditerranée depuis 1996, mis à part celui du
SSGN
(SNA russe) de type
Oscar II
en 1999.
La marine russe dispose
d'un seul porte-aéronefs
,
l'
Admiral
Kouznetsov
, en service depuis 1991. Il a un
déplacement de 65 000 tonnes et doit pouvoir mettre en oeuvre 30 avions
et hélicoptères. Son
"
sister ship "
, le
Varyag
, dont la construction n'est pas achevée, est en cours de
cession à une société de Macao. Le
Kouznetsov
n'est
pas un navire de projection de puissance mais plutôt d'escorte de force
navale. Ce type de porte-avions, dont il est le dernier exemplaire en service,
devait fournir une défense aérienne avancée contre les
avions et les missiles adverses. La particularité de ce porte-avions est
d'être équipé d'un tremplin incliné à
12° pour permettre l'envol d'avions à décollage court et
d'une piste oblique, avec brins d'arrêts, pour le ramassage des
appareils, mais sans catapulte. Le
Kouznetsov
, bâtiment mixte, a
également la particularité d'être équipé de
12 silos à missiles. Son équipage est de 2 600 hommes.
Jusqu'à ces dernières années la marine russe disposait
d'un second porte-aéronefs de type
Kiev
, le
Gorshkov
. Ce
bâtiment de 44 000 tonnes n'était plus utilisé que
comme porte-hélicoptères, aucun modèle d'avions
n'étant disponible. Le contrat de vente à l'Inde du
Gorshkov
est en cours de finalisation, mais le bâtiment, qui est
encore loin d'être opérationnel, se trouve toujours en Russie.
Cela étant, la Russie n'a pas abandonné toute prétention
dans ce domaine. Une dizaine de bâtiments de la flotte du nord devraient
croiser en Méditerranée en novembre 2000, dont le
porte-aéronefs
Admiral Kouznetsov
. Devrait être
présent à bord le premier escadron de chasse embarquée,
créé en février de cette année, et composé
de
36 Su-33 Flanker
qui se veulent l'équivalent des
F-14
Tomcat
et
F-18 Hornet
américains.
L'aéronavale
russe
est encore dans une phase d'apprentissage : les premiers
appontages de nuit sur l'
Admiral Kouznetsov
n'ont été
effectués qu'en novembre 1999. Ces avions n'ont pas un grand rayon
d'action et se limitent essentiellement à des
missions de
défense de zone et de protection du groupe aéronaval
, par
interception d'une menace aérienne potentielle. Par ailleurs, le
potentiel réel de cette unité est affecté par
l'insuffisance des budgets d'entraînement des pilotes qui perdent leurs
qualifications à l'appontage. Ainsi, chaque pilote n'effectuerait que 25
heures de vol par an. Pour dégager des marges de manoeuvre
budgétaires, l'aéronavale russe est engagée dans une
démarche de simplification et de réduction de son parc
aérien. Ainsi, en 2000, elle n'est dotée que de 500 appareils de
20 types différents contre 780 l'an passé.
En raison de l'intérêt opérationnel d'un porte-avions, la
marine russe souhaiterait se doter d'unités supplémentaires.
Toutefois, le seul site actuellement à même de construire de tels
navires est le chantier naval Nosenko situé en Ukraine. Un accord
économico-politique entre les deux pays serait donc indispensable
à toute construction nouvelle. En cas de désaccord, une solution
alternative serait nécessaire.
3. Les marines européennes
a) La marine britannique
Le
Royume-Uni a renoncé aux porte-avions classiques en 1966, lorsque le
ministère de la défense britannique a décidé de
concentrer son effort et ses ressources sur les opérations de
" guerre froide " de l'OTAN dans l'Atlantique-Nord. Il s'est donc
équipé de porte-aéronefs plus petits, suffisants pour
embarquer des aéronefs de guerre anti-sous-marins. La Royal Navy s'est
toutefois nourrie de l'expérience de la guerre des Malouines, en 1982,
où l'
Hermès
et l'
Invincible
ont été
essentiellement mobilisés pour assurer la supériorité
aérienne nécessaire à la reconquête de l'archipel.
Plusieurs bâtiments civils -l'
Atlantic Conveyor
, l'
Atlantic
Causeway-
ont de ce fait été convertis d'urgence pour
acheminer sur le théâtre des opérations, en soutien au
débarquement amphibie et aux opérations terrestres, des
hélicoptères de combat et un complément d'avion à
décollage court et atterrissage vertical. L'expérience des
Malouines a eu une influence directe sur l'acquisition du
porte-hélicoptères
HMS Ocean
auquel le Royaume-Uni
aspirait depuis longtemps.
La Royal Navy dispose aujourd'hui de
trois porte-aéronefs de type
Invincible
(l'
Invincible
, l'
Illustrious
et l'
Ark
Royal
) d'environ 20 000 tonnes à pleine charge. Ils ont
été lancés respectivement en 1980, 1982 et 1985. Ce sont
des " porte-avions STOVL ", c'est à dire équipés
de tremplin incliné à 12° et d'un pont continu mais
dépourvu de brins d'arrêt. Ils permettent la mise en oeuvre de 24
aéronefs -toute combinaison d'avions
Harrier
à
décollage court et atterrissage vertical et d'hélicoptères
divers- selon le besoin opérationnel. Ces porte-aéronefs assurent
des missions maritimes d'offensive aérienne, de lutte anti-sous-marine
et de défense aérienne de zone. Ils peuvent également
servir de base pour un état-major de force navale. Sur les trois
porte-aéronefs, deux seulement sont armés, le troisième
étant en refonte ou placé en réserve.
Grâce au principe de l'atterrissage vertical et du décollage
court, ces porte-aéronefs peuvent accueillir des
Harrier
de la
Royal Air Force. Les pilotes sont en effet habitués à utiliser
des pistes de fortune, mal préparées, ce qui les rend très
rapidement aptes à apponter sur un porte-aéronefs. Cela permet
également de diversifier les missions accomplies depuis ces
bâtiments : les
Sea Harrier
sont dévolus à des
missions de défense aérienne et d'interception tandis que les
Harrier
de la RAF sont conçus pour des missions d'attaque au sol.
La Royal Navy dispose également d'un
porte-hélicoptères
d'assaut
(LPH), le
HMS Ocean
. Mis sur cale en 1994, il est en
service depuis 1999. Il a un déplacement maximum de près de 22
000 tonnes et peut embarquer 12 hélicoptères
Sea King
ou
Merlin
et 6 hélicoptères
Lynx
(des
Apache
WAH-64
à partir de 2002). Pour faciliter la mise en oeuvre de ses
hélicoptères, il est doté d'un pont continu, mais ne
dispose pas de tremplin, sa vocation n'étant pas le soutien des
Sea
Harrier
. Il peut également transporter 40 véhicules, 500
hommes de troupe, voire jusqu'à 800 pour une très courte
période. Pour faciliter cette mission de transport, il a
été doté de portes arrière et latérales. La
construction de ce porte-hélicoptères a été
réalisée suivant des normes civiles ce qui a permis de
très substantielles économies. Ce bâtiment a
été construit par un chantier civil et un maître d'oeuvre a
été sélectionné, après mise en concurrence,
pour coordonner l'ensemble, système de combat, radars, armement et
moyens de télécommunications compris. Cette démarche
réussie inspirera la méthode de construction de la prochaine
génération de nos TCD et pourrait inspirer celle du second
porte-avions français.
b) La marine espagnole
La
marine espagnole dispose depuis 1988
d'un porte-aéronefs
, le
Principe de Asturias
, jaugeant 17 000 tonnes. Ce bâtiment a
été construit par les chantiers Bazan en Espagne, sur des plans
dérivés du "
sea control ship
"
américain. Il est doté d'un tremplin incliné à
12° pour l'envol des avions à décollage court. Le groupe
aérien comprend 12
Sea Harrier
et 18 hélicoptères.
Dans les dix ans à venir, un LPH (porte-hélicoptères
d'assaut sans radier mais avec pont d'envol continu) de 18 000 tonnes
pourrait être mis en chantier. Il pourrait disposer d'un tremplin pour
accueillir le groupe aérien du
Principe de Asturias
lors de ses
périodes d'indisponibilité et pallier son absence lors d'une
éventuelle refonte à mi-vie.
c) La marine italienne
La
marine italienne a également acquis un équipement
comparable : le
porte-aéronefs
Garibaldi
en
service depuis 1985. Il jauge 14 000 tonnes et peut mettre en oeuvre 16
aéronefs grâce au tremplin qui l'équipe. Le
Garibaldi
est essentiellement un bâtiment de lutte
anti-sous-marins.
L'Italie devrait prochainement, si les conditions budgétaires le
permettent, mettre sur cale le
Luigi Einaudi
, appelé
Unita
Maggiore
Per Operazione Anfibe
(UMPA- unité majeure pour les
opérations amphibies). Il s'agit d'un porte-aéronefs de 22 000
tonnes, qui devrait renforcer les capacités amphibies, fortes de trois
TCD (LPD en anglais) de la classe
San Giorgio
(
San Giorgio, San
Marco, San Giusto
) entrés en service en 1988 et 1994.
Il serait également question, à l'horizon 2015 - 2025 de
construire un porte-aéronefs de 30 à 35 000 tonnes pour remplacer
le
Garibaldi
.
Caractéristiques comparées du Charles de Gaulle et des porte-aéronefs européens
|
Charles de Gaulle |
Invincible |
Garibaldi |
Principe de Asturias |
Pays |
France |
Royaume-Uni |
Italie |
Espagne |
Mise en service |
2000 |
1980 |
1985 |
1988 |
Déplacement (dpc) |
40 610 |
20 460 |
13 850 |
16 910 |
Longueur |
265 m |
210 |
180 |
195 |
Catapultes |
oui |
non |
non |
non |
Tremplin |
non |
oui |
oui |
oui |
Parc aérien |
40 |
21 |
16 |
20 |
Vitesse maximale |
27 |
28 |
30 |
27 |
4. Dans le reste du monde
a) En Amérique du Sud
L'Argentine ne dispose plus de porte-avions, le
Veinticinco
de
Mayo,
porte-avions britannique datant de la seconde guerre mondiale, ayant
été désarmé en avril 1997.
Le
Brésil
, avec le
Minas Gerais
(ex- HMS Vengeance de
1945, porte-avions léger de type
Colossus
de 16 000 tonnes,
acquis en 1956), récemment modernisé, peut mettre en oeuvre des
Skyhawk
rachetés au Koweit. Grâce à ses
capacités modernisées, ce bâtiment conserve une valeur
opérationnelle non négligeable et confie à la marine
brésilienne une capacité régionales significative.
Le Brésil envisage par ailleurs de faire l'acquisition du
Foch
à la France, pour un montant de 250 à 300 millions de francs. La
livraison à la marine brésilienne aurait lieu à la fin de
l'année, après le retrait du service actif dans la marine
française.
b) En Asie
C'est
surtout en Asie que l'intérêt pour les capacités
aéronavales se développe en raison de la géographie et du
contexte de course aux armements.
Pour l'heure, dans la région, seule la
Thaïlande
dispose
d'un porte-aéronefs de 11 500 tonnes, le
Chakri Naruebet
.
Commandé en 1992, il est en service depuis 1997. Il est
dérivé du
Principe de Asturias
espagnol et a
été construit par les chantiers Bazan. Sa vocation est
principalement anti-sous-marine, mais il peut également servir de navire
d'assaut, de navire d'assistance en cas de catastrophe naturelle ou de navire
école. Long de 182 mètres, sa propulsion est classique et il est
armé de 12 aéronefs, en général 6 avions
Harrier
et 6 hélicoptères
Sea Hawk
. En raison des
contraintes financières, ce bâtiment est néanmoins
largement sous-employé.
Le
Japon
s'équipe de trois porte-hélicoptères
d'assaut de 8 900 tonnes de classe "
Osumi
", qui pourraient
ouvrir la voie à la construction de bâtiments plus importants, si
la Chine devait concrétiser ses propres projets de porte-avions.
Possédant la troisième ou quatrième marine du monde selon
les classements et estimations, le Japon cherche à assumer une place
plus conforme à sa puissance économique et à ses
intérêts stratégiques.
La
Chine
, pour sa part,
a développé des
porte-hélicoptères. Elle cherche cependant à se doter de
véritables porte-avions de 40 à 50 000 tonnes, dotés
de catapultes et capables de mettre en oeuvre des avions
Shenyang J-8 II
Finback B
ou
Shenyang J-11
(
Sukkoi Su-27 Flanker
construits sous licence) dont la construction a été
autorisée en 1999. Les Chinois semblent s'inspirer des plans des
porte-aéronefs russes
Kouznetsov
et
Ul'yanovsk
.
L'entrée en service du premier bâtiment est officiellement
prévue pour 2015, mais pour des raisons techniques et
financières, le programme pourrait ne pas être lancé avant
2015-2020. La priorité serait plutôt donnée à la
modernisation de la flotte sous-marine et de surface.
L'
Australie
réfléchit à nouveau à
l'acquisition d'une capacité aéronavale, après
l'opération au Timor oriental qu'elle a conduite en tant que nation
cadre. Elle avait, au début des années 1980, projeté puis
abandonné l'acquisition d'un porte-aéronefs britannique pour des
raisons tant financières que d'opportunité.
En Asie du Sud, l'
Inde
considère la détention de
porte-avions en cohérence avec son rôle de puissance
régionale majeure dans l'Océan indien. Elle souhaite se doter de
deux porte-avions pour assurer une permanence à la mer. En effet,
l'opinion indienne a été frappée, lors de la crise du
Cachemire, de l'absence du seul porte-avions, le
Viraat
(ex-
Hermès
britannique), immobilisé par d'importants
travaux de rénovation, qui doivent lui permettre de rester en service
jusqu'en 2012. Le porte-avions
Vikrant
(ex-
Hercules
), semblable
à l'ancien Arromanches français, avait été
désarmé en 1997. Un bâtiment de 25 000 à
30 000 tonnes environ pourrait donc être mis sur cale, à
Cochin, dans le courant de cette année. Il devrait pouvoir embarquer 16
Sea Harrier
, puis une version navalisée du
Mig 29
, ainsi
qu'une vingtaine d'hélicoptères. L'Inde voudrait également
racheter à la Russie le
Gorshkov
, qui devrait être
reconfiguré pour être adapté à ses besoins,
notamment avec un tremplin, une piste oblique et des brins d'arrêt. Son
parc aérien devrait être constitué d'une trentaine
Mig-29 K Fulcrum
.
II. LE GROUPE AÉRONAVAL AUJOURD'HUI : UNE CAPACITÉ MAJEURE D'ACTION DONT LA COHÉRENCE DOIT ÊTRE RENFORCÉE
Avec le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle , la France dispose d'une excellente capacité d'action. Elle est unique en Europe, mais s'insère dans un dispositif qui manque aujourd'hui de cohérence appelle impérativement, un renouvellement.
A. LE CHARLES DE GAULLE, UNE CAPACITÉ UNIQUE EN EUROPE
Par-delà les aléas budgétaires passés et les difficultés de mise en service, le Charles de Gaulle présente des performances remarquables.
1. Un programme de longue durée
a) Un programme affecté par les aléas budgétaires
Le
porte-avions
Charles de Gaulle
est le fruit d'une gestation de
près de 25 ans.
L'idée de construire un bâtiment à propulsion
nucléaire fut sérieusement étudiée, en France,
à partir du premier choc pétrolier, en 1973. C'est en 1975 que
furent lancées les premières études pour la construction
d'un porte-hélicoptères à propulsion nucléaire
nommé
PH-75
. Ce porte-hélicoptères de 16 500
tonnes aurait dû remplacer le porte-avions
Arromanches
qui
servait, jusque là, de porte-avions d'entraînement. La
construction de trois unités avait été envisagée.
Le choix d'une propulsion nucléaire était dicté par la
conjoncture de l'époque, afin de conforter l'indépendance de la
politique étrangère et de l'action militaire de la France.
D'après certains calculs, le combustible nucléaire devait
éviter l'achat de près de 1,5 milliard de litres de
pétrole sur vingt ans. En 1977, le programme, rebaptisé
PA-75,
sera étendu à la conception d'un nouveau porte-avions,
l'option étant ouverte entre la refonte des porte-avions
Clemenceau
et
Foch
et la construction d'une nouvelle
génération de porte-avions nucléaires, adaptés au
lancement d'avions à décollage court. Le projet est finalement
relancé dans les années 1980 pour assurer le remplacement des
porte-avions à propulsion classique.
La décision de construire une série de deux porte-avions
nucléaires fut finalement prise en 1986, dans le cadre de la loi de
programmation 1984-1988, lorsque fut décidée la construction d'un
premier exemplaire, sous le nom de "
Richelieu
", puis de
"
Charles de Gaulle
". Son achèvement était
alors prévu pour 1996, la maîtrise d'ouvrage étant
confiée à la DCN et à son établissement de Brest.
Sa taille est le résultat d'un arbitrage entre la longueur,
conditionnée par les dimensions de la cale de construction de l'arsenal
de Brest, et son déplacement, conciliant la puissance des chaufferies
nucléaires et la vitesse maximum demandée.
En 1988, le programme a été suspendu pendant un an. Puis, entre
1990 et 1995, les gels de crédits militaires conduiront
à
suspendre, à quatre reprises, les travaux de construction,
provoquant un retard de 3 ans et demi du programme.
Le coût du programme
Charles de Gaulle
est aujourd'hui
évalué à 20 milliards de francs.
La construction du
porte-avions représente les deux tiers de cette somme, l'autre tiers
correspondant aux frais fixes de développement et de logistique.
Par
rapport au devis établi en 1985, le dépassement est de 18 %.
Un tiers de ce surcoût est imputable aux décalages
budgétaires et un autre tiers à l'évolution des normes en
matière de sécurité nucléaire. Un dernier tiers est
lié au caractère de prototype du bâtiment. L'essentiel de
ce surcoût, (16 des 18 %) est antérieur à 1995, le
surcoût supplémentaire résultant de modifications
jugées nécessaires après les périodes d'essai en
mer et à terre.
b) Les mises au point préalables à l'admission au service actif
Lors de
la
campagne d'essai
qui s'est déroulée de janvier à
septembre 1999, le bâtiment a totalisé près de 96 jours de
navigation et 256 appontages par les
Super Etendard modernisés
(SEM),
Rafale
et
Hawkeye
. Ces essais, et ceux qui suivront
encore, permettent de tester chacun des équipements et de régler,
au fur et à mesure, les difficultés résiduelles. Le
Charles de Gaulle
intégrant un grand nombre d'installations à
caractère de prototype, la qualification de chacune d'entre elles
s'effectue dans un processus industriel qui s'achève par des essais
finaux, en environnement réel, destinés à mettre en
évidence les dernières mises au point nécessaires.
Au cours de la première série d'essais, l'appareillage,
prévu le 25 janvier 1999, a dû être retardé pour des
raisons météorologiques, l'appareil propulsif et la
manoeuvrabilité du navire n'ayant pas été testés en
vrai grandeur.
Lors de sa première sortie, prévue pour huit jours, le
porte-avions a subi plusieurs avaries qui ont nécessité le
retour du bâtiment à Brest dans les 48 heures. La
défaillance d'une pompe électrique du circuit secondaire de
refroidissement empêchait le fonctionnement des chaufferies au
delà de 50 % de leur puissance maximale, nécessaire aux essais
programmés.
Ces pompes alimentent en eau les deux générateurs voués
à la propulsion du porte-avions. Cet apport d'eau est
réalisé par des pompes spécifiques dont le moteur
contient, pour son fonctionnement, des roulements à billes
spéciaux. C'est à leur niveau qu'est apparu un
échauffement. Pour ne pas risquer de les détériorer, la
décision a été prise de les arrêter, de rentrer au
port et de reprendre une série d'études et d'essais à
terre.
Après une série d'essais en mer, la période de
remise
à niveau après essais ( RANAE )
s'est
étalée d'octobre 1999 à mai 2000. Au cours de cette phase,
des travaux importants ont été réalisés, pour un
montant de près de 400 millions de francs
. Aux ajustements
ordinaires se sont ajoutées des opérations d'entretien
liées à la durée très longue de construction du
bâtiment. Les principaux travaux effectués ont alors
concerné la mise en conformité des chaufferies aux nouvelles
normes européennes de radioprotection, la fiabilisation de l'usine
électrique, l'extension des locaux de l'état-major, l'allongement
de la piste oblique. De même, a-t-il été nécessaire
d'effectuer la reprise du revêtement du pont d'envol, une intervention
sur l'appareil à gouverner, enfin, la mise en place d'une
cinquième coupée.
Les
travaux de radioprotection
ont consisté à adapter les
protections à la nouvelle réglementation internationale en la
matière qui fixe les limites de l'exposition du public et des
travailleurs aux radiations artificielles dues aux installations
nucléaires. Elle est édictée par la Commission
internationale de la prévention contre les rayonnements ionisants
(CIPRI). L'ancienne norme, la CIPR 26, avait déjà imposé
des travaux en 1998, et la nouvelle réglementation, beaucoup plus
contraignante, impose un plafond de radiation artificielle dans certains cas
inférieure à la radiation naturelle. L'adaptation des
installations du porte-avions a consisté à ajouter une
épaisseur d'absorbant à l'intérieur des locaux des
chaufferies. C'est précisément cette nouvelle couche d'absorbant,
posée trop près du calorifugeage de la cuve qui, en
s'échauffant, a engagé une combustion lente (28 février
2000). D'importantes opérations ont alors été
nécessaires provoquant, au total, 6 semaines de retard sur la date
initialement prévue pour la fin de la remise à niveau
après essais.
Le
pont d'envol a ensuite été rallongé de 4,40
mètres
pour ajouter un chemin de roulement pour l'appontage du
Hawkeye
. Cette opération a représenté un coût
de 5 millions de francs. A l'origine du programme, en 1986, le porte-avions
avait été conçu pour permettre le catapultage, l'appontage
et les manoeuvres sur le pont du
Super Etendard
, du
Rafale
et
éventuellement du
F18 C/D
. Le choix, en 1992, du
Hawkeye
comme avion de guet a modifié la donne. Le pont était certes
dimensionné pour permettre un catapultage et un appontage dans des
conditions de sécurité normale, mais son maniement en bout de
piste, lors d'appontages dans des conditions extrêmes, aurait
risqué de ralentir son acheminement au parking et d'empêcher les
autres appareils de se succéder rapidement. L'appareil a en effet une
envergure très importante pour un porte-avions, avoisinant les 25
mètres.
Une autre intervention a été nécessaire sur le pont
d'envol : le changement de la peinture du revêtement de la piste,
qui était révélée trop abrasive pour les nouveaux
câbles de frein des brins d'arrêt du
Charles de Gaulle
. Un
nouveau revêtement a donc été choisi et installé sur
le pont.
Par ailleurs, au cours de la deuxième sortie en mer du
Charles de
Gaulle
, du 18 au 30 mars 1999, un
phénomène vibratoire
est apparu au niveau de l'appareil à gouverner lors des essais à
grande vitesse. Malgré ces difficultés, le
Charles de
Gaulle
pouvait atteindre une vitesse de 20 à 22 noeuds, voire 28
noeuds en ligne droite. Des études complémentaires ont permis de
localiser la source des dysfonctionnements : les safrans arrières
ont été légèrement déplacés pour se
situer dans l'axe des l'hélices.
Le porte-avions devrait être prêt en octobre 2000 pour la
clôture d'armement
, qui marque la remise du bâtiment par la
DGA à la Marine. Le
Charles de Gaulle
ralliera alors Toulon,
avant d'entamer sa traversée de longue durée (TLD),
dernière étape avant son entrée au service actif, qui
devrait intervenir à la fin de cette année.
HISTORIQUE DU PROGRAMME CHARLES DE GAULLE
- 23
septembre 1980 : décision de remplacer les PA type
Clemenceau
par deux porte-avions à propulsion
nucléaire,
- 4 février 1986 : lancement du programme,
- 24 novembre 1987 : découpe de la première tôle,
- 14 avril 1989 : mise sur cale,
- 11 septembre 1991 : installation du premier turboalternateur,
- 7 mai 1994 : mise à flots,
- 17 juin 1994 : embarquement des chaufferies,
- 1
er
février 1997 : prise d'armement pour essais,
- 22 décembre 1997 : mise en place de la première
hélice,
- 25 mai et 10 juin 1998 : premières divergences,
- décembre 1998 : essais de gîte sur coffre,
- 26 janvier 1999 : appareillage pour essais,
- juillet - août 1999 : essais d'appontage et de catapultage,
- octobre 1999 - mai 2000 : remise à niveau après essais
(RANAE),
- mai - juillet 2000 : reprise des essais à partir de Brest,
- septembre 2000 : clôture d'armement et remise définitive du
PAN par la DGA à la
Marine,
- septembre - décembre 2000 : Traversée de longue
durée (TLD) et entrée au service actif.
2. Les performances du " Charles de Gaulle "
Le
porte-avions nucléaire
Charles de Gaulle
, qui sera admis au
service actif à la fin de l'année 2000, après sa
traversée de longue durée (TLD), est un bâtiment unique en
Europe dont les performances opérationnelles sont très
supérieures à celles des porte-avions de la classe
Clemenceau
.
Il s'agit d'un
bâtiment de 40 600 tonnes à pleine charge
et
de
261,5 mètres de long
, le pont d'envol utilisant toute la
longueur du bateau. C'est un porte-avions classique de type CTOL
(
conventional take-off and landing
, décollage et appontage
classiques) : les avions sont catapultés et
récupérés sur une piste oblique, équipée de
brins d'arrêt.
La piste oblique est longue de 203 mètres, après la rallonge de
4,4 mètres effectuée lors de la remise à niveau
après essais. La largeur maximale du pont d'envol est de 64
mètres dans sa plus grande largeur et la surface du pont (12 000 m2) est
supérieure de près de 40% à celle du
Foch
. La piste
oblique est équipée de
trois brins d'arrêt
. Le
porte-avions dispose en outre de
deux catapultes à vapeur,
de
conception américaine, de 75 mètres de long, l'une sur la piste
oblique et l'autre sur la piste axiale. Celles-ci sont adaptées du
modèle américain de 90 mètres, qui équipe les
porte-avions lourds de l'US Navy. Il n'y a pas de différence de
puissance entre les deux modèles, les catapultes montées sur le
Charles de Gaulle
imposant seulement une accélération plus
forte aux avions (un avion est catapulté en une seconde à 160
noeuds avec une accélération de 5 G), ce qui peut avoir une
influence sur l'usure de la structure des appareils. Cette
accélération, aux dires des pilotes, est toutefois moindre que
sur le
Clemenceau
et le
Foch
.
La puissance des catapultes est
très supérieure à celles du
Foch
et le
Charles de Gaulle
pourra, sans difficulté, catapulter des avions
de plus de 25 tonnes. Les nouvelles catapultes ont par ailleurs un
potentiel plus important
que les anciennes, dont le nombre de coups
était assez strictement limité. Par ailleurs, la puissance des
nouvelles catapultes compense la différence de vitesse maximale du
Charles de Gaulle
par rapport au
Foch
(- 5 noeuds).
La propulsion nucléaire a, en outre, facilité
l'organisation
du pont d'envol,
dans la mesure où l'emplacement de l'îlot
central n'est plus conditionné par le positionnement des
cheminées et a donc pu être placé assez en avant sur le
pont. Les deux ascenseurs latéraux, dont la capacité
d'élévation de 36 tonnes permet de recevoir deux avions à
la fois, ont été placés en arrière pour faciliter
les mouvements entre le pont d'envol et le hangar. La capacité des
ascenseurs à acheminer deux avions toutes les deux minutes sur le pont,
leur emplacement et l'emplacement des zones de parking d'alerte, situées
à l'arrière et sur tribord, celui de la zone de recueil,
située à l'extrême avant, permettront au navire de
lancer en 15 minutes, une vague d'assaut d'une vingtaine d'avions
complètement équipés, de la récupérer et de
la relancer 4 heures plus tard
.
Performances comparées du Foch et du Charles de Gaulle
|
Foch |
Charles de Gaulle |
Déplacement |
33 000 t |
40 600 t |
Longueur |
260 m |
261,5 m |
Piste oblique |
165 m |
203 m |
Largeur |
46 m |
64 m |
Pont d'envol |
8 800 m2 |
12 000 m2 |
Ascenseurs |
2 x 15 t |
2 x 36 t |
Catapultes |
50 m |
75 m |
Masse avion |
10/15 t |
20/25 t |
Hangar |
3 300 m2 |
4 000 m2 |
Carburéacteur |
2 000 m3 |
3 000/4 000 m3 |
Munitions |
3 000 m3 |
4 900 m3 (600 t) |
Le pont
d'envol n'a cependant pas une longueur suffisante pour permettre le catapultage
durant les manoeuvres d'appontage. En effet, malgré le raccourcissement
des catapultes, celle de la piste axiale déborde sur la piste oblique.
Les espaces réservés aux hangars aviation ont été
multipliés par 1,4 par rapport au
Foch
. D'une superficie de 4 000
m2, ils peuvent accueillir 16 avions et 2 hélicoptères. Les
capacités d'emport de carburéacteurs (3 000 m
3
) et de
munitions (600 tonnes) sont également supérieures.
Le
Charles de Gaulle
est à même de mettre en oeuvre 35
à 40 aéronefs de la classe 20/25 tonnes. Les installations
aviation permettent 100 vols de combat par 24 heures pendant 7 jours, par
pontées massives de 20 à 24 avions, renouvelables toutes les 4
heures ou par pontées enchaînées de 4 à 8 avions
toutes les 1h 30 environ.
La
propulsion nucléaire
confère au porte-avions une
grande autonomie
. L'appareil propulsif comprend deux ensembles avant et
arrière constitués chacun d'une chaufferie nucléaire,
identique à celle des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins
(SNLE) type "
Le Triomphant
". Ces chaufferies fournissent la
vapeur nécessaire aux hélices et aux catapultes. Les enceintes de
confinement sont renforcées pour pouvoir faire face à des chocs
extérieurs provoqués par des missiles ou une collision.
La vitesse maximale du
Charles de Gaulle
est de 27 noeuds,
au
lieu de 32 pour le
Foch
et le
Clemenceau
. Toutefois, comme votre
rapporteur l'a déjà indiqué, la moindre vitesse du
Charles de Gaulle
n'est pas un obstacle à la mise en oeuvre de
l'aviation embarquée grâce à la puissance accrue des
catapultes.
Au surplus,
la vitesse de croisière
du groupe aéronaval
sera améliorée grâce à
l'allègement
significatif de la contrainte de ravitaillement
. En effet, un porte-avions
classique comme le
Foch
nécessitant un ravitaillement tous les
trois ou quatre jours, devait régler sa vitesse sur celle du
pétrolier accompagnateur, soit 13 noeuds. Le
Charles de
Gaulle
, grâce à un espace accru, peut également
ravitailler son escorte ou emporter du carburéacteur. Sa capacité
d'emport de carburéacteur lui permet de couvrir la consommation de trois
frégates pendant 10 jours. Ainsi, à 22 noeuds de moyenne, le
porte-avions et son escorte peuvent, par exemple, depuis Toulon, rallier Ormuz
en 8 jours par le canal de Suez, ou en 22 jours par le cap de Bonne
Espérance.
De plus, malgré sa faible longueur, plus adaptée à une
navigation en Méditerranée et dans l'Océan indien qu'en
Atlantique, et son faible tonnage par rapport aux porte-avions
américains de plus de 300 mètres de long et plus de 100 000
tonnes, le
Charles de Gaulle
offre
une grande stabilité de
plate-forme,
permettant de mettre en oeuvre son aviation par mettre forte.
La mise en oeuvre de l'aviation est par ailleurs facilitée par un
nouveau système d'aide à l'appontage, qui utilise une double
visée laser et optique.
En outre, un des éléments essentiels du bâtiment est
son
système de combat,
articulé autour de deux ensembles
interconnectés :
- un
système de préparation de l'action,
qui collecte et
entretient les renseignements de toutes provenances au profit de l'ensemble des
composantes du groupe aéronaval et dont les pièces
maîtresses sont le système d'aide au commandement de la force
navale qui synthétise et évalue les missions, et le
système de préparation et de restitution des missions
aériennes (SLPRM), commun avec l'armée de l'air ;
- un
système de conduite de l'action en temps réel
dont le
" cerveau " est constitué du système d'exploitation
navale des informations tactiques (SENIT 8), qui élabore la situation
tactique, la diffuse et coordonne, en quelques secondes, la mise en oeuvre des
armes du groupe aéronaval notamment grâce à un
système performant de transmissions de données (liaison 16).
Comme les
Hawkeye
et, ultérieurement, les Rafale, le
Charles
de Gaulle
est d'ailleurs le premier bâtiment de la Marine à
être équipé d'un système permettant des
transmissions protégées de données tactiques à
grand débit avec les alliés de l'OTAN.
Au cours de la remise à niveau après essai, les capacités
du système de transmissions extérieures ont été
très largement augmentées, grâce à l'installation
d'une architecture haut débit.
3. Une qualification à préserver
Depuis
la fin de la seconde guerre mondiale, la Marine a accumulé un
savoir-faire exemplaire dans l'utilisation de l'aviation embarquée.
Cette capacité et l'expérience réitérée des
différentes missions accomplies lui ont permis d'acquérir la
maîtrise de moyens complexes, fruit d'une chaîne complète de
compétences (conception et réalisation du porte-avions et des
avions, préparation des avions, formation des pilotes,
entraînement, commandement) qui ne doit pas être interrompue.
Ainsi, l'entraînement des pilotes et leur formation sont essentiels
compte tenu de la particularité de la technique de l'appontage. Sur un
porte-avions, en début de mission, on considère que 10 % du temps
doit être consacré à la remise en condition des pilotes et
de l'ensemble des personnels travaillant en relation avec la plate-forme
aviation pour assurer la mise en oeuvre rapide de son aviation embarquée
dans des conditions optimales de sécurité.
L'indisponibilité du porte-avions
Charles de Gaulle
pendant
près de 18 mois lors de son premier changement des coeurs
nucléaires des réacteurs, va donc poser des problèmes
importants de maintien en condition de l'ensemble du personnel
attaché à la mise en oeuvre de l'aviation et notamment les
pilotes. Des solutions alternatives devront être trouvées.
Au total, l'expérience acquise par la France dans le domaine des
porte-avions de moyen tonnage, en comparaison des porte-avions lourds
américains ou des porte-aéronefs légers doit être
préservée et valorisée. En effet, ce type de porte-avions
permet d'effectuer environ la moitié des missions accomplies par un
porte-avions lourd américain, mais avec un déplacement et un
équipage presque trois fois moins important. Il permet également
la mise en oeuvre d'un avion de guet aérien conférant une large
maîtrise de l'espace aérien environnant (hémisphère
d'un diamètre de 200 nautiques au lieu de 60 nautiques avec un
hélicoptère).
Performances comparées des porte-avions lourds,
du
porte-avions
Charles de Gaulle
et des porte aéronefs
légers
Mission |
Plateforme |
Tonnage |
Equipage |
Avions |
Nombre de sorties par jour |
|
|
|
|
|
Nombre |
Type |
|
Projection de puissance |
Porte-avions US |
80 000
|
5 000
|
80 |
Hawkeye
|
80 à 160 |
|
PA Charles de Gaulle |
40 000 t |
1 900 h |
40 |
Hawkeye
|
40 à 80 |
Défense de force navale |
Porte aéronefs |
12 000
|
900 h |
15 |
Harrier
|
15 à 30 |
B. UN NÉCESSAIRE EFFORT DE COHÉRENCE
La capacité d'action du porte-avions Charles de Gaulle ne pourra être pleinement exploitée que si le bâtiment est intégré dans un système complet et cohérent, permettant une action permanente à partir de la mer dans des conditions de sécurité. Ce n'est pas encore le cas, en raison de nombreux décalages budgétaires, qui ont obéré les programmes visant à moderniser ou renouveler les capacités du groupe aéronaval, révélant ainsi certaines insuffisances.
1. Des capacités incomplètes ou vieillissantes
a) Un seul porte-avions disponible à 60 % du temps d'ici 2012
La
principale lacune du système français est la
non-permanence du
groupe aéronaval depuis 1997
, année du retrait du service
actif du porte-avions
Clemenceau
. La France ne dispose plus que d'un
porte-avions, le
Foch
aujourd'hui, puis, demain, le
Charles de
Gaulle,
pendant seulement 60 % du temps environ, soit
200 jours de mer
par an
.
En effet, plusieurs facteurs limitent la disponibilité,
a priori
presque permanente, du porte-avions
Charles de Gaulle
. Celui-ci dispose
d'une autonomie énergétique d'environ 7 ans et demi,
correspondant à la durée de vie des coeurs des réacteurs.
Ainsi, tous les sept ans et demi, le porte-avions devra être placé
en
indisponibilité périodique pour entretien et
réparation
(IPER) de 15 mois, où seront changés ces
coeurs. Par ailleurs, une indisponibilité pour
entretien
intermédiaire
(IEI), d'une durée de six mois, est
prévue entre chaque période d'entretien majeur. Il faut enfin
compter sur une indisponibilité cumulée de 70 jours par an pour
l'entretien courant.
Ainsi,
d'ici 2012, le
Charles de Gaulle
devrait connaître trois
périodes d'indisponibilité, durant lesquelles notre pays ne
disposera plus de porte-avions
: 6 mois en 2002, 15 mois à
partir de 2004 puis à nouveau 6 mois en 2008. En l'absence de mise en
chantier d'un second porte-avions susceptible d'être admis au service
actif en 2012, une quatrième interruption de la permanence du groupe
aéronaval interviendrait alors cette année-là, pour 15
mois supplémentaires.
La première grande période d'indisponibilité pourrait
intervenir dès le premier semestre 2004, une visite des cuves
étant nécessaire six ans après la première
utilisation des chaufferies. Des études sont toutefois en cours pour
retarder cette visite et la réaliser en même temps que la
première IPER, afin de limiter au strict minimum le temps
d'immobilisation. La seconde IPER interviendrait donc au plus tôt fin
2012.
Cycles
d'entretien comparés
des
Foch
et
Charles de
Gaulle
Charles de Gaulle (1 ère utilisation des chaufferies en 1998 et essais à la mer en 2000 - entretien tel que prévu à l'origine) |
|
|
|
|
|||||||||||
|
|
2002 |
|
2004 |
|
2008 |
|
2012 |
|
||||||
|
Activité |
IEI |
Activité |
IPER |
Activité |
IEI |
Activité |
IPER |
Activité |
||||||
Mois |
24 |
6 |
24 |
15 |
42 |
6 |
42 |
15 |
42 |
||||||
Cumul des périodes d'activités et d'entretien |
24 |
6 |
48 |
21 |
90 |
27 |
132 |
42 |
174 |
||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
216 |
||||||
Taux d'indisponibilité : 19, 4 % |
|||||||||||||||
Porte-avions classique type Foch |
|||||||||||||||
|
Activité |
IPER |
Activité |
IEI |
Activité |
IPER |
Activité |
IEI |
Activité |
||||||
Mois |
20 |
6 |
23 |
3 |
20 |
6 |
23 |
3 |
20 |
||||||
Cumul |
20 |
6 |
43 |
9 |
63 |
15 |
86 |
18 |
106 |
||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
124 |
||||||
|
Taux d'indisponibilité : 14,5 % |
Il
ressort de l'examen des cycles d'entretien que le maintien en condition d'un
porte-avions nucléaire est finalement plus lourd et plus rigide,
nécessitant des immobilisations plus longues. Celles-ci pourraient en
partie être compensées par l'absence de refonte à mi-vie.
L'utilisation opérationnelle d'un tel bâtiment est par ailleurs
plus souple car les périodes d'immobilisation sont plus espacées.
Les catapultes du
Charles de Gaulle
ayant un potentiel beaucoup plus
important, les périodes d'immobilisation nécessaires à
leur remise à niveau seront en outre moins fréquentes que pour le
Foch
.
Les indisponibilités du
Charles de Gaulle
seront néanmoins
handicapantes.
Pendant ces périodes, la France ne disposera d'aucun
porte-avions
et n'aura donc pas de groupe aérien à la mer,
affectant d'autant nos capacités de réaction.
b) Des faiblesses dans l'aviation embarquée et les bâtiments d'accompagnement
Les
faiblesses du dispositif français concernent également
l'aviation embarquée
. La France ne dispose plus d'avions
d'interception pour assurer la défense aérienne de son
porte-avions. Les
Crusader
, âgés de plus de 34 ans, ont
été retirés du service fin 1999. Leur état de
vétusté n'avait d'ailleurs pas permis de les aligner au Kosovo.
Dans cette crise, la France a dû s'en remettre partiellement à des
avions mis à la disposition de l'OTAN par des pays alliés. Dans
l'attente des
Rafale
au Standard F1, qui devraient entrer en service en
2001, nous ne disposeront d'aucune solution alternative, comme l'avait
d'ailleurs souligné à de multiples reprises votre rapporteur lors
de l'examen annuel du budget de la Marine.
En outre, les avions d'assaut
Super Etendard
sont vieillissants -plus de
19 ans en moyenne- et la Marine a entrepris de les moderniser pour pallier le
retard du
Rafale
au standard F2, doté d'une capacité
air-mer et air-sol. La modernisation des
Super-Etendard
a
débuté en 1992 et s'est achevée en 1999.
Les avions embarqués |
|||||
Type |
en
|
en ligne |
âge moyen |
retrait du service |
remplacement |
F8 P (Crusader) |
9 |
8 |
34 A 9 M |
31.12.99 |
Rafale M (à partir de 2001) |
SEM (Super Etendard) Standard 3 |
52 |
28 |
20 A |
2007/2012 |
Rafale M standard F2 (à partir de 2006) |
E4PM (Etendard Reco) |
5 |
4 |
35 A |
01.08.00 |
Super Etendard modernisé équipé d'un châssis de reconnaissance |
ALH (Alizé) |
9 |
8 |
38 à 10 M |
2000 |
Hawkeye |
E-2C (Hawkeye) |
2 |
2 |
2 A |
Livraison du dernier en 2003 |
3 appareils prévus au total |
RFM (Rafale Marine) Standard F1 (interception) |
2 |
0 |
- |
Livraison à partir de 2000 |
60 appareils prévus constitution de la première flottille en 2001 |
S'agissant des
frégates antiaériennes
, la
France dispose actuellement de quatre unités, dont seulement deux sont
adaptées à des missions dans des zones à haut risque. Les
deux plus anciennes, le
Suffren
et le
Duquesne
, sont d'ores et
déjà confinées à des missions de moindre
intensité, leur armement et leur système d'arme n'étant
plus suffisamment performants. Leur remplacement est l'une des priorités
de la prochaine loi de programmation. En outre, le conflit du Kosovo a
montré qu'il était difficile, avec quatre frégates,
d'accomplir deux missions simultanées. Si la Marine ne devait plus
disposer que de trois frégates, elle ne pourrait plus accomplir que des
missions nationales, liées directement à la protection des
bâtiments français. Une cinquième frégate, cible
prévue par le modèle 2015, donnerait une marge de manoeuvre
utile. A titre de comparaison, les Britanniques en possèdent douze.
Enfin, deux des quatre TCD français, l'
Orage
et l'
Ouragan
,
sont déjà très anciens, leurs capacités de
transport sont insuffisantes au regard des nouveaux besoins des
opérations extérieures.
Il apparaît donc que la France dispose d'un système de force
important, mais dont les capacités réelles d'action et
l'indépendance sont limitées par l'ancienneté ou
l'insuffisance de certains équipements.
Bâtiments composant un groupe aéronaval français
|
Admission au service actif |
Retrait du service actif |
Groupe
aérien
|
Refontes |
Porte-avions Foch |
Juillet 1963 |
2000 |
|
Révision et modernisation de septembre 1975 à
mai 1976
|
Frégates lance-missiles
|
1968
|
2006
|
|
Le retrait du service actif de ces bâtiments interviendra à l'admission au service de chacune des quatre frégates Horizon |
Frégates anti-sous-marines
|
1974
|
|
2 hélicoptères Lynx par bâtiment (lutte anti-sous-marine) |
Seul un traitement des obsolescences est prévu pour ces frégates qui seront remplacées par la " composante frégate " à partir de 2008, à raison d'une frégate multimissions tous les 8 mois |
Pétrolier ravitailleur
|
1980
|
2010
|
1 hélicoptère léger par bâtiment |
|
2. Le renouvellement nécessaire de la flotte de surface, des sous-marins et de l'aviation embarquée
L'enjeu financier de la construction d'un second porte-avions doit être examiné au regard des autres priorités de la Marine, c'est-à-dire la modernisation et le renouvellement de la flotte de surface, de la flotte de sous-marins et de l'aviation embarquée.
Le modèle Marine 2015
- 4 SNLE
- 2 porte-avions (le second si les conditions économiques le
permettent) ;
- 4 TCD
- 6 sous-marins nucléaires d'attaque
- 4 frégates antiaériennes
- 8 frégates anti-sous-marines
- 14 frégates multirôles
- 6 frégates de surveillance
- 16 bâtiments antimines dont un de soutien et de commandement
- 4 pétroliers-ravitailleurs
- 2 bâtiments de soutien logistique
- 5 bâtiments de transport léger
- 11 patrouilleurs
- 60 RAFALE
- 3 HAWKEYE
- 38 hélicoptères de combat
- 22 aéronefs de patrouille maritime
- 10 avions de surveillance maritime
- 5 commandos " marine " dont un de nageurs de combat
a) La flotte de surface
La
plupart des bâtiments de la flotte de surface doivent être
remplacés d'ici 15 ans : les frégates antiaériennes,
les frégates anti-sous-marines, les avisos et une partie des TCD.
- Le chantier le plus urgent est le remplacement des
frégates
antiaériennes
actuellement en service. Les frégates
Suffren
et
Duquesne
doivent être remplacées d'ici
2006 quand leur armement sera en état d'obsolescence, de même que
les frégates
Cassard
et
Jean-Bart,
plus modernes, en
2011-2013.
Le remplacement de quatre frégates antiaériennes dans les 15
prochaines années repose sur le programme de frégates
Horizon
, mené en coopération avec l'Italie et, pour le
système d'armes PAAMS (Principal anti air missile system), avec le
Royaume-Uni.
Cette nouvelle frégate sera fortement automatisée permettant
d'envisager un équipage limité à 200 personnes.
Les deux premiers exemplaires doivent être commandés dans
l'actuelle loi de programmation militaire (1997-2002), la première en
2000, grâce à la mobilisation de 5 milliards de francs
d'autorisation de programme dont 2 provenant du budget de l'armée de
l'air, et la seconde en 2001. Leur construction devrait commencer dès
2001 à Lorient, la maîtrise d'oeuvre étant assurée
conjointement, pour la première fois, par Thomson et DCN. La
première frégate devrait entrer au service actif en 2006. Les
suivantes devraient être livrées en 2008, 2011 et 2013.
- Le deuxième grand programme est celui
des frégates
multimissions (FMM),
en cours de définition. Il vise au remplacement
de trois bâtiments différents, les frégates
anti-sous-marines
F 67
Tourville
, les
F 70
Dupleix
et les avisos
A 69
d'Estienne d'Orves
ou
" frégates de second rang ", par une série unique de
navires permettant de faire d'importantes économies de construction et
de maintenance. Ce nouveau type de frégates devrait permettre de
disposer des moyens adaptés à l'action de la Marine, en mer et
contre la terre, à partir d'une base commune, " la composante
frégate ", qui formerait l'ossature des bâtiments d'escorte
et de combat. Au total, ces frégates d'un nouveau type devront couvrir
le large éventail des missions habituellement dévolues aux
bâtiments de haute mer.
Les
frégates anti-sous-marine
(FMM-ASM) rempliront les missions
de protection et de sécurisation du déploiement de la force
océanique stratégique (FOST) ou d'une force navale dans le cadre
d'une opération de projection ou de voies de communication. Les
frégates d'action vers la terre auront pour mission l'appui et le
soutien des opérations de projection de forces, grâce à une
capacité de frappe dans la profondeur, par le tir de missiles de
croisière. Ces deux types de frégates seront dotés
d'hélicoptères
NH 90
dans sa version de combat.
- La Marine doit enfin assurer le remplacement des éléments les
plus anciens de sa flotte de transport,
les Transports de chaland de
débarquement
(TCD), et les adapter aux besoins accrus de projection
de forces dans des opérations interalliées.
b) Les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) " Barracuda "
Ce
programme vise à remplacer les six SNA de la génération
actuelle à partir de 2010, par six nouveaux sous-marins
nucléaires, construits au rythme d'un tous les 18 à 24 mois.
Les missions de ces sous-marins resteront identiques à celles des SNA
actuels : soutien et sécurisation du déploiement de la force
océanique stratégique (FOST) et protection du groupe
aéronaval en opération, comme lors du conflit du Kosovo. Ils
devraient en outre être dotés d'un missile de croisière
leur permettant d'opérer des frappes dans la profondeur des terres
à l'exemple des SNA américains ou britanniques.
Le programme
Barracuda
demeure actuellement au stade de la conception,
le coût unitaire de chaque SNA étant estimé à
4 milliards de francs.
c) L'aviation embarquée
L'aviation embarquée va connaître un profond bouleversement, le Charles de Gaulle devant mettre en oeuvre dans les dix prochaines années un groupe aérien presque totalement renouvelé.
(1) l'achèvement de la modernisation des Super Etendard
La modernisation des Super Etendard doit se poursuivre pour assurer la jonction avec les livraisons de Rafale et connaîtra deux étapes. Un standard 4 doit leur permettre de reprendre en 2000 et 2001 les missions de reconnaissance des Etendard IV - P en service dans la Marine depuis 1964. Un standard 5 doit être appliqué, de 2002 à 2004, sur tous les Super Etendard afin de leur donner une capacité de tir de précision tout temps.
(2) Le Rafale Marine
Le
Rafale Marine
constituera, à terme, l'essentiel du groupe
aérien embarqué à bord du porte-avions
Charles de
Gaulle
. Le
Rafale
y a réussi son premier
appontage-catapultage en juillet 1999.
Fin 2002, les dix premiers
Rafale Marine
de série auront
été livrés dans le standard " F1 ",
c'est-à-dire d'interception et de défense aérienne. Ils
constitueront une première flottille, à bord du
Charles de
Gaulle,
qui disposera enfin d'avions d'interception, les derniers
Crusader
, opérant à partir du
Foch
, ayant
été retirés du service en 1999. Ces
Rafale
seront
notamment armés de missiles Magic 2 et MICA EM.
A partir de 2005, les 15
Rafale
suivants seront livrés en version
" F2 ", ajoutant aux capacités de défense
aérienne les capacités d'assaut contre la terre et à la
mer. Leur entrée en service permettra le remplacement progressif des
Super Etendard
qui, jusque là, assumeront ces missions, les
derniers
Super Etendard
n'étant retirés du service qu'en
2012. Ces
Rafale
devraient être dotés de missiles Mica
infrarouges, de bombes autopropulsées AASM, des missiles Apache et Scalp.
Les 35 derniers
Rafale
, au standard " F3 ", permettant la
polyvalence complète, devraient être livrés à partir
de 2009 et jusqu'en 2012.
La Marine recevra ainsi
60 Rafale
pour un
coût total de
45 milliards de francs
. Au fur et à mesure des nouvelles
versions, les appareils plus anciens déjà livrés seront
rénovés de telle sorte qu'en 2014 tout le parc de
Rafale
soit porté au standard F3.
Performances comparées des
Super Etendard
et du
Rafale
Marine
|
Super Etendard |
Rafale Marine |
Longueur |
14,3 m |
15,3 m |
Hauteur |
3,8 m |
5,2 m |
Envergure |
9,6 m |
11,2 m |
Poids à vide |
7 t |
10,5 t |
Poids en charge |
11,9 t |
21,5 t (dont 9 t d'armement) |
Vitesse maximale |
Mach 1,3 |
Mach 1,8 |
Autonomie |
750 M |
1000 M |
(3) Le E-2 C Hawkeye
Le E-2 C Hawkeye est la troisième version de l'avion E-2 lancé au début des années 1960. Il est en service dans l'US Navy depuis 1974. Sorte de " mini- Awacs ", il est utilisé pour assurer l'alerte aérienne lointaine à partir d'un porte-avions. Commandés en 1995, les deux premiers Hawkeye ont été livrés à la Marine nationale en 1998 et 1999. Le troisième appareil doit être commandé en 2001 et livré en 2003, la commande d'un quatrième Hawkeye ayant été abandonnée. Deux Hawkeye seront présents en permanence à bord du porte-avions Charles de Gaulle afin d'assurer la permanence de la mission de guet aérien.
3. Un second porte-avions : le choix de la cohérence
Au
regard des éléments qui précèdent, il
apparaît que la construction d'un second porte-avions ne saurait
constituer la seule priorité de la Marine pour les années
à venir, compte tenu de la nécessité de renouveler nombre
de ses composantes. Pour autant, cet effort de renouvellement perdrait une
partie de son sens si se prolongeait, au-delà des 15 années
déjà prévisibles, la situation de disponibilité
très partielle du porte-avions.
La cohérence de notre Marine, comme celle des choix financiers qui ont
conduit à des investissements de l'ordre de 70 milliards de francs pour
l'ensemble du groupe aéronaval, impose que cette situation ne soit pas
prolongée.
Il ne serait pas concevable, en renonçant à un investissement
évalué entre 12 et 14 milliards de francs pour la construction
d'un second porte-avions, de priver d'une large part de leur efficacité
les investissements déjà réalisés ou
programmés dans la construction du
Charles de Gaulle
, et dans
l'acquisition des
Rafale
et des
Hawkeye
,
Ainsi,
la mise en chantier du second porte-avions ne saurait
apparaître comme une alternative au renouvellement des autres composantes
de la Marine mais bien comme une condition indispensable à la
cohérence de l'ensemble.
III. QUELLES ORIENTATIONS PRIVILÉGIER POUR UN SECOND PORTE-AVIONS ?
Votre
rapporteur s'est efforcé de recenser les principales
caractéristiques du second porte-avions dont, à son avis, notre
Marine devrait être dotée, en envisageant les différents
paramètres que représentent la contrainte budgétaire,
l'expérience retirée de la conception et de la réalisation
du
Charles de Gaulle,
la perspective d'une éventuelle
coopération avec le Royaume-Uni et, enfin, l'option industrielle
optimale.
Ce sont, en premier lieu, les missions qui conditionnent le type de plate-forme
à retenir, la France ayant fait le choix, jusqu'à présent,
de doter sa Marine de porte-avions permettant la projection de puissance. Il
s'agit donc de disposer de porte-avions polyvalents, à même de
servir de base à des missions d'assaut dans la profondeur des terres.
Ce type de missions nécessite une plate-forme aviation
équipée de catapultes et de brins d'arrêt, capables de
mettre en oeuvre des avions de combat très proches de ceux qui sont
basés à terre. C'est pourquoi la Marine a choisi l'avion
Rafale
pour les missions d'assaut et d'interception et le
E2-C
Hawkeye
pour les missions de guet et de surveillance de l'espace
aérien. Or, compte tenu du coût de ces appareils, 45 milliards de
francs pour les 60
Rafale
et 6 milliards de francs pour les 3
E2-C
Hawkeye
, il serait incohérent de choisir un type de plate-forme qui
ne serait pas à même de les accueillir.
A. METTRE À PROFIT L'ACQUIS DU CHARLES DE GAULLE
Les
principales évolutions pourraient être envisagées à
partir de l'acquis que constitue le
Charles de Gaulle
.
En effet, les contraintes budgétaires et opérationnelles incitent
à construire un bâtiment qui soit le plus proche possible du
Charles de Gaulle
. La Marine a bénéficié, pendant
plus de trente ans, de la communauté de conception entre le
Foch
et le
Clemenceau
, ces deux navires ayant été construits
successivement sur les mêmes plans. Il s'agissait de ce qu'on appelle,
dans le jargon maritime, de "
sistership
". De ce fait, les
équipages et le groupe aérien ont pu passer sans
difficulté de l'un à l'autre. Des économies importantes de
temps, d'adaptation, et de formation des personnels ainsi que d'entretien sont
donc possibles.
Cependant, compte tenu des effets d'obsolescence liés à la
durée écoulée entre les deux programmes, le second
porte-avions sera différent du
Charles de Gaulle
. Ce
décalage dans le temps pourrait finalement conduire à
réexaminer certains choix réalisés pour le
Charles de
Gaulle
et à tirer un certain nombre d'enseignements du
déroulement du programme, de la construction, des essais et de
l'utilisation opérationnelle du bâtiment.
Dans tous les cas,
une " communalité " maximale devra
être recherchée
, aussi bien au niveau des équipements
que des personnels. S'agissant des équipements et de la conception de
l'ensemble du navire, il conviendra de favoriser des évolutions plus que
des révolutions et de se garder d'effectuer un nouveau saut
technologique. De même, au niveau des personnels, il serait opportun de
pallier les différences d'équipements entre les deux navires par
la recherche d'une plus grande interopérabilité au sein de la
Marine dans son ensemble.
Par ailleurs, un certain nombre de capacités du porte-avions pourraient
évoluer, soit pour en améliorer l'efficacité, soit pour
atteindre un meilleur rapport coût-avantages.
La
longueur du bâtiment
pourrait être
éventuellement accrue. Il avait en effet été
décidé de construire la coque du
Charles de Gaulle
à Brest, et donc d'en limiter la dimension à celle de la cale
sèche de l'arsenal. Le
Charles de Gaulle
a donc gardé la
même longueur que le
Foch
et le
Clemenceau
, soit
262 mètres. Cette contrainte a conduit à trouver des
solutions techniques complexes pour accroître la superficie du pont
d'envol de près de 50 % (12 000 m² au lieu de 8 800
m²) et pour stabiliser l'ensemble de la plate-forme grâce à
une technique spécifique. Malgré ces évolutions, la
longueur du pont ne permet pas l'appontage et le catapultage simultanés
et, inconvénient moindre, la longueur des catapultes américaines
équipant le
Charles de Gaulle
a dû être
réduite de 90 à 75 mètres, provoquant des
accélérations plus fortes et donc une plus grande fatigue de la
structure des avions. Enfin, la moindre longueur du navire et sa masse -40 000
tonnes- lui confèrent une stabilité en mer inférieure
à celle des porte-avions américains de 100 000 tonnes et de
335 mètres de long.
Le " tout électrique " constituerait une seconde
amélioration
qui pourrait être étudiée à
la suite des travaux réalisés aux Etats-Unis. En effet, les
Américains réfléchissent à la possibilité
d'adopter, pour leur futur bâtiment, à l'horizon 2013, une
propulsion et des catapultes électriques et non plus à vapeur
comme actuellement. Adopter cette évolution technique,
éventuellement en même temps que les Britanniques, permettrait
à la France de rester dans la course de l'évolution
technologique, la technique de la propulsion électrique étant
maîtrisée par les Chantiers de l'Atlantique-Alstom. S'agissant des
catapultes, elle permettrait de garder le même niveau
d'interopérabilité avec l'US Navy et de participer à cette
nouvelle révolution technologique pour la mise en oeuvre de l'aviation,
après les catapultes hydrauliques et les catapultes à vapeur.
Outre ces éventuelles améliorations, le second porte-avions
pourrait intégrer des évolutions de ses capacités
correspondant à un recentrage de ses missions opérationnelles.
Ainsi,
le second porte-avions pourrait être spécialisé
dans la mise en oeuvre de l'aviation
et certaines de ses autres
capacités en matière de défense aérienne de zone et
de commandement des opérations aériennes pourraient être
réduites par rapport à celles du
Charles de Gaulle.
Ces
fonctions peuvent désormais, grâce aux progrès des moyens
de transmission de données en temps réel, être
assurées par des bâtiments d'escorte.
Les
fonctions de défense
pourraient ainsi être presque
entièrement déléguées aux bâtiments
d'escorte, évolution déjà largement accomplie en
matière de lutte anti-sous-marine et transposable dans le domaine
antiaérien. Pour son autodéfense, le
Charles de Gaulle
met
en oeuvre un système de combat intégré complexe,
centré sur des missiles Aster 15 de courte portée. Le second
porte-avions pourrait se contenter d'un système plus modeste
privilégiant l'autodéfense à très courte
portée, notamment grâce à la présence des
frégates antiaériennes de type
Horizon
.
Si les
capacités de commandement
dont dispose le
Charles de
Gaulle
lui permettent de conduire une opération en relative
autonomie, il serait envisageable, pour le second porte-avions, de
transférer certaines fonctionnalités vers un centre de
commandement à terre ou à bord d'un bâtiment d'escorte
spécialisé. La conduite d'une opération implique
d'ailleurs, au-delà d'un certain volume des moyens engagés, la
mise en oeuvre d'un centre de commandement à terre CAOC (combined air
operation center), comme lors de l'opération Deny Flight au-dessus de la
Bosnie, au cours de laquelle la situation aérienne était suivie
depuis Vicenza (nord de l'Italie). Une telle évolution simplifierait
sensiblement les études et contribuerait à réduire les
effectifs embarqués. La mission de commandement de forces pourrait aussi
être transférée à un bâtiment d'escorte
équipé en conséquence.
Le progrès technique et une automatisation accrue d'un plus grand nombre
de fonctions pourraient aussi permettre de réduire très
sensiblement les effectifs embarqués. Il n'est pas inenvisageable de ne
prévoir, à bord d'un futur porte-avions, que 900 hommes
d'équipages pour le bord et 600 hommes pour le groupe aérien,
générant de substantielles économies de fonctionnement.
Enfin,
la question centrale du
mode de propulsion
pourrait
être réexaminée pour le prochain porte-avions
. La
propulsion nucléaire présente d'importants avantages
opérationnels, en allégeant la contrainte de ravitaillements
bi-hebdomadaires qui neutralisaient en partie les précédents
porte-avions pendant plusieurs heures. Plus autonome, le porte-avions à
propulsion nucléaire peut s'affranchir, durant son transit, de la
présence d'un pétrolier ravitailleur, ce qui élève
la vitesse de croisière de l'ensemble du groupe aéronaval
d'environ cinq noeuds.
Toutefois, en cas d'activité aérienne importante, le
Charles
de Gaulle
devra néanmoins être ravitaillé au moins
chaque semaine en carburant aviation et en munitions. Son escorte, dont la
propulsion est classique, est elle-même soumise à des
ravitaillements en carburant. L'ensemble du groupe aéronaval, enfin,
aura aussi besoin, comme au Kosovo, des services d'un bâtiment atelier et
d'un ravitaillement en vivres, l'autonomie du porte-avions étant, quant
à elle, fixée à 45 jours.
La propulsion nucléaire souffre pourtant de deux
inconvénients
importants au regard de ses avantages
opérationnels.
- Le premier est
la lourdeur financière et logistique du
nucléaire
. Son coût est très élevé, tant
à l'achat -de 2 à 4 milliards de francs
supplémentaires par rapport à la propulsion classique- que durant
la durée de vie du bâtiment (le " coût de
possession "). De plus, le coût du démantèlement et du
stockage des éléments irradiés augmente. Les
chaudières nucléaires utilisées conduisent
également, tous les 7 à 8 ans, à arrêter
complètement pendant 15 à 18 mois le porte-avions pour changer le
coeur nucléaire du réacteur. Si la date de cette opération
peut être légèrement aménagée en fonction des
contraintes opérationnelles, une fois le réacteur
arrêté, l'immobilisation est totale pour plusieurs mois.
Par ailleurs,
les contraintes de durcissement des munitions
(la
" muratisation "), c'est à dire d'augmentation de la
résistance des matériels aux chocs, à l'incendie et aux
champs électromagnétiques, qui existaient déjà sur
le
Foch
, sont accentuées du fait de la propulsion
nucléaire et ont pour conséquence de renchérir
considérablement le coût des munitions. Ainsi, un missile
AS 30 Laser coûte à l'armée de l'air 2 millions de
francs, une bombe guidée laser de 250 kg 165 000 francs, alors
que les mêmes armements coûtent respectivement 2,7 millions de
francs et 280 000 francs à la Marine.
- Le second handicap réside dans
la sensibilité croissante de
l'opinion à l'énergie nucléaire
.
L'accueil d'un porte-avions nucléaire dans un port s'apparente à
la présence d'une centrale nucléaire en pleine ville, ce qui
suppose des infrastructures particulières et l'accord des
autorités locales, même si cette chaufferie nucléaire ne
produit de la puissance qu'à l'arrivée et au départ du
bâtiment. En tout état de cause, le
Charles de Gaulle
, plus
encore que le
Clemenceau
ou le
Foch
, ne devrait plus que
très rarement accoster dans les ports étrangers qui ne disposent
pas des équipements portuaires adaptés à sa forme de
coque. A Toulon même, les aménagements nécessaires ont
été réalisés. L'opinion locale est devenue
très sensible au rôle de port nucléaire de la rade pour les
SNA et le porte-avions, en raison notamment des craintes manifestées sur
l'innocuité des rejets liés à cette activité. Un
plan particulier d'intervention (PPI) a été mis au point,
conjointement entre la préfecture et la marine, pour assurer la
protection et, éventuellement, l'évacuation des populations
civiles ; moins de 4 000 personnes seraient concernées, en cas
d'accident nucléaire dans le port militaire.
La problématique de cette source d'énergie a, de fait,
évolué depuis le début du programme
Charles de
Gaulle
, initié lors des chocs pétroliers, alors que la France
se dotait d'un réseau important de centrales nucléaires civiles
pour assurer son indépendance énergétique. Depuis, le
problème du coût des ressources en énergie ne se pose plus
exactement dans les mêmes termes. Au surplus, en matière de
propulsion militaire, les modes classiques ont fait d'importants
progrès, comme les turbines à gaz pour les bâtiments de
surface. Un porte-avions n'est pas soumis par ailleurs, à la même
obligation de discrétion qu'un sous-marin nucléaire
utilisé pour la dissuasion. La propulsion nucléaire n'est donc
pas, au problème près du ravitaillement évoqué plus
haut, indispensable à son efficacité opérationnelle.
L'évolution de l'opinion sur l'énergie nucléaire et le
perfectionnement des autres techniques de propulsion pourraient donc conduire
à relativiser l'intérêt de ce mode de propulsion.
B. LES ÉLÉMENTS D'UNE ÉVENTUELLE COOPÉRATION AVEC LE ROYAUME-UNI
Les progrès de l'Europe de la défense, le nouveau contexte géopolitique et le coût de construction élevé d'un porte-avions conduisent à s'interroger sur la possibilité d'un programme en coopération, singulièrement avec le Royaume-Uni.
1. Les enseignements de la Strategic defence review britannique de 1998
La principale hypothèse de coopération concerne le Royaume-Uni. En effet, dans la Strategic defence review de 1998, les Britanniques se sont donné comme objectif de construire, à l'horizon 2012-2015, deux porte-avions de 40 000 tonnes et 300 mètres de long, capables de mettre en oeuvre jusqu'à 50 aéronefs, qui devraient remplacer les trois porte-aéronefs de la classe Invincible . Cette décision résultait de l'analyse faite outre-manche de certaines des crises de l'après guerre froide, notamment l'action conduite au-dessus du territoire irakien. A plusieurs reprises, en septembre 1996 ou en février 1998, les porte-avions américains se sont révélés indispensables pour mener à bien les raids aériens, les pays riverains refusant de donner leur accord pour des missions lancées à partir de leur territoire. De même, au Kosovo, les petits porte-aéronefs, qui ont montré leurs limites, ne pouvaient effectuer que 16 missions de combat par jour et ne disposaient guère de capacités de guet aérien. Ces différentes crises, et plus récemment l'intervention en Sierra Leone, ont mis en valeur, pour les Britanniques, l'intérêt de posséder des outils adaptés à la gestion de crise, à la projection de puissance aérienne offensive et à même de placer le Royaume-Uni au premier plan dans des coalitions futures. La Strategic defence review marque donc l'ambition du Royaume-Uni de se doter de porte-avions de projection de puissance, de taille moyenne, lui offrant un bon rapport coût-avantage. Ce type de porte-avions permettrait d'accroître considérablement (près de 5 fois par rapport aux porte-aéronefs britanniques actuels) la capacité d'agir en mer et à partir de la mer, dans des opérations de projection ou pour la défense du territoire national. Les Britanniques envisagent l'acquisition d'une centaine d'avions de combat pour équiper ces deux porte-avions.
LES
DATES CLÉS DU PROGRAMME BRITANNIQUE
_____
-
1999 : Sélection des deux consortiums en compétition
- novembre 1999 - mai 2003 : Phase d'évaluation (Assessment phase)
novembre 1999 - décembre 2000, analyse des options (AOO)
février 2000 - mai 2003, phase de réduction des risques
- courant 2003 : Désignation du consortium constructeur
- 2003 - 2006 : Phase de démonstration, avec notamment un
prototype virtuel très poussé
- 2006 - 2015 : Phase de construction
- 2012 : Livraison du premier porte-avions
- 2015 : Livraison du second porte-avions
2. Les caractéristiques des deux porte-avions britanniques restent à définir
En
raison du degré d'avancement du programme, les caractéristiques
des deux porte-avions britanniques restent aujourd'hui à
déterminer. Actuellement, sont étudiées les
trois
conceptions
génériques de porte-avions : avions à
décollage court et atterrissage vertical (STOVL), avions à
décollage court et atterrissage arrêté (STOBAR) et avions
à décollage et atterrissage conventionnel (CTOL), cette
dernière option correspondant à la version retenue en France.
Le choix de l'avion de combat (FCBA ou Future Carrier Borne Aircraft) et de
l'aéronef de guet aérien (FOAEW ou Future Organic Airborne Early
Warning Aircraft) sera donc déterminant pour définir la taille,
la forme et les caractéristiques du futur porte-avions. L'avion de
combat retenu devrait avoir une capacité tout temps, à même
de mener, de jour comme de nuit, des missions de défense aérienne
d'une force navale ou de troupes au sol, d'assaut à la mer ou sur terre
et d'interception sur un long rayon d'action. Par rapport au
Sea Harrier
de la Royal Navy ou au
Harrier GR7
de la Royal Air Force, le nouvel
avion serait supersonique et disposera d'une capacité accrue d'emport
d'armement. L'aéronef de guet aérien remplacerait
l'hélicoptère
Seaking AEW
, augmentant significativement
les capacités actuelles de surveillance aérienne et de surface,
le contrôle des missions d'attaque et d'interception et permettant un
suivi radar des cibles au-delà de l'horizon pour les armes tirées
depuis la surface.
Actuellement, les termes des différentes options peuvent être
présentés comme suit :
Type de porte-avions |
Avions de combat |
Aéronef de guet aérien |
STOVL |
JSF STOVL ou dérivé du Harrier |
Dérivé du Merlin, drone ou V22 Osprey |
CTOL |
JSF CV, F18 E/F ou Rafale marine |
Dérivé du Merlin, drone, V22 ou Hawkeye |
STOBAR |
Eurofighter navalisé |
id. version STOVL |
La
taille exacte des nouveaux porte-avions (CTOL/STOBAR ou STOVL) reste à
déterminer. Selon les études initiales de conception, ce seraient
les plus gros bâtiments jamais construits pour la Royal Navy.
- la propulsion
Plusieurs éléments du choix britannique risquent
d'éloigner son programme des options déjà prises, ou qui
pourraient l'être, par la France. Le premier concerne la propulsion. Les
Britanniques n'envisagent pas de construire des porte-avions nucléaires,
essentiellement pour une raison de coût à l'achat et de maintien
en condition. Ils estiment qu'un porte-avions n'est pas soumis aux mêmes
contraintes de discrétion impératives qu'un sous-marin
nucléaire lanceur d'engin (SNLE) voué à la dissuasion. Ils
pensent enfin que la propulsion nucléaire, justifiée durant la
guerre froide par le souci d'autonomie pour un séjour en mer
prolongé, n'est plus aujourd'hui indispensable, alors que les
porte-avions seront surtout utilisés dans des opérations contre
la terre. Il ne pourrait donc y avoir de coopération à ce niveau
entre les deux pays si la France choisissait de construire un nouveau
porte-avions à propulsion nucléaire.
Dans l'hypothèse d'une propulsion classique, les Britanniques semblent
exprimer une préférence pour un système de propulsion
électrique intégré, qui devrait permettre des
économies importantes de carburant et de main-d'oeuvre.
- le lieu de construction
La décision de faire construire ce porte-avions au Royaume-Uni, quelle
que soit par ailleurs la nationalité du maître d'oeuvre, est un
deuxième élément. Certains ont évalué
l'impact de la construction, au Royaume-Uni, de ces deux bâtiments, entre
3 000 et 4 600 emplois par an pendant toute la durée du
chantier, et celui des choix en matière d'aviation, selon qu'ils seront
ou non favorables à l'industrie aéronautique britannique,
à près de 6 000 à 13 000 emplois par an.
- les aéronefs, le choix dimensionnant
Par ailleurs, le Royaume-Uni est très engagé, à travers
plusieurs de ses industriels, dans le programme
JSF.
Il s'agit d'un
programme multilatéral, à dominante américaine, qui
devrait aboutir, à l'horizon 2010, à la fabrication d'un avion de
combat qui serait, selon les versions, à décollage vertical,
court ou classique, et qui, surtout, devrait pallier les défauts des
Sea Harrier
(leur faible rayon d'action, comparé aux avions
classiques, et leur faible capacité d'emport d'armement par temps
chaud). Ce programme permettrait une interopérabilité avec les
Etats-Unis (US Marine Corps) et avec certains pays européens qui s'en
porteraient acquéreurs. Il s'inscrirait, par ailleurs, dans la
tradition, la culture et la formation actuelle des pilotes de la Fleet Air Arm.
L'adoption du
JSF
à décollage court faciliterait
également la poursuite de la coopération très
avancée qui existe, depuis le 1
er
avril 2000, au sein de la
" Joint Force 2000 ". Celle-ci assure la fusion entre les escadrons
de
Harrier GR7
de la Royal Air Force et de
Sea Harrier F/A2
de la
Royal Navy, placés sous commandement unique, les pilotes de la RAF
acquérant également les qualifications à l'appontage sur
porte-avions. Cela vaut pour la grande majorité des
hélicoptères de champ de bataille des trois armées, qui
ont été regroupés au sein d'un commandement
hélicoptères interarmées (Joint Helicopter Command), dont
ne relèvent pas cependant les hélicoptères ASW/AsuW de la
Royal Navy assignés aux frégates et aux destroyers. En plus des
gains attendus en matière de formation ou de soutien, la Joint Force
2000 devrait accroître les capacités d'action à partir des
porte-aéronefs, en facilitant l'engagement simultané des
Harrier
des deux armées dans des missions de défense
aérienne ou d'assaut.
Si le
JSF
STOVL
devait être retenu, la perspective d'une
coopération avec la France serait considérablement
réduite
, les installations aéronautiques et la structure du
bâtiment étant fort différentes. L'horizon reste toutefois
ouvert. L'adoption du
JSF
par le Royaume-Uni dépendra des
objectifs du programme et de son état d'avancement au moment de la
décision. Il n'est pas encore acquis que cet avion puisse tenir toutes
ses promesses en terme de performances et qu'il soit disponible à temps.
Par ailleurs, les exigences de l'interopérabilité avec les
principaux alliés et la volonté de construire une capacité
européenne de défense cohérente, seront des
éléments prépondérants dans le choix de l'avion. Le
Royaume-Uni pourrait également choisir une version navalisée du
EF 2000 Eurofighter
, qui n'existe toutefois pas encore et qui, au dire
des experts, paraît difficile à réaliser.
Le choix de
l'avion
de guet aérien
est également
important. Le
Charles de Gaulle
a été prévu pour
accueillir, dans des conditions opérationnelles et de
sécurité, l'avion de guet américain
E2-C Hawkeye
.
En effet, son poids de 24 tonnes et son envergure de 25 mètres
nécessitent une plate-forme aviation adéquate (catapultes,
longueur de la piste oblique). Or, les Britanniques semblent très
intéressés par l'emploi, sur leurs futurs porte-avions, de
l'hélicoptère
Merlin
doté d'un radar qu'ils
produiraient, plutôt que par
l'E2-C
, plus performant mais
également plus onéreux (6 milliards de francs pour les trois
unités commandées par la France, le coût d'un
quatrième exemplaire s'élevant à 800 millions de francs).
Des économies importantes, à l'achat et à l'entretien,
pourraient résulter d'un choix identique des deux côtés de
la Manche.
- les capacités de commandement
Les porte-avions britanniques embarqueront les capacités de commandement
nécessaires à des opérations aériennes et maritimes
offensives. L'embarquement d'un état-major n'entre pas dans le cahier
des charges.
- la cohérence des calendriers de décision et de
construction
Le calendrier de décision pourrait, par ailleurs, compliquer
l'éventuelle coopération entre la France et la Grande-Bretagne.
La France pourrait, dans la prochaine loi de programmation, prendre sa
décision, en fonction de ses propres besoins, sans que les Britanniques
aient arrêté leur position. La deuxième phase
d'évaluation du projet britannique, consacrée à la
diminution du risque de conception, donnera lieu à un appel d'offres en
2003 pour les phases de démonstration et de construction. Les commandes
ne devant être passées qu'en 2004, il est possible d'envisager une
coopération pragmatique entre les deux pays sur des parties du
programme, mais non sur son ensemble.
- vers une " communauté de marines " ?
Une coopération bilatérale dans le domaine aéronaval est
d'autant plus souhaitable que de nombreuses convergences se dessinent, par
ailleurs, entre les marines britannique et française. Au niveau
opérationnel, tout d'abord, des bâtiments de chacune des marines,
y compris des SNA, sont de plus en plus fréquemment placés sous
le commandement l'un de l'autre (en 1999 les exercices Northern Light ou PEAN).
Entre mai et novembre 2000, la frégate de type
La Fayette
,
Aconit
, sera placée sous commandement britannique au cours du
déploiement " Naval Task Force 2000 " autour du monde.
Surtout, lors de la crise du Kosovo, deux frégates britanniques
anti-sous-marines (ASM), les
Somerset
et
Grafton
, ont
été placées sous commandement français, en
situation de combat. En outre, des synergies pourraient être
trouvées pour d'autres programmes que celui du porte-avions. Une
collaboration se poursuit sur le système d'arme PAAMS des
frégates
Horizon
. Des enseignements ont été
tirés, du côté français, de la fabrication du
HMS
Ocean
en milieu civil pour les spécifications des nouveaux TCD.
Comme la France, le Royaume-Uni cherche enfin à développer une
frégate d'action navale, appelée "
Future Surface
Combattant
", proche des projets français, pour remplacer, dans
des versions multimissions, leurs frégates ASM.
C. LES CONDITIONS DE FABRICATION D'UN SECOND PORTE-AVIONS
On oppose souvent, au projet de construction d'un second porte-avions, l'étroitesse du budget d'investissement des armées. C'est donc au regard de cette contrainte budgétaire forte qu'il convient d'examiner les différentes hypothèses.
1. Le cadre budgétaire
Le choix
de construire un second porte-avions répond à une double exigence
de cohérence.
La cohérence de la planification tout d'abord. La Marine a
été profondément transformée par la
professionnalisation des armées et son format a été
réduit de 20 %. Cette évolution doit permettre une modernisation
et un renouvellement de son équipement, défini dans le
" modèle 2015 ". Celui-ci fixe un niveau cohérent des
différents équipements et types de bâtiments pour que la
Marine puisse remplir ses missions. Le " modèle 2015 "
prévoyant deux porte-avions, il importe que le second exemplaire soit
mis en chantier dans la prochaine loi de programmation pour une entrée
en service entre 2010 et 2015, avant le deuxième arrêt pour
changement de coeur du
Charles de Gaulle
.
La cohérence de l'effort budgétaire déjà consenti
ensuite. L'ensemble porte-avions-groupe aérien constitue un tout
inséparable. Or, au total,
ce sont quelque 70 milliards de francs
d'investissements qui ont déjà été engagés
ou programmés
(45 milliards pour le
Rafale Marine
, 6
milliards pour le
Hawkeye,
20 milliards pour le
Charles de
Gaulle
). Il serait incohérent d'avoir effectué de telles
dépenses pour ne disposer,
in fine
,
que d'une
disponibilité limitée à 60 % du temps.
Plusieurs éléments légitiment qu'un effort
budgétaire spécifique soit consenti pour la construction d'un
second porte-avions.
En premier lieu, l'actuelle loi de programmation militaire, en cours
d'exécution, a prévu, dans le " modèle 2015 "
dont elle constitue le premier jalon, la construction d'un second porte-avions,
en la subordonnant à l'existence d'un contexte économique
favorable. Or, les actuelles perspectives de croissance et le retour d'un
environnement budgétaire plus positif devraient légitimement
bénéficier également au budget d'investissement des
armées, au profit de certaines capacités opérationnelles
prioritaires.
En deuxième lieu, il serait erroné, aux yeux de votre rapporteur,
d'envisager la construction d'un second porte-avions dans le cadre d'une
enveloppe affectée
a priori
à la seule Marine. Le choix du
second porte-avions relève d'une
approche interarmées et d'une
réflexion par système de forces
, qui devraient
désormais régir le choix des futurs investissements. Les besoins
de projection de forces et de puissance sont désormais reconnus et le
porte-avions constitue un des éléments clés de ces
missions. A l'heure où la France entend développer des
capacités propres à lui conférer des
responsabilités significatives dans d'éventuelles coalitions, la
possession d'un groupe aéronaval disponible en permanence est un enjeu
qui peut dépasser le cadre budgétaire de la seule marine.
Troisièmement, le coût du second porte-avions, s'il est
évidemment important, ne semble pas excessif au regard du budget des
armées. Il s'agirait d'une
dépense de l'ordre de 12 à
14 milliards de francs selon les options retenues
, en l'état actuel
des études menées par la Marine, la DGA et DCN. Trois options
semblent se dégager :
-
la première
consisterait à construire
un porte-avions
à propulsion nucléaire
très proche du
Charles de
Gaulle
. Ce navire offrirait toutes les qualités de ce dernier et un
grand nombre de synergies grâce à la similitude des deux
bâtiments dans le fonctionnement, l'entretien et la formation des
personnels. Ses coûts d'achat et de possession sont toutefois
majorés au regard d'une propulsion classique;
-
la seconde
option consisterait à
construire un porte-avions
de type
Charles de Gaulle
en le dotant d'une propulsion classique
.
L'économie à l'achat serait de l'ordre de 1 à 2 milliards
de francs, mais des études seraient cependant nécessaires pour
adapter au bâtiment une propulsion différente. Un tel porte-avions
aurait évidemment une autonomie et un rayon d'action réduits par
rapport au
Charles de Gaulle,
mais permettrait des économies de
" coût de possession " sur les 40 ans de vie du navire.
-
la dernière
option consisterait à retenir
un
porte-avions à propulsion classique dont les capacités seraient
optimisées pour la mise en oeuvre de l'aviation
, au détriment
de ses capacités de défense. Un tel choix ouvrirait une
possibilité de coopération avec la Grande-Bretagne et
permettrait, à moindre coût, une permanence à la mer du
groupe aéronaval.
Enfin, l'examen du cadre budgétaire doit également prendre en
compte les autres besoins de la Marine que votre rapporteur a
précédemment rappelés et qui grèveront encore les
premières annuités de la prochaine loi de programmation.
2. Assurer la maîtrise des coûts
La
durée excessive du programme
Charles de Gaulle
est
à l'origine de la plupart des surcoûts, directs ou indirects, dont
il a fait l'objet. Cette " dérive " n'est sans doute pas sans
lien avec le statut de la DCN, fonctionnant davantage comme une régie
que comme une entreprise encadrée dans des règles contractuelles
avec son client. Pour leur part, les Etats-Unis financent, en une seule fois,
un ou deux porte-avions construits sur une durée moyenne de 6 ans. Le
Royaume-Uni affiche le même objectif de délai et privilégie
une démarche contractuelle dans le cadre d'une " enveloppe
fermée ", après la clôture des études. La
France pourrait s'inspirer, dans le cas d'espèce, de ces
procédures, qui permettent de conjuguer la vigilance financière
et la rigueur des délais de fabrication.
Au Royaume-Uni, où la recherche d'économies et un souci constant,
les études préliminaires de faisabilité ainsi qu'une
partie de la réflexion sur les capacités opérationnelles
des futurs porte-avions ont été déléguées
à des consortiums privés, mis en concurrence.
Les exemples étrangers pourraient également nous conduire
à effectuer un
choix industriel compétitif
. La
construction d'un porte-avions est un enjeu important en terme de
chiffre
d'affaires et d'emploi
-environ 12 milliards de francs et
10 millions d'heures de travail, soit quelque 1 000 emplois sur
10 ans- mais la logique de plan de charge des arsenaux publics ne doit pas
conduire à des choix industriels qui s'avéreraient inefficaces.
Votre rapporteur rappelle, à cet égard, que l'évolution de
la DCN, aujourd'hui transformée en service à compétence
nationale (SCN), constitue un enjeu majeur pour l'équipement de la
Marine, notamment en raison des gains de productivité attendus de 15
à 20 %. La spécialisation dans l'intégration des
systèmes d'armes et la maîtrise d'oeuvre de haut niveau, ainsi que
le rapprochement avec Thomson devront concourir à améliorer sa
compétitivité.
Les Chantiers de l'Atlantique, filiale du groupe Alstom, pourraient
également participer à la fabrication du bâtiment,
notamment pour la coque qui représente 10 à 15 % du
coût, l'entreprise de Saint-Nazaire disposant notamment d'une cale
sèche beaucoup plus grande que celle de l'arsenal de Brest.
CONCLUSION
Ayant
exposé les différents éléments qui, à ses
yeux, constituent le contexte dans lequel s'inscrit la réflexion sur
l'avenir de notre groupe aéronaval, votre rapporteur souhaite insister
sur les points suivants :
- l'évolution du contexte géostratégique comme
l'expérience des crises récentes confirment
l'intérêt du groupe aéronaval ;
- la France dispose en la matière de moyens et d'un savoir-faire rares
dans le monde mais, pour
préserver l'efficacité et la
cohérence nécessaires au groupe aéronaval
pour agir de
manière autonome, certains éléments doivent être
remplacés, modernisés ou complétés.
C'est la
première priorité. La seconde est d'assurer la permanence de ce
dispositif
pour éviter que la France, comme d'autres pays dans un
passé proche, ne s'en trouve dépourvue au moment où elle
en aurait le plus besoin ;
- il apparaît donc nécessaire de
préparer la mise en
chantier d'un second porte
-
avions,
dans la seconde moitié de
la prochaine loi de programmation 2003-2008, afin de disposer de la
capacité aéronavale, dès l'indisponibilité majeure
du
Charles de Gaulle
, prévue en 2012. La disponibilité de
ce second bâtiment conditionne la cohérence d'ensemble des choix
opérés pour l'équipement de la Marine depuis plusieurs
années : l'investissement supplémentaire nécessaire
-de l'ordre de 14 à 14 milliards de francs- donnerait tout son sens aux
70 milliards déjà engagés pour la construction du
Charles de Gaulle
et la constitution de son groupe aérien en leur
assurant une disponibilité permanente ;
- l'effort financier requis pour la construction d'un second porte-avions
pourrait être compatible avec les capacités financières du
pays, pour peu que soient mis à profit plusieurs facteurs
d'économie, dans la conduite du programme comme dans la conception
même du bâtiment, le recours à un mode de propulsion
classique étant notamment pleinement envisageable ;
- si la construction de l'Europe de la défense ne permet pas encore
aujourd'hui de partager de telles capacités, elle incite notre pays
à se doter des moyens nécessaires à la permanence d'un
groupe aéronaval, qui constituera un élément clé
pouvant être mis à disposition des capacités militaires
européennes, en cours d'élaboration.
Ce choix, qui doit être effectué prochainement, ne saurait donc
être une nouvelle fois différé. Il importe de
définir le niveau de notre effort militaire en fonction des missions que
nous souhaitons fixer à nos forces.
Ne pas décider la
construction d'un second porte-avions
au cours de la prochaine loi de
programmation militaire, affecterait durablement notre capacité à
tenir un rôle important dans des opérations de projection en vue
desquelles, pourtant, l'ensemble de nos forces a été
reconfiguré. Ce serait également
donner un signe
négatif
aux pays européens que nous encourageons à
maintenir leur effort de défense, et aux Etats-Unis en
montrant que
l'Europe n'ambitionne
pas de se doter des équipements
indispensables à une gestion autonome des crises
où elle
souhaiterait s'impliquer et qui lui permettraient d'aider au maintien de la
paix sous mandat de l'ONU.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent rapport d'information
au cours de sa réunion du mercredi 24 mai 2000.
Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé
avec les commissaires.
M. Serge Vinçon a approuvé l'analyse du rapporteur qui lui a
semblé particulièrement pertinente dans la phase actuelle de
réflexion en vue de la prochaine loi de programmation. Le porte-avions
lui apparaît comme un instrument important dans la gestion des crises, au
service du pouvoir politique. Il reste un instrument de souveraineté
mais peut être éventuellement mis à la disposition de
l'Europe de la défense. La question de la construction d'un second
porte-avions avait été esquissée dans l'actuelle loi de
programmation militaire, sous la condition que la conjoncture économique
le permette, condition qui semble aujourd'hui levée. Pour M. Serge
Vinçon, il ne fallait pas tarder à prendre une décision
afin de profiter des investissements réalisés dans le cadre du
programme Charles de Gaulle. Il a indiqué qu'il lui semblerait
très souhaitable que le second porte-avions soit construit plus
rapidement et à moindre coût, en s'appuyant sur les efforts de
restructuration engagés par la direction des constructions navales
(DCN). Il a, enfin, souligné qu'un effort budgétaire devrait
impérativement être consenti dans la prochaine loi de
programmation, observant que les budgets militaires européens avaient
tendance à décroître, contrairement à ce que l'on
pouvait observer aux Etats-Unis.
M. André Boyer a précisé que l'investissement total
programmé représentait environ 70 milliards de francs, dont 50
milliards pour le groupe aérien et 20 milliards pour le porte-avions
lui-même. Des économies importantes pourront être
réalisées si la restructuration de DCN tient ses promesses, si
l'on parvient à éviter les surcoûts de prototypes et
surtout, si, dès le départ, la durée de construction et le
coût du nouveau bâtiment sont précisément
circonscrits.
M. André Rouvière a souhaité connaître quelle serait
l'activité du Charles de Gaulle dans les prochains mois. Il s'est
inquiété de la sensibilité d'un certain nombre de pays,
dont l'Australie, à l'énergie nucléaire et du risque
environnemental que pourrait représenter un tel bâtiment en cas de
dommage survenant en situation de combat. Enfin, il s'est demandé
quelles pourraient être les solutions de rechange pendant les
périodes d'indisponibilité du Charles de Gaulle.
M. André Boyer a apporté les précisions suivantes :
- des essais à la mer, à partir de Brest, se dérouleront
de mai à juillet. La clôture d'armement interviendra en septembre
2000, enfin une traversée de longue durée marquera la
dernière étape avant l'entrée au service actif à la
fin de l'année 2000 ;
- l'évolution de la sensibilité de l'opinion publique
internationale à l'égard du nucléaire est un
élément de préoccupation. Elle conduit la Marine, parmi
d'autres éléments, à ne pas faire, de la propulsion
nucléaire, un impératif ;
- le porte-avions Foch sera désarmé à partir de septembre
2000, la Marine ayant renoncé, pour des raisons financières, au
maintien du bâtiment en service actif ou même " sous
cocon ".
En réponse à M. Xavier de Villepin, président, et à
MM. Robert Del Picchia et Charles-Henri de Cossé-Brissac, le rapporteur
a précisé que le Foch pouvait, théoriquement, naviguer
encore cinq à dix ans, la France ayant cependant décidé de
ne pas le conserver compte tenu des travaux nécessaires à son
adaptation au Rafale, financièrement trop lourds par rapport à
l'avantage opérationnel escompté. En tout état de cause,
il n'aurait pu accueillir à son bord l'avion de guet
" Hawkeye ".
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est inquiété de
l'insuffisance du budget de la Marine qui compromettait l'exercice de ses
missions de service public, en particulier du fait d'un nombre insuffisant
d'hélicoptères, dans l'attente du NH90. Il s'est également
interrogé sur une éventuelle version navalisée de
l'Eurofighter.
M. André Boyer a alors précisé que :
- selon les experts rencontrés au cours des auditions, la navalisation
de l'Eurofighter semblait problématique ;
- le budget de la Marine devra nécessairement être augmenté
pour pouvoir réaliser tous les programmes envisagés. Ceci
étant, les enveloppes qui seront définies dans la prochaine loi
de programmation militaire seront fondées sur une réflexion
interarmées par système de force.
M. Xavier de Villepin, président, a alors insisté sur le fait
qu'un examen approfondi des budgets militaires devra être mené au
regard de cette nouvelle perspective interarmées et de l'augmentation
des budgets militaires de grands pays comme les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde.
M. Aymeri de Montesquiou a demandé quelles avaient été,
à l'origine, les raisons qui avaient motivé le choix de la
propulsion nucléaire. Il s'est ensuite interrogé sur
l'utilité, pour la France, de garder une capacité autonome
d'action, étant donné l'évolution du contexte
géostratégique, de la construction de l'Europe de la
défense, et notamment des perspectives de coopération avec le
Royaume-Uni. Il a souhaité qu'une réflexion globale soit
menée pour déterminer, avant d'investir à nouveau 12
milliards de francs, les priorités de l'action militaire de la France.
M. Xavier Pintat s'est également interrogé sur l'utilité
stratégique, pour la France, de disposer d'un deuxième
porte-avions.
M. André Boyer, rapporteur, a expliqué que la décision
d'avoir recours à la propulsion nucléaire avait été
prise dans les années quatre-vingt, après que les deux chocs
pétroliers eurent montré la dépendance
énergétique de la France et la possible utilisation du
pétrole comme arme politique. Il a également rappelé que
la propulsion nucléaire avait des avantages opérationnels
importants, permettant une plus grande autonomie et un déplacement plus
rapide du groupe aéronaval dans son ensemble. L'espace
libéré par la propulsion nucléaire permet également
de disposer de capacités de ravitaillement supplémentaires pour
l'escorte et l'aviation embarquée. Il permet aussi une meilleure
ergonomie du pont d'envol et des installations aviation.
M. Xavier de Villepin, président, a souhaité qu'une
réflexion sur l'avenir et les conséquences de l'Europe de la
défense soit menée, pour essayer de déterminer dans quelle
mesure certaines capacités pourraient être partagées.
M. André Boyer a alors fait remarquer que l'Europe de la défense
avait connu récemment des progrès rapides. Toutefois, il lui a
semblé que la France aurait intérêt, aussi bien pour
elle-même que dans le cadre d'une Europe de la défense, à
maintenir une capacité cohérente et autonome d'action. Les
Etats-Unis incitent d'ailleurs l'Europe à prendre en charge la
sécurité de son environnement proche.
M. Xavier de Villepin, président, a noté l'évolution
positive de la position britannique, notamment après le choix des
programmes Météor et A400M. Il s'est toutefois interrogé
sur la volonté d'autres pays européens de consentir les efforts
financiers nécessaires à une Europe de la défense
disposant des moyens de son autonomie, sachant qu'elle pourrait être
amenée à intervenir aussi bien au Proche-Orient qu'en Afrique.
M. Christian de La Malène a estimé que la construction du second
porte-avions, pourrait justifier de s'affranchir du schéma
budgétaire traditionnel. D'après lui, la priorité du
second porte-avions devrait l'emporter sur les considérations
strictement économiques.
M. André Boyer a alors précisé que l'impact financier ne
concernait pas le seul porte-avions, mais aussi le groupe aéronaval dans
son ensemble, les deux éléments étant indissociables.
M. Gérard Roujas a insisté sur le fait que la France ne serait
vraisemblablement plus, sur le plan militaire, amenée à agir
seule, mais dans le cadre d'une défense européenne dont il
convenait de définir les priorités stratégiques.
M. Robert Del Picchia a ensuite estimé que la France pourrait mettre son
groupe aéronaval à la disposition de capacités
européennes, ce qui justifiait qu'elle puisse disposer d'un second
porte-avions. Il a, par ailleurs, insisté sur les retombées
industrielles positives qui pourraient être générées
par la construction d'un tel bâtiment.
M. André Boyer a précisé que la construction d'un second
porte-avions ne nécessiterait pas d'investir dans un groupe
aérien supplémentaire.
M. Paul Masson a estimé que la France se trouvait devant une alternative
entre une ambition planétaire, d'une part, et une approche plus
régionale, d'autre part. Certains considèrent qu'il serait du
devoir de la France de pouvoir continuer à participer à des
missions de police internationale, notamment en Afrique. Espérer toucher
les dividendes de la paix apparaît donc comme une illusion dans les vingt
prochaines années puisqu'il faudra faire face à des guerres
civiles ou à des famines, dans lesquelles l'Europe devra s'impliquer
pour défendre ses intérêts et, surtout, ses principes
inspirés des droits de l'homme. Ses missions iront alors au-delà
des intérêts proprement commerciaux ou de la surveillance de ses
propres frontières. Certes, la France n'interviendrait sans doute pas
seule. L'Europe, l'OTAN ou l'ONU, n'étant pas, pour M. Paul Masson, les
cadres les plus appropriés, il en a appelé à la
constitution d'une " Europe maritime " en collaboration
étroite avec le Royaume-Uni, avec lequel la France partage une tradition
de puissance maritime et de nombreux intérêts. M. Paul Masson a
indiqué que si c'était cette seconde analyse qui était
retenue, alors la construction d'un deuxième porte-avions était
nécessaire.
M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que deux exemples
récents venaient illustrer ces réflexions : l'intervention
britannique, en Sierra Leone, destinée à sauver des soldats de
l'ONU, ou notre intervention au Timor oriental, très positivement
perçue en Australie.
M. Jean-Guy Branger s'est inquiété de la difficulté qu'il
y avait aujourd'hui à apprécier réellement les
évolutions de l'Europe de la défense et la volonté
réelle des pays européens à la construire.
Répondant à une interrogation de M. Xavier de Villepin,
président, M. André Boyer a expliqué que les Etats-Unis
maintenaient leur choix en faveur de la propulsion nucléaire pour leurs
porte-avions. Ces derniers sont, en effet, plus de deux fois plus importants et
doivent parcourir de grandes distances, liées aux responsabilités
mondiales des Etats-Unis.
M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué le
débat sur le nucléaire civil. Il a notamment relevé les
évolutions des opinions publiques et des responsables américains
et même australiens sur cette question.
La commission a ensuite autorisé la publication de la communication de
M. André Boyer sous la forme d'un rapport d'information.
ANNEXE I -
PRINCIPAUX SIGLES ET ABRÉVIATIONS
CV
: carrier vessel, porte-avions
CVN
: porte-avions à propulsion nucléaire
CVS
: porte-aéronefs, porte-avions STOL
LHA/LHD
: porte-hélicoptères d'assaut avec radier et
pont d'envol continu
LPD
: transport de chalands de débarquement avec pont
d'envol partiel pour hélicoptères (TCD)
LPH
: porte-hélicoptères sans radier, mais avec pont
d'envol continu
MOBS
: Mobile Ocean Basing System ou Très grande plate-forme
navale mobile (TGPNM)
CTOL
: conventional take-off and landing, configuration de pont
d'envol continu avec catapultes et brins d'arrêt
STOBAR
: Short take-off but arrested recovery, configuration de
pont d'envol avec tremplins, piste oblique et brins d'arrêt
STOVL
: Short take-off and vertical landing, configuration avec
pont d'envol continu, tremplin et sans brins d'arrêt
ANNEXE II -
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
1
er
mars, matin à Landivisiau
- Capitaine de Vaisseau Louis Dubessey de Contenson, commandant l'aviation
navale
- Capitaine de Vaisseau Philippe Pertuiset, commandant la BAN (Base
d'aéronautique navale) de Landivisiau
- Capitaine de Frégate Laurent Caillard, commandant la flottille 11 F
1
er
mars, après-midi à bord du PAN Charles de
Gaulle
- Capitaine de Vaisseau Edouard Guillaud, commandant le Charles de Gaulle
- Capitaine de Vaisseau Xavier Magne, commandant en second
- Capitaine de Vaisseau Francis Lambert, chef du groupement énergie
8 mars
- Alstom, Chantiers de l'Atlantique : M. Bruno Peltier, division ventes
- M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour
l'Armement
- Contrôleur Général des Armées Gérard
Chompret, chargé de mission auprès du DGA
- Ingénieur en chef de l'armement Michel Grouas, architecte des
systèmes de forces (milieu aéromaritime)
- Capitaine de Vaisseau Benoît de La Bigne, conseiller militaire marine
du DGA
9 mars
- Général d'armée Jean-Pierre Kelche, chef
d'état-major des armées
- Amiral Jean-Luc Delaunay, chef d'état-major de la Marine
- Vice-Amiral Alain Coldefy, sous-chef état-major
opérations-logistique de l'état-major de la marine
(précédemment commandant de la Task force 470 devant le Kosovo,
ancien commandant du Clemenceau)
- Contre-Amiral Laurent Merer, chef du bureau études et Plans
généraux de l'état-major de la marine
- Capitaine de Vaisseau Jacques Bridelance, chargé des programmes
aéronautiques de la division " Programmes " de
l'état-major de la marine (ancien commandant du Foch)
15 mars
- Contre-Amiral Alain Oudot de Dainville, chef de cabinet du CEMA, ancien
commandant du Clemenceau
- Capitaine de Vaisseau Patrick Hébrard, adjoint au chef du centre des
opérations interarmées (COIA), ancien commandant du Clemenceau
16 mars
- Capitaine de Vaisseau Arnaud Desmarest, commandant le Centre d'enseignement
supérieur de la Marine (CESM)
- Capitaine de Vaisseau Richard Wilmot-Roussel, auditeur CHEM/IHEDN, premier
commandant du Charles de Gaulle
- Thomson-CSF : M. Jean-Loup Picard, directeur général
adjoint stratégie et développement, M. Jean-Claude Bertagna,
direction générale, directeur des affaires France / OTAN, Olivier
Lafaye, directeur des relations extérieures et institutionnelles
2 mai,
visite à Toulon
- Vice-Amiral d'Escadre Alain Witrand, ALFAN, commandant la force d'action
navale
- Contre-Amiral François Cluzel, adjoint ALFAN (tactique)
- Assistés des Capitaines de Vaisseau Morillon, commandant du TCD
Foudre, Soudan, commandant en second du Foch, Gourlez de la Motte, commandant
le Cassard, Claval, commandant le La Motte Picquet, Rouzeau, commandant le
Jules Verne et des Capitaines de Frégate, Christienne, commandant la
Somme, Beraud, commandant le Courbet
3 mai
- Général de brigade aérienne David Adams, attaché
de défense britannique en France et M. Robin Little, attaché
d'armement
- Ingénieur général, Jean-Marie Poimboeuf, Directeur des
Constructions Navales
*
* *
Les remerciements de votre Rapporteur vont aux membres des états-majors, aux équipages des bâtiments et aux officiers qui m'ont accordé des entretiens et permis de mieux appréhender les réalités et les perspectives d'avenir de la Marine nationale, aux différents interlocuteurs civils et étrangers qui ont enrichi ce travail de leurs connaissances et de leur réflexion.
ANNEXE III -
INDEX DES TABLEAUX
|
Pages |
Les principales missions effectuées par les porte-avions Clemenceau et Foch |
11 |
Les porte-avions américains |
23 |
Les caractéristiques comparées du Charles de Gaulle et des porte-aéronefs européens |
27 |
Historique du programme Charles de Gaulle |
34 |
Tableau des performances comparées du Foch et du Charles de Gaulle |
36 |
Graphique des performances comparées du Foch et du Charles de Gaulle |
37 |
Performances comparées des porte-avions lourds, du porte-avions Charles de Gaulle et des porte-aéronefs légers |
40 |
Cycles d'entretien comparés des Foch et Charles de Gaulle |
42 |
Les avions embarqués |
43 |
Bâtiments composant un groupe aéronaval français |
44 |
Le modèle Marine 2015 |
45 |
Performances comparées des Super Etendard et du Rafale Marine |
48 |
Evolution des parcs de Super Etendard et de Rafale |
49 |
Les dates clés du programme britannique |
56 |
Les différentes options du programme britannique |
57 |
Le second porte-avions : 15 % du coût global d'une capacité aéronavale permanente et cohérente |
62 |
L'AVENIR DU GROUPE AÉRONAVAL
LA NÉCESSITÉ D'UN SECOND PORTE-AVIONS
En 2001,
après le retrait du Foch, la France ne pourra plus compter que sur un
seul porte-avions, le
Charles de Gaulle
, dont l'admission au service
actif aura lieu à la fin de cette année. Malgré les atouts
technologiques de ce bâtiment, et en raison de ses périodes
d'indisponibilité, la Marine nationale ne disposera plus, alors, d'une
capacité aéromaritime permanente à la mer.
L'intérêt stratégique et l'utilité
opérationnelle du groupe aéronaval, démontrés par
les crises récentes, justifient que la prochaine loi de programmation
2003-2008, en préparation, intègre la mise en chantier d'un
second porte-avions, au demeurant inscrit dans le modèle d'armée
2015.
La conception du nouveau bâtiment, bénéficiant des acquis
du
Charles de Gaulle
et fondée sur des spécifications
pragmatiques -notamment pour ce qui est du mode de propulsion-, ainsi qu'une
approche industrielle et financière rationnelle, pourraient contribuer
à contenir les coûts de développement et de fabrication.
Cette réalisation permettrait enfin de justifier pleinement les efforts
financiers considérables déjà consentis pour le
Charles
de Gaulle
et son groupe aérien .
Dans l'attente de ce second bâtiment, une coopération
franco-britannique dans le domaine aéronaval prendrait tout son sens,
mise au service des futures capacités européennes de
sécurité et de défense.
1
Rapport de MM. André Boyer et
Michel
Caldaguès n° 183 (1997-1998)
2
cf. rapport Sénat n° 464, 1998-1999 : les
premiers enseignements de l'opération " force alliée "
en Yougoslavie, par M. Xavier de Villepin.