II. LES GRAVES DIFFICULTÉS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL EXTRÊMEMENT DÉSÉQUILIBRÉ

1. Des évolutions préoccupantes

a) La croissance continue du chômage

Depuis 1991, la situation de l'emploi se dégrade de manière continue. Le taux de chômage est ainsi passé de 9,7 % en décembre 1991 à 21,6 % en août 1999 contre 11,3 % à la même date en métropole.

Après avoir souvent fait figure d'exception, l'état du marché du travail guyanais se rapproche progressivement de celui des autres départements d'outre-mer, même si le taux de chômage reste encore inférieur à celui des DOM (38,1 %). Le " boom de l'activité spatiale " ne suffit plus à cacher cette profonde dégradation.

Evolution du chômage

Déc. 95

Déc. 96

Déc. 97

Déc. 98

Août 99

Nombre de demandeurs d'emplois en fin de mois

9.757

10.782

12.555

13.073

13.296

dont jeunes de moins de 25 ans

1.638

2.290

2.530

2.357

2.026

dont chômeurs de longue durée

3.716

3.813

5.064

5.793

4.629

Indicateur de chômage (1)

20,0 %

19,2 %

21,4 %

21,4 %

21,6 %

(1) Taux de chômage estimé se fondant sur une évaluation de la population active

Source : secrétariat d'Etat à la l'outre-mer

Le taux de chômage des jeunes atteignait 56 % en mars 1998, selon l'enquête emploi de l'INSEE.

Cette aggravation continue du chômage est d'autant plus inquiétante que l'économie guyanaise crée pourtant des emplois, même si les créations d'emplois privés ont tendance à stagner depuis 1997.

Evolution des effectifs salariés du secteur privé

1993

1994

1995

1996

1997

1998

13.176

14.450

15.303

16.352

16.266

16.574

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Il importe cependant de considérer ces statistiques avec prudence.

Elles ne présentent en effet que le marché " légal " du travail tel qu'il est suivi par la direction départementale de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). Or, il existe parallèlement un marché clandestin, alimenté notamment par la forte immigration dont l'importance est très difficile à apprécier. Il échappe par définition à tout suivi statistique. Une enquête de l'INSEE des Antilles-Guyane avance par exemple que 30 % des allocataires du RMI exerceraient une activité informelle.

Le nombre de chômeurs indemnisés reste faible cependant et progresse moins rapidement que le nombre de chômeurs. Ainsi, en août 1999, seuls 35,3 % des chômeurs bénéficiaient de l'assurance-chômage.

Nombre d'allocataires de l'assurance chômage

Décembre 95

Décembre 96

Décembre 97

Décembre 98

Août 99

4.609

5.257

5.557

5.621

4.697

Source : ASSEDIC

b) Une montée de l'exclusion

Dès lors, la montée en charge régulière du RMI ne peut surprendre dans un contexte où le taux d'indemnisation du chômage diminue et où le nombre de chômeurs de longue durée est important.

Bilan du RMI*

1991

1995

1996

1997

1998

1999

Nombre d'allocataires

4.188

7.304

7.674

7.910

8.195

8.251

Versements effectués (en MF)

97,0

148,3

157,0

165,9

176,6

ND

Allocation mensuelle moyenne

ND

1.686 F

1.672 F

1.703 F

1.768 F

ND

* au 31 décembre sauf pour 1999 au 30 juin Source : CAF

Ainsi plus de 10 % de la population guyanaise vit actuellement, directement ou indirectement, grâce au RMI. Cela représente près de 18.000 personnes.

2. De sombres perspectives

L'analyse des causes du chômage suggère que celui-ci ne pourra pas naturellement diminuer.

a) Le poids du facteur démographique

La progression du chômage est tout d'abord liée à la forte croissance de la population active que ne compense pas un trop faible nombre de créations d'emplois.

Du fait de la structure démographique, la population active a augmenté de 63 % depuis 1986.

Evolution de la population active

1986

1993

1995

1996

1997

1998

37,5

46,3

53,8

56,1

58,8

61

(en milliers) Source : INSEE

Mais la population active occupée n'a augmenté que plus faiblement : 48 % entre 1986 et 1998.

Evolution de la population occupée

1986

1993

1995

1996

1997

1998

30,2

35,1

41,4

43,6

43,8

44,9

(en milliers) Source : INSEE

Ces dernières années, la part de la population active occupée a même tendance à diminuer, celle-ci passant de 76,9 % de la population active en 1995 à 73,5 % en 1998.

Or, l'arrivée massive de jeunes sur le marché du travail dans les prochaines années va contribuer à augmenter la population active. Il faudrait alors créer environ 20.000 emplois d'ici 2006 pour seulement stabiliser le taux de chômage. Cela équivaut alors au doublement des effectifs salariés du secteur privé.

b) La faiblesse de la formation et des qualifications

L'employabilité dépend du niveau de formation. Or, celui-ci est particulièrement faible en Guyane.

On estime que l'illettrisme touche environ 40 % de la population. Moins de 15 % de la population possède un diplôme de niveau supérieur au baccalauréat et 60 % n'a aucun diplôme déclaré (contre respectivement 30 % et 37 % en métropole).

Cette faiblesse est encore plus évidente parmi les demandeurs d'emplois. Environ 60 % d'entre eux ont un niveau inférieur ou égal au niveau V bis 3 ( * ) , cette proportion n'étant toutefois que de 42 % pour les jeunes de moins de 26 ans.

Dans ce contexte, les perspectives d'une amélioration rapide et significative du niveau de formation susceptible de contrecarrer la progression du chômage est faible. Ainsi, s'agissant de la formation initiale, l'explosion de la population scolarisée risque de ralentir l'amélioration des performances du système éducatif. Entre 1995 et 2003, les effectifs des collèges doivent progresser de 60 %, ceux des lycées professionnels de 30 % et ceux des lycées généraux et technologiques de 270 %.

c) Les conséquences néfastes d'une dépendance économique

La Guyane souffre actuellement d'une triple dépendance économique :

- vis-à-vis de la métropole, le taux de couverture des importations par les exportations (hors activités spatiales) diminue régulièrement pour ne plus représenter que 17,3 % en 1998 ;

- vis-à-vis du secteur spatial, qui représentait en 1998 30 % du produit intérieur brut guyanais (voire 50 % en 1999) et près de 25 % de la population active (12.000 emplois lui étant directement rattachés) ;

- vis-à-vis du secteur public, lequel représentait en 1997 56 % du total des emplois salariés.

La structure de l'emploi reflète globalement cette dépendance économique : un quart de la population active travaille dans le secteur spatial, un quart dans la fonction publique, un quart est au chômage, le quart restant travaillant dans le secteur privé .

Cette structure de l'activité, liée à cette dépendance, n'est alors pas sans conséquence sur l'avenir de l'emploi local.

L'emploi public ne constitue pas un gisement d'emploi pour l'avenir. Déjà considérés comme " pléthoriques ", les effectifs du secteur public ne peuvent continuer à se développer indéfiniment. Les collectivités locales qui sont les principaux employeurs sont confrontées à une grave crise financière et ne pourront pas, à l'évidence, supporter durablement une charge supplémentaire à moins d'augmenter la fiscalité qui est déjà élevée. Le risque d'éviction sur le secteur marchand serait alors important.

De la même manière, la dépendance extrême vis-à-vis du secteur spatial n'est pas saine. M. Michel Mignot, ancien directeur du centre spatial guyanais (CSG) estime déjà que le spatial a déjà beaucoup trop d'importance dans le paysage économique guyanais. " Représenter 50 % de l'économie, et près de deux tiers des emplois avec la fonction publique, est même dangereux. L'idéal serait de réduire ce poids de moitié pour que le spatial soit considéré comme une filière économique comme une autre et pas seulement comme celui qui distribue les chèques " 4 ( * ) .

La délégation partage cette analyse et estime que le développement de la Guyane passe désormais par l'essor de nouveaux secteurs d'activité. Elle observe d'ailleurs que l'impact du spatial sur l'emploi local semble avoir aujourd'hui atteint un seuil, que le niveau général de la formation des Guyanais ne permettra que difficilement de dépasser. A l'heure actuelle, la moitié des emplois de la base et une forte proportion des emplois des entreprises de sous-traitance sont d'ores et déjà occupés par des Guyanais.

Mais l'extrême dépendance vis-à-vis de la métropole rend aujourd'hui délicate l'émergence de ces nouveaux secteurs d'activité. Ainsi, les grands projets économiques ne sont pas actuellement maîtrisés par les Guyanais et sont de fait montés depuis la métropole. Aussi, en ne se fondant pas sur l'initiative locale, il n'est pas sûr qu'ils permettent une réelle diversification de l'activité économique, ni surtout d'importantes créations d'emplois locales.

Trois exemples de " grands projets " sont à cet égard éclairants.

Le " projet sucrier " est sans doute le plus symptomatique. Depuis 1995, est étudiée la faisabilité d'un projet d'investissement de plus de 900 millions de francs visant à produire quelque 60.000 tonnes d'équivalent sucre blanc. Ce projet permettrait de créer 200 emplois permanents et 450 emplois saisonniers.

Il est néanmoins actuellement bloqué, sa faisabilité définitive dépendant de critères sur lesquels les investisseurs n'ont pas de prise : l'octroi d'un quota sucrier permettant l'écoulement de la production vers l'Europe, l'attribution d'aides publiques et le maintien du système européen de prix garantis afin d'assurer la rentabilité économique du projet dans un contexte de marasme des cours mondiaux.

L'exploitation industrielle aurifère pourrait également se développer. L'or constitue en effet la première ressource d'exportation guyanaise, après le spatial, avec une production de 2.440 kg en 1998. La production aurifère reste cependant une activité largement artisanale, voire clandestine. A l'issue d'une campagne exhaustive d'inventaire du potentiel minier de la Guyane, une compagnie minière internationale vient de déposer une demande de concession pour développer une activité industrielle de production.

Mais, là encore, les perspectives en termes d'emplois restent faibles d'autant plus que la baisse continue du cours mondial de l'or depuis plusieurs années fragilise la rentabilité économique du projet.

Le développement de la pêche crevettière offre également des perspectives. Deuxième poste d'exportation, cette activité pourrait constituer un important gisement d'emploi car un emploi en mer induit cinq emplois à terre.

Mais la pêche crevettière souligne également les paradoxes de la situation de l'emploi en Guyane. D'une part, son développement est encadré par des quotas de pêche de 4.000 tonnes par an qui ne permettent pas de faire de cette activité ni un pôle de développement, ni un réel gisement d'emplois. D'autre part, il s'avère que les emplois créés ne profitent pas aux Guyanais, 90 % des emplois embarqués étant pourvus par des étrangers (Surinamiens et Brésiliens essentiellement).

B. DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE LARGEMENT INADAPTÉS

1. Les faibles résultats de la politique de l'emploi

a) La politique de l'emploi en Guyane

En Guyane, comme dans les autres départements d'outre-mer, la politique de l'emploi se fonde principalement sur les dispositifs du FEDOM, issu de la loi du 25 juillet 1994.

Le FEDOM

La loi du 25 juillet 1994 a créé un fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, appelé FEDOM. Géré directement par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, ce fonds est souple d'utilisation et adapté aux spécificités économiques et sociales des DOM.

Le comité directeur du FEDOM, composé de parlementaires des départements d'outre-mer, se prononce sur la répartition des crédits entre les différentes solutions d'insertion : contrat d'accès à l'emploi (CAE), contrat d'insertion par l'emploi (CIA), contrat emploi solidarité (CES), primes à la création d'emplois ainsi que les emplois-jeunes.

Le contrat d'accès à l'emploi (CAE)

Il est proposé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires du RMI, aux travailleurs handicapés et aux jeunes en grande difficulté. L'employeur privé bénéficie pour chaque recrutement en contrat à durée indéterminée ou déterminée d'au moins 12 mois, d'une prime modulable en fonction de l'ancienneté du chômage de 1.000 à 2.000 francs par mois et de l'exonération des charges sociales patronales. Ce type de contrat est réservé au secteur privé. Il correspond à l'adaptation du contrat de retour à l'emploi (CRE) dans les DOM.

Le contrat d'insertion par l'activité (CIA)

Ce dispositif consiste à remettre en activité, par l'exécution de tâches d'utilité sociale, des bénéficiaires du RMI exclusivement, au moyen d'un véritable contrat de travail. Les titulaires de CIA ont un employeur unique, l'agence d'insertion, établissement public créé dans chaque département, qui les met par voie de convention à la disposition des collectivités et des associations. Comme pour les CES, l'activité est exercée à mi-temps. Elle est rémunérée sur la base du SMIC horaire.

Le contrat d'emploi solidarité (CES) ou le contrat emploi consolidé (CEC)

Ce dispositif est le même qu'en métropole. Il s'agit d'offrir à des publics en difficulté d'insertion un emploi à mi-temps, rémunéré au SMIC horaire, pour satisfaire, dans le secteur associatif ou auprès de collectivités, des besoins d'utilité collective.

Les primes à la création d'emplois

Elles sont attribuées sur agrément préfectoral aux entreprises dont l'activité est principalement orientée vers des débouchés commerciaux à l'extérieur des départements d'outre-mer et qui augmentent leurs effectifs.

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Depuis 1996, le FEDOM permet chaque année de proposer un contrat à quelque 4.500 demandeurs d'emplois.

Action du FEDOM en Guyane

1994

1995

1996

1997

1998

1999*

2000*

CES-CEC

2.595

3.147

3.229

2.376

2.529

2.725

3.000

CIA

-

-

944

1.050

1.050

1.050

1.050

CAE

-

431

628

729

434

444

444

CRE

533

18

-

-

-

-

-

Emplois-jeunes

-

-

-

-

209

250

195

Total

3.128

3.596

4.801

4.155

4.222

4.469

4.681

* Prévisions Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

A ce dispositif spécifique s'ajoutent les actions de droit commun de la politique de l'emploi, telles qu'elles peuvent être menées en métropole.

Au total, en 1998, 6.320 demandeurs d'emploi ont bénéficié d'une des mesures de la politique de l'emploi, qu'il s'agisse d'un contrat ou d'une action de formation.

Actions de la politique de l'emploi en 1998
Mesures en faveur des jeunes

Emplois jeunes

Nbre de projets déposés

194

Nbre de postes prévus

498

Nbre de conventions conclues

142

Nbre de postes prévus

318

Contrats en alternance

Contrats d'apprentissage

Contrats visés

175

Contrats de qualification

Contrats visés

109

Contrats d'adaptation

20

Contrats d'orientation

48

Créations d'emploi

CES

Conventions conclues

1.135

Avenants reconduction

1.324

Total

2.459

Avenants formation

266

CEC

Conventions conclues

140

Avenants reconduction

282

Total

422

CEV

Avenants reconduction

27

Avenants formation

1

Exonération à l'embauche

Exonération 1 er salarié

271

Temps partiel (30 % abat.)

99

Nbre déclarations reçues URSAFF

95

Nbre transformations

4

ACCRE

Nbre de bénéficiaires de l'aide

18

Nbre d'entreprises créées

8

Mesures en faveur des chômeurs de longue durée
et les allocataires du RMI

SIFE/COLLECTIF

Conventions signées

48

Entrées en stage

460

SIFE/individuel

Conventions signées

95

SAE

Conventions signées

83

CAE

Conventions signées

434

Jeunes

142

CIA

Contrats signés

1.229

Mesure dans le cadre de l'O.M.I.

Contrats de réinsertion

dans le pays d'origine

42

Total

6.320

Source : DDTEFP

b) Un bilan décevant

Face à la progression du chômage, la politique de l'emploi s'est fixée un objectif qui peut paraître modeste : le maintien du taux actuel de chômage.

Pour autant, même au regard de cet objectif, le bilan de la politique de l'emploi est médiocre.

Force est d'abord de constater l'inadéquation quantitative entre le nombre de mesures pour l'emploi et le nombre de demandeurs d'emplois.

En 1998, alors qu'il existait 13.000 demandeurs d'emplois en fin d'année, seules 6.320 actions avaient été mises en place, certaines pour des durées inférieures à l'année.

Il semble donc que la politique de l'emploi accumule un retard certain par rapport à la croissance du chômage. Ainsi, de 1996 à 1998, alors que le nombre de chômeurs déclarés a augmenté de 21,2 %, le nombre d'actions d'insertion financées par le FEDOM (qui représentent les deux tiers du total des actions de la politique de l'emploi) a diminué de 12 %.

Cette situation est tout particulièrement préoccupante s'agissant des jeunes arrivant sur le marché du travail. Ainsi, en 1998, seul un tiers environ des jeunes quittant l'école sont allés s'inscrire à la Permanence d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), alors même que la moitié de ces jeunes n'a aucune qualification. On peut donc en conclure que les deux tiers des jeunes devant entrer sur le marché du travail échappent à tout suivi.

La situation des allocataires du RMI est aussi très inquiétante. Depuis la mise en place du RMI, 10.000 personnes ont été bénéficiaires de cette allocation, mais seules 1.500 sont sorties du dispositif. Cela signifie alors que les dispositifs du retour à l'emploi sont très imparfaits.

En 1998, le taux d'accès des bénéficiaires du RMI aux mesures pour l'emploi s'établissait à seulement 8 % en Guyane alors que ce taux atteignait en moyenne 15,9 % pour les quatre départements d'outre-mer et 20,2 % en métropole.

2. Des moyens inadaptés

a) L'organisation déficiente du service public de l'emploi

Selon les observations de la délégation, le service public de l'emploi souffre actuellement de certains dysfonctionnements qui ne lui permettent pas de remplir sa mission avec l'efficacité voulue.

Le service public de l'emploi en Guyane

Il s'articule autour de cinq organismes.

L'ANPE

Trois agences locales pour l'emploi ont été créées en Guyane : Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni.

L'ANPE emploie 47 salariés.

Elle reçoit environ 400 offres d'emplois par mois.

L'AFPA-Guyane

Créée en 1968, l'AFPA-Guyane compte trois centres : un centre régional de psychologie du travail à Cayenne et deux centres de formation à Cayenne et à Kourou.

Elle emploie 60 salariés.

En 1998, elle a réalisé 4.203 entretiens d'évaluation ou d'orientation et a assuré 570.000 heures de formation.

L'Agence départementale d'insertion (ADI)

Etablissement public local depuis la loi du 25 juillet 1998, l'ADI, qui reçoit les crédits d'insertion de la créance de proratisation du RMI, a pour rôle d'élaborer et de mettre en oeuvre le programme départemental d'insertion.

Elle est présente sur le territoire guyanais à travers trois antennes locales : Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni.

La PAIO

Mise en place en 1982 et gérée par l'AFPA-Guyane, la PAIO est chargée d'assurer l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans.

Elle comprend trois antennes : Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni.

Le service militaire adapté (SMA)

Il s'agit d'une forme de service militaire propre à l'outre-mer qui combine la formation militaire et civique, la formation professionnelle et la participation au développement local.

Il est présent en Guyane à :

- Cayenne avec le 3 ème régiment du SMA de la Guyane

- Saint-Jean-du-Maroni avec le groupement du SMA de la Guyane.

Ces dysfonctionnements peuvent être regroupés en trois catégories.

Des incohérences générales

La délégation a tout d'abord constaté une coordination insuffisante entre les différents organismes du service public de l'emploi. Elle rappelle à ce propos que le rapport Merle précité préconisait la création " d'un véritable pôle de compétence en matière d'emploi et de formation, associant notamment l'Etat (DDTE, ANPE, AFPA, délégation régionale de l'OMI, rectorat, SMA), les services de la région et les organismes consulaires ", pour permettre une meilleure régulation du marché du travail en assurant notamment l'adéquation entre l'offre et la demande en particulier en termes de formation.

L'implantation des antennes du service public de l'emploi ne permet pas non plus une véritable action de proximité envers les populations de l'intérieur, toutes les antennes étant situées sur le littoral.

Enfin, le " turn-over " rapide des responsables des différentes structures (ils restent souvent en poste moins d'un an) ne fait que désorganiser plus encore le service public de l'emploi.

Des lacunes évidentes

L'organisation actuelle du service public de l'emploi souffre de deux lacunes :

- L'absence de mission locale

Il n'existe actuellement qu'une PAIO régionale. Cette structure ne dispose pas des moyens suffisants pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes alors que ceux-ci rencontrent d'extrêmes difficultés. Un récent rapport 5 ( * ) observait les limites actuelles de la PAIO : " d'une manière générale, les acteurs constatent les moyens insuffisants de la PAIO en personnel et en lieux d'accueil, ainsi qu'en moyens matériels : la technologie de l'information y est encore peu développée et peu structurée. De plus, même si un effort important de formation des correspondants a été réalisé, ils manquent de formation sur les réalités économiques et la connaissance des entreprises existant sur le territoire. De toutes façons, leur travail est difficile : ils ne sont que six pour l'ensemble de la région " .

La mise en place d'une mission locale pourrait pallier ces carences en permettant notamment un maillage plus efficace du territoire avec la constitution de pôles locaux. Envisagée depuis plusieurs années, mais sans cesse reportée, la création d'une mission locale pourrait d'ailleurs intervenir cette année.

- L'absence de structures d'insertion par l'économique

L'insertion par l'économique vise l'insertion des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, par un contrat de travail, avec la mise en oeuvre de modalités spécifiques d'accompagnement.

A l'évidence, de telles structures seraient très adaptées au contexte guyanais où les difficultés d'insertion sont particulièrement accentuées du fait de la faiblesse des qualifications et des problèmes sociaux des demandeurs d'emploi.

Il n'existe pourtant dans le département ni entreprise d'insertion, ni association intermédiaire.

Des difficultés propres à certains organismes

Le fonctionnement de l' ADI n'est pas satisfaisant. Certes, le problème se situe assez largement en amont dans la mesure où les trois commissions locales d'insertion (CLI) sont en quasi-sommeil (non-renouvellement des membres, absentéisme général, défection des services de l'Etat et des associations, rareté des réunions), ce qui explique la piètre proportion de contrats d'insertion signés. En 1998, seuls 7,3 % des allocataires du RMI avaient signé un contrat d'insertion contre 50 % environ en métropole, mais aussi dans les autres DOM.

Pour autant, le bilan de l'activité de l'ADI reste décevant.

Nombre de bénéficiaires des mesures d'insertion menées par l'ADI

1996

1997

1998

Variations 1998/1997

Contrats d'insertion par l'activité

944

1.288

1.227

- 4,7 %

Logement

160

195

80

- 59,0 %

Vie sociale et santé

501

434

580

33,6 %

Insertion professionnelle

341

909

981

7,9 %

Autres actions d'insertion (1)

28

270

165

- 38,9 %

TOTAL

1.974

3.096

3.033

- 2,0 %

Source : ADI

(1) Mesures d'insertion en milieu rural et aides financières personnalisées

Certes, le fonctionnement de l'ADI reste entravé par les atermoiements sur la réforme de son statut législatif. Certes, les allocataires du RMI cumulent fréquemment de graves handicaps (illettrisme, problèmes de santé, nécessité d'un accompagnement social) qui limitent leurs possibilités d'exercer une activité professionnelle et qui obligent l'ADI à mener prioritairement une action de " remise en état " préalable.

Il n'en reste pas moins que seuls 37 % des allocataires du RMI ont pu bénéficier d'une action d'insertion en 1998, quelle que soit sa forme.

L'activité de l'ANPE soulève également certaines interrogations. Certes, environ 70 % des offres d'emplois déposées à l'ANPE sont pourvues par un demandeur d'emploi inscrit à l'ANPE. Mais la part de marché de l'ANPE reste faible : elle n'est destinataire que d'environ 45 % des offres d'emplois locales.

La délégation s'est également inquiétée du positionnement du SMA . Alors que les jeunes Guyanais sont massivement frappés par le chômage, les deux unités de SMA localisées en Guyane accueilleraient principalement de jeunes Antillais. Il serait alors souhaitable de réserver en priorité le SMA aux jeunes Guyanais, celui-ci délivrant d'ailleurs une formation de base aux jeunes les plus en difficulté avec des résultats le plus souvent probants.

b) Une politique de l'emploi trop orientée vers le secteur non marchand

Dans ses grandes lignes, la politique de l'emploi menée en Guyane ne fait que reproduire, parfois en les accentuant, les principales orientations de la politique de l'emploi métropolitaine et, parmi elles, la priorité accordée à l'emploi dans le secteur non marchand. Ainsi, en 1998, seuls 10 % des contrats du FEDOM conclus en Guyane ont visé l'insertion dans le secteur marchand.

Or, le contexte guyanais ne se prête qu'imparfaitement à cette orientation si l'on veut assurer un développement durable de l'emploi dans le département.

D'une part, on a vu qu'il existait déjà une surreprésentation de l'emploi public dans la structure de l'emploi. Celui-ci ne pourra donc continuer à se développer indéfiniment.

D'autre part, plusieurs interlocuteurs de la délégation ont souligné avec force les paradoxes d'une telle politique de l'emploi. Les pouvoirs publics demandent en effet aux entreprises de participer à la lutte contre le chômage en recrutant des jeunes en difficulté, mais, parallèlement, ils se réservent le recrutement des jeunes les plus qualifiés, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes, laissant alors au secteur privé la tâche d'employer les jeunes les moins qualifiés. Cette pratique porte, en définitive, en elle le germe d'une éviction professionnelle des jeunes les plus en difficulté.

c) Les carences de l'offre de formation

Elles se vérifient d'abord pour la formation initiale . Ainsi, seuls 26 % d'une classe d'âge accède à une seconde générale ou technologique (contre 54 % en métropole).

- Une scolarisation incomplète

La scolarisation des enfants reste très imparfaite. Une enquête de l'inspection académique datant de 1996 estimait qu'environ 1.600 enfants n'étaient pas scolarisés.

- Un niveau de formation initiale faible

Mais si le développement de la scolarisation est un préalable, l'augmentation du niveau de formation initiale constitue également une obligation. En 1998, 76 % des jeunes s'inscrivant à la PAIO avaient un niveau inférieur ou égal au niveau V bis. Cet objectif est pourtant d'autant plus difficile à atteindre que la population scolaire croît de 5 % par an.

- L'inadéquation de l'offre et de la demande de formation

A cet égard, la délégation a déploré le très faible développement de l'apprentissage. Le nombre de contrats d'apprentissage signés est en effet dérisoire : 111 en 1997, 175 en 1998. Et encore, environ un quart des contrats sont rompus avant terme et près de 80 % des apprentis échouent aux examens.

L'apprentissage constitue pourtant un moyen efficace d'assurer que les formations initiales professionnalisées correspondent effectivement aux besoins du marché du travail.

Mais les carences de l'offre de formation concernent également la formation professionnelle .

Le dispositif actuel de formation professionnelle souffre en effet de deux difficultés.

- Un positionnement peut-être trop ambitieux

Etant donné l'absence quasi générale de qualification des demandeurs d'emploi, il est sans doute illusoire de vouloir intégrer les demandeurs d'emploi dans une démarche de formation qualifiante. On observe d'ailleurs que plus du quart des personnes en formation abandonnent avant la fin du programme.

Aussi vaut-il mieux concentrer l'activité vers une action de pré-qualification assurant une simple remise à niveau.

On observe d'ailleurs que l'AFPA rééquilibre son action en ce sens en privilégiant les actions de lutte contre l'illettrisme et les chantiers-écoles.

Actions de formation de l'AFPA-Guyane en 1998 pour 1.341 stagiaires

Source : AFPA-Guyane

Il importe de poursuivre cette action en ciblant l'offre de formation vers des stages n'exigeant pas un niveau de formation initiale élevé comme, par exemple, dans les secteurs du bâtiment, de la cuisine ou de la mécanique.

- L'absence de programmation

L'offre de formation est également en inadéquation avec les besoins des acteurs économiques.

En dépit de la mise en place d'un schéma régional d'orientation des formations, celles-ci sont encore trop souvent montées sans véritable consultation avec les acteurs économiques, ni mise en perspective.

- Des difficultés de recrutement

La Guyane est également confrontée à des difficultés pour recruter des formateurs qualifiés.

Ainsi, alors que les besoins de formation ont été identifiés dans certains secteurs, les organismes de formation éprouvent des difficultés à mettre en place des programmes de formation en l'absence d'un nombre suffisant de formateurs. C'est le cas notamment pour la " filière froid ", pour la réparation automobile ou pour l'horticulture.

d) Les risques du RMI

Lors de ses précédentes missions effectuées à La Réunion et aux Antilles, la commission des Affaires sociales avait insisté sur certains effets pervers du RMI. Cette situation peut être également observée en Guyane, sans doute plus tardivement mais avec peut-être plus d'intensité. Cela contribue à expliquer, en partie, le résultat décevant de la politique de l'emploi.

Le premier risque consiste en une désincitation au travail . Elle se traduit notamment par la difficulté croissante pour les employeurs de main-d'oeuvre temporaire ou saisonnière de trouver le personnel nécessaire, ce qui contribue alors à alimenter les flux migratoires. Mais elle consiste surtout à freiner les perspectives de retour à l'emploi des allocataires du RMI. Ceux-ci apparaissent en effet souvent réticents à s'inscrire dans une démarche d'insertion comme en témoignent le faible taux de CIA conclus et le niveau élevé des abandons au cours de stages de formation.

Le second risque tient au développement du travail illégal . Celui-ci est déjà fortement alimenté par l'immigration, sous une double forme. Il s'agit d'abord d'une immigration saisonnière, limitée dans le temps. C'est notamment le cas de l'immigration brésilienne qui travaille régulièrement dans les secteurs du bâtiment, des travaux forestiers et de l'orpaillage. Il s'agit également d'une immigration économique plus durable, concernant les immigrés venus d'Haïti, de Guyana et du Surinam, qui fuient les difficultés économiques de leur pays et cherchent à exercer une activité professionnelle continue en Guyane.

Mais le travail illégal ne se nourrit pas seulement de l'immigration clandestine, même si les étrangers constituaient en 1997 60 % des salariés illégalement employés selon la verbalisation opérée par les services de contrôle. Le RMI joue aussi un rôle, bien que son impact soit difficile à évaluer. Il est cependant clair qu'il est loin d'être négligeable, comme le montrent, par exemple, les statistiques de sortie de l'ANPE. De mai 1998 à mai 1999, 66 % des personnes sorties de l'ANPE l'ont été pour " absence au contrôle " -ce qui laisse penser qu'ils exerçaient parallèlement une autre activité- et 8 % seulement pour " reprise d'emploi ".

Dans ce contexte, il importe sans doute de repositionner le RMI. Il semble alors prioritaire de réactiver les CLI qui ne jouent pas actuellement leur fonction de contrôle du RMI. Celles-ci devraient en effet exercer pleinement cette fonction, pouvant aller jusqu'à la suppression de l'allocation pour toute personne se refusant à entrer dans un parcours d'insertion ou pratiquant le travail illégal.

* 3 On rappellera que les niveaux VI et V bis correspondent aux personnes non qualifiées, sortant du système éducatif sans avoir atteint la dernière année d'un CAP ou BEP ou sortant d'une classe de premier cycle du secondaire.

* 4 Interview de M. Michel Mignot au Monde, 24 janvier 2000.

* 5 Rapport du Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation continue, " Les politiques et dispositifs d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes de moins de 26 ans dans les DOM ", 2000.

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