II. UNE ÉCONOMIE, ENTRE PERFORMANCES ET PESANTEURS, DÉSORMAIS ARRIMÉE À L'EUROPE
A. MALGRÉ UNE GESTION RIGOUREUSE DES ÉQUILIBRES FINANCIERS, L'ÉCONOMIE MAROCAINE LAISSE SUBSISTER DES INÉGALITÉS DE DÉVELOPPEMENT.
Les indicateurs économiques et financiers du Maroc témoignent des résultats positifs induits par des réformes de structures importantes intervenues depuis 10 ans grâce à une politique financière rigoureuse, dans le cadre d'une option résolument libérale et ouverte aux investisseurs étrangers.
L'économie marocaine demeure toutefois confrontée à diverses pesanteurs qui ralentissent le développement social, limitent la croissance économique et constituent autant de fragilités à la veille de la mise en oeuvre de l'accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne, qui implique une " mise à niveau " concurrentielle du secteur industriel.
1. De courageuses mesures d'assainissement financier
Depuis 10 ans, en liaison avec les accords multilatéraux de redressement conclu avec le FMI ou les Clubs de Paris et de Londres, des réformes majeures ont été réalisées : suppression de l'encadrement du crédit en 1991, convertibilité du Dirham en 1993, modernisation bancaire. D'autres réformes, non moins essentielles, sont en cours comme les privatisations ou la réforme fiscale. Lancé en 1992, le processus de privatisation de 112 entreprises a concerné jusqu'à présent quelque 55 entités pour un total de près de 10 milliards de francs. Depuis deux ans, cette démarche concerne un certain nombre de services publics tels que la gestion de l'eau de villes comme Casablanca, Rabat, Tanger et Fes ou la production d'électricité.
Les bons résultats enregistrés à la fin de la période d'ajustement structurel ont permis au Maroc de mettre fin au cycle de rééchelonnement de sa dette extérieure. Fin 1998, la dette publique intérieure et extérieure du Maroc s'élevait à 189 milliards de francs, soit 89 % d'un PIB évalué à 211 milliards de francs (au lieu de 95 % en 1997). Sur cet ensemble, la dette extérieure représente 51 % et la dette intérieure 39 %. Le service de la dette extérieure représente 25 % des exportations et 9 % du PIB. Les accords bilatéraux de conversion de dettes en investissements -où la France joue un rôle pilote- ont permis d'accompagner cette tendance au désendettement. Au total, ce sont quelque trois milliards de francs d'abandons de créance qui ont été consentis dans le cadre de ces accords.
Par ailleurs, les principaux indicateurs économiques et financiers sont encourageants : une politique monétaire restrictive liée, il est vrai, à un ralentissement de l'activité, permet de contenir l'inflation (prévision de 1 % en 1999). Le déficit des paiements courants est réduit (0,4 % du PIB) et conjugue un déficit commercial encore élevé (8,5 % du PIB) avec une forte hausse des recettes touristiques (+ 17,6 % en 1998) et des transferts des résidents marocains à l'étranger (+ 4,9 %).
Le déficit budgétaire, grâce aux recettes des privatisations, est resté limité à 2,5 % du PIB lors de l'exécution de la loi de finances 1998-1999 ; il n'était cependant que de 1,9 % à l'issue de l'exercice budgétaire précédent.
2. Des fragilités persistantes
Le taux de croissance annuel moyen de quelque 3 % enregistré ces dernières années demeure insuffisant pour compenser les inégalités sociales et soutenir le développement du pays où le taux de croissance démographique atteint encore 1,6 % par an. Au surplus, les mauvaises récoltes de 1999 devraient limiter la croissance cette année à 0,2 %. Le PIB par habitant, évalué à quelque 1 350 dollars, est très faible, inférieur en tout cas à celui de ses principaux partenaires et voisins maghrébins et près de 20 % des Marocains vivent avec moins de 27 dollars par jour.
Ces éléments contribuent à faire de la société marocaine une société très inégalitaire où, d'après les données de la Banque mondiale, 20 % des plus pauvres détiennent 6,6 % de la richesse nationale, tandis que 20 % des plus riches en possèdent plus de 46 %.
Le secteur agricole -largement sous-équipé- constitue une contrainte pour la croissance. La production agricole, qui compte pour 18 % du PIB, est sujette aux importantes variations climatiques et, en particulier, au niveau de pluviosité. C'est la production agricole qui est à l'origine de l'irrégularité de la croissance marocaine et de son évolution en " dents de scie " : - 6 % en 1995, + 11,8 % en 1996, - 2 % en 1997, + 6,3 % en 1998, 0,2 % en prévision pour 1999. Symétriquement, la faible contribution du secteur industriel à la production nationale (29 %), sa compétitivité encore insuffisante et ses exportations peu diversifiées pèsent sur la croissance nationale.
Les multiples inégalités dans le développement -inégalités géographiques, inégalités sociales, inégalités entre villes et campagnes, entre hommes et femmes, tendent à donner l'image d'une société éclatée. Comme le rappelait le Premier ministre, lui-même, Abderrahmane Youssoufi 4 ( * ) : " il existe deux Maroc : l'un est relativement prospère et possède un certain potentiel de croissance, tandis que l'autre reste pauvre, démuni et généralement privé de la possibilité d'une vie meilleure. Il y a un Maroc urbain, qui a un pied dans le monde moderne, et un Maroc rural, prisonnier d'un autre âge ; un Maroc des hommes et un Maroc des femmes " (...) .
3. Une ouverture indispensable aux investissements étrangers
Pour doper une croissance encore insuffisante et pour remédier aux déséquilibres économiques et sociaux du Maroc, celui-ci a un besoin urgent d'investissements étrangers importants.
Pour ce faire, le Maroc a su créer un environnement institutionnel favorable : en 1996, un nouveau code de commerce a été publié et une nouvelle loi sur les sociétés anonymes promulguée la même année. La création en 1997 des tribunaux de commerce, tout comme la législation qui devrait aboutir en 2000 sur la réforme du droit du travail et celui de la concurrence s'inscrivent dans ce souci de mobiliser les capitaux étrangers. Surtout, la charte de l'investissement, décidée le 8 novembre 1995 permet la simplification des procédures et des exonérations fiscales et confirme le libre transfert des capitaux investis et des plus-values réalisées. Enfin, les droits et TVA à l'importation ne sont pas applicables à l'importation de biens liés aux investissements supérieurs à 500 millions de dirhams.
Par-delà l'aménagement légal et réglementaire, la politique de privatisation engagée en 1993 a été un canal privilégié d'entrée d'investissements au Maroc. Sur les 15,5 milliards de dirhams, 45 % -soit 7 milliards de dirhams, sont le fruit d'acquisitions étrangères. Parallèlement, les acquisitions opérées ont été l'occasion de transférer à la gestion privée des secteurs auparavant administrés : électricité, distribution d'énergie et d'eau potable, assainissement et télécommunications.
La conversion de dettes en investissement a eu également un effet positif. Sur les quelque 3 milliards de francs de conversion des investissements privés consentis par la France, une très large part a déjà été utilisée, notamment en faveur d'entreprises françaises.
Les résultats sont au rendez-vous et les flux d'investissements directs étrangers ont atteint quelque 4 milliards de dirhams en 1998. De fait, les opportunités offertes par le Maroc sont réelles dans de nombreux secteurs, infrastructures, mines (phosphate et dérivés), ou encore télécommunications. Le domaine des hautes technologies représente un potentiel important de marchés directs, quant aux industries de transformation -matériel de transport, cuir, minéraux de carrière, confection..., elles ont connu une forte croissance au cours des dernières années. Enfin, les potentialités de croissance sont considérables dans l'agro-alimentaire, les produits de la mer et surtout le tourisme.
Certes, ce tableau ne doit pas ignorer les points faibles : les dysfonctionnements administratifs et judiciaires découragent certaines PME-PMI, comme la pénurie de terrains industriels, qui entraîne une pression spéculative importante ou encore le coût relativement élevé de l'énergie.
Dans ce contexte de fragilité structurelle, le retard mis à l'adoption de réformes majeures -Code des douanes, Code du travail, nouvelle réforme fiscale, loi sur la concurrence- est de nature à compliquer une échéance essentielle pour le Maroc : l'entrée en vigueur de l'accord d'association conclu avec l'Union européenne.
B. LE DÉFI DE L'ANCRAGE EUROPÉEN
1. Une ambition ancienne
Le Roi Hassan II disait de son pays qu'il " ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d'Afrique et qui respire, grâce à son feuillage bruissant, aux vents d'Europe ". Situé à 13 kilomètres du vieux continent au détroit de Gibraltar, le Maroc ne pouvait que constituer un partenaire privilégié de l'Europe en Méditerranée.
Dès 1969, un premier accord quinquennal d'association fut signé entre la Communauté européenne et le Maroc concernant le seul domaine commercial. En 1976, un nouvel accord d'association ajoutait au volet commercial une coopération dans les domaines économiques et financiers. Signé le 27 avril 1976, en vigueur depuis novembre 1978, cet accord offrait au Maroc, sans obligation de réciprocité, un accès privilégié au marché communautaire : libre pour les produits industriels -hors textile-, mais soumis à des calendriers, des contingentements ou des prix minima pour les produits agricoles.
L'accord d'association de 1996, qui entrera en vigueur en février 2000, va désormais plus loin. Outre qu'il met en place un dialogue politique, il prépare l'organisation d'une zone de libre-échange et met en place diverses formes de coopération, notamment sur le plan économique et financier.
La libéralisation des échanges se fera progressivement, dans un délai de 12 ans maximum, les produits industriels et les produits agricoles relevant toutefois de deux régimes distincts : la libéralisation des échanges industriels se fera désormais sur la base du principe de réciprocité, la baisse des droits de douane et son calendrier étant différencié selon la nature de ces produits. Des mesures de sauvegarde permettront au Maroc, sous certaines conditions, d'aménager ces calendriers de réduction de droits.
S'agissant des produits agricoles, l'accord ne vise qu'une " plus grande libéralisation des échanges ". Pour les produits originaires du Maroc, deux protocoles annexés à l'accord concernent, d'une part, essentiellement les produits de la pêche exemptés de droits de douane et, d'autre part, un régime de taxation maximale et de contingents pour les tomates ou les agrumes, dont les prix d'entrée dans l'Union ont d'ailleurs été revus à la baisse.
2. Des risques à court terme, une chance pour l'avenir
Le nouvel accord d'association entre le Maroc et l'Union européenne s'inscrit dans la logique d'un partenariat commercial déjà très développé : l'Union européenne est le premier partenaire économique du Maroc, celui-ci destine à l'Union 60 % de ses exportations et y effectue 50 % de ses importations. Par ailleurs, 60 à 70 % des investissements étrangers directs au Maroc émanent des pays de l'Union européenne.
A court terme, la mise en oeuvre de l'accord d'association n'est pas sans risques. Risque financier tout d'abord dans la mesure où le démantèlement tarifaire réduira les ressources fiscales du Maroc : 70 % des droits de douane, soit 18 % des ressources du Trésor, proviennent des importations de produits européens ; risque industriel également dans la mesure où les entreprises marocaines les moins compétitives subiront de plein fouet la concurrence des produits communautaires. En particulier, les entreprises marocaines jusqu'alors essentiellement tournées vers le marché intérieur -quelque 30 % des sociétés du Royaume- pourraient disparaître faute d'atteindre un seuil de compétitivité hors de portée pour la plupart d'entre elles. C'est notamment le cas des industries mécaniques, notamment dans le matériel de transports voire, à plus longue échéance, du secteur des produits pharmaceutiques.
A l'inverse, le secteur ouvert et exportateur tirera des bénéfices de l'ouverture commerciale, en particulier les entreprises travaillant dans le domaine des phosphates ou dans celui des textiles : dans ce dernier cas, cette activité, fortement exportatrice -44 % des exportations industrielles marocaines- pourra en effet bénéficier de la réduction du coût de nombreux intrants (fil et tissus) et des machines en provenance de l'Union.
Malgré ces défis, l'ouverture à l'Europe est une opportunité majeure pour le Maroc, qui a engagé depuis quelques années une ambitieuse politique de " mise à niveau " de son appareil économique, précisément pour être en mesure d'en tirer toutes les potentialités.
3. Des relations perfectibles
• Le fonctionnement de MEDA
L'Union européenne a, entre 1976 et 1996, apporté au Maroc un concours financier significatif. Sur cette période, en effet, 41 protocoles ont permis d'affecter au royaume 1 125 millions d'euros (7,4 milliards de francs) sous forme de dons de la Commission et de prêts de la BEI. Ces ressources financières ont apporté au Maroc un appui dans les principaux domaines suivants : le développement rural, les infrastructures, le secteur social, la formation et l'appui au secteur privé.
Cependant la Conférence de Barcelone en 1995, avec l'accord d'association de 1996, a permis, grâce au programme MEDA, de lancer un nouveau type de coopération et d'augmenter fortement l'engagement financier de la Communauté. Le système des protocoles a été abandonné au profit d'une programmation indicative, susceptible d'évoluer en fonction de la capacité d'absorption marocaine par rapport à ses voisins du sud de la Méditerranée.
Au titre de ce nouveau mécanisme, le Maroc a reçu, pour la période 1996-1998, 450 millions d'euros répartis en deux volets : le premier destiné à faciliter la transition économique (facilité d'ajustement structurel et mise à niveau du secteur privé), le second visant un meilleur équilibre socio-économique -interventions dans les domaines de l'eau, du développement rural intégré, de la santé ou de l'éducation de base.
Au titre de 1999, 130 millions d'euros se sont ajoutés à cette première enveloppe de 450 millions d'euros, consacrés essentiellement à la construction de la rocade Méditerranée (80 millions d'euros). Le projet forestier a été également programmé par anticipation sur cette enveloppe.
Nos interlocuteurs marocains ont cependant critiqué le fonctionnement de MEDA, la lourdeur et la centralisation excessive de ses procédures ; le programme a notamment été assez sévèrement jugé par M. André Azoulay, Conseiller du Roi pour les affaires économiques, comme un " exercice raté ". De fait, les Marocains peuvent à juste titre se plaindre de la lenteur des décaissements effectifs par rapport aux engagements pris : 16 % déboursés sur 80 % engagés, alors même que, font-ils également valoir, le mécanisme MEDA, intimement lié à la création de la zone de libre-échange, devrait pouvoir se prévaloir d'une efficacité maximale.
Pour les années à venir, l'aide communautaire devra donc impérativement améliorer ses procédures liées en particulier au décaissement des sommes engagées. De même devra-t-elle recentrer ses financements sur des projets prioritaires : le secteur social en premier lieu au coeur duquel se situe le dossier de l'éducation, les infrastructures de base ensuite, en particulier en direction des provinces du nord ; la modernisation des institutions doit également être poursuivie -en particulier dans le domaine de la justice avec l'amélioration du fonctionnement des tribunaux de commerce, le régime de la propriété intellectuelle ou la déconcentration des services engagée dans le cadre d'une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Enfin, la communauté doit s'attacher à apporter un appui substantiel aux réformes économiques en veillant toutefois à ce que le cadre législatif élaboré pour tel ou tel secteur soit effectivement mis en oeuvre. La poursuite des projets européens, déjà lancés dans le cadre de Meda 1 au profit du développement du secteur privé, notamment l'aide à la normalisation des secteurs productifs devra être conduite en élargissant les secteurs bénéficiaires au tourisme ou à l'artisanat.
• La question de la pêche
Même si les Marocains ne sont pas des pêcheurs par tradition, la pêche est devenue pour le Royaume un enjeu économique majeur.
Doté d'une double façade atlantique et méditerranéenne et de plus de 3 500 kms de côtes, le Maroc bénéficie de l'une des zones les plus poissonneuses du monde. Cette activité emploie 150 000 personnes, en fait vivre 900 000 directement ou indirectement, mobilise 2 500 unités côtières et 450 unités hauturières et représente quelque 18 % de ses exportations.
Plusieurs accords successifs ont réglé la question de la coopération euro-marocaine dans ce secteur. Le dernier accord en date, signé en 1996 pour 4 ans, octroyait au Maroc une enveloppe de 500 millions d'euros, dont 355 de redevance financière contre droit à pêcher dans les eaux marocaines et 145 destinés au développement durable de ce secteur. Les autorités marocaines, malgré les pressions européennes, ne souhaitent pas renouveler cet accord, arrivé à échéance en novembre 1999. Elles estiment avoir largement perdu au change, mettant en cause la surexploitation de leurs fonds par les pêcheurs espagnols -principaux bénéficiaires de l'accord- qui privent leurs propres pêcheurs de prises qui leur reviennent alors même, ajoutent-elles, qu'une pause biologique s'impose pour reconstituer le stock halieutique.
C. LE MAROC PARTENAIRE ÉCONOMIQUE PRIORITAIRE DE LA FRANCE
L'attention de la France à l'égard du Maroc, fondée sur des liens politiques particuliers, s'inscrit également dans un cadre commercial qui place notre pays au premier rang des investisseurs, des fournisseurs et des clients du Royaume. Au surplus, les relations financières franco-marocaines ont également été le cadre d'une méthode innovante dans la " gestion active " de la dette, à travers le mécanisme de conversion de dette en investissements.
1. Une aide financière importante et multiforme
Depuis 1996, l'aide française au Maroc dépasse 3,2 milliards de francs par an en moyenne. L'aide financière de la France au Maroc est en effet de loin la plus importante aide bilatérale consentie au Royaume. Elle représente 51 % de l'Aide publique au développement octroyée au Maroc et 71 % des contributions bilatérales. La France est son premier prêteur, avec 50 % des créances du Club de Paris (dette publique) et près de 22 % de l'encours total (25 milliards de francs).
L'aide française a longtemps reposé sur les protocoles financiers, les rééchelonnements de dette dans le cadre du Club de Paris et les actions de coopération scientifique et technique.
A partir de 1993, l'aide française s'est inscrite dans le cadre des concours de la Caisse française de développement devenue l'Agence Française de développement (AFD). Ses engagements, équivalents à ceux des protocoles, ont porté essentiellement sur le développement du monde rural.
La conversion de dette en investissements, mécanisme novateur, permet d'alléger la dette marocaine tout en suscitant et canalisant les nécessaires investissements dans les secteurs prioritaires au développement du pays. Dès 1996, un premier accord avait porté sur 1 milliard de francs (400 MF d'annulation et 600 MF de conversion en investissements privés). Le mécanisme a été renouvelé en 1998 et 1999, en deux tranches de 700 MF chacune. La France, devant le succès de cet outil de gestion de la dette, a convaincu ses partenaires du Club de Paris de porter de 10 à 20 % puis à 30 % la part des crédits privés garantis éligibles au mécanisme. La dernière réunion ministérielle franco-marocaine de novembre 1999 a par ailleurs décidé d'une nouvelle tranche de 700 MF.
Parallèlement à cette méthode de conversion de la dette en investissements, la France soutient également, par d'autres moyens, les efforts du Maroc d'allégement de sa dette. En 1997, l'accession du Maroc au rang des places financières émergentes lui a permis de lever, à des conditions intéressantes, un emprunt de 200 millions de dollars auprès d'un consortium bancaire -dont font partie plusieurs établissements français qui lui a permis de régler par anticipation une partie de sa dette la plus onéreuse. En octobre 1998, par ailleurs, l'AFD a été en mesure de consacrer 1 milliard de francs à la garantie d'emprunts marocains pour le refinancement de sa dette.
Les protocoles financiers, sur la période 1991-1998 se sont par ailleurs élevés à 39 % des engagements financiers de l'aide bilatérale française au Maroc, représentant 51 % des décaissements.
2. Le rôle dominant de l'AFD dans le développement des infrastructures et la mise à niveau industrielle
Installée en 1992 au Maroc, l'AFD a, jusqu'en 1998, engagé un total de 4,1 milliards de francs au profit des infrastructures de base et du développement rural. Ces engagements ont essentiellement pris la forme de financements privilégiés, de prêts à des conditions proches du marché ou de prises de participation de la filiale PROPARCO de l'AFD dont les engagements ont dépassé, entre 1992 et 1998, le milliard de francs.
Dans le cadre de la coopération pour l'aide aux réformes et les transferts de technologie de gestion, une nouvelle procédure a pris en 1997 le relais des protocoles, celle du Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP), qui a permis, depuis, le financement (40 MF) de onze études en amont de projet dans les domaines les plus divers. Le volet " aide au secteur privé " du FASEP est mis en oeuvre sous la forme d'un Fonds de garantie français à la " mise à niveau ", géré par l'AFD. Doté de 200 MF, ce fonds est destiné à faciliter l'accès des entreprises marocaines aux crédits bancaires, en permettant de consentir 1 milliard de francs de garantie, pouvant mobiliser jusqu'à 2 milliards de francs de crédits pour la mise à niveau industrielle.
3. Une présence commerciale française prééminente
La France est toujours le premier partenaire commercial du Maroc, avec près du quart des échanges commerciaux de ce pays. En effet, 25 % des importations marocaines (16 milliards de francs) proviennent de notre pays et le Maroc y destine le tiers de ses exportations (15,5 milliards de francs en 1998).
La structure des exportations françaises, au cours du dernier exercice, place au premier rang les biens d'équipement professionnel (36,1 % du total) et les biens de consommation courante (29,8 %). Les postes les moins importants, mais en progression constante, concernent les produits agro-alimentaires (10 %) et les matériels de transports terrestres (5,6 %).
S'agissant des importations françaises, les produits textiles et d'habillement représentent plus de la moitié du total (51 %). La part des biens d'équipement professionnel (21 % du total), est en légère augmentation, comme, dans une moindre mesure, les produits agro-alimentaires (16,8 % du total).
L'Espagne est le second partenaire commercial du Maroc ; comme fournisseurs, viennent ensuite les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Italie ; comme clients, l'Inde -gros importateur de produits phosphatés- précède l'Italie et le Japon.
De même, la France reste le premier investisseur dans le Royaume, en flux comme en stock. En terme de flux, les investissements français, depuis 1990, ont atteint quelque 700 MF par an, soit un peu moins du quart des investissements directs étrangers. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne occupent les places suivantes. Pour la seule année 1998, les investissements français ont atteint 830 MF.
En termes de stocks, les investissements français représentent globalement le tiers des investissements étrangers -40 % dans l'industrie-. 520 filiales d'entreprises françaises sont présentes au Maroc mais, dans le cadre des privatisations, si la France n'arrive qu'au cinquième rang des sommes investies, elle est le premier intervenant sur les bases du nombre des opérations menées. L'ensemble des entreprises françaises au Maroc, tous types de sociétés confondus, emploient près de 70 000 personnes. Les entreprises françaises présentes au Maroc oeuvrent plus particulièrement dans les activités de production (plus de 60 % des filiales).
* 4 Politique internationale, n° 82 - hiver 1998/1999.