B. ESTIMATION DES ÉLASTICITÉS SUR LA BASE DE LA NOMENCLATURE PAR PRODUITS, NIVEAU 90.
Nous utilisons ici la nomenclature de l'INSEE correspondant aux postes des nomenclatures de niveau 90, afin d'affiner les estimations précédemment obtenues. Beaucoup plus détaillée, cette nomenclature a cependant pour inconvénient de ne fournir que des données annuelles, pour la période 1970-1997, de sorte que la taille de l'échantillon s'en trouve réduite. Le seul changement réside ici dans le fait que l'indice de prix utilisé est un indice relatif, prix du produit concerné rapporté à l'indice du prix de l'ensemble de la consommation finale des ménages, le niveau de détail retenu nous l'autorisant. Enfin, l'étude porte désormais sur les seuls biens soumis effectivement à des taxes spécifiques, soit les produits pétroliers raffinés, les boissons alcoolisées et le tabac
1. Produits pétroliers raffinés
C'est sans doute au niveau de ces produits que les accises jouent un rôle prépondérant en matière d'orientation du comportement des consommateurs. Le tableau 10 présente les résultats des estimations.
10. Produits pétroliers raffinés.
Constante |
Elasticité-
|
Elasticité-revenu |
Coefficient d'ajust. |
DW |
R²adj. |
|||
2.187*
|
-0.11*
|
0.027*
|
0.492*
|
2.09 |
0.71 |
* Valeur significative à 5%.
Comme cela était prévisible, tant les élasticités-prix que les élasticités-revenu sont faibles ou proches de zéro, mais statistiquement significatives. Le modèle associé de long terme sera de la forme : Qt = -0.22 prix + 0.05 revenu, qui traduit le caractère de "première nécessité" de ces biens, mais également le fait qu'à plus longue échéance, existent des possibilités limitées mais réelles de recours à des sources d'énergie moins coûteuses. Afin de préciser ce point, il est possible de procéder à une décomposition encore plus fine, le poste "produits pétroliers raffinés" (3.2.2) étant composé des fiouls (3.2.2.1), des gaz pétroliers (3.2.2.2) et des carburants et lubrifiants (3.2.2.3).
11. Elasticités estimées de la demande de produits pétroliers raffinés.
|
Constante |
Elasticité-
|
Elasticité-revenu |
Coeff.
|
DW |
R²adj. |
Fiouls |
2.474*
|
-0.04
|
-0.151*
|
0.596*
|
1.9 |
0.95 |
Gaz |
0.715
|
-0.06
|
-0.006
|
0.846*
|
1.79 |
0.74 |
Carburants |
1.817*
|
-0.146*
|
0.09*
|
0.513*
|
1.93 |
0.98 |
* Valeur significative à 5%.
Les élasticités-prix des fiouls et gaz sont statistiquement nulles à la différence de celle des carburants, indiquant donc une plus forte sensibilité des ménages aux prix de ces derniers, même si elle demeure très faible. L'élasticité-revenu est statistiquement nulle dans le cas du gaz, nulle mais significative pour les carburants et, enfin, à la fois significative et négative pour les fiouls. Ces derniers sont, à ce titre, des biens que l'on peut qualifier d'inférieurs, ou dont la consommation décroît avec le revenu. En d'autres termes, ceci révèle que d'autres sources d'énergies que les fiouls sont privilégiées quand le revenu s'élève. Il résulte de ces propriétés que les modèles associés à la consommation à long terme de ces divers produits exhibent des profils tout à fait différents.
12. Elasticités estimées à long terme.
|
Elasticité-prix |
Elasticité-revenu |
Fiouls |
0 |
-0.374 |
Gaz |
0 |
0 |
Carburants |
-0.299 |
0.185 |
Ainsi,
des taxes spécifiques sur le gaz et les fiouls apparaissent de ce point
de vue comme extrêmement efficaces du point de vue économique ou
au niveau de la collecte fiscale, dans la mesure où aucun effet de
substitution n'est susceptible d'apparaître, de sorte que seul se
matérialise un effet revenu, même à long terme. En
revanche, la demande de carburants exhibe une faible mais réelle
sensibilité par rapport au prix, de sorte que cette fois la
fiscalité peut être utilisée pour orienter les
comportements en faveur des moyens de transport collectifs, moins polluants par
exemple, mais une telle politique aura des effets nécessairement
limités compte tenu de la faible valeur de
l'élasticité-prix à long terme.
A l'aide de l'équation (8), il est possible de préciser ce point
en observant l'évolution de la consommation par produit.
13. Consommation par produits.
Produit |
Constante |
Ai |
bi |
ci |
DW |
R²adj. |
Fiouls |
0.478*
|
-0.032*
|
0.0327
|
-0.005*
|
1.66 |
0.97 |
Gaz |
0.0459*
|
-0.003*
|
-0.0009
|
-0.00003
|
1.60 |
0.97 |
Carburants |
0.118*
|
-0.004
|
0.0094
|
-0.011*
|
1.51 |
0.90 |
* Valeur significative à 5%.
Les
coefficients ai sont tous négatifs, (ce coefficient n'est pas
significatif pour les carburants), soit pour les produits dont la part dans la
consommation totale diminue au fur et à mesure que le niveau de vie
s'améliore. Logiquement, cet effet est particulièrement sensible
pour les fiouls compte tenu de leur caractéristique de bien
inférieur, mise en évidence précédemment. Aucun
coefficient bi n'est statistiquement significatif, ce qui traduit une relative
inertie de la consommation de ces produits. Les coefficients ci
significativement non nuls sont tous négatifs. Ils indiquent que la
consommation de fiouls et de gaz a été relativement moins
sensible à l'évolution des prix que la consommation de carburants.
Ces résultats sont confirmés par une étude récente
de l'INSEE, (Braibant (1998) qui observe d'une part, la stabilité de la
consommation des ménages en matière de produits pétroliers
raffinés (-0.1% en volume) pour l'année 1997, d'autre part une
diversification de la demande énergétique des ménages au
travers de l'abandon progressif du charbon, du développement de la
fourniture de gaz, de la réduction de la consommation de fioul
domestique, -3.2% en 1997. Cette stabilité se traduit notamment par une
diminution des charges liées à l'énergie dans le budget
des ménages, 10.2% de la dépense des ménages en 1980
contre 8.6% en 1997, au prix de 1980. Les variations des prix de ces diverses
sources expliquent ces comportements de substitution entre énergies. Par
exemple, la baisse des prix de l'électricité s'accompagne d'une
hausse simultanée des prix des produits pétroliers
raffinés, ce qui a nettement favorisé la consommation
d'électricité. La fiscalité est un élément
supplémentaire d'explication de ces comportements de diversification. A
titre d'exemple (Braibant (1998)), la part des taxes (Taxe Intérieure
sur les Produits Pétroliers et Taxe sur la valeur Ajoutée),
représentait 75% du prix du litre de super en 1990 contre 59% en 1980.
Elle est de 80% en 1997. Il en résulte notamment une forte hausse de la
consommation de gazole, +7.3% en 1997. En résumé, il semble ici
que les accises constituent un instrument doublement efficace, tant du point de
vue de la collecte fiscale que de l'orientation de la consommation en direction
d'énergies moins polluantes, à condition, toutefois, que le prix
de ces dernières se maintienne à un niveau relativement plus
faible ou poursuive son mouvement de baisse, qui permet notamment aux
ménages à revenu modeste de s'orienter vers elles en
délaissant le fioul domestique. Dans le cas contraire, ce sont ces
ménages à faible pouvoir d'achat qui seraient
pénalisés par les taxes spécifiques sur le fioul
domestique, ce qui remet également en cause les efforts menés en
matière de réduction de la pollution atmosphérique.
Une seconde catégorie de biens sont soumis à l'imposition de
taxes spécifiques, il s'agit des boissons alcoolisées. La logique
de cette imposition particulière répond aux mêmes
considérations d'efficacité et de santé publique que
celles qui précèdent.