D. LA PRISE EN COMPTE DES CHARGES DE FAMILLE DANS LE CALCUL DE L'IMPÔT
Les pays de l'Union européenne prennent en compte de façon très différente la composition des ménages pour calculer l'impôt sur le revenu. Certains pays modulent les abattements selon le statut matrimonial. C'est le cas en Belgique et au Portugal où des montants différents sont accordés aux personnes célibataires et aux contribuables mariés.
1. L'imposition des couples
Deux
systèmes sont concevables : soit l'unité de taxation est
l'individu, ce qui conduit à un système de imposition
séparée des revenus ; soit l'unité de taxation est le
ménage, ce qui aboutit à une imposition jointe (encadré 1).
Ces vingt dernières années, la tendance générale
dans les pays de l'Union européenne va dans le sens de l'abandon du
système d'imposition où l'unité de taxation est le
ménage et l'adoption d'un système de taxation
séparée. Ainsi, depuis les années 1970, l'Autriche, la
Belgique, le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas, la Suède et
le Royaume-Uni ont progressivement adopté le système d'imposition
séparée tandis que la Grèce avait déjà
adopté un système de taxation séparée depuis un
certain temps. Autrement dit, à l'heure actuelle, seulement six pays
(France, Allemagne, Espagne, Irlande, Luxembourg et Portugal) utilisent encore
un système de taxation des revenus agrégés.
Toutefois, certains pays ayant un système d'imposition
séparée des revenus utilisent parallèlement un
système d'imposition joint des revenus pour certaines catégories
de revenus tels, par exemple, les revenus du capital. A l'inverse, d'autres
pays ayant conservé un système d'imposition jointe laissent le
choix aux contribuables d'opter pour la taxation séparée dans
certaines circonstances.
Le tableau 7 présente un résumé des systèmes de
taxation des couples utilisés dans les pays de l'Union européenne.
7. Taxation des couples dans les pays de l'Union européenne en 1996
Pays
|
Systèmes de taxation des couples |
Allemagne |
Choix entre imposition séparée et imposition jointe avec fractionnement. |
Autriche |
Imposition séparée et crédit d'impôt pour les couples ne disposant que d'un seul salaire. |
Belgique |
Imposition séparée des revenus professionnels. Tous les autres revenus du ménage sont cumulés avec les revenus professionnels du conjoint qui gagne le plus. Quotient conjugal. |
Danemark |
Imposition séparée avec transfert possible de crédit d'impôt (c'est-à-dire que si un des époux ne travaille pas ou gagne peu, son conjoint bénéficie du crédit d'impôt non utilisé). Les revenus du capital, au-delà d'un certain seuil, sont cumulés avec les revenus professionnels du conjoint qui gagne le plus. |
Espagne |
Imposition séparée avec option pour l'imposition commune. |
Finlande |
Imposition séparée. Aucune compensation n'est prévue lorsqu'un des conjoints ne travaille pas. |
France |
Imposition conjointe des revenus et quotient familial. |
Grèce |
Imposition séparée mais les couples mariés doivent remplir une déclaration commune. |
Irlande |
Choix entre imposition séparée et imposition jointe avec fractionnement. |
Italie |
Imposition séparée des revenus professionnels avec crédit d'impôts si un des conjoints ne travaille pas ou gagne peu. Les autres revenus sont imposés globalement. Dans ce cas, chaque conjoint est imposé sur la moitié de l'impôt relatif à ces revenus communs. |
Luxembourg |
Imposition conjointe avec fractionnement |
Pays-Bas |
Imposition séparée des revenus du travail avec transfert d'abattement si un des conjoints ne travaille pas. Les autres revenus sont ajoutés aux revenus du travail de celui qui gagne le plus. |
Portugal |
Imposition conjointe des revenus de l'unité familiale avec fractionnement. |
Royaume-Uni |
Taxation séparée avec crédit d'impôt pour couples mariés transférable librement entre époux. |
Source : La situation des salariés au regard de l'impôt et des transferts sociaux, OCDE, 1997.
La
France, le Luxembourg et le Portugal sont les seuls pays à utiliser un
système de taxation agrégée pour tous les types de
revenus. La France, le Portugal et le Luxembourg utilisent le fractionnement
(avec un quotient de 2 ou de 1,9 au Portugal si un des époux
perçoit au moins 95% du revenu agrégé du couple).
Les pays qui offrent la possibilité aux contribuables de choisir entre
l'imposition séparée et l'imposition jointe sont l'Allemagne,
l'Irlande et L'Espagne. L'Allemagne et l'Irlande ont opté pour le
fractionnement tandis que l'Espagne utilise la méthode du cumul. Les
pays qui utilisent certains éléments de la taxation jointe tout
en ayant principalement une taxation séparée sont la Belgique,
les Pays-Bas et le Danemark. En Belgique et aux Pays-Bas les revenus du couple,
autres que les revenus professionnels, sont cumulés avec les revenus
professionnels du conjoint qui gagne le plus. En outre, en Belgique, lorsqu'un
des conjoints n'exerce pas d'activité professionnelle, il
bénéficie de l'imposition séparée sur la quote-part
de revenus qui peut lui être attribuée. Cette quote-part
équivaut à 30% des revenus du conjoint qui touche des revenus
professionnels mais elle est plafonnée (à 297.000 FB en 1996). Au
Danemark, les revenus du capital, au-delà d'un certain seuil, sont
ajoutés aux revenus professionnels du conjoint qui gagne le plus.
Imposition séparée et imposition jointe
* Quand
l'unité d'imposition est l'individu, chaque individu est taxé sur
ses propres revenus, quel que soit son état civil.
Si l'on note Rh le revenu de monsieur et Rf le revenu de madame, alors
l'impôt global (I) payé par le ménage se calcule de la
façon suivante :
I= I (Rh) + I (Rf) imposition séparée
L'imposition séparée permet de prendre en compte le fait que les
revenus sont perçus par une ou deux personnes. Dans ce système,
les modalités de vie commune n'influencent pas la détermination
de l'unité d'imposition. L'imposition des revenus de la femme est la
même, qu'elle soit mariée ou célibataire ; il n'y a donc
aucune incitation pour les femmes à ne pas travailler. Cependant, si ce
système était appliqué complètement, une personne
qui ne travaille pas ne ferait pas faire d'économie d'impôt
à son conjoint. Pour éviter cela, les pays qui pratiquent ce
système accordent parfois au contribuable un abattement ou un
crédit d'impôt.
* Quand l'unité d'imposition est le ménage, on distingue, trois
grands systèmes d'imposition :
- le cumul
- le fractionnement ou splitting
- le système du quotient familial.
Dans le système du cumul, les revenus des conjoints sont
aditionnés pour déterminer le revenu imposable.
I = I (Rh + Rf) cumul
Ce système a été longtemps le plus répandu. Il pose
toutefois certains problèmes. En effet, si on applique aux revenus
agrégés des deux conjoints un barème progressif, (1) il y
a surimposition du conjoint dont le salaire est le plus bas, ce qui peut
décourager son offre de travail ; (2) les couples mariés sont
pénalisés par rapport aux couples qui ont un niveau de revenu
équivalent mais qui vivent en concubinage et pour lesquels les revenus
sont imposés séparément. C'est pourquoi les pays où
ce système est encore en vigueur accordent des abattements ou des
réductions d'impôt aux ménages dont les deux conjoints
travaillent.
Dans le système du fractionnement ou splitting, les revenus des
conjoints sont cumulés puis divisés par deux (même si le
couple n'a qu'un seul revenu, celui-ci est divisé par deux). On calcul
l'impôt sur ce quotient puis le montant d'impôt ainsi obtenu est
multiplié par deux pour donner le montant total de l'impôt.
I = 2* {I (Rh + Rf) /2symbol 125 \f "Symbol (AS)" \s 9 fractionnement
Dans le système du quotient familial, qui constitue une variante du
système de fractionnement du revenu, l'impôt est dû par le
chef de famille sur le revenu cumulé du conjoint et des enfants à
charge, divisés par un coefficient appelé quotient familial.
Celui-ci est obtenu en additionnant les parts attribuées à chacun
des membres de la famille.
I = q{I (Rh + Rf + Re) /qsymbol 125 \f "Symbol (AS)" \s 9, quotient familial
où q est le quotient familial.
Dans le système du fractionnement et du quotient familial, la
progressivité du barème est fortement atténuée par
la division du revenu entre les époux (et encore davantage s'il y a des
enfants). Ces deux systèmes sont particulièrement avantageux pour
les familles à un seul revenu et pour les familles où les deux
conjoints bénéficient de revenus très inégaux. Ils
favorisent également les ménages par rapport aux personnes seules
et constituent une incitation pour qu'un des conjoints reste au foyer, du fait
de l'avantage fiscal qui est procuré à celui qui travaille.