II. DES COMPLEMENTS ET DES PROLONGEMENTS S'IMPOSENT

L'étude jointe, du fait de son caractère novateur et de la richesse de ses développements, pourrait sembler à un lecteur trop pressé comporter quelques ambiguïtés. Une sorte de paradoxe pourrait en ressortir, la concurrence fiscale étant présentée tout à la fois, comme seulement virtuelle et extrêmement dangereuse.

La réalité est sans doute plus nuancée et la complexité du phénomène mérite une approche plus précise.

Il reste alors à aborder la difficile question des prolongements pratiques à apporter, autrement dit à envisager les modalités d'une maîtrise de la concurrence fiscale.

A. POUR UN APPROFONDISSEMENT DE L'ANALYSE DES PHÉNOMÈNES DE CONCURRENCE FISCALE EN EUROPE

De même qu'il est probablement excessif de considérer que l'union monétaire change radicalement les données de la concurrence fiscale, il serait hâtif de conclure à partir de constats trop globaux ou mal compris que celle-ci est restée très limitée jusqu'à présent.

1. Les effets de l'adoption de l'euro sur la concurrence fiscale ne doivent pas être caricaturés

Sur un plan théorique, l'adoption de l'euro est sans doute de nature à lever certains obstacles au développement de pratiques concurrentielles dans le domaine fiscal. Elle peut paraître supprimer deux facteurs d'inhibition de la concurrence fiscale entre Etats européens :

le polycentrisme monétaire européen qui comportait le risque de faire supporter un coût très élevé à un État tenté par la concurrence fiscale soit que les autres dévaluent leur monnaie pour contrer ses initiatives, soit que les déficits accumulés par lui entraînent une pénalisation financière via une hausse des taux d'intérêt ;

la situation dégradée des finances publiques (déficit + dettes) supposée surmontée dans un contexte de croissance molle qui supposait de particulières précautions.

En outre, l'adoption d'un signe monétaire unique favorise les comparaisons de prix et, du même coup, ôte le masque monétaire - l'illusion monétaire dans le jargon - derrière lequel pouvaient se dissimuler les écarts de taxation.

Ces considérations générales restent à vérifier en pratique . Il est sans doute plus tentant qu'avant l'euro d'utiliser le levier fiscal à des fins compétitives mais il est sûrement excessif de considérer qu'un tel levier puisse se substituer à la dépréciation monétaire.

Le Pacte de stabilité et de croissance limite l'utilisation de la politique budgétaire comme instrument de politique économique quel que soit le levier utilisé - la fiscalité ou les dépenses publiques. En outre, la situation des finances publiques en Europe n'est pas telle que les gouvernements puissent à court terme envisager sans précaution de recourir à l'arme fiscale.

Il est toutefois essentiel de prendre conscience qu'en union monétaire les pays disposant de marges de manoeuvre budgétaires acquièrent par là-même un avantage considérable au service de leur compétitivité .

En effet, ils sont plus que les autres en mesure de se livrer à des pratiques fiscales concurrentielles.

Enfin, les effets de la meilleure comparabilité des prix résultant de l'adoption d'une monnaie unique ne peuvent être entièrement établis tant que celle-ci n'aura pas reçu tous ses prolongements pratiques. Ces effets sont sans doute potentiellement très importants. Ils méritent à ce titre une analyse complémentaire. Il serait erroné de les apprécier à travers les seuls impôts indirects appliqués aux biens et services d'autant que le régime actuel de TVA tend à neutraliser les distorsions associées aux écarts de taxation à l'exception limitée des produits accessibles aux frontaliers. En revanche, les écarts de prélèvements entre États européens laissent supposer des écarts de compétitivité fiscale considérables dont tous les effets restent à élucider - v.infra.

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