II. EXAMEN EN COMMISSION
Lors de
sa séance du 30 juin 1999, la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées a
examiné le présent rapport.
A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, un
débat s'est instauré entre les commissaires.
M. Robert Del Picchia a fait observer que l'opinion publique européenne
avait été, à l'occasion de la crise du Kosovo, plus
fortement sensibilisée à la problématique d'une
défense européenne. Il a estimé qu'il convenait de
profiter de ce " déclic " survenu parmi les opinions pour
relancer une initiative politique sur ce sujet.
Il a ensuite relevé que la possibilité, pour les entreprises
françaises, de s'impliquer dès à présent dans la
reconstruction économique du Kosovo était retardée par
l'absence de structures adaptées.
Il s'est enfin interrogé sur la capacité, pour l'Union
européenne, de conduire seule, sans le concours des Etats-Unis et de
l'OTAN, une opération militaire telle que celle qui avait
été mise en oeuvre à l'occasion de la crise au Kosovo.
M. Xavier de Villepin, président, a alors apporté les
précisions suivantes :
- la crise du Kosovo avait en effet favorisé la prise de conscience des
insuffisances européennes en matière militaire. Il convenait
cependant d'avoir également présent à l'esprit un autre
aspect de l'effort, notamment budgétaire, qu'il conviendrait d'accomplir
à l'avenir, celui relatif à la reconstruction du Kosovo et de la
région. Celle-ci nécessiterait un effort durable et
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la
possibilité, pour l'opinion, d'accepter facilement les
conséquences financières de cette double
nécessité : l'adaptation de nos capacités militaires,
d'une part, et l'effort de reconstruction, d'autre part ;
- la participation française à la reconstruction avait
déjà souffert, en Bosnie-Herzégovine, d'un certain retard,
notamment en comparaison de nos alliés américains qui, en ce
domaine, bénéficiaient d'une très grande
expérience. Une coordination accrue s'imposait du côté
français ;
- à l'évidence, l'Union européenne n'aurait pu conduire
une opération comme " Force alliée ", sans la
participation des Etats-Unis : ainsi sur quelque 1.000 aéronefs
déployés lors de cette opération, près de 700
étaient américains.
Après s'être félicité du souci de rapidité
manifesté par la commission pour se livrer à cette
première analyse des enseignements de la crise du Kosovo, M. Michel
Caldaguès a formulé plusieurs observations. Il a tout d'abord
insisté sur le fait que notre participation à l'opération
" Force alliée " n'aurait pu se faire si la réforme de
la professionnalisation n'avait pas été mise en oeuvre ;
alors même que celle-ci n'en était qu'à mi-chemin, elle
avait démontré, au Kosovo, toute sa pertinence.
La problématique du second porte-avions, a poursuivi M. Michel
Caldaguès, était en effet relancée à la suite du
récent conflit. La capacité de permanence à la mer du
groupe aéronaval impliquait -a-t-il rappelé- la disposition de
deux porte-avions, faute de quoi c'est notre politique
méditerranéenne qui pourrait s'en trouver affectée. Par
ailleurs, une autre crise régionale pourrait survenir, à plus
grande distance de notre territoire, qui ne nous permettrait pas de disposer
des capacités logistiques dont nous avons bénéficié
en Italie. La nécessité d'une capacité aéronavale
permanente n'en serait alors rendue que plus indispensable. Estimant ensuite
que le porte-avions constituait un instrument de souveraineté, M. Michel
Caldaguès a indiqué qu'il ne partageait pas l'idée d'une
coopération en ce domaine avec nos partenaires britanniques, pas plus
qu'il n'avait cru, en son temps, à l'idée d'une " dissuasion
concertée ".
M. Michel Caldaguès a par ailleurs fait valoir que la vraie contrainte
imposée aux forces de l'OTAN par la défense sol-air yougoslave
était moins liée à cette capacité en
elle-même qu'à la notion de conflit " zéro mort "
mise en avant tout au long de l'opération.
Abordant enfin ce qui constituait, à ses yeux, l'essentiel du sujet,
à savoir les causes et les fins de l'opération " Force
alliée ", M. Michel Caldaguès a estimé que le
véritable motif du déclenchement de la guerre avait
été de prouver que l'OTAN avait encore une
légitimité à exister. Il a considéré
également que cette guerre semblait avoir été à
certains égards préméditée, notamment par
l'inscription, dans les accords de Rambouillet, de certaines clauses qu'aucun
pays souverain ne pouvait accepter.
Enfin, a relevé M. Michel Caldaguès, l'analyse sur les
enseignements de la crise devait conduire à aller au-delà de ses
caractéristiques spécifiques, notamment la stratégie qui y
avait été conduite consistant notamment à détruire
le potentiel civil yougoslave.
M. Xavier de Villepin, président, a, pour sa part, estimé qu'il
convenait d'établir une distinction entre la notion
d'indépendance du groupe aéronaval, d'une part, et celle
d'indépendance dans le domaine nucléaire, d'autre part. Il a
ainsi estimé qu'il n'était pas impossible, compte tenu de la
communauté d'objectifs entre le Grande-Bretagne et la France,
d'envisager des opérations aéronavales communes.
Il a ensuite précisé que les Serbes avaient utilisé avec
beaucoup d'efficacité leurs radars de défense
anti-aérienne, compliquant d'autant le déroulement des missions
offensives des appareils de l'Alliance.
S'agissant enfin des causes véritables de la guerre, qui constituaient
en effet une question fondamentale, M. Xavier de Villepin, président, a
estimé souhaitable d'interroger le ministre des affaires
étrangères sur ce sujet. M. Xavier de Villepin, président,
a enfin indiqué que le compte rendu du présent débat
serait naturellement annexé au rapport d'information prochainement
publié.
M. Emmanuel Hamel a souhaité que l'analyse des carences relevées
dans le présent rapport d'information puisse aboutir à une
évolution de la politique gouvernementale. Il s'est
déclaré soucieux qu'une action rapide et concrète soit
engagée à l'égard des responsables gouvernementaux et
militaires afin de ne pas perdre de temps dans la correction des insuffisances
constatées.
M. Xavier de Villepin, président, a précisé que,
dès la prochaine rentrée parlementaire, la commission entendrait
les chefs d'état-major afin d'engager le débat avec eux et a
rappelé qu'en effet, la guerre du Golfe avait, en son temps,
démontré une certaine inertie de la part de la France à
tirer les enseignements de la crise, notamment sur le plan des budgets
militaires.
M. Jean-Guy Branger a vivement déploré la réduction
constante des crédits dédiés à la défense.
Il a estimé qu'il revenait au Parlement de se donner les moyens
d'effectuer ses propres analyses afin de formuler des propositions
adaptées. Il a par ailleurs dénoncé les graves
insuffisances en matière de recherche et développement, alors que
les efforts en la matière conditionnaient à moyen terme les
capacités futures de nos forces. Il s'est enfin inquiété
de l'insuffisance structurelle des crédits d'équipement des
armées.
M. Xavier de Villepin, président, s'est également
déclaré convaincu de la nécessité d'un effort accru
en faveur de la recherche et du développement en matière
d'équipement militaire. Il a déploré que la France ait
figuré parmi les derniers pays à tirer, sur le plan de ses
budgets de défense, les conséquences de la chute du mur de Berlin
qui avait constitué le dernier changement stratégique majeur et a
souligné qu'une telle erreur ne devait pas se reproduire.
M. Hubert Durand-Chastel a estimé qu'une volonté politique forte
s'imposait pour enrayer la diminution de nos budgets militaires. Il a toutefois
relevé que beaucoup dépendait de l'activité
économique générale du pays et s'est
inquiété de l'incidence, en ce domaine, des réformes
telles que celles de la réduction à 35 heures du temps de travail.
Enfin, M. Charles-Henri de Cossé Brissac a insisté sur la
nécessité de faciliter la participation des entreprises
françaises à la reconstruction économique du Kosovo et de
la région et sur l'urgence qu'il y avait à mettre en place,
à cette fin, des dispositifs adaptés.
La commission a alors autorisé la publication du rapport
présenté par M. Xavier de Villepin, président, sous
la forme d'un rapport d'information.