5. La question récurrente du financement des surcoûts des opérations
a) Le coût des opérations militaires liées à la crise du Kosovo
Au
total, titre III et titre V confondus, les dépenses
supplémentaires liées à l'intervention militaire
française dans le cadre de la crise du Kosovo, dépassent au mois
de juin 1,4 milliard de francs.
Sur l'ensemble de l'année 1999
,
elles pourraient atteindre
près de quatre milliards de francs
(2,4 milliards au titre III, 1,6 milliard au titre V).
Le surcoût enregistré au 15 juin dérive pour
le
tiers
des dépenses de
rémunérations et charges
sociales (RCS)
-soit 440 millions de francs. De décembre à
juin, l'armée de terre a progressivement déployé en
Macédoine, 3.000 militaires et, en Albanie, un contingent à
vocation humanitaire fort de 900 militaires. Depuis mars, l'armée de
l'air a stationné en Italie un millier de personnes tandis que la marine
réunissait quelque 2.500 militaires en mer Adriatique.
Le surcoût de l'opération militaire peut être imputé
pour un autre tiers aux
munitions effectivement consommées
- soit
379 millions de francs- et pour le solde aux dépenses liées
à l'
emploi des équipements
.
Toutefois, l'évaluation avancée ici ne prend pas en compte
plusieurs autres sources de dépenses.
En premier lieu, l'
utilisation intensive des équipements
au cours
de la crise constitue un facteur évident de surcoûts.
Elle peut d'abord conduire à procéder à une
révision anticipée
de certains matériels. C'est
ainsi que la visite complète des catapultes du Foch devait être
entreprise alors qu'elle n'était pas prévue compte tenu du
retrait prochain du service actif du bâtiment.
Par ailleurs, un dépassement des dépenses au titre de
l'
entretien programmé du matériel
(EPM) est
prévisible. Même si, en la matière, l'approche de chaque
armée diffère, compte tenu de la diversité des
matériels, le surcoût peut toutefois être
évalué au regard de normes annuelles d'utilisation du
matériel.
De ce point de vue, le Foch, par exemple, a consommé 95 % de son
potentiel annuel en seulement cinq mois d'activité -soit 217 % de
la norme sur une telle durée. Or le bâtiment devra
réappareiller afin de satisfaire le maintien en condition
opérationnelle du groupe aéronaval dans les disciplines qu'il n'a
pas entretenues au cours du premier semestre comme l'assaut à la mer de
nuit.
En second lieu, le
remplacement des équipements
génèrera des dépenses supplémentaires. Il faudra
prendre en compte les pertes et destructions de matériels -notamment les
drones. Dans la perspective du
recomplètement des munitions
, les
armées ont par ailleurs dû procéder à des commandes
complémentaires dont la valeur n'est pas encore
précisément évaluée, mais dépasse en tout
état de cause plusieurs centaines de millions de francs.
L'
urgence
de certains achats
ne manquera pas, il faut le
souligner, de soulever quelques difficultés au regard de la
réglementation relative aux marchés publics.
Enfin, et surtout, au surcoût lié aux opérations
intervenues sur la période de décembre-juin,
s'ajouteront les
dépenses entraînées par le déploiement du contingent
français au sein de la KFOR
au Kosovo . Une force de 7.000
militaires français prend ainsi la suite de la force de
Macédoine. L'effectif de la marine est ramené à 600
militaires, tandis que, pour l'heure, le personnel de l'armée de l'air
va largement décroître.
Le déploiement, sur la durée, d'une force française
importante invite, dès lors, à s'interroger sur les conditions de
prise en charge budgétaire des dépenses liées à
cette présence.
b) Une solution à prévoir en construction budgétaire
La loi
de programmation 1997-2002 avait prévu une
clarification du mode de
financement
des opérations extérieures. Elle avait ainsi
distingué -rappelons-le- deux catégories d'opérations
extérieures :
- les
opérations extérieures dites
" courantes ",
qui revêtent un caractère permanent,
seront provisionnées en loi de finances initiale ;
- les
opérations extérieures dites
" exceptionnelles "
seront couvertes par des ouvertures de
crédits complémentaires en cours d'exécution.
En principe, les opérations extérieures " courantes "
recouvrent principalement la présence de forces militaires
françaises sur le continent africain, tandis que les opérations
comme celles conduites en ex-Yougoslavie devraient bénéficier des
ouvertures nettes de crédit.
Dans la pratique, le financement des surcoûts entraînés par
les opérations extérieures combine ou fait alterner les moyens
suivants :
- les
redéploiements internes
ou
mesures
d'économies
au sein du budget de la défense ;
- les
ouvertures de crédits complémentaires
en cours
d'exécution ; ainsi, le dernier collectif budgétaire
avait-il procédé en décembre dernier à une
ouverture de 265 millions de francs destinés à abonder les
chapitres d'alimentation et de fonctionnement liés aux opérations
extérieures ;
- l'
inscription en loi de finances initiale de crédits
budgétaires
, intervenue pour la première fois dans le projet
de budget pour 1998 afin de provisionner (à hauteur de 260 millions de
francs) une partie de l'indemnité de sujétion pour service
à l'étranger -ISSE-. Dans la loi de finances initiale pour 1999,
la provision a été réduite à 160 millions de francs
compte tenu notamment du désengagement des forces françaises en
République centrafricaine.
Au regard de ces différents modes de financement, l'intervention
française au Kosovo appelle deux observations :
- d'une part, il est
indispensable
que la prise en charge des
surcoûts
repose sur l'ouverture de crédits
supplémentaires et non sur des mesures d'économie internes alors
même que les armées sont déjà soumises à
un cadre budgétaire très contraignant ;
- d'autre part, dans la mesure où cette opération, comme du reste
la présence française au sein de la SFOR paraît
appelée à se prolonger, n'est-il pas temps d'inscrire dans la loi
de finances initiale les provisions nécessaire ? Pour votre
commission, dès lors qu'il est possible de prévoir avec une
certaine assurance le montant des dépenses liées à une
opération extérieure poursuivie d'année en année,
une bonne application des principes budgétaires devrait conduire
à la mise en place dans le projet de budget d'une
enveloppe
substantielle en lieu et place des provisions actuelles, purement
symboliques
.