Les personnels de l'armée de terre face à la professionnalisation : bilan d'étape
VINCON (Serge)
RAPPORT D'INFORMATION 457 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. L'ACTIF DU BILAN : CIVISME DES APPELÉS, RECRUTEMENT DES MILITAIRES DU RANG ENGAGÉS ET MODALITES DE LA DEFLATION DES EFFECTIFS DE CADRES
- II. TROIS INTERROGATIONS : L'AVENIR DE LA SITUATION DES CADRES, LA GESTION DES MILITAIRES DU RANG ENGAGES ET LE VOLONTARIAT DANS L'ARMEE DE TERRE PROFESSIONNALISEE
-
III. DEUX DIFFICULTES, LIEES A UNE GESTION DE PLUS EN
PLUS COMPLEXE DE LA RESSOURCE APPELÉE ET A LA SITUATION DES PERSONNELS
CIVILS
- 1. Une ressource appelée de plus en plus virtuelle
- 2. Les personnels civils : un décalage entre les besoins et les effectifs réalisés impose la recherche de modalités d'organisation différentes pour les fonctions non opérationnelles
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N°
457
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur les personnels de l'armée de terre face à la professionnalisation : bilan d'étape,
Par M.
Serge VINÇON,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Défense. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
A mi-parcours de la période de transition définie par la loi de
programmation militaire 1997-2002 pour la mise en oeuvre de la
professionnalisation, l'heure est venue d'évaluer le processus en cours
dans l'armée de terre.
Cette armée est, ce jour, professionnalisée à 64%
-l'objectif étant de 69% pour la fin de 1999. A l'échéance
de l'été 1999, 236 unités de combat auront
été professionnalisées, soit 60% de la cible, qui concerne
395 formations.
Consacrer un bilan spécifique à la professionnalisation des
forces terrestres s'impose. En effet, l'abandon de la conscription a induit des
contraintes particulières pour l'armée de terre par rapport aux
autres armées et à la gendarmerie, compte tenu de la
part
traditionnellement très significative des appelés dans ses
effectifs
. Ainsi, les appelés représentaient-ils en 1996 56%
des effectifs militaires de l'armée de terre. Cette proportion
s'établissait, la même année, à seulement 36% pour
l'armée de l'air, 28% pour la Marine et 13% pour la Gendarmerie, la
moyenne globale étant alors de 40% pour l'ensemble des armées.
C'est donc pour l'armée de terre que se pose dans les termes les plus
difficiles la question de la disparition du service national à partir de
la classe 1999.
Cette contrainte n'est d'ailleurs pas propre à la France. Le poids
spécifique de la professionnalisation pour les forces terrestres,
traditionnellement plus « consommatrices »
d'appelés, est également mise en évidence par l'analyse
des processus de professionnalisation britannique et américain.
En privant l'armée de terre d'une main d'oeuvre nombreuse et
généralement jugée de qualité, la
professionnalisation implique, en effet, le
recrutement
de personnels
susceptibles de se substituer aux appelés, qu'il s'agisse de personnels
civils ou militaires
(volontaires du service national, militaires du
rang engagés et, dans une certaine mesure, réservistes). La
professionnalisation suppose également la mise en place d'une
organisation différente
, plus
« économe » en effectifs et passant, le cas
échéant, par l'externalisation de certaines tâches.
Les difficultés posées aux forces terrestres, en termes de
personnels, du fait de la professionnalisation, excèdent donc le
problème, en apparence arithmétique, du remplacement
d'appelés par des professionnels (civils ou militaires). Il s'agit, en
réalité, d'une
mutation profonde
à laquelle
n'échappe aucune des fonctions de l'armée de terre :
- ni les
aspects opérationnels
de son mandat (désormais
fondé sur la priorité donnée à la projection, le
cas échéant dans un cadre interarmées et international),
-
ni l'organisation de son
soutien
et de sa
logistique
(
qui devra
reposer sur un recours accru à des personnels
civils),
- ni l'orientation de ses relations avec la Nation, profondément
remaniées par la substitution de l'appel de préparation à
la défense au traditionnel service national et par la
nécessité de rendre attractives les
différentes formes
d'engagement proposées
(volontariat, réserves ou engagement
classique).
C'est donc à une véritable
révolution culturelle
que les réformes en cours invitent l'armée de terre.
*
* *
Le
présent rapport d'information limitera son objet à un
bilan
du
processus de professionnalisation des forces terrestres sous l'angle
des personnels
1(
*
)
. Les questions relatives
aux restructurations et aux aspects budgétaires de la transition ne
seront donc abordées qu'incidemment.
Ce bilan met en évidence, tout d'abord,
trois motifs de
satisfaction
: les conditions jusqu'à présent
relativement satisfaisantes de l'extinction progressive du service national, le
recrutement des militaires du rang engagés et la réalisation dans
des conditions harmonieuses des déflations d'officiers et de
sous-officiers.
Il soulève, dans un deuxième temps,
trois
interrogations
: sur l'avenir du volontariat, sur la place des cadres
dans l'armée de terre et sur la gestion des premières
affectations et de la formation des militaires du rang.
Il met en évidence, enfin,
deux difficultés
, liées
aux perspectives des incorporations d'appelés pour la fin de la
période de transition et à la place des personnels civils par
rapport aux schémas établis par la loi de programmation. Cette
dernière difficulté impose une réflexion renouvelée
sur l'organisation des fonctions non opérationnelles dans l'armée
de terre, afin de préserver l'objectif d'affectation exclusive des
personnels militaires professionnels dans les fonctions
opérationnelles.
I. L'ACTIF DU BILAN : CIVISME DES APPELÉS, RECRUTEMENT DES MILITAIRES DU RANG ENGAGÉS ET MODALITES DE LA DEFLATION DES EFFECTIFS DE CADRES
1. Le civisme des jeunes gens soumis aux obligations du service militaire de dix mois
En
dépit des difficultés liées aux perspectives de la gestion
des effectifs appelés (voir infra, II), force est de souligner que la
suspension de la conscription, à partir de la classe d'âge 1999,
n'a pas eu pour corollaire une augmentation du taux d'insoumission. Les jeunes
Français soumis au code du service national antérieur à la
réforme d'octobre 1997 continuent à rejoindre les armées
pour y accomplir leurs obligations militaires.
L'armée de terre a ainsi, en 1998,
réalisé 94 % des
postes d'appelés.
Selon les observateurs, le
déficit de
6 % en moyenne annuelle ainsi subi
par rapport aux effectifs
prévus par la loi de programmation (et confirmés par le budget de
1998) n'a pas constitué un handicap majeur, malgré des variations
sensibles, certains bimestres, du nombre d'incorporations.
Or, l'extinction progressive et dans des conditions harmonieuses du service
national est vitale pour l'armée de terre :
- en raison de la
part traditionnellement importante des appelés
dans les effectifs de cette armée :
56% des effectifs
militaires
en 1996
, 50% en 1997, 44 % en 1998
et encore
36%
2(
*
)
en 1999
;
- parce que cette extinction progressive a toujours été
considérée, notamment pour l'armée de terre, comme le
gage d'une transition réussie vers l'armée professionnelle
et comme la condition du
maintien d'une capacité
opérationnelle immédiate.
L'incorporation des jeunes gens
encore soumis au service national dans son régime antérieur
à la réforme d'octobre 1997 est donc nécessaire pour
éviter la désorganisation des formations dans le domaine de la
vie courante.
La Marine et l'armée de l'air, moins tributaires de la ressource
appelée, ont en revanche pu faire le choix de rallier plus rapidement
leur configuration d'armée professionnalisée. Ce scénario
ne paraissait pas envisageable pour les forces terrestres, où les
appelés occupent encore un
tiers des postes
et
représentent toujours
plus du double des effectifs civils.
Rappel : Évolution de la part du service national dans les effectifs des forces terrestres (1996-2002)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2002 |
Évolution 1999/1996 |
Évolution 2002/1996 |
Active |
104.307 |
108.927 |
113.424 |
117.853 |
133.126 |
+ 13 % |
+ 27,6 % |
Effectifs appelés, puis volontaires |
132.319 appelés |
111.039 appelés |
89.790 appelés |
67.530
appelés
|
-
|
- 48 % |
- 95,8 % |
Sous-total effectifs militaires |
236.626 |
219.966 |
203.214 |
186.744 |
138.626 |
- 21 % |
- 41,4 % |
Personnels civils |
31.946 |
32.276 |
32.620 |
32.794 |
34.000 |
+ 2,65 % |
+ 6,4 % |
TOTAL |
268.572 |
252.242 |
235.834 |
219.538 |
172.626 |
- 18,2 % |
- 35,7 % |
2. Une montée en puissance favorable des effectifs de militaires du rang engagés
L'augmentation régulière et significative des effectifs de militaires du rang engagés, ou EVAT (engagés volontaires de l'armée de terre) constitue un autre aspect positif de la professionnalisation des forces terrestres. Cette évolution favorable conforte a posteriori l'engagement de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en faveur de la professionnalisation, malgré les craintes que pouvaient susciter, lors du lancement de cette réforme au printemps 1996, la nécessité d'augmenter de 120% les effectifs de militaires du rang entre 1996 et 2002 :
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2002 |
Évolution 1999/1996 |
Évolution 2002/1996 |
Effectifs d'EVAT |
30.202 |
36.077 |
41.956 |
47.835 |
66.681 |
+ 58,4 % |
+ 120 % |
Part dans les effectifs militaires |
12,7 % |
16,4 % |
20,6 % |
25,6 % |
48 % |
- |
- |
Part dans le total des effectifs forces terrestres |
11,3 % |
14,3 % |
17,8 % |
21,7 % |
38,6 % |
- |
- |
Le
besoin croissant en militaires du rang engagés
constitue, en
effet, un élément clé du processus de professionnalisation
des forces terrestres, eu égard au rôle déterminant
joué désormais par les EVAT, dont les effectifs passeront,
parallèlement à la diminution progressive de la ressource
appelée, de 30.202 en 1996 à 66.681 en 2002. La
professionnalisation a, en effet, conduit à remplacer trois
appelés pour un engagé. Les EVAT représenteront ainsi, en
2002 :
- 48 % des militaires de l'armée de terre,
- 38 % des effectifs totaux de cette armée, personnels civils compris.
Cet accroissement significatif passe par une augmentation annuelle moyenne de
6.000 du nombre des EVAT, qui suppose un recrutement total d'environ 10.000 de
ces personnels
3(
*
)
, eu égard à un
flux relativement important de départs et de promotions dans le corps
des sous-officiers (de l'ordre de 4.000 par an). Ce chiffre est à
comparer aux 3.000 recrutements d'EVAT opérés en 1994, aux 5.000
recrutements de 1995 et aux 6.700 recrutements de 1996.
On aurait pu craindre que la disparition de la conscription ne constitue une
entrave à un tel développement, compte tenu de la part
traditionnellement importante du recrutement dit
« ultérieur » (à partir du service national)
dans celui des EVAT. Le recrutement ultérieur a toujours, en effet,
représenté une part substantielle (entre 38% et 60%) du
recrutement des EVAT depuis le début de la présente
décennie
4(
*
)
.
Or, les statistiques les plus récentes font apparaître que :
-
l'armée de terre recrute sans difficultés les 6.000 EVAT
supplémentaires autorisés chaque année par son
budget ; les forces terrestres devraient de ce fait compter, à la
fin de 1999, 48.000 EVAT, le chiffre s'établissant déjà,
au ler février 1999, à 45.363 ; ces volumes sont strictement
conformes à la montée en puissance requise par la loi de
programmation militaire ;
- dès lors, 69 % de la cible définie pour 2002 était
atteinte en février 1999
, chiffre appelé à atteindre
73 % en fin d'année 1999.
Le
niveau scolaire des EVAT au
recrutement n'a, par ailleurs, pas été affecté par
l'augmentation des effectifs
d'engagés, comme le montre le graphique
ci-dessus.
Ainsi la proportion d'EVAT recrutés au niveau terminale ou plus (niveaux
5, 6 et 7) s'établissait-elle, au début de 1999, à
32
%.
Cette proportion était de 29 % en 1997 et de 14 % en
1993.
La stabilité de la part de cette catégorie d'engagés parmi
les EVAT recrutés (voire sa progression à moyen terme) montre
que, en dépit des craintes exprimées lors de la mise en oeuvre de
la professionnalisation, on est loin d'une armée de terre recrutant
essentiellement parmi les " laissés pour compte " de notre
société. Par ailleurs, on note que la proportion d'engagés
recrutés au niveau 4 (classes de seconde et de première, brevet
des collèges, CAP, BEP) est, elle aussi, restée stable ;
elle s'établissait à 56 % en février 1999, contre
57 % en 1997.
En outre, la part des recrutements ultérieurs (réalisés
à partir du service national) ne domine plus systématiquement le
recrutement des EVAT ; on observe une
progression
régulière des engagés issus des recrutement initiaux,
n'ayant donc eu
aucun contact avec les armées
avant de souscrire
leur engagement. Ce recrutement initial a pu, depuis mars 1998,
représenter certains mois jusqu'à 82 % du volume d'EVAT
recrutés, la moyenne observée en 1998-1999 s'établissant
à
plus de 59 %.
Cette proportion favorable confirme l'aptitude de l'armée de terre
à attirer chaque année plusieurs milliers de jeunes gens qui
n'ont encore eu aucun contact avec les armées :
le recrutement
des EVAT tend ainsi à devenir autonome par rapport au service national.
Ces évolutions positives tiennent pour partie à la
réévaluation récente du statut et du cursus des militaires
du rang engagés, réévaluation tenant à :
- la revalorisation des rémunérations ;
- l'amélioration des perspectives de carrière, avec accès
à des carrières longues (jusqu'à vingt deux ans de
service), fondé sur la réussite au CT1 (certificat technique du
premier degré) retenu de préférence au CAT2 (certificat
d'aptitude technique du deuxième degré), jugé
excessivement sélectif ;
- l'accès à un dispositif de reconversion avantageux en fin de
contrat.
ENGAGÉS VOLONTAIRES DE L'ARMÉE DE TERRE : CURSUS ET RECONVERSION
1) Un
cursus plus attractif, redéfini en fonction des exigences de
l'armée de terre professionnalisée, et fondé sur le
coexistence de carrières courtes et de carrières longues
- Carrières courtes (onze ans de service au plus)
.
destinées à des personnels affectés à des
tâches d'exécution dans un cadre opérationnel ;
.
possibilité d'accéder à la distinction de
lère classe dès six mois de service (au lieu de dix mois
antérieurement), à la fin de la période probatoire ;
.
aptitude à tenir un poste « projetable »
matérialisée par la distinction de lère classe.
- Carrières longues (entre onze et vingt-deux ans de service)
.
accessibles aux caporaux-chefs ayant réussi le CT1 (certificat
technique du premier degré) ;
.
susceptibles de concerner environ 20 % de la ressource globale ;
.
destinées aux personnels ayant vocation à occuper des
emplois de spécialistes ;
.
alternance de fonctions opérationnelles projetables, puis de
fonctions « base » ou « soutien » ;
.
maintien des possibilités d'accès au corps des
sous-officiers (56 % des sous-officiers devront, à terme, être
issus des corps de troupe, en cohérence avec la diminution de la part
des écoles dans le recrutement des sous-officiers).
2) Revalorisation des rémunérations
La situation matérielle des militaires du rang engagés (MdR),
dénommés EVAT (Engagés Volontaires de l'Armée de
Terre) au sein de l'armée de terre a fait l'objet d'améliorations
successives.
La loi du 16 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel
militaire dans le cadre de la professionnalisation a, tout d'abord,
prévu le versement aux MdR de la solde mensuelle, au lieu et place de la
solde spéciale progressive, induisant une première
amélioration de la valeur de la solde indiciaire qui leur est
allouée. Le coût de cette mesure a été traduit
budgétairement par la loi de finances pour 1997.
Ultérieurement, l'accord salarial de février 1998 (dit
« accord Zucarelli ») a, par deux mesures distinctes, de
nouveau amélioré la situation matérielle des MdR.
D'une part, l'accord salarial a prévu que l'ensemble des traitements
indiciaires (hors rémunérations accessoires) soient, au sein de
la fonction publique, fixés au minimum au niveau du SMIC ; cette
mesure a été sans conséquence pour les agents civils qui,
au cas où leur rémunération principale était
inférieure au SMIC, percevaient une indemnité
différentielle qui a été supprimée par
l'accord ; les MdR, en revanche, n'atteignaient, pour les premiers
échelons,
le niveau du SMIC qu'une fois les
rémunérations accessoires et avantages en nature pris en
compte ; ceux-ci ayant naturellement subsisté, l'accord salarial
s'est traduit par une amélioration nette de leur
rémunération.
D'autre part, l'accord salarial s'est traduit par l'octroi de points d'indices
supplémentaires aux « bas salaires » de la fonction
publique, mesure qui a bénéficié pleinement aux MdR (mais
aussi à une partie des sous-officiers).
Ces deux mesures ont été traduites budgétairement en loi
de finances pour 1999 et devraient également susciter de nouvelles
inscriptions de crédits dans le projet de loi de finances pour 2000.
Au total, un MdR perçoit aujourd'hui au minimum le SMIC, auquel
s'ajoutent des indemnités (indemnité pour charges militaires,
indemnité de service en campagne etc...) et des avantages en nature
(nourriture et hébergement, régime du « quart de
place » pour les déplacements ferroviaires).
3) Accès à un dispositif de reconversion spécifique aux
militaires du rang engagés depuis la loi du 16 décembre 1996
- congé de reconversion d'une durée maximale de douze mois,
permettant aux intéressés de préparer leur seconde
carrière sous statut militaire (durée moyenne de la reconversion
d'un engagé : six mois) ;
- indemnité de départ revalorisée (d'un montant de 24 mois
de solde brute, non imposable) pour les militaires du rang engagés
quittant l'armée à partir de quatre années de service
(sans droits à pension de retraite) ;
- possibilité, à partir de quatre ans de service, de
bénéficier du dispositif d'aides déjà existantes
avant la mise en oeuvre de la professionnalisation (préparation aux
concours d'accès à la fonction publique, admission à un
stage de formation professionnelle en milieu militaire ou civil, participation
aux sessions d'orientation approfondies et aux sessions de techniques de
recherche d'emploi organisées dans les unités...).
Les effectifs ayant vocation à bénéficier de ces divers
congés représenteraient un volume annuel de 2.300 EVAT environ,
qu'il convient de déduire des effectifs immédiatement
disponibles, donc projetables.
4) Pyramidage des EVAT
La cible définie pour 2004 fait apparaître une répartition
plus équilibrée entre les trois catégories de militaires
du rang engagés (caporaux-chefs, caporaux et soldats) :
|
Situation de 1996 |
Cible de 2004 |
||
|
Effectif |
Pyramidage |
Effectif |
Pyramidage |
Caporal chef |
13.578 |
45% |
26.673 |
40% |
Caporal |
7.967 |
26% |
20.004 |
30% |
Soldat |
8.857 |
29% |
20.004 |
30% |
Total |
30.202 |
100% |
66.681 |
100% |
3. Officiers et sous-officiers : une déflation relativement harmonieuse
Parallèlement à la réévaluation du taux d'encadrement (voir infra), l'armée de terre procède à la déflation de ses effectifs d'officiers et de sous-officiers, orientée vers la résorption d'importants sureffectifs, dans la logique de l'édification d'un modèle d'armée adapté aux besoins actuels de sécurité.
a) Cas des officiers
En ce
qui concerne les officiers, le maintien d'un flux de recrutement relativement
important (stabilisé à 800 postes par an environ, toutes origines
confondues -direct, semi-direct, promotion interne et ORSA) est destiné
à limiter le vieillissement de cette catégorie, tandis que les
départs volontaires
sont encouragés pour favoriser les
équilibres quantitatifs. Les différentes modalités d'aide
au départ offertes aux officiers (dispositif mis en place par les
articles 5 et 6 de la loi du 30 octobre 1975, accès aux corps de la
fonction publique prévu par la loi 70-2 du 2 janvier 1970,
changement d'armée, reconversion dans le civil, pécules
créés par la loi n° 96-111 du 19 décembre
1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la
professionnalisation) sont toutes sollicitées pour réaliser cet
objectif.
De fait, les départs d'officiers liés à l'attribution d'un
pécule ne représentent pas la majorité des départs
volontaires d'officiers. En 1997, 122 pécules ont ainsi
été attribués, soit 15 % des 817 départs
volontaires enregistrés cette même année. La proportion
était comparable en 1998 (115 pécules, soit 14 % des 815
départs volontaires) ; elle devrait l'être également
en 1999 (119 pécules prévus sur un volume de 807 départs
volontaires). Les besoins en pécules pour 2000 sont estimés
à 135 pour la catégorie des officiers.
b) Cas des sous-officiers
Les
pécules
jouent en revanche un rôle décisif dans le
rééquilibrage du corps des sous-officiers,
caractérisé par d'importantes tensions à l'avancement, par
un certain vieillissement (lié à la loi n° 91-1241 du
13 décembre 1991 ayant instauré une limite d'âge
unique par grade), et par d'évidents déséquilibres de la
pyramide des grades (sureffectif en adjudants-chefs et en adjudants,
sous-effectif en sergents).
La conduite, depuis 1995, d'un plan de résorption des effectifs,
conjugué à la mise en oeuvre du dispositif des pécules, a
permis de rééquilibrer le corps des sous-officiers et de
reprendre, en 1998, un niveau de recrutement susceptible de rajeunir cette
catégorie. Des pécules ont ainsi été
attribués à 1.062 sous-officiers en 1997, 1.366 en 1998,et 981 en
1999.
Les besoins pour 2000 sont estimés à 924 pécules de
sous-officiers.
II. TROIS INTERROGATIONS : L'AVENIR DE LA SITUATION DES CADRES, LA GESTION DES MILITAIRES DU RANG ENGAGES ET LE VOLONTARIAT DANS L'ARMEE DE TERRE PROFESSIONNALISEE
1. La place faite aux cadres dans l'armée de terre professionnalisée
Différentes observations conduisent à
s'interroger sur
la place définie par la loi de programmation militaire pour les
officiers et sous-officiers de l'armée de terre.
S'agissant des
sous-officiers,
la réévaluation très
substantielle dont a fait l'objet la situation des EVAT, tant en ce qui
concerne les rémunérations qu'en ce qui concerne les cursus
désormais proposés, a pour conséquence une sorte de
« mal-être » des jeunes sous-officiers. Certains
s'interrogent sur les avantages liés à la situation de cadre, par
rapport à celle des EVAT. Cet état d'esprit n'est pas uniquement
lié à l'aspect matériel de leur situation, mais aussi
à la définition de leurs fonctions, parfois figée, moins
valorisante que par le passé. Cette évolution tient à une
tendance récente à confier, dans certains cas, à des
sous-officiers des tâches qui incombaient auparavant à des hommes
du rang. Il convient toutefois de relever que cette impression de
" déclassement " est liée au fait que certains
caporaux-chefs engagés avaient pu occuper des postes de sergents en
raison d'un sous-effectif chronique dans cette catégorie.
S'agissant des
officiers
, le projet récent de création
d'une
filière
d'officiers experts
conduit à
s'interroger sur la gestion de la seconde partie de carrière des
officiers. En effet, la
réduction du nombre d'unités,
opérée dans le cadre des restructurations mises en oeuvre pendant
la période de transition, a pour conséquence de
limiter les
perspectives de commandement
offertes aux officiers de l'armée de
terre.
La filière d'officiers experts tend ainsi à créer,
à partir du
cadre
spécial,
un corps d'experts dont
le cursus sera différent, en
seconde partie de
carrière
, de celui des officiers des armes. Des postes
« d'experts » pourront donc être proposés
à terme, à des officiers ayant certes accompli leur temps de
commandement en unité élémentaire, mais qui ne seront pas
appelés à avoir accès au commandement d'un régiment.
La création de la voie « experts » est
présentée comme destinée à
répondre
à de nouveaux besoins de compétence
, dans des domaines
où l'on observe une technicité croissante, tels que les
télécommunications, le renseignement, les relations
internationales, la gestion des ressources humaines et la logistique.
A ce jour, ce projet appelle deux catégories d'interrogations :
Les emplois correspondant à la voie « experts »
correspondent-ils à la
vocation
des officiers de l'armée
de terre ? Un jeune choisit-il cette carrière pour occuper un
poste, requérant certes une compétence réelle, mais
très comparable à ceux offerts à de nombreux hauts
fonctionnaires civils
? Quelle seront les conséquences de la
voie « experts » sur le
profil à venir des
officiers de l'armée de terre ?
Ne risque-t-elle pas
d'attirer vers cette carrière des jeunes gens modérément
motivés par les aspects strictement militaires de leur
métier ?
Cette question mérite d'autant plus d'être posée que la
voie " experts " serait destinée à représenter
40 % du corps des officiers de l'armée de terre.
Par ailleurs, la
voie « experts » ne permettrait-elle pas aussi de
résoudre partiellement les difficultés posées par la
gestion de la carrière de certains officiers, qui risqueraient
peut-être de se trouver en
surnombre
à partir d'un certain
grade, faute d'avoir pu accéder au temps de commandement conditionnant
statutairement leur avancement ?
Ces diverses réflexions soulignent les
paradoxes liés à
la
réévaluation du taux d'encadrement de l'armée de
terre, corollaire pourtant probablement indispensable
de la
professionnalisation. En effet, l'objectif tendant à atteindre
un
taux
d'encadrement de 50% dans l'armée de terre française
à l'échéance de
2002
, constitue un
intermédiaire entre la situation observée dans l'armée de
terre britannique (taux d'encadrement de 49%) et celui de l'armée de
terre américaine (56%). Les exemples britannique et américain
valident un modèle fondé sur une proportion de cadres
sensiblement équivalente à la moitié des effectifs. La
participation accrue de la France à des structures internationales (type
Eurofor et Eurocorps) constitue également l'un des arguments
cités à l'appui de la revalorisation du taux d'encadrement, de
même que la mise en oeuvre d'équipements de haute technologie (le
char Leclerc et le lance-roquettes multiples requièrent ainsi des
équipages constitués de cadres à raison des deux-tiers).
La revalorisation du taux d'encadrement laisse cependant entières les
difficultés posées par l'existence de
besoins très
diversifiés en fonction
des grades.
Les besoins actuels
soulignent une exigence de jeunesse et de dynamisme qui impliquent des
effectifs nombreux à la base des pyramides des officiers et
sous-officiers.
Les pyramides détaillées par catégorie
définies à l'échéance de 2002, font cependant
apparaître une
proportion constante
d'officiers du groupe I
(capitaines inclus), du groupe II (de commandant à lieutenant-colonel),
du groupe III (colonel) et des officiers généraux, par rapport
à la situation observée en 1996 :
Pyramidage par catégories - Officiers de l'armée de terre
|
1996 |
2002 |
||
|
Effectifs |
Poids relatif |
Effectifs |
Poids relatif |
Groupe I |
10 593 |
60, 67 % |
9 746 |
60, 6% |
Groupe II |
5 581 |
31,96 % |
5 135 |
31, 9% |
Groupe III |
1 094 |
6,27 % |
1 021 |
6,35 % |
Off. généraux |
193 |
1,11 %. |
178 |
1,11% |
TOTAL |
17 461 |
|
17 080 |
|
La même remarque vaut pour les sous-officiers (groupe I : sergents et sergents-chefs, groupe II : adjudants et adjudants-chefs et groupe III : majors) qui, en dépit de la déflation opérée dans cette catégorie pendant la programmation, ne connaissent pas un rééquilibrage sensible du poids relatif des différentes catégories :
Pyramidage par catégories - Sous-officiers de l'armée de terre
|
1996 |
2002 |
||
|
Effectifs |
Poids relatif |
Effectifs |
Poids relatif |
Groupe I |
29 586 |
52, 2% |
25 988 |
51, 6% |
Groupe II |
24 975 |
44 % |
22 489 |
44, 65% |
Groupe III |
2 083 |
3, 68% |
1 888 |
3,75% |
TOTAL |
56 644 |
|
50 365 |
|
On peut
donc se demander s'il n'aurait pas été pertinent de
procéder, pendant la période de transition, à une certaine
réévaluation de la part occupée par la base de la
pyramide, tant pour les officiers que pour les sous-officiers. Cette
orientation aurait probablement exigé une
politique plus
volontaire
d'incitation au départ précoce des cadres de
l'armée de terre
que celle qui a été conduite
jusqu'à présent.
Notons, en effet, sur ce point, que la gestion du dispositif des pécules
(voir supra I-3), ne semble pas avoir eu pour objectif principal
d'améliorer la pyramide des grades des cadres de l'armée de terre
à partir
d'incitations au
départ sélectives,
mais de
résorber des déséquilibres quantitatifs
globaux
.
Les pécules ont ainsi fréquemment été
attribués, en 1997-1998, à des cadres qui auraient, de toute
façon, été concernés par la limite d'âge de
leur grade pendant la loi de programmation, et non aux cadres pour qui
l'attribution d'un pécule aurait constitué un encouragement au
départ précoce.
Pour les officiers, le point d'application
moyen du pécule s'établissait, en 1997, à cinq ans et
quatre mois : les bénéficiaires auraient donc
inéluctablement quitté le service en 2002.
La même
remarque vaut aussi, dans une moindre mesure, pour 1998, avec un point
d'application moyen de 5 ans et 6 mois.
S'agissant des sous-officiers, les pécules ont été
utilisés, en 1997, pour
favoriser le maximum de départs,
dans le cadre de l'effort général de résorption des
sureffectifs. En 1997, la plupart des pécules ont
bénéficié à des adjudants-chefs et à des
majors, respectivement 651 et 254 sur 1062. Une forte proportion des
bénéficiaires étaient concernés par la limite
d'âge de leur grade avant le terme de la loi de programmation. Dans cette
logique, l'attribution du pécule peut être comparée, dans
une certaine mesure, à un
élément de
l'amélioration de la condition militaire
, et non exclusivement
à une modalité de gestion du corps des sous-officiers. Les
pécules attribués à des militaires qui auraient
été touchés par la limite d'âge après le
terme de la loi de programmation n'ont représenté que 5% des
pécules attribués aux sous-officiers.
Ce n'est qu'en 1998 et, plus systématiquement, en 1999, que la politique
d'attribution des pécules a été orientée vers une
amélioration de
pyramide de grade.
En 1999, le point d'application moyen du pécule des officiers s'est
éloigné de la limite d'âge, et a été
établi à six ans et un mois. Les pécules sont donc
attribués désormais à des officiers appelés
à quitter le service après 2002. La même remarque vaut pour
les sous-officiers : le recul du point moyen d'attribution de
pécule permet, pour cette catégorie également, de
créer de « vrais » départs
(c'est-à-dire des départs de militaires touchés par la
limite d'âge au-delà de la loi de programmation). Les
« vrais » départs ont ainsi
représenté, en 1998, 35% des départs favorisés par
les pécules, soit un progrès sensible par rapport à 1997.
L'objectif défini pour 1999 est d'accroître encore ces vrais
départs, et de poursuivre l'effort en faveur de la résorption des
sureffectifs d'adjudants (393 adjudants bénéficiaires de
pécules en 1999, 157 en 1997 sur un total de 981 pécules de
sous-officiers).
Si les grands équilibres quantitatifs peuvent actuellement être
considérés comme atteints, un
effort important reste donc
à conduire pour
parvenir à une répartition
harmonieuse entre les différents groupes de grades
et entre les
spécialités.
On relève ainsi un sureffectif problématique de pilotes
d'hélicoptères, d'autant plus difficile à réduire
qu'il concerne une population jeune, et par conséquent,
éloignée de la limite d'âge.
De même, les sureffectifs de lieutenants-colonels et d'adjudants
plaident-ils pour le maintien de moyens substantiels consacrés aux
pécules, afin que ceux-ci puissent véritablement encourager les
« vrais » départs et contribuer à assainir la
pyramide des grades.
2. La lente montée en puissance du volontariat dans l'armée de terre
Des
statistiques récentes font apparaître une lente montée en
puissance du volontariat dans les armées et la gendarmerie. Au
1
er
mars 1999, l'effectif réalisé était de
1.637 ; au 1
er
avril, il représentait 1.933 volontaires
(1.562 dans la gendarmerie, 362 dans l'armée de terre et 9 dans la
marine), l'objectif portant sur 4.751 contrats pour l'année 1999.
On peut, certes, expliquer ce modeste engouement des jeunes par le
caractère extrêmement récent du volontariat, encore
quasiment expérimental à ce jour. On peut aussi alléguer
le fait que l'appel de préparation à la défense,
institution elle aussi très neuve, n'a pas encore pu jouer son
rôle d'information et n'a pas été en mesure d'aider
à s'exprimer les vocations de volontaires dans l'armée.
La relative faiblesse du nombre de volontaires -si du moins l'on fait exception
du nombre de contrats souscrits par la gendarmerie- ne peut toutefois manquer
de surprendre, compte tenu de l'effet d'aubaine dont auraient dû
bénéficier les volontariats militaires, dès leur
création, à l'instar des
emplois jeunes
dont il
constituent le
prolongement dans l'armée
.
A quoi tient cet empressement limité des jeunes Français à
souscrire un volontariat militaire, qui contraste avec le succès
remporté par les emplois jeunes ?
On ne saurait imputer cette situation à un statut matériel
insuffisamment généreux (voir l'encadré
ci-après) : solde assise sur le SMIC, avantages en nature,
indemnités et primes diverses, accès à la formation
qualifiante et au dispositif de reconversion destinés aux militaires en
fin de service constituent un environnement matériel attractif pour des
jeunes ne disposant, pour la plupart, d'aucune expérience
professionnelle. La raison de cette absence d'engouement des jeunes pour le
volontariat tient probablement davantage à une insuffisante
spécificité de ce dernier par rapport aux engagements souscrits
par les militaires du rang.
Le volontariat semble, en effet, appelé à constituer une
catégorie fortement
hétérogène
, si
l'on se réfère à la diversité des grades (de soldat
à aspirant) et des fonctions proposés. Sur ce dernier point, on
relève la coexistence d'emplois à caractère professionnel
(alimentation, bâtiment, secteur paramédical...), d'emplois de
combattant, et d'emplois susceptibles d'attirer les successeurs des
scientifiques du contingent.
LE VOLONTARIAT DANS LES ARMÉES
1)
Fondements juridiques
Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service
national. L'article L 121-1 du livre Ier du code du service national
crée un volontariat dans les armées, ouvert, sous réserve
de leur aptitude, aux jeunes gens dont l'âge est compris entre dix-huit
et vingt-six ans. Souscrit initialement pour une durée de douze mois, le
contrat de volontariat est renouvelable dans la limite de cinq ans.
La loi du 28 octobre 1997 a étendu aux volontaires de nombreuses
dispositions de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut
général des militaires :
- accès aux premiers grades de sous-officiers et officiers-mariniers,
ainsi qu'au grade d'aspirant,
- accès au dispositif de reconversion, à l'action sociale des
armées et au service de santé des armées,
- accès aux emplois réservés.
Des dispositions de la loi du 13 juillet 1972 concernant la notation et la
discipline, ainsi que l'exercice des droits civils et politiques, ont
été étendues aux volontaires.
2) Rémunération
- rémunération mensuelle brute comprise, selon le grade, entre
4.363 F (soldat) et 5.164 F (aspirant),
- vocation à percevoir toutes les indemnités prévues pour
les militaires à solde mensuelle (indemnités de résidence,
indemnités pour charges militaires, majoration DOM, primes de service,
indemnités de sujétion mensuelle de 650F pour les volontaires
dans la gendarmerie),
- prestations en nature (hébergement, alimentation, transports).
3) Cible définie pour 2002
L'effectif prévu par la loi de programmation à
l'échéance de 2002 est de 5.500 volontaires dans l'armée
de terre (2.295 dans l'armée de l'air, 1.795 dans la marine, 16.232 dans
la gendarmerie, 200 dans la DGA et 239 dans le service de santé de
l'armée).
Concernant l'armée de terre, la pyramide des grades de volontaires est
la suivante :
- 3.300 volontaires occupant des emplois de militaires du rang,
- 1.200 « « sous-officiers,
- 1.000 « « d'officiers.
40% de volontaires occuperaient donc un emploi d'encadrement.
La montée en puissance prévue pour les volontaires de
l'armée de terre est décrite dans le tableau
suivant :
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Aspirant |
100 |
525 |
832 |
1000 |
Sergent |
155 |
675 |
1048 |
1200 |
Caporal-chef |
175 |
455 |
710 |
825 |
Caporal |
195 |
475 |
730 |
825 |
Soldat |
710 |
1270 |
1780 |
1650 |
TOTAL |
1335 |
3400 |
5100 |
5500 |
Le
volontariat s'adresse donc à des
motivations très
diversifiées
(accomplissement d'une première
expérience professionnelle, ou d'une première expérience
militaire préalable à un éventuel engagement). Telle est
d'ailleurs la vocation qui lui a été assignée dès
le départ par les auteurs de la réforme.
Or, l'idée tendant à proposer aux futurs engagés un
volontariat, destiné à confirmer leur vocation (afin de
maintenir, sous une autre forme, le système « des engagements
ultérieurs
» à partir du service national) ne
paraît pas pertinente, compte tenu, d'une part, de la
brièveté des contrats proposés aux futurs EVAT et surtout,
d'autre part, de la possibilité de résilier le contrat
d'engagement au terme d'une période probatoire de six mois.
Quant au remplacement des scientifiques du contingent, il ne semble pas
cohérent de l'asseoir sur le volontariat, le haut niveau de formation de
la population concernée dispensant très probablement celle-ci du
besoin de s'en remettre au volontariat pour effectuer une première
expérience professionnelle,
a fortiori
un stage. Le recrutement
pour l'armée de terre - et de manière générale pour
les armées et la gendarmerie - de
personnels de
haut niveau
ne saurait passer par le volontariat, insuffisamment attractif pour cette
catégorie.
Une telle formule aurait pu être envisagée dans le cadre du projet
de réforme du service national élaboré en 1996-1997, dan
une logique de quasi bénévolat qui faisait du volontariat un
service rendu par le jeune à la Nation. Or, le volontariat issu de la
loi du 28 octobre 1997 constitue avant tout, du fait d'une assimilation
très contestable aux emplois-jeunes, un service rendu par la
collectivité aux jeunes. De ce fait, ceux qui disposent d'un niveau
élevé de formation devraient avoir d'autres opportunités
pour entrer dans la vie professionnelle qu'un volontariat dans les
armées.
Une solution à la question posée par le remplacement des
appelés de haut niveau pourrait, le cas échéant,
être trouvée par le recours :
- aux
réservistes,
pour des besoins très ponctuels
(quelques semaines par an),
- aux
ORSA
(officiers de réserve en situation
d'activité), pour lesquels différentes formules de contrat cours
pourraient utilement être mises en place (selon le statut actuel, si le
premier contrat n'est que de un an, le contrat suivant a une durée de
huit ans, la durée maximale totale des services étant de vingt
années),
- à des
contractuels civils
de haut niveau, capables d'apporter
aux armées des spécificités très
« pointues » (par exemple, dans le domaine juridique),
à l'instar des «
chargés de mission
»
employés dans de nombreuses administrations.
La définition du volontariat dans les armées relève donc
du
paradoxe,
puisqu'il s'agit en quelque sorte de faire du
service
national sans conscription,
le volontaire étant conçu comme
un successeur de l'appelé.
Le manque d'empressement des jeunes à souscrire un volontariat,
opposé au succès certain rencontré par l'engagement
militaire classique dans l'armée de terre, s'explique en grande partie
par l'absence d'avantage comparatif du volontariat.
Il convient de souligner que les réserves ci-dessus exprimées ne
valent pas pour la gendarmerie, puisque celle-ci ne dispose pas de militaires
du rang.
En ce qui concerne
l'armée de terre,
il n'est pas exclu que
l'affectation des crédits consacrés aux volontaires à
l'augmentation de l'effectif des militaires du rang engagés
(pour
des contrats de courte durée), puisse constituer, dans une certaine
mesure, une
solution plus pertinente et plus adaptée aux
besoins des forces terrestres
.
3. La gestion des premières affectations et de la formation des militaires du rang engagés
- La
première affectation des militaires du rang engagés obéit
à une
logique régimentaire
, l'intéressé
étant invité, après la réussite aux tests de
sélection, à indiquer une préférence entre les
régiments qui lui sont proposés. Le critère relatif
à la
fonction
que souhaiterait exercer le nouvel engagé
sous les drapeaux n'intervient, en revanche, qu'en second lieu.
Il n'est pas exclu que ce dispositif, qui préserve les
prérogatives des chefs de corps à l'égard de l'allocation
des effectifs qui leur sont affectés, conduise à accorder une
importance insuffisante à la
vocation des intéressés.
Or, dans une armée recrutée sur la base du volontariat, il
paraîtrait, au contraire, plus judicieux de faire le plus grand cas des
préoccupations des engagés, et d'éviter d'affecter
à des fonctions de mécanicien un jeune qui serait attiré
avant tout par un poste de combattant. La sanction d'une insuffisante prise en
compte des souhaits des engagés risquerait d'être
l'
augmentation des résiliations de contrat au terme des six mois
probatoires.
On peut penser qu'une
plus grande centralisation de la gestion des
premières affectations
serait susceptible de limiter les malentendus
pouvant résulter d'une première affectation
éloignée des motivations de l'intéressé. S'ils se
répétaient, ces malentendus seraient de nature à
altérer l'image de marque de l'armée de terre auprès des
candidats à un engagement militaire.
A cet égard, il semblerait utile de tenir des
statistiques des motifs
pour lesquels les EVAT choisissent de résilier leur contrat d'engagement
au bout de six mois
. De telles informations permettraient probablement
d'aménager la gestion des premières affectations de
manière à tenir compte des souhaits des engagés, et de
tirer les conséquences de ceux-ci sur les campagnes de sensibilisation
régulièrement effectuées par l'armée de terre afin
d'encourager les engagements.
- Par ailleurs, il paraît pertinent de conduire une
réflexion
sur la formation initiale des engagés
(et, le cas
échéant, des volontaires), actuellement organisée au
niveau des régiments. La centralisation des premières semaines de
formation, qui n'existe actuellement que pour certaines fonctions,
n'induirait-elle pas quelques économies d'échelle, notamment en
ce qui concerne les
effectifs de cadres qui se consacrent à la
formation des jeunes engagés
, et qui pourraient être
affectés pour une durée relativement limitée à de
nouvelles unités spécialisées dans la formation
initiale, commune à tous les engagés ?
III. DEUX DIFFICULTES, LIEES A UNE GESTION DE PLUS EN PLUS COMPLEXE DE LA RESSOURCE APPELÉE ET A LA SITUATION DES PERSONNELS CIVILS
1. Une ressource appelée de plus en plus virtuelle
Le
civisme des jeunes Français soumis aux obligations du service national
antérieur à la loi du 28 octobre 1997 a été
souligné ci-dessus.
Mais cet aspect positif de la réforme ne saurait occulter le fait que
l'effectif très substantiel des jeunes en
report d'incorporation
fait peser sur l'armée de terre
d'importantes difficultés en
matière de gestion de la ressource.
Si l'on fait, en effet, la somme des différentes catégories
ayant vocation à bénéficier d'un report d'incorporation,
force est de constater le caractère quelque peu
« théorique » de la ressource constituée par
les jeunes gens incorporables. Il est à noter que les assouplissements
apportés par la loi du 28 octobre 1997 au régime des reports
d'incorporation ont encore aggravé la situation :
- entre 1997 et 1998, le nombre de jeunes gens titulaires de reports pour
études ou formation professionnelle a augmenté de près de
35.000 personnes
: la nouvelle loi permet, en effet, de
bénéficier de ce report jusqu'à 26 ans ;
- les titulaires d'un
contrat de travail à durée
indéterminée
ont été 30.794, au ler mai 1999,
à bénéficier des dispositions de l'article L. 5 bis A de
la loi de 1997, auxquels il convient d'ajouter les quelque 15.000 demandeurs
qui, en attente d'une décision, sont placés de facto en situation
de report ;
- si l'on ajoute les 1.761 titulaires d'un CDD, la
ponction totale sur la
ressource du service national
liée aux nouvelles dispositions
législatives s'élève à
67.555 jeunes gens
.
Cet effectif est à rapprocher d'un
volume total de 220.723
titulaires, au ler avril 1999, d'un report pour études ou formation
professionnelle, et d'un volume encore plus considérable, à la
même date, de 432.861 jeunes gens titulaires d'un report d'incorporation
de droit commun
. On compte donc 653.584 sursitaires du fait des
dispositions législatives antérieures et un volume total de
721.139 jeunes gens titulaires d'un report, quelle que soit la nature de
celui-ci.
La libéralisation des reports induite par la loi du 28 octobre 1997 est
ainsi à l'origine d'environ 9 % des reports. On remarque de plus
une
tendance (bien naturelle, au demeurant) des jeunes gens nés avant
1979 à tirer tous les avantages possibles de la nouvelle
législation sur les reports.
On constate aussi que les tensions observées à certaines
périodes à l'égard de la réalisation des effectifs
de l'armée de terre, comme le déficit préoccupant
d'août 1998, ont pu être
imputées à ces
appelés manquants du fait de l'assouplissement du régime des
reports d'incorporation opéré par la loi d'octobre 1997.
Pour l'instant, les prévisions sur le taux moyen de vacances d'emplois
d'appelés dans l'armée de terre sont de 12%, soit un chiffre
important mais non encore alarmant ; de fait, il est nécessaire
d'attendre les résultats des incorporations décisives
d'août et d'octobre 1999 avant de pouvoir exprimer une réelle
inquiétude.
Une interruption anticipée de la conscription obligerait l'armée
de terre, selon son état-major, à « mettre en
sommeil » une unité élémentaire par
régiment, ce qui compromettrait évidemment les capacités
de projection de cette armée.
Une extinction de la ressource plus
rapide que prévu conduirait inéluctablement à une
altération provisoire dans l'aptitude de l'armée de terre
à remplir son mandat opérationnel
, même s'il est vrai
que
ces difficultés imputables aux reports d'incorporation prendront
fin, de toute manière, dans trois ans
.
La solution, parfois évoquée, de l'engagement d'un effectif accru
de militaires du rang professionnels, pour pallier une insuffisance de la
ressource appelée, ne semble pas réellement pertinente. D'une
part, ce surengagement momentané d'EVAT impliquerait un certain
déséquilibre de la pyramide des âges de cette
catégorie ; d'autre part, la ponction totale des armées
s'établit déjà (toutes catégories confondues)
à 27.000 jeunes environ chaque année : aller au-delà
impliquerait d'abaisser à l'excès les critères de
sélection, ce qui n'est pas souhaitable.
2. Les personnels civils : un décalage entre les besoins et les effectifs réalisés impose la recherche de modalités d'organisation différentes pour les fonctions non opérationnelles
Le
recours accru aux personnels civils (pour lequel a été
forgé le néologisme de « civilianisation »)
était destiné, dans la logique de la loi de programmation
militaire, à
compenser la disparition des appelés
, et
devait ainsi permettre
d'affecter les militaires professionnels aux
fonctions strictement opérationnelles
, dans la logique d'une
armée conçue pour la projection.
Or,
l'insuffisante montée en puissance de ces personnels
,
illustrée par un décalage persistant entre les objectifs de la
loi de programmation et les effectifs réalisés, paraît
justifier un recours plus important à des partenaires contractuels du
secteur privé, dans le cadre d'une politique encourageant la
« sous-traitance » de manière plus
systématique. Cette nouvelle organisation des fonctions non
opérationnelles ne pouvait être envisagée en 1996, lors des
débats sur la loi de programmation, à un moment où il
paraissait logique de procéder à l'
affectation des personnels
civils rendus surnuméraires par les restructurations à des
emplois devenus disponibles du fait de la suppression de la
conscription.
a) La « civilianisation » de l'armée de terre professionnelle : une hypothèse désormais théorique à court terme.
(1) Une situation préoccupante
Dans la
logique de la loi de programmation, les personnels civils devaient passer, dans
l'armée de terre, d'un effectif de 30.596 en 1996 à 34.000 en
2002, jusqu'à représenter 20 % des effectifs globaux à
cette date au lieu de 12 % en 1996, parallèlement à la
disparition progressive des appelés et à la diminution des
effectifs d'officiers et de sous-officiers.
Les civils sont sensés, dans la maquette future de l'armée de
terre, jouer un rôle
considérable
. Affectés
exclusivement dans la
composante non projetable
de l'armée de
terre, les personnels civils peuvent servir dans les régiments, à
raison de 35 postes dans les corps de troupe, dans les services de
soutien
(commissariat, matériel, génie, ...), dans les
organismes de
formation
(écoles et centres d'instruction), dans
les
organismes à vocation territoriale
et dans les camps
d'entraînement... Dans la composante territoriale, les civils devraient,
à terme, représenter 53 % des effectifs, et 87 % dans les
services de soutien. Ils sont donc appelés à constituer une
catégorie déterminante des personnels de l'armée de
terre professionnalisée.
Or, on constate un
décalage sensible
entre les
droits
ouverts
à l'armée de terre par les budgets successifs et les
effectifs réalisés
, illustré par les graphiques
ci-après.
En 1997, la différence entre les effectifs budgétaires et les
effectifs réalisés était de 3.111 postes. Le
déficit était estimé, au début de 1999, à
3.357 postes budgétaires, soit 11 % des effectifs prévisionnels.
Il était le plus important, en 1998, dans les régions de Metz (-
16 % par rapport aux droits ouverts, soit 735 emplois vacants) et d'Ile de
France (- 22 %, soit 1.224 emplois vacants), comme l'atteste le tableau
ci-après, qui concerne les sous-effectifs constatés en
1998.
|
CMIDF (1) |
RENNES |
LIMOGES |
BORDEAUX |
LYON |
MARSEILLE |
LILLE |
METZ |
BESANÇON |
Volume |
- 1224 |
-279 |
- 344 |
- 177 |
- 75 |
- 136 |
- 95 |
- 735 |
- 92 |
% |
- 22 % |
- 8 % |
- 10 % |
- 6 % |
- 10 % |
- 5 % |
- 6 % |
- 16 % |
- 5 % |
(1)
Circonscription militaire de l'Ile-de-France
La situation actuelle est assez paradoxale. On constate, en effet, d'un
côté,
des mouvements de personnels civils liés aux
restructurations des forces et des établissements de l'armée de
terre
(2.034 emplois seraient ainsi libérés entre 2000 et
2002), tandis que
l'insuffisante mobilité géographique
des
personnels concernés
empêche l'armée de terre de
bénéficier de la ressource rendue disponible par ces
restructurations
. Il est clair, par exemple, que le camp de Mourmelon reste
peu attractif pour les personnels concernés, par rapport à
certaines affectations proposées dans le sud. Il convient, de
surcroît, de rappeler qu'une forte proportion de ces personnels n'est pas
soumise à obligation de mobilité.
Les moyens consacrés à encourager les mouvements ont pourtant
été généreusement définis :
- un agent civil touche ainsi, en cas de déménagement, entre
75.000 F et 80.000 F selon sa situation de famille,
- l'indemnité est de 54.000 F si le nouvel emploi est situé entre
20 et 40 km de son domicile,
- elle est portée de 65.000 F à 75.000 F (selon la situation de
famille) si le déplacement nécessaire excède 40 km.
Ce manque de mobilité géographique n'est pas propre à ceux
qui devraient quitter leur emploi pour s'installer dans les régions du
nord et de l'est de la France, injustement réputées
insuffisamment attractives. Des refus de mobilité géographique
sont également constatés au sein de la région de Lorraine.
Selon les informations transmises à votre rapporteur lors d'un
déplacement, le 10 juin 1999, dans la CMD (circonscription militaire de
défense) de Metz, alors qu'il est jugé indispensable de
procéder à des recrutements de personnels civils à Nancy
pour accompagner la montée en puissance du 5
e
GLCAT
(Groupement logistique du commissariat de l'armée de terre),
une
faible proportion des personnels concernés par la dissolution de l'ERCAT
(Etablissement de ravitaillement du commissariat de l'armée de
terre)
de Metz accepteraient une mobilité vers Nancy
... Cet
état d'esprit discutable des personnels civils rend
modérément pertinente la solution tendant à recruter de
nouveaux personnels pour éviter à ceux dont l'emploi serait
supprimé par les restructurations l'épreuve douloureuse d'un
déracinement entre Metz et Nancy...
En Lorraine, l'importance des besoins fait que l'offre d'emplois est
substantielle pour les personnels civils de la défense : 500 postes
dans les seuls régiments professionnalisés de la région,
et un total de 1.600 postes pour l'ensemble de la circonscription militaire de
défense.
La situation est rendue plus complexe par l'
impératif de
formation
et de
recyclage induit par les nouveaux besoins
,
parallèlement à la
technicité croissante des emplois
concernés
. Ainsi certains mécaniciens civils devront-ils
acquérir une formation les rendant aptes à servir dans des
régiments d'hélicoptères ou de blindés. Il n'est
pas exclu que cet impératif contribue, lui aussi, à
décourager de nombreux personnels.
Notons, par ailleurs, que le déficit en personnels civils dans la CMD de
Metz ne date pas de la mise en oeuvre de la professionnalisation. Le taux de
réalisation des effectifs civils s'établissait déjà
à
88 % seulement en 1996
, avant la mise en oeuvre de la
réforme, soit 507 postes vacants. La situation s'est aggravée en
1997, avec 575 agents manquants. Or, d'ici 2003, l'objectif est d'augmenter les
effectifs civils, à Metz, de 58 %, soit 1.831 créations de
postes, afin d'atteindre un effectif de 2.155 agents civils.
Le décalage entre les effectifs budgétaires et les effectifs
réalisés est également lié à la
décision prise par le Ministère du budget, dès le
début des années 1990, de limiter, voire de bloquer les embauches
d'
ouvriers d'Etat
. Rappelons, en effet, que les ouvriers d'Etat
bénéficient d'un régime de
préretraite
dès 55 ans (dénommé improprement
« dégagement des cadres »), et que la politique
tendant à interdire l'embauche d'ouvriers d'Etat était
destinée à
financer cette préretraite
particulièrement onéreuse.
Face aux besoins en personnels civils amplifiés par la
professionnalisation, il a été procédé, en
1998-1999, à des
recrutements non
négligeables
(dans le domaine essentiellement des métiers de bouche et de
l'infrastructure), tandis que de trop rares
mobilités
permettaient de pourvoir 77 postes à Metz.
593 postes
au total
ont ainsi été pourvus dans la circonscription militaire de
défense Metz, compensant le déficit qui y avait été
constaté en 1997.
Il n'en demeure pas moins que le déficit en personnels civils contribue
à
fragiliser le processus de professionnalisation
, notamment dans
l'armée de terre. En effet, la solution choisie, face à ce
déficit, a été
d'affecter des EVAT à des emplois
statiques sensés être confiés à des civils
. 800
postes de militaires du rang ont ainsi été affectés par
l'Armée de terre à des emplois à caractère
professionnel et de maintenance.
Cette solution
est, à l'évidence, de nature à
altérer les capacités de l'armée de terre à remplir
son mandat de projetabilité.
(2) Des conséquences de la « civilianisation » encore imprévues à ce jour
La part
que les personnels civils sont appelés à occuper dans les
fonctions non projetables de l'armée de terre est telle que dans
certains établissements, les personnels civils constitueront une
catégorie dominante par rapport aux militaires
. Ainsi, dans le
camp de
Mourmelon
, par exemple, devrait-on compter, en 2004,
244
personnels civils
et 102 militaires seulement.
On ne peut s'empêcher de craindre les conséquences de ce
déséquilibre
sur
l'état d'esprit des personnels
militaires
, qui pourront être tentés de comparer les
différences de statuts et d'astreintes entre civils et militaires...
Dans le même ordre d'idées, il n'est pas certain que l'on puisse
continuer à organiser l'entraînement dans des camps comme celui de
Mourmelon selon les mêmes principes qu'actuellement. Sera-t-il, par
exemple, possible de faire venir des personnels civils pour des tirs de nuit,
sans altérer l'organisation du travail dans les camps
d'entraînement ?
On peut donc s'interroger
a posteriori
sur la
pertinence du pari qui
consistait à fonder une part importante de la professionnalisation de
l'armée de terre sur le recours à un effectif accru de personnels
civils,
compte tenu des difficultés suscitées par
l'insuffisante mobilité géographique de cette catégorie.
Il semble fondé, aujourd'hui, d'envisager, pour l'organisation des
fonctions non opérationnelles dans l'armée de terre, des
solutions différentes de celles prévues par la loi de
programmation.
b) Les perspectives ouvertes par l' « externalisation » de certaines fonctions non opérationnelles
(1) Une formule à étudier
Qualifiée de manière impropre de
« sous-traitance » -car ce terme renvoie au
démembrement d'une partie d'un contrat par le recours à un autre
cocontractant- le fait de confier à des partenaires du secteur
privé des tâches exécutées jusqu'à
présent par du personnel (civil ou militaire) de la Défense
pourrait éventuellement contribuer à assurer la
professionnalisation des forces terrestres dans de meilleures conditions que si
l'on persiste à attendre la montée en puissance, désormais
relativement théorique, des effectifs civils prévus par la loi de
programmation.
Il faut aussi rappeler que le recours à des cocontractants privés
extérieurs est
habituel à la Défense
, notamment
dans le domaine de l'entretien des infrastructures. Ce recours au privé
est, à tout le moins, aussi vieux que les
marchés publics
.
En 1998-1999, l'armée de terre a ainsi consacré quelque
900
millions de francs
de son budget à de semblables prestations.
Les difficultés causées par le déficit de personnels
civils pourrait justifier un
renforcement de ce mode d'organisation
,
déjà pratiqué par la Défense à une
échelle moindre, dans le but :
- d'une part, d'éviter au budget de la Défense de supporter le
coût de certains personnels dont l'emploi ne paraît pas
nécessaire à temps complet ;
- et d'autre part, de réaliser des économies en recourant
à des prestataires de services souvent plus compétitifs, et
desserrer ainsi la contrainte budgétaire de la défense.
Selon certains observateurs, les coûts ont pu être réduits
par certaines armées étrangères de 30 à 40 %,
grâce au recours à cette formule.
L'externalisation semble une solution opportune face à l'insuffisance
des effectifs civils pour deux raisons :
- d'une part, le
caractère quantitativement modeste des effectifs
concernés
(1.710 créations d'emplois de personnels civils
pour l'armée de terre, sur une
augmentation nette totale de 2.054
postes
entre 1996 et 2002 : l'effort marginal lié au
recrutement de personnels civils représente moins de la moitié
des recrutements de volontaires prévus par la loi de
programmation) ;
- d'autre part, de nombreux besoins exprimés par l'armée de terre
en
ouvriers fonctionnaires
paraissent correspondre à des
fonctions essentiellement matérielles, qu'il paraît possible
d'externaliser sans remettre en cause les compétences devant être
conservées en permanence par une armée professionnelle, ainsi
qu'il ressort du tableau ci-après :
Bilan,
par spécialités, des besoins exprimés en
ouvriers-fonctionnaires
par les neuf circonscriptions militaires de
défense en mai 1999
INFRASTRUCTURE |
|
Electricien |
68 |
Installations sanitaires et thermiques |
13 |
Jardinier |
53 |
Maçon |
50 |
Menuisier |
41 |
Métallier/serrurier |
14 |
Peintre bâtiment |
47 |
Plâtrier |
7 |
Plombier |
38 |
Soudeur |
2 |
Tapissiers |
1 |
Ouvrier de casernement |
1 |
ENTRETIEN VEHICULES |
|
Chaudronnier |
7 |
Electricien auto |
11 |
Mécanicien |
101 |
SECURITE SURVEILLANCE |
152 |
ALIMENTATION |
|
Cuisinier |
128 |
Pâtissier |
22 |
Restauration |
24 |
ELECTROMECANIQUE (TEI) |
35 |
DIVERS |
|
Audiovisuel |
17 |
Photographe |
3 |
Audio tel. |
4 |
Lingère |
4 |
Graphiques |
5 |
Bourrelier |
1 |
Electronique |
3 |
TOTAL |
852 |
La
même remarque vaut pour la plupart des besoins exprimés en vue de
la « civilianisation » des
camps
d'entraînement
: cuisiniers, pâtissiers, conducteurs
d'engins spéciaux (tous terrains, travaux publics, engins agricoles...),
mécaniciens-monteurs, magasinage, maçons, plombiers,
électriciens, peintres, chauffagistes, techniciens de surface,
jardiniers ... Il semble donc possible d'envisager l'externalisation de
certaines de ces fonctions, compte tenu de la faible attractivité d'une
affectation dans un camp auprès des personnels civils de la
défense rendus disponibles par les restructurations.
Pour autant,
l'externalisation
ne doit en aucun cas être
abordée de manière systématique.
Ainsi, si la
maintenance
semble un domaine où
l' " externalisation " peut constituer une solution
économique, le recours à une entreprise privée pour des
tâches de
maintenance en informatique
peut poser de sérieux
problèmes de sécurité et de confidentialité. La
même remarque vaut pour le
gardiennage
: cette fonction peut
être confiée à un cocontractant privé, notamment
pour les emprises récemment libérées dans le cadre des
restructurations, mais d'autres installations plus sensibles, telles que les
dépôts de munitions, nécessitent une habilitation
particulière.
La question à résoudre actuellement est donc de savoir
quels
savoir-faire doivent être entretenus en permanence par la
Défense
, et quelles fonctions pourraient être
externalisées. Il s'agit, à cet égard, d'identifier les
fonctions qui, en raison de leur incidence sur la
disponibilité
opérationnelle
des forces
, ne sauraient être
confiés à des entreprises privées. En revanche, les
fonctions purement matérielles
comme l'entretien des espaces
verts, l'alimentation et la mécanique paraissent offrir un champ
d'expérimentation assez large, sous réserve des indispensables
précautions à prendre en matière de sécurité
ci-dessus mentionnées.
L'invention de formes nouvelles de coopération avec le secteur
privé
aurait, à l'évidence, le mérite de
favoriser le
recentrage des personnels militaires sur le coeur du
métier de défense
. Encore faut-il définir ce
" coeur du métier " : cette définition
obéit à des
traditions
culturelles différentes
selon les pays
. Ainsi la marine américaine a-t-elle privatisé
sa fonction transports, -de même, d'ailleurs, qu'a été
privatisée une très large part de la logistique militaire
américaine. La France ne paraît pas mûre pour suivre cet
exemple.
(2) Des incidences budgétaires à préciser
Compte
tenu des tensions budgétaires sur le titre III des crédits de la
Défense régulièrement relevées par votre commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, il paraît difficile de parvenir à financer
l'externalisation de certaines fonctions tout en continuant à assurer le
coût des personnels dont l'externalisation a précisément
pour objet de limiter la charge permanente.
On peut donc, dans une certaine mesure, souscrire à certains gels ou
suppressions d'emplois dans l'armée de terre, en contrepartie d'une
augmentation conséquente des crédits de fonctionnement
destinés à couvrir le coût des externalisations
,
à condition :
- que les fonctions transférées au privé soient
définies de manière suffisamment rigoureuse pour qu'il ne soit
pas nécessaire par la suite de revenir en arrière et de confier
à nouveau à des personnels de la défense des fonctions
transférées à des entreprises privées (il faut
certainement, pour cela, limiter les externalisations à des
tâches strictement matérielles),
- que les
crédits transférés sur le titre III
du
budget de la Défense pour financer le recours à la sous-traitance
en lieu et place de personnels de la Défense soient rigoureusement
«
sanctuarisés
», et ne fasse l'objet
d'
aucune remise en cause
, ni par voie réglementaire, en cours
d'exercice, ni par loi de finances ;
- et que les emplois gelés ou supprimés ne soient pas
susceptibles d'altérer les conditions de la professionnalisation ;
à cet égard, il est nécessaire d'exclure tout gel ou
suppression de postes de militaires du rang engagés.
Il convient toutefois de relever les
réticences qu'inspirent ces
hypothèses aux responsables de l'armée de terre
de crainte
que ces conditions ne soient pas respectées. Ceux-ci sont hostiles, de
manière générale, à un accroissement du recours au
secteur privé, et considèrent que l'armée de terre utilise
déjà de manière suffisante les facultés offertes
par les marchés publics. On constate d'ailleurs que l'armée de
terre altère sa capacité de projection en affectant des
militaires professionnels à des emplois recouvrant des métiers
effectués dans le civil (électriciens, cuisiniers...)
plutôt que de recourir davantage à l'externalisation.
CONCLUSION
Le bilan
d'étape de la professionnalisation des forces terrestres vue sous
l'angle des personnels connaît donc des aspects positifs qui confortent a
posteriori le choix effectué par la représentation nationale,
à l'initiative du Président de la République, en 1996.
Il comporte aussi des éléments d'interrogation, voire des
faiblesses, qui tiennent, dans une large mesure, à des évolutions
qu'il aurait été très difficile de prévoir lors de
la mise en oeuvre des réformes.
Ces éléments d'interrogations et ces incertitudes devraient
conduire à prendre des décisions inédites par rapport au
modèle prescrit par la loi de programmation, qu'il s'agisse :
- de la condition des
sous-officiers
par rapport aux militaires du rang
engagés,
- de l'évolution de la carrière des
officiers
,
- des réponses à apporter, le cas échéant, à
un succès modéré du
volontariat
, si celui-ci se
confirme par la suite,
- de la poursuite de l'incorporation des
appelés
: à
cet égard, une altération
provisoire
de la capacité
opérationnelle des forces terrestres doit être acceptée si
devait être envisagée l'hypothèse d'une suspension de la
conscription plus rapide que ne le prévoit la loi de programmation.
S'agissant, enfin, de la solution susceptible d'être apportée
à l'insuffisance des
personnels civils
par un recours accru
à
l'externalisation
, il convient de proposer, avant de prendre
des mesures définitives :
- que cette formule d'organisation soit
réservée aux
fonctions
matérielles
, dans un souci de
sécurité et de confidentialité
,
- que le recours accru aux prestataires de service du privé soit
accompagné de
transferts suffisants sur le titre III
, sans que
ces crédits puissent être remis en cause par la suite,
- et qu'enfin, des
suppressions d'emplois
puissent, le cas
échéant, être effectuées en compensation de ces
transferts de crédits de fonctionnement, mais que
l'on ne puisse
en aucun cas
retoucher les cibles définies en 1996 à
l'égard des militaires du rang.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent rapport d'information
au cours de sa réunion du mercredi 23 juin 1999.
A l'issue de l'exposé de M. Serge Vinçon, M. Xavier de Villepin,
président, et M. Robert Del Picchia sont revenus, avec M. Serge
Vinçon, sur l'origine des déficits constatés dans
l'incorporation d'appelés en avril et juin 1999. M. Serge Vinçon
a rappelé les dispositions de la loi du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national relatives aux reports d'incorporation. Il a
souligné la tendance des jeunes à tirer parti de toutes les
facultés offertes par cette loi en matière de reports
d'incorporation. M. Xavier de Villepin,
président, a
commenté, avec le rapporteur, l'incidence de l'article L. 5 bis A de la
loi du 28 octobre 1997 relatif au cas des titulaires d'un contrat de travail
à durée indéterminée dans la gestion des
incorporations dans l'armée de terre.
M. Serge Vinçon a relevé le souci évident d'un nombre
croissant de jeunes Français de souscrire un contrat de travail à
durée indéterminée, dans l'espoir d'échapper de
facto à toute obligation du service national.
A la demande de M. Xavier de Villepin, président, M. Serge Vinçon
est enfin revenu sur la jurisprudence des commissions régionales
chargées d'attribuer les reports d'incorporation à des jeunes
gens titulaires d'un contrat de travail.
A la suite de ce débat, la commission a autorisé la publication
de la communication de M. Serge Vinçon sous la forme d'un rapport
d'information.
1
Les questions relatives aux forces de
réserve, qui ont fait l'objet d'un précédent rapport de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées (Sénat, n° 355, 1998-1999) à l'occasion
de l'examen du projet de loi portant organisation de la réserve
militaire et du service de défense, ne seront toutefois pas
traitées dans le présent rapport.
2
Le budget de 1999 prévoit 67.530 emplois d'appelés
sur 186.744 emplois de militaires, la composante
« appelés et volontaires » représentant
au total 68.891 emplois budgétaires, compte tenu des 1.361 emplois de
volontaires créés par ce même budget.
3
Notons toutefois que l'allongement de la durée moyenne
des services (de 5 à 8 ans) pourrait permettre de limiter le nombre des
départs et, donc, celui des recrutements nécessaires.
4
1990 : 53,2 % ; 1991 : 49,3 % ; 1992 :
39,5 % ; 1993 : 42,9 % ; 1994 : 38 ,6 % ;
1995 : 48 % ; 1996 : 61,1 % ; 1997 : 60
%.