19. Création d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR) rapporteur pour avis, Daniel HOEFFEL, sénateur (UC), et de Mme Yvette ROUDY, députée (Soc) (Jeudi 26 septembre)
Une
démocratie véritable est impossible sans l'égalité.
C'est ce qu'affirme l'auteur du rapport, qui préconise donc la
constitution d'une commission permanente chargée de
l'égalité des chances pour les hommes et les femmes.
Cette commission, composée de 45 membres, remplacerait l'actuelle
commission
ad hoc
du Bureau de l'Assemblée, créée
en 1993.
Elle aurait notamment pour mission :
- de réfléchir aux questions touchant à
l'égalité des chances et de faire des propositions d'action
à l'Assemblée ;
- de contrôler le respect des engagements pris par les Etats dans ce
domaine ;
- de promouvoir l'égalité des chances par le biais de
séminaires, de conférences et d'auditions parlementaires ;
- d'encourager la coopération entre les instances parlementaires
des Etats membres du Conseil de l'Europe ;
- d'examiner la situation en matière d'égalité des
chances au sein du Secrétariat du Conseil de l'Europe.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR),
rapporteur pour avis
de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental,
formule les observations suivantes :
" Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, je remercie et je
félicite Mme Pulgar pour son rapport concernant la création
d'une commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les
hommes ainsi que Mme Lentz-Cornette pour son excellente
présentation.
Je tiens à préciser que l'avis de la commission du budget et du
programme de travail intergouvernemental portera sur les implications
budgétaires d'une telle création pour l'Assemblée et non
sur son opportunité car il s'agit, en définitive, d'une
décision politique. Cela étant, une large majorité des
membres de la commission saisie pour avis s'est exprimée favorablement.
Il s'agit en effet d'un enjeu important pour le Conseil de l'Europe.
Le rapport qui vous est soumis le décrit bien, l'incidence
financière d'une commission supplémentaire
s'élèverait à environ 900 000 francs français.
Cette somme a été calculée sur la base de la tenue
théorique de deux réunions en dehors de Paris et de
Strasbourg ; celle-ci pourrait donc être largement
dépassée dans la pratique. La somme n'est pas exorbitante mais
elle est toutefois importante compte tenu des ressources dont nous disposons et
de l'austérité budgétaire appliquée par les
gouvernements de nos Etats membres.
La commission du budget a donc examiné plusieurs solutions.
Premièrement, l'Assemblée pourrait demander un crédit
supplémentaire de l'ordre de 900 000 francs français pour 1998.
Cette solution présente toutefois un inconvénient ; elle
suppose que l'on ouvre à nouveau la discussion sur le montant du budget
alloué à l'Assemblée pour le prochain exercice
budgétaire alors que la procédure d'élaboration est sur le
point d'être finalisée.
Deuxièmement, l'Assemblée pourrait demander à la nouvelle
commission de ne se réunir que lors des sessions plénières
à Strasbourg, ne serait-ce que la première année. Cela
éviterait des frais supplémentaires liés aux missions des
agents du secrétariat et au travail d'interprétation ;
cependant, cela aurait pour inconvénient de limiter les activités
de la commission et de lui imposer d'établir des priorités.
Troisièmement, l'Assemblée pourrait également demander
à d'autres commissions de ne se réunir que lors des sessions
plénières à Strasbourg. Cela entraînerait les
mêmes inconvénients en ce qui concerne la limitation des
activités et les priorités à établir mais de toute
façon il y a des économies à faire en la matière.
Quatrièmement, l'Assemblée pourrait décider de demander un
regroupement obligatoire des réunions à Paris et à
Strasbourg. Cette solution permettrait également de faire des
économies importantes pour les dépenses de secrétariat et,
surtout, en ce qui concerne les frais d'interprétation.
Cinquièmement, compte tenu de l'avancement de la procédure
budgétaire, l'Assemblée pourrait décider, comme mesure
transitoire, de maintenir le statu quo en 1998 en renouvelant le mandat de la
commission ad hoc sur l'égalité des sexes et prendre une
décision finale sur la mise en oeuvre de la création d'une
nouvelle commission l'année prochaine.
Sixièmement la commission du budget, comme celle du Règlement, a
évoqué la possibilité que l'Assemblée propose de
faire de cette commission une sous-commission de la commission des questions
juridiques et des droits de l'homme.
Enfin, l'Assemblée pourrait décider de supprimer une commission.
Cela a été déjà évoqué par la
commission du Règlement et une solution en ce sens a été
adoptée par l'Assemblée en janvier 1997, au moment de la
création de la commission du suivi, avec la suppression de la commission
des relations avec les pays européens non membres. A cet égard,
je précise que la commission du budget, ne disposant pas des
éléments d'appréciation nécessaires, n'a pas voulu
choisir la commission à supprimer.
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, je viens d'exposer
brièvement l'analyse faite par la commission du budget et du programme
de travail intergouvernemental sur les incidences et les solutions
budgétaires à envisager. Il vous appartient maintenant d'en
débattre et de décider de l'opportunité d'une telle
création. "
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC),
intervient en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers Collègues, notre groupe
tient à exprimer ses remerciements à Mme Pulgar, pour son
excellent rapport, et à Mme Lentz-Cornette, qui s'en est fait
l'avocat convaincant. Je dirai d'emblée que nous approuvons les
conclusions qui ont été présentées.
Notre groupe, en effet, est attaché à l'égalité des
chances et nous devons rechercher la manière la plus efficace d'y
parvenir. Il en existe plusieurs.
L'une consiste à se contenter de la structure actuelle qui,
manifestement, a montré ses limites.
Une autre solution consiste à demander à toutes les commissions
de mieux intégrer cette recherche de l'égalité des chances
dans leur action. Mais nous risquons, là encore, de passer à
côté de la solution efficace.
Une autre, enfin, consiste à créer une nouvelle commission
permanente. C'est la solution proposée par la commission. Nous
l'approuvons totalement.
Reste à trouver les moyens matériels permettant à cette
commission de fonctionner dans les meilleures conditions.
Manifestement, c'est par le redéploiement des moyens budgétaires
existants que nous devons y parvenir, car nous ne saurions approuver une
solution condamnant l'existence de telle ou telle commission, en particulier la
commission des relations parlementaires et publiques, dont l'expérience,
la crédibilité et l'utilité ne sont plus à
démontrer.
Il faut donc parvenir à ce résultat par redéploiement
budgétaire. Ce n'est pas une tâche facile. Nous faisons confiance
à la commission du budget et du programme de travail
intergouvernemental. Puisse, dans l'avenir, l'Assemblée parlementaire
jouir d'un maximum de liberté d'action dans la définition et dans
l'élaboration de son propre budget.
La cause de l'égalité des chances pour les hommes et les femmes
est une cause importante. C'est une cause noble. Nous adhérons donc sans
réserve à la proposition qui nous est présentée.
Madame la Présidente, permettez-moi de terminer par une remarque qui se
situe en dehors de ce cadre, mais qui concerne les femmes.
Le Conseil de l'Europe a souvent su être, dans le passé, à
l'écoute des femmes. L'an dernier, nous avons écouté avec
émotion l'appel à la paix lancé ici même par les
femmes d'Algérie. Des événements dramatiques ne cessent de
remettre en cause cette difficile recherche. Puissions-nous, Conseil de
l'Europe, ne pas rester insensibles à l'appel qu'elles nous ont
lancé ! Puisse le Conseil de l'Europe relayer cet appel
émouvant et faire en sorte que le recours à la violence soit
définitivement banni ! "
Mme Yvette ROUDY, députée (Soc),
prend la parole à
son tour :
" Madame la Présidente, mes chers Collègues, c'est la
première fois que je prends la parole dans cet hémicycle puisque
je suis parmi vous seulement depuis cette semaine.
Je commencerai en vous rappelant, Madame la Présidente, que
le 8 mars 1996 vous aviez eu l'occasion de déclarer que la
création d'une commission de l'Assemblée parlementaire
chargée de l'égalité permettrait d'aborder
sérieusement ces questions. Vous espériez qu'elle interviendrait
rapidement et vous aviez raison, Madame la Présidente.
Pourquoi aviez-vous raison ? Parce que ces problèmes, pour l'heure,
sont dispersés, éclatés, mêlés aux autres
questions. Ils sont transversaux. On les trouve partout, dans les questions
sociales, dans les questions de santé, d'emploi, de culture, de justice,
de droits civiques. On peut estimer que c'est bien puisqu'ils concernent tous
ces domaines. Oui, bien sûr mais la conséquence, c'est qu'ils sont
dilués et qu'ils ont donc une certaine invisibilité. C'est la
dissolution qui crée l'invisibilité, voilà le
problème. Car lorsqu'ils sont invisibles, il est facile de les nier.
Nous savons que ce qui n'est pas nommé, ce qui n'est pas visible,
n'existe pas vraiment.
Regrouper ces problèmes dans une commission leur donnerait une
visibilité, une identification, une reconnaissance, car ils sont
spécifiques. Ils concernent la moitié de l'humanité et
méritent d'être traités avec dignité.
Je parlerai, pour ce qui me concerne, de droits, de droits de la personne. Pas
de protection, Monsieur Zhebrovski ! Nous n'avons pas besoin de votre
protection ! Nous voulons qu'on reconnaisse nos droits, des droits de
personnes à part entière. Nous sommes la moitié de
l'humanité, vous êtes l'autre. Nous devons gérer toutes les
questions concernant les sociétés, les pays, ensemble, à
part égale et, certainement et surtout, pour ce qui est des
décisions importantes, des décisions graves : la paix, la
guerre, les grandes décisions financières. Nous avons droit
à la parole. Nous sommes des êtres humains à part
entière.
Je suis étonnée que l'on puisse faire état de " frais
de fonctionnement ", étonnée que l'on puisse soumettre cette
question à des questions de frais. De quoi parlons-nous ? Nous
parlons d'inégalités flagrantes, de violences spécifiques,
nous parlons d'oppressions qui dévalorisent, oppriment, humilient - on a
parlé récemment du cas tragique des algériennes.
Quel est le poids de l'argument relatif aux frais de fonctionnement au regard
du signe fort, lisible, que va signifier, je l'espère, notre
décision dans divers pays et je dirai même au-delà, dans le
monde entier ? Ne sous-estimons pas le retentissement de cette
décision. Le Conseil de l'Europe bénéficie d'une forte
autorité morale. Les signes que nous donnons seront entendus.
Pour conclure, je soumettrai à M. Zhebrovsky, cette réflexion qui
n'est pas la mienne, mais celle de grands hommes politiques dans le
monde : " Lorsque l'on veut mesurer le degré de
démocratie et de développement humain d'un pays, le meilleur
critère est de regarder le degré d'avancement des droits des
femmes ". Méditons cette réflexion. "
M. Bernard SCHREINER, député (RPR),
rapporteur de la
commission du budget et du programme de travail intergouvernemental, reprend la
parole pour répondre aux orateurs en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers Collègues, j'ai suivi le
débat avec beaucoup d'attention. Mon intervention sera très
brève, puisqu'elle ne portera pas sur l'opportunité, mais sur les
moyens budgétaires.
Certes, il est possible de trouver le million de francs nécessaire,
mais, de même que de nombreux orateurs, je considère qu'il s'agit
de faire un effort ensemble, afin qu'il y ait également, dans la
recherche d'une solution budgétaire, une égalité et une
solidarité entre toutes les commissions. Naturellement, la commission du
budget et du programme de travail intergouvernemental se doit d'examiner ces
questions peut-être bassement matérielles, mais j'ai
été très sensible au fait que notre avis ait
été entendu et qu'il en soit tenu compte. "
A la suite d'une demande de vérification du quorum au moment du vote, il
s'est avéré que
le quorum n'était pas réuni. Le
vote sur ce point de l'ordre du jour a été ajourné et
renvoyé à une partie de session ultérieure.