I. LA TRANSFORMATION DU GIE AIRBUS
La transformation du groupement d'intérêt économique (GIE) Airbus en une société de plein exercice est depuis plusieurs années un objectif déclaré des dirigeants et des partenaires du consortium. Elle est justifiée, malgré les succès d'Airbus par les limites du GIE qui appellent cette mutation.
A. LE GIE A CONNU UN SUCCÈS REMARQUABLE
Avec
12,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 1998 et environ 100 000
personnes dépendant de son activité, Airbus est l'un des
géants de l'aéronautique mondiale.
Né en 1970, le consortium a progressivement conquis des parts de
marché de l'aviation commerciale toujours plus grandes si bien que d'une
situation où l'industrie aéronautique européenne
n'occupait alors que 10 % du marché des avions commerciaux, on est
aujourd'hui passé à une situation où elle occupe une part
très substantielle de celui-ci comme le montrent les données
ci-après.
Etat des commandes d'Airbus et de Boeing
|
1996 |
Six premiers mois 1997 |
||||
|
Commandes bruts |
Annulations |
Commandes nettes |
Commandes brutes |
Annulations |
Commandes nettes |
Airbus |
326 |
25 |
301 |
80 |
10 |
70 |
Boeing |
717 |
158 |
559 |
224 |
5 |
219 |
McDonnell Douglas |
45 |
7 |
38 |
9 |
1 |
8 |
Source : Bleu budgétaire 1999 Equipement, transports
La réussite d'Airbus dans sa conquête de parts de marché s'est poursuivie depuis. Elle est illustrée sur longue période dans le graphique ci-dessous.
Les
ventes d'avions de plus de 100 places
(1)
(En parts de marché)
Dans les années 80, la progression du GIE a été
très régulière, cette tendance s'interrompant au
début des années 90 où, sur fond de crise du
transport aérien, les performances des deux avionneurs en termes de
chiffres d'affaires ont été beaucoup plus heurtées.
Incidemment, cette dernière période rappelle que la place
occupée sur le marché aéronautique est susceptible de
connaître de très fortes variations et que les positions acquises
ne sont pas inexpugnables.
Désormais, les ventes d'avions des deux concurrents qui demeurent actifs
sur le marché apparaissent très équilibrées, Boeing
conservant cependant une longueur d'avance avec 54 % des avions vendus en
1998.
Comme Boeing dispose d'une gamme plus complète d'appareils, ces chiffres
minorent en fait les performances d'Airbus qui, sur les segments du
marché où son offre est présente, s'approchent, voire
dépassent dans certains segments, celles de Boeing.
Les grandes étapes de l'histoire d'Airbus sont résumées
dans l'encadré qui suit :
Les grandes étapes de l'histoire d'Airbus |
||
1969 |
Mai |
Signature de l'accord franco-allemand de construction de l'A300B |
1970 |
Décembre |
Création d'Airbus Industrie |
1972 |
Octobre |
A300 : premier vol de l'A300B |
1974 |
Mai |
Entrée en service commercail de l'A300B |
1975 |
Juin |
A300B4 : mise en service |
1978 |
Juillet |
A310 : lancement |
1980 |
Décembre |
A300-600 : feu vert |
1982 |
Avril |
A310 : premier vol de l'A310 |
1983 |
Mars |
A310-300 : feu vert |
|
Juillet |
A300-600 : premier vol |
1984 |
Mars |
A320 : lancement |
1985 |
Décembre |
A310-300 : mise en service commercial |
1987 |
Février |
A320 : premier vol |
|
Juin |
A330/340 : lancement |
|
Décembre |
A300-600 R : premier vol |
1989 |
Novembre |
A321 : lancement |
1991 |
Octobre |
A340 : premier vol |
1992 |
Novembre |
A330 : premier vol |
|
Décembre |
A340 : certification |
1993 |
Janvier |
A340 : première livraison |
|
Mars |
A321 : premier vol |
|
Juin |
A319 : lancement |
|
Octobre |
A330 : certification |
|
Décembre |
A
330 : première livraison
|
1994 |
Janvier |
A321 : première livraison |
|
Septembre |
A300-600ST : premier vol |
1995 |
Août |
A319 : premier vol |
|
Octobre |
A300-600ST : certification |
|
Novembre |
A330-200 : lancement |
1996 |
Avril |
A319 : certification |
|
|
A319 : première livraison |
|
Juillet |
Annonce de la création de la société Airbus |
|
Décembre |
A321-200 : premier vol |
1997 |
Janvier |
Lancement des études préliminaires pour l'A3XX |
|
Mai |
Accord industriel avec le constructeur chinois Avic pour le développement d'un jet de moins de 100 places |
1997 |
Juin |
Lancement de l'A340-500 et de l'A340-600 |
|
|
Lancement de l'A319Cj |
|
Août |
Premier vol de l'A330-200 |
1998 |
Septembre |
Lancement de l'A318M5 |
Après avoir commencé par occuper le segment intermédiaire du marché, le GIE a développé son offre d'avions de capacité inférieure - l'A320 - pour, ensuite avec les A330 et A340, occuper le segment des avions de grande capacité. Au terme de cette stratégie avisée, l'occupation du marché par les différents constructeurs peut être synthétisée ainsi.
On
notera que l'arrêt annoncé des programmes de Mc Donnell Douglas
(MDD) simplifie la donne et laisse face à face les gammes de Boeing et
d'Airbus.
La situation des deux concurrents peut alors être
appréhendée à partir des données suivantes.
AIRBUS : commandes, livraisons et carnet au 1 er juillet 1998
|
A300B2B4 |
A300-600 |
A310-200 |
A310-300 |
A330-200 |
A330-300 |
A340 |
A320 |
A321 |
A319 |
TOTAL |
Date de mise en service |
1974 |
1984 |
1983 |
1985 |
1998 |
1993 |
1993 |
1988 |
1994 |
1996 |
|
Commandes fermes |
250 |
238 |
87 |
174 |
101 |
137 |
198 |
1 017 |
237 |
477 |
2.916 |
Livraisons |
250 |
220 |
87 |
168 |
2 |
69 |
140 |
650 |
99 |
90 |
1.775 |
Carnet |
0 |
18 |
0 |
6 |
99 |
68 |
56 |
367 |
138 |
387 |
1.139 |
NB : ne figurent que les commandes et options sur contrat signé. Airbus Industrie a lancé en décembre 1997 deux nouvelles versions de l'A340, les A340-500 et A340-600. Au 1 er juillet 1998 deux A340-500 et trente deux A 340-600 avaient fait l'objet de commandes fermes. Celles-ci étaient assorties de 40 options pour des A340-600.
BOEING : commandes, livraisons et carnet au 31 décembre 1998
|
B747-400 |
B777& -200 300 |
B767 -
|
B 757
|
B 737 |
B 717-200 |
MD 11
|
MD 80
|
MD 90
|
TOTAL |
Commandes fermes |
1291 |
429 |
863 |
966 |
4324 |
115 |
200 |
1191 |
134 |
9.513 |
Livraisons |
1189 |
178 |
729 |
836 |
3256 |
0 |
186 |
1165 |
98 |
7.673 |
Carnet |
102 |
251 |
134 |
130 |
978 |
115 |
14 |
26 |
36 |
1.786 |
(1)
Appareils dont la production va être arrêtée entre 1999 et
2001
La disproportion entre le nombre des appareils livrés par Boeing et Mc
Donnell Douglas et celui des livraisons d'Airbus résulte pour
l'essentiel de l'entrée plus tardive du G.I.E sur le marché.
Cette réalité historique qui, on le sait, a un prolongement
important dans la domination de Boeing au regard de la flotte en service avec
75 % du total, tend cependant à s'estomper.
En effet, les carnets de commande des deux constructeurs se sont beaucoup
rapprochés à mesure que le partage des marchés
s'équilibrait même si Boeing conserve l'ascendant.
La réussite d'Airbus connaît une illustration remarquable dans sa
pénétration du marché américain où de 20
avions vendus il y a 6 ans, le consortium devrait passer à 100 avions
vendus en 1999, les perspectives étant de faire passer en 5 ans le
nombre des avions en exploitation dans les compagnies américaines de 500
à 1 000.
La réussite d'Airbus provient évidemment d'un grand nombre de
facteurs au premier rang desquels il faut citer la capacité du GIE
d'offrir des produits nouveaux, technologiquement en avance sur leurs
concurrents, ayant rencontré à un moment donné les besoins
du marché
La qualité technologique des produits a joué un rôle
important. C'est vrai de l'A-300 qui fut le premier bi-réacteur gros
porteur. C'est aussi vrai de l'A-320 qui fut le premier avion de ligne
équipé de commandes électriques et dont la conception
offrait des opportunités alors fort appréciables
d'économies de carburant.
La réussite d'Airbus est donc également venue de sa
capacité à satisfaire les besoins du marché. Ainsi, l'A320
a, pour beaucoup, bénéficié de l'impact de la
déréglementation du transport aérien aux Etats-Unis sur
les besoins des compagnies aériennes qui a dynamisé le
marché des avions du segment inférieur du marché.
Les performances du GIE sont d'autant plus remarquables que sa
pénétration du marché a été de beaucoup
postérieure à celle de ses concurrents.
Or, les nouveaux entrants sur le marché aéronautique civil
doivent pour s'imposer surmonter des handicaps considérables.
Le premier d'entre eux
consiste à assumer des coûts de
développement
élevés déjà partiellement
amortis chez leurs concurrents qui, de ce fait, bénéficient d'une
liberté de manoeuvre incomparable pour fixer leurs prix.
Le second, d'une importance pratique considérable, consiste
à
imposer des produits nouveaux
auprès de clients accoutumés
aux produits imposés par les industriels qui occupent le marché.
Car, l'achat par une compagnie d'un nouveau type d'appareil lui occasionne des
coûts très supérieure à ceux qu'elle supporte en
acquérant les avions appartenant à la famille de son
équipement. Les coûts de qualification des équipages,
véritablement considérables pour les compagnies, sont en effet
d'autant plus élevés que les appareils qui les impliquent sont
éloignés de ceux auxquels les personnels navigants sont
habitués. De la même manière, l'optimisation des
coûts de maintenance des flottes commerciales suppose que
l'équipement en avions d'un même type atteigne un seuil critique.
Ainsi, le coût des pièces de rechange est-il pour une compagnie de
l'ordre de 15 % du coût d'un avion, seul de son type dans sa flotte,
alors qu'il baisse à 7 % lorsque la compagnie dispose d'au moins
une dizaine d'appareils d'un type donné.