III - LA LOI ET LES AVANCÉES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES : SOUPLESSE ET ÉVOLUTIVITÉ
- La définition des techniques d'assistance médicale à la procréation établie par l'article L 152-1 du Code de la santé publique était volontairement très large afin d'englober les méthodes qui se mettraient en place ultérieurement. Elle a ainsi permis à la pratique de l'ICSI (fécondation par injection intracytoplasmique d'un spermatozoïde), encore expérimentale en 1994, de se développer si rapidement qu'elle représente aujourd'hui 40 % des fécondations in vitro réalisées annuellement. Cette souplesse favorise assurément l'essor des progrès thérapeutiques. Elle pose toutefois quelques problèmes touchant l'absence d'expérimentation préalable à la mise en oeuvre de techniques innovantes.
- Bien que l'inquiétante perspective du clonage humain à visée reproductive ne fût pas encore discernable en 1994, la loi l'avait, par avance, implicitement condamné en proscrivant toute pratique eugéniste tendant à transformer les gènes dans le but de modifier la descendance de la personne. Par delà l'interdiction explicite et solennelle qu'il pourrait néanmoins juger souhaitable de formuler, le législateur devra sans doute s'interroger sur les règles auxquelles il conviendra de soumettre le clonage cellulaire à but thérapeutique.
- Dans le domaine des greffes, certaines évolutions, certes moins fondamentales, n'ont pu, en revanche, être prises en compte par la législation et nécessiteraient quelques adaptations : ainsi en va-t-il de la greffe du coeur en domino et du prélèvement des cellules souches hématopoïétiques dans le sang périphérique.
De même, la mise en évidence récente du rôle limité que joue l'histocompatibilité dans la réussite de la greffe avec donneur vivant pourrait fournir un argument scientifique à l'élargissement du cercle des donneurs. Mais il ne s'agit là que de retouches ne remettant pas en cause l'économie générale des règles applicables à la transplantation.
Il conviendra, en outre, d'examiner l'opportunité d'un encadrement juridique des xénogreffes, qui sont encore dans une phase expérimentale et ont été assujetties à des exigences de sécurité sanitaire par la loi du 1 er juillet 1998.
IV - La loi et l'encadrement des activités d'assistance médicale à la procréation : des moyens de contrôle insuffisants
La mise en oeuvre des activités d'AMP repose sur un système d'agrément des praticiens et d'autorisation des établissements dans lequel les médecins inspecteurs des DDASS et la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP) jouent un rôle fondamental d'instruction des dossiers, préalablement à la décision prise par le ministre chargé de la Santé.
Le système actuel, qui ne donne pas à la CNMBRDP les moyens d'exercer efficacement sa mission, constitue, selon MM. François STASSE et Frédéric SALAT-BAROUX, " le modèle de ce qu'il ne faut pas faire " .
La Commission dresse elle-même, dans le premier rapport qu'elle a publié en 1997, un tableau éloquent des difficultés rencontrées dans l'examen des 926 dossiers de demandes d'autorisation qu'elle a dû examiner au cours de la seule année 1996. Ses avis s'appuient, en principe, sur les rapports établis par les médecins inspecteurs qui doivent par ailleurs l'assister pour le suivi et l'évaluation du fonctionnement des établissements et laboratoires autorisés. Or, ce soutien logistique est, à l'heure actuelle, notoirement insuffisant, tant quantitativement que qualitativement, les DDASS reconnaissant elles-mêmes l'insuffisante formation et la disponibilité limitée de leurs personnels pour accomplir ce type de tâche.
Il est, d'autre part, frappant qu'on puisse lire dans ce même rapport : " Après le travail considérable d'analyse de dossiers effectué, la commission souhaite que les sanctions pénales prévues par la loi soient appliquées quand il est constaté que des activités se poursuivent sans autorisation ." L'exercice des poursuites relève du ministère public qui doit compter, pour être informé, sur les contrôles des médecins inspecteurs et l'on retrouve ici les faiblesses du dispositif que nous venons d'évoquer.
Les sanctions édictées par le législateur nécessitent, pour être crédibles, un renforcement des moyens d'inspection et de contrôle permettant la constatation des infractions