Rapport d'information sur les soins palliatifs et l'accompagnement
NEUWIRTH (Lucien)
RAPPORT D'INFORMATION 207 (98-99) - Commission des Affaires sociales
Table des matières
-
AVANT-PROPOS
-
INTRODUCTION
- I. L'IMMENSE MAJORITÉ DES PERSONNES QUI EN AURAIENT BESOIN NE BÉNÉFICIENT PAS DE SOINS PALLIATIFS NI D'UN ACCOMPAGNEMENT ADAPTÉS
- II. LES RAISONS D'UNE GRAVE CARENCE
- III. PROPOSITIONS
N°
207
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 février 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1)
sur les
soins palliatifs
et l'
accompagnement
,
Par M. Lucien NEUWIRTH,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Henri de Richemont, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Vie, médecine et biologie.
AVANT-PROPOS
JUSQU'AU TERME DU VOYAGE
De la
naissance à la mort
Dans notre monde occidental, depuis la nuit des temps, la naissance est
considérée comme un événement heureux et
entourée de mille attentions. Aussi bien dans le domaine des soins et
des recherches consacrés à la néo-natalité,
à la gynécologie obstétrique qu'à la
pédiatrie, nos Facultés de médecine nous ont donné
des noms célèbres.
Plus récemment, la loi a voulu que l'enfant à venir soit
souhaité : des politiques de la famille ont été mises en
place, l'accueil mieux préparé, les crèches et
écoles maternelles ont fleuri, bref, le futur citoyen a sa place dans
notre société.
Or, ce même citoyen, futur consommateur, accueilli au mieux à sa
naissance, ne présenterait-il plus d'intérêt pour notre
société marchande au moment de sa mort, ou le problème
serait-il d'une autre nature ?
Toute société vit avec un acquis culturel qui lui est propre.
On le constate particulièrement en ce qui concerne la façon de
considérer la mort et les rituels qui l'entourent partout dans le monde.
En France, le plus grand respect entoure les morts, le rite des
funérailles, qu'elles soient religieuses ou civiles, est suivi avec
sérieux.
Par contre, dans l'inconscient collectif, la mort, c'est le mal rejeté,
c'est l'ennemi sournois... le phénomène de rejet est
évident.
Et pourtant ! Au fond de lui, chacun sait bien que le jour même de sa
naissance, sa mort l'attend au bout de ce voyage dans l'inconnu que sera sa vie.
Peut-être serait-il temps que la société de l'homme en
France se décide à comprendre et à accepter qu'elle doit
la même considération à l'être qui va mourir
qu'à celui qui va naître parce que cet être est le
même.
De la même façon que nous assurons à celui qui vient
à la vie les conditions de son développement, nous devons,
à celui qui va quitter cette vie, la préservation de sa
dignité et un accompagnement éclairé dans le respect de
ses convictions.
La loi nécessaire
C'est très souvent que, dans notre pays, les initiatives personnelles
ont précédé, voire éclairé, les chemins de
la loi.
C'est ainsi qu'en matière de douleur, médecins et associations
ont créé de toutes pièces, sans aucune aide publique, les
premiers centres de traitement de la douleur. Il faut rendre hommage à
ces pionniers qui ont initié le mouvement aboutissant à la prise
en charge de la douleur pour laquelle un plan de trois ans a été
mis en oeuvre par le secrétaire d'Etat à la santé,
à la suite des mesures votées à l'unanimité du
Parlement en 1994 : la douleur comme les soins palliatifs ne sont ni de
gauche ni de droite, mais chacun d'entre nous est concerné pour
lui-même ou à travers ses proches.
Désormais, l'inclusion des soins palliatifs dans notre système de
santé est devenu un choix social, qui consacre une seule médecine
de soins continus, curative aussi bien que palliative.
Les temps sont venus pour que le Parlement exprime sa volonté politique
de se mettre au diapason des législations européennes qui nous
ont précédés.
Lucien NEUWIRTH
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Quatre ans après la publication de son rapport sur la prise en charge de
la douleur
(n°138, 1994-1995)
, et après la mise en oeuvre de
la plupart des propositions qu'il formulait, votre commission a choisi de
prolonger le combat humain qu'elle avait ainsi engagé en consacrant ses
travaux aux soins palliatifs et à l'accompagnement des malades.
De la même manière qu'elle avait souhaité contribuer
à la diffusion, dans l'ensemble de notre système de soins, d'une
" culture " de la prise en charge de la douleur, elle veut
aujourd'hui oeuvrer en faveur d'une réponse globale et adaptée
aux besoins des personnes dont la maladie laisse à craindre une issue
fatale.
La satisfaction de cet objectif peut passer, dans les hôpitaux, par la
constitution d'équipes spécialisées dans les soins
palliatifs, voire de " lits de soins palliatifs ". Pour qu'une
culture puisse se diffuser rapidement et dans les meilleures conditions, il
faut bien, en effet, qu'existent en des lieux bien identifiables des
pôles de référence : le développement de la
recherche et de la formation est à ce prix.
A cet égard, il ne faut jamais perdre de vue la comparaison avec
l'amélioration de la prise en charge de la douleur, qui a
été rendue possible à l'hôpital comme en ville par
l'existence dans des centres hospitaliers d'équipes
spécialisées de lutte contre la douleur.
Mais le développement des soins palliatifs ne saurait se mesurer en
nombre de lits : c'est toute une approche de la médecine qui doit
être repensée au profit des malades les plus gravement atteints.
Rien ne serait plus redoutable en effet que l'on annonce désormais
systématiquement aux malades, en toute fin de vie : " vous
allez être transféré dans une unité de soins
palliatifs ". Rien ne serait plus terrible que, brutalement, ils
perçoivent qu'un seul soutien psychologique et le traitement de leur
seule douleur se substitue à des thérapies parfois très
lourdes et invasives. L'effet psychologique sur les malades de ce qui
constituerait à leurs yeux un renoncement de la médecine se
situerait, à l'évidence, aux antipodes du but recherché.
Il faut au contraire que, demain, tous les malades puissent
bénéficier, dès l'annonce de leur maladie, d'une prise en
charge adaptée et continue qui s'intégrera dans les traitements
entrepris plutôt qu'elle signifiera leur arrêt.
Les soins palliatifs doivent en effet être délivrés
à tout malade dont le pronostic vital est en jeu, quelle que soit
l'issue de la maladie, qu'elle se solde par la mort, par une rémission
ou par la guérison.
Il ne doit pas y avoir, d'un côté, des soins curatifs et de
l'autre, des soins palliatifs. C'est une même médecine qui est
à l'oeuvre, pour la satisfaction de l'ensemble des besoins de la
personne humaine, à tous les stades de la maladie.
I. L'IMMENSE MAJORITÉ DES PERSONNES QUI EN AURAIENT BESOIN NE BÉNÉFICIENT PAS DE SOINS PALLIATIFS NI D'UN ACCOMPAGNEMENT ADAPTÉS
Le
constat pourrait être le même que celui qui avait été
formulé par votre Commission, il y a quatre ans, sur le traitement de la
douleur (
Prendre en charge la douleur, rapport n°138,
1994-1995
) : alors que notre système de soins est un des plus
performants au monde, que les Français dépensent plus de dix
mille francs par an pour se soigner, que des centaines de milliers de
professionnels de santé libéraux et un million d'agents
hospitaliers consacrent leurs compétences et leur dévouement
à traiter dans les meilleures conditions les patients qu'ils
accueillent, les malades souffrant d'une affection dont le pronostic peut
être létal ne bénéficient pas des soins palliatifs
et de l'accompagnement dont ils auraient besoin.
En ce qui concerne la prise en charge de la douleur, les choses ont bien
changé depuis la publication du rapport de votre commission : le
code de déontologie et la formation initiale des médecins ont
été réformés dans le bon sens, les règles de
prescription des morphiniques ont été assouplies et une loi,
d'initiative sénatoriale, fait désormais obligation aux
établissements de santé et aux établissements
médico-sociaux de prendre en charge la douleur des patients qu'ils
accueillent. Le projet d'établissement des hôpitaux publics doit,
à cet égard, recenser les moyens mis en oeuvre pour satisfaire
cette obligation.
En outre, parallèlement à l'évolution du paysage
législatif et réglementaire, la plupart des obstacles culturels
à une bonne prise en charge de la douleur ont été
levés : on ne rencontre plus de confusion entre les débats
sur la douleur et sur la toxicomanie, les médecins et les équipes
soignantes sont mieux sensibilisés, et les patients savent que les
outils thérapeutiques nécessaires pour combattre la plupart des
douleurs existent bel et bien : ils expriment ainsi plus volontiers une
demande de prise en charge.
L'amélioration du traitement de la douleur constituait un
préalable pour les personnes en fin de vie : il ne peut y avoir
d'accompagnement, de réponse à leurs besoins si la douleur n'est
pas correctement prise en charge.
Mais le traitement de la douleur ne suffit pas : les concepts de soins
palliatifs et d'accompagnement, désormais très bien
définis, sont l'expression d'une prise en charge globale qui n'est que
très insuffisamment développée en France.
A. LES SOINS PALLIATIFS ET L'ACCOMPAGNEMENT : DES CONCEPTS DÉSORMAIS TRÈS BIEN DÉFINIS
Les soins palliatifs et l'accompagnement, qui s'inscrivent dans une démarche entreprise par Cicely Saunders des années 40 à 1967 à Londres, où elle fonda l'hospice Saint Christopher, renvoient à une définition, des méthodes et des acteurs bien identifiés.
1. Le contenu
" Tout ce qu'il reste à faire quand il n'y a
plus
rien à faire "
: si les soins palliatifs et
l'accompagnement ne sauraient se contenter d'une définition en termes de
boutade, elle donne bien une idée des circonstances et du contenu d'une
activité de soins à part entière.
Elle montre bien qu'en des circonstances précises, dont la durée
peut être plus ou moins longue, des besoins nouveaux et immenses
apparaissent, et qu'ils nécessitent, pour le patient et son entourage,
une prise en charge adaptée.
Certes, les termes
" soins palliatifs "
ne sont pas
très heureux. Non seulement ils renvoient à des moments tristes,
ceux qui précèdent et suivent la séparation, mais ils sont
chargés de tout le sentiment d'échec de la médecine quand
vient la mort.
Ainsi, si le Littré indique, de manière positive, qu'un
traitement palliatif
" a la vertu de calmer, de soulager
momentanément "
, la définition donnée par le
Robert est plus brutale : un traitement palliatif, dit ce dictionnaire,
" atténue les symptômes d'une maladie sans agir sur sa
cause "
.
Et l'adjectif palliatif renvoie à
" insuffisant "
,
à
" expédient ",
au renoncement et au fatalisme,
alors que l'ambition des médecins est toujours de soigner, et que
parfois même affleure celle de l'immortalité. Pour expliquer sa
vocation de médecin, le Professeur Willy Rosenbaum avoue ainsi:
" J'avais en tête un objectif immature et fantasmatique :
rendre les gens immortels "
.
L'ambition des soins palliatifs, comprise ainsi, peut donc apparaître
modeste, surtout lorsqu'elle est exprimée par des médecins qui
ont pour vocation d'exercer l'art de guérir.
Mais cette ambition est immense : en effet, parvenir effectivement
à calmer et à soulager une personne atteinte d'une maladie
incurable, l'accompagner pour l'aider à franchir l'ultime étape
de sa vie, n'est-il pas aussi noble que de guérir un patient souffrant
d'une maladie plus bénigne ?
Plusieurs définitions, différentes mais concordantes, peuvent
être retenues pour les soins palliatifs.
En droit, la circulaire du 26 août 1986 relative à
"
l'organisation des soins et l'accompagnement des malades en phase
terminale
", toujours en vigueur, dispose que :
" Les soins d'accompagnement visent à répondre aux
besoins spécifiques des personnes parvenues au terme de leur existence.
" Ils comprennent un ensemble de techniques de prévention et de
lutte contre la douleur, de prise en charge psychologique du malade et de sa
famille, de prise en considération de leurs problèmes
individuels, sociaux et spirituels.
" L'accompagnement des mourants suppose donc une attitude d'écoute,
de disponibilité, une mission menée en commun par toute
l'équipe intervenant auprès du malade. "
Le préambule des statuts de la Société Française
d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) affirme pour sa part que :
" Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale
de la personne atteinte d'une maladie grave évolutive ou terminale. Leur
objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres
symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et
spirituelle.
" Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils
s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses
proches, à domicile ou en institution. La formation des soignants et des
bénévoles fait partie de cette démarche.
" Les soins palliatifs et l'accompagnement considèrent le malade
comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les
dispensent cherchent à éviter les investigations et les
traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer
intentionnellement la mort. Ils s'efforcent de préserver la meilleure
qualité de vie possible jusqu'au décès et proposent un
soutien aux proches en deuil. Ils s'emploient par leur pratique clinique, leur
enseignement et leurs travaux de recherche, à ce que ces principes
puissent être appliqués. "
Enfin, une définition intéressante a été retenue,
en Belgique, par l'arrêté royal du 19 août 1991. Il
établit la reconnaissance officielle des soins palliatifs comme
" l'aide et l'assistance pluridisciplinaire qui sont dispensées
à domicile, dans un hébergement collectif non hospitalier ou dans
un hôpital afin de rencontrer globalement les besoins physiques,
psychiques et spirituels des patients durant la phase terminale de leur
maladie, et qui contribuent à une préservation d'une
qualité de vie "
.
Les soins palliatifs et l'accompagnement reposent ainsi, on le voit, sur une
prise en charge satisfaisante de la douleur. Mais ils ne peuvent s'y
résumer : le combat en faveur d'une politique de soins palliatifs
et d'accompagnement vise à mettre en oeuvre une réponse globale
à l'ensemble des besoins de la personne, à l'hôpital comme
au domicile.
2. Les méthodes
Les soins palliatifs et l'accompagnement peuvent être dispensés en institution comme au domicile, où sont constatés environ 28 % des décès.
a) Au domicile
Cette
même circulaire du 26 août 1986 relative à l'organisation
des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale cite,
d'abord le domicile comme terrain de dispensation des soins palliatifs car il
est un
" lieu naturel de vie ".
Au domicile, les soins palliatifs font intervenir les médecins
généralistes, en liaison ou non avec l'hospitalisation à
domicile. Dans ce cas, le médecin traitant bénéficie du
concours d'un médecin hospitalier coordonnateur qui assure l'interface
entre domicile et hôpital.
Les services d'hospitalisation à domicile (HAD), au nombre de 47 en
France, sont en effet particulièrement concernés par les soins
palliatifs, qu'ils relèvent directement de l'hôpital ou
d'associations conventionnées avec la sécurité sociale.
Ainsi, la cancérologie et le SIDA représentent 40 % des
admissions de l'HAD à l'Assistance-Publique-Hôpitaux de Paris.
Bien entendu, la mise en oeuvre des soins palliatifs à domicile suppose
aussi le concours d'infirmières, qu'elles exercent sous statut
libéral ou qu'elles relèvent de l'HAD ou de services de soins
infirmiers à domicile. Le domicile est également le lieu
privilégié de l'intervention de bénévoles ou
d'associations de malades.
Le retour à domicile résulte, bien souvent, d'une demande du
patient. Il peut aussi être la conséquence d'une décision
hospitalière : c'est pourquoi, reconnaît la circulaire
précitée, les soins palliatifs y sont plus ou moins aisés
à mettre en oeuvre.
Tout dépend des conditions matérielles dont
bénéficie le patient à domicile, mais aussi de la
disponibilité de l'entourage et de sa capacité à faire
face, plus ou moins durablement, à la fin de vie d'un proche. Les
progrès des traitements, en effet, contribuent -et c'est heureux-
à prolonger la vie de bien des malades et la famille peut être
appelée à accompagner pendant des mois, voire des années,
un malade de plus en plus dépendant.
La circulaire de 1986 évoque les difficultés particulières
rencontrées dans l'organisation de soins palliatifs à domicile.
Elle précise ainsi que, pour qu'ils soient mis en oeuvre dans les
meilleures conditions, les soins palliatifs à domicile doivent prendre
en compte des données spécifiques telles que :
• l'environnement psychologique et matériel du malade et de la
famille ;
• la formation des intervenants ;
• et l'interaction hôpital-domicile.
b) A l'hôpital
70 % des décès ont lieu, aujourd'hui, en
institution. Si tous ne justifient pas de soins palliatifs, il est
légitime que l'hôpital soit le lieu privilégié de
dispensation de ce type de soins. La circulaire de 1986 précitée
indiquait que l'effort de développement de soins palliatifs devait
principalement porter sur les services au sein desquels le taux de
décès est le plus élevé : unités
non spécialisées, cancérologie, urgences,
réanimation, gériatrie.
Lors des auditions publiques organisées par votre commission,
Mme Sebag-Lanoë a également mis en évidence que les
trois-quarts des décès hospitaliers de personnes
âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans survenaient
progressivement : selon elle,
" ces décès
prévisibles peuvent donc bénéficier d'une prise en charge
palliative et d'un accompagnement et, ce, dans le cadre de pathologies
très variées : il peut s'agir de cancers, pour un quart,
mais aussi de démences pour un autre quart, de polypathologies, de
pathologies neurologiques ou d'insuffisances d'organes
".
Il faut également évoquer la situation des enfants malades,
notamment atteints de cancers, de leucémies ou du SIDA. Au cours des
mêmes auditions publiques, Mme Gauvin-Picard a ainsi indiqué que
" ces enfants connaîtront une longue période de traitement
au sein du service de pédiatrie ".
Elle a également
mentionné la situation des enfants qui décèdent au terme
d'une maladie dégénérative, qui ne
bénéficient pas d'un traitement spécifique.
" Dès le diagnostic, qui se fait le plus souvent dans la
première année, on est seulement confronté à une
période de soins symptomatiques, alors que le décès peut
survenir au bout de nombreuses années ".
Au-delà des besoins de ces malades, très vieux ou très
jeunes, l'hôpital doit s'organiser pour que toutes les personnes
atteintes d'une maladie grave, susceptible d'entraîner la mort,
bénéficient de soins palliatifs et d'un accompagnement
adaptés.
A l'hôpital, on distingue ainsi les équipes mobiles et les
unités d'hospitalisation avec lits. Ces deux méthodes
d'organisation répondent à des situations distinctes.
•
Les équipes mobiles, pluridisciplinaires, ont vocation
à se rendre dans tous les autres services de l'hôpital où
des malades ont besoin de recevoir des soins palliatifs.
Comme l'observait le Docteur Henri Delbecque dans son rapport intitulé
" Les soins palliatifs et l'accompagnement des personnes en fin de
vie " (janvier 1993, ministère de la santé et de l'action
humanitaire)
, les unités mobiles présentent l'avantage de
"
ne pas prendre la place des autres soignants
", de
"
permettre la diffusion des idées et des pratiques de soins
palliatifs dans toutes les équipes d'un établissement et,
éventuellement, dans d'autres hôpitaux voisins et de
" faciliter l'intégration des bénévoles
".
Elles sont indispensables pour favoriser la dispensation de soins palliatifs et
l'accompagnement de malades quasiment dès l'annonce de la maladie et le
début de l'hospitalisation, alors que des traitements curatifs sont mis
à l'oeuvre.
L'organisation en équipe mobile permet le maintien dans les services de
soins et évite ainsi au malade une rupture entre le curatif et le
palliatif : elle est porteuse d'espoir pour lui et sa famille.
Si elle présente donc d'indéniables avantages, cette organisation
en équipe mobile n'est pas toujours parfaitement
opérationnelle : le Docteur Delbecque remarquait ainsi dans son
rapport que les unités mobiles peuvent rencontrer des difficultés
spécifiques de fonctionnement, au premier rang desquelles... le fait que
certains services hospitaliers ne font jamais appel à elles.
Des médecins auditionnés par votre rapporteur ont confirmé
cette réalité, qui n'a que peu évolué depuis 1993.
Certains médecins semblent en effet craindre toute
" intrusion " dans leur territoire, ou redouter que la multiplication
des intervenants ne soit source de confusion préjudiciable aux
intérêts du malade.
•
Les soins palliatifs peuvent également être
dispensés dans des unités spécialisées avec lits.
Le regroupement des lits en un même lieu permet un aménagement
adapté, favorisant le bien-être du patient qui peut ainsi vivre
dans un univers moins " hospitalier ", et un meilleur accueil des
familles. Les aspects purement hôteliers de l'accompagnement des malades
ne sont pas, en effet, sans importance.
Ce regroupement favorise aussi la permanence de la dispensation de soins
palliatifs : des membres de l'équipe pluridisciplinaire sont
présents en permanence, et le malade peut y avoir accès sans
intermédiaire.
Contrairement à ce qui se passe avec les équipes mobiles, il n'y
a pas de risque de rupture dans l'approche du malade entre, d'une part, le
service d'hospitalisation et, d'autre part, l'équipe de soins
palliatifs, pas de risque de contradiction ou de double emploi dans les soins
prodigués.
Ce regroupement des lits favorise aussi les contacts entre les membres de
l'équipe pluridisciplinaire, qui disposent au sein de l'unité de
soins palliatifs de lieux d'échange et de réunion.
Enfin, il est indispensable pour favoriser la recherche et la formation en
soins palliatifs.
Les deux approches équipes mobiles/unités avec lits ne doivent
pas être opposées : elles sont étroitement
complémentaires et répondent à des besoins
différents, pour des malades dont la situation est
différente.
3. Les acteurs
Les
soins palliatifs et l'accompagnement sont du ressort d'une équipe
pluridisciplinaire, comprenant les médecins et l'équipe soignante
(infirmières, masseurs-kinésithérapeutes,
aides-soignantes), des psychologues et des accompagnants
bénévoles. La présence de psychologues est très
importante, non seulement pour répondre aux besoins du malade, mais
aussi pour entourer les membres de l'équipe soignante et les
bénévoles et éventuellement les familles.
Nous évoquerons ici en particulier le rôle des équipes
soignantes et des bénévoles.
a) Les médecins et l'équipe soignante
Les
soins palliatifs constituent, non pas des soins à part, mais
l'expression même de la médecine lorsqu'est en jeu le pronostic
vital. C'est pourquoi le Code de déontologie des médecins
(décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de
déontologie médicale)
n'y fait pas explicitement
référence.
Mentionner les soins palliatifs pourrait en effet laisser entendre qu'ils sont
une forme particulière de l'exercice de la médecine, une
" médecine pour mourants " alors que tout l'objet du Code de
déontologie est de montrer que le médecin a des devoirs
généraux vis à vis de tous les malades, quelle que soit
leur situation ou la gravité de leur maladie.
Plusieurs articles du Code de déontologie illustrent
le fait que les
soins palliatifs ne sont, en rien, une " médecine à
part "
. Ces articles figurent dans les titres Ier (Devoirs
généraux des médecins) et II (Devoirs envers les patients)
du Code.
Au sein du titre Ier, l'article 2, d'abord, dispose que le médecin
" exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne
et de sa dignité "
. Une brochure éditée par
l'Ordre des médecins et consacrée aux soins palliatifs et
à la déontologie médicale affirme à cet
égard que la dignité
" englobe toute la personne, de
façon indissociable. Nul ne peut en être déchu, nul ne peut
porter le diagnostic de " déchéance " ".
Ensuite, l'article 7 dudit Code prévoit à cet égard que
" le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou
soigner avec la même conscience toutes les personnes (...) (quel que
soit) leur état de santé ; il doit leur apporter son
concours en toutes circonstances ".
Dans le titre II du Code de déontologie, les articles 36, 37 et 38
concernent particulièrement les devoirs des médecins envers les
personnes gravement malades. Ils montrent que l'exercice de la médecine
suppose le respect de la liberté et de la volonté du
patient : l'Ordre des médecins affirme à cet égard
que
" l'attitude paternaliste traditionnelle et systématique
n'est plus défendable, même si certains patients en
détresse extrême peuvent la réclamer et la justifier. Cette
autonomie passe par une information, motivée dans son principe,
nécessaire en pratique. ".
Et, lorsque le patient refuse
investigations et traitements, le médecin doit respecter ce refus
après avoir informé le malade de ses conséquences (article
36).
Ce sont enfin probablement les articles 37 et 38 du Code de déontologie
des médecins qui résument, en quelque sorte, la doctrine
déontologique en matière de soins palliatifs. Ils disposent en
effet que :
" En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de
soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter
toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la
thérapeutique "
(article 37).
" Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses
derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la
qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade
et réconforter son entourage.
" Il n'a pas droit de provoquer délibérément la
mort "
(article 38).
Les médecins sont donc très concernés par les soins
palliatifs. C'est notamment le cas des médecins
généralistes, qui ont suivi le malade tout au long de sa maladie,
y compris lors d'hospitalisations répétées. La
continuité des soins qu'ils délivrent jusqu'à la mort,
conformément aux prescriptions déontologiques, est une des
caractéristiques principales de ce que l'on nomme " soins
palliatifs ".
La satisfaction de l'ensemble des besoins du malade suppose aussi
l'intervention d'autres professionnels, et notamment les infirmières.
Celles-ci peuvent exercer, soit en libéral, soit à
l'hôpital, soit encore dans le cadre de services de soins infirmiers
à domicile ou de l'hospitalisation à domicile.
Si le rôle des infirmières est essentiel, c'est, non seulement en
raison de leur proximité particulière du malade, mais aussi et
surtout en raison de leur compétence. En effet, le décret de
compétence des infirmiers
(décret n° 93-345 du 15
mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la
profession d'infirmier)
précise bien que les soins infirmiers
peuvent être des
" soins préventifs, curatifs ou
palliatifs ".
Ces soins, dit l'article premier du décret, sont de nature technique,
relationnelle et éducative. Ils ont notamment pour objet
" d'accompagner les patients en fin de vie et, en tant que de besoin,
leur entourage ".
Les soins palliatifs et l'accompagnement sont donc partie intégrante de
l'exercice des professions de médecin et d'infirmier ; ils sont
reconnus à part entière par les textes relatifs à leurs
compétences professionnelles et à leur
déontologie.
b) Les accompagnants bénévoles
Le
rôle des accompagnants bénévoles dans les soins palliatifs
a été reconnu officiellement par la circulaire du 26 août
1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement
des malades en phase terminale. Cette reconnaissance traduit le fait que le
développement des soins palliatifs, en France, a été
indissociable de la constitution de nombreuses associations de
bénévoles, notamment depuis 1983.
Selon une enquête réalisée par la Société
Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs, association qui
rassemble à la fois des représentants d'équipes soignantes
et des bénévoles et comporte un collège
" Médecins ", un collège " Soignants " et un
collège " Bénévoles ", il existait à la
fin de l'année 1997 environ 150 associations de bénévoles.
Le mouvement est de création récente : plus de 80 % de
ces associations ont moins de dix ans. Il rassemble environ 3.000 personnes,
dont la durée moyenne d'activité en accompagnement est de quatre
ans. Ces données, et notamment le fort taux de rotation des
bénévoles au sein des associations, ont été
confirmées lors des auditions publiques organisées au
Sénat : l'accompagnement est un exercice difficile, qui suppose une
grande disponibilité et l'absence de difficultés personnelles
majeures. On compte donc, dans les associations, beaucoup de " nouveaux
bénévoles ", et aussi beaucoup de défections
après quelques années.
Il est intéressant de constater que la moyenne d'âge des
bénévoles n'est pas très élevée : la
moitié d'entre eux ont entre 30 et 50 ans, et près de 45 %
ont une activité professionnelle. La moyenne de temps donné par
semaine est de 2 heures 45.
Ces caractéristiques montrent bien la force de conviction qui anime les
bénévoles pour accomplir une tâche qui s'ajoute à
leur activité professionnelle et à un âge où ils
n'ont pas, le plus souvent, été fréquemment
confronté à la mort de proches.
L'action des bénévoles ne se conçoit pas sans une
formation spécifique et une coordination adaptée. Environ
95 % des associations assurent elles-mêmes cette formation, sous
forme d'une formation initiale au deuil, à l'écoute, à
l'aide aux familles, au toucher et à la communication non verbale, etc.
Cette formation spécifique peut être complétée par
une formation continue et par des stages. En 1997, selon l'enquête de la
Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs,
près de 1.500 bénévoles auraient ainsi
bénéficié d'une formation.
Les associations organisent aussi l'encadrement de l'action de leurs
bénévoles, qui ont eux-mêmes besoin d'un suivi et d'un
soutien. Elles désignent ainsi, en leur sein, des coordonateurs qui
sont, soit des bénévoles expérimentés, soit des
médecins, infirmiers ou psychologues. Dans l'immense majorité des
cas, les associations organisent aussi des " groupes de parole ",
animés par des psychologues, des psychanalystes ou des
psychothérapeutes qui se réunissent au moins une fois par mois.
Pour décrire le travail des accompagnants, votre rapporteur a
souhaité recueillir le témoignage de l'un d'entre eux, M. Claude
Reinhart, bénévole au sein de l'ASP Fondatrice.
UN BÉNÉVOLE PARLE
On m'a
demandé de vous faire part de mon expérience d'accompagnant
bénévole en soins palliatifs.
Je précise tout de suite que j'ai 71 ans, que je suis un retraité
de la profession bancaire et que je n'ai aucune connaissance médicale.
Après avoir rappelé ce que recouvrent les " soins
palliatifs ", je parlerai :
- des besoins spirituels de la personne en fin de vie,
- de l'accompagnement de ces malades,
- des bénévoles qui font cet accompagnement à
côté des soignants et de la famille.
I - LES SOINS PALLIATIFS
La mort n'est plus, à notre époque, un événement
communautaire et familial. Il y a, dans notre société un
déni de la mort, synonyme de souffrance non seulement physique mais
également spirituelle.
Pourtant, la souffrance des derniers jours peut être adoucie aussi bien
pour le malade que pour la famille : les soins palliatifs témoignent de
l'idée que, lorsque la douleur est maîtrisée, la fin de vie
peut être riche de sens pour le malade qui doit continuer à vivre
jusqu'au bout et à espérer.
Les soins palliatifs rejettent toute idée d'acharnement
thérapeutique et, bien conduits, rendent injustifiées les
demandes d'euthanasie. Ils revêtent deux aspects : un aspect
médical, le traitement de la douleur et de tous les autres
symptômes et un aspect psychosocial et spirituel, l'accompagnement du
malade et de ses proches.
Le contrôle de tous les symptômes est la condition
sine qua
non
de l'accompagnement. On dispose aujourd'hui de produits antalgiques et
morphiniques généralement très efficaces contre la
douleur. En même temps toutes les misères physiques doivent
être combattues : nausées, vomissements, problèmes de la
bouche, de peau, essoufflement...
II - LES BESOINS SPIRITUELS DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE
Mais il ne suffit pas de contrôler tous les symptômes. A
côté de ceux-ci, rien n'est pire que la souffrance
engendrée par la déchéance physique, la solitude et la
perspective de la mort. Le malade en fin de vie souffre moralement. Il souffre
de la perte de son autonomie, de son image, de son identité et de sa
dignité.
Il a peur d'être séparé de son entourage, de devenir
dépendant des autres, des conséquences de sa disparition pour sa
famille, de la douleur au moment du passage, de l'au-delà et de
l'ignorance de ce nouvel état.
Il désire conserver sa dignité d'homme, être reconnu comme
une personne, se sentir aimé et respecté, il a besoin d'amour et
de tendresse, de se sentir écouté.
Il a besoin de donner un sens à sa vie, et donc de la relire pour se
libérer de sa culpabilité consciente ou inconsciente, pour se
réconcilier avec lui-même et avec les autres.
A ces besoins spirituels propres à tout être humain quelles que
soient ses croyances ou son incroyance, s'ajoute pour le croyant un besoin de
vivre sa foi jusqu'à la fin, de se réconcilier avec son Dieu, de
retrouver son amour, d'avoir l'espérance que la mort est un passage
obligé pour la naissance à la vie éternelle.
III - L'ACCOMPAGNEMENT
Pour essayer de répondre à ces souffrances, ces angoisses, ces
besoins, ces désirs, il faut accompagner le malade. Accompagner, c'est
être auprès de lui là où il en est de ses
pensées, de ses angoisses, quand il le désire. C'est respecter
son rythme, son cheminement. C'est lui permettre d'exister en tant
qu'être humain vivant et non en tant qu'objet de soins.
Il s'agit de fournir au malade, dans un contexte de vérité, les
repères dont il a besoin, de façon progressive et adaptée
à ce que l'on perçoit comme sa demande réelle, souvent
assez éloignée de la demande exprimée quand la menace de
mort apparaît.
Tous les intervenants auprès du malade sont impliqués dans
l'accompagnement, chacun à sa façon avec ses contraintes et ses
handicaps, tant à l'hôpital qu'à domicile :
1. Les soignants :
- le médecin hospitalier qui a un rôle déterminant dans le
climat de prise en charge globale de maladie, les infirmières, les
aides-soignantes et les agents hospitaliers,
- les kinésithérapeutes, les psychologues et les assistantes
sociales...
Mais tous ces intervenants hospitaliers ou libéraux connaissent à
des degrés divers des contraintes de temps.
2. La famille
qui représente l'élément de soutien
majeur pour le malade et qui fait face à la situation d'autant mieux
qu'elle est aidée par l'équipe soignante et que des dispositions
ont été prises pour l'accueillir. Mais la famille peut avoir des
difficultés à parler à son malade sinon en termes
rassurants, par pudeur, par crainte de le choquer, par manque de formation.
Elle a parfois tendance à écarter des sujets que le malade
voudrait aborder en même temps que le malade lui-même n'ose pas se
libérer auprès d'un proche et déposer un fardeau de
confidences qui lui pèse.
3. L'accompagnement bénévole
: le malade est enclin
à se confier à un tiers, un ami, un ministre du culte s'il est
croyant ou à un inconnu lié par le secret, l'accompagnant
bénévole qui a comme atout d'assurer une présence sans la
médiation d'une tâche à accomplir, d'être
déchargé de contraintes matérielles et techniques qui
viennent faire écran entre le malade et le soignant.
Que va faire l'accompagnant bénévole ? En quoi consiste son
accompagnement ?
A partir de l'instant où le bénévole pénètre
dans la chambre du malade, il doit oublier ses propres soucis et se consacrer
totalement et uniquement à son malade. Il a été
informé au préalable sur son âge, l'avancement de sa
maladie, le pronostic de durée de vie et ce qui est très
important sa situation familiale, son entourage, ses occupations
antérieures.
Il se présente uniquement avec un prénom, en ajoutant " le
bénévole ". C'est le mot de passe pour que le malade, qui ne
vous connaissait pas, accepte que vous cheminiez à ses
côtés et que, peu à peu, il s'ouvre à vous de sa
peur, de son angoisse, de ses préoccupations, de ses désirs, de
sa souffrance morale.
Quand vous vous introduisez pour la première fois chez ce malade en fin
de vie, regardez-le bien en face, vous contemplez un de vos frères qui
va mourir dans quelques jours, semaines ou mois. Vous venez de vous engager
implicitement vis-à-vis de lui à l'accompagner pendant le temps
qui lui reste à vivre, à ne pas le quitter quand il souffre et
qu'il a peur, à être là si nécessaire au moment de
son agonie, de sa mort.
Vous êtes disponible pour l'écouter, entendre ce qu'il veut vous
dire et partager. C'est lui qui va vous dire ce qui est important à ses
yeux, selon ses critères (et non les vôtres). C'est à
vous, bénévole de percevoir ses messages verbaux mais aussi ses
silences, ses regards, ses signes et d'essayer de satisfaire ses désirs
et répondre à ses préoccupations.
Il s'agit souvent au début de tâches matérielles comme la
lecture, son courrier, une réponse à ses demandes de
renseignements, une sortie en fauteuil roulant dans la rue ou dans un
musée pour satisfaire son désir de continuer à vivre comme
les autres. Vous rendez les mêmes services qu'un membre de la famille ou
un ami.
Puis, à un certain moment, vous devenez le tiers anonyme pour
écouter sa souffrance morale. Il convient, en effet, de permettre
à la personne en fin de vie de partager ce qu'elle ressent, lui ouvrir
la porte par où évacuer ce qui lui est difficile à
supporter et lui permettre en se sentant reconnue et entendue d'accéder
à un état plus vivable pour elle.
Il faut remplir tous nos gestes d'amour. Les mourants sont très
sensibles à l'amour que l'on crée autour d'eux. Il faut aussi
leur permettre d'exprimer leur amour vis-à-vis de tous ceux qui les
approchent.
Il faut savoir déclencher chez le malade le besoin de raconter sa vie
qui va lui permettre de relire sa vie pour lui-même (et non pour vous),
de se libérer de sa culpabilité, de se réconcilier avec
lui-même, avec les autres pour accepter peu à peu sa finitude
à trouver ou retrouver la paix de sa conscience.
Cette parole a besoin d'un destinataire imaginaire dont l'accompagnant accepte
d'être le support, incarnant pour le malade l'ensemble des interlocuteurs
qui ont peuplé sa vie.
Une fois le récit achevé, souvent après plusieurs
séances, la personne semble pouvoir abandonner tout sentiment de
révolte, se réconcilier avec elle-même et accepter de
lâcher prise.
L'accompagnement est une disponibilité et une présence
auprès de l'autre, présence souvent silencieuse qui assure au
mourant l'écoute de ce que les autres ne veulent ou ne peuvent entendre.
Mais ceci doit être tout en nuances et il faut attendre que la personne
en fin de vie vous invite en quelque sorte à entrer dans son jardin
secret.
C'est particulièrement vrai pour les besoins religieux où le mot
" accompagner " prend tout son sens : écouter et partager avec
beaucoup d'humilité, répondre aux questions, ne jamais chercher
à faire de prosélytisme et à vouloir faire le bonheur des
autres contre eux-mêmes en leur imposant nos propres croyances, ne pas
aborder nous-mêmes les problèmes religieux, de l'au-delà,
n'en parler que si nous y sommes expressément invités par le
malade.
Il y a le malade, il y a aussi la famille qui doit se préparer à
faire son deuil, qui souffre doublement pour le malade et pour elle-même
avec les mêmes angoisses, les mêmes révoltes devant la mort.
Il faut donc, si nécessaire, aider la famille, lui faire prendre
conscience des besoins spirituels du malade, notamment de sa démarche de
pardon et de réconciliation et savoir donner au malade l'autorisation de
partir, de larguer les amarres.
IV - QUI EST CET ACCOMPAGNANT BÉNÉVOLE ?
Il s'agit, non d'un être exceptionnel, mais de toute personne comme vous
et moi, volontaire, qui a été jugée apte à
affronter certaines situations parfois douloureuses et émouvantes, ayant
surmonté sa propre angoisse de la mort, ayant reçu une formation
ad hoc. Aucune connaissance médicale n'est nécessaire. Le
bénévole ne doit prodiguer aucun soin à l'hôpital et
se borne, à domicile, à remplacer la famille si elle le demande
en son absence.
Les qualités requises sont l'humilité, la tolérance,
l'authenticité, la faculté d'écoute, la capacité de
soutien des silences et le respect de la part de solitude qui existe dans toute
fin de vie.
Le bénévole fait partie d'une équipe d'accompagnants
bénévoles comme lui au sein d'une équipe
pluridisciplinaire et il doit avoir l'esprit d'équipe. Il est tenu au
secret médical et doit garder pour lui les confidences que peut lui
faire la malade. Il doit rester dans la vérité, il ne ment pas,
il est authentique dans ce qu'il dit, ce qu'il pense, ce qu'il vit
auprès du malade et de sa famille.
Le bénévole va découvrir un champ immense, celui de la
réflexion sur la mort, le deuil, le sens de la vie. Découverte de
soi-même avec ses peurs, ses refus, ses désirs. La vie lui
paraîtra plus belle en constatant combien elle devient précieuse
quand elle s'estompe et combien les derniers échanges ont une valeur
sans égale.
Je voudrais témoigner ici qu'on est souvent émerveillé par
l'exemple qui nous est donné par ces personnes en fin de vie qui ont
surmonté toute angoisse et toute révolte devant la perspective de
la mort et ont trouvé la paix et la sérénité. Nous
sommes payés au centuple de nos efforts par le sourire qui
apparaît sur leur visage qui devient tellement beau.
Claude REINHART
B. NOTRE PAYS ACCUSE NÉANMOINS UN TRÈS FORT RETARD
Malgré de tardifs timides progrès et la perspective d'une amélioration, en milieu hospitalier, grâce à la procédure d'accréditation, l'offre de soins palliatifs est démesurément faible par rapport aux besoins. Ce retard constitue dans une large mesure une spécificité française, d'autres pays, et notamment des pays européens faisant beaucoup mieux que nous en la matière.
1. De timides progrès ont été enregistrés depuis dix ans
La
constitution par le secrétariat d'Etat à la santé d'un
groupe de travail consacré à " l'aide aux mourants ",
en février 1985, a donné l'impulsion nécessaire à
la reconnaissance des soins palliatifs et à leur développement
dans notre pays.
Les travaux de ce groupe de travail, engagés par le Secrétaire
d'Etat M. Edmond Hervé et présidés par Mme
Geneviève Laroque, adjoint au Directeur Général de la
Santé, ont abouti à la rédaction de la circulaire du
26 août 1986 précitée, toujours en vigueur, relative
à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en
phase terminale. Cette circulaire, en définissant les soins palliatifs,
a procédé à leur reconnaissance officielle. Elle a aussi
déterminé les caractéristiques essentielles de leur
organisation, à domicile et en institution.
Cette circulaire " organisatrice " n'a pas été
complétée par un volet financier permettant de dégager des
moyens nouveaux en faveur du développement des soins palliatifs :
elle indiquait seulement en effet que
" les moyens nécessaires
à la mise en application pratique des soins d'accompagnement des
mourants seront recherchés par le redéploiement des moyens
existants "
et que
" les soins palliatifs ne sauraient en
aucun cas se concrétiser par une médecine au moindre
coût ".
Malgré cette réserve, la circulaire de 1986 a donné une
véritable impulsion au développement des structures de soins
palliatifs hospitalières et à domicile.
Quatre ans plus tard, le 19 décembre 1990, les ministres Bruno Durieux
et Claude Evin confiaient une mission sur les soins palliatifs au Docteur Henri
Delbecque : il était ainsi chargé de mettre en place une
réflexion sur
" la manière concrète dont sont
accompagnés les malades en phase terminale et leur famille "
et
de procéder aux consultations et à la concertation
nécessaires.
Puis, la loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991 inscrivait
les soins palliatifs dans les missions du service public hospitalier :
l'article L. 711-4 du code de la santé prévoit en effet
désormais que les établissements de santé assurant le
service public hospitalier
" dispensent aux patients les soins
préventifs, curatifs ou palliatifs que requiert leur état et
veillent à la continuité de ces soins, à l'issue de leur
admission ou de leur hébergement. "
Le rapport rédigé par le Docteur Delbecque, publié au mois
de janvier 1993, dressait un premier bilan de cette politique et montrait ainsi
que, depuis la publication de la circulaire de 1986, 27 unités de soins
palliatifs avaient été créées, 22 avec lits (soit
188 lits) et 5 équipes mobiles dont l'une avec deux lits d'hôpital
de jour.
Au total, au 1
er
octobre 1992, on comptait, en France 32
unités de soins palliatifs. Elles se répartissaient en 6
unités mobiles et 26 unités avec lits, représentant au
total 356 lits.
Ces unités de soins palliatifs étaient situées, pour 17
d'entre elles, dans des établissements publics de santé, 15
relevant du secteur d'hospitalisation privé participant au service
public hospitalier.
2. La procédure d'accréditation devrait aussi favoriser la diffusion des soins palliatifs dans les établissements de santé
La
procédure d'accréditation des établissements de
santé, qui commence à être mise en oeuvre, repose sur une
confrontation des pratiques hospitalières avec des critères qui
devrait favoriser la délivrance de soins palliatifs dans les
établissements de santé.
Ainsi, le manuel expérimental d'accréditation, diffusé par
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé au mois de juillet 1998, prévoit, parmi les
références d'accréditation (énoncé
d'attentes ou d'exigences permettant de satisfaire la délivrance de
soins ou de prestations de qualité), plusieurs thèmes concernant
les patients susceptibles de nécessiter des soins palliatifs :
1/ Dans le chapitre intitulé " droits et information du
patient " :
• référence 4 :
" le patient reçoit
une information claire, compréhensible et adaptée sur ses soins
et son état de santé "
;
• référence 5 :
" le consentement du patient
et/ou de son entourage est requis pour toutes pratiques le
concernant
" ;
• référence 6 :
" le respect de
l'intimité et de la dignité du patient ainsi que sa
liberté sont préservés tout au long de son séjour
ou de sa consultation ".
2/ Dans le chapitre intitulé " organisation des soins et
coordination des prestations médico-techniques " :
• référence 1 :
" l'établissement
définit et met en oeuvre une politique visant à assurer la
continuité et la coordination des soins "
;
• référence 11 :
" la prise en charge des
besoins spécifiques du patient est assurée "
;
• référence 14 :
" le décès du
patient fait l'objet d'un accompagnement ".
Les critères permettant de satisfaire les références 11 et
14 précitées sont énumérés par le manuel
d'accréditation. Il précise ainsi que :
• 11b :
" les douleurs aiguës ou chroniques et la
souffrance psychique sont recherchées, prévenues et prises en
charge
;
• 11c :
" la prise en charge des besoins spécifiques
du patient en fin de vie est assurée. Elle fait l'objet notamment de
formations et de réflexions multidisciplinaires permettant
d'élaborer une démarche commune, en relation avec le
médecin traitant et l'entourage "
;
• 14a :
" les personnes à prévenir sont
contactées en cas d'état critique du patient
;
• 14b :
" les volontés et les convictions du
défunt sont respectées "
;
• 14c :
" le médecin traitant est informé du
décès "
;
• 14d :
" un accompagnement psychologique de l'entourage
est assuré ".
Aux termes de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, tous les
établissements de santé, publics et privés, devront
s'être engagés dans la procédure d'accréditation
dans un délai de cinq ans à compter de sa publication. Si cette
échéance est respectée, la date limite d'entrée
dans la procédure serait donc le 24 avril 2001.
3. L'offre de soins palliatifs demeure démesurément faible par rapport aux besoins
Selon le
ministère de la santé, le nombre d'unités de soins
palliatifs a connu une nouvelle progression importante depuis le recensement
effectué par le rapport Delbecque.
On est ainsi passé de 22 unités avec lits en 1992 à
51
unités en 1997.
Elles disposent d'une capacité d'admission de
547 lits. Sur ces 51 unités, 3 sont situées dans des Centres
Hospitaliers et Universitaires.
Cette progression globale du nombre d'unités avec lits ne doit pas faire
oublier que plusieurs régions ne disposent encore aujourd'hui d'aucune
unité : c'est notamment le cas des régions Centre, Limousin,
Languedoc-Roussillon et de la Corse.
Les équipes mobiles de soins palliatifs ont connu un
développement plus important. De 6 en 1992, leur nombre est passé
à 27 en 1995 et
55 en 1997
.
L'initiative hospitalière est relayée par celle des pouvoirs
publics, aux niveaux national et régional.
Ainsi, le ministère de la santé subventionne trois projets
régionaux au moins partiellement consacrés au
développement des soins palliatifs : il s'agit des programmes
"
Alsace contre le cancer
", "
Contre le cancer en
Champagne-Ardenne
" et le contrat d'objectifs sur les soins palliatifs
en Ile-de-France.
La progression du nombre des unités spécialisées en
soins palliatifs, avec ou sans lits, est cependant tout à fait
insuffisante pour répondre aux besoins. Ainsi, selon la
Société Française d'Accompagnement et de soins
Palliatifs :
•
41 départements ne disposent, ni d'unité avec lits, ni
d'unité mobile de soins palliatifs ;
•
plus de la moitié des équipes mobiles existantes ne
disposent pas du personnel et des compétences nécessaires,
à savoir au moins un médecin, un psychologue, un infirmier et une
secrétaire ;
• la plupart du temps, les équipes mobiles ne disposent pas de
locaux ; lorsqu'elles en disposent, ils sont souvent insuffisants, voire
inadaptés et ne permettent pas de faire face aux missions de
consultation et d'accueil des familles ;
•
les unités avec lits sont souvent isolées au sein de
l'hôpital, ce qui ne permet pas d'assurer une bonne continuité des
soins curatifs et palliatifs. Toujours selon l'enquête
réalisée par la Société Française
d'Accompagnement et de soins Palliatifs, la moitié des unités ne
dispose pas d'une consultation externe ;
•
en Ile-de-France, la Direction régionale des affaires
sanitaires et sociales estime que 32.000 personnes devraient
bénéficier de soins palliatifs : dans la mesure où
chaque lit en unité de soins palliatifs permet d'accueillir environ 9
malades par an, 2.660 lits seraient ainsi nécessaires pour cette
région. Or, seuls 184 lits sont aujourd'hui recensés en
Ile-de-France.
La timide progression de l'offre de soins palliatifs en France doit être
mise en perspective des besoins, qui sont bien immensément
supérieurs. Elle doit aussi être comparée avec les
performances d'autres systèmes de santé, notamment
européens.
Or, une étude réalisée par le Service des affaires
européennes du Sénat, annexée au présent rapport,
montre que les établissements de santé, au Royaume-Uni, disposent
de 3.000 lits de soins palliatifs, qui permettent d'accueillir 200.000
personnes chaque année. De même 400 lits de soins palliatifs ont
été mis en place dans les hôpitaux belges ; ils
s'ajoutent à une importante offre de soins palliatifs à
domicile.
II. LES RAISONS D'UNE GRAVE CARENCE
Le
déroulement des Etats généraux de la santé,
organisés à l'initiative du ministère de la santé
au moment de la rédaction du présent rapport, montre que, selon
le journal Le Quotidien du médecin, la douleur et les soins palliatifs
constituent la
" préoccupation numéro un des
Français "
. Parmi les thèmes retenus par les
comités de pilotage des Etats généraux, le thème
"
douleur et soins palliatifs
" est en effet celui qui fait
l'objet du plus grand nombre de réunions organisées sur
l'ensemble du territoire.
Pourtant, l'offre de soins palliatifs demeure insignifiante par rapport
à cette préoccupation grandissante de nos concitoyens. Il
convient d'en analyser les raisons, avant de formuler des propositions dont la
mise en oeuvre permettra de supprimer cet inadmissible décalage.
Il apparaît que les obstacles au développement des soins
palliatifs résultent, d'abord, d'une insuffisante formation. Ils sont
aussi d'ordre réglementaire et budgétaire, ces deux aspects
étant d'ailleurs intimement liés. Ils tiennent enfin au manque de
volonté politique, dont l'expression, dans le passé, s'est trop
souvent réduite à des effets d'annonce.
A. LA FORMATION ET LA RECHERCHE EN SOINS PALLIATIFS NE SONT PAS SUFFISAMMENT DÉVELOPPÉES
L'approche en termes de soins palliatifs est ancienne. Ainsi,
le
Professeur Jean Kermarec, au cours d'une séance récente de
l'Académie de médecine, a résumé l'essentiel de ce
que sont les soins palliatifs et leur long cheminement.
Il a indiqué à cet égard que la thérapeutique
palliative visant à soulager le malade, remonte à
l'Antiquité avec l'utilisation de l'opium, et que l'accompagnement a
pris son essor grâce notamment à des mouvements et ordres
religieux tels que les Filles de la Charité, les Camilliens ou les
Diaconnesses. Il cite notamment la création, en 1842, de l'oeuvre des
Dames du Calvaire par Jeanne Garnier.
Tout se passe cependant comme si les grands progrès accomplis par la
médecine avaient " fait oublier " cette nécessaire
association des thérapeutiques palliatives et de l'accompagnement et
contribué à rendre la mort de plus en plus
médicalisée, et parfois de moins en moins humaine.
Tout se passe comme si la mort était vécue comme un échec
de la médecine et devait donc être refoulée,
cachée.
1. La formation des futurs médecins est lacunaire
Au cours
des auditions publiques organisées, au Sénat, par votre
commission des Affaires sociales, le Professeur Bernard Glorion,
président du Conseil national de l'Ordre des médecins, a
rappelé son expérience d'interne des hôpitaux :
" Nous passions seulement devant la chambre des mourants car nos
patrons nous disaient : " il n'y a plus rien à
faire "
".
Cette occultation de la mort n'est bien entendu pas du seul fait des
médecins : elle nous concerne tous et constitue, si l'on peut dire,
un fait de société.
Mais c'est un euphémisme de constater que, si les infirmières
sont formées aux soins infirmiers palliatifs reconnus par leur
décret de compétence, la formation des médecins ne
prépare pas assez ces derniers à affronter la mort et à
prendre en charge tous les besoins des malades dont le pronostic vital est en
jeu.
Certes, comme l'a souligné au cours des auditions publiques
organisées au Sénat le Professeur Roland, président de la
Conférence des Doyens, "
il n'y a pas 5 % des
étudiants en médecine qui ont vu un mort à leur
entrée en médecine ; c'est en anatomie le plus souvent que
ce premier épisode de désacralisation, du fait de notre
défaite, leur apparaît comme réel. (...) En outre, dans les
soins palliatifs, nous ne pouvons pas multiplier les stagiaires autour du lit
de la personne et nous nous y refusons totalement
. " Enfin, le
président de la Conférence des Doyens a souligné le fait
qu'il sera très difficile d'améliorer l'enseignement des soins
palliatifs s'il n'existe pas, à l'hôpital ou en ville, de
structures de soins qui fonctionnent et auprès desquelles les
étudiants peuvent apprendre.
A la suite des travaux de votre commission des Affaires sociales et, notamment
de son rapport consacré à la prise en charge de la douleur, le
ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a
concrétisé, par une circulaire DGES/DGS n°15 du 9 mai 1995,
les engagements pris auprès de votre rapporteur. Elle a consacré
le traitement de la douleur et les soins palliatifs comme thèmes
prioritaires devant faire l'objet de séminaires au cours des
études médicales.
Puis, un arrêté du 4 mars 1997 est venu réformer le contenu
de la deuxième partie du deuxième cycle des études
médicales.
Cet arrêté complète l'introduction, en première
année, d'un enseignement de sciences humaines qui a été
réalisée par l'arrêté du 18 mars 1992 modifié
par l'arrêté du 21 avril 1994.
Il prévoit que l'enseignement théorique, dans la deuxième
partie du deuxième cycle des études médicales, comprend,
parmi des matières ou groupe de matières obligatoires, les soins
palliatifs et le traitement de la douleur.
L'arrêté indique que cet enseignement de matières
obligatoires est complété, outre des enseignements à
option, par des thèmes d'enseignement jugés prioritaires, parmi
lesquels figurent nécessairement la médecine
générale et la gérontologie. Les autres thèmes,
dispose l'article 7 de l'arrêté, sont définis tous les
quatre ans par arrêté des ministres chargés de
l'enseignement supérieur et de la santé. Ils sont
organisés au moins tous les deux ans, sous forme de séminaire,
par un professeur des universités-praticien hospitalier. Le traitement
de la douleur et les soins palliatifs ont ainsi été retenus comme
thèmes prioritaires de ces séminaires.
Votre rapporteur s'est félicité du contenu de cet
arrêté au moment de sa publication. Cette satisfaction
passagère a cependant rapidement laissé place à une
inquiétude sur le degré d'application de cet arrêté
et de cette circulaire, en pratique, dans les Facultés de
médecine.
Interrogé par votre rapporteur au cours des auditions publiques
organisées au Sénat, le Professeur Roland a estimé
qu'environ la moitié des Facultés de médecine avaient mis
en place les séminaires prévus par les textes
réglementaires... ce qui signifie que, trois ans et demi après la
publication de la circulaire de 1995,
la moitié des Facultés
de médecine n'a toujours pas appliqué les textes en vigueur
.
Conformément à la demande formulée par de votre
rapporteur, M. Jean Rey, conseiller auprès du Ministre de
l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, a interrogé
les Doyens sur le degré de mise en oeuvre des séminaires
consacrés à la douleur et aux soins palliatifs.
A partir du 15 février 1999, devraient être connues les
réponses des Facultés aux questions suivantes :
" 1/ Cet enseignement a-t-il été organisé en
1997-1998 et/ou en 1998-1999 ?
2/ Si vous ne l'avez pas organisé au cours de ces deux années,
prévoyez-vous de le faire lors de l'année universitaire
1999-2000 ?
3/ Si vous l'avez organisé, précisez :
•
l'organisation générale de ce ou de ces
séminaires avec notamment le nombre d'heures qui lui ont
été consacrées ;
• si les étudiants ont pris une part active à ce ou ces
séminaires, notamment en y faisant des exposés ;
•
quel enseignant en est responsable, en précisant sa
discipline de rattachement ;
•
quels enseignants y ont participé, en précisant
là encore leurs disciplines de rattachement, qu'il s'agisse de
disciplines médicales ou non médicales.
L'amélioration de la formation médicale initiale des
médecins doit, on le voit, être poursuivie assidûment. Et il
convient de garder en mémoire que les progrès initiés,
soit à l'initiative de Facultés de médecine, soit
grâce à des textes réglementaires, n'auront d'effet dans
les pratiques médicales que dix ou quinze ans plus tard, si l'on prend
on considération la longue durée des études
médicales et le temps mis par les Facultés à adapter leurs
pratiques à ce qui ne semble parfois perçu que comme un
" environnement réglementaire "..
Il est donc important que la formation continue des médecins en
matière de soins palliatifs soit, elle aussi, améliorée et
valorisée, et que soient développés, parallèlement,
des diplômes universitaires consacrés aux soins palliatifs. Lors
de son audition par votre commission, le docteur Benoît Burucoa a
indiqué qu'il existe ainsi aujourd'hui 23 diplômes, dont certains
sont regroupés en deux diplômes inter-universitaires.
2. Les projets de recherche en soins palliatifs sont récents et difficiles à mettre en oeuvre
Le
développement des soins palliatifs ne pourra être assuré
que si de nombreux médecins s'investissent dans la recherche dans ce
domaine. Or, cet investissement est difficile.
Une enquête réalisée à la demande de la Fondation de
France et de la Société Française d'Accompagnement et de
soins Palliatifs, publiée en 1998, a analysé à la fois les
projets de recherche existants et les obstacles rencontrés pour les
réaliser.
Outre le besoin d'un soutien méthodologique évoqué dans
leurs réponses par certaines structures de soins palliatifs,
l'enquête a recensé des obstacles de deux ordres.
En premier lieu, les équipes de soins palliatifs
" manquent
d'une reconnaissance, universitaire mais aussi auprès des autres
services, du fait probablement de l'absence de formation aux soins palliatifs
pendant le cursus médical. Une grande partie de leur temps consiste
ainsi à faire connaître et accepter leurs
activité. "
En second lieu, ces équipes n'ont pas suffisamment de moyens financiers
et humains : l'enquête a ainsi montré que la moitié
des équipes n'avaient pas de médecin à temps plein et
qu'elles fonctionnaient avec un ou plusieurs médecins réalisant 9
vacations par semaine en moyenne.
Au total, les équipes de soins
palliatifs comprennent l'équivalent de 1,8 médecin à temps
plein
, effectif insuffisant pour développer une importante
activité de recherche. En outre, les
plus de 80 % des services
interrogés n'ont pas d'interne ; c'est même le cas de
97 % des unités mobiles de soins palliatifs.
La précarité et la faiblesse des moyens dont disposent les
structures de soins palliatifs obligent leurs membres, qu'ils soient
médecins, infirmières ou psychologues, à consacrer tout
leur temps disponible aux malades et à la résolution de
problèmes de fonctionnement.
Un soutien à l'activité de recherche est donc absolument
nécessaire pour mieux former les étudiants en médecine et
les attirer vers cette discipline, faire bénéficier les malades
des résultats de recherches approfondies et contribuer à une
meilleure reconnaissance des soins palliatifs.
B. LES OBSTACLES RÉGLEMENTAIRES ET BUDGÉTAIRES SONT NOMBREUX
Les
obstacles réglementaires et budgétaires au développement
des soins palliatifs demeurent multiples. Ils tiennent notamment :
• à la planification hospitalière, qui ne favorise,
ni le développement des unités de soins palliatifs en
établissement, ni l'hospitalisation à domicile ;
• au PMSI qui n'est pas adapté pour décrire
l'activité de soins palliatifs qui nécessite un personnel
nombreux pour réaliser, par définition, peu d'actes
techniques ;
• aux modes de rémunération des professionnels de
santé, qui ne favorisent pas le travail en équipe ou en
réseau.
1. La planification hospitalière est peu incitatrice
La
planification hospitalière, d'abord, ne favorise pas le
développement de l'hospitalisation à domicile, indispensable
à la diffusion des soins palliatifs.
En effet, reconnue par la loi hospitalière du 31 juillet 1991 qui lui a
donné un cadre juridique, elle ne bénéficie pas d'un
régime d'autorisation très favorable. L'article L. 712-10 du code
de la santé publique prévoit ainsi que, lorsqu'un projet
d'hospitalisation à domicile se situe dans une zone sanitaire dont les
moyens sont excédentaires, l'autorisation n'est accordée
qu'à condition que le projet soit assorti d'une réduction des
moyens d'hospitalisation dans la discipline concernée.
L'article D. 712-13-1 précise ce mécanisme d'échange :
1/ si l'excédent de moyens est inférieur à 25 % des
besoins théoriques de la zone sanitaire : la création d'une
place d'hospitalisation à domicile doit s'accompagner de la fermeture
d'un lit d'hospitalisation à temps complet ;
2/ si cet excédent est supérieur à 25 %, la fermeture
de deux lits est nécessaire pour la création d'une place
d'hospitalisation à domicile.
2. Le PMSI n'est pas adapté pour décrire l'activité de soins palliatifs
Le
Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI)
constitue désormais l'instrument privilégié pour
décrire l'activité hospitalière et est utilisé pour
allouer les moyens financiers aux établissements.
Pour des groupes homogènes de malades, il décrit les diagnostics,
les actes dits " classants " réalisés et mesure
l'activité à travers un " prix unitaire
théorique " exprimé en " points ISA ".
Il est essentiel, dès aujourd'hui, que le PMSI évolue pour mieux
prendre en considération l'activité de soins palliatifs, car tel
n'est pas le cas aujourd'hui.
En effet, pour les structures de soins palliatifs actuellement classées
en court séjour, ce qui est le cas d'unités importantes comme la
maison médicale Jeanne Garnier, l'inadaptation du PMSI se traduit par
une valeur de point ISA comprise entre 60 et 70 francs, soit environ six fois
le coût moyen de l'activité hospitalière au niveau national.
Pour les unités classées en soins de suite, la situation est un
peu meilleure. En effet, le PMSI prend en compte la dépendance physique
du malade, qui constitue un critère important pour décrire les
personnes bénéficiant de soins palliatifs. Mais d'autres
éléments importants ne sont pas pris en
considération : il en est ainsi du " temps relationnel ",
c'est-à-dire de tout le temps passé par l'équipe
hospitalière en accompagnement psychologique du malade. Il en est
également ainsi des " troubles du comportement ", dont
souffrent certains malades en soins palliatifs et qui occasionnent des soins
spécifiques et, aussi, du temps passé.
En fait, selon le Président de la Société Française
d'Accompagnement et de soins Palliatifs, il n'est pas excessif de constater que
le PMSI valorise l'acharnement thérapeutique. En fait, du strict point
de vue du PMSI, mieux vaut poursuivre jusqu'au bout des actes de chirurgie ou
de chimiothérapie, même inutiles, que de pratiquer l'abstention
thérapeutique, soulager le malade et l'accompagner.
Bien entendu, et c'est heureux, les médecins ne prennent pas leurs
décisions en fonction du PMSI... Mais il n'est pas satisfaisant que le
principal outil de description de l'activité hospitalière soit
aussi pénalisant pour les soins palliatifs.
3. La réglementation et le mode de rémunération des professionnels de santé ne facilitent pas le travail en équipe ou en réseau
Le
développement des soins palliatifs et de l'accompagnement suppose celui
du travail en équipe et/ou en réseau. Ainsi, à
l'hôpital, il suppose, non seulement la réunion de
compétences pluridisciplinaires (médecins, équipes
soignantes, psychologues), mais aussi une coopération avec les autres
services dans lesquels sont ou étaient soignés les malades. A
domicile, il faut ajouter à ces exigences de collaboration celle qui
doit s'instaurer entre professionnels de santé de ville et
équipes hospitalières.
Or, ni les traditions culturelles, ni la réglementation ne sont
très incitatrices en la matière. Et, si les traditions peuvent
évoluer avec l'amélioration de la formation, la
législation et la réglementation relatives à la prise en
charge des soins par la sécurité sociale consacrent des pratiques
individuelles cloisonnées.
Ainsi, le paiement à l'acte n'est adapté, ni à la
rémunération d'actes d'accompagnement qui prennent beaucoup de
temps, ni à la coopération entre professionnels. En outre, en ce
qui concerne l'exercice professionnel des médecins, peu de passerelles
existent entre l'hôpital et la ville.
Les progrès récents, en la matière, résultent des
ordonnances dites " Juppé ", et notamment des dispositions
issues de l'article 6 de l'ordonnance n° 96-345 relative à la
maîtrise médicalisée des dépenses de soins.
L'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale qu'il
institue prévoit en effet la mise en oeuvre d'actions
expérimentales telles que des réseaux de soins permettant la
prise en charge globale de patients atteints de pathologies lourdes ou
chroniques.
Le fonctionnement de ces réseaux pourra se traduire par des
dérogations à des dispositions essentielles du code de la
sécurité sociale telles que celles qui concernent le paiement
à l'acte, le paiement direct des honoraires par le malade ou les frais
couverts par l'assurance maladie.
La limite de ce dispositif réside dans la procédure devant
être mise en oeuvre, le projet de réseau devant faire l'objet d'un
premier examen par un conseil d'orientation avant d'être
agréé par l'Etat. Elle résulte aussi dans le
caractère expérimental du dispositif : ces projets peuvent
en effet être réalisés pendant une durée de cinq ans
à compter de la publication de l'ordonnance, soit jusqu'au 25 avril
2001.
C. SANS UNE LOI SPÉCIFIQUE, LA VOLONTÉ POLITIQUE DE DÉVELOPPER LES SOINS PALLIATIFS SE RÉDUIT À DES EFFETS D'ANNONCE
Depuis la publication de la circulaire du 26 août 1986, de nombreux " plans " ministériels de développement des soins palliatifs ont été annoncés. S'ils ont contribué, par la sensibilisation de l'opinion publique et des professionnels, à l'enrichissement de l'offre de soins palliatifs sur le territoire, on ne peut que constater qu'aucune des mesures importantes qui avaient été annoncées n'a été mise en oeuvre.
1. Le communiqué du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 8 mars 1993
A
l'occasion de la présentation du rapport Delbecque, le ministre de la
santé et de l'action humanitaire avait annoncé, dans un
communiqué, les cinq mesures qu'il comptait mettre en oeuvre en
1993 :
" 1/ la création d'une fonction de soins
palliatifs :
" la création d'une fonction " soins palliatifs " sous
forme d'unités de soins palliatifs et/ou d'équipes mobiles dans
tous les C.H.U.. Les unités de soins palliatifs ont pour fonction
essentielle la formation et la recherche ;
" 2/ développement de petites unités de soins :
" encourager le développement de petites unités de soins,
notamment dans les hôpitaux de proximité ;
" 3/ développement de l'hospitalisation à
domicile :
" encourager le développement des structures d'hospitalisation
à domicile (HAD) dans le cadre des trois décrets du 2 octobre
1992 sur les alternatives à l'hospitalisation ;
" 4/ développement des équipes mobiles en milieu
hospitalier :
" développer des équipes mobiles intervenant dans les
centres de cancérologie ou de SIDA ou dans d'autres sites hospitaliers
par conventions entre centres ;
" 5/ développement de la formation permanente en matière
de soins palliatifs :
" - en inscrivant ce thème comme l'une des priorités des
organismes habilités en matière de FMC ;
" - en incitant les universités à créer des
diplômes de soins palliatifs. ".
L'on ne peut véritablement faire grief au ministre de la santé de
l'époque, M. Bernard Kouchner, de ne pas avoir mis en oeuvre les mesures
annoncées dans son plan : les échéances
électorales, cette même année, l'en ont
empêché.
L'action des ministres de la santé qui lui ont succédé a
surtout été centrée, à la suite de la publication
du rapport de votre commission, sur la prise en charge de la douleur.
2. Deux annonces pour un même plan, dont il reste à assurer la mise en oeuvre : le plan " Kouchner " de développement des soins palliatifs, 8 avril et 24 septembre 1998
Cinq ans
après son premier plan en faveur des soins palliatifs, M. Bernard
Kouchner en a annoncé un second, devant votre commission des affaires
sociales, le 8 avril 1998.
Un mois auparavant, devant le 2
ème
Forum sur la douleur,
organisé le 7 mars 1998, il annonçait déjà un
plan de lutte contre la douleur dont la mesure " phare ", la
suppression du carnet à souches avant la fin de l'année, n'est
pas encore réalisée. Le contenu de ce plan a été
confirmé, auprès des établissements de santé, par
la circulaire DGS/DH n° 98-586 du 22 septembre 1998 relative à la
mise en oeuvre du plan triennal de lutte contre la douleur dans les
établissements de santé publics et privés.
Le 3 avril, assistant au Congrès national sur les soins palliatifs,
M. Bernard Kouchner affirmait qu'il demanderait aux partenaires sociaux de
réfléchir à la mise en place d'un congé
d'accompagnement permettant aux salariés de s'occuper d'un proche
gravement malade pendant une durée limitée.
Le 8 avril
, auditionné par votre commission sur sa politique de
lutte contre la douleur, il confirmait sa volonté de développer
les soins palliatifs. Le Bulletin des commissions du Sénat n° 22
rapporte ainsi les propos du secrétaire d'Etat :
" Il a indiqué qu'il entendait confier aux conseils
départementaux de l'Ordre des médecins, avec l'accord du
président du Conseil national de l'Ordre, la mission de recenser l'offre
de soins palliatifs et de la faire connaître au public.
" Il a estimé qu'il conviendrait de renforcer cette offre, de
réduire les inégalités territoriales actuelles et de
prendre en compte l'existence de soins palliatifs dans la procédure
d'accréditation des établissements de santé.
" En outre, la possibilité de créer, dans un cadre
expérimental, un forfait de soins spécifique aux services de
soins infirmiers à domicile, identique à celui qui a
été mis en place pour le SIDA, sera mise à l'étude.
" M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé,
a également annoncé qu'une évaluation des coûts
liés à la dépendance, à la précarité
et aux soins palliatifs serait entreprise dans le cadre d'un groupe de travail
sur l'hôpital ".
Six mois plus tard,
le 24 septembre 1998
, le secrétaire d'Etat
annonçait en première page du journal Le Monde un
" plan Kouchner pour adoucir la mort ".
" Dans un entretien au Monde,
écrivaient les
journalistes
, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la
santé, révèle une série de mesures destinées
à améliorer la prise en charge de la douleur et des malades en
fin de vie ".
Ce plan était strictement identique à celui annoncé en
avril, qui n'était toujours pas mis en oeuvre.
Votre rapporteur ne souhaite pas, en rappelant les péripéties
d'une politique de communication, polémiquer gratuitement :
il
se félicite au contraire de la volonté
réitérée par le secrétaire d'Etat de
développer les soins palliatifs. Mais il se préoccupe aussi du
degré d'application des mesures annoncées dans la presse
.
Pour l'instant, la volonté gouvernementale s'est traduite par un effort
financier demandé à l'assurance maladie et aux hôpitaux.
Dans le cadre de la discussion de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, le secrétaire d'Etat a
indiqué que 100 millions de francs seraient consacrés, en 1999,
au développement des soins palliatifs.
Pour les hôpitaux, l'augmentation moyenne de 2,04 % des dotations
régionalisées, en 1999, doit permettre selon le ministère
" d'accompagner les priorités du Gouvernement en matière
de santé publique et notamment l'action en faveur des soins palliatifs
et le développement des permanences d'accès aux soins dans le
cadre de la lutte contre les exclusions "
.
En outre, un des groupes de travail sur l'hôpital installés par le
ministère (groupe 4 "
Améliorer l'évaluation de
l'activité hospitalière pour affecter de manière plus
équitable les ressources
", présidé par M.
Dominique Noiré) a pour objectif de
" faire en sorte que
l'évaluation soit un outil d'aide à la décision de
répartition équitable des ressources pour bien prendre en compte
les besoins de la population et mieux valoriser certaines activités
(soins palliatifs, par exemple) ".
III. PROPOSITIONS
Compte
tenu du constat établi dans le présent rapport, et qui analyse
les raisons de l'insuffisant développement des soins palliatifs dans
notre pays, votre commission, unanime, estime indispensable l'adoption d'une
loi qui aurait pour objet de remédier aux principales carences
dénoncées dans le rapport, à savoir :
• l'insuffisante reconnaissance des soins palliatifs ;
• l'insuffisance de la recherche et de la formation des
équipes soignantes en soins palliatifs ;
• les difficultés rencontrées par les associations de
bénévoles pour financer la nécessaire formation de leurs
accompagnants ;
• l'insuffisant développement de l'hospitalisation à
domicile (HAD) ;
• les obstacles au développement des soins palliatifs
à domicile résultant de la législation de
sécurité sociale.
En conséquence, votre rapporteur, le président et de nombreux
membres de la commission des Affaires sociales ont déposé la
proposition de loi dont le texte suit :
Proposition de loi tendant à favoriser le
développement des soins palliatifs et de l'accompagnement
Article premier
Toute
personne atteinte d'une maladie mettant en jeu le pronostic vital a
accès à des soins palliatifs et d'accompagnement. Ces soins
visent à soulager la douleur physique et les autres symptômes et
prennent en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle de la
personne.
Cet article procède à la
reconnaissance officielle des
soins palliatifs
. Il souligne bien que les malades doivent y avoir
accès dès qu'ils sont atteints d'une affection mettant en jeu le
pronostic vital, et
pas seulement en fin de vie
.
Article 2
Après l'article L. 712-3-1 du code de la santé
publique, il est inséré un article L. 712-3-1-1 ainsi
rédigé :
"
Art. L. 712-3-1-1
-L'offre de soins palliatifs et la satisfaction
des besoins en soins palliatifs sont prises en compte dans la carte sanitaire
et le schéma d'organisation sanitaire et son annexe. "
Cet article modifie la législation hospitalière afin
d'intégrer les soins palliatifs dans la planification
hospitalière
: il n'est pas normal, en effet, qu'existe encore
un tel décalage entre les besoins et l'offre hospitalière en
soins palliatifs, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les cliniques
privées.
Article 3
Chaque
centre hospitalier et universitaire met en place les structures
nécessaires pour dispenser des soins palliatifs aux malades et favoriser
le développement de la recherche et de la formation des médecins
et des équipes soignantes en soins palliatifs.
Cet article vise à
mettre en place, dans chaque C.H.U., un
pôle de référence
qui permettra de développer la
formation et la recherche en soins palliatifs. Ce pôle doit être
constitué autour, soit d'une unité avec lits, soit d'une
équipe mobile.
Article 4
L'article L. 174-10 du code de la sécurité
sociale est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
" Les dépenses engagées pour la formation des
bénévoles par les associations qui assurent un accompagnement des
malades dans le cadre de soins palliatifs peuvent être prises en charge
par les organismes d'assurance maladie de manière forfaitaire et
réglées directement aux associations. Ces associations doivent
être agréées par les organismes d'assurance maladie. "
Cet article vise à
aider, grâce à une prise en charge
forfaitaire par l'assurance maladie, les associations de
bénévoles
à mieux former les accompagnants.
Article 5
L'article L. 712-10 du code de la santé publique est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
" Les soins palliatifs constituent une discipline pour l'application du
présent article. "
Actuellement, la création de structures d'hospitalisation à
domicile est freinée par la législation hospitalière qui
prévoit que les créations d'HAD doivent donner lieu,
parallèlement, à la fermeture de lits hospitaliers. La
modification du code de la santé publique réalisée par cet
article supprime ce système de " troc " :
les
autorisations de création de structures d'HAD dans le domaine des soins
palliatifs seront donc automatiques
tant que les besoins en soins
palliatifs ne seront pas complètement satisfaits par l'offre, assurant
ainsi une meilleure coordination ville-hôpital.
Article 6
Des
conditions particulières d'exercice des professionnels de santé
exerçant à titre libéral sont mises en oeuvre pour
délivrer des soins palliatifs à domicile. Ces conditions peuvent
porter sur des modes de rémunération particuliers autres que le
paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels par les
organismes d'assurance maladie.
Un contrat portant sur ces conditions d'exercice est conclu entre les
professionnels et l'assurance maladie.
Cet article vise à favoriser le développement des soins
palliatifs et de l'accompagnement
à domicile
en
définissant un mode de rémunération des professionnels
autre que le
paiement à l'acte, peu adapté à la
rémunération d'un travail en équipe et
pluridisciplinaire
.
Article 7
Le 31
décembre 1999, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport
sur la prise en compte des soins palliatifs par le Programme de
médicalisation du système d'information (PMSI).
Le développement des soins palliatifs est aujourd'hui freiné
par l'insuffisante prise en compte des soins palliatifs dans le PMSI. Il
importe, le plus rapidement possible, de lever cet obstacle.