B. LES CRITERES D'ARBITRAGE ENTRE LES DEPENSES : EFFICACITE, SUBSIDIARITE ET REALISME
L'objectif général de maîtrise de la
dépense européenne suppose des arbitrages parmi les
différentes rubriques des perspectives financières. Ces
arbitrages doivent être dictés par le souci d'élaborer un
cadre financier qui soit véritablement axé sur la construction
européenne.
L'Union européenne ne peut s'affranchir d'une
réflexion sur la répartition optimale de ses dépenses en
fonction de ses objectifs tels qu'ils sont notamment affirmés par
l'article B du traité sur l'Union européenne :
promouvoir un progrès économique et durable, notamment par la
création d'un espace sans frontières intérieures, par le
renforcement et la cohésion économique et sociale et par
l'établissement d'une union économique et monétaire ;
affirmer son identité sur la scène internationale...
Le budget des Communautés doit être un instrument au service de
ces objectifs et non une " machine à saupoudrer " des
crédits entre les Etats.
Il doit traduire de véritables choix
entre les politiques en fonction :
- de l'apport de chacun d'entre elles à la réalisation des
objectifs de l'Union européenne ;
- de la nécessité, pour cette réalisation, de mener ces
politiques au niveau européen plutôt qu'au niveau national ;
- de l'utilisation effective des crédits mobilisés.
Efficacité, subsidiarité et réalisme, tels sont ainsi les
trois critères en fonction desquels les Etats membres doivent
déterminer les dotations consacrées aux différentes
rubriques.
1. Les dépenses agricoles
En ce qui concerne les dépenses de la rubrique 1, la réduction des montants proposés par la Commission paraît difficile à obtenir. En premier lieu, il convient de faire montre de prudence compte tenu de la volatilité des dépenses agricoles et des hypothèses pour le moins optimistes retenues par la Commission pour proposer les dotations de la rubrique 1. En deuxième lieu, la possibilité, envisagée par certains, de transférer sur le budget des Etats une partie de ces dépenses constitue un véritable non-sens communautaire. Enfin, l'évolution passée et attendue de ces dépenses conduit à réduire la part de celles-ci dans le budget communautaire et agit déjà comme un facteur de correction des déséquilibres budgétaires.
a) Des montant qui pourraient se révéler sous-évalués dans la perspective de l'élargissement
Comme
l'a souligné la Commission dans sa communication sur l'Agenda 2000,
"
l'élargissement augmentera la superficie agricole de l'Union
de 60 millions d'hectares, pour la porter à près de
200 millions d'hectares (...). La main d'oeuvre agricole, qui , dans
l'Union à quinze, devrait s'élever à 6,6 millions de
personnes en 2000, pourrait atteindre plus du double dans une Union
élargie, la surface agricole moyenne disponible par personne
employée dans ce secteur étant de 9 hectares dans les pays
candidats, contre 21 hectares dans l'Union actuelle
".
Les conséquences de l'élargissement devraient dans un premier
temps être favorables aux agricultures des Etats membres actuels. Certes,
les prix agricoles pratiqués dans les pays candidats sont en
général sensiblement inférieurs à ceux
pratiqués au niveau communautaire. Mais cette différence devrait
se combler en partie d'ici la date de l'élargissement, compte tenu d'un
taux d'inflation relativement élevé dans les PECO et de la
politique de baisse des prix communautaires engagée par la Commission.
La qualité des produits communautaires et le fait que l'agriculture des
pays candidats ne suffise pas à couvrir leurs besoins alimentaires
provoquera un accroissement de la demande de produits en provenance des quinze
Etats membres actuels.
Mais cette évolution favorable à moyen terme ne saurait justifier
une diminution du budget agricole compte tenu notamment de l'ampleur des aides
nécessitées pour la modernisation des agricultures des nouveaux
Etats membres. L'élargissement aura en effet, à plus long terme,
un coût important pour le budget communautaire dont le passage suivant,
extrait de la communication sur l'Agenda 2000, donnera une idée :
"
Dans l'hypothèse où les dix pays associés
adhéreraient tous en 2002 et appliqueraient pleinement la politique
agricole commune sous sa forme actuelle, l'impact budgétaire de
l'élargissement serait un surcoût de l'ordre de 11 milliards
d'écus par an à partir de 2005 pour la section garantie du FEOGA.
Sur ce montant, près de 7 milliards d'écus seraient
consacrés à des paiements directs (aides à l'hectare et
primes à l'animal) et 1,5 milliard d'écus iraient à
des mesures d'accompagnement (programme d'action agri-environnemental,
afforestation, préretraite). Les mesures de soutien du marché
(interventions et restitutions à l'exportation) en faveur des dix pays
candidats se chiffreraient à 2,5 milliards d'écus, montant
qui serait absorbé en grande partie par le secteur laitier
".
Dans son avis n° 10/98 sur "
certaines propositions de
règlements dans le cadre de l'Agenda 2000
", la Cour des comptes
européennes juge même que la marge disponible sous la LDA
calculée par la Commission résulte d'hypothèses
plutôt optimistes. Indépendamment des hypothèses de
croissance, qu'un souci de réalisme devrait conduire à revoir
à la baisse, la Cour insiste sur le fait que, pour évaluer le
coût de l'intégration de six nouveaux Etats membres dans l'Union
européenne, la Commission n'a pris en compte que le financement des
mesures d'intervention, excluant ainsi les aides directes. Or, d'après
la Cour, celles-ci s'élèveraient en moyenne à
3,3 milliards d'euros par an entre 2002 et 2006.
Ce facteur pris en compte, la Cour souligne le risque d'un dépassement
de la LDA entre 2002 et 2005.
Dans ces conditions, le souci de réalisme qui doit dominer
l'établissement des perspectives financières rend difficile une
diminution des dotations proposée par la Commission.