III. CHRONOLOGIE DE LA RÉGLEMENTATION
FRANÇAISE ET DES DIRECTIVES EUROPÉENNES
A. RÉGLEMENTATION PUBLIQUE D'ORIGINE
NATIONALE
-
-
• L'édit royal du 14 mai 1604, décidé par
Henri IV, stipule que le trentième de la production sera
consacré à assurer des secours spirituels (les sacrements et la
sépulture) et matériels aux mineurs
23(
*
)
.
• Colbert crée (en 1680) la Caisse des invalides de la marine.
" A l'égard des estropiés, j'ai proposé au Roy de
faire quelque establissement pour leur donner de quoy vivre "
écrit-il au Comte d'Estrées, vice-amiral de Ponant. " Ce fut
l'établissement des 4 deniers par livre des
invalides "
24(
*
)
.
• Par décret impérial du 26 mai 1812, après
plusieurs catastrophes dans les mines de l'Ourthe dans la région de
Liège, l'Etat crée une vraie caisse locale d'assurance
ouvrière contre la vieillesse, la maladie, l'accident, analogue à
celles que créera plus tard Bismarck en Allemagne.
• Un décret du 3 janvier 1813 fait obligation aux
exploitants de mines de fournir à leurs ouvriers blessés secours
médicaux et médicaments. Cette origine généralement
publique des caisses d'assurance et sociétés de prévoyance
sur les débris du monde corporatif de l'ancien régime
n'empêche pas l'initiative patronale de se développer à
côté et souvent avant les caisses de prévoyance mutuelles :
en 1843, la Compagnie houillère de Bissèges crée une
caisse de secours et de prévoyance qui sera, dès 1869,
financée à égalité d'apport par les cotisations
ouvrières (3 % des salaires) et de la Compagnie.
• Création par la loi du 18 juin 1850 d'une Caisse des
retraites pour la vieillesse (qui deviendra avec les lois de 1884 et 1886 la
Caisse nationale des retraites). Elle fédère la vingtaine de
caisses pour les fonctionnaires (qui ont souvent déjà une
retraite) ainsi que pour les ouvriers de grandes entreprises (mines, chemins de
fer, forges) mais ce dernier point du programme ne sera pas accompli (voir plus
loin 1868). En fait, cette loi stimulera la naissance de caisses patronales. Le
18 juin 1853, une loi sur les pensions civiles des fonctionnaires
décide que les fonds de toutes les caisses de retraite (elles
étaient une vingtaine en 1838 financées moitié par les
cotisations et les versements de l'Etat) seront versées au
Trésor, lequel se charge du versement des pensions des agents
publics
25(
*
)
.
• 1850 (loi du 15 juillet) : premier texte légal consacré
aux sociétés de secours mutuel. En dehors des Eglises jouant ce
rôle traditionnel, au travers notamment de la dîme, une
société philanthropique avait été
créée en 1780. Elle avait été interdite par la loi
Le Chapelier de juin 1790 prohibant les associations, à peu
près en même temps qu'était abolie la dîme
26(
*
)
. Cette société est
rétablie en 1802. En 1823, 143 sociétés de secours
mutuels regroupent 12 000 membres et fonctionnent bien.
• 1852 (décret loi du 26 mars 1852) : les avantages
(capacité civile, autorisation de constituer des pensions de retraite et
d'assurer une protection en cas de maladie, possibilité de recevoir des
subventions) sont accordées aux sociétés de secours
mutuel. En 1889, les SCM comptent 248 000 membres.
• 1868 (décret du 22 janvier 1868) : première
réglementation définissant les conditions de constitution d'une
société anonyme d'assurance et permettant la libre
création, sous cette forme juridique, des sociétés
d'assurance " non-vie ".
• 1868 (loi du 11 juillet 1868) : création d'une
" Caisse nationale d'assurances en cas de décès ", afin
de " réserver un refuge aux risques que rejetterait l'assurance
libre et pour opposer, le cas échéant, aux prétentions de
cette assurance, le frein d'une concurrence officielle ". Chroniquement
déficitaire, cette caisse ne représente en 1936 que 0,55 %
du marché face aux 133 sociétés d'assurance couvrant
les accidents du travail
27(
*
)
.
C'est en fusionnant en 1949 la CNAD avec la Caisse des retraites pour la
vieillesse (CRV) créée en 1850 que naîtra la Caisse
nationale d'assurance sur la vie (CNAV) qui deviendra rapidement la CNP
(1954)
28(
*
)
.
• Après la faillite de plusieurs grandes sociétés
(mine, banque) entraînant la caisse de prévoyance de la
société dans la débâcle et laissant les ouvriers et
les salariés démunis, la loi du 21 décembre 1895
prescrit que les sommes retenues sur les salaires seront déposées
soit à la Caisse des dépôts et consignations, soit à
la Caisse nationale des retraites, soit dans les caisses patronales ou
syndicales autorisées par l'administration.
• 1898 (loi du 8 avril 1898) : la " première grande
loi sociale française ", d'après J-J. Dupeyroux,
reconnaît la responsabilité patronale en cas d'accident du travail
(elle concerne les ouvriers des industries utilisant des " machines
dangereuses ") et soumet au contrôle de l'administration les
sociétés pratiquant l'assurance des accidents du travail. Date de
création du corps des commissaires contrôleurs, toujours en
fonction. A partir de cette date de naissance de l'assurance obligatoire,
" étape majeure dans l'évolution de notre droit " selon
Gilles Johanet, " la prime ne correspond plus automatiquement au
risque "
29(
*
)
.
Reconnaissance et réglementation par la loi du 4 juillet 1900 (art. L
322.27 du code des assurances et art. 1235 du code rural) des Caisses
d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles, système
d'assurance mutuelle facultative garantissant uniquement les risques
professionnels des agriculteurs (il s'agit des " mutuelles 1900 ").
• 1905 (loi du 17 mars 1905) : édiction d'une
réglementation et d'un contrôle des sociétés
d'assurance-vie, en vue de protéger les assurés, à la
suite d'une faillite retentissante.
• 1930 (loi du 13 juillet 1930) : codification du droit des
contrats d'assurance terrestre
30(
*
)
.
• 1938 (décret loi du 14 juin 1938 unifiant le
contrôle de l'Etat sur les entreprises assurances de toute nature,
décret d'application du 30 décembre 1938) :
véritable point de départ de la réglementation publique
française et mise en place du contrôle administratif sur les
entreprises d'assurance (création du Comité d'organisation des
assurances et de l'Office des assurances privées). Reconnaissance des
sociétés mutuelles d'assurance sans intermédiaires
à but non lucratif, et des sociétés d'assurance à
forme mutuelle ayant un but lucratif et rémunératrices
d'intermédiaires. L'ensemble forme les " mutuelles 1938 ".
• 1940 (loi du 12 juillet 1940) : transfert de la tutelle
administrative sur les entreprises d'assurances du ministre du travail au
ministre des finances
31(
*
)
.
• 1945 (ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 sur le contrôle
des prix ) : autorisation de fixer par arrêté des
plafonds et des planchers aux tarifs d'assurance et aux commissions de courtage.
• 1945 (ordonnance du 29 septembre 1945 sur la centralisation et
la concentration de l'assurance) : suppression du Comité
d'organisation des assurances et de l'Office des assurances privées et
transfert de leurs compétences au ministère des Finances, ainsi
rendu juridiquement compétent pour organiser la concentration du secteur
de l'assurance et des canaux de distribution des produits d'assurance (agents
généraux et courtiers). L'administration des finances peut
s'opposer aux accords conclus entre sociétés en matière de
tarifs, aux conditions générales des contrats. Elle peut rendre
obligatoire l'usage de clauses-types dans les contrats, fixer des maxima et
minima de la tarification et des taux de rétribution des
intermédiaires, déterminer la gestion financière des
sociétés d'assurance
32(
*
)
.
• 1945 (ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la
Sécurité sociale et ordonnance d'application sur l'assurance des
risques du travail du 2 novembre 1945) : application du
plan Parodi, visant à passer d'un principe de réparation du
dommage à un principe de " solidarité ". L'article
premier de l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945
décide que : " Il est institué une organisation de la
Sécurité sociale destinée à garantir les
travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature de
réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir
les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent.
L'organisation de la Sécurité sociale assure dès à
présent le service des prestations sociales prévues par les
législations concernant les assurances sociales, l'allocation aux vieux
travailleurs salariés, les accidents du travail et maladies
professionnelles et les allocations familiales et le salaire unique aux
catégories de travailleurs protégés... "
L'exposé des motifs de l'ordonnance d'application n° 45-2635
du 2 novembre 1945 tire les conséquences de ce principe :
-
-
- " à partir du 1
er
janvier 1947, les
entreprises d'assurance et la Caisse nationale d'assurance en cas d'accidents
ne peuvent plus pratiquer l'assurance du risque " accidents du
travail " ;
- les entreprises dont l'activité principale était
constituée par l'assurance accidents du travail entreront en
liquidation. Celles qui disposent d'un portefeuille d'autres risques suffisant
pour leur permettre de subsister pourront continuer à fonctionner ;
- le personnel des institutions de Sécurité sociale sera
obligatoirement et exclusivement recruté parmi le personnel des Caisses
d'assurances sociales et de leurs unions, des Caisses d'allocations familiales,
des services régionaux des assurances sociales, des services de la
Caisse des dépôts et consignations et de la Caisse
générale de garantie, des services des entreprises d'assurances,
les agents et courtiers d'assurances, le personnel des sociétés
et unions de sociétés de secours mutuels ".
Face à ce qu'André Burlot appelle " un véritable
traumatisme collectif professionnel " se déroulant dans
l'indifférence générale, la Fédération des
sociétés d'assurances, la Fédération des agents
généraux et le syndicat des courtiers organisent un meeting le
16 octobre 1945 au Palais de la mutualité où " le
voeu ", peut-être prophétique, est émis " que le
gouvernement, tout en maintenant les principes de la Sécurité
sociale, laisse aux usagers le libre choix de l'organisme chargé
d'assurer leur sécurité ... "
33(
*
)
.
-
-
• 1945 (ordonnance du 19 octobre 1945) : abrogation de la loi du
1
er
avril 1898 sur la Mutualité et adoption d'un corps de
règles qui forme les mutuelles 1945, qui sera codifié en 1955
dans le code de la mutualité.
• 1946 (loi du 25 avril 1946) : nationalisation de
34 sociétés d'assurance-vie et IARD appartenant à
11 groupes (voir infra 1.5.) ; création du Conseil national des
assurances, organisme consultatif présidé par le ministre et de
la Caisse centrale de réassurance
34(
*
)
.
• 1947 (arrêté du 30 décembre 1947) :
restauration provisoire de la liberté de fixation des tarifs pour les
sociétés d'assurance conformément à leur voeu
(cf. rapport au président de la République du Conseil
national des assurances, 1946, page 6).
• 1976 : fusion de la réglementation publique de l'assurance
au sein du code des assurances.
• 1986 (ordonnance 86-1243 du
1
er
décembre 1986 d'abrogation du contrôle
des prix) : libération de principe des tarifs d'assurance et des
commissions de courtage.
• 1989 (loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989,
dite loi " Evin ") :
- institution de la " Commission de contrôle des institutions de
prévoyance et des mutuelles " pour les mutuelles d'assurance et les
institutions de prévoyance soumises au code de la
mutualité ;
- (loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989) :
création de la Commission de contrôle des assurances
(CCA)
35(
*
)
autorité
administrative " indépendante " du ministère des
Finances, dotée de pouvoirs juridiques élargis par rapport
à ceux dévolus au ministre, et chargée de la surveillance
permanente de l'activité des entreprises d'assurance à l'aide du
corps des commissaires contrôleurs mis à sa disposition
36(
*
)
(voir annexe 2 de ce chapitre) ;
- entrée en vigueur de la libre concurrence sur le marché de
l'assurance maladie complémentaire.
• 1991 (décret du 28 juin 1991) : abrogation en
droit du contrôle des tarifs de l'assurance abandonné en fait
depuis le milieu des années 80 dans le contexte de la concurrence
entre mutuelles d'assurance et compagnies traditionnelles.