N°
536
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30
juin 1998
Enregistré à la Présidence du Sénat le
1
er
juillet 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1), sur la mission de contrôle relative à la situation de l' enseignement maritime en France ,
Par M.
René RÉGNAULT,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Enseignement. |
INTRODUCTION
En tant
que rapporteur spécial des crédits de la marine marchande, j'ai
souhaité réaliser une mission de contrôle sur
l'enseignement maritime en France, son avenir et ses perspectives de
modernisation.
Cette mission, menée depuis le mois d'avril 1998, m'a conduit à
procéder à l'audition de nombreuses personnes concernées
par la formation professionnelle maritime
1(
*
)
et à faire plusieurs
déplacements dans des écoles au Havre, à Saint-Malo,
à Paimpol et à Nantes.
Ces entretiens avec des professionnels du secteur maritime m'ont
confirmé l'intérêt de dresser un bilan de l'enseignement
maritime français, secteur encore mal connu, et d'évaluer ses
perspectives d'avenir, alors qu'il doit prochainement faire face à
d'importantes transformations.
Ces changements sont d'abord le fruit d'impulsions extérieures:
l'entrée en vigueur de conventions internationales, entre 1998 et 2002,
impose de prendre des mesures d'adaptation de la formation maritime
française, afin de respecter les nouvelles normes de qualification des
personnels navigants.
En outre, l'annonce de réformes internes témoigne d'une
impérieuse nécessité de changement, après plusieurs
années d'atermoiements. Il s'agit principalement du passage sous statut
public des personnels salariés de l'association pour la gérance
des écoles de formation maritime et aquacole (AGEMA).
Cependant, la modernisation de l'enseignement maritime ne saurait
s'arrêter là.
La qualité de la formation maritime française n'est pas mise en
cause, car elle dispose d'incontestables atouts : formation en alternance, elle
mêle cours théoriques et navigation en mer, et associe très
étroitement le milieu professionnel. Elle est reconnue hors de nos
frontières. Elle assure en outre à ses diplômés des
débouchés dans le secteur maritime et même au-delà.
L'enjeu des réformes tient en fait à la nécessité
de préserver l'avenir.
Le réseau de l'enseignement maritime constitue le seul support pour la
formation des marins et officiers français, à la pêche
comme au commerce, mais sa petite taille le rend particulièrement
vulnérable. Il lui faut donc faire, tout à la fois, preuve
d'excellence et d'ambition pour perdurer.
L'excellence est à la portée de l'enseignement maritime, dont la
qualité est déjà reconnue. Mais, pour atteindre cet
objectif, il faut comprendre que son avenir n'est pas à "l'enfermement"
: à cultiver à l'excès la spécificité, qui
peut parfois être signe d'excellence, il risque de se mettre en marge de
l'évolution de la société. Il faut éviter cet
écueil pour créer des échanges fructueux avec les autres
systèmes d'enseignement.
L' ambition doit se traduire par des perspectives de développement de
l'enseignement maritime, supportées par les acteurs mêmes du
réseau. L'intérêt qu'ils portent à la formation
continue montre qu'ils sont sur la bonne voie, mais ils ne doivent pas
s'arrêter en chemin : les écoles ont à développer
leur savoir-faire et à évoluer pour répondre aux exigences
de la navigation moderne.
Les projets que les écoles développeront ne pourront
évidemment se concrétiser qu'à la condition que l'Etat
remplisse ses obligations, à l'instar des collectivités locales,
qui témoignent, par leurs efforts d'investissement, de leur confiance
dans l'avenir de l'enseignement maritime.
L'ensemble des écoles nationales, chacune s'efforçant, en dehors
d'un tronc commun, de se donner une spécificité, peut donc
constituer un réseau de qualité performant et nécessaire
à la satisfaction des grands objectifs de la formation
maritime.
I. L'ENSEIGNEMENT MARITIME : UNE IDENTITÉ FORTE QUI NE DOIT PAS FAIRE OBSTACLE A TOUTE MODERNISATION
A. LES AMBIGUÏTÉS DE LA FORMATION MARITIME : ENTRE LOGIQUE DE FILIÈRE ET CLOISONNEMENT DES CURSUS
1. Le réseau de l'enseignement maritime
a) Les écoles et leurs effectifs
Le
réseau de l'enseignement maritime, placé sous la tutelle du
ministère de l'équipement, des transports et du logement,
comprend 12 écoles maritimes et aquacoles en charge de
l'enseignement maritime secondaire, auxquelles il faut ajouter 2
collèges d'enseignement technique maritime et 9 écoles
privées agréées subventionnées (dont 4 en
outre-mer), et 4 écoles nationales de la marine marchande en charge
de l'enseignement maritime supérieur.
En 1998, 1.664 élèves sont scolarisés dans les
écoles maritimes et aquacoles et 796 élèves officiers dans
les écoles de la marine marchande.
Bien que de petite taille, ce réseau est essentiel car il constitue le
seul support pour la formation des marins et officiers français,
à la pêche comme au commerce.
Effectifs des écoles maritimes et aquacoles
|
|
ANNÉES SCOLAIRES |
|
|
|
évolution |
|
1993-94 |
1994-95 |
1995-96 |
1996-97 |
1997-98 |
97-98/96-97 |
total élèves EMA |
1261 |
1146 |
1423 |
1508 |
1664 |
10% |
Depuis 1994, le nombre d'élèves des lycées maritimes et aquacoles a progressé de manière significative : + 45% en 4 ans, avec une augmentation des effectifs de l'ordre de 10% par an.
Effectifs des écoles nationales de la marine marchande (élèves officiers)
formations |
|
ANNÉES SCOLAIRES |
|
|
|
évolution |
|
1993-94 |
1994-95 |
1995-96 |
1996-97 |
1997-98 |
97-98/96-97 |
officiers " commerce " |
745 |
702 |
672 |
660 |
738 |
12% |
officiers " pêche " |
62 |
63 |
104 |
100 |
58 |
-42% |
total officiers |
807 |
765 |
776 |
760 |
796 |
5% |
Après une décroissance entre 1993 et 1996, le nombre d'élèves officiers croît également depuis 1997 . Cette progression concerne les officiers au commerce, alors que le nombre d'officiers à la pêche diminue. L'augmentation des effectifs devrait s'accentuer en raison de perspectives démographiques traduisant le vieillissement des personnels navigants et des besoins croissants de la flotte de commerce en personnel d'encadrement.