CHAPITRE 8 : LE DESARMEMENT ET LA COOPERATION ENTRE INDUSTRIES DE DEFENSE : DEUX AUTRES SUJETS MAJEURS DE REFLEXION POUR L'ASSEMBLEE DE L'UEO.
A. L'appréciation de l'état d'avancement de la réduction des " arsenaux conventionnels "
Le 2
décembre 1997, l'Assemblée a débattu de la situation en
matière de désarmement sur le rapport (doc. n°1590) de Lord
NEWALL (Grande-Bretagne/Conservateur).
Lord NEWALL a rappelé que son travail au nom de la Commission de la
défense visait à mettre à jour les connaissances de
l'Assemblée après un précédent rapport de
1990 : le Traité sur les forces armées conventionnelles,
signé cette même année, tendait à établir un
équilibre des forces en Europe. Depuis son entrée en vigueur en
juillet 1992, ce texte fixe des plafonds pour cinq grandes catégories de
systèmes d'armes dites " équipements limités par le
Traité " ou " ELT ". Un document annexe portant sur
" les flancs " a été signé en 1996, lors de la
Conférence de révision de ce Traité dit " FCE ".
Depuis lors, la Russie a quelque peu contesté la notion même de
" flancs " en demandant notamment une limite aux possibilités
d'un déploiement temporaire de forces de l'OTAN sur les territoires de
nouveaux Etats membres, l'Organisation ayant répondu en mars 1997
qu'elle n'entendait nullement faire stationner en permanence d'importantes
unités de combat dans ces pays.
Après avoir dressé un bilan de la Conférence de
désarmement de Genève qui rassemble désormais
soixante-et-un participants, le rapporteur a évoqué les
négociations bientôt finalisées sur l'interdiction de
fabrication et d'usage des mines antipersonnel (" processus
d'Ottawa "), et mentionné la question du désarmement
nucléaire (" START I, START II et TNP "), il s'est
également interrogé sur l'état des forces
nucléaires russes et le degré de maîtrise de cet arsenal
par le gouvernement central.
Complétant le propos du rapporteur dont il a salué le
caractère exhaustif du travail, M. COX
(Grande-Bretagne/Travailliste) a souhaité qu'un effort encore plus
important émane tant des Etats-Unis que de la Russie au regard des
arsenaux dont ils ont encore chacun la maîtrise, alors que d'autres pays
tel que l'Irak font peser une menace par leur capacité à produire
des armes nucléaires. Il a enfin souhaité que l'Assemblée
soit " tenue informée de façon régulière de
l'évolution des questions traitées dans le rapport ".
Pour sa part, M. LORENZI (Italie/Ligue du Nord) a insisté sur la
nécessité de mettre en oeuvre un mécanisme d'inspection
" institutionnalisé et supervisé par l'ONU " tant lui
sont apparues évidentes les limites du désarmement
unilatéral.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR) a ensuite
évoqué la multiplication des risques non maîtrisables en
dépit des progrès réalisés en matière de
désarmement en application des grands traités. Evoquant ainsi la
guerre du Golfe, la crise yougoslave et ses multiples incidences, la tension
dans la région des Grands lacs et le meurtrier conflit
tchétchène, il a insisté sur les défis à la
paix lancés par des groupes voire " des Etats terroristes "
disposant de moyens de déstabilisation et même d'armes balistiques
à têtes chimiques ou biologiques.
S'agissant plus particulièrement du Traité dit " FCE ",
M. SCHREINER a relevé que, si la Russie avait parfois eu des
difficultés à honorer l'ensemble de ses engagements (en rappelant
d'ailleurs qu'elle en avait le plus grand nombre à respecter parmi tous
les signataires), de telles difficultés résultaient tout autant
de la mauvaise volonté que de la désorganisation politique et du
délabrement de pans entiers de ses armées. A cet égard, il
a souligné le fait que son complexe militaro-industriel avait
volé en éclats avec les risques inhérents à cette
situation pour la dissémination des technologies les plus dangereuses, y
compris à partir de réseaux maffieux. M. SCHREINER a
toutefois tenu à relativiser la diffusion d'exemples ou d'images visant
à démontrer l'effondrement des ex-armées
soviétiques en indiquant que la réalité est sans doute
plus compliquée et échappe, à son sens, à toutes
les approches ou logiques qui ont jusqu'alors prévalu en matière
de désarmement. Il a exprimé sa préoccupation de ne pas
voir occultée cette dimension du problème des armes
conventionnelles au bénéfice d'une relance des débats sur
la réduction des armes nucléaires et " ...dont l'objectif
principal servirait de leurre à la volonté de certains de mettre
en cause la capacité et l'affirmation des choix des Etats qui, comme la
France, ont fondé une politique de souveraineté nationale sur la
discussion ". M. SCHREINER a d'ailleurs rappelé que la France
participe effectivement au processus de réduction des armes
nucléaires en Europe, notamment depuis qu'elle avait renoncé aux
missiles HADES ou aux missiles sol-sol à moyenne portée et
qu'elle a, de la sorte, dissipé certaines incompréhensions avec
ses proches voisins. De même, bien que la Grande-Bretagne conserve une
approche différente de la sienne pour ses choix nucléaires, la
France collabore avec ce pays dans le cadre d'une commission mixte sur la
politique et les doctrines nucléaires : par ce dialogue, ces deux
pays participent, à leur façon, " sinon au
désarmement, du moins à une certaine forme de relâchement
de l'émulation entre puissance nucléaires alliées ".
Il a conclu son propos sur les nombreuses questions de politique
intérieure soulevées par la problématique du
désarmement à l'Ouest comme à l'Est : en tout
état de cause, il a mis en garde contre les baisses continues et quasi
généralisées des budgets de défense des principaux
pays européens qui pourraient être perçues par les
Etats-Unis comme une attitude de renoncement à la souveraineté et
dont les conséquences économiques ou sociales, à ce jour
non maîtrisées, seraient alors " extrêmement
dangereuses pour la défense du continent dans son ensemble ".
Après les interventions de Lord JUDD (Grande-Bretagne/Travailliste) qui
a estimé indispensable à la résolution des
problèmes ainsi posés, une liaison plus étroite entre les
pays de l'UEO et la Russie, et de M. DE DECKER
(Belgique/Libéral), Président de la Commission de la
défense, qui a insisté sur la nécessité d'en
appeler au Parlement russe afin qu'il s'engage à ratifier tous les
traités de réduction des armes, nucléaires ou non,
l'Assemblée a adopté la directive n°101 sur la situation en
matière de désarmement (" FCE " et désarmement
nucléaire).
B. Les besoins de coopération entre industries spatiales
Puis,
dans sa séance du 3 décembre, l'Assemblée a débattu
sur le rapport (doc. n° 1588 et amendements) de M. ATKINSON
(Grande-Bretagne/Conservateur) de la " coopération transatlantique
dans le domaine de la défense antimissile européenne ".
Ce rapport faisant suite à un rapport présenté il y a
trois ans sur le même sujet, M. ATKINSON a déploré que
depuis lors ni l'OTAN, ni l'UEO n'avaient élaboré une quelconque
doctrine sur ce sujet. Le présent rapport résultant pour
l'essentiel d'une visite effectuée aux Etats-Unis et au Canada, en juin
1997, par la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée.
L'absence d'une politique européenne cohérente semblant devenir
alarmante au rapporteur dans le domaine antimissile alors que, dans les
années quatre-vingt, l'Initiative de défense stratégique
américaine (IDS) ou " Guerre des étoiles " avait
suscité une certaine prise de conscience.
A présent la guerre du Golfe l'ayant démontré, divers pays
ont acquis une technologie balistique (Libye, Iran, Syrie, Irak mais
également la Chine et la Corée du Nord) et une menace pèse
sur la sécurité du fait de leur détention de têtes
chimiques ou biologiques. Le projet de recommandation soumis à
l'Assemblée appelle à une intensification des discussions en vue
de constituer un socle défensif commun : à sa
précédente recommandation n° 571, le Conseil de l'UEO
avait répondu que les travaux des groupes de réflexion, alors
suspendus, devaient reprendre ; or il n'en a rien été.
Face à cette passivité, la Commission suivant son rapporteur a
insisté en faveur d'un partage des compétences acquises par les
Etats membres et d'une coopération plus poussée avec l'OTAN et
les Etats-Unis. Le rapporteur appelant nettement de ses voeux une participation
française et britannique au programme transatlantique MEADS (Etats-Unis
- Allemagne et Italie) et demandant, en outre, un développement rapide
de moyens autonomes d'alerte.
M. Jean VALLEIX, député (RPR), a pris part au débat en
indiquant que la situation, réellement dangereuse et bien décrite
par le rapporteur, faisait obligation aux Etats membres de l'UEO, dans leur
ensemble, de bâtir une défense antimissile commune. Il a
rappelé qu'en dépit de contraintes financières l'ayant
amenée à exclure sa collaboration au système MEADS, la
France avait néanmoins une expérience certaine des
systèmes antimissiles, notamment par l'intermédiaire de ses
industriels comme Thomson et Aérospatiale qui participent avec l'Italie,
en marge de la coopération transatlantique, au programme FSAF
(" famille de système antimissiles aériens futurs ").
En outre, le porte-avions " Charles de Gaulle " sera
équipé de missiles navals d'autodéfense ASTER 15.
M. VALLEIX a appelé de ses voeux une collaboration
intraeuropéenne : si nos industriels ont effectivement une
réelle compétence en ces domaines, l'inertie européenne
aurait pour effet d'accentuer irrémédiablement l'écart
technologique avec les Etats-Unis.
Puis, M. VALLEIX a présenté trois amendements sur le projet de
recommandation qui avaient d'ailleurs été préalablement
adoptées par la Commission technique et aérospatiale.
M. MARSHALL (Grande-Bretagne/Travailliste) a approuvé l'esprit du
rapport et soutenu les amendements de M. VALLEIX en demandant à
M. DIAZ de MERA (Espagne/Parti populaire) de retirer deux de ses
propres amendements quasi-identiques à des amendements de
M. VALLEIX.
L'Assemblée a ensuite adopté les trois amendements de
M. VALLEIX :
- le premier, sous-amendé par le rapporteur, invitant les gouvernements
européens à dégager les budgets nécessaires afin de
développer, dans un premier temps, une coopération
européenne et, immédiatement ensuite, une coopération
transatlantique ;
- le deuxième visant à conduire, dans le cadre de l'UEO, une
analyse spécifiquement européenne des architectures de
défense antimissile, envisageables à court, moyen et long terme
pour la couverture du continent ;
- le troisième invitant les Etats européens à
s'associer en plus grand nombre aux programmes FSAF et ASTER afin de
développer les capacités antimissiles balistiques,
capacités d'ailleurs susceptibles d'être obtenues dès la
mise en oeuvre de la série des ASTER.
L'Assemblée a ensuite adopté la recommandation ainsi
amendée n° 621.