CHAPITRE 2 : LA VOCATION PARTICULIERE DE L'ASSEMBLEE DE L'UEO A JOUER UN ROLE D'IMPULSION POLITIQUE
A. L'UEO : bref rappel historique
Créée par les
Accords de Paris du 23 octobre
1954 modifiant le Traité de Bruxelles de 1948
pour permettre
l'adhésion de la République Fédérale d'Allemagne
à l'OTAN dans des conditions acceptables par ses voisins, l'Union de
l'Europe Occidentale (UEO) comblait le vide créé par
l'échec de la Communauté européenne de défense
(C.E.D.). Aux sept pays qui signèrent les Accords de Paris de 1954
(France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Italie),
s'ajoutèrent l'Espagne et le Portugal en 1990 et la Grèce en
1995, portant ainsi à dix le nombre des Etats membres de l'UEO. Depuis
1990, l'Assemblée de l'UEO a développé ses relations avec
les pays d'Europe centrale et orientale. Un forum de consultation a
été institué qui devait aboutir à la
création d'un nouveau statut d'associé partenaire. Dix pays
bénéficient de ce statut (cf. liste page 9).
Trois pays sont " membres associés " : l'Islande, la
Norvège et la Turquie.
Cinq pays bénéficient du statut d'observateur auprès de
l'UEO : Autriche, Danemark, Finlande, Irlande et Suède.
Avec la Russie, l'Assemblée s'est efforcée d'établir un
régime d'information réciproque qui pourrait évoluer vers
un système de consultation, voire de coopération dans certains
domaines spécifiques. Le Traité de Bruxelles modifié
constitue l'alliance défensive la plus contraignante puisqu'elle oblige
(article V du Traité) les Etats signataires à aider et assister
" par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres " celui
d'entre eux qui ferait l'objet d'une agression armée en Europe. Il faut
souligner que cet article demeure, à ce jour, le seul fondement
contractuel d'une défense de l'Europe par les européens, tandis
que l'article IV du Traité précise que " dans
l'exécution du Traité, les hautes parties contractantes et tous
les organes créés par elles dans le cadre du Traité
coopèrent étroitement avec l'Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord ". L'ensemble de ces deux dispositions a gouverné
jusqu'à ce jour la participation des pays membres de l'UEO à
l'OTAN en même temps que leur engagement dans une défense commune.
Par ailleurs, une série de mesures visant à renforcer le
rôle opérationnel de l'UEO ont été
arrêtées dans
la
Déclaration de Petersberg du 19
juin 1992
.
La Déclaration de Petersberg
définit, d'une part, les
nouveaux instruments opérationnels de l'UEO: mise en commun des efforts
militaires comme ce fut le cas lors de la guerre du Golfe et dans le
contrôle de l'application de l'embargo dans l'Adriatique; création
du Centre satellitaire de Torrejon, près de Madrid; création
d'une cellule de planification siégeant à Bruxelles et
d'unités militaires relevant de l'UEO; amélioration de la
coopération militaire entre les Etats membres, en particulier dans le
domaine de la logistique, des transports, de l'entraînement et de la
surveillance stratégique; et d'autre part, trois catégories de
missions, dites " missions Petersberg ", incombant aux forces des
pays membres de l'UEO agissant de façon collective: missions
humanitaires, maintien de la paix et gestion des crises.
Pour accomplir ses tâches, l'UEO dispose, sous l'autorité du
Conseil de l'UEO, d'un Conseil permanent composé des Ambassadeurs des
pays membres, de groupes de travail qui préparent les réunions,
d'un Secrétariat général dont le siège est à
Bruxelles, et d'organes subsidiaires. La présidence tournante du Conseil
des ministres de l'UEO (tous les six mois et non plus un an depuis l'alignement
sur l'Union européenne) a été assurée, en 1996 par
le Royaume-Uni et la Belgique et, en 1997, par la France puis l'Allemagne.
L'Assemblée de l'UEO, qui est la seule Assemblée
européenne habilitée par Traité à connaître
des questions de défense, peut délibérer de toute question
relevant du Traité de Bruxelles modifié. Elle adresse au Conseil
de l'UEO des recommandations qui sont le reflet de sa volonté politique
propre.
L'Assemblée de l'UEO joue donc un rôle d'impulsion politique. Dans
de nombreux domaines, elle a facilité la réalisation de projets,
notamment en ce qui concerne l'observation spatiale européenne. Les
relations entre le Conseil de l'UEO et l'Assemblée sont fondées
sur le principe de l'indépendance réciproque entre les deux
organes : aucune procédure de défiance n'étant
prévue entre le Conseil et l'Assemblée.
B. Deux aspects essentiels du rôle de l'UEO
1) La coopération en matière d'armement et la naissance en 1997 d'un organisme subsidiaire de l'UEO : l'organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO)
En 1993,
un Groupe Armement de l'Europe occidentale (GAEO) était
créé a sein de l'UEO. Il succédait au Groupe
européen indépendant des programmes (GEIP) institué en
1976. Cette décision prenait une réelle signification depuis
l'échec du Comité permanent des armements (CPA), dont l'existence
au sein de l'UEO de 1955 à 1989 ne permit pas d'amorcer une
véritable coopération européenne.
Fort de treize membres (les dix Etats membres de plein droit plus la Turquie,
la Norvège et la Danemark) le GAEO n'a cependant été
qu'une structure transitoire. Lors de sa réunion d'Ostende le 19
novembre 1996, le Conseil de l'UEO a décidé de créer, sur
proposition des ministres de la défense des pays du GAEO, un organe
subsidiaire de l'UEO, en vertu de l'article VIII du Traité de Bruxelles
modifié. Le but est de donner un nouvel élan à la
coopération sectorielle : les objectifs et les fonctions de l'OAEO sont
définis dans la section II de sa charte constitutive adoptée ce
même jour.
A terme, l'émergence d'une véritable " Agence des
armements " reste recherchée, conformément d'ailleurs
à la déclaration faite par l'UEO à Maastricht en 1991.
L'OAEO est toutefois la première instance européenne qui, dans le
domaine de l'armement, se trouve dotée de la personnalité
juridique.
Dans le même temps et en dehors de l'UEO, la France, l'Allemagne,
l'Italie et la Grande-Bretagne ont mis en place un " Organisme conjoint de
coopération en matière d'armement " ou " OCCAR ",
afin de mener à bien la réalisation de projets déjà
finalisés (hélicoptère " Tigre ", satellite
" Hélios 2 ", véhicule blindé " VBCI "
etc...). L'OCCAR, qui ne dispose cependant pas encore de la personnalité
juridique et ne peut donc contracter sous sa responsabilité propre,
préfigure sans doute à un niveau embryonnaire ce que pourrait
être une future agence spécialisée et ouverte à un
plus grand nombre de pays membres ou candidats à l'Union
européenne.
Intervenant en ouverture du colloque de Munich (1er et 2 octobre 1997) sur la
coopération européenne dans le domaine de l'acquisition des
équipements de défense, le Président de l'Assemblée
de l'UEO, M. Luis Maria de PUIG (Espagne, socialiste) a clairement
exprimé la problématique et les enjeux d'une question essentielle
pour l'avenir d'une Europe de la défense : " Nous n'avons pas lieu
de nous montrer satisfaits des décisions prises par le Conseil à
propos de l'OAEO. L'Assemblée a constamment exprimé le souhait
que son mandat s'étende bien au-delà de la recherche et du
développement afin qu'il puisse effectuer des commandes d'armements, en
Europe et à l'étranger, et aussi qu'il permette le
développement d'une politique d'exportation d'armements, qui associe les
industriels aux exigences d'une politique étrangère et de
sécurité commune (....).
(....) D'autre part, l'avis juridique
1(
*
)
que l'Assemblée a demandé
à un expert de très haut niveau montre que le statut juridique de
l'OAEO, organe subsidiaire du Conseil qui a été ouvert à
des pays non signataires du Traité de Bruxelles modifié est loin
d'être satisfaisant.
(....) Si l'on a cru nécessaire de procéder à des actes
internationaux dûment ratifiés par les Etats concernés pour
associer certains pays à l'Union européenne ou pour
élargir l'OTAN, on a considéré que l'extension de droits
relevant de l'UEO pouvait être assurée par de simples
échanges de lettres. Cette remarque invite à s'interroger sur le
degré de volonté des gouvernements quant il s'agit de faire de
l'UEO l'instrument de la défense et de la sécurité en
Europe, voire celui de sa politique d'armement. Néanmoins, il n'est pas
douteux que la création de l'OAEO marque une étape sur la voie
par laquelle l'Europe peut construire cette politique et se doter enfin d'une
véritable Agence des armements. "
2) Les activités spatiales
La
décision de créer un centre satellitaire propre à l'UEO
date de 1991. Il s'agissait principalement de former des experts
européens aux techniques de la photo-interprétation. Puis, une
option majeure s'est progressivement dessinée : la mise en place,
à moyen et long terme, d'un système d'observation par satellites.
En ce domaine essentiel, la guerre du Golfe a en effet
démontré les insuffisances et la dépendance qui en
résultaient nécessairement pour les principaux pays
européens alors engagés aux côtés des Etats-Unis.
Depuis son inauguration en 1993, à Torrejon, près de Madrid, le
centre satellitaire de l'UEO a développé des capacités
opérationnelles en s'appuyant, entre autres, sur les données
d'Hélios. L'interprétation puis l'analyse des images
satellitaires permettent une utilisation dans le cadre des procédures de
vérification des accords de désarmement, de suivi ou de gestion
des crises ou encore d'une surveillance plus générale à
vocation maritime ou environnementale.
S'agissant de la gestion des crises, les années 1996 et 1997 ont
d'ailleurs été marquées par l'accroissement du rôle
opérationnel du centre de Torrejon : d'abord au titre de l'exercice
" Crisex " portant sur les mécanismes de décision et
les procédures UEO de gestion de crises, pour lequel le centre
satellitaire a été chargé de fournir au Conseil des
informations essentielles puis, à partir d'une recommandation de la
Commission de défense de l'Assemblée de l'UEO réunie
à Athènes (13 mars 1997), le centre s'est vu confier un
rôle majeur afin que le Conseil et la Cellule de planification soient
à même d'établir une évaluation " en temps
réel " de la situation en Albanie, pays confronté depuis le
début de l'année à une anarchie armée en
conséquence directe d'un effondrement institutionnel
quasi-généralisé.
On notera de façon plus générale que les activités
spatiales et satellitaires occupent dorénavant une place de plus en plus
importante dans les réflexions et les débats de
l'Assemblée de l'UEO.
Elle a ainsi adopté dans sa séance du 4 juin 1996 la
recommandation n° 595 " l'UEO et Hélios 2 " sur le
rapport (doc. 1525) de M. LENZER (Allemagne, CDU/CSU) au nom de la
Commission technique et aérospatiale, puis dans sa séance du 3
décembre 1996, la recommandation n° 603 relative aux
perspectives de coopération entre l'Europe et le Japon dans le domaine
spatial sur le rapport de M. Jean VALLEIX, député (RPR), au nom
de la Commission technique et aérospatiale. Enfin, au titre de la
première partie de sa 43ème session, une recommandation
n° 617 a également été adoptée sur l'UEO
et l'utilisation des moyens satellitaires dans la prévention et la
gestion des risques majeurs ; rapport (doc. 1570) de M. Jean-François LE
GRAND, sénateur (RPR). M. Jean VALLEIX, député (RPR),
a notamment appuyé au cours du débat la proposition de son
collègue visant à mieux utiliser les moyens satellitaires et plus
particulièrement ceux du centre de Torrrejon à des fins de
détection des risques. Il a ajouté qu'une telle proposition
présenterait notamment l'avantage pour l'UEO de bénéficier
d'une " meilleure visibilité vis-à-vis des opinions
publiques ".