4. Une nouvelle répartition des tâches à l'ère du numérique
En
fait, dans un paysage hertzien encombré, - trois réseaux et
quatre chaînes publiques ; trois chaînes privées dont
une à péage - et qui pourrait être profondément
remodelé par la montée des chaînes du câble et du
satellite, il est urgent de redéfinir les missions du service public et
de régler le problème de la division des tâches.
Une réflexion devrait être engagée sur le
périmètre et la place de l'audiovisuel public et sur la
répartition des rôles entre ses différentes composantes.
Trois pôles ont fini, plutôt laborieusement, par émerger
même si les structures et les missions sont encore floues :
-
• Le pôle de la demande avec France 2 et France 3 ;
• Le pôle de l'offre avec ARTE-La Cinquième en cours de regroupement sur le cinquième Canal ;
• Le pôle extérieur dont la restructuration vient d'être annoncée après des années d'atermoiements.
Il y a là un choix stratégique pour le service public, dont les implications, en termes de structures et de logique de développement, sont assez différentes :
-
• Soit le secteur public se recentre sur ses activités de
diffuseur au service de la culture du pays pour devenir une sorte de service
audiovisuel universel au risque de devenir un acteur parmi d'autres :
telle est la logique qui consiste à inciter le service public à
être présent sur tous les bouquets comme un complément
naturel - mais peut-être aussi marginal - des offres
commerciales ;
• Soit il se donne l'ambition d'être un opérateur à part entière, une véritable entreprise, capable d'innover, de créer des chaînes thématiques, au risque, cette fois-ci, de s'éloigner tôt ou tard de l'esprit de service public. Une telle stratégie, ambitieuse, évidemment plus motivante pour les personnels - c'est celle que semble avoir choisie France Télévision 32( * ) - est aussi plus risquée du fait des moyens financiers qui seront vite nécessaires.
En définitive, la mission du service public audiovisuel, c'est, en France, de contribuer au renforcement de ce lien social nécessaire à la cohésion nationale et, à l'étranger, de permettre à tous ceux qui le veulent de continuer à penser, agir et rêver en français. Quand moins de 2 % de la population du monde est encore francophone, un tel objectif justifie que les Français se mobilisent pour la sauvegarde du secteur public audiovisuel. Celui-ci doit être maintenu non comme un attribut régalien, mais comme l'expression de la volonté d'une nation qui entend défendre sa langue et sa culture.
L'image a cessé d'être une denrée rare monopolisée par l'État. Des opérateurs privés sont aujourd'hui des acteurs importants, pour ne pas dire déterminants, d'un paysage audiovisuel devenu mondial. Il faut en prendre acte. Maintenant, si l'on peut légitimement laisser les contenants à l'initiative privée, les contenus ne peuvent être confiés aux seuls pouvoirs des marchés.
Dès lors qu'il s'agit de culture et d'information, l'État ne peut laisser se développer une concurrence sauvage. Il doit veiller au bon fonctionnement des lois du marché, sans pour autant recourir à un excès de réglementation qui étouffe l'initiative et inhibe le sens des responsabilités. Cette présence de l'État qui fait autant de place à la concertation qu'à la coercition porte un nom, c'est la régulation.
Le secteur public est un élément fondamental de ce dispositif. Il doit à ce titre bénéficier des moyens de son développement. Celui-ci ne pourra se poursuivre de façon équilibrée que s'il repose sur la nette prépondérance de financement public au sein de son budget.
Espérons que les errements passés suffiront à convaincre Gouvernement et Parlement d'une telle nécessité.