B. A CHACUN SON BOUILLON DE CULTURE ?
Cette
analogie entre la politique et les médias se retrouve dans les
écrits d'un autre sociologue, spécialiste des médias,
Dominique Wolton. La thèse de celui-ci est que la
télévision hertzienne classique, dite généraliste,
est le média le plus adapté aux sociétés actuelles
éminemment individualistes.
Cette thèse s'articule autour du concept essentiel de " grand
public ". "
Il s'agit d'un concept et non d'une
réalité, de même type par exemple que celui de
" l'égalité " des citoyens devant le suffrage
universel. Dans la réalité, on sait qu'il n'y a pas
d'égalité devant le vote, mais du point de vue d'une
théorie de la démocratie cette égalité est
indispensable. Pour la télévision, la démarche est
identique. Chacun sait bien qu'elle n'est jamais complètement
généraliste, et qu'elle ne peut réellement satisfaire tous
les publics, mais l'essentiel est dans l'ambition de vouloir toucher tout le
monde
. "
1. Égalité et fraternité
La force
de la télévision généraliste est là : mettre
sur un pied d'égalité tous les programmes, et ne pas dire a
priori ceux qui sont destinés à tel ou tel public. Elle oblige
chacun à reconnaître l'existence de l'autre, processus
indispensable dans les sociétés contemporaines confrontées
aux multiculturalismes... C'est en cela que la télévision est
moins un instrument de massification de la culture qu'un moyen de relier les
hétérogénéités sociales et culturelles.
C'est précisément ce rôle d'intégration qui est
remis en question par le développement des médias
numériques et l'accentuation de la logique commerciale qui conduit
à évacuer la culture au sens de patrimoine aux marges de la
programmation ou dans le ghetto des chaînes thématiques.
Dans le système médiatique qui tend à se dessiner, la
culture n'est plus un facteur d'assimilation, la somme d'habitudes et de
références communes qui fondent une communauté nationale.