1. Un monde de faits divers
La notion de " faits divers " à laquelle renvoie cette discontinuité devient la catégorie essentielle pour comprendre le bouillon de culture dans lequel nous baignons grâce à la télévision, un bouillon soigneusement malaxé puis filtré pour que les germes d'esprit critique ou de non conformisme ne s'y développent pas facilement.
a) Le spectacle du monde
" La télévision (beaucoup plus que les
journaux),
écrit Pierre Bourdieu dans l'ouvrage
précité
, propose une vision de plus en plus
dépolitisée, aseptisée, incolore, du monde et elle
entraîne de plus en plus les journaux dans son glissement vers la
démagogie et la soumission aux contraintes commerciales...
" Les familles princières et royales de Monaco, d'Angleterre, et
d'ailleurs vont être conservées comme des sortes de
réservoirs inépuisables de sujets de soap operas et de
telenovelas. En tout cas, il est clair que le grand happening auquel la mort de
Lady Diana a donné lieu s'inscrit bien dans la série des
spectacles qui font l'enchantement de la petite bourgeoisie d'Angleterre et
d'ailleurs, grandes comédies musicales du type de Evita ou Jésus
Christ Superstar, nés du maigre du mélodrame et des effets
spéciaux de haute technologie, feuilletons
télévisés larmoyants, films sentimentaux, romans de gare
à grand tirage, musique pop un peu facile, divertissements dits
familiaux, bref tous ces produits de l'industrie culturelle que
déversent à longueur de journée des
télévisions et des radios conformistes et cyniques et qui
réunissent le moralisme larmoyant des Églises et le conservatisme
esthétique du divertissement bourgeois."
b) Le prisme du microcosme
Le monde
est filtré par le microcosme médiatique. Celui-ci a sa
façon de percevoir la réalité, de l'analyser, de la
découper en brèves séquences qui par leur succession
contribuent à cette impression de discontinuité mais finalement
aussi de nivellement dans la nébuleuse des faits divers. Là
encore Pierre Bourdieu démonte en sociologue, à la fois
universitaire et critique, la logique médiatique :
" Les journalistes ont des " lunettes " particulières
à partir desquelles ils voient certaines choses et pas d'autres, et
voient d'une certaine manière les choses qu'ils voient. Ils
opèrent une sélection et une construction de ce qui est
sélectionné.