f) Signalétique et puce antiviolence
Devant
l'invasion des écrans par la violence, les pouvoirs publics ne peuvent
rester inertes. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, auquel la loi
confie parmi les premières missions la protection de l'enfance et de
l'adolescence, a publié en 1989 une directive rappelant la
responsabilité particulière des diffuseurs en ce domaine. La
directive du Conseil supérieur de l'audiovisuel impose en effet le
respect d'un espace de programmation familiale, situé entre
6 heures du matin et 22 heures 30, ainsi que l'avertissement
systématique des téléspectateurs lors de la programmation
d'émissions pouvant heurter certaines sensibilités notamment des
jeunes enfants. Ces règles ont servi de fondement à des sanctions.
La voie est plus étroite qu'il n'y paraît : pour
l'opinion, il y a trop de violence à la télévision. Mais,
toute restriction, tout contrôle est vite perçu comme une censure,
dont nos compatriotes, et, plus encore, les créateurs, ne veulent pas.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est efforcé d'agir par la
persuasion en mettant en place une signalétique si ce n'est
" antiviolence " comme on dit un peu trop facilement, du moins
assurant un certain " étiquetage " des émissions
permettant aux parents de choisir en toute connaissance de cause les programmes
qu'ils laissent regarder à leurs enfants.
Le système repose sur la coopération des diffuseurs. La mise en
place de comités de visionnage dans les chaînes a permis de faire
progresser l'idée de responsabilité éditoriale, tandis que
l'existence au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel d'un
observatoire de la signalétique assure la cohérence de
l'ensemble.
Bien accueillie par les enfants, selon une étude commandée par le
Conseil supérieur de l'audiovisuel qui a permis d'en vérifier la
lisibilité, cette signalétique est la condition nécessaire
mais non suffisante de la régression de la violence sur les
écrans.
D'une part, on ne peut plus raisonner au niveau de l'Hexagone quand les
images viennent du ciel ou que, lorsqu'elles sont diffusées par
câble nos obligations européennes ne nous permettent qu'un
contrôle minimal. Cette généralisation de la
signalétique à l'échelle de l'Europe devrait d'ailleurs
avoir pour préalable son extension à Canal +
- semble-t-il en cours - et à ARTE, qui soit utilisent leur
propre code, soit se dispensent de toute signalétique.
D'autre part, force est de constater que les interdits, le fruit défendu
pour reprendre l'expression du président du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, continuent d'attirer du public, comme on a pu le mesurer
récemment avec la victoire sans conteste en termes
" d'audimat " d'un film hollywoodien à scandale sur une
émission politique. Faire appel à l'autodiscipline, tant des
diffuseurs que des téléspectateurs, ne suffira pas à faire
diminuer le nombre d'actes de violence à la télévision. Le
laisser croire serait naïf ou hypocrite.
Une des pistes les plus prometteuses consisterait à utiliser
systématiquement la puce antiviolence qui commence à
apparaître aux États-Unis après le Canada. Son principe est
simple. Les programmes sont préalablement codés par le diffuseur
et assortis d'un signal électronique émis simultanément.
Une puce installée sur l'appareil reconnaît le signal et en
fonction des instructions reçues cryptent le type d'émission
qu'on ne veut pas laisser regarder par les enfants. Le système
fonctionne au Canada. L'autorité locale de régulation, le Conseil
de la radio et de la télévision canadienne, a obtenu l'accord des
différentes chaînes sur une sorte " d'échelle de
Richter " de la violence et de la pornographie. Une fois les programmes
cotés et la puce antiviolence installée, les
téléspectateurs ont la liberté de crypter ou non les
émissions en fonction de ce qu'ils souhaitent pour leurs enfants, mais
aussi ... pour eux-mêmes.
Aux États-Unis, la Federal Communication Commission vient, en mars 1998,
d'approuver le système de classification morale des programmes,
négocié en 1997 entre les compagnies de télévision,
les associations de parents et les studios de Hollywood. Depuis l'automne
dernier, les grandes chaînes de télévision, ABC, CBS et
Fox, ainsi que les grands câblo-opérateurs classent leurs
programmes selon le code suivant : " V " pour violence,
" S " pour sexe, " L " pour langage grossier et
" D " pour dialogue osé. Bien que le système,
obligatoire depuis 1996, puisse désormais fonctionner, il faudra
attendre environ un an et demi pour qu'il soit mis en service. C'est le
délai que les constructeurs demandent pour adapter leurs chaînes
de production. Selon la FCC, la totalité de la production devra en
être équipée d'ici à l'an 2000. Compte tenu du
rythme de renouvellement du parc, il faudra environ six ans pour que la
puce équipe la moitié du parc aux États-Unis.
Un tel système ne repose pas comme certains veulent le faire croire
sur la censure mais sur celui de la responsabilité :
responsabilité des diffuseurs en amont, responsabilité des
téléspectateurs de l'autre. Maintenant, il ne faut pas voir dans
cet artifice technique une panacée. D'une part, parce que le
système ne peut se mettre en place que lentement à mesure du
renouvellement du parc de téléviseurs ; d'autre part, parce
que ce système pourrait engendrer une déresponsabilisation des
diffuseurs comme des parents.
Il paraît difficile de faire l'économie d'une action en amont
auprès des producteurs, qui sans céder aux interdits du
" politiquement correct ", doivent résister à la
tentation qui les pousse pour des raisons commerciales à aller toujours
plus loin dans l'exhibition de la violence
.
Car là est la
véritable explication
.
Comme dans le cas des actualités télévisées mais
à un autre niveau, il existe bien un risque de désensibilisation
résultant de la multiplication des scènes d'horreur. Mais en
l'occurrence, la logique du marché vient renforcer le
phénomène : la violence fait vendre mais comme pour toute
drogue, avec l'accoutumance, il faut en augmenter les doses.