III. L'OUVERTURE SUR L'EXTÉRIEUR
Par la puissance de leurs entreprises et l'omniprésence de leurs produits " made in Hollywood ", les États-Unis dominent le marché mondial de la communication et de l'imaginaire. Mais la France a pris la tête d'une croisade culturelle au nom de la diversité des langues et des civilisations, sans vraiment mesurer le poids des facteurs économiques et l'inégalité du rapport des forces. Heureusement, peu à peu, les mentalités évoluent et l'on voit apparaître des entreprises françaises qui fondent leur développement sur leurs participations au marché international et non uniquement sur l'espoir vain d'une transformation du marché européen en bunker.
A. LE CONTEXTE INTERNATIONAL
Avec l'internationalisation du processus de diffusion tant pour la télévision que pour le cinéma, la position dominante des États-Unis se renforce : ce qui n'était qu'une suprématie s'est aujourd'hui transformée en une véritable hégémonie, même et surtout sur le vieux continent où les Américains sont les seuls à tirer parti de l'importance du marché européen. Tel est l'enseignement principal du dossier préparé par le service des études du Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont sont tirées, pour l'essentiel, les analyses présentées dans ce rapport.
1. L'hégémonie américaine
Un
chiffre explique tout : le déficit de la balance commerciale pour
les programmes audiovisuels entre l'Europe et les États-Unis
était de 6,3 milliards de dollars en 1995, en progression de
14,5 % par rapport à 1994.
Ce déséquilibre - qui a doublé depuis 1990 -
n'est pas nouveau, mais il se situe dans un contexte qui en amplifie les enjeux.
L'audiovisuel représente désormais pour les États-Unis le
plus gros poste à l'exportation, avant l'aéronautique ou la
chimie.
Le marché européen est devenu le principal moteur de
développement de l'industrie américaine de programmes :
tandis que le marché audiovisuel américain n'a progressé
que de 4,8 % en 1995, les exportations de programmes américains en
Europe ont augmenté de 13,2 %.
Le centre de gravité du marché de l'industrie américaine
de programmes s'est déplacé : en dix ans, cette industrie
est passée d'une situation où sa production pouvait s'amortir
intégralement sur son marché national à une situation
où, dans un contexte de coûts croissants, le marché
international est devenu indispensable à sa rentabilité :
46 % des recettes des majors provenaient de l'international en 1995,
contre 35 % en 1986.
La Communauté européenne représentait, en 1995,
déjà plus de la moitié des ventes de programmes
américains à l'étranger. Développer la part de
marché dans une zone, dont la demande est en forte croissance, est donc
vital pour les entreprises américaines.
La taille du marché américain, une réglementation qui a
longtemps imposé une stricte séparation producteurs/diffuseurs,
l'existence d'un second marché national dynamique, avaient
- jusqu'aux toutes dernières années - permis le
développement d'un secteur de producteurs indépendants forts.
Leur puissance financière jointe au prestige d'Hollywood leur permettent
de profiter pleinement de la demande européenne. L'espace audiovisuel
européen ne serait-il une réalité que pour les industries
américaines de programmes ?