II. LES HANDICAPS ET LES ALÉAS
La politique de stabilité et de coopération du Président Niazov se heurte à de nombreux handicaps et aléas.
A. DES RICHESSES NATURELLES DIFFICILES Á VALORISER
Le Turkménistan est confronté à deux difficultés majeures dans la valorisation de ses ressources de gaz et de pétrole. Il s'agit, d'une part, de la mauvaise solvabilité de ses clients qui ont été jusqu'au début de l'année 1997 constitués surtout des pays de la zone CEI ; d'autre part, cet Etat souffre d'un enclavement géographique .
1. La contrainte des débouchés
La définition des voies et des modalités d'acheminement des hydrocarbures de cette région constitue, aujourd'hui, le préalable indispensable à la mobilisation effective des investissements privés dans le domaine de l'exploration-production. De plus, les problèmes posés par le développement de nouveaux conduits apparaissent, à bien des égards, comme étant autant de nature stratégique que financière.
a) L'exportation du gaz turkmène
Le
Turkménistan est aujourd'hui le pays le plus concerné par la
problématique de l'écoulement gazier. Cet Etat a trois objectifs
: réduire sa dépendance à l'égard du réseau
de " pipes " russes, assurer le paiement de ses livraisons de gaz
dans de meilleurs délais, enfin, trouver des investisseurs
étrangers pour les projets de production
.
Les gazoducs existants évacuent le gaz turkmène vers la Russie
via l'Ouzbékistan et le Kazakhstan. Le gaz est ensuite
redistribué vers des pays où il n'est pas en compétition
avec le gaz russe (Ukraine et Caucase pour l'essentiel), les autorités
russes ayant en novembre 1993 mis un terme à la possibilité
pour le Turkménistan de livrer du gaz à l'Europe via le
réseau Gazprom (11 milliards de m3/an). Plus
précisément, les routes d'évacuation actuelles passent par
le Nord le long de la mer Caspienne (Turkménistan-Kazakhstan-Russie), et
par le Nord-Ouest (Chardhzou-Ouzbékistan-Kazakhstan-Russie), les deux
lignes se rejoignant à Beyneu (Kazakhstan), au Sud-Est de Tenguiz.
Le Turkménistan avait passé un accord avec Gazprom, en
novembre 1995, permettant la commercialisation de 48 milliards de m3
par an. Lassé de ne plus être payé, il ne fournit plus de
gaz depuis mars 1997. Le pays recherche donc activement des
itinéraires autres que la voie russe pour exporter vers des nations
à devises fortes.
Quatre projets d'acheminement sont actuellement à l'étude,
soulevant chacun,
à l'instar des routes de désenclavement du
pétrole kazakh,
des difficultés d'ordre politique, juridique
et technique.
-
La route de l'Est (Chine-Mer Jaune)
La construction d'un gazoduc de 6.700 km traversant le Kazakhstan et la
Chine jusqu'en mer Jaune est envisagée, le Turkménistan
étant déjà relié au Kazakhstan par le gazoduc
Turkmenbashi-Beyneu. L'étude de faisabilité serait menée
par Mitsubishi, Exxon (via Esso China Inc.) et CNPC (China National Petroleum
Company). Il est à noter, par ailleurs, que la Russie et la Chine
prévoient elles-aussi, la construction d'un gazoduc de 3.000 km
à partir du champ de Kovyktin pour desservir la région de
Pékin.
-
La route du Sud-est (Turkménistan - Pakistan)
La construction d'un gazoduc de 1.900 km à travers le
Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan est actuellement
étudiée par les sociétés Unocal, Delta, Gazprom et
Turkmenrosgaz. Les pourparlers sont déjà très
engagés avec la signature du premier accord entre le
Turkménistan, Unocal et Delta en octobre 1995, celle d'un protocole
d'accord entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan en mai
1996, suivi d'un protocole d'accord entre le Turkménistan,
l'Afghanistan, le Pakistan, Unocal et Delta en 1997. Le coût du projet
est évalué à 2,5 milliards de dollars.
-
La route de l'Ouest (Turkménistan-Azerbaïdjan)
La construction d'un " pipe " (gazoduc/oléoduc) sous-marin
reliant Turkmenbashi à Bakou permettrait d'évacuer le gaz
turkmène via le gazoduc existant Bakou-Soupsa. Une option serait de
relier les champs gaziers de l'Est, tels que Chardhzou, à Turkmenbashi.
-
La route du Sud-ouest (Turkménistan-Turquie)
Un protocole d'accord entre le Turkménistan, l'Iran et la Turquie sur la
création d'un gazoduc vers la Méditerranée a
été signé le 28 décembre 1996, suivi d'un
deuxième protocole d'accord conclu le 14 mai 1997.
Estimé à 190 millions de dollars, le projet connecterait les
gazoducs turkmènes et turc existants au réseau iranien pour
obtenir une ligne Ekarem-Neka-Tabriz-Erzurum-Ankara. La partie Neka-Tabriz
existe, la partie Ekarem-Neka est en construction, et le tronçon
Tabriz-Erzurum-Ankara est envisagé. Une variante à ce projet
consisterait à relier Tabriz à Ceyhan par une ligne sud
Ekarem-Neka-Tabriz-Midyat-Ceyhan. Une deuxième connection
Turkménistan-Iran est également envisagée, qui relierait
Chardhzou, dans l'Est turkmène, au gazoduc existant dans le Nord-Est de
l'Iran (ligne Neka-Meched).
Trois accords principaux ont été signés au cours de la
période récente pour des champs situés dans l'Ouest du
pays.
- Le projet Nebitdag associe Monument, Mobil et le Turkménistan.
Cet accord prévoit l'exploration d'une zone de 2.000 km²
onshore et le développement de cinq champs gaziers et pétroliers,
notamment Nebitdag, Burun et Kyzyl-Kum à l'Ouest du pays. Après
le protocole d'accord signé en 1996, par lequel Monument s'engageait
à investir 50 millions de dollars sur 5 ans (coût total
de la campagne sismique évalué à 300 millions de
dollars), Mobil a rejoint le Britannique en février 1997. Le même
mois, la zone d'exploration onshore a été étendue à
18.000 km² avec des droits exclusifs accordés à
Monument et à Mobil.
- Le projet Petronas Carigali (Malaisie)
concerne, d'une part,
l'exploitation des champs pétroliers de Livnacvna et Esenov et des
champs gaziers de Barinova, Livanova et Gubkina au large de Chekelen. Le forage
a débuté en août 1997 sur une surface de
1.467 km².
- Le projet Larmag Cheleken
a trait à l'exploitation du
champ pétrolier offshore de Cheleken. Les partenaires sont Dragon Oil
(enregistrée en Irlande mais dont l'actionnaire majoritaire est Sinoil
Philippines, filiales de Sinophil corp. HK) qui a formé avec le
Hollandais Larmag une joint venture (JV) ayant 45 % des parts, le
gouvernement turkmène (50 %) et Chelekenmorneftegaz (5 %). Le
contrat, signé dès 1991 pour une durée de 25 ans, est
renouvelable 10 ans à la discrétion de la JV. Un partage de
la production existante à 50/50 entre la JV et le Gouvernement
turkmène est prévu. La production dans d'autres zones à
partir de puits existants sera partagée à 50/50 et la production
issue de nouveaux puits appartiendra à 100 % à la JV.
L'entrée de Cheklenmorneftegaz à hauteur de 5 % en 1997 ne
bouleverse pas le partage de production initialement établi entre
Achkhabad et la JV. La production maximale visée est de 85.000 b/j
contre 8.000 b/j actuellement. Lamarg a investi 90 millions de
dollars cumulés depuis la signature de l'accord.
Par ailleurs, la société saoudienne Delta et Petronas, compagnie
malaisienne ont signé avec le Turkménistan un accord
d'exploitation offshore de pétrole et de gaz, dont elle sont les seuls
opérateurs.
Les difficultés du Turkménistan à trouver des clients
solvables et son enclavement sont autant de contraintes qui pèsent sur
les négociations autour de multiples projets.
b) L'exportation du pétrole turkmène
L'exportation du pétrole turkmène situé
à l'Ouest du pays
(offshore comme onshore)
s'inscrit dans le
cadre plus large de l'acheminement depuis les grands gisements azéris et
kazakhs
. En effet, les projets de routes vers le Sud et l'Ouest reliant le
Kazakhstan à l'Azerbaïdjan passent à proximité des
zones d'exploitation turkmènes (presqu'île de Cheleken notamment).
A l'Est du Turkménistan, la route actuelle passe par le Nord, de
Chardhzou à Pavlodar, d'où le brut poursuit sa route vers la
Russie. De son côté, le pétrole de l'Ouest turkmène
est actuellement évacué par rail vers le pipe de Chardhzou.
A ce jour, trois projets principaux sont pris en compte par les acteurs
internationaux :
-
La Route de l'Est et du Sud-est (Turkménistan - Pakistan)
-Central Asian Oil Pipeline (CAOP)-
avec la construction d'un
oléoduc parallèle au grand projet de gazoduc
Turkménistan-Pakistan. Long de 1.700 km, l'oléoduc serait
connecté à Chardhzou au réseau existant (ligne
Chardhzou-Pavlodar) pour aboutir à un terminal offshore qui serait
construit près de Gwadar (Pakistan). Les partenaires sont Unocal, Delta,
Gazprom et Turkmenrosgaz [joint venture regroupant Gazprom (44 %), le
gouvernement turkmène (51 %) et l'Américain Itera
(5 %)]. La signature du premier accord entre le Turkménistan,
Unocal et Delta a eu lieu en octobre 1995, suivi d'un second protocole d'accord
entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan pour
l'oléoduc. Sa capacité serait de 1 million b/j. Le
coût du projet est évalué à près de
3 milliards de dollars.
-
La route de l'Ouest (Turkménistan-Azerbaïdjan)
avec
la construction d'un " pipe " (oléoduc/gazoduc) reliant
Turkmenbashi à Bakou sous la Caspienne. Cette route sous-marine
aboutirait à l'oléoduc principal qui devrait se construire au
départ de Bakou (vers Batoumi/Soupsa et/ou Novorossisk).
-
La route du Sud-Ouest (Turkménistan - Turquie)
: un
mémorandum a été signé le
28 décembre 1996 par le Turkménistan, l'Iran et la
Turquie, portant sur la création d'un oléoduc vers la
Méditerranée. Il a été suivi d'un protocole
d'accord intervenu le 14 mai 1997.
L'ÉVACUATION DU PÉTROLE TURKMÈNE