II. DES RISQUES MAJEURS POUR L'ENVIRONNEMENT
L'Asie centrale a été longtemps interdite aux " étrangers " durant le régime soviétique. Ce n'est que depuis le milieu des années 80 que cette région s'est peu à peu ouverte, révélant, sur le plan de l'environnement, deux risques majeurs issus, en grande partie, de la politique menée par l'Union soviétique. Il s'agit, en premier lieu, du désastre de la mer d'Aral et, en second lieu, des pollutions d'origine nucléaire .
A. LA MER D'ARAL : UNE AGONIE PROGRAMMÉE
Si le niveau des mers est soumis naturellement à des oscillations en fonction des variations climatiques et des déformations de l'écorce terrestre. Mais la baisse dramatique du niveau de la mer d'Aral, depuis quarante ans, ne doit à peu près rien à ces facteurs naturels.
1. Les mirages de l'or blanc
La
spécialisation cotonnière de l'Asie centrale date du
XIXe siècle,
alors que les empires anglais et russe
s'affrontaient pour le contrôle du Turkestan. Par mesure de
rétorsion devant l'avancée des Russes vers l'Inde et
l'Afghanistan, Londres interdit l'accès de son marché aux
acheteurs russes. Pour soutenir l'industrie textile alors en plein essor autour
de Moscou, le gouvernement tsariste a entamé une politique
systématique d'aide à la production de coton dans ses nouvelles
colonies d'Asie centrale. L'extension du périmètre
irrigué, à partir des fleuves qui alimentent la mer d'Aral, a
entraîné une baisse du niveau de cette mer que les grandes
Géographies universelles
ont relevée dès le
début du siècle.
Mais, en systématisant l'intervention
humaine sur ces milieux fragiles, le pouvoir soviétique a rompu
définitivement les équilibres naturels
.
Depuis 1917, la production de coton a été fortement
encouragée en Asie centrale, entraînant l'extension des surfaces
irriguées.
L'extension des surfaces consacrées au coton a suivi la tendance
retracée dans le graphique ci-dessous :
Source : CFCE
La production brute de coton, qui de 0,6 million de tonnes en 1913 a
atteint 8 millions en 1989, concerne essentiellement l'Ouzbékistan
(66 %) et le Turkménistan (17%). Cette hausse provient, pour
partie, de l'élévation des rendements mais surtout de
l'accroissement des surfaces irriguées, passées de 2,2 à
7,1 millions d'hectares entre 1913 et 1987.
En outre, d'immenses travaux d'irrigation ont été menés
dans les années 30
(construction des canaux du bassin du Ferghana et
du Zerafchan) puis dans l'après-guerre (grand canal turkmène et
canal Amou-Daria-Boukhara). Parallèlement, l'encouragement à la
monoculture du coton a entraîné une désaffection
corrélative des cultures vivrières et des plantations
fourragères.
Paradoxalement, cet essor n'a pas toujours entraîné un
progrès qualitatif : une partie des nouvelles terres est trop
septentrionale et la durée d'ensoleillement trop courte pour permettre
aux meilleures variétés -coton à longue fibre- d'y
survivre. Si la sous-évaluation constante des surfaces
cotonnières a permis, durant de nombreuses années, de faire
état de prétendus " records " de rendements à
l'hectare, elle s'est en fait produite par l'augmentation constante des
surfaces irriguées.
Même si le développement de la chimie et de la métallurgie
opère lui aussi à des réelles ponctions pratiquées
sur l'eau disponible dans la région, c'est bien l'agriculture
cotonnière qui totalise 70 % de la consommation, près des
trois-quarts des prélèvements d'eau étant
définitivement perdus pour la mer : s'infiltrant dans le fond des
canaux en terre, ces prélèvements passent directement dans les
nappes phréatiques ou sont déversés après usage
dans d'autres cuvettes lacustres. Quant au quart restant, qui rejoint la mer,
il est chargé de sels et de produits chimiques.