III. L'ASIE CENTRALE : DE LA RUSSIE À L'URSS, DE L'URSS À LA RUSSIE
A. DE LA COLONISATION RUSSE À LA SOVIÉTISATION DE L'ASIE CENTRALE : UNE EMPREINTE INDÉLÉBILE
1. 350 ans d'expansion russe en Asie centrale
La
Russie et l'Asie centrale sont entrées en contact bien avant la
conquête russe du XIXe siècle.
Pendant sept siècles, du IXe siècle au milieu du XVIe
siècle, les ancêtres des Russes furent confrontés à
des voisins musulmans plus avancés techniquement, plus puissants
militairement, d'un niveau culturel plus élevé, en un mot plus
" civilisés ". Durant près de trois cents ans, du XIIIe
au XVe siècle, les principautés russes furent conquises et
soumises aux souverains musulmans de la Horde d'Or. Le souvenir du joug tatar
n'a pas disparu en Russie.
De 1450 à 1650, la Russie qui n'était qu'une Grande
Principauté, payant tribut au souverain musulman tatar de Kazan, devient
par ce jeu l'Empire des Tsars.
Après les victoires russes de 1552 et de 1556, sur les Khanats de
Kazan et d'Astrakhan, la Russie est le premier Etat européen à
avoir une population en partie musulmane
. Ses relations avec l'Asie
centrale, surtout les khanats ouzbèks, furent des relations d'Etat
à Etat. Durant trois siècles, la Russie est l'unique partenaire
européen des souverains ouzbèks, qui cherchèrent à
nouer des contacts avec ce pays pour désenclaver leur territoire.
Le règne de Pierre Ier (1689-1725) marque un tournant dans
l'histoire de l'expansion russe
. Les premiers traités entre la
Russie et le domaine kazakh ont été conclus entre 1700 et 1705
sous la forme de promesses d'allégeance de la part de plusieurs chefs
kazakhs, karakalpaks et même turkmènes, en échange de la
protection militaire russe contre les incursions djouhgares. A partir de 1730 a
commencé la longue pacification de l'espace kazakh, dont le but
n'était pas, alors, l'annexion mais l'établissement d'une
frontière d'où l'hégémonie russe
pourrait
s'étendre
dans la steppe et les échanges se
développer avec les marchés asiatiques. C'est avec le
règne de Catherine II, qu'a débuté une politique de
conquête et d'administration directe de l'espace kazakh, qui a
nécessité soixante-dix ans d'effort.
L'emprise politique et militaire russe a eu, dès le début du
XIXè siècle, un contenu économique (octroi des droits
de pâture, etc...).
Au Sud du domaine kazakh, la Russie a été mise en contact avec
les khanats ouzbèks dont la conquête s'est effectuée de
1853 à 1873. Parallèlement, la Russie a créé,
à partir de 1865, le cadre institutionnel de sa présence
coloniale en Asie centrale. Celle-ci a comporté, d'une part, les
territoires sous administration directe destinés à être
intégrés à l'Empire, et d'autre part, des territoires sous
tutelle, ou protectorats, dans les zones de contact avec la Grande-Bretagne. En
1881, après l'occupation de Khiva, intervient la soumission du pays
turkmène.
La conquête et la domination coloniale qui suivirent provoquèrent
au total peu de révoltes. L'agitation qui a marqué la
période de 1870 à 1895, a été le produit des
tensions propres aux sociétés d'Asie centrale, de
l'activité des soufies, des retombées de la conquête
coloniale, mais aussi des convulsions qui ébranlèrent l'Empire
tsariste dans son ensemble.