Audition de M. Jean-Louis GUIGOU
Délégué général de la DATAR
Résumé : La France continue de trop dépenser d'argent - environ 100 milliards de francs - pour les transports terrestres, et pas assez dans la formation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Or, ces investissements là sont absolument nécessaires : il faut porter nos efforts, massivement et sans compter, vers les jeunes. De même, ces nouvelles technologies doivent être l'occasion de moderniser l'Etat. Le développement de la société en réseau donne un coup de vieux aux hiérarchies traditionnelles, et ceci est inquiétant dans un Etat unitaire comme la France, moins disposé à bien vivre ce bouleversement que d'autres Etats, à structure fédérale par exemple.
1.
Il n'y aura pas de substitution possible entre la
mobilité physique et les nouvelles technologies de l'information et de
la communication : il s'agit de deux phénomènes se situant
dans un simple rapport de cumul et de synergie.
2.
Il y a un grand débat en France actuellement
entre
Politique de l'offre et Politique de la demande
. Nous sommes aujourd'hui
dans une perspective d'offre, dans une situation assez identique à celle
que nous avons connue il y a trente ans, lorsque ont été
construites de nombreuses routes et autoroutes : les Pouvoirs publics ont
à l'époque fait le pari que celles-ci se rempliraient
d'automobiles, à une époque où ces dernières
n'étaient pas aussi nombreuses qu'aujourd'hui. Cependant, l'analogie
avec cette période n'est pas vraiment possible car nous assistons, avec
la montée en puissance de l'utilisation des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, à un phénomène
culturel :
le problème n'est pas tant celui de l'offre que
celui de l'absence de demande, cette dernière étant le
" goulot d'étranglement " de ce développement
.
3
. Nous devons nous interroger sur Internet II, les réseaux
à grand débit qui permettent pour des scientifiques qui
manipulent et stockent de grandes quantités d'informations, de
bénéficier de réseaux câblés seuls
susceptibles de satisfaire leurs demandes.
4.
Je défends l'idée que nous dépensons toujours
trop d'argent (environ 100 milliards de francs annuels) sur les transports
terrestres et pas assez dans la formation aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication. Le paradoxe est donc que nous avons
aujourd'hui du mal à trouver 5 milliards de francs pour bâtir un
plan d'équipement multimedia des lycées et collèges !
Pourtant, son coût - évalué à 8 milliards en
incluant les abonnements ainsi qu'une salle multimedia par établissement
- est tout à fait à notre portée, d'autant que c'est vers
les jeunes qu'il faut porter nos efforts, massivement et sans compter.
5.
L'internationalisation des PME : il y a un effort essentiel
à faire en faveur de l'internationalisation des PME car, le territoire
français étant trop faiblement dense, il est difficile aux PME de
trouver des clients de proximité.
6.
Il faut moderniser les services publics par les nouvelles
technologies de l'information et de la communication
: des
études montrent que 30% de la mobilité quotidienne des citoyens
serait économisable par ce biais ! Deux grands secteurs sont
à moderniser :
la santé
(par le développement
du télé-diagnostic) et
l'Education nationale
(par le
développement du télé-enseignement). Ces nouvelles formes
de pratiques devraient modifier la donne et constituer un élément
essentiel d'une politique d'aménagement du territoire. On risque de
rapidement assister au même phénomène qu'aux Etats-Unis
où de plus en plus de cadres demandent à leurs patrons de
" troquer " des baisses de salaires en échange d'une mise
à leur disposition de services de télé-enseignement.
7.
Le développement de la société en
réseau donne un " coup de vieux " aux hiérarchies
classiques
. Ces dernières sont affaiblies par la montée
en puissance des compétences et seront rapidement
dévalorisées avec le temps. Ce phénomène est
inquiétant dans un Etat unitaire comme la France, moins disposé
à bien vivre ces bouleversements que les Etats à structure
fédérale par exemple. On peut voir réapparaître les
" villes-Etats " du temps passé.
8.
Dès qu'un réseau se forme émerge - en
anti-thèse à la consitution dudit réseau - un autre
phénomène :
la territorialisation
, sorte
d'identification des hommes à un lieu et signe d'appartenance à
un groupe, très forts. D'où le succès de la notion de
" pays " dans la Loi de Charles PASQUA sur l'aménagement du
territoire. Ce phénomène est patent tant en Italie, qu'en Espagne
ou en Grande-Bretagne, un peu moins en France.