Audition de Robert VERRUE
Directeur général de la DG XIII/Union Européenne
Résumé : Un phénomène technologique extraordinaire est en cours qui nous oblige à agir très vite dans le sens de l'adaptation de l'ensemble de nos réglementations et, plus largement, des modes de fonctionnement de nos sociétés, à ce que sera la société de l'information: un marché planétaire de l'information où régnera une concurrence permanente. Le phénomène de convergence technologique actuel pousse l'Europe à agir vite; l'intégration de la fonction enseignement dans le processus nous menant vers cette société est capitale faute de quoi la génération actuelle aurait de lourdes responsabilités pour les générations futures.
1.
La
Direction Générale XIII
comprend 5 directions dont une dépend d'Édith CRESSON, celle de
l'innovation (toutes technologies et domaines confondus). Les 4 autres,
rattachées à Martin BANGEMANN, travaillent sur la
société de l'information, selon le schéma suivant :
la conduite du processus de réforme réglementaire et de
libéralisation des télécommunications au plan
européen;
la conduite de programmes de recherche financés par le Programme Cadre
de l'Union Européenne et à fort contenu technologique portant sur
les technologies de communication (c'est dans ce département que sont
nés le GSM, l'ATM, la norme européenne DVB etc...;
la conduite de programmes de développement d'applications
télématiques à très forte coloration
sociétale, ici aussi avec le soutien financier de l'Union
Européenne. Il s'agit plus précisément d'un ensemble de
domaines dont les marchés ne s'occupent pas encore suffisamment et
touchant des secteurs comme la santé, l'éducation, les personnes
âgées, handicapés, l'environnement, le multimédia
éducatif.
2.
Un
phénomène technologique de très grande
portée
est en cours : nous vivons une véritable
révolution au travers de changements qui modifient de manière
extrêmement profonde nos modes de vie, de travail, de déplacement,
de communication dans nos sociétés. Ce phénomène
est appelé à se poursuivre sous l'effet d'évolutions
technologiques en constante accélération : la loi de
Moore
va continuer à jouer sur les vingt prochaines années. Il faut
donc éviter tout retard, sauf à prendre de sérieuses
responsabilités pour les générations futures.
3.
Or, l'Europe conserve un positionnement mondial très honorable
: classement des opérateurs mondiaux de
télécommunications, des industriels d'équipements en
télécommunications, de la maîtrise des technologies de
satellites. De plus, elle s'est décidée à
révolutionner le secteur des télécommunications
(Résolution du Conseil des Ministres de l'Union Européenne de
1994) pour relever le défi de la concurrence et de l'évolution
technologique. Le travail de l'Europe consiste aujourd'hui à conduire
la réforme réglementaire
vers un cadre ouvert et
fondé sur le marché. Il s'agit notamment de se mettre d'accord
sur le Service Universel, sur une politique de licences, une politique
d'interconnexion,...et de laisser ensuite les États, subsidiarité
oblige, transcrire tout cela en droit interne.
4.
Nous devons tenir
le calendrier
de cet important effort de
libéralisation pour deux raisons :
il est le seul susceptible de mettre en oeuvre des mécanismes
économiques qui vont engendrer des baisses de prix et la diversification
des services;
le démantèlement des monopoles (qui va générer des
réductions d'effectifs) est la seule manière de sortir par le
haut des évolutions technologiques en cours en mettant en place une
dynamique permettant une augmentation très substantielle de la demande
de services liés, au sens le plus large possible, à la
Société de l'Information;
5.
De nombreuses
applications nouvelles
apparaissent dans un
très grand nombre de domaines de la vie de nos sociétés et
leur diffusion peut être renforcée :
en faisant confiance à une cadre réglementaire
libéralisé organisant une concurrence effective;
en entreprenant des actions de démonstration et d'entraînement
nécessairement limitées (1,5 milliards Écus pour la
période 1994-1998). Ici le maître-mot doit être de se
concentrer sur des actions de démonstration à forte valeur
pédagogique.
6.
Pour l'avenir immédiat des 2 à 3 prochaines
années trois thèmes d'actions politiques paraissent
prioritaires
: (i) relever le défi de la Société de
l'Information pour nos systèmes d'
éducation
, (ii)
comprendre et anticiper les conséquences de l'accélération
des phénomènes de
convergence
technologique et (iii)
mettre en place les conditions nécessaires à l'expansion du
Commerce Électronique
.
7. L'Enseignement
: on ne construira pas la Société de
l'Information sans intégrer dans la fonction enseignement (au sens
large, à savoir la formation tout au long de la vie) une
familiarisation, par vagues aux technologies et au savoir-faire). Il faut ici
réunir 3 conditions :
· que les classes aient accès, à travers des
réseaux, à des services interactifs multimédia;
· que les encadrements soient formés;
· que les outils existent;
On a trop tendance à se concentrer sur le premier point alors que
l'essentiel ce sont les deux autres. La seconde condition se met en place trop
lentement : combien de Maîtres et de Professeurs sont prêts en
France à intégrer ces nouveaux outils à leur enseignement
? Le problème est de ne pas trop céder à la mode qui vient
des USA
("the school is on the net"; "wiring the school".
Culturellement, cette approche américaine ne peut pas être
transposée telle quelle chez nous. Il faut donc imaginer une autre
approche, mais vite. On ne peut effectivement pas attendre : nous disposons de
cinq ans maximum
. Dans dix ans, l'Europe centrale, le sud-est asiatique,
mais aussi certains pays du bassin méditerranéen (Turquie,
Égypte) auront des générations de jeunes
familiarisés aux nouvelles technologies de l'information.
8. La Convergence Technologique
(mariage des mondes de la
télévision, de l'informatique et des
télécommunications) va remettre en question le fait que ces
mondes font aujourd'hui l'objet d'approches réglementaires
différentes. Dans les 2 ans qui viennent un consensus devra être
dégagé sur ces questions.
9. Le Commerce Électronique
: nous sommes
grosso modo
dans
un calendrier équivalent à celui des USA (Le
Telecommunication
Act
américain daté de février 1996) pour la
libéralisation des télécommunications. Mais pour le
Commerce Électronique on en est encore au stade des balbutiements en
Europe alors que le phénomène est déjà en explosion
aux États-Unis. Les problèmes à régler sont ici
ceux de la protection de la propriété intellectuelle, de celle
des données personnelles, de la sécurité des transactions.
Tout part pour le moment dans le sens de l'anarchie totale. C'est pour le
moment un gigantesque
duty free shop
qui se met en place (taxer des
transactions par réseaux ? on n'a pas de réponse...). Il faut
trouver à terme très rapproché une série de
réponses opérationnelles à une série de
problèmes juridiques très difficiles comme par exemple celui de
la localisation de la responsabilité juridique).