5. Le plan Informatique pour tous
Déjà évoqué dans la partie du
précédent chapitre consacrée au rôle des NTIC dans
l'éducation, le plan informatique pour tous constitue un exemple de plus
des gabegies auxquelles conduit un certain volontarisme étatique.
Ce plan visait à mettre en place, dès la rentrée de 1985,
dans 50.000 établissements, plus de 120.000 machines et à
assurer la formation, pour la même date, de 110.000 enseignants. Son
coût était évalué à 1,8 milliard de francs
(1,5 milliard pour le matériel, le reste pour la formation et les
logiciels).
Rappelons-le une fois encore : ce ne sont pas les objectifs en cause qui
prêtent à la critique mais leurs modalités
financières et pratiques de mise en oeuvre.
Sur le plan financier, tout d'abord, les crédits budgétaires se
sont révélés insuffisants, compte tenu de l'importance des
dépenses à engager et des délais impartis. De sorte qu'il
a fallu recourir à la formule du crédit bail, incompatible avec
le principe de l'annualité budgétaire et faire intervenir,
irrégulièrement, le budget annexe des PTT pour payer les
annuités correspondantes.
Sur le plan pratique, en raison du caractère fermé et
propriétaire de l'Operating System (OS) des retards de plusieurs mois
ont été enregistrés dans la livraison des logiciels,
entraînant démotivation et pertes de savoir-faire chez les
enseignants par ailleurs trop rapidement formés. Ces derniers, dans leur
grande majorité, estiment ne pas avoir été mis en mesure
d'utiliser valablement l'informatique dans l'accomplissement de leur mission
éducative. Ils jugent, en outre, le temps passé devant les
consoles disproportionné par rapport à l'acquis
pédagogique escompté.
Mais la plus grande erreur du plan " Informatique pour Tous " fût de
s'appuyer sur un " operating system " (OS) propriétaire. Cette
démarche opposée à toute l'approche mondiale interdisait
d'utiliser tous les logiciels compatibles Apple ou Dos qui étaient
alors, déjà, les plus usités. Aussi, les fabricants de
contenus ne voulant pas se lancer dans de lourdes productions pour un
marché trop étroit, les enseignants ne disposèrent que de
quelques maigres produits à présenter à leurs
élèves.
Résultat : L'utilisation des ordinateurs n'atteint même pas trois
heures par mois et par élève dans plus de 60 % des
établissements. La qualité et l'utilité des logiciels sont
mises en cause avec un pourcentage d'insatisfaction qui atteint 55 % dans les
lycées.
Les contrats obtenus par l'industrie française ne lui permettront
même pas de rattraper tant soit peu son retard en micro-informatique qui
est notoire : malgré la commande, dans le cadre de ce plan, de
près de 100.000 machines, Thomson abandonne la partie en 1989 ainsi que
Matra. La CGCT sera vendue à Ericsson et Léanord à Siemens.
Une deuxième vague succède, en 1988, au plan "informatique pour
tous" avec l'opération "13.000 micros pour les collèges et les
lycées". Le montant budgétaire prévu est cette fois plus
modeste (100MF) et il est fait appel à du matériel haut de gamme,
installé par l'UGAP (Union des regroupements d'achats publics, organisme
placé sous la tutelle du ministère de l'Education nationale). 60
% des nouveaux ordinateurs achetés par l'Education nationale sont
désormais d'origine étrangère.
Les priorités vont à l'équipement des collèges,
à l'enseignement technologique (bureautique et productique) ainsi qu'aux
classes préparatoires à certaines grandes écoles
(biologie, HEC...).
Mais une enquête réalisée en 1992 révèle
qu'à peine 15 à 20 % des enseignants déclarent utiliser
l'informatique en classe.
Une conclusion s'impose : déconcentrer les équipements qui
deviennent rapidement obsolètes et en transférer ainsi le
coût de renouvellement de l'Etat aux collectivités locales risque
de créer de fortes disparités.