2°/ LES DÉCHETS CONTENANT DU PLUTONIUM
Le plutonium est un élément artificiel, qui n'existe plus dans la nature, obtenu dans le coeur des réacteurs nucléaires par la transformation, sous l'effet du flux de neutrons, d'une partie de l'uranium qui compose le combustible.
Ainsi, en France, les réacteurs d'EDF produisent chaque année environ onze tonnes de plutonium.
Il existe plusieurs isotopes 10 ( * ) du plutonium : Pu 238, 239, 240, 241, 242, 243.
Si tous les isotopes du plutonium sont fissibles, c'est-à-dire susceptibles d'éclater sous un flux de neutrons rapides, le plutonium 239 est également fissile, c'est-à-dire susceptible d'éclater sous l'action de neutrons thermiques à faible énergie. Pour la fabrication des armes nucléaires, on utilise principalement du plutonium 239, considéré comme du plutonium de "qualité militaire".
Il serait certainement possible de fabriquer des armes avec du plutonium "civil" mais, selon les experts, la fabrication serait plus complexe et les effets plus incertains. Il serait également possible de produire du plutonium 239 dans des réacteurs civils ordinaires en déchargeant le combustible au bout de quelques jours d'utilisation, mais une telle pratique est formellement prohibée par le Traité de non-prolifération et l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) de Vienne surveille étroitement les centrales et les usines de retraitement pour éviter tout risque de fraude.
A/ Le plutonium est un élément radioactif particulièrement dangereux
Les différents isotopes du plutonium sont avant tout des émetteurs de rayonnements alpha. Ces rayonnements alpha n'ont qu'une très faible force de pénétration : une simple feuille de papier suffit à les arrêter.
Quand on visite les installations de la DAM, après avoir pendant longtemps fréquenté les sites nucléaires "civils", on est au départ surpris de constater que les précautions prises pour manipuler les éléments radioactifs sont apparemment beaucoup moins contraignantes que celles qui sont exigées en présence d'émetteurs de rayonnements gamma, dont il faut se protéger par des fortes épaisseurs de béton ou de plomb.
La manipulation du plutonium et des objets qu'il a contaminés se fait en effet dans des boîtes à gants où les opérateurs sont simplement protégés par des vitres et par le latex de leurs gants.
Cette apparente facilité des manipulations ne doit cependant pas faire oublier que le plutonium fait partie du groupe des radioéléments les plus dangereux, et qu'il doit être utilisé avec la plus extrême prudence et en respectant les règles de protection adéquates.
Le plutonium est tout d'abord dangereux parce qu'il a une durée de vie très longue, la période ou demi-vie du Pu 239 étant en effet de 24 000 ans, ce qui signifie qu'à l'issue de cette période, la moitié seulement des atomes de plutonium auront disparu en se transformant en d'autres éléments.
Mais c'est surtout sa très forte toxicité qui rend le plutonium particulièrement dangereux quand il pénètre dans un organisme vivant soit par ingestion, soit par inhalation, soit encore par une blessure de la peau. En cas de contamination interne, la radiotoxicité du plutonium ne se répartit pas de façon uniforme au sein de l'organisme mais se concentre sur quelques organes : les poumons, le foie et le squelette. Comme tous les métaux lourds, le plutonium présente aussi une forte toxicité chimique qui agit, elle aussi, sur certains organes : reins, système nerveux, ....
Comme l'a fort justement rappelé la CRII-RAD 11 ( * ) : "Tous les radioéléments n'ont pas la même radiotoxicité. L'inhalation de 100 Becquerels de plutonium 239 ne délivrera pas la même quantité d'énergie aux tissus que celle de 100 Becquerels de césium 137 ou de 100 Becquerels de potassium [...] il a donc fallu établir pour chaque radionucléide des Limites Annuelles d'Incorporation (LAI) spécifiques."
De nouvelles LAI ont été recalculées en 1991 en prenant en compte les nouvelles limites de dose et les nouveaux facteurs de pondération des tissus recommandés par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR 60).
Toute manipulation du plutonium présente des risques importants et doit se faire avec un maximum de précautions. Il est donc regrettable que certains spécialistes du nucléaire cherchent à quelque peu banaliser l'usage du plutonium en minimisant ses dangers. On ne peut, par exemple, que rester effaré devant un passage d'un rapport de l'Agence pour l'Energie Nucléaire de l'OCDE où l'on affirme tranquillement, en le soulignant, que "le plutonium est loin d'être la matière exceptionnellement dangereuse que l'on s'imagine communément" 12 ( * ) .
En revanche, l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) reconnaissait, dans une note de 1996 sur la radioprotection dans le cycle du plutonium, que l'utilisation de cet élément comporte "les situations les plus complexes en ce qui concerne les risques radiologiques pour le personnel" .
Même si le texte qui entoure cette affirmation montre bien que le plutonium est une matière toxique qu'il faut manipuler avec précaution, cette phrase, dans un ouvrage qui peut être répandu dans le grand public, est pour le moins malheureuse.
Pour que les choses soient bien claires, j'aurais préféré que le plutonium ne soit jamais découvert mais, à partir du moment où il existe, le principal est désormais de veiller au respect strict des précautions dans son utilisation et d'empêcher que les déchets qu'il contamine puissent à un moment quelconque présenter une menace pour l'environnement ou la santé humaine.
* 10 Isotope : élément chimique ayant le même nombre de protons et d'électrons mais un nombre différent de neutrons.
* 11 Le Cri du RAD, Spécial plutonium. Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la Radioactivité, n° 12 13, automne 1990.
* 12 Le combustible au plutonium, Agence pour l'Energie Nucléaire de l'OCDE, Paris 1989, page 30.